Les Souvenirs Quotes

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Une poussiĂšre de petits souvenirs insignifiants qui traçaient malgrĂ© tout, en s'enchevĂȘtrant les uns aux autres, la trame d'une vie. Celle de Dimeglio, inspecteur principal Ă  la Brigade criminelle, indice 320. Une vie sans histoires.
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Thierry Jonquet (Moloch)
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La mĂ©moire est aussi paresseuse qu’hypocrite, elle ne retient que les meilleurs et les pires souvenirs, les temps forts, jamais la mesure du quotidien, qu’elle efface.
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Marc Levy (Le premier jour)
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Les souvenirs, c'est quelque chose qui vous rĂ©chauffe de l'intĂ©rieur. Et qui vous dĂ©chire violemment le cƓur en mĂȘme temps.
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Haruki Murakami (Kafka on the Shore)
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Á l’endroit oĂč les fleuves se jettent dans la mer, il se forme une barre difficile ĂĄ franchir, et de grands remous Ă©cumeux oĂč dansent les Ă©paves. Entre la nuit du dehors et la lumiĂšre de la lampe, les souvenirs refluaient de l’obscuritĂ©, se heurtaient a la clartĂ© et, tantĂŽt immergĂ©s, tantĂŽt apparents, montraient leurs ventres blancs et leurs dos argentĂ©s.
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Boris Vian (L'Écume des jours)
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Je me suis rendu compte que les lieux aussi avaient des ombres. Les souvenirs rĂŽdent et vous rendent nostalgique dĂšs que vous vous en approchez trop prĂšs.
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Marc Levy (Le Voleur d'ombres)
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Il y a bien des souvenirs, mais quelqu'un les a électrifiés et connectés à nos cils, dÚs qu'on y pense on a les yeux qui brûlent.
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Mathias Malzieu
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Les hommes sont bizarres. Ils commettent le pire sans trop se poser de questions, mais ensuite, ils ne peuvent plus vivre avec le souvenir de ce qu'ils ont fait.
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Philippe Claudel (Brodeck)
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Bien sĂ»r demeuraient nouĂ©es ces Ă©charpes multiples, les souvenirs, mais c'Ă©tait comme s'il fallait dĂ©sormais que le passĂ© puisse luire aussi chamarrĂ©, aussi intense que ce prĂ©sent oĂč ils n'Ă©taient plus lĂ .
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Alain Damasio (La Horde du Contrevent)
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Crois-moi, il n'y a pas de grande douleur, pas de grands repentirs, de grands souvenirs. Tout s'oublie mĂȘme les grandes amours. C'est ce qu'il y a de triste et d'exaltant Ă  la fois dans la vie. Il y a seulement une certaine façon de voir les choses et elle surgit de temps en temps. C'est pour ça qu'il est bon quand mĂȘme d'avoir eu un grand amour, une passion malheureuse dans sa vie. Ça fait du moins un alibi pour les dĂ©sespoirs sans raison dont nous sommes accablĂ©s.
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Albert Camus (A Happy Death)
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Et puis il y a l’étĂ©. L’étĂ© appartient Ă  tous les souvenirs. Il est intemporel. C’est son odeur qui est la plus tenace. Qui s’accroche aux vĂȘtements. Que l’on cherche toute sa vie. [
] L’étĂ© appartient Ă  tous les Ăąges. Il n’a ni enfance ni adolescence. L’étĂ© est un ange.
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Valérie Perrin (Trois)
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C'est bizarre les souvenirs. Suivant le moment oĂč on les Ă©voque, ou avec qui on les a vĂ©cus, ils peuvent ĂȘtre tristes ou joyeux, faire sourire ou souffrir.
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Joris Chamblain (Le Livre d'Hector (Les Carnets de Cerise, #2))
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Les souvenirs sont parfois comme ces photographies blanchies par le temps, dont les détails ressurgissent à la faveur d'un certain éclairage.
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Marc Levy
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‱ On peut ĂȘtre avec quelqu’un pour fuir sa solitude, on peut partager son quotidien pour digĂ©rer une rupture en continuant d’entretenir le souvenir d’un autre. On peut parler Ă  quelqu’un en Ă©coutant la voix d’un autre, regarder quelqu’un dans les yeux en voyant ceux d’un autre.
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Marc Levy (Un sentiment plus fort que la peur)
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« La grande faiblesse de la mort, c’est qu’elle ne peut venir Ă  bout que de la matiĂšre. Elle ne peut rien contre les souvenirs et les sentiments. Au contraire, elle les ravive et les ancre en nous pour toujours, comme pour se faire pardonner en nous disant : C’est vrai, je vous enlĂšve beaucoup, mais regardez tout ce que je vous laisse. »
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Joël Dicker (L'Affaire Alaska Sanders)
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Adieu, dit-il
 - Adieu, dit le renard. Voici mon secret. Il est trĂšs simple : on ne voit bien qu’avec le coeur. L’essentiel est invisible pour les yeux. - L’essentiel est invisible pour les yeux, rĂ©pĂ©ta le petit prince, afin de se souvenir. - C’est le temps que tu a perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante. - C’est le temps que j’ai perdu pour ma rose
 fit le petit prince, afin de se souvenir. - Les hommes ont oubliĂ© cette vĂ©ritĂ©, dit le renard. Mais tu ne dois pas l’oublier. Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisĂ©. Tu es responsable de ta rose
 - Je suis responsable de ma rose
 rĂ©pĂ©ta le petit prince, afin de se souvenir.
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Antoine de Saint-Exupéry (The Little Prince)
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Tous les chagrins sont mĂ©prisants, imprenables, perchĂ©s Ă  des hauteurs que personne ne peux rejoindre. Peut-ĂȘtre a-t-on trop peur qu'une consolation efface ce qu'il reste des souvenirs.
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Timothée de Fombelle (Un prince sans royaume (Vango, #2))
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Mais parfois il y a quelque chose de fĂ©brile, de morbide, dans l’allure du flĂąneur. Il erre dans la ville, semble ĂȘtre Ă  la recherche d’une chimĂšre. Sa destination est confuse ou impossible Ă  atteindre. Son pas se fait nerveux, exaspĂ©rĂ© : on dirait un homme en fuite. Le flĂąneur fuit la banalitĂ© de la vie ordinaire. Il fuit les souvenirs et les spectres de son intĂ©rioritĂ©.
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Federico Castigliano (FlĂąneur: L'art de vagabonder dans Paris (French Edition))
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PrĂ©fĂšres-tu, rose, ĂȘtre l'ardente compagne de nos transports prĂ©sents? Est-ce les souvenir qui davantage te gagne lorsqu'un bonheur se reprend? Tant de fois je t'ai vue, heureuse et sĂšche, - chaque pĂ©tale un linceul - dans un coffret odorant, Ă  cĂŽtĂ© d'une mĂšche, ou dans un livre aimĂ© qu'on relira seul.
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Rainer Maria Rilke (The Complete French Poems of Rainer Maria Rilke)
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Les roses de Saadi J'ai voulu ce matin te rapporter des roses ; Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closes Que les noeuds trop serrés n'ont pu les contenir. Les noeuds ont éclaté. Les roses envolées Dans le vent, à la mer s'en sont toutes allées. Elles ont suivi l'eau pour ne plus revenir ; La vague en a paru rouge et comme enflammée. Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée... Respires-en sur moi l'odorant souvenir.
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Marceline Desbordes-Valmore
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... les rĂȘves vĂ©cus Ă  deux forment les souvenirs les plus beaux. La solitude est un jardin oĂč l'Ăąme se dessĂšche, les fleurs qui y poussent n'ont pas de parfum.
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Marc Levy (If Only It Were True)
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Rien ne vaut les souvenirs et les illusions de l'adolescence.
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Gustave Flaubert (Sentimental Education)
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Mais vous venez de dire : « La douleur diminue, les souvenirs s’estompent. » L’insomniaque lĂšve les yeux sur Lucas : — Diminuer, s’estomper, je l’ai dit, oui, mais non pas disparaĂźtre.
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Ágota Kristóf (La preuve)
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L'amitiĂ© tendre, la douce confiance et la seule qui soit sans rĂ©serve, les peines adoucies, les plaisirs augmentĂ©s, l'espoir enchanteur, les souvenirs dĂ©licieux, oĂč les trouver ailleurs que dans l'Amour ?
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Pierre Choderlos de Laclos
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Insomnie. Singulier Ă©tat oĂč l'acuitĂ© des sens s'accroĂźt, oĂč les souvenirs s'accumulent jusqu'Ă  devenir parfois intolĂ©rables, oĂč le temps qui s'Ă©coule pourtant au ralenti permet Ă  la pensĂ©e de galoper follement.
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Yvette Naubert
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Oh! je voudrais tant que tu te souviennes Des jours heureux oĂč nous Ă©tions amis En ce temps-lĂ  la vie Ă©tait plus belle Et le soleil plus brĂ»lant qu'aujourd'hui. Les feuilles mortes se ramassent Ă  la pelle Tu vois, je n'ai pas oubliĂ© Les feuilles mortes se ramassent Ă  la pelle Les souvenirs et les regrets aussi. Et le vent du Nord les emporte, Dans la nuit froide de l'oubli. Tu vois je n'ai pas oubliĂ©, La chanson que tu me chantais... Les feuilles mortes se ramassent Ă  la pelle Les souvenirs et les regrets aussi, Mais mon amour silencieux et fidĂšle Sourit toujours et remercie la vie. Je t'aimais tant, tu Ă©tais si jolie, Comment veux-tu que je t'oublie? En ce temps-lĂ  la vie Ă©tait plus belle Et le soleil plus brĂ»lant qu'aujourd'hui. Tu Ă©tais ma plus douce amie Mais je n'ai que faire des regrets. Et la chanson que tu chantais, Toujours, toujours je l'entendrai. C'est une chanson qui nous ressemble, Toi tu m'aimais, moi je t'aimais Et nous vivions, tous deux ensemble, Toi qui m'aimais, moi qui t'aimais. Mais la vie sĂ©pare ceux qui s'aiment, Tout doucement, sans faire de bruit Et la mer efface sur le sable Les pas des amants dĂ©sunis. C'est une chanson qui nous ressemble, Toi tu m'aimais et je t'aimais Et nous vivions tous deux ensemble, Toi qui m'aimais, moi qui t'aimais. Mais la vie sĂ©pare ceux qui s'aiment, Tout doucement, sans faire de bruit Et la mer efface sur le sable Les pas des amants dĂ©sunis.
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Jacques Prévert
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N'es-tu pas l'oasis oĂč je rĂȘve, et la gourde OĂč je hume Ă  long traits le vin du souvenir ?
