Beau Temps Quotes

We've searched our database for all the quotes and captions related to Beau Temps. Here they are! All 58 of them:

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Il faut ĂȘtre l'homme de la pluie et l'enfant du beau temps.
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René Char (Le Marteau sans maßtre)
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Elle lui demanda en quoi un jour de pluie pouvait ĂȘtre beau : il lui Ă©numĂ©ra les nuances de couleurs que prendraient le ciel, les arbres et les toits lorsqu'ils se promĂšneraient tantĂŽt, de la puissance sauvage avec laquelle leur apparaĂźtrait l'ocĂ©an, du parapluie qui les rapprocherait pendant la marche, de la joie qu'ils auraient Ă  se rĂ©fugier ici pour un thĂ© chaud, des vĂȘtements qui sĂ©cheraient auprĂšs du feu, de la langueur qui en dĂ©coulerait, de l'opportunitĂ© qu'ils auraient de faire plusieurs fois l'amour, du temps qu'ils prendraient Ă  se raconter leur vie sous les draps du lit, enfants protĂ©gĂ©s par une tente de la nature dĂ©chaĂźnĂ©e...
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Éric-Emmanuel Schmitt (Odette Toulemonde et autres histoires)
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Je sais pourtant que si on s'Ă©tait embrassĂ©s, je serais reparti le cƓur content, me foutant de la pluie ou du beau temps, puisque je comptais un peu pour toi. Je sais que ce baiser m'aurait accompagnĂ© partout et pendant longtemps, comme un souvenir radieux auquel me raccrocher dans les moments de solitude. Mais aprĂšs tout, certains disent que les plus belles histoires d'amour sont celles qu'on n'a pas eu le temps de vivre. Peut-ĂȘtre alors que les baisers qu'on ne reçoit pas sont aussi les plus intenses.
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Guillaume Musso (Que serais-je sans toi?)
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La constitutionnalisation du droit au beau temps Ă©tait dans les tuyaux, mais sa sanction juridique n’était pas Ă©vidente.
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Antoine Buéno (Le Soupir de l'immortel)
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It was nice to kill time. But the time buries us before... (On a beau tuer le temps, - Il nous enterre avant)
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Charles de Leusse
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Mais le plus beau voyage dans le temps que je connaisse c’est celui que procure la lecture. On vous croit dans cette piùce alors que vous vagabondez dans d’autres siùcles. Et cela sans faire le moindre bruit.
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Dany LaferriĂšre (L'art presque perdu de ne rien faire)
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Mais comment font ces autres Ă  qui tout rĂ©ussit? Qu’on me dise mes fautes, mes chimĂšres aussi. Moi j’offrirais mon Ăąme, mon coeur et tout mon temps, mais j’ai beau tout donner, tout n’est pas suffisant. ... S’il suffisait qu’on s’aime, s’il suffisait d’aimer, si l’on changeait les choses un peu, rien qu’en aimant donner. S’il suffisait qu’on s’aime, s’il suffisait d’aimer, je ferais de ce monde un rĂȘve, une Ă©ternitĂ©.
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CĂ©line Dion
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Le chien est un animal si difforme, d’un caractĂšre si dĂ©sordonnĂ©, que de tout temps il a Ă©tĂ© considĂ©rĂ© comme un monstre, nĂ© et formĂ© en dĂ©pit de toutes les lois. En effet, lorsque le repos est l’état naturel, comment expliquer qu’un animal soit toujours remuant, affairĂ©, et cela sans but ni besoin, lors mĂȘme qu’il est repu et n’a point peur ? Lorsque la beautĂ© consiste universellement dans la souplesse, la grĂące et la prudence, comment admettre qu’un animal soit toujours brutal, hurlant, fou, se jetant au nez des gens, courant aprĂšs les coups de pied et les rebuffades ? Lorsque le favori et le chef-d’oeuvre de la crĂ©ation est le chat, comment comprendre qu’un animal le haĂŻsse, coure sur lui sans en avoir reçu une seule Ă©gratignure, et lui casse les reins sans avoir envie de manger sa chair ? Ces contrariĂ©tĂ©s prouvent que les chien sont des damnĂ©s ; trĂšs certainement les Ăąmes coupables et punies passent dans leurs corps. Elles y souffrent : c’est pourquoi ils se tracassent et s’agitent sans cesse. Elles ont perdu la raison : c’est pourquoi ils gĂątent tout, se font battre, et sont enchaĂźnĂ©s les trois quarts du jour. Elles haĂŻssent le beau et le bien : c’est pourquoi ils tĂąchent de nous Ă©trangler.
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Hippolyte Taine
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La mort ne prend pas de temps de pause. Elle ne connaĂźt ni les grandes vacances, ni les jours fĂ©riĂ©s, ni les rendez-vous chez le dentiste. Les heures creuses, les pĂ©riodes de grands dĂ©parts, l’autoroute du Soleil, les trente-cinq heures, les congĂ©s payĂ©s, les fĂȘtes de fin d’annĂ©e, le bonheur, la jeunesse, l’insouciance, le beau temps, tout cela, elle s’en fiche. Elle est lĂ , partout, tout le temps. Personne n’y pense vraiment, sinon on devient fou. Elle est comme un chien qui slalomerait dans nos jambes en permanence, mais dont on ne s’aperçoit de la prĂ©sence que le jour oĂč il nous mord. Ou, pire, oĂč il mord un proche.
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Valérie Perrin (Changer l'eau des fleurs)
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Maussade, elle regardait la pluie s'abatter sur la forĂȘt landaise. - Quel sale temps! - Tu te trompes, ma chĂ©rie. - Quoi? Viens mettre le nez dehors. Tu verras Ă  quel point le ciel dĂ©gouline! - Justement. Il s'avança sur la terrasse, approcha du jardin Ă  la limite des gouttes et, narines gonflĂ©es, oreilles dressĂ©es, nuque renversĂ©e pour mieux sentir le souffle humide sur sa figure, il murmura les yeux mi-clos en reniflant le ciel mercure: - C'est un beau jour de pluie. Il semblait sincĂšre. Ce jour-lĂ , elle acquit deux certitudes dĂ©finitives: il l'agaçait profondĂ©ment et, si elle le pouvait, elle ne le quitterait jamais.
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Éric-Emmanuel Schmitt (Odette Toulemonde et autres histoires)
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Eh bien, toi, qu'est-ce qui t'arrive ? Il fait si beau temps. [...] Quelle mouche t'a piqué ? - Je n'ai rien, dit Joachim. Mais tu as l'air échauffé. Je crois que c'en soit fini de ta baisse de température." En effet, c'en était fini. La dépression humiliante de l'organisme de Hans Castorp était surmontée par le salut qu'il avait échangé avec Clawdia Chauchat, et, à proprement parler, c'était à la conscience qu'il avait de ce fait que tenait en réalité sa satisfaction. Oui. Joachim avait eu raison : le mercure reprenait son ascension. Lorsque Hans Castorp, de retour de sa promenade, le consulta, il monta jusqu'à 38 degrés.
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Thomas Mann (The Magic Mountain)
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— Peut-ĂȘtre, oui, mais il ne rĂ©flĂ©chit jamais. — C'est difficile d'ĂȘtre jeune. Parfois, on a beau rĂ©flĂ©chir, on ne trouve pas de solution. Ils retournĂšrent un moment Ă  leur contemplation silencieuse des flammes. Chacun suivait le cours de ses propres pensĂ©es, et le temps s'Ă©coulait pour eux selon des chemins sĂ©parĂ©s.
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Haruki Murakami (After the Quake)
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Le temps a laissié son manteau De vent, de froidure et de pluye, Et s'est vestu de brouderie, De soleil luyant, cler et beau.     Il n'y a beste, ne oyseau, Qu'en son jargon ne chante ou crie : Le temps a laissié son manteau !     Riviere, fontaine et ruisseau Portent, en livree jolie, Gouttes d'argent, d'orfaverie, Chascun s'abille de nouveau : Le temps a laissié son manteau !
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Charles d'Orléans
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Cette finesse-lĂ  a Ă©tĂ© trouvĂ©e dĂšs le paradis terrestre. Mes amis, l’invention est vieille, mais elle est toute neuve. Profitez-en. Soyez Daphnis et ChloĂ© en attendant que vous soyiez PhilĂ©mon et Baucis. Faites en sorte que, quand vous ĂȘtes l’un avec l’autre, rien ne vous manque, et que Cosette soit le soleil pour Marius, et que Marius soit l’univers pour Cosette. Cosette, que le beau temps, ce soit le sourire de votre mari ; Marius, que la pluie, ce soit les larmes de ta femme. Et qu’il ne pleuve jamais dans votre mĂ©nage. Vous avez chipĂ© Ă  la loterie le bon numĂ©ro, l’amour dans le sacrement ; vous avez le gros lot, gardez-le bien, mettez-le sous clef, ne le gaspillez pas, adorez-vous, et fichez-vous du reste. Croyez ce que je dis lĂ . C’est du bon sens. Bon sens ne peut mentir. Soyez-vous l’un pour l’autre une religion. Chacun a sa façon d’adorer Dieu. Saperlotte ! la meilleure maniĂšre d’adorer Dieu, c’est d’aimer sa femme. Je t’aime ! voilĂ  mon catĂ©chisme. Quiconque aime est orthodoxe.
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Victor Hugo (Les Misérables)
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Certes, le beau visage de ma mĂšre brillait encore de jeunesse ce soir-lĂ  oĂč elle me tenait si doucement les mains et cherchait Ă  arrĂȘter mes larmes ; mais justement il me semblait que cela n’aurait pas dĂ» ĂȘtre, sa colĂšre eĂ»t Ă©tĂ© moins triste pour moi que cette douceur nouvelle que n’avait pas connue mon enfance ; il me semblait que je venais d’une main impie et secrĂšte de tracer dans son Ăąme une premiĂšre ride et d’y faire apparaĂźtre un premier cheveu blanc. Cette pensĂ©e redoubla mes sanglots, et alors je vis maman, qui jamais ne se laissait aller Ă  aucun attendrissement avec moi, ĂȘtre tout d’un coup gagnĂ©e par le mien et essayer de retenir une envie de pleurer.