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Charles Baudelaire (Les Fleurs du Mal)
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C'est bon d'avoir eu un copain. [...] On a toujours l'espoir qu'on restera copains, et que les moments passés ensemble ne seront pas effacés par de nouveaux souvenirs avec un autre.
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Didier van Cauwelaert (Un aller simple)
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Il Ă©tait encore trop jeune pour savoir que la mĂ©moire du cƓur efface les mauvais souvenirs et embellit les bons, et que c'est grĂące Ă  cet artifice que l'on parvient Ă  accepter le passĂ©.
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Gabriel GarcĂ­a MĂĄrquez (Love in the Time of Cholera)
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Ma vie est monotone. Je chasse les poules, les hommes me chassent. Toutes les poules se ressemblent, et tous les hommes se ressemblent. Je m'ennuie donc un peu. Mais, si tu m'apprivoises, ma vie sera comme ensoleillée. Je connaßtrai un bruit de pas qui sera différent de tous les autres. Les autres pas me font rentrer sous terre. Le tien m'appellera hors du terrier, comme une musique. Et puis regarde ! Tu vois, là-bas, les champs de blé ? Je ne mange pas de pain. Le blé pour moi est inutile. Les champs de blé ne me rappellent rien. Et ça, c'est triste ! Mais tu as des cheveux couleur d'or. Alors ce sera merveilleux quand tu m'auras apprivoisé ! Le blé, qui est doré, me fera souvenir de toi. Et j'aimerai le bruit du vent dans le blé...
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Antoine de Saint-Exupéry (The Little Prince)
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Les gens ne regardent plus le ciel. Ils gardent les yeux baissĂ©s sur leurs petits soucis, ils oublient que le monde peut ĂȘtre plus vaste, qu'il y a des couleurs, des arcs-en-ciel, des nuages et des oiseaux fantastiques qui pourraient changer leurs vies.
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Carina Rozenfeld (Le Brasier des souvenirs (PhĂŠnix, #2))
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Les hommes y tiennent Ă  leurs sales souvenirs, Ă  tous leurs malheurs et on ne peut pas les en faire sortir. Ca leur occupe l'Ăąme. Ils se vengent de l'injustice de leur prĂ©sent en besognant l'avenir au fond d'eux-mĂȘmes avec de la merde. Justes et lĂąches qu'ils sont tout au fond. C'est leur nature.
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Louis-Ferdinand CĂ©line (Journey to the End of the Night)
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Approcher Lucile, avec toutes les prĂ©cautions du monde ou Ă  bras raccourcis, c’est aussi approcher les autres, les vivants, au risque d’ailleurs de m’en Ă©carter. À ma sƓur, j’ai demandĂ© comme aux autres de me parler de Lucile, de me prĂȘter ses souvenirs.
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Delphine de Vigan (Rien ne s'oppose Ă  la nuit)
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A qui Ă©cris-tu? -A toi. En fait, je ne t'Ă©cris pas vraiment, j'Ă©cris ce que j'ai envie de faire avec toi... Il y avait des feuilles partout. Autour d'elle, Ă  ses pieds, sur le lit. J'en ai pris une au hasard: "...Pique-niquer, faire la sieste au bord d'une riviĂšre, manger des pĂȘches, des crevettes, des croissants, du riz gluant, nager, danser, m'acheter des chaussures, de la lingerie, du parfum, lire le journal, lĂ©cher les vitrines, prendre le mĂ©tro, surveiller l'heure, te pousser quand tu prends toute la place, Ă©tendre le linge, aller Ă  l'OpĂ©ra, faire des barbecues, rĂąler parce que tu as oubliĂ© le charbon, me laver les dents en mĂȘme temps que toi, t'acheter des caleçons, tondre la pelouse, lire le journal par-dessus ton Ă©paule, t'empĂȘcher de manger trop de cacahuĂštes, visiter les caves de la Loire, et celles de la Hunter Valley, faire l'idiote, jacasser, cueillir des mĂ»res, cuisiner, jardiner, te rĂ©veiller encore parce que tu ronfles, aller au zoo, aux puces, Ă  Paris, Ă  Londres, te chanter des chansons, arrĂȘter de fumer, te demander de me couper les ongles, acheter de la vaisselle, des bĂȘtises, des choses qui ne servent Ă  rien, manger des glaces, regarder les gens, te battre aux Ă©checs, Ă©couter du jazz, du reggae, danser le mambo et le cha-cha-cha, m'ennuyer, faire des caprices, bouder, rire, t'entortiller autour de mon petit doigt, chercher une maison avec vue sur les vaches, remplir d'indĂ©cents Caddie, repeindre un plafond, coudre des rideaux, rester des heures Ă  table Ă  discuter avec des gens intĂ©ressants, te tenir par la barbichette, te couper les cheveux, enlever les mauvaises herbes, laver la voiture, voir la mer, t'appeler encore, te dire des mots crus, apprendre Ă  tricoter, te tricoter une Ă©charpe, dĂ©faire cette horreur, recueillir des chats, des chiens, des perroquets, des Ă©lĂ©phants, louer des bicyclettes, ne pas s'en servir, rester dans un hamac, boire des margaritas Ă  l'ombre, tricher, apprendre Ă  me servir d'un fer Ă  repasser, jeter le fer Ă  repasser par la fenĂȘtre, chanter sous la pluie, fuire les touristes, m'enivrer, te dire toute la vĂ©ritĂ©, me souvenir que toute vĂ©ritĂ© n'est pas bonne Ă  dire, t'Ă©couter, te donner la main, rĂ©cupĂ©rer mon fer Ă  repasser, Ă©couter les paroles des chansons, mettre le rĂ©veil, oublier nos valises, m'arrĂȘter de courir, descendre les poubelles, te demander si tu m'aimes toujours, discuter avec la voisine, te raconter mon enfance, faire des mouillettes, des Ă©tiquettes pour les pots de confiture..." Et ça continuais comme ça pendant des pages et des pages...
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Anna Gavalda (Someone I Loved (Je l'aimais))
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Peu de vestiges Ă©voquent Ă  prĂ©sent en nous la lumiĂšre. Nous sommes nettement plus proches des tĂ©nĂšbres, nous ne sommes pour ainsi dire que tĂ©nĂšbres, tout ce qui nous reste, ce sont les souvenirs et aussi l’espoir qui s'est pourtant affadi, qui continue de pĂąlir et ressemblera bientĂŽt Ă  une Ă©toile Ă©teinte, Ă  un bloc de roche lugubre. Pourtant, nous savons quelques petits riens Ă  propos de la vie et quelques petits riens Ă  propos de la mort : nous avons parcouru tout ce chemin pour te ravir et remuer le destin. (p.13)
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JĂłn Kalman StefĂĄnsson (HimnarĂ­ki og helvĂ­ti)
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Le souvenir est une impulsion Ă©lectrique comme une autre.
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Sylvain Tesson (Dans les forĂȘts de SibĂ©rie)
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Quand tu es sorti de ma vie, je me suis demandé ce qui de toi était resté à l'intérieur de moi, quels souvenirs, quels mots, quels trésors, quels trophées?
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Martine Delvaux (Les cascadeurs de l'amour n'ont pas droit au doublage)
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Mes souvenirs continuent Ă  briller comme les Ă©toiles mortes. Le passĂ© me semble parfait, le futur pas trĂšs sĂ»r. Je prĂ©fĂšre conjuguer l’irrĂ©el du present.
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Jean-Louis Fournier (VEUF)
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Un roi doit avoir les mĂȘmes souvenirs que ses sujets.
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Jean-Paul Sartre (Huis clos: suivi de Les Mouches)
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La mémoire garde trace de chaque étape d'un voyage au long cours. Comme si le mouvement avait le rÎle d'un fixateur de souvenirs ou que le temps, lorsqu'il était mesuré par le défilement de l'espace, ne se dissolvait plus dans l'oubli. La route intensifie les événements de la vie.
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Sylvain Tesson (Éloge de l'Ă©nergie vagabonde)
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Il y a donc de "bons" et de "mauvais" romans. Le plus souvent, ce sont les seconds que nous trouvons d'abord sur notre route. Et ma foi, quand ce fut mon tour d'y passer, j'ai le souvenir d'avoir trouvé ça "vachement bien". J'ai eu beaucoup de chance : on ne s'est pas moqué de moi, on n'a pas levé les yeux au ciel, on ne m'a pas traité de crétin. On a juste laissé traßner sur mon passage quelques "bons" romans en se gardant bien de m'interdire les autres. C'était la sagesse. (p. 182)
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Daniel Pennac (Comme un roman)
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Je sais pourtant que si on s'Ă©tait embrassĂ©s, je serais reparti le cƓur content, me foutant de la pluie ou du beau temps, puisque je comptais un peu pour toi. Je sais que ce baiser m'aurait accompagnĂ© partout et pendant longtemps, comme un souvenir radieux auquel me raccrocher dans les moments de solitude. Mais aprĂšs tout, certains disent que les plus belles histoires d'amour sont celles qu'on n'a pas eu le temps de vivre. Peut-ĂȘtre alors que les baisers qu'on ne reçoit pas sont aussi les plus intenses.
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Guillaume Musso (Que serais-je sans toi?)
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Il existe dans tous les sentiments humains une fleur primitive, engendrĂ©e par un noble enthousiasme qui va toujours faiblissant jusqu’à ce que le bonheur ne soit plus qu’un souvenir et la gloire un mensonge
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Honoré de Balzac
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C'est un grand acte de sagesse à la fois et de pitié de la part du créateur, que de nous avoir interdit la connaissance de l'avenir, alors qu'il nous à octroyé les délices du souvenir et les prestiges de l'espérance.
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Maurice Druon (Les Rois maudits)
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Stop. J'en suis sorti. Des souvenirs. Du passĂ©. Mais tĂŽt ou tard les choses que tu as laissĂ© derriĂšre toi te rattrapent. Et les choses les plus simples, quand tu es amoureux, te semblent les plus belles. Parce que leur simplicitĂ© n'a pas d'Ă©gal. Et j'ai envie de crier. Dans ce silence qui fait mal. Stop. Laisse tomber. Reprends-toi. VoilĂ . FermĂ©. A double tour. Au fond du cƓur, bien au fond. Dans ce jardin. Quelques fleurs, un peu d'ombre et puis la douleur. Mets-les lĂ , cache les bien surtout, lĂ  oĂč personne ne peut les voir. LĂ  oĂč toi tu ne peux pas les voir.
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Federico Moccia (Ho voglia di te)
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Pourquoi les enfants sont si cruels ? On parle toujours de leur "innocence", alors que, d'aprĂšs mes souvenirs de cours de rĂ©crĂ©, ils se comportent plutĂŽt comme des petits cons. Il suffit d'ĂȘtre un pu trop gros, un peu trop grand, un peu trop roux, de sentir un peu trop fort... Il n'y a rien d'innocent dans les horreurs qu'on m'a balancĂ©es quand j'Ă©tais petite.
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Holly Bourne (How Hard Can Love Be? (The Spinster Club, #2))
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Mais maintenant, brutalement sortie de ce tumulte, je voulais encore une fois revivre, pour en jouir rĂ©trospectivement, bribe par bribe, ces Ă©motions fugitives, grĂące Ă  cette façon magique de se tromper soi-mĂȘme que nous appelons le souvenir...À vrai dire, ce sont lĂ  des choses que l'on comprend ou que l'on ne comprend pas. Peut-ĂȘtre faut-il avoir un cƓur brĂ»lant, pour les concevoir.
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Stefan Zweig (Vingt-quatre heures de la vie d'une femme)
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Voir s'achever le temps de l'angoisse et de la crainte ! Voir se lever puis se dissoudre les nuĂ©es lugubres suspendues au-dessus de nous — ces sombres nuages qui attristent le cƓur et rĂ©duisent le bonheur Ă  un vague souvenir ! Rares sont les ĂȘtres qui n'ont jamais Ă©prouvĂ© cette joie-lĂ .
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Richard Adams (Watership Down (Watership Down, #1))
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Le merveilleux d'une maison n'est point qu'elle vous abrite ou vous rĂ©chauffe, ni qu'on en possĂšde les murs. Mais bien qu'elle ait lentement dĂ©posĂ© en nous ces provisions de douceur. Qu'elle forme dans le fond du cƓur, ce massif obscur dont naissent, comme des eaux de source, les songes...
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Antoine de Saint-Exupéry (Terre des hommes)
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Oh ! Les vieilleries ! Vieilles lettres, vieux vĂȘtements, vieux objets dont on ne veut pas se dĂ©barrasser. Comme la Nature a bien compris que, tous les ans, elle doit changer de feuilles, de fleurs, de fruits et de lĂ©gumes, et faire du fumier avec les souvenirs de son annĂ©e ! (19 octobre 1906)
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Jules Renard (The Journal of Jules Renard)
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But, you will say, what a dreadful person you are, with your impossible religious notions and idiotic scruples. If my ideas are impossible or idiotic then I would like nothing better than to be rid of them. But this is roughly the way I actually see things. In Le philosophe sous les toits by Souvestre you can read what a man of the people, a simple craftsman, pitiful if you will, thinks of his country: ‘Tu n’as peut-ĂȘtre jamais pensĂ© ĂĄ ce que c’est la patrie, reprit-il, en me posant une main sur l’épaule; c’est tout ce qui t’entoure, tout ce qui t’a Ă©levĂ© et nourri, tout ce que tu as aimĂ©. Cette campagne que tu vois, ces maisons, ces arbres, ces jeunes filles qui passent lĂĄ en riant, c’est la patrie! Les lois qui te protĂ©gent, le pain qui paye ton travail, les paroles que tu Ă©changes, la joie et la tristesse qui te viennent des hommes et des choses parmi lesquels tu vis, c’est la patrie! La petite chambre oĂș tu as autrefois vu ta mere, les souvenirs qu’elle t’a laisses, la terre oĂș elle repose, c’est la patrie! Tu la vois, tu la respires partout! Figure toi, tes droits et tes devoirs, tes affections et tes besoins, tes souvenirs et ta reconnaissance, rĂ©unis tout ça sous un seul nom et ce nom sera la patrie.
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”
Vincent van Gogh
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J'ai fermĂ© les yeux, et j'ai mis les mains dessus, et j'ai tĂąchĂ© d'oublier, d'oublier le prĂ©sent dans le passĂ©. Tandis que je rĂȘve, les souvenirs de mon enfance et de ma jeunesse me reviennent un Ă  un, doux, calmes, riants, comme des Ăźles de fleurs sur ce gouffre de pensĂ©es noires et confuses qui tourbillonnent dans mon cerveau.
”
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Victor Hugo (Le Dernier Jour D'un Condamné ; Claude Gueux)
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PrĂ©face J'aime l'idĂ©e d'un savoir transmis de maĂźtre Ă  Ă©lĂšve. J'aime l'idĂ©e qu'en marge des "maĂźtres institutionnels" que sont parents et enseignants, d'autres maĂźtres soient lĂ  pour dĂ©fricher les chemins de la vie et aider Ă  y avancer. Un professeur d'aĂŻkido cĂŽtoyĂ© sur un tatami, un philosophe rencontrĂ© dans un essai ou sur les bancs d'un amphi-thĂ©Ăątre, un menuisier aux mains d'or prĂȘt Ă  offrir son expĂ©rience... J'aime l'idĂ©e d'un maĂźtre considĂ©rant comme une chance et un honneur d'avoir un Ă©lĂšve Ă  faire grandir. Une chance et un honneur d'assister aux progrĂšs de cet Ă©lĂšve. Une chance et un honneur de participer Ă  son envol en lui offrant des ailes. Des ailes qui porteront l'Ă©lĂšve bien plus haut que le maĂźtre n'ira jamais. J'aime cette idĂ©e, j'y vois une des clefs d'un Ă©quilibre fondĂ© sur la transmission, le respect et l'Ă©volution. Je l'aime et j'en ai fait un des axes du "Pacte des MarchOmbres". Jilano, qui a Ă©tĂ© guidĂ© par EsĂźl, guide Ellana qui, elle-mĂȘme, guidera Salim... Transmission. Ellana, personnage ĂŽ combien essentiel pour moi (et pour beaucoup de mes lecteurs), dans sa complexitĂ©, sa richesse, sa volontĂ©, ne serait pas ce qu elle est si son chemin n avait pas croisĂ© celui de Jilano. Jilano qui a su dĂ©velopper les qualitĂ©s qu'il dĂ©celait en elle. Jilano qui l'a poussĂ©e, ciselĂ©e, enrichie, libĂ©rĂ©e, sans chercher une seule fois Ă  la modeler, la transformer, la contraindre. Respect. q Jilano, maĂźtre marchombre accompli. MaĂźtre accompli et marchombre accompli. Il sait ce qu'il doit Ă  EsĂźl qui l'a formĂ©. Il sait que sans elle, il ne serait jamais devenu l'homme qu'il est. L'homme accompli. Elle l'a poussĂ©, ciselĂ©, enrichi, libĂ©rĂ©, sans chercher une seule fois Ă  le modeler, le transformer, le contraindre. Respect. Évolution. EsĂźl, uniquement prĂ©sente dans les souvenirs de Jilano, ne fait qu'effleurer la trame du Pacte des Marchombres. Nul doute pourtant qu'elle soit parvenue Ă  faire dĂ©couvrir la voie Ă  Jilano et Ă  lui offrir un Ă©lan nĂ©cessaire pour qu'il y progresse plus loin qu'elle. Jilano agit de mĂȘme avec Ellana. Il sait, dĂšs le dĂ©part, qu'elle le distancera et attend ce moment avec joie et sĂ©rĂ©nitĂ©. Ellana est en train de libĂ©rer les ailes de Salim. Jusqu'oĂč s envolera-t-il grĂące Ă  elle ? J'aime cette idĂ©e, dans les romans et dans la vie, d’un maĂźtre transmettant son savoir Ă  un Ă©lĂšve afin qu a terme il le dĂ©passe. J'aime la gĂ©nĂ©rositĂ© qu'elle induit, la confiance qu'elle implique en la capacitĂ© des hommes Ă  s'amĂ©liorer. J'aime cette idĂ©e, mĂȘme si croiser un maĂźtre est une chance rare et mĂȘme s'il existe bien d'autres maniĂšres de prendre son envol. Lire. Écrire. S'envoler. Pierre Bottero
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Pierre Bottero (Ellana, l'Envol (Le Pacte des MarchOmbres, #2))
“
L'histoire est le produit le plus dangereux que la chimie de l'intellect ait Ă©laborĂ©. Ses propriĂ©tĂ©s sont bien connues. Il fait rĂȘver, il enivre les peuples, leur engendre de faux souvenirs, exagĂšre leurs rĂ©flexes, entretient leurs vieilles plaies, les tourmente dans leur repos, les conduit au dĂ©lire des grandeurs ou Ă  celui de la persĂ©cution, et rend les nations amĂšres, superbes, insupportables et vaines. L'histoire justifie ce que l'on veut. Elle n'enseigne rigoureusement rien, car elle contient tout, et donne des exemples de tout.
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”
Paul Valéry (Regards sur le monde actuel et autres essais)
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Nous sommes une communauté parce que nous avons une mémoire. Parce que nous partageons des souvenirs, des savoirs qui ne nous ont pas été enseignés ou légués par nos familles.
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Vincent Fortier (Les racines secondaires)
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Je pense Ă  toi..., bien d'autres souvenirs, d'autres tableaux surgissent devant moi, et partout c'est toi, sur tous les chemins de ma vie, c'est toi que je rencontre.
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Ivan Turgenev (First Love)
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Surtout les vieillards sont dangereux, à qui le souvenir des choses passées demeure, et qui ont perdu le souvenir de leurs redites.
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Michel de Montaigne (Essais Livre 1 (Français moderne et moyen Français comparés) (French Edition))
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J'ai le regret de votre mÚre. Chacun des souvenirs que j'ai gardés de mon épouse est un morceau de joie que je ne retrouverai jamais.
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Pascal Quignard (Tous les matins du monde)
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Accepter que tel ou tel ĂȘtre, que nous aimions, soit mort. Accepter que tel et tel, vivants, aient eu leurs faiblesses, leurs bassesses, leurs erreurs, que nous essayons vainement de recourvrir de pieux mensonges, un peu par respect et par pitiĂ© pour eux, beaucoup par pitiĂ© pour nous-mĂȘmes, et pour la vaine gloire d’avoir aimĂ© seulement la perfection, l’intelligence ou la beautĂ©. Accepter qu’ils soient morts avant leur temps, parce qu’il n’y a pas de temps. Accepter de les oublier, puisque l’oubli fait partie de l’ordre des choses. Accepter de s’en souvenir, puisqu’en secret la mĂ©moire se cĂąche au fond de l’oubli. Accepter mĂȘme, mais en se promettant de faire mieux la prochaine fois, et Ă  la prochaine rencontre, de les avoir maladroitement ou mĂ©diocrement aimĂ©s.