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Marcel Proust (Du cĂŽtĂ© de chez Swann (À la recherche du temps perdu, #1))
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Il y a quelqu'un que je n'ai encore jamais eu envie de tuer. C'est toi. Tu peux marcher dans les rues, tu peux boire et marcher dans les rues, je ne te tuerai pas. N'aie pas peur. La ville est sans danger. Le seul danger dans la ville, c'est moi. Je marche, je marche dans les rues, je tue. Mais toi, tu n'as rien Ă  craindre. Si je te suis, c'est parce que j'aime le rythme de tes pas. Tu titubes. C'est beau. On pourrait dire que tu boites. Et que tu es bossu. Tu ne l'es pas vraiment. De temps en temps tu te redresses, et tu marches droit. Mais moi, je t'aime dans les heures avancĂ©es de la nuit, quand tu es faible, quand tu trĂ©buches, quand tu te voĂ»tes. Je te suis, tu trembles. De froid ou de peur. Il fait chaud pourtant. Jamais, presque jamais, peut-ĂȘtre jamais il n'avait fait si chaud dans notre ville. Et de quoi pourrais-tu avoir peur? De moi? Je ne suis pas ton ennemi. Je t'aime. Et personne d'autre ne pourrait te faire du mal. N'aie pas peur. je suis lĂ . Je te protĂšge. Pourtant, je souffre aussi. Mes larmes - grosses gouttes de pluie - me coulent sur le visage. La nuit me voile. La lune m'Ă©claire. Les nuages me cachent. Le vent me dĂ©chire. J'ai une sorte de tendresse pour toi. Cela m'arrive parfois. Tres rarement. Pourquoi pour toi? Je n'en sais rien. Je veux te suivre trĂšs loin, partout, longtemps. Je veux te voir souffrir encore plus. Je veux que tu en aies assez de tout le reste. Je veux que tu viennes me supplier de te prendre. Je veux que tu me dĂ©sires. Que tu aies envie de moi, que tu m'aimes, que tu m'appelles. Alors, je te prendrai dans mes bras, je te serrerai sur mon coeur, tu seras mon enfant, mon amant, mon amour. Je t'emporterai. Tu avais peur de naĂźtre, et maintenant tu as peur de mourir. Tu as peur de tout. Il ne faut pas avoir peur. Il y a simplement une grande roue qui tourne. Elle s'appelle ÉternitĂ©. C'est moi qui fais tourner la grande roue. Tu ne dois pas avoir peur de moi. Ni de la grande roue. La seule chose qui puisse faire peur, qui puisse faire mal, c'est la vie, et tu la connais dĂ©jĂ .
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Ágota Kristóf
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Le droit qui triomphe n'a nul besoin d'ĂȘtre violent. Le droit, c'est le juste et le vrai. Le propre du droit, c'est de rester Ă©ternellement beau et pur. Le fait, mĂȘme le plus nĂ©cessaire en apparence, mĂȘme le mieux acceptĂ© des contemporains, s'il n'existe que comme fait et s'il ne contient que trop peu de droit ou point du tout de droit, est destinĂ© infailliblement Ă  devenir, avec la durĂ©e du temps, difforme, immonde, peut-ĂȘtre mĂȘme monstrueux. (...) Cette lutte du droit et du fait dure depuis l'origine des sociĂ©tĂ©s. Terminer le duel, amalgamer l'idĂ©e pure avec la rĂ©alitĂ© humaine, faire pĂ©nĂ©trer pacifiquement le droit dans le fait et le fait dans le droit, voilĂ  le travail des sages.
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Victor Hugo (Les Misérables)
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qui sait alors s’il n’y aurait pas moyen de retrouver pour l’esthĂ©tique ce que le stoĂŻcisme avait inventĂ© pour la morale ? – L’art grec n’était pas un art, c’était la constitution radicale de tout un peuple, de toute une race, du pays mĂȘme. Les montagnes y avaient des lignes tout autres et Ă©taient de marbre pour les sculpteurs, etc. Le temps est passĂ© du beau. L’humanitĂ©, quitte Ă  y revenir, n’en a que faire pour le quart d’heure. Plus il ira, plus l’art sera scientifique, de mĂȘme que la science deviendra artistique. Tous deux se rejoindront au sommet aprĂšs s’ĂȘtre sĂ©parĂ©s Ă  la base. Aucune pensĂ©e humaine ne peut prĂ©voir, maintenant, Ă  quels Ă©blouissants soleils psychiques Ă©clore-ront les Ɠuvres de l’avenir. – En attendant, nous sommes
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Gustave Flaubert (GUSTAVE FLAUBERT: Correspondance - Tome 2 -1851-1858 (French Edition))
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-Tu est amoureux, prononce-t-elle. -Hein? -Tu as beau jouer les machos, tu est amoureux de moi. What? -T'as fumĂ©, qu'est-ce que tu racontes? -MalgrĂ© les dangers, tu restes toujours prĂšs de moi.J'essaie de te dĂ©courager, et tu ne pars pas.C'est une belle dĂ©finition de l'amour. -Euh non, c'est une dĂ©finition de merde. Elle tourne sur elle-mĂȘme, me tire la langue, toute fiĂšre. -Tu peux me dire ce que tu voudras.Je le sais, maintenant.J'en suis convaincue. -Et? -Et ça fait du bien. Je n'ai pas le temps de lui dire qu'elle est complĂštement folle, et qu'est-ce que c'est cette maniĂšre de prĂ©tendre que je suis amoureux, et elle se prend pour qui, et de toute façon c'est quoi l'amour, et si ça se trouve je vais me barrer demain et elle l'aura cherchĂ©, quand elle se glisse dans mes bras pour m'embrasser. Bon, d'accord, je suis peut-ĂȘtre amoureux.
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Olivier Gay (L'Évasion (Le noir est ma couleur, #4))
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J’étais tout de mĂȘme heureux comme un enfant nĂ© dans une prison ou dans un hĂŽpital et qui ayant cru longtemps que l’organisme humain ne peut digĂ©rer que du pain sec et des mĂ©dicaments, a appris tout d’un coup que les peches, les abricots, le raisin, ne sont pas une simple parure de la campagne, mais des aliments dĂ©licieux et assimilables. MĂȘme si son geĂŽlier ou son garde-malade ne lui permettent pas de cueillir ce beux fruits, le monde cependant lui paraĂźt meilleur et l’existence plus clĂ©mente. Car un dĂ©sir nous semple plus beau, nous nous appuyons Ă  lui avec plus de confiance quand nous savons d’en dehors de nous la rĂ©alitĂ© s’y conforme, mĂȘme si pour nous il n’est pas rĂ©alisable. Et nous pensons avec plus de joie Ă  une vie oĂč, Ă  condition que nous Ă©cartions pour un instant de notre pensĂ©e le petit obstacle accidentel et particulier qui nous empĂȘche personnellement de le faire, nous pouvons nous imaginer l’assouvissant.
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Marcel Proust (À la recherche du temps perdu, Tome II)
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..j’étais tout de mĂȘme heureux comme un enfant nĂ© dans une prison ou dans un hĂŽpital et qui, ayant cru longtemps que l’organisme humain ne peut digĂ©rer que du pain sec et des mĂ©dicaments, a appris tout d’un coup que les pĂȘches, les abricots, le raisin, ne sont pas une simple parure de la campagne, mais des aliments dĂ©licieux et assimilables. MĂȘme si son geĂŽlier ou son garde-malade ne lui permettent pas de cueillir ces beaux fruits, le monde cependant lui paraĂźt meilleur et l’existence plus clĂ©mente. Car un dĂ©sir nous semble plus beau, nous nous appuyons Ă  lui avec plus de confiance quand nous savons qu’en dehors de nous la rĂ©alitĂ© s’y conforme, mĂȘme si pour nous il n’est pas rĂ©alisable. Et nous pensons avec plus de joie Ă  une vie oĂč, Ă  condition que nous Ă©cartions pour un instant de notre pensĂ©e le petit obstacle accidentel et particulier qui nous empĂȘche personnellement de le faire, nous pouvons nous imaginer l’assouvissant
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Marcel Proust (À la recherche du temps perdu, Tome II)
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Ses visites Ă©taient la grande distraction de ma tante LĂ©onie qui ne recevait plus guĂšre personne d’autre, en dehors de M. le CurĂ©. Ma tante avait peu Ă  peu Ă©vincĂ© tous les autres visiteurs parce qu’ils avaient le tort Ă  ses yeux de rentrer tous dans l’une ou l’autre des deux catĂ©gories de gens qu’elle dĂ©testait. Les uns, les pires et dont elle s’était dĂ©barrassĂ©e les premiers, Ă©taient ceux qui lui conseillaient de ne pas « s’écouter » et professaient, fĂ»t-ce nĂ©gativement et en ne la manifestant que par certains silences de dĂ©sapprobation ou par certains sourires de doute, la doctrine subversive qu’une petite promenade au soleil et un bon bifteck saignant (quand elle gardait quatorze heures sur l’estomac deux mĂ©chantes gorgĂ©es d’eau de Vichy !) lui feraient plus de bien que son lit et ses mĂ©decines. L’autre catĂ©gorie se composait des personnes qui avaient l’air de croire qu’elle Ă©tait plus gravement malade qu’elle ne pensait, qu’elle Ă©tait aussi gravement malade qu’elle le disait. Aussi, ceux qu’elle avait laissĂ© monter aprĂšs quelques hĂ©sitations et sur les officieuses instances de Françoise et qui, au cours de leur visite, avaient montrĂ© combien ils Ă©taient indignes de la faveur qu’on leur faisait en risquant timidement un : « Ne croyez-vous pas que si vous vous secouiez un peu par un beau temps », ou qui, au contraire, quand elle leur avait dit : « Je suis bien bas, bien bas, c’est la fin, mes pauvres amis », lui avaient rĂ©pondu : « Ah ! quand on n’a pas la santĂ© ! Mais vous pouvez durer encore comme ça », ceux-lĂ , les uns comme les autres, Ă©taient sĂ»rs de ne plus jamais ĂȘtre reçus. Et si Françoise s’amusait de l’air Ă©pouvantĂ© de ma tante quand de son lit elle avait aperçu dans la rue du Saint-Esprit une de ces personnes qui avait l’air de venir chez elle ou quand elle avait entendu un coup de sonnette, elle riait encore bien plus, et comme d’un bon tour, des ruses toujours victorieuses de ma tante pour arriver Ă  les faire congĂ©dier et de leur mine dĂ©confite en s’en retournant sans l’avoir vue, et, au fond admirait sa maĂźtresse qu’elle jugeait supĂ©rieure Ă  tous ces gens puisqu’elle ne voulait pas les recevoir. En somme, ma tante exigeait Ă  la fois qu’on l’approuvĂąt dans son rĂ©gime, qu’on la plaignĂźt pour ses souffrances et qu’on la rassurĂąt sur son avenir.
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Marcel Proust (Du cĂŽtĂ© de chez Swann (À la recherche du temps perdu, #1))
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Les choses auxquelles on tenait le plus, vous vous dĂ©cidez un beau jour Ă  en parler de moins en moins, avec effort quand il faut s’y mettre. On en a bien marre de s’écouter toujours cau-ser
 On abrĂšge
 On renonce
 Ça dure depuis trente ans qu’on cause
 On ne tient plus Ă  avoir raison. L’envie vous lĂąche de garder mĂȘme la petite place qu’on s’était rĂ©servĂ©e parmi les plaisirs
 On se dĂ©goĂ»te
 Il suffit dĂ©sormais de bouffer un peu, de se faire un peu de chaleur et de dormir le plus qu’on peut sur – 520 – le chemin de rien du tout. Il faudrait pour reprendre de l’intĂ©rĂȘt trouver de nouvelles grimaces Ă  exĂ©cuter devant les autres
 Mais on n’a plus la force de changer son rĂ©pertoire. On bre-douille. On se cherche bien encore des trucs et des excuses pour rester lĂ  avec eux les copains, mais la mort est lĂ  aussi elle, puante, Ă  cĂŽtĂ© de vous, tout le temps Ă  prĂ©sent et moins mystĂ©-rieuse qu’une belote. Vous demeurent seulement prĂ©cieux les menus chagrins, celui de n’avoir pas trouvĂ© le temps pendant qu’il vivait encore d’aller voir le vieil oncle Ă  Bois-Colombes, dont la petite chanson s’est Ă©teinte Ă  jamais un soir de fĂ©vrier. C’est tout ce qu’on a conservĂ© de la vie. Ce petit regret bien atroce, le reste on l’a plus ou moins bien vomi au cours de la route, avec bien des efforts et de la peine. On n’est plus qu’un vieux rĂ©verbĂšre Ă  souvenirs au coin d’une rue oĂč il ne passe dĂ©jĂ  presque plus personne.
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Louis-Ferdinand CĂ©line (Journey to the End of the Night)
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Nous nous tĂ»mes l'un et l'autre ; pendant que nous attendions, je l'examinai. Un homme petit et rĂąblĂ©, brun comme un grain de cafĂ©, ayant peut-ĂȘtre une tendance Ă  engraisser, mais pour le moment excessivement mince. Les rides profondes de son visage et de son cou n'Ă©taient pas seulement dues aux annĂ©es et aux intempĂ©ries : elles indiquaient Ă  ne pas s'y tromper les endroits oĂč la chair ou la graisse avait fondu et oĂč la peau s'Ă©tait dĂ©tendue. Le cou Ă©tait simplement une surface oĂč s'entrecroisaient les sillons et les rides et portait les traces laissĂ©es par le soleil brĂ»lant du dĂ©sert. L'ExtrĂȘme-Orient, les Tropiques, le dĂ©sert, chaque rĂ©gion laissait sa marque colorĂ©e. Mais toutes les trois Ă©taient diffĂ©rentes ; et un Ɠil qui avait su une fois pouvait ainsi les distinguer aisĂ©ment. La pĂąleur bistrĂ©e pour le premier ; le brun rouge et violent pour la seconde ; et pour le troisiĂšme, le hĂąle sombre et profond qui avait pris, semblait-il, le caractĂšre d'une coloration permanente. Mr. Corbeck avait une grosse tĂȘte pleine et massive ; avec des cheveux en dĂ©sordre, d'un brun-rouge foncĂ©, dĂ©garnis sur les tempes. Son front Ă©tait beau, haut et large ; et pour employer les termes de la physiognomonie, le sinus frontal Ă©tait hardiment marquĂ©. Sa forme carrĂ©e traduisait l'esprit raisonneur ; et la plĂ©nitude sous les yeux le don des langues. Il avait le nez court et large qui dĂ©note l'Ă©nergie ; le menton carrĂ© - qu'on discernait malgrĂ© la barbe Ă©paisse et non soignĂ©e - et la mĂąchoire massive qui montrent l'esprit de dĂ©cision. « Un homme pas mal pour le dĂ©sert ! » me disais-je en le regardant.
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Bram Stoker (Oeuvres)
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Cette sĂ©paration alchimique, si dangereuse que les philophes hermĂ©tiques n’en parlaient qu’à mots couverts, si ardue que de longues vies s’étaient usĂ©es en vain Ă  l’obtenir, il l’avait confondue jadis avec une rĂ©bellion facile. Puis, rejetant ce fatras de rĂȘvasseries aussi antiques que l’illusion humaine, ne retenant de ses maĂźtres alchimistes que quelques recettes pragmatiques, il avait choisi de dissoudre et de coaguler la matiĂšre dans le sens d’une expĂ©rimentation faite avec le corps des choses. Maintenant, les deux branches de la parabole se rejoignaient ; la mors philosophica, s’était accomplie : l’opĂ©rateur brĂ»lĂ© par les acides de la recherche Ă©tait Ă  la fois sujet et objet, alambic fragile et, au fond du rĂ©ceptacle, prĂ©cipitĂ© noir. L’expĂ©rience qu’on avait cru pouvoir confiner Ă  l’officine s’était Ă©tendue Ă  tout. S’en suivait-il que les phases subsĂ©quentes de l’aventure alchimique fussent autre chose que des songes, et qu’un jour il connaĂźtrait aussi la puretĂ© ascĂ©tique de l’ ƒuvre au Blanc, puis le triomphe de l’esprit et des sens qui caractĂ©rise l’ ƒuvre au Rouge ? Du fond de la lĂ©zarde naissait une ChimĂšre. Il disait Oui par audace, comme autrefois par audace il avait dit Non. Il s’arrĂȘtait soudain, tirant violemment sur ses propres rĂȘnes. La premiĂšre phase de l’ƒuvre avait demandĂ© toute sa vie. Le temps et les forces manquaient pour aller plus loin, Ă  supposer qu’il y eĂ»t une route, et que par cette route un homme pĂ»t passer. Ou ce pourrissement des idĂ©es, cette mort des instincts, ce broiement des formes preque insupportables Ă  la nature humaine seraient rapidement suivis par la mort vĂ©ritable, et il serait curieux de voir par quelle voie, ou l’esprit revenu des domaines du vertige reprendrait ses routines habituelles, muni seulement de facultĂ©s plus libres et comme nettoyĂ©es. Il serait beau d’en voir les effets.
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Marguerite Yourcenar
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J'achĂšte un roman marocain d'expression française le vendredi. Je commence Ă  le lire le samedi et dĂšs les premiĂšres pages, je crie: "Encore un qui croit que la littĂ©rature, c'est raconter son enfance et sublimer ou dramatiser son passĂ©. Je me dis; "continue quand mĂȘme, il a ratĂ© le dĂ©but mais tu trouveras sĂ»rement quelque chose de beau plus loin." Rien, walou, nada, niet. chercher des effets de styles, une narration travaillĂ©e, un souffle, une sensibilitĂ©, une sincĂ©ritĂ© est inutile. Tout sonne faux. Le mec continue de nous bassiner avec ses misĂšres et ses amours d'enfance en utilisant la langue la plus plate que j'ai eu Ă  lire ces derniers temps. Pourquoi tant d'Ă©gocentrisme et de nombrilisme? L'HÉGÉMONIE DU "JE" EST DEVENUE UN VÉRITABLE CANCER POUR LA LITTÉRATURE MAROCAINE. Beaucoup de ceux qui s'adonnent Ă  l'Ă©criture au Maroc, surtout en français, croient qu'Ă©crire, c'est reparler de leur mĂšre, leur pĂšre, leurs voisins, leurs frustrations... et surtout LEUR PERSONNE. Si au moins ils avaient l'existence d'un Rimbaud ou d'un DostoĂŻevski. Je continue Ă  lire malgrĂ© tout, d'abord parce que je suis maso, et ensuite pour ne pas ĂȘtre injuste Ă  l'Ă©gard de l'auteur. Peine perdue. Le livre me tombe des mains et je le balance loin de moi Ă  la page 94. MĂȘme le masochisme a des limites. Je n'ai rien contre quelqu'un qui raconte sa vie. Je n'ai rien contre un nombriliste, un Ă©gocentrique, un maniaque, un narcissique, un mĂ©galo, etc, du moment qu'il me propose un objet littĂ©raire, un vrai, avec un style... Oui un style. Je ne dis pas avec une langue parfaite; non; je dis avec sa langue Ă  lui, qui fait ressortir sa sincĂ©ritĂ©, son dilemme, ses tripes, son Ăąme. C'est ça le style qui fait l'oeuvre et non pas le bavardage. Pour le bavardage, le "regardez-moi, je suis beau et je suis devenu Ă©crivain"; le "Admirez-moi!", il y a les JamaĂ€s Fna (avec tous mes respects pour les conteurs de Jamaa Fna) et les Shows. Alors SVP! un peu de respect pour la littĂ©rature.
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Mokhtar Chaoui
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_ Pourquoi sont-ils si mĂ©prisants ? demanda ChloĂ©. Ce n'est pas tellement bien de travailler... _ On leur a dit que c’était bien, dit Colin. En gĂ©nĂ©ral, on trouve ça bien. En fait, personne ne le pense. On le fait par habitude et pour ne pas y penser, justement. _ En tout cas, c'est idiot de faire un travail que des machines pourraient faire. _ Il faut construire des machines, dit Colin. Qui le fera? _ Oh! Evidemment, dit ChloĂ©. Pour faire un Ɠuf, il faut une poule, mais, une fois qu'on a la poule, on peut avoir des tas d’Ɠufs. Il vaut donc mieux commencer par la poule. _ Il faudrait savoir, dit Colin, qui empĂȘche de faire des machines. C'est le temps qui doit manquer. Les gens perdent leur temps Ă  vivre, alors, il ne leur en reste plus pour travailler. _ Ce n'est pas plutĂŽt le contraire? dit ChloĂ©. _ Non, dit Colin. S'ils avaient le temps de construire les machines, aprĂšs ils n'auraient plus besoin de rien faire. Ce que je veux dire c'est qu'ils travaillent pour vivre au lieu de travailler Ă  construire des machines qui les feraient vivre sans travailler. _ C'est compliquĂ©, estima ChloĂ©. _ Non, dit Colin. C'est trĂšs simple. Ça devrait, bien entendu, venir progressivement. Mais, on perd tellement de temps Ă  faire des choses qui s'usent... - Mais, tu crois qu'ils n'aimeraient pas mieux rester chez eux et embrasser leur femme et aller Ă  la piscine et aux divertissements? - Non, dit Colin. Parce qu'ils n'y pensent pas. - Mais est-ce que c'est leur faute si ils croient que c'est bien de travailler? - Non, dit Colin, ce n'est pas leur faute. C'est parce qu'on leur a dit : « Le travail, c'est sacrĂ©, c'est bien, c'est beau, c'est ce qui compte avant tout, et seuls les travailleurs ont droit Ă  tout. » Seulement, on s'arrange pour les faire travailler tout le temps et alors ils ne peuvent pas en profiter. _ Mais, alors, ils sont bĂȘtes? dit ChloĂ©. _ Oui, ils sont bĂȘtes, dit Colin. C'est pour ça qu'ils sont d'accord avec ceux qui leur font croire que le travail c'est ce qu'il y a de mieux. Ça leur Ă©vite de rĂ©flĂ©chir et de chercher Ă  progresser et Ă  ne plus travailler.