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Marguerite Yourcenar (Pellegrina e straniera)
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HĂ©lĂšne m’a racontĂ© toute sa vie. Tout mais en puzzle. Comme si elle m’avait fait cadeau du plus bel objet de sa maison, mais qu’elle l’avait cassĂ© en mille morceaux avant, sans le faire exprĂšs.
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Valérie Perrin (Les Oubliés du dimanche)
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J'ai regardĂ© Ă  ma montre, et j'ai calculĂ© combien de temps il me restait Ă  vivre ; j'ai vu que j'avais encore une heure Ă  peine. Il me reste assez de papier sur ma table pour retracer Ă  la hĂȘte tous les souvenirs de ma vie et toutes les circonstances qui ont influĂ© sur cet enchaĂźnement stupide et logique de jours et de nuits , de larmes et de rires, qu'on a coutume d'appeler l'existence d'un homme.
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Gustave Flaubert (La derniÚre heure : Conte philosophique inachevé)
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PlacĂ©e plus prĂšs du plafond que ne le sont d'habitude les simples mortels, Tonia sombrait dans la brume des souffrances qu'elle avait traversĂ©es, elle paraissait nimbĂ©e d'Ă©puisement. Elle s'Ă©levait au milieu de la salle comme, au milieu d'une baie, un navire qui viendrait de jeter l'ancre et se serait vidĂ© de son chargement d'Ăąmes nouvelles, amenĂ©es on ne sait d'oĂč sur le continent de la vie Ă  travers l'ocĂ©an de la mort. Elle venait seulement de dĂ©barquer l'une de ces Ăąmes, et maintenant elle Ă©tait en rade et se reposait, de toute la vacuitĂ© de ses flancs allĂ©gĂ©s. Ses agrĂšs et sa carĂšne abĂźmĂ©s et surmenĂ©s se reposaient en mĂȘme temps qu'elle, ainsi que son oubli, le souvenir effacĂ© de l'endroit d'oĂč elle venait, de sa traversĂ©e et de son arrivĂ©e Ă  bon port. Et comme personne ne connaissait la gĂ©ographie du pays sous le pavillon duquel elle Ă©tait amarrĂ©e, on ne savait dans quelle langue lui adresser la parole.
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Boris Pasternak (Doctor Zhivago)
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Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu. Ce goĂ»t, c’était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin Ă  Combray (parce que ce jour-lĂ  je ne sortais pas avant l’heure de la messe), quand j’allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante LĂ©onie m’offrait aprĂšs l’avoir trempĂ© dans son infusion de thĂ© ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m’avait rien rappelĂ© avant que je n’y eusse goĂ»tĂ© ; peut-ĂȘtre parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pĂątissiers, leur image avait quittĂ© ces jours de Combray pour se lier Ă  d’autres plus rĂ©cents ; peut-ĂȘtre parce que, de ces souvenirs abandonnĂ©s si longtemps hors de la mĂ©moire, rien ne survivait, tout s’était dĂ©sagrĂ©gĂ© ; les formes — et celle aussi du petit coquillage de pĂątisserie, si grassement sensuel sous son plissage sĂ©vĂšre et dĂ©vot — s’étaient abolies, ou, ensommeillĂ©es, avaient perdu la force d’expansion qui leur eĂ»t permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d’un passĂ© ancien rien ne subsiste, aprĂšs la mort des ĂȘtres, aprĂšs la destruction des choses, seules, plus frĂȘles mais plus vivaces, plus immatĂ©rielles, plus persistantes, plus fidĂšles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des Ăąmes, Ă  se rappeler, Ă  attendre, Ă  espĂ©rer, sur la ruine de tout le reste, Ă  porter sans flĂ©chir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir.
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Marcel Proust (Du cĂŽtĂ© de chez Swann (À la recherche du temps perdu, #1))
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L'exode relĂšve de la condition humaine. Pourtant, ceux qui ,e fuient pas refusent cette rĂ©alitĂ©. Provisoirement Ă  l'abri, campĂ©s sur leur terrain ainsi qu'un chĂȘne dans le sol, prenant leurs pieds pour des racines, ils estiment que l'espace leur appartient et considĂšrent le migrant comme un ĂȘtre infĂ©rieur doublĂ© d'une nuisance. Quelle bĂȘtise aveugle ! J'aimerais tant que l'esprit de leurs aĂŻeux circule en eux pour leur rappeler les kilomĂštres parcourus, les transhumances sans fin, la peur au ventre, l'incertitude, la faim. Pourquoi, au fond de leur chair, ne subsistent pas les souvenirs de leurs anciens qui survĂ©curent au danger, Ă  l'hostilitĂ©, Ă  la misĂšre, aux guerres ? La mĂ©moire de ces courages ou des ces sacrifices auxquels ils doivent leur vie les rendraient moins sots. S'ils connaissaient et reconnaissaient leur histoire, leur fragilitĂ© constitutive, la volatilitĂ© de leur identitĂ©, ils perdraient l'illusion de leur supĂ©rioritĂ©. Il n'existe pas d'humain plus lĂ©gitime Ă  habiter ici que lĂ . Le migrant, ce n'est pas l'autre ; le migrant, c'est moi hier ou moi demain. Par ses ancĂȘtres ou par ses descendants, chacun de nous porte mille migrants en lui.
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Éric-Emmanuel Schmitt (Paradis perdus (La traversĂ©e des temps, #1))
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Dans les jours d'aprÚs nous distribuerons tes soixante-dix-sept peluches, une par une ou deux par deux, à des fossés dans les campagnes, à des clairiÚres, à des rochers. C'est joli, ces ours, ces lapins, ces petits chats abandonnés sur les tapis de mousse, prenant la pluie sous les marguerites.
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Sophie Daull (Camille, mon envolée)
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Un peu comme lorsque je rentre d'un voyage quelque part et que tout le monde me demande comment c'Ă©tait : peu Ă  peu mes diffĂ©rentes rĂ©ponses n'en font plus qu'une, mes impressions se resserrent sur elles-mĂȘmes, ouais, c'est cool, lĂ -bas, et tiens, une anecdote marrante... puis ce discours unique se substitue Ă  la rĂ©alitĂ© du souvenir. Du coup, j'ai franchement eu peur. J'ai ressenti cette crainte familiĂšre, soudainement intense et sincĂšre, qu'une fois toute sensation Ă©chappĂ©e de ma vie, il ne reste plus de celle-ci qu'un clichĂ©. Et le jour de ma mort, saint Pierre me demanderait : - C'Ă©tait comment ? - Vraiment super, en bas. J'aimais bien la bouffe. m'enfin, avec la tourista... Bon, les gens sont tous trĂšs sympas quand mĂȘme. Et ça serait tout. (...) Et j'ai dĂ©cidĂ© de raconter quelque chose de nouveau sur mon sĂ©jour Ă  chaque personne qui voudrait que je lui en parle, sans me rĂ©pĂ©ter une seule fois.
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Benjamin Kunkel (Indecision)
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Il paraĂźt qu'Ă  soixante-dix ans, c'est le meilleur souvenir qu'il vous reste. Le sexe. C'est ma grand-mĂšre qui m'a dit ça. Elle m'a dit, tu sais quand on a mon Ăąge, les plus beaux souvenirs qu'il vous reste ce sont les nuits d'amour. C'est ses mots Ă  elle, mais je sais bien ce que ça veut dire. Ça veut dire qu'il n'y a rien de tel, aprĂšs avoir bien pris son pied, que de se coller contre un homme en lui tenant la bite encore toute chaude comme un petit Ă©cureuil endormi. Tricote-toi des souvenirs, elle me dit, ma grand-mĂšre, alors moi, je fais comme elle me dit et je me tricote des souvenirs pour me faire des pulls et des pulls pour quand je serai vieille et que j'aurai toujours froid. Parce que les vieux, ils ont toujours froid. Ils ont froid de ne plus pouvoir vivre les choses. C'est ça, qui donne froid, c'est de plus pouvoir s'assouvir, de plus pouvoir se donner Ă  fond Ă  ce qu'on a envie de vivre.
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David Thomas (La Patience des buffles sous la pluie)
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La grandeur d'un mĂ©tier est peut-ĂȘtre, avant tout, d'unir des hommes : il n'est qu'un luxe vĂ©ritable, et c'est celui des relations humaines. En travaillant pour les seuls biens matĂ©riels, nous bĂątissons nous-mĂȘmes notre prison. Nous nous enfermons solitaires, avec notre monnaie de cendre qui ne procure rien qui vaille de vivre. Si je cherche dans mes souvenirs ceux qui m'ont laissĂ© un goĂ»t durable, si je fais le bilan des heures qui ont comptĂ©, Ă  coup sĂ»r je retrouve celles que nulle fortune ne m'eĂ»t procurĂ©es. On n'achĂšte pas l'amitiĂ© d'un Mermoz, d'un compagnon que les Ă©preuves vĂ©cues ensemble ont liĂ© Ă  nous pour toujours. (p. 35-36)
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Antoine de Saint-Exupéry (Wind, Sand and Stars)
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Que le dieu s’appelle Christ ou qu’il s’appelle Amour, il y a toujours une heure oĂč il est oubliĂ©, mĂȘme par le meilleur ; nous avons tous, mĂȘme les saints, besoin d’une voix qui nous fasse souvenir, et l’aube fait parler en nous l’avertisseur sublime. La conscience crie devant le devoir comme le coq chante devant le jour.
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Victor Hugo (L'homme qui rit)
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Si je cherche dans mes souvenirs ceux qui m'ont laissĂ© un goĂ»t durable, si je fais le bilan des heures qui ont comptĂ©, Ă  coup sĂ»r je retrouve celles que nulle fortune ne m'eĂ»t procurĂ©es. On n'achĂšte pas l'amitiĂ© d'un Mermoz, d'un compagnon que les Ă©preuves vĂ©cues ensemble ont liĂ© Ă  nous pour toujours. Cette nuit de vol et ses cent mille Ă©toiles, cette sĂ©rĂ©nitĂ©, cette souverainetĂ© de quelques heures, l'argent ne les achĂšte pas. Cet aspect neuf du monde aprĂšs l'Ă©tape difficile, ces arbres, ces fleurs, ces femmes, ces sourires fraĂźchement colorĂ©s par la vie qui vient de nous ĂȘtre rendue Ă  l'aube, ce concert de petites choses qui nous rĂ©compensent, l'argent ne les achĂšte pas.
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Antoine de Saint-Exupéry (Wind, Sand and Stars)
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A tant d’annĂ©es passĂ©es le souvenir des choses, bien prĂ©cisĂ©ment, c’est un effort. Ce que les gens ont dit c’est presque tournĂ© des mensonges. Faut se mĂ©fier. C’est putain le passĂ©, ça fond dans la rĂȘvasserie. Il prend des petites mĂ©lodies en route qu’on lui demandait pas. Il vous revient tout maquillĂ© de pleurs et de repentirs en vadrouillant. C’est pas sĂ©rieux.
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Louis-Ferdinand CĂ©line (Guerre)
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Quand je considĂšre ma vie, je suis Ă©pouvantĂ© de la trouver informe. L'existence des hĂ©ros, celle qu'on nous raconte, est simple ; elle va droit au but comme une flĂšche. Et la plupart des hommes aiment Ă  rĂ©sumer leur vie dans une formule, parfois dans une vanterie ou dans une plainte, presque toujours dans une rĂ©crimination ; leur mĂ©moire leur fabrique complaisamment une existence explicable et claire. Ma vie a des contours moins fermes... Le paysage de mes jours semble se composer, comme les rĂ©gions de montagne, de matĂ©riaux divers entassĂ©s pĂȘle-mĂȘle. J'y rencontre ma nature, dĂ©jĂ  composite, formĂ©e en parties Ă©gales d'instinct et de culture. Ça et lĂ , affleurent les granits de l'inĂ©vitable ; partout, les Ă©boulements du hasard. Je m'efforce de reparcourir ma vie pour y trouver un plan, y suivre une veine de plomb ou d'or, ou l'Ă©coulement d'une riviĂšre souterraine, mais ce plan tout factice n'est qu'un trompe-l'oeil du souvenir. De temps en temps, dans une rencontre, un prĂ©sage, une suite dĂ©finie d'Ă©vĂ©nements, je crois reconnaĂźtre une fatalitĂ©, mais trop de routes ne mĂšnent nulle part, trop de sommes ne s'additionnent pas. Je perçois bien dans cette diversitĂ©, dans ce dĂ©sordre, la prĂ©sence d'une personne, mais sa forme semble presque toujours tracĂ©e par la pression des circonstances ; ses traits se brouillent comme une image reflĂ©tĂ©e sur l'eau. Je ne suis pas de ceux qui disent que leurs actions ne leur ressemblent pas. Il faut bien qu'elles le fassent, puisqu'elles sont ma seule mesure, et le seul moyen de me dessiner dans la mĂ©moire des hommes, ou mĂȘme dans la mienne propre ; puisque c'est peut-ĂȘtre l'impossibilitĂ© de continuer Ă  s'exprimer et Ă  se modifier par l'action que constitue la diffĂ©rence entre l'Ă©tat de mort et celui de vivant. Mais il y a entre moi et ces actes dont je suis fait un hiatus indĂ©finissable. Et la preuve, c'est que j'Ă©prouve sans cesse le besoin de les peser, de les expliquer, d'en rendre compte Ă  moi-mĂȘme. Certains travaux qui durĂšrent peu sont assurĂ©ment nĂ©gligeables, mais des occupations qui s'Ă©tendirent sur toute la vie ne signifient pas davantage. Par exemple, il me semble Ă  peine essentiel, au moment oĂč j'Ă©cris ceci, d'avoir Ă©tĂ© empereur..." (p.214)
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Marguerite Yourcenar (Les Yeux ouverts : Entretiens avec Matthieu Galey)
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Si, comme il arrivait quelquefois, elle avait les traits d’une femme que j’avais connue dans la vie, j’allais me donner tout entier Ă  ce but : la retrouver, comme ceux qui partent en voyage pour voir de leurs yeux une citĂ© dĂ©sirĂ©e et s’imaginent qu’on peut goĂ»ter dans une rĂ©alitĂ© le charme du songe. Peu Ă  peu son souvenir s’évanouissait, j’avais oubliĂ© la fille de mon rĂȘve.
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Gustave Flaubert (A la recherche du temps perdu)
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J’aime beaucoup les cimetiĂšres, moi, ça me repose et me mĂ©lancolise j’en ai besoin. Et puis, il y a aussi de bons amis lĂ  dedans, de ceux qu’on ne va plus voir ; et j’y vais encore, moi, de temps en temps. Justement, dans ce cimetiĂšre Montmartre, j’ai une histoire de cƓur, une maĂźtresse qui m’avait beaucoup pincĂ©, trĂšs Ă©mu, une charmante petite femme dont le souvenir, en mĂȘme temps qu’il me peine Ă©normĂ©ment, me donne des regrets
 des regrets de toute nature. Et je vais rĂȘver sur sa tombe
 C’est fini pour elle. Et puis, j’aime aussi les cimetiĂšres, parce que ce sont des villes monstrueuses, prodigieusement habitĂ©es. Songez donc Ă  ce qu’il y a de morts dans ce petit espace, Ă  toutes les gĂ©nĂ©rations de Parisiens qui sont logĂ©s lĂ , pour toujours, troglodytes dĂ©finitifs enfermĂ©s dans leurs petits caveaux, dans leurs petits trous couverts d’une pierre ou marquĂ©s d’une croix, tandis que les vivants occupent tant de place et font tant de bruit, ces imbĂ©ciles. Me voici donc entrant dans le cimetiĂšre Montmartre, et tout Ă  coup imprĂ©gnĂ© de tristesse, d’une tristesse qui ne faisait pas trop, de mal, d’ailleurs, une de ces tristesses qui vous font penser, quand on se porte bien : « Ça n’est pas drĂŽle, cet endroit-lĂ , mais le moment n’en est pas encore venu pour moi
 » L’impression de l’automne, de cette humiditĂ© tiĂšde qui sent la mort des feuilles et le soleil affaibli, fatiguĂ©, anĂ©mique, aggravait en la poĂ©tisant la sensation de solitude et de fin dĂ©finitive flottant sur ce lieu, qui sent la mort des hommes.
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Guy de Maupassant (La Maison Tellier)
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J'ai beau retourner mes souvenir dans tous les sens, je ne parviens pas Ă  me rappeler clairement l'instant oĂč nous avons dĂ©cidĂ© de ne plus nous contenter de partager le peu que nous avions et de cesser d'avoir confiance, de voir l'autre comme un danger, de crĂ©er cette frontiĂšre invisible avec le monde extĂ©rieur en faisant de notre quartier une forteresse et de notre impasse un enclos.
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Gaël Faye (Petit pays)
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D'autres deuils assombrirent mon existence, rendant chaque fois un peu plus fausse la rĂ©sonance de mes plaisirs, avant le jour oĂč je pus entendre sa voix. TirĂ© trop tĂŽt du sommeil pour vaquer Ă  mes habitudes, je m'Ă©tais enfermĂ© dans le dĂ©barras minuscule oĂč s'entassent mille tĂ©moins extravagants de mon passĂ© : objets divers auxquels seul le souvenir qu'ils Ă©voquent saurait donner un nom.
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Marcel BĂ©alu (Les messagers clandestins)
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Un jour viendra, ai-je dit, oĂč nous serons tous morts. Tous. Un jour viendra oĂč il ne restera plus aucun ĂȘtre humain pour se rappeler l'existence des hommes. Un jour viendra oĂč il ne restera plus personne pour se souvenir d'Aristote ou de ClĂ©opĂątre, encore moins de toi. Tout ce qui a Ă©tĂ© fait, construit, Ă©crit, pensĂ© ou dĂ©couvert sera oubliĂ©, et tout ça, ai-je ajoutĂ© avec un geste large, n'aura servi Ă  rien. Ce jour viendra bientĂŽt ou dans des millions d'annĂ©es. Quoi qu'il arrive, mĂȘme si nous survivons Ă  la fin du soleil, nous ne survivrons pas toujours. Du temps s'est Ă©coulĂ© avant que les organismes acquiĂšrent une conscience et il s'en Ă©coulera aprĂšs. Alors si l'oubli inĂ©luctable de l'humanitĂ© t'inquiĂšte, je te conseille de ne pas y penser. C'est ce que tout le monde fait.
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John Green (The Fault in Our Stars)
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Elle s'astreignit Ă  se souvenir du froid glacial et du silence qui rĂ©gnait, de cette sensation sans prix d'ĂȘtre les maĂźtres de la Terre, d'avoir vingt ans et toute la vie devant soit, de s'aimer en paix, grisĂ©s par l'odeur des bois et de l'amour, sans passĂ©, sans avenir Ă  sonder, avec pour seule et extraordinaire richesse celle de l'instant prĂ©sent oĂč ils se contemplaient, se humaient, s'embrassaient, se dĂ©couvraient l'un l'autre dans le murmure du vent parmi les branches et la proche rumeur des vagues dĂ©ferlant contre les rochers au pied des falaises puis explosant dans un tonnerre d'Ă©cume odorante, elle et lui enlacĂ©s sous un mĂȘme poncho comme deux siamois dans la mĂȘme peau, riant et se jurant que ce serait pour toujours, convaincus d'ĂȘtre les seuls dans tout l'univers Ă  avoir dĂ©couvert l'amour.
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Isabel Allende (The House of the Spirits)
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Que se serait-il passĂ© ? Lol ne va pas loin dans l'inconnu sur lequel s'ouvre cet instant. Elle ne dispose d'aucun souvenir mĂȘme imaginaire, elle n'a aucune idĂ©e sur cet inconnu. Mais ce qu'elle croit, c'est qu'elle devait y pĂ©nĂ©trer, que c'Ă©tait ce qu'il lui fallait faire, que ç'aurait Ă©tĂ© pour toujours, pour sa tĂȘte et pour son corps, leur plus grande douleur et leur plus grande joie confondues jusque dans leur dĂ©finition devenue unique mais innommable faute d'un mot. J'aime Ă  croire, comme je l'aime, que si Lol est silencieuse dans la vie c'est qu'elle a cru, l'espace d'un Ă©clair, que ce mot pouvait exister. Faute de son existence, elle se tait. Ç'aurait Ă©tĂ© un mot-absence, un mot-trou, creusĂ© en son centre d'un trou, de ce trou oĂč tous les autres mots auraient Ă©tĂ© enterrĂ©s. On n'aurait pas pu le dire mais on aurait pu le faire rĂ©sonner. Immense, sans fin, un gong vide, il aurait retenu ceux qui voulaient partir, il les aurait convaincus de l'impossible, il les aurait assourdis Ă  tout autre vocable que lui-mĂȘme, en une fois il les aurait nommĂ©s, eux, l'avenir et l'instant. Manquant, ce mot, il gĂąche tous les autres, les contamine, c'est aussi le chien mort de la plage en plein midi, ce trou de chair.