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Boris Vian (L'Écume des jours)
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277. Providence personnelle. Il existe un certain point supĂ©rieur de la vie : lorsque nous l’avons atteint, malgrĂ© notre libertĂ© et quoi que nous dĂ©niions au beau chaos de l’existence toute raison prĂ©voyante et toute bontĂ©, nous sommes encore une fois en grand danger de servitude intellectuelle et nous avons Ă  faire nos preuves les plus difficiles. Car c’est maintenant seulement que notre esprit est violemment envahi par l’idĂ©e d’une providence personnelle, une idĂ©e qui a pour elle le meilleur avocat, l’apparence Ă©vidente, maintenant que nous pouvons constater que toutes, toutes choses qui nous frappent, tournent toujours Ă  notre bien. La vie de chaque jour et de chaque heure semble vouloir dĂ©montrer cela toujours Ă  nouveau ; que ce soit n’importe quoi, le beau comme le mauvais temps, la perte d’un ami, une maladie, une calomnie, la non-arrivĂ©e d’une lettre, un pied foulĂ©, un regard jetĂ© dans un magasin, un argument qu’on vous oppose, le fait d’ouvrir un livre, un rĂȘve, une fraude : tout cela nous apparaĂźt, immĂ©diatement, ou peu de temps aprĂšs, comme quelque chose qui « ne pouvait pas manquer », — quelque chose qui est plein de sens et d’une profonde utilitĂ©, prĂ©cisĂ©ment pour nous ! Y a-t-il une plus dangereuse sĂ©duction que de retirer sa foi aux dieux d’Épicure, ces insouciants inconnus, pour croire Ă  une divinitĂ© quelconque, soucieuse et mesquine, qui connaĂźt personnellement chaque petit cheveu sur notre tĂȘte et que les services les plus dĂ©testables ne dĂ©goĂ»tent point ? Eh bien ! — je veux dire malgrĂ© tout cela, — laissons en repos les dieux et aussi les gĂ©nies serviables, pour nous contenter d’admettre que maintenant notre habiletĂ©, pratique et thĂ©orique, Ă  interprĂ©ter et Ă  arranger les Ă©vĂ©nements atteint son apogĂ©e. Ne pensons pas non plus trop de bien de cette dextĂ©ritĂ© de notre sagesse, si nous sommes parfois surpris de la merveilleuse harmonie que produit le jeu sur notre instrument : une harmonie trop belle pour que nous osions nous l’attribuer Ă  nous-mĂȘmes. En effet, de-ci de-lĂ , il y a quelqu’un qui se joue de nous — le cher hasard : Ă  l’occasion, il nous conduit la main et la providence la plus sage ne saurait imaginer de musique plus belle que celle qui rĂ©ussit alors sous notre folle main.
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Friedrich Nietzsche (Oeuvres complÚtes (24 titres annotés))
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Le beau dialogue que Swann entendit entre le piano et le violon au commencement du dernier morceau! La suppression des mots humains, loin d'y laisser rĂ©gner la fantaisie, comme on aurait pu croire, l'en avait Ă©liminĂ©e ; jamais le langage parlĂ© ne fut si inflexiblement nĂ©cessitĂ©, ne connut Ă  ce point la pertinence des questions, l'Ă©vidence des rĂ©ponses. D'abord le piano solitaire se plaignit, comme un oiseau abandonnĂ© de sa compagne ; le violon l'entendit, lui rĂ©pondit comme d'un arbre voisin. C'Ă©tait comme au commencement du monde, comme s'il n'y avait encore eu qu'eux deux sur la terre, ou plutĂŽt dans ce monde fermĂ© Ă  tout le reste, construit par la logique d'un crĂ©ateur et oĂč ils ne seraient jamais que tous les deux : cette sonate. Est-ce un oiseau, est-ce l'Ăąme incomplĂšte encore de la petite phrase, est-ce une fĂ©e, invisible et gĂ©missant dont le piano ensuite redisait tendrement la plainte? Ses cris Ă©taient si soudains que le violoniste devait se prĂ©cipiter sur son archet pour les recueillir. Merveilleux oiseau! le violoniste semblait vouloir le charmer, l'apprivoiser, le capter. DĂ©jĂ  il avait passĂ© dans son Ăąme, dĂ©jĂ  la petite phrase Ă©voquĂ©e agitait comme celui d'un mĂ©dium le corps vraiment possĂ©dĂ© du violoniste. Swann savait qu'elle allait parler encore une fois. Et il s'Ă©tait si bien dĂ©doublĂ© que l'attente de l'instant imminent oĂč il allait se retrouver en face d'elle le secoua d'un de ces sanglots qu'un beau vers ou une triste nouvelle provoquent en nous, non pas quand nous sommes seuls, mais si nous les apprenons Ă  des amis en qui nous nous apercevons comme un autre dont l'Ă©motion probable les attendrit. Elle reparut, mais cette fois pour se suspendre dans l'air et se jouer un instant seulement, comme immobile, et pour expirer aprĂšs. Aussi Swann ne perdait-il rien du temps si court oĂč elle se prorogeait. Elle Ă©tait encore lĂ  comme une bulle irisĂ©e qui se soutient. Tel un arc-en-ciel, dont l'Ă©clat faiblit, s'abaisse, puis se relĂšve et avant de s'Ă©teindre, s'exalte un moment comme il n'avait pas encore fait : aux deux couleurs qu'elle avait jusque-lĂ  laissĂ© paraĂźtre, elle ajouta d'autres cordes diaprĂ©es, toutes celles du prisme, et les fit chanter. Swann n'osait pas bouger et aurait voulu faire tenir tranquilles aussi les autres personnes, comme si le moindre mouvement avait pu compromettre le prestige surnaturel, dĂ©licieux et fragile qui Ă©tait si prĂšs de s'Ă©vanouir.
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Marcel Proust (Du cĂŽtĂ© de chez Swann (À la recherche du temps perdu, #1))
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A Schönbrunn, les fĂȘtes se suivent et se ressemblent, indiffĂ©rentes au temps qui passe, au monde qui change, aux moeurs qui Ă©voluent. ElĂ©gantes, poudrĂ©es, chamarrĂ©es, brillant des mille Ă©clats des diamants, des cristaux, de l’argenterie ; Ă©voluant aux pays glissĂ©s des valses, menuets et quadrilles ; bruissant de robes de soie, cliquetant de mĂ©dailles, bourdonnant d’intrigues de cour ; si charmantes, si convenables, si ennuyeuses 
 Pendant que l’on se pavane, selon un protocole immuable, dans les salons rococo et les jardins au cordeau, les premiĂšres locomotives Ă  vapeur ahanent sur les premiers kilomĂštres de rails, d’énormes machines de fonte et d’acier remplacent des contingents d’ouvriers dans les usines, l’éclairage au gaz arrive dans les thĂ©Ăątres et bientĂŽt dans les rues, on parvient Ă  produire et stocker de l’électricitĂ©, Niepce et Daguerre impressionnent les premiĂšres plaques photographiques 
 Des idĂ©es nouvelles issues de la RĂ©volution, sur la libertĂ©, l’égalitĂ©, les droits de l’homme, s’échafaudent en systĂšmes et s’enracinent dans les coeurs, un esprit de rĂ©volte fermente au centre des villes, au fond des campagnes, au sein des armĂ©es, partout le poids Ă©crasant de cette monarchie obsolĂšte devient insupportable
 Franz sait tout cela qui, du haut de ses onze printemps, regarde pavoiser ce beau monde. Boulimique de savoir et d’informations, François lui raconte raconte toutes ses visions dĂšs qu’ils ont l’occasion d’ĂȘtre seuls ; les sociĂ©tĂ©s qu’il lui dĂ©crit sont bien loin de l’atmosphĂšre empesĂ©e de Schönbrunn, les gens dont il lui parle sont bien plus vivants que ces momies figĂ©es dans leurs convenances. Aussi le petit duc pose-t’il sur cette fĂȘte - sa fĂȘte, pourtant - le regard blasĂ©, impatient et las de celui qui sait qu’il assiste Ă  la lente agonie d’un systĂšme sclĂ©rosĂ©, mais sans pouvoir y changer quoi que ce soit, ni avancer ni retarder l’échĂ©ance.
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Jean-Marc Ligny (La Dame Blanche)
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Le beau temps continua, les derniers jours de septembre avaient une douceur légÚre, les feuilles prenaient lentement leurs ors et semblaient ne devoir jamais tomber.
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Georges-Emmanuel Clancier (Le Pain noir)
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Les Ă©conomistes n'avaient cru possible qu'une guerre courte, parce qu'ils ne comptaient qu'avec l'argent rĂ©el. S'il n'existait que l'argent rĂ©el, il y a beau temps que cette guerre aurait fini de l'absorber. Mais les peuples ont appris Ă  la nourrir avec de l'argent fictif, avec ce qu'ils appellent le crĂ©dit. Comme les joueurs dans les rĂ©cits d'autrefois, tĂątant leurs poches vides, se disaient soudain : « Mais c'est vrai ! j'ai une bague
 j'ai un champ
 j'ai une maison. Qui m'empĂȘche de les jouer aussi ? » les peuples, tout en se ruinant, se sont aperçus qu'ils Ă©taient bien plus riches qu'ils n'avaient jamais soupçonnĂ© ; et qu'aprĂšs avoir transformĂ© tout leur argent rĂ©el en canons et en obus, ils pourraient transformer en argent fictif la terre, les forĂȘts, les maisons, les ports, les rails, les rĂ©verbĂšres.., donc en faire aussi des canons et des obus.
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Jules Romains (Les Hommes de bonne volonté - L'Intégrale 5 (Tomes 14 à 17): Le Drapeau noir - Prélude à Verdun - Verdun - Vorge contre Quinette (French Edition))
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p62 "Les dirigeants avaient vite compris que pour asservir les gens aujourd'hui, il ne fallait plus la force, il fallait crĂ©er le manque et le besoin". p62 "Force, rĂ©pression, ça pas marcher, qu'il disait. Juste crĂ©er plus rĂ©volte. Quand Parti fait taire les gens, eux crier plus fort. Pour contrĂŽler information et peuple, il faut donner trop. Gens pas savoir trier, pas le temps, ni envie, pas possible. Pour contrĂŽler l'individu, il faut faire croire au besoin, mĂȘme quand il n'a pas, surtout quand il n'a pas. On dit besoin d'acheter voiture, pas possible vivre sans. Il voudra voiture plus que bonheur, car voiture devient bonheur. On dit besoin tĂ©lĂ©phone, mais pas un vieux, un neuf, beau, dernier modĂšle. Et on dit bonheur dedans. Lui besoin, pas possible de faire sans. Et comma ça pour tout. Pour manipuler, il faut pas obliger, mais inciter. Et gens stupides qui croient que bonheur est d'avoir, pas ĂȘtre. Français ĂȘtre une belle langue qui a compris, qui dit je suis heureux, pas j'ai heureux. Mais français peuple d'abrutis, ont oubliĂ© leur langue, leur pensĂ©e, trop fiers de leurs droits de l'homme, oubliĂ© ça fragile. Pas vouloir comprendre qu'il existe la dictature du besoin, faux besoin, dictature par argent. Acheter mĂȘme quand pas avoir l'argent, surtout quand pas l'avoir. Stupide. Pendant gens occupĂ©s Ă  acheter pour combler vide, eux perdre libertĂ© de dire non, je veux pas, pas besoin. Eux perdre libertĂ© de chercher vraie vie, vrai bonheur. Et peuple tendre lui-mĂȘme les clĂ©s de la prison oĂč se mettre".