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Marguerite Duras (The Ravishing of Lol Stein)
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Celui qui prĂ©tend se souvenir mot pour mot d'une conversation m'a toujours paru un menteur ou un mythomane. Il ne me reste jamais que des bribes, un texte plein de trous, comme un document mangĂ© des vers. Mes propres paroles, mĂȘme Ă  l'instant oĂč je les prononce, je ne les entends pas. Quand Ă  celles de l'autre, elles m'Ă©chappent, et je ne me souviens que du mouvement d'une bouche Ă  portĂ©e de mes lĂšvres. (p. 202-203)
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Marguerite Yourcenar (Alexis ou le Traité du vain combat / Le Coup de grùce)
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Elle [Catherine de Mainau] avait, dit-on, inspiré des passions trÚs vives ; elle en avait ressenti ; elle avait eu des peines, qu'elle n'avais pas longtemps portées. Il en était de ses chagrins, je suppose, comme de ses robes de bal, qu'elle ne mettait qu'une fois. Mais elle les gardait toutes ; elle avait, ainsi, des armoires de souvenirs. Vous disiez, mon amie, que la princesse Catherine avait une ùme de dentelle. (p. 86-87)
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Marguerite Yourcenar (Alexis ou le Traité du vain combat / Le Coup de grùce)
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J’ai arpentĂ© les galeries sans fin des grandes bibliothĂšque, les rues de cette ville qui fĂ»t la nĂŽtre, celle oĂč nous partagions presque tous nos souvenirs depuis l’enfance. Hier, j’ai marchĂ© le long des quais, sur les pavĂ©s du marchĂ© Ă  ciel ouvert que tu aimais tant. Je me suis arrĂȘtĂ© par-ci par-lĂ , il me semblait que tu m’accompagnais, et puis je suis revenu dans ce petit bar prĂšs du port, comme chaque vendredi. Te souviendras-tu ? Je ne sais pas oĂč tu es. Je ne sais pas si tout ce que nous avons vĂ©cu avait un sens, si la vĂ©ritĂ© existe, mais si tu trouves ce petit mot un jour, alors tu sauras que j’ai tenu ma promesse, celle que je t’ai faite. A mon tour de te demander quelque chose, tu me le dois bien. Oublie ce que je viens d’écrire, en amitiĂ© on ne doit rien. Mais voici nĂ©anmoins ma requĂȘte : Dis-lui, dis-lui que quelque part sur cette terre, loin de vous, de votre temps, j’ai arpentĂ© les mĂȘmes rues, ri avec toi autour des mĂȘmes tables, et puisque les pierres demeurent, dis-lui que chacune de celles oĂč nous avons posĂ© nos mais et nos regards contient Ă  jamais une part de notre histoire. Dis-lui, que j’étais ton ami, que tu Ă©tais mon frĂšre, peut-ĂȘtre mieux encore puisque nous nous Ă©tions choisis, dis-lui que rien n’a jamais pu nous sĂ©parer, mĂȘme votre dĂ©part si soudain.
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Marc Levy (La prochaine fois)
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- Alors ? - J'ai du plaisir Ă  sentir mon corps se remettre Ă  fonctionner, Salim. Je me dĂ©lecte de mes enjambĂ©es qui se fluidifient, du frottement de mes bras contre mon torse, de l'oxygĂšne qui entre dans mes poumons, j'apprĂ©cie mĂȘme la douleur dans mes muscles et mon souffle court... Comprends-tu ? - Je crois, oui, rĂ©pondit Salim soudain attentif. - Alors Ă©coute la suite. Je dĂ©sire marcher pour redevenir moi-mĂȘme mais, par-dessus tout, je dĂ©sire dĂ©couvrir un trajet que j'ai effectuĂ© dans tes bras et dont je ne garde pas le moindre souvenir. Si j'en Ă©tais capable, je l'accomplirais en te portant sur mon dos pour comprendre la force qui t'a soutenu, sans boire et sans manger, sans certitude pour motiver tes pas. Je veux marcher parce que je te suis redevable, Salim, c'est le seul moyen dont je dispose pour rembourser une infime partie de ma dette. Un pas sur le cĂŽtĂ© amoindrirait ton geste et je t'aime trop pour te diminuer.
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Pierre Bottero (La ForĂȘt des captifs (Les Mondes d'Ewilan, #1))
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Les passantes : Je veux dĂ©dier ce poĂšme A toutes les femmes qu'on aime Pendant quelques instants secrets A celles qu'on connait Ă  peine Qu'un destin diffĂ©rent entraine Et qu'on ne retrouve jamais ...... A la compagne de voyage Dont les yeux, charmant paysage Font apparaitre court le chemin Qu'on est seul, peut-ĂȘtre Ă  comprendre Et qu'on laisse pourtant descendre Sans avoir effleurĂ© sa main. .... ChĂšres images aperçues EspĂ©rances d'un jour deçues Vous serez dans l'oubli demain Pour peu que le bonheur survienne Il est rare qu'on se souvienne Des Ă©pisodes du chemin. Mais si lon a manquĂ© sa vie On songe avec un peu d'envie A tous ces bonheurs entrevus Aux baisers qu'on n'osa pas prendre Aux coeurs qui doivent vous attendre Aux yeux qu'on n'a jamais revus. Alors aux soirs de lassitude Tout en peuplant sa solitude Des fantĂŽmes du souvenir On pleure les lĂšvres absentes De toutes ces belles passantes Que l'on n'a pas su retenir.
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Antoine Polin
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Moi qui ai eu la chance, malgrĂ© quelques grosses sĂ©quelles, de me relever et de retrouver une autonomie totale, je pense souvent Ă  cette incroyable pĂ©riode de ma vie et surtout Ă  tous mes compagnons d’infortune. À part Samia, peut-ĂȘtre, je sais pertinemment que les autres sont toujours dans leurfauteuil, qu’ils sont contraints Ă  une assistance permanente, qu’ils ont toujours droit aux sondages urinaires, aux transferts, aux fauteuils-douches, aux sĂ©ances de verticalisation
 Ils sont pour toujours confrontĂ©s Ă  ces mots qui ont Ă©tĂ© mon quotidien, cette annĂ©e-lĂ  J’ai fait trois autres centres de rĂ©Ă©ducation par la suite, mais jamais je n’ai autant ressenti la violence de cette immersion dans le monde du handicap que lors de ces quelques mois. Jamais je n’ai retrouvĂ© autant de malheur et autant d’envie de vivre rĂ©unis en un mĂȘme lieu, jamais je n’ai croisĂ© autant de souffrance et d’énergie, autant d’horreur et d’humour. Et jamais plus je n’ai ressenti autant d’intensitĂ© dans le rapport des ĂȘtres humains Ă  l’incertitude de leur avenir .. Je ne connaissais rien de ce monde-lĂ  avant mon accident. Je me demande mĂȘme si j’y avais dĂ©jĂ  vraiment pensĂ©. Bien sĂ»r, cette expĂ©rience aussi difficile pour moi que pour mon entourage proche m’a beaucoup appris sur moi-mĂȘme, sur la fragilitĂ© de l’existence (et celle des vertĂšbres cervicales). Personne d’autre ne sait mieux que moi aujourd’hui qu’une catastrophe n’arrive pas qu’aux autres, que la vie distribue ses drames sans regarder qui les mĂ©rite le plus . Mais, au-delĂ  de ces lourds enseignements et de ces grandes considĂ©rations, ce qui me reste surtout de cette pĂ©riode, ce sont les visages et les regards que j’ai croisĂ©s dans ce centre. Ce sont les souvenirs de ces ĂȘtres qui, Ă  l’heure oĂč j’écris ces lignes, continuent chaque jour de mener un combat qu’ils n’ont jamais l’impression de gagner.Si cette Ă©preuve m’a fait grandir et progresser, c’est surtout grĂące aux rencontres qu’elle m’aura offertes.
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Grand corps malade (Patients)
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Nous allons te parler de gens qui vivaient en notre temps, soit il y a plus de cent ans, et ne sont guĂšre plus pour toi que des noms inscrits sur des croix inclinĂ©es ou des pierres tombales fissurĂ©es. D'une vie et de souvenirs qui ont disparu en vertu de l'implacable loi du temps. En cela, nous allons le changer. Nos paroles sont telles des brigades de sauveteurs qui jamais ne renoncent Ă  leur quĂȘte, leur but est d'arracher des Ă©vĂ©nements passĂ©s et des vies Ă©teintes au trou noir de l'oubli et cela n'a rien d'une petite entreprise, mais il se peut aussi qu'elles glanent en chemin quelques rĂ©ponses et qu'elles nous dĂ©livrent de l'endroit oĂč nous nous tenons avant qu'il ne soit trop tard. Contentons-nous de cela pour l'instant, nous t'envoyons ces mots, ces brigades de sauveteurs dĂ©semparĂ©es et Ă©parses. Elles sont incertaines de leur rĂŽle, toutes les boussoles sont hors d'usage, les cartes de gĂ©ographie dĂ©chirĂ©es ou obsolĂštes, mais rĂ©serve-leur tout de mĂȘme bon accueil. Ensuite, nous verrons bien. (p. 4)
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JĂłn Kalman StefĂĄnsson (HimnarĂ­ki og helvĂ­ti)
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Un aveu. Je fais autre chose encore, autre chose que visualiser la scĂšne, autre chose que convoquer un souvenir, je me dis  : Ă  quoi Thomas a-t-il pensĂ©, quand ça a Ă©tĂ© le dernier moment  ? aprĂšs avoir passĂ© la corde autour de son cou  ? avant de renverser la chaise  ? et d'abord, combien de temps cela a-t-il durĂ©  ? une poignĂ©e de secondes  ? puisqu'il ne servait Ă  rien de perdre du temps, la dĂ©cision avait Ă©tĂ© prise, il fallait la mettre Ă  exĂ©cution, une minute  ? mais c'est interminable, une minute, dans ces circonstances, et alors comment l'a-t-il remplie  ? avec quelles pensĂ©es  ? et j'en reviens Ă  ma question. A-t-il fermĂ© les yeux et revu des Ă©pisodes de son passĂ©, de la tendre enfance, par exemple son corps Ă©tendu en croix dans l'herbe fraĂźche, tournĂ© vers le bleu du ciel, la sensation de chaleur sur sa joue et sur ses bras  ? de son adolescence  ? une chevauchĂ©e Ă  moto, la rĂ©sistance de l'air contre son torse  ? a-t-il Ă©tĂ© rattrapĂ© par des dĂ©tails auxquels il ne s'attendait pas  ? des choses qu'il croyait avoir oubliĂ©es  ? ou bien a-t-il fait dĂ©filer des visages ou des lieux, comme s'il s'agissait de les emporter avec lui  ? (À la fin, je suis convaincu qu'en tout cas, il n'a pas envisagĂ© de renoncer, que sa dĂ©termination n'a pas flĂ©chi, qu'aucun regret, s'il y en a eu, n'est venu contrarier sa volontĂ©.) Je traque cette ultime image formĂ©e dans son esprit, surgie de sa mĂ©moire, non pas pour escompter y avoir figurĂ© mais pour croire qu'en la dĂ©couvrant, je renouerais avec notre intimitĂ©, je serais Ă  nouveau ce que nul autre n'a Ă©tĂ© pour lui.