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Isabelle Aupy (L'Homme qui n'aimait plus les chats)
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RĂ©trospectivement, je me demande pourquoi je me suis privĂ© d'un truc [la guerre] aussi romanesque et valorisant. Un peu par trouille : j'y serais sans doute allĂ© si je n'avais appris, au moment oĂč on me le proposait, que Jean Hatzfeld venait d'ĂȘtre amputĂ© d'une jambe aprĂšs avoir reçu lĂ -bas une rafale de kalachnikov. Mais je ne veux pas m'accabler : c'Ă©tait aussi par circonspection. Je me mĂ©fiais, je me mĂ©fie toujours des unions sacrĂ©es - mĂȘme rĂ©duites au petit cercle qui m'entoure. Autant je me crois sincĂšrement incapable de violence gratuite, autant je m'imagine volontiers, peut-ĂȘtre trop, les raisons ou concours de circonstances qui auraient pu en d'autres temps me pousser vers la collaboration, le stalinisme ou la rĂ©volution culturelle. J'ai peut-ĂȘtre trop tendance aussi Ă  me demander si, parmi les valeurs qui vont de soi dans mon milieu, celles que les gens de mon Ă©poque, de mon pays, de ma classe sociale, croient indĂ©passables, Ă©ternelles et universelles, il ne s'en trouverait pas qui paraĂźtront un jour grotesques, scandaleuses ou tout simplement erronĂ©es. Quand des gens peu recommandables comme Limonov ou ses pareils disent que l'idĂ©ologie des droits de l'homme et de la dĂ©mocratie, c'est exactement aujourd'hui l'Ă©quivalent du colonialisme catholique - les mĂȘmes bonnes intentions, la mĂȘme bonne foi, la mĂȘme certitude absolue d'apporter aux sauvages le vrai, le beau, le bien -, cet argument relativiste ne m'enchante pas, mais je n'ai rien de bien solide Ă  lui opposer. Et comme je suis facilement, sur les questions politiques, de l'avis du dernier qui a parlĂ©, je prĂȘtais une oreille attentive aux esprits subtils expliquant qu'Izetbegović, prĂ©sentĂ© comme un apĂŽtre de la tolĂ©rance, Ă©tait en rĂ©alitĂ© un Musulman fondamentaliste, entourĂ© de Moudajhidines, rĂ©solu Ă  instaurer Ă  Sarajevo une rĂ©publique islamique et fortement intĂ©ressĂ©, contrairement Ă  Milosević, Ă  ce que le siĂšge et la guerre durent le plus longtemps possible. Que les Serbes, dans leur histoire, avaient assez subi le joug ottoman pour qu'on comprenne qu'ils n'aient pas envie d'y repiquer. Enfin, que sur toutes les photos publiĂ©es par la presse et montrant des victimes des Serbes, une sur deux si on regardait bien Ă©tait une victime serbe. Je hochais la tĂȘte : oui, c'Ă©tait plus compliquĂ© que ça. (p. 310-311)
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Emmanuel CarrĂšre (Limonov)
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Na manhĂŁ seguinte, muito cedo, Fabrizio entrou numa igreja e, fixando o altar, disse humildemente: «Pai: nĂŁo vim pedir-te perdĂŁo nem agradecer-te. SĂł posso pedir-te perdĂŁo dos erros cometidos e, quanto Ă s minhas opçÔes, sabes que nĂŁo tenho culpa. NĂŁo vim agradecer-te. É tal a felicidade que me invade, que Ă© como se me fosse dada por um destino: nascida comigo, ou para mim, pelos sĂ©culos dos sĂ©culos. Vim aqui, Pai, testemunhar-te que ouvi a tua voz e identifiquei o teu sinal. Vim pedir-te que nĂŁo me faças indigno dele. Vim dizer-te que, ao olhar Laurent, Ă© a ti que descubro: tu jĂĄ nĂŁo Ă©s invisĂ­vel, difuso, indiferente, mas vivo, concreto, actuante, confortante. Fonte de amor: amor. Ajuda-me por isso, tu que Ă©s amor, a amar. Ajuda-me a consumir-me no amor, a nĂŁo temer o seu fogo, a nĂŁo vacilar frente ao risco e ao medo do ridĂ­culo, a nĂŁo traficar, a nĂŁo aviltar, a nĂŁo degradar, a nĂŁo corromper. Ajuda-me a distinguir o verdadeiro amor do falso amor. Ajuda-me a nĂŁo ceder Ă s emboscadas dos inimigos do amor. Ajuda-me a suportar os ataques dos padres que, do amor, sĂł conhecem o nome. Dos juizes que, com leis adulteradas, dĂŁo sentenças sobre o amor. Dos poetas, que elogiam os atributos, nĂŁo a substĂąncia, do amor. Dos moralistas, que encarceram o amor numa prisĂŁo de dogmas. Ajuda-me, tu que Ă©s amor, agora que o teu tempo chegou.» (...) A carta era esta: «Je t’ai parlĂ© de plĂ©nitude: je veux te dire maintenant ce que je vois dans tes yeux. Chacun de nous possĂ©dait un paradis qu’un jour nous avons perdu ; la nostalgie de ce paradis nous fait vivre et quelquesfois nous fait mourir. Cela, si tu veux, Laurent, c’est de la litĂ©rature ; mais, quand je te regarde dans les yeux, et que tu me regardes un instant, ce n’est pas de la litĂ©rature : C’est le temp de Dieu. En toi, je le retrouve. Et je me retrouve mois-mĂȘme. Je regardais hier soir (nous Ă©tions dans le metro) ta peau ; et je me disais : C’est ma peau. De tes mains, je disais : Ce sont mes mains. Je me sens si exaltĂ© devant cette dĂ©couverte ! Je t’aime. Je n’ai plus peur. Tu es grand et beau comme le soleil ; quand tu ris, c’est un rayon de soleil qui sort de toi. Je t’aime.»
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Carlo Coccioli (Fabrizio Lupo)
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On ne peut s'empĂȘcher de constater [que l'Occidental religieux] perd en pratique volontiers de vue les tendances fondamentales de sa foi, c'est-Ă -dire qu'il se retranche derriĂšre les alternatives simples de la morale et des exigences de la pratique religieuse tout en trahissant, en sa qualitĂ© de « civilisĂ© », les tendances mĂȘmes qui sont Ă  la base et de ces alternatives et de cette pratique. La machine est une bonne chose, pourvu qu'on aime Dieu ; la rĂ©publique est un bien, pourvu qu'elle favorise la religion ; que la machine tue de facto l'amour de Dieu, et que la rĂ©publique Ă©touffe de facto la religion, ne semble pas effleurer l'esprit de l'immense majoritĂ© des croyants. Si on est finalement obligĂ© de constater ces effets nĂ©fastes, on accusera d'abord la nature humaine et ensuite quelque dĂ©chĂ©ance imaginaire de la religion ; on accusera jamais les causes rĂ©elles, considĂ©rĂ©es a priori comme neutre parce que situĂ©es en dehors des alternatives morales simplistes et des rĂšgles pratiques auxquelles on a rĂ©duit la religion, et en dehors aussi de la pure thĂ©ologie. Et comme le monde de la machine – « chrĂ©tien » selon certains puisque la machine ne commet point d'adultĂšre et puisque toute chose efficace doit provenir du Christianisme –, comme ce monde s'impose partout pour des raisons matĂ©rielles irrĂ©versibles, il favorise partout sur le globe terrestre l'Ă©lĂ©ment mondain et la mondanitĂ© technocratique, laquelle est de tout Ă©vidence l'antipode de tout amour de Dieu. Cette mondanitĂ© utilitaire – franchement impie ou trompeusement chrĂ©tienne – ne saurait s'affirmer par une dialectique normale, elle a besoin d'arguments qui remplacent la rĂ©alitĂ© par des suggestions imaginatives des plus arbitraires. Au moins aussi dĂ©plaisant qu'un hyperbolisme inconsidĂ©rĂ©, et bien davantage suivant les cas, est le biais faussement moralisant si commun au langage moderne : il consiste Ă  vouloir justifier une erreur ou un mal quelconque par des Ă©tiquettes flatteuses et Ă  vouloir compromettre une vĂ©ritĂ© ou un fait positif par des Ă©tiquettes infamantes, souvent en utilisant de fausses valeurs telles que la « jeunesse » et sans que les suggestions avancĂ©es aient le moindre rapport avec les choses auxquelles on les applique (18). Un autre vice de dialectique, ou un autre abus de pensĂ©e, est l'inversion du rapport causal et logique : on dira qu'il est temps d'inventer un idĂ©al nouveau qui puisse enflammer les hommes, ou qu'il faut forger une mentalitĂ© capable de trouver beau le monde des machines et laid celui des sanctuaires, ou une mentalitĂ© capable de prĂ©fĂ©rer la nouvelle messe ou la nouvelle religion Ă  l'ancienne messe ou Ă  la religion de toujours, et ainsi de suite. Comme le biais moralisant, le raisonnement inversant est totalement Ă©tranger Ă  la dialectique orientale et Ă  la dialectique traditionnelle tout court, et pour cause. Nous pourrions signaler Ă©galement, en passant, le raisonnement dynamiste qui subordonne la constatation d'un fait Ă  la proposition d'une solution pratique – comme si la vĂ©ritĂ© n'avait pas sa raison d'ĂȘtre ou sa valeur en elle-mĂȘme – ou le raisonnement utilitariste qui subordonne la vĂ©ritĂ© comme telle aux intĂ©rĂȘts matĂ©riels des hommes physiques. Tout ceci n'est pas incompatible en fait avec un certains sens critique sur quelques plans extĂ©rieurs ; s'il en est ainsi, l'inverse doit ĂȘtre possible Ă©galement, Ă  savoir la disproportion entre un discernement spirituel et un langage inconsidĂ©rĂ©ment impulsif et hyperbolique.[...] (18) La propagande pour les innovations liturgiques et thĂ©ologiques – et contre ceux qui n'en sont pas dupes – est un exemple particuliĂšrement Ă©cƓurant de ce procĂ©dĂ©.
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Frithjof Schuon (Logic & Transcendence)
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D'un bout du monde Ă  l'autre, d'un bout Ă  l'autre du temps, rien que des hommes qui tournent en rond, gardiens et gardĂ©s, qui s'emplissent et qui se vident. Ils ne savent pas pourquoi on les a fichus lĂ . Ils s'imaginent qu'ils payent pour une faute. Que c'est Ă  cause du bon Dieu. Ils n'osent pas s'avouer que c'est Ă  cause de rien du tout. Et pourtant c'est bien plus beau ainsi, bien plus terrible. L'Histoire apparaĂźt enfin dans sa gratuitĂ© absolue, dans son inconcevable cruautĂ©. On peut se dĂ©fendre avec des mots, des thĂ©ories. Mais c'est tricher. Beuret triche quand il parle du sens de la vie. Ça n'a pas de sens, le sens de la vie. Je ne veux pas tricher. J'ai fait ça toute ma vie. J'en ai assez. Je ne veux plus me dĂ©fendre contre cette Ă©vidence dĂ©chirante de l'absurditĂ©. On a construit aussi des philosophies lĂ -dessus. Je sais. Mais j'en ai assez des philosophies, L'absurditĂ©, ça ne se dĂ©montre pas, ça ne se raisonne pas, ça ne sert pas Ă  faire des confĂ©rences ou des articles dans les revues. On l'Ă©prouve dans tout son ĂȘtre. C'est une rĂ©vĂ©lation vivante qui, Ă  de certains moments intenses, emporte tout.
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Georges Hyvernaud (La Peau et les Os)
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Oui, je pense que tout ce qui vient du passĂ© n'est pas dĂ©passĂ©. Faire soi-mĂȘme possĂšde quelque chose de trĂšs beau; prendre le temps, c'est important. Oui, je pense que tout va trop vite. On parle trop vite. On rĂ©flĂ©chit trop vite, quand on rĂ©flĂ©chit! On envoie des mails, des textos sans se relire, on perd lĂ©lĂ©gance de l'orthographe, la politesse, le sens des choses. (p. 94)
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Grégoire Delacourt (La liste de mes envies)
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Ce qui est beau aussi, c'est la multitude de ces autres vie rĂȘvĂ©es, qui brillent dans le noir comme autant de petits phares, comme une constellation de tous nos possibles. Si ça va plus lĂ  oĂč tu es, si cette vie-ci te dit plus rien, tu peux toujours venir ici, il y a de la lumiĂšre tout le temps. Quand je ferme les yeux, je vois la lueur de ces petites fenĂȘtres phosphorescentes trembler partout sur la planĂšte.
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Véronique CÎté (Chaque automne j'ai envie de mourir)
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La vie, c'est comme Mario Bros 1. On passe son temps Ă  trimer pour ramasser des piĂšces, on est obligĂ©s d'avancer pour affronter de nouveaux dangers, on subit sans cesse les mĂȘmes Ă©preuves rĂ©pĂ©titives, le temps est limitĂ© et on finira quand mĂȘme par mourir. Mais surtout, on a beau poursuivre l'aventure, la princesse est toujours dans un autre chĂąteau.
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J. Heska (Pourquoi les gentils ne se feront plus avoir)
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Mais comment ne pas sans arrĂȘt penser Ă  se donner la mort, quand les pĂ©rils sont si nombreux, les prĂ©dateurs si fĂ©roces, et le sang si prĂšs sous la peau? Comment ne pas rĂ©flĂ©chir Ă©perdument Ă  une maniĂšre de provoquer cette mort qui vous pend au nez, pour en finir et enfin donner raison Ă  tout ce qui meurt? Comment ne pas vouloir poser, une seule fois, un geste irrĂ©vocable quand toute notre agitation ne sait qu'ĂȘtre vaine? Comment ne pas mourir de curiositĂ© et aller voir si l'enfer est vĂ©ritablement pavĂ© de bonnes intentions? Comment accepter de prendre le risque, tous les jours, que la mort nous surprenne au beau milieu d'une phrase ou d'une pensĂ©e? Quelle humiliation ce doit ĂȘtre d'ĂȘtre interrompu par la mort.
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Évelyne de la Cheneliùre (La concordance des temps)
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Nous disons bien que l’heure de la mort est incertaine, mais quand nous disons cela, nous nous reprĂ©sentons cette heure comme situĂ©e dans un espace vague et lointain, nous ne pensons pas qu’elle ait un rapport quelconque avec la journĂ©e dĂ©jĂ  commencĂ©e et puisse signifier que la mort — ou sa premiĂšre prise de possession partielle de nous, aprĂšs laquelle elle ne nous lĂąchera plus — pourra se produire dans cet aprĂšs-midi mĂȘme, si peu incertain, cet aprĂšs-midi oĂč l’emploi de toutes les heures est rĂ©glĂ© d’avance. On tient Ă  sa promenade pour avoir dans un mois le total de bon air nĂ©cessaire, on a hĂ©sitĂ© sur le choix d’un manteau Ă  emporter, du cocher Ă  appeler, on est en fiacre, la journĂ©e est tout entiĂšre devant vous, courte, parce qu’on veut ĂȘtre rentrĂ© Ă  temps pour recevoir une amie; on voudrait qu’il fĂźt aussi beau le lendemain; et on ne se doute pas que la mort, qui cheminait en vous dans un autre plan, au milieu d’une impĂ©nĂ©trable obscuritĂ©, a choisi prĂ©cisĂ©ment ce jour-lĂ  pour entrer en scĂšne, dans quelques minutes, Ă  peu prĂšs Ă  l’instant oĂč la voiture atteindra les Champs-ÉlysĂ©es.
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Marcel Proust
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Face Ă  la montĂ©e des couches populaires en 1985–1986, la classe dominante avait renoncĂ© Ă  la maĂźtrise directe de l’appareil politico-administratif. Elle se contente, dans la plupart des cas, d’inspirer et de piloter Ă  distance la politique Ă©conomique et monĂ©taire. Exemples ? Le long discours-programme rĂ©digĂ© en partie par le secteur privĂ© et lu par le gĂ©nĂ©ral-prĂ©sident Henry Namphy en mars-avril 1986. En 1991–1992, Ă  la suite de l’embargo imposĂ© pour ramener Aristide au pouvoir, elle abandonnait ses projets d’industrialisation. Elle se concentrait sur la recherche du profit, laissant aux couches moyennes la triste et ingrate besogne de la gestion de la misĂšre du peuple et de la rĂ©pression. Il faut vraiment que ses intĂ©rĂȘts paraissent en grand danger pour qu’elle se rĂ©signe Ă  « aller au charbon », comme lorsqu’il fut nĂ©cessaire de mobiliser l’Association des Industries d’HaĂŻti afin d’abattre Jean-Claude Duvalier, Ă  la fin de janvier 1986, quand celui-ci avait Ă©puisĂ© sa durĂ©e de vie politique utile. Ce scĂ©nario rappelle l’apologue du chien hollandais que conte Chateaubriand dans ses MĂ©moires d’Outre-Tombe : « Quand les Hollandais essuient un coup de vent en haute mer, ils se retirent dans l’intĂ©rieur du navire, ferment les Ă©coutilles et boivent du punch, laissant un chien sur le pont pour aboyer Ă  la tempĂȘte; le danger passĂ©, on renvoie FidĂšle Ă  sa niche au fond de la cale, et le capitaine revient jouir du beau temps sur le gaillard. » VoilĂ  ce qui pourrait fort bien s’appliquer tant Ă  Jean-Claude Duvalier qu’à Henry Namphy, Ă  cette diffĂ©rence prĂšs que la bourgeoisie haĂŻtienne, au lieu de les renvoyer Ă  la cale, les a simplement basculĂ©s par-dessus bord.
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Michel Soukar (Radiographie de la «bourgeoisie haïtienne» suivie de : Un nouveau rÎle pour les «élites haïtiennes» au 21e siÚcle (French Edition))
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Soit nous rĂ©ussissons Ă  faire de cette traversĂ©e du temps retrouvĂ© une expĂ©rience proustienne (mĂ©moire, pastille Ă  la bergamote, exercice de la sensibilitĂ©), soit c’est le vrai effondrement : celui de soi-mĂȘme.Heinrich von Kleist dans Michael Kohlhaas donne une clef : « du fond de sa douleur de voir le monde dans un si monstrueux dĂ©sordre, surgissait la satisfaction secrĂšte de sentir l’ordre rĂ©gner dĂ©sormais dans son cƓur ». À chacun est offerte une occasion (rĂ©munĂ©rĂ©e) de faire un peu d’ordre en son cƓur.Une inĂ©galitĂ© immĂ©diate se rĂ©vĂšle. Certains ont une vie intĂ©rieure, d’autres non. J’éprouve de la compassion pour ceux qui passeront ces journĂ©es loin d’un jardin. Mais j’en ai aussi pour ceux qui n’aiment pas la lecture et ne « se doute[nt] pas le moins du monde qu’un Rembrandt, un Beethoven, un Dante, ou un NapolĂ©on ont jamais existé », comme l’écrit Zweig au dĂ©but du Joueur d ’échec.On peut savoir grĂ© au prĂ©sident Macron d’avoir lancĂ© dans son discours du lundi 16 mars le plus churchilien mot d’ordre : « Lisez. » C’est tout de mĂȘme plus beau que « Enrichissez-vous » de Guizot.Julien Gracq dans En lisant, en Ă©crivant donnait semblable indication thĂ©rapeutique : « Le livre ouvre un lointain Ă  la vie, que l’image envoĂ»te et immobilise. » Vous voulez explorer vos confins ? Ouvrez des livres. Devant un Ă©cran, vous serez deux fois confinĂ©s !Le temps est une substance. Il se modĂšle. Nous l’avions perdu, on le retrouve. C’est une grĂące. La rĂ©volution Ă©cologique commence par une Ă©cologie du temps.