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Philippe Besson (« ArrĂȘte avec tes mensonges »)
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Le pape exerce donc deux pouvoirs fort diffĂ©rents ; il peut faire, comme prĂȘtre, le bonheur Ă©ternel de l’homme qu’il fait assommer comme roi. La peur que Luther fit aux papes du seiziĂšme siĂšcle a Ă©tĂ© si forte, que si les Ă©tats de l’Église formaient une Ăźle Ă©loignĂ©e de tout continent, nous y verrions le peuple rĂ©duit Ă  cet Ă©tat de vasselage moral dont l’antique Égypte et l’Étrurie ont laissĂ© le souvenir, et que de nos jours on peut observer en Autriche. Les guerres du dix-huitiĂšme siĂšcle ont empĂȘchĂ© l’abrutissement du paysan italien.
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Stendhal (Voyages en Italie : Ă©dition intĂ©grale, revue et corrigĂ©e d’aprĂšs le manuscrit original de chez Delaunay paru en 1829 contenant « Promenades dans Rome » ... et Florence » (2 tomes). (French Edition))
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C'est un bocal de souvenirs, a-t-elle expliquĂ©. GrĂące Ă  lui, tu te rappelleras les baisers qui t'ont rendue heureuse, ceux auxquels tu voudras repenser quand tu seras vieille, comme moi. Les plus beaux. Ceux qui t'ont fait sourire. Chaque fois que le garçon que tu aimes t'offre un baiser, ouvre le bocal et attrape un cƓur. Ecris l'endroit oĂč il t'a embrassĂ©e. Quand tu seras grand-mĂšre, tu raconteras tes aventures Ă  tes petits-enfants, comme je l'ai fait avec toi. Tu auras un bocal Ă  trĂ©sors avec les mille plus beaux baisers de ta vie.
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Tillie Cole (A Thousand Boy Kisses (A Thousand Boy Kisses, #1))
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EnfoncĂ© dans un vaste fauteuil Ă  oreillettes, les pieds sur les poires en vermeil des chenets, les pantoufles rĂŽties par les bĂ»ches qui dardaient, en crĂ©pitant, comme cinglĂ©es par le souffle furieux d’un chalumeau, de vives flammes, des Esseintes posa le vieil in-quarto qu’il lisait, sur une table, s’étira, alluma une cigarette, puis il se prit Ă  rĂȘver dĂ©licieusement, lancĂ© Ă  toutes brides sur une piste de souvenirs effacĂ©e depuis des mois et subitement retracĂ©e par le rappel d’un nom qui s’éveillait, sans motifs du reste, dans sa mĂ©moire
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Joris-Karl Huysmans
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- Vous tenez tant que ça Ă  mourir ? Les rĂ©ponses sincĂšres ne sont jamais nettes, ni rapides. Elle [Sophie] rĂ©flĂ©chissait, fronçant les sourcils, ce qui lui donnait le front ridĂ© qu'elle aurait dans vingt ans. J'assistais Ă  cette mystĂ©rieuse pesĂ©e que Lazare fit sans doute trop tard, et aprĂšs sa rĂ©surrection, et oĂč la peur sert de contrepoids Ă  la fatigue, le dĂ©sespoir au courage, et le sentiment d'en avoir assez fait Ă  l'envie de manger encore quelques repas, de dormir encore quelques nuits, et de voir encore se lever le matin. Ajoutez Ă  cela deux ou trois douzaines de souvenirs heureux ou malheureux, qui, selon les natures, aident Ă  nous retenir, ou nous prĂ©cipitent vers la mort. (p. 242)
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Marguerite Yourcenar (Alexis ou le Traité du vain combat / Le Coup de grùce)
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J'ai encore un vif souvenir de Freud me disant : "Mon cher Jung, promettez-moi de ne jamais abandonner la thĂ©orie sexuelle. C'est le plus essentiel ! Voyez-vous, nous devons en faire un dogme, un bastion inĂ©branlable." Il me disait cela plein de passion et sur le ton d'un pĂšre disant : "Promets-moi une chose, mon cher fils : va tous les dimanches Ă  l'Ă©glise !" Quelque peu Ă©tonnĂ©, je lui demandai : "Un bastion -- contre quoi ?" Il me rĂ©pondit : "Contre le flot de vase noire de
" Ici il hĂ©sita un moment pour ajouter : "
 de l'occultisme !" Ce qui m'alarma d'abord, c'Ă©tait le "bastion" et le "dogme" ; un dogme c'est-Ă -dire une profession de foi indiscutable, on ne l'impose que lĂ  oĂč l'on veut une fois pour toutes Ă©craser un doute. Cela n'a plus rien d'un jugement scientifique, mais relĂšve uniquement d'une volontĂ© personnelle de puissance. Ce choc frappa au cƓur notre amitiĂ©. Je savais que je ne pourrais jamais faire mienne cette position. Freud semblait entendre par "occultisme" Ă  peu prĂšs tout ce que la philosophie et la religion -- ainsi que la parapsychologie qui naissait vers cette Ă©poque -- pouvaient dire de l'Ăąme. Pour moi, la thĂ©orie sexuelle Ă©tait tout aussi "occulte" -- c'est-Ă -dire non dĂ©montrĂ©e, simple hypothĂšse possible, comme bien d'autres conceptions spĂ©culatives. Une vĂ©ritĂ© scientifique Ă©tait pour moi une hypothĂšse momentanĂ©ment satisfaisante, mais non un article de foi Ă©ternellement valable. (p. 244)
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C.G. Jung (Memories, Dreams, Reflections)
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S'il m'arrive de perdre une nuit qui aurait pu ĂȘtre consacrĂ©e au sommeil, au plaisir, ou tout simplement Ă  la solitude, Ă  causer sur la terrasse d'un cafĂ© avec des intellectuels atteints de dĂ©sespoir, je les Ă©tonne toujours en leur affirmant que j'ai connu le bonheur, le vrai, l'authentique, la piĂšce d'or inaltĂ©rable qu'on peut Ă©changer contre une poignĂ©e de gros sous ou contre une liasse de marks d'aprĂšs-guerre, mais qui n'en demeure pas moins semblable Ă  elle-mĂȘme, et qu'aucune dĂ©valuation n'atteint. Le souvenir d'un d'un tel Ă©tat de choses guĂ©rit de la philosophie allemande ; il aide Ă  simplifier la vie, et aussi son contraire. Et si ce bonheur Ă©manait de Conrad, ou seulement de ma jeunesse, c'est ce qui importe peu, puisque ma jeunesse et Conrad sont morts ensemble. (p. 145)
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Marguerite Yourcenar (Alexis ou le Traité du vain combat / Le Coup de grùce)
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C’est de lĂ  que je vous Ă©cris, ma porte grande ouverte, au bon soleil. Un joli bois de pins tout Ă©tincelant de lumiĂšre dĂ©gringole devant moi jusqu’au bas de la cĂŽte. À l’horizon, les Alpilles dĂ©coupent leurs crĂȘtes fines
 Pas de bruit
 À peine, de loin en loin, un son de fifre, un courlis dans les lavandes, un grelot de mules sur la route
 Tout ce beau paysage provençal ne vit que par la lumiĂšre. Et maintenant, comment voulez-vous que je le regrette, votre Paris bruyant et noir ? Je suis si bien dans mon moulin ! C’est si bien le coin que je cherchais, un petit coin parfumĂ© et chaud, Ă  mille lieues des journaux, des fiacres, du brouillard !
 Et que de jolies choses autour de moi ! Il y a Ă  peine huit jours que je suis installĂ©, j’ai dĂ©jĂ  la tĂȘte bourrĂ©e d’impressions et de souvenirs

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Alphonse Daudet
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On n’y Ă©chappe pas : il faut dĂ©construire tout ce qui fait la beautĂ© de cette langue, les mots, leurs sonoritĂ©s si anciennes, les rĂ©fĂ©rences littĂ©raires, les subtilitĂ©s de l’écriture, l’étymologie et la part d’histoire singuliĂšre qu’elle contient. La langue de la traduction est toujours dĂ©faillante. Je ne peux rien contre la perte irrĂ©mĂ©diable de ce qui me touche le plus. [...] Il y a bien longtemps – aussi loin que mes souvenirs remontent – j’ai trouvĂ© refuge dans la lecture et dans la littĂ©rature. Puis ce fut dans l’entre-deux de la traduction, ce pont flottant au milieu des brumes [...]. Je rĂȘve encore Ă  Babel, non comme un monde totalitaire oĂč nous serions tous sommĂ©s de ressentir la mĂȘme chose et de l’exprimer de maniĂšre identique, mais comme une unitĂ© profonde et sous-jacente courant sous des mots diffĂ©rents, sous des regards fragmentĂ©s qui mettent en lumiĂšre diffĂ©rents aspects du rĂ©el.