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Sylvain Tesson (Que ferons-nous de cette Ă©preuve ? Entretien avec Vincent Tremolet de Villers)
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et anti-humains, que toute chose belle est essentiellement inutile ; mais il se proposait surtout pour objet la rĂ©futation de ce qu’il appelait spirituellement la grande hĂ©rĂ©sie poĂ©tique des temps modernes. Cette hĂ©rĂ©sie, c’est l’idĂ©e d’utilitĂ© directe. On voit qu’à un certain point de vue Edgar Poe donnait raison au mouvement romantique français. Il disait : « Notre esprit possĂšde des facultĂ©s Ă©lĂ©mentaires dont le but est diffĂ©rent. Les unes s’appliquent Ă  satisfaire la rationalitĂ©, les autres perçoivent les couleurs et les formes, les autres remplissent un but de construction. La logique, la peinture, la mĂ©canique sont les produits de ces facultĂ©s. Et, comme nous avons des nerfs pour aspirer les bonnes odeurs, des nerfs pour sentir les belles couleurs, et pour nous dĂ©lecter au contact des corps polis, nous avons une facultĂ© Ă©lĂ©mentaire pour percevoir le beau ; elle a son but Ă  elle et ses moyens Ă  elle. La poĂ©sie est le produit de cette faculté ; elle s’adresse au sens du beau et non Ă  un autre. C’est
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Charles Baudelaire (Oeuvres complĂštes et annexes)
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Nord annonciateur de beau temps Est le réveil Sud le repas Ouest le repos
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Josephine Bacon
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À Ion Ghica, Jassy 2 janvier 1861, Mon cher vieux, Les chasse-neige et les dĂ©gels m’ont retenu jusqu’à ce jour dans cette maudite ville de Jassy qui depuis deux ans prend un caractĂšre de ville de province Ă  faire crisper les sĂ©paratistes. Voici dĂ©jĂ  deux mois que ma valise est faite et que j’attends un caprice favorable du baromĂštre pour me mettre en route, mais pendant que cet instrument fallacieux indique le beau fixe, il pleut, il neige, il vente, il gĂšle, il dĂ©gĂšle, bref il fait un temps ultra. Force m’a Ă©tĂ© donc de m’armer de patience et de fourrure pour attendre un moment plus opportun, car la Galicie m’inspire des terreurs de 1793. J’ai profitĂ© de ce contretemps pour revoir le Prince, avec lequel j’ai longuement parlĂ© de toi. Je ne rapporterai pas tout ce que le Prince m’a dit de flatteur sur ton compte, je crois devoir te faire part de son Ă©tonnement Ă  la vue d’un certain rapprochement qui se serait produit derniĂšrement entre toi et les Bratiano et consorts. Un pareil accouplement est-il possible ? Je dĂ©clare que non, car si l’on a vu s'accoupler des carpes avec des lapins (la chose est encore en doute dans le monde la science) on n'a pas encore vu se produire ce phĂ©nomĂšne monstrueux entre des hommes sensĂ©s comme toi et des sauteurs burlesques comme les Berlikoko et Jean Bratiano. La politique serait-elle donc une entremetteuse aussi adroite ? J’ai appris aussi que notre ami Balaciano serait montĂ© actuellement au plus haut degrĂ© de l’échelle de la colĂšre au sujet de la question hongroise. Voudrait-il par hasard que le Prince se rendĂźt solidaire des mouvements magyars au dĂ©triment probable des intĂ©rĂȘts roumains de la Transylvaine ? Le Prince n’est pas le geĂŽlier de l’Autriche et certainement son gouvernement ne commettra jamais l’infamie de rendre les Ă©migrĂ©s hongrois aux autoritĂ©s autrichiennes. Mais est-ce Ă  dire pour cela qu’il jette son va-tout en l’air, au risque de compromettre la situation politique du pays ? Quoiqu’il en soit Balaciano peut compter que rien ne sera entrepris contre l'honneur et les vĂ©ritables intĂ©rĂȘts des PrincipautĂ©s. Il rĂ©pondra Ă  cela des choses spirituelles, tant mieux pour lui, plus il Ă©vacuera de l’esprit, et plus il sera soulagĂ© ! J’ai envoyĂ©, comme tu sais, plusieurs piĂšces de thĂ©Ăątre Ă  Millo. Qu’en a-t-il fait ? A-t-il l'intention de les monter ? Fais-moi le plaisir de lui demander de me rĂ©pondre de suite pour que ta lettre me trouve encore Ă  Jassy. Envoie-moi aussi par la premiĂšre occasion un numĂ©ro de « Păcală » oĂč se trouve insĂ©rĂ©e « La Complainte du conservateur ». Adieu mon cher vieux je t’embrasse et te prie de prĂ©senter mes amitiĂ©s Ă  Madame Ghica ainsi qu’à tous nos amis et connaissances. Tout Ă  toi, V. Alecsandri.
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Vasile Alecsandri (Opere, IX)
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Ah oui, c’est vrai. Sur la terrasse du Narval, aucun des habituĂ©s ne prĂȘta attention Ă  leur passage. Il faisait encore trĂšs bon en cette fin de journĂ©e et les consommateurs profitaient de ces instants de calme, de la circulation presque nulle et du ciel irrĂ©prochable en buvant un verre ou en grattant un Morpion. Pourtant, il y avait au fond de cette quiĂ©tude comme une contrariĂ©tĂ©, un sentiment de compte Ă  rebours qui nuisait mĂȘme aux heures les plus douces. C’était une impression nouvelle dont on n’aurait pas su dater l’origine, ni expliquer vraiment la cause. Chaque plaisir semblait maintenant contenir en lui cette humeur de fin de permission, chaque moment privilĂ©giĂ© prenait l’aspect d’un dernier jour des vacances. Comme si le retour des saisons n’était plus garanti. En attendant, autour de cette place banale, avec son PMU, sa boulangerie, son agence immobiliĂšre, et non loin de l’église toujours vide, un monde jouissait pleinement de son sursis. Et en ce beau dimanche de mai qui tirait vers le soir, le temps Ă©tait si bon, la vie si patiente qu’il Ă©tait presqu’impossible de deviner l’immense accumulation de gaz qui ronflait dans les caves de cet univers inquiet de sa fin.
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Nicolas Mathieu (Connemara)
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S’il est une leçon que doit retenir la jeunesse, c’est que la survivance d’un peuple se conquiert beaucoup moins par les beaux coups d’éclat, par les victoires d’éloquence, que par les Ɠuvres constructives. Être fort pour un peuple, c’est l’ĂȘtre d’abord par la vigueur intĂ©rieure de son Ăąme, par sa constitution sociale, Ă©conomique, intellectuelle, morale. Cela mĂȘme est la premiĂšre condition de dĂ©fense contre l’ennemi extĂ©rieur; pour ĂȘtre un bon soldat il faut ĂȘtre physiquement et moralement bien constituĂ©. La fiertĂ© fut bien, dans le passĂ© tout proche, l’une des vertus qui nous ont le plus manquĂ©, quand fort peu pourtant nous Ă©taient aussi nĂ©cessaires. Un peuple faible par le nombre, peut se passer, Ă  la rigueur, de richesse et mĂȘme d’art; il ne saurait se passer d’ĂȘtre fier. Pour vivre il faut d’abord se convaincre que la vie en vaut la peine; et notre peuple n’aura plus de raisons de perpĂ©tuer sa race quand il y aura vu la cause d’une infĂ©rioritĂ©. Pour ĂȘtre fiers, les jeunes n’ont besoin que de savoir qui ils sont. Il n’appartient pas aux fils des grands Français qui ont bĂąti ce chef-d’Ɠuvre d’histoire que fut la Nouvelle-France, de chercher ailleurs que chez eux, les raisons de leur dignitĂ©. Si cette gloire fut entachĂ©e d’une dĂ©faite, nos pĂšres ont empĂȘchĂ© que cette dĂ©faite fĂ»t irrĂ©parable; il y a mĂȘme beau temps qu’ils l’ont rachetĂ©e. Aujourd’hui, dans notre pays, oĂč notre ordre social fait l’envie des autres, nous n’avons que le dĂ©shonneur de nous mal juger nous-mĂȘmes. Nous sommes pourtant la race qui n’a jamais violĂ© le droit d’autrui. PersĂ©cutĂ©s souvent, nous n’avons jamais Ă©tĂ© persĂ©cuteurs. Le service de la civilisation par la propagande de la foi du Christ, plus que personne en AmĂ©rique, nous l’avons pratiquĂ©. Tous ces motifs de fiertĂ© suffiraient Ă  de moins inattentifs.
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Lionel Groulx (Notre maßtre le passé)
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La fiertĂ© fut bien, dans le passĂ© tout proche, l'une des vertus qui nous ont le plus manquĂ©, quand fort peu pourtant nous Ă©taient aussi nĂ©cessaires. Un peuple faible par le nombre, peut se passer, Ă  la rigueur, de richesse et mĂȘme d'art; il ne saurait se passer d'ĂȘtre fier. Pour vivre il faut d'abord se convaincre que la vie en vaut la peine; et notre peuple n'aura plus de raisons de perpĂ©tuer sa race quand il y aura vu la cause d'une infĂ©rioritĂ©. Pour ĂȘtre fiers, les jeunes n'ont besoin que de savoir qui ils sont. Il n'appartient pas aux fils des grands Français qui ont bĂąti ce chef-d’Ɠuvre d'histoire que fut la Nouvelle-France, de chercher ailleurs que chez eux, les raisons de leur dignitĂ©. Si cette gloire fut entachĂ©e d'une dĂ©faite, nos pĂšres ont empĂȘchĂ© que cette dĂ©faite fĂ»t irrĂ©parable; il y a mĂȘme beau temps qu'ils l'ont rachetĂ©e. Aujourd'hui, dans notre pays, oĂč notre ordre social fait l'envie des autres, nous n'avons que le dĂ©shonneur de nous mal juger nous-mĂȘmes. Nous sommes pourtant la race qui n'a jamais violĂ© le droit d'autrui. PersĂ©cutĂ©s souvent, nous n'avons jamais Ă©tĂ© persĂ©cuteurs. Le service de la civilisation par la propagande de la foi du Christ, plus que personne en AmĂ©rique, nous l'avons pratiquĂ©. Tous ces motifs de fiertĂ© suffiraient Ă  de moins inattentifs.
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Lionel Groulx (Notre maßtre le passé)
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La beautĂ© Ă©phĂ©mĂšre Le verger lĂ©gitime sa raison d’ĂȘtre par la splendeur Ă©phĂ©mĂšre des cerisiers en fleurs. Elle envahit le regard et comble l’ñme pour quelques jours seulement : cette beautĂ©-lĂ  fascine parce qu’elle est fugitive. Il faut la saisir et en garder le souvenir. Et le thĂ©Ăątre aujourd’hui ne fonde-t-il pas son identitĂ© sur cet Ă©phĂ©mĂšre qui en explique l’attrait qu’il exerce encore, Ă©phĂ©mĂšre par ailleurs assimilĂ© Ă  une faiblesse Ă  l’heure oĂč se dĂ©veloppe le goĂ»t pour la mĂ©moire mĂ©canique, enregistreuse ? Celle-ci prĂ©serve, archive, sans jamais pouvoir obtenir l’éblouissement de l’expĂ©rience thĂ©Ăątrale qui se trouvera toujours Ă  la source de l’autre mĂ©moire, la mĂ©moire vivante. Voir un beau spectacle est synonyme de voir la cerisaie en fleurs. Le temps d’un souffle. Mais le souvenir peut marquer une vie. VoilĂ  les arguments qui nous permettent d’assimiler le thĂ©Ăątre Ă  la cerisaie. Cette parabole ne peut qu’intĂ©resser ces inquiets que nous sommes. Quoi faire ? (p. 163)
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George Banu (Livada de viƟini, teatrul nostru)
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... autour de cette place banale, avec son PMU, sa boulangerie, son agence immobiliĂšre, et non loin de l'Ă©glise toujours vide, un monde jouissait pleinement de son sursis. Et en ce beau dimanche de mai qui tirait vers le soir, le temps Ă©tait si bon, la vie si patiente qu'il Ă©tait presque impossible de deviner l'immense accumulation de gaz qui ronflait dans les caves de cet univers inquiet de sa fin.
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Nicolas Mathieu (Connemara)
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Je sais bien que notre couple n’était vraiment pas au beau fixe, ç’aurait Ă©tĂ© ĂȘtre une maudite belle autruche dodue de croire le contraire, mais depuis le temps qu’on est ensemble, je me disais qu’on passerait au travers.
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Amy Lachapelle (Le début des petites étincelles)
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Voici le gage de mon amour De nos fiançailles Ni le temps ni l'absence Ne nous feront oublier nos promesses Et un jour nous aurons une belle noce Des touffes de myrte A nos vĂȘtements et dans vos cheveux Un beau sermon Ă  l'Ă©glise De longs discours aprĂšs le banquet Et de la musique De la musique
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Guillaume Apollinaire (Alcools)
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I’m not blind, Beau. I’m not saying I think I’m ugly. I know I’m passably cute. I’ve got good hair and my complexion isn’t bad. I don’t have big, blue eyes or long lashes, but my eyes aren’t bad. I’m not exactly exciting or striking. Sawyer is perfect. It’s hard to believe he wants me sometimes.” I turned away from her, afraid the incredulous expression on my face would tell her more than she needed to know. I wanted to tell her how her green eyes made guys want to defend her or the way her sweet, pink lips were mesmerizing or how that one single dimple caused my pulse rate to increase. I wanted to point out how those long, tanned legs caused guys to trip over themselves, and when she wore tight shirts, I fought the urge to go cover her up so every male who saw her wouldn’t go home and jack off with her image in their head. But I couldn’t say any of those things. Forcing my expression to remain casual, I glanced back at her. “I don’t think you give yourself enough credit. Sawyer didn’t just choose you because of your looks.” That’s all I needed to say. She sighed and leaned back on her hands. I had to turn my head away from her again before my eyes could zero in on her tits. I didn’t need to study them to know they were perfectly round, soft, plump, and temping at hell. “I’m not always good. I try really hard to be good. I want to be worthy of Sawyer--I really do--but it’s like there is this other me inside who’s trying to get out. I fight it, but I’m not good at it all the time. Sawyer has to keep me in line.” Keep her in line Wait
what? Shaking my head to clear my thoughts from how sweet her nipples would taste, I forced myself to focus on what she was saying instead of how she would taste. She didn’t think she was good enough for Sawyer? Had Sawyer made her think something was wrong with her? Surely, he didn’t know she felt this way. “Ash, you’ve been nothing but perfect since you decided to grow up. Sure, you used to help me put frogs in people’s mailboxes, but that girl’s gone. You wanted to be perfect, and you achieved it.” She laughed and sat back up. I chanced a glance over at her. The dimple was there tucked into her cheek as she gazed down at the water. “If you only knew,” was all she said. “Tell me.” The words were out of my mouth before I could stop them. “Why?” Because I want you. Just you. The girl I know is in there hiding from the world. I want my Ash back.
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Abbi Glines (The Vincent Boys (The Vincent Boys, #1))
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Le jour passait ainsi, tant bien que mal, Ă  manger beaucoup et boire de mĂȘme ; grand soleil fort ; bagnole pour nous trimbaler ; cigare de temps Ă  autre ; petit somme sur la plage ; revue de dĂ©tail des connasses qui passaient ; bavardages en tous genres ; un peu de rigolade ; quelques chansons aussi – une journĂ©e comme tant et tant d’autres passĂ©es en compagnie de MacGregor. En de pareils jours, j’avais l’impression que la roue cessait de tourner. En surface ce n’était que gaietĂ© et bon temps ; les heures passaient comme un rĂȘve gluant. Mais sous la surface c’était la fatalitĂ©, le domaine des prĂ©monitions qui me laissaient le lendemain dans un Ă©tat d’inquiĂ©tude morbide. Je savais parfaitement qu’il me faudrait rompre un jour, parfaitement que je passais le temps comme on passe une envie de pisser. Mais je savais aussi que je n’y pouvais absolument rien – pour le moment. J’attendais un Ă©vĂ©nement, Ă©norme, qui me ferait perdre l’équilibre. Tout ce dont j’avais besoin, c’était d’ĂȘtre bousculé ; mais il n’y avait qu’une force extĂ©rieure au monde oĂč je vivais qui pĂ»t me donner le choc nĂ©cessaire. De cela j’étais sĂ»r. Je ne pouvais me ronger le cƓur : c’eĂ»t Ă©tĂ© aller contre ma nature. Ma vie durant, tout avait toujours tournĂ© au mieux – Ă  la fin. Il n’était pas Ă©crit dans les cartes que je dusse m’épuiser en effort. Il fallait faire la part de la Providence – part entiĂšre, dans mon cas. J’avais contre moi toutes les apparences : j’étais guignard, eĂ»t-on dit, je ne savais pas mener ma barque ; mais rien ne pouvait m’îter de la tĂȘte que j’étais nĂ© coiffĂ©. Doublement coiffĂ© mĂȘme. Vue de l’extĂ©rieur, la situation n’était pas brillante, d’accord – mais ce qui m’inquiĂ©tait plus encore, c’était la situation intĂ©rieure. Tout en moi m’effrayait : mes appĂ©tits, ma curiositĂ©, ma souplesse, ma permĂ©abilitĂ©, ma mallĂ©abilitĂ©, mon naturel, mon pouvoir d’adaptation. En soi, aucune situation ne me faisait peur : je ne pouvais me voir autrement que prenant toutes mes aises, comme une fleur, ou mieux comme l’abeille sur la fleur, en train de butiner. MĂȘme si je m’étais retrouvĂ© en taule un beau matin, je suis sĂ»r que j’y aurais pris un certain plaisir. La raison, j’imagine, en Ă©tait que je savais opposer la force d’inertie. D’autres s’usaient Ă  tirer sur la corde, Ă  se dĂ©mener, Ă  se tendre Ă  craquer ; ma stratĂ©gie Ă©tait de flotter au grĂ© de la marĂ©e. Je me souciais beaucoup moins de ce qu’on pouvait me faire que du mal que se faisaient les autres Ă  eux-mĂȘmes ou entre eux. Je me sentais si bien, en dedans de moi, que je ne pouvais faire autrement que de prendre Ă  charge et Ă  cƓur le monde entier et ses problĂšmes. C'est pourquoi j’étais tout le temps dans la mouise. Il n’y avait entre ma destinĂ©e et moi aucun synchronisme, pour ainsi dire.
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Henry Miller (Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer)
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Tout au long de ces derniĂšres semaines, tandis qu'il mettait son bois en forme et assemblait ses piĂšces, il s'Ă©tait tracassĂ© Ă  l'idĂ©e de perdre sa bien-aimĂ©e. Il n'y avait jamais pensĂ© sĂ©rieusement auparavant. A prĂ©sent, il se rendait compte que Caris Ă©tait toute sa joie. Par temps ensoleillĂ©, il n'avait qu'une envie : se promener avec elle. Quand il tombait sur quelque chose de beau, il voulait aussitĂŽt le lui montrer. Quand on lui rapportait une drĂŽlerie, il ne pensait qu'Ă  la lui rĂ©pĂ©ter afin de la voir sourire. Certes, son travail lui procurait du plaisir, notamment quand il dĂ©couvrait un moyen intelligent de rĂ©gler un problĂšme apparemment insurmontable, mais il s'agissait lĂ  d'une satisfaction froide et cĂ©rĂ©brale. Le bonheur d'ĂȘtre avec Caris Ă©tait diffĂ©rent et il comprenait que sans elle sa vie ne serait plus qu'un hiver sans fin.
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Ken Follett (World Without End (Kingsbridge, #2))
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RĂ©flĂ©chissons. N'avais-je pas eu autrefois, sur une autre planĂšte, une enfance et une jeunesse? Qu'est-elle devenue cette planĂšte si ressemblante et en mĂȘme tempe si dissemblable Ă  la terre que je foule aujourd'hui ? En faisant un grand effort d'imagination, je pourrais peut-ĂȘtre me le rappeler. Ne l'ai-je pas dĂ©jĂ  fait plus d'une fois au cours de mes nuits sans sommeil ? Une lampe Ă  pĂ©trole, un feu au maigre panache de fumĂ©e s'Ă©parpillant paresseusement dans le prĂ©, le vent pourchassant de redoutables nuages sur un ciel encore inconnu. La peur de la vie qui nous attend quelque part au-delĂ  des montagnes et des forĂȘts ; un bourg indolent censĂ© exister Ă©ternellement jusqu'Ă  la prochaine guerre ; la priĂšre des grands-parents ; le beau chapelet enchanteur de pressentiments de tout ce qu'on ne comprenait pas encore ; un train sifflant toujours aux mĂȘmes heures de la journĂ©e ; l'amour pour une fille d'une planĂšte mystĂ©rieuse et lointaine, car Ă  cette Ă©poque toutes les jolies filles venaient d'ailleurs ; une bestiale, effrayante nostalgie du corps fĂ©minin oĂč Satan et l'ange blanc vivaient en mĂ©nage, et cette autre, d'une vie future et hors pair ; l'atmosphĂšre poignante des forĂȘts oĂč on allait flĂąner, l'inoubliable senteur de la giroflĂ©e sauvage et ces orages d'Ă©tĂ© qui annonçaient chaque annĂ©e la fin du monde prochaine ; ces tristesses et ces espoirs soudains et la face effrayante et magique de la lune Ă  la physionomie de dĂ©mon bon enfant. OĂč est-elle ma gentille petite planĂšte emmitouflĂ©e dans le chĂąle de mes joies, de mes peines fragiles d'antan. Elle vole peut-ĂȘtre comme une colombe au milieu des lointaines et hostiles galaxies ? À quoi bon m'ĂȘtre tant fatiguĂ© durant toutes ces annĂ©es ? Car tout m'Ă©tait fatigue, les peines et les joies de la vie. Les plus beaux levers de soleil me mettaient au supplice tout comme la possession d'une femme dĂ©sirĂ©e. Je recevais des mains du sort mes succĂšs passagers en en remerciant Dieu, mais ma tourmente Ă©tait lĂ . Elle Ă©tait lĂ  mĂȘme dans mes rĂȘves quand, me dĂ©tachant de cette terre, je voguais vers les Ăźles lointaines du paradis promis. Et je la devinais prĂ©sente chez tous les autres hommes, en dehors de ceux qui ne se tourmentent jamais. Mais ce qui me fatiguait le plus, c'Ă©tait la conscience de la banalitĂ© de tout ça. Tout a Ă©tĂ© dĂ©jĂ  dĂ©couvert et vĂ©cu par les gĂ©nĂ©rations prĂ©cĂ©dentes, reproduit Ă  l'infini par la matrice gĂ©nĂ©tique. Le monde Ă©tait rempli de gĂ©missements en tout point semblables qui se mĂȘlaient en une seule lamentation pareille au piaillement du parlement des moineaux et rejoignaient le bruissement de l'espace interstellaire, cette musique geignarde du vieux cosmos. p308-310
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Tadeusz Konwicki (MaƂa apokalipsa)