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Corinne Atlan (Le Pont flottant des rĂȘves)
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Je pense de maniĂšre toujours plus intense–et plus rĂ©signĂ©e–à ces deux Roumains, sinon ignorĂ©s, Ă  tout le moins restĂ©s quasi anonymes : Enescu et Lipatti. Quand on parle d’eux, la plupart du temps, on Ă©voque les interprĂštes. Et mĂȘme dans ce cas, peu de Français savent ou acceptent que leur façon d’interprĂ©ter Bach, Mozart, Chopin (et pas seulement), il y a un demi-siĂšcle, Ă©tait aussi novatrice que juste. La meilleure preuve, c’est qu’aujourd’hui on revient Ă  leur vision de Bach, de Mozart et de Chopin. Mais, si l’on se souvient du compositeur Enescu une fois de temps en temps, personne n’a gardĂ© le souvenir de Lipatti. Et surtout pas de son sublime, de son extraordinaire (je mesure mes qualificatifs) Concert pour orgue et piano. Quand a-t-il Ă©tĂ© Ă©crit ? DĂ©diĂ© Ă  Nadia Boulanger–elle devait jouer la partie d’orgue –, il a sans doute Ă©tĂ© composĂ© au cours de la premiĂšre moitiĂ© des annĂ©es quarante. (p. 37)
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Paul Goma (Profil bas)
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Et puis, le manque est arrivĂ©, dans le moment oĂč je m’y attendais le moins, il est arrivĂ© alors que j’avais presque fini par croire Ă  mon amnĂ©sie. C’est terrible, la morsure du manque. Ça frappe sans prĂ©venir, l’attaque est sournoise tout d’abord, on ressent juste une vive douleur qui disparaĂźt presque dans la foulĂ©e, c’est bref, fugace, ça nous plie en deux mais on se redresse aussitĂŽt, on considĂšre que l’attaque est passĂ©e, on n’est mĂȘme pas capable de nommer cette effraction, et pourquoi on la nommerait, on n’a pas eu le temps de s’inquiĂ©ter, c’est parti si vite, on se sent dĂ©jĂ  beaucoup mieux, on se sent mĂȘme parfaitement bien, tout de mĂȘme on garde un souvenir dĂ©sagrĂ©able de cette fraction de seconde, on tente de chasser le souvenir, et on y rĂ©ussit, la vie continue, le monde nous appelle, l’urgence commande. Et puis, ça revient, le jour d’aprĂšs, l’attaque est plus longue ou plus violente, on ploie les genoux, on a un mĂ©chant rictus, on se dit : quelque chose est Ă  l'Ɠuvre Ă  l’intĂ©rieur, on pense Ă  ces transports au cerveau qui annoncent les tumeurs, qui sont le signal enfin visible de cancers gĂ©nĂ©ralisĂ©s jusque-lĂ  insoupçonnables, on Ă©prouve une sale frayeur, un mauvais pressentiment. Et puis, le mal devient lancinant, il s’installe comme un intrus qu’on n’est pas capable de chasser, il est moins mordant et plus profond, on comprend qu’on ne s’en dĂ©barrassera pas, qu’on est foutu. Oui, un jour, le manque est arrivĂ©. Le manque de lui. Au dĂ©but, j’ai fait comme si je ne m’en rendais pas compte, le traitant par l’indiffĂ©rence, par le mĂ©pris, je me savais plus fort que lui, j’étais en mesure de le dominer, de l’éliminer, c’était juste une question de volontĂ© ou de temps, je n’étais pas le genre Ă  me laisser abattre par quelque chose d’aussi tĂ©nu, d’aussi risible. Et puis, il m’a fallu me rendre Ă  l’évidence : ce match, je n’étais pas en train de le gagner, j’allais peut-ĂȘtre mĂȘme le perdre, et je ne possĂ©dais pas le moyen d’échapper Ă  cette dĂ©route et plus je luttais, plus je cĂ©dais du terrain ; plus je niais la rĂ©alitĂ©, plus elle me sautait au visage. Autant le reconnaĂźtre : j’étais dĂ©vorĂ© par ça, le manque de lui.
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Philippe Besson (Un homme accidentel)
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Mon esprit Ă©tait tout entier habitĂ© par le souvenir de ma femme. Je l’imaginais avec une prĂ©cision incroyable. Je la voyais. Elle me rĂ©pondait, me souriait, me regardait tendrement; son regard Ă©tait lumineux, aussi lumineux que le soleil qui se levait. J’avais enfin dĂ©couvert la vĂ©ritĂ©, la vĂ©ritĂ© telle qu’elle est proclamĂ©e dans les chants des poĂštes et dans les sages paroles des philosophes: l’amour est le plus grand bien auquel l’ĂȘtre humain peut aspirer. Je comprenais enfin le sens de ce grand secret de la poĂ©sie et de la pensĂ©e humaine: l’ĂȘtre humain trouve son salut Ă  travers et dans l’amour. Je me rendais compte qu’un homme Ă  qui il ne reste rien peut trouver le bonheur, mĂȘme pour de brefs instants, dans la contemplation de sa bien-aimĂ©e. Lorsqu’un homme est extrĂȘmement affligĂ©, lorsqu’il ne peut plus agir de maniĂšre positive, lorsque son seul mĂ©rite consiste peut-ĂȘtre Ă  endurer ses souffrances avec dignitĂ©, il peut Ă©prouver des sentiments de plĂ©nitude en contemplant l’image de sa bien-aimĂ©e. Pour la premiĂšre fois de ma vie, je comprenais le sens de cette parole: «Les anges sont perdus dans l’éternelle contemplation d’une gloire infinie.»
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Viktor E. Frankl
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Je me trouvais en quelque lieu vague et trouble... Je dis « lieu » par habitude, car maintenant toute conception de distance et de durĂ©e Ă©tait abolie pour moi, et je ne puis dĂ©terminer combien de temps je restai en cet Ă©tat. Je n’entendais rien, ne voyais rien, je pensais seulement et avec force et persistance. Le grand problĂšme qui m’avait tourmentĂ© toute ma vie Ă©tait rĂ©solu : la mort n’existe pas, la vie est infinie. J’en Ă©tais convaincu bien avant ; mais jadis je ne pouvais formuler clairement ma conviction : elle se basait sur cette seule considĂ©ration que, astreinte Ă  des limites, la vie n’est qu’une formidable absurditĂ©. L’homme pense ; il perçoit ce qui l’entoure, il souffre, jouit et disparaĂźt ; son corps se dĂ©compose et fournit ses Ă©lĂ©ments Ă  des corps en formation : cela, chacun le peut constater journellement, mais que devient cette force apte Ă  se connaĂźtre soi-mĂȘme et Ă  connaĂźtre le monde qui l’entoure ? Si la matiĂšre est immortelle, pourquoi faudrait-il que la conscience se dissipĂąt sans traces, et, si elle disparaĂźt, d’oĂč venait-elle et quel est le but de cette apparition Ă©phĂ©mĂšre ? Il y avait lĂ  des contradictions que je ne pouvais admettre. Maintenant je sais, par ma propre expĂ©rience, que la conscience persiste, que je n’ai pas cessĂ© et probablement ne cesserai jamais de vivre. Voici que derechef m’obsĂšdent ces terribles questions : si je ne meurs pas, si je reviens toujours sur la terre, quel est le but de ces existences successives, Ă  quelles lois obĂ©issent-elles et quelle fin leur est assignĂ©e ? Il est probable que je pourrais discerner cette loi et la comprendre si je me rappelais mes existences passĂ©es, toutes, ou du moins quelques-unes ; mais pourquoi l’homme est-il justement privĂ© de ce souvenir ? pourquoi est-il condamnĂ© Ă  une ignorance Ă©ternelle, si bien que la conception de l’immortalitĂ© ne se prĂ©sente Ă  lui que comme une hypothĂšse, et si cette loi inconnue exige l’oubli et les tĂ©nĂšbres, pourquoi dans ces tĂ©nĂšbres, d’étranges lumiĂšres apparaissent-elles parfois, comme il m’est arrivĂ© quand je suis entrĂ© au chĂąteau de La Roche-Maudin ? De toute ma volontĂ©, je me cramponnais Ă  ce souvenir comme le noyĂ© Ă  une Ă©pave ; il me semblait que si je me rappelais clairement et exactement ma vie dans ce chĂąteau je comprendrais tout le reste. Maintenant qu’aucune sensation du dehors ne me distrayait, je m’abandonnais aux houles du souvenir, inerte et sans pensĂ©e pour ne pas gĂȘner leur mouvement, et tout Ă  coup, du fond de mon Ăąme comme des brumes d’un fleuve, commençaient Ă  s’élever de fugaces figures humaines ; des mots au sens effacĂ© rĂ©sonnaient, et dans tous ces souvenirs Ă©taient des lacunes... Les visages Ă©taient vaporeux, les paroles Ă©taient sans lien, tout Ă©tait dĂ©cousu......
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Aleksey Apukhtin (Entre la mort et la vie : suivi de Les Archives de la comtesse D*** & Le Journal de Pavlik Dolsky)
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La plus remarquable des facultĂ©s de notre esprit est sans doute sa capacitĂ© Ă  faire face Ă  la douleur. Selon la pensĂ©e classique, l'esprit est dotĂ© de quatre portes, que chacun franchit selon la nĂ©cessitĂ© qui l'y pousse. La premiĂšre, c'est celle du sommeil. Le sommeil nous procure un abri loin du onde et de toutes ses souffrances. Le sommeil facilite la passage du temps, mettant Ă  distance ce qui nous fait mal. Lorsqu'une personne est blessĂ©e, bien souvent, elle perd connaissance. De mĂȘme, quelqu'un qui apprend une nouvelle bouleversante pourra s'Ă©vanouir. franchir cette premiĂšre porte, c'est la façon dont l'esprit se protĂšge de la douleur. La deuxiĂšme porte est celle de l'oubli. Il est des blessures trop profondes pour guĂ©rir, du moins pour s'en rĂ©tablir promptement. De surcroĂźt, nombre de souvenirs sont tout simplement trop douloureux et on ne peut en espĂ©rer aucun apaisement. Le vieux dicton selon lequel "le temps guĂ©rit tous les maux" est faux. Le temps guĂ©rit la plupart des maux. Le reste est dissimulĂ© derriĂšre cette porte. La troisiĂšme porte est celle de la folie. Il y a des moments oĂč 'esprit subit un tel choc qu'il se rĂ©fugie dans la dĂ©mence. Bien qu'il semble difficile de pouvoir en tirer quelque bĂ©nĂ©fice que ce soit, c'est pourtant le cas : il est des moments oĂč la rĂ©alitĂ© n'est que souffrance et pour Ă©chapper Ă  cette souffrance, l'esprit doit s'affranchir de la rĂ©alitĂ©. La derniĂšre porte est celle de la mort. L'ultime recours. Rien ne peut nous atteindre une fois que nous sommes morts, du moins c'est ce que l'on nous a dit.
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Patrick Rothfuss (The Name of the Wind (The Kingkiller Chronicle, #1))
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L'engagement du disciple dans la voie initiatique consiste Ă  prendre progressivement conscience du « Regard » divin qui transcende celui des hommes. Bien au-delĂ  des rĂŽles sociaux, ce Regard se pose sur la vie intĂ©rieure de l'homme. « Dieu ne regarde pas vos formes ni vos actes, mais Il regarde ce qui se trouve dans vos cƓurs », dit un hadith attribuĂ© au ProphĂšte Muhammad. C'est dans la mesure oĂč l'homme agit pour Dieu, c'est-Ă -dire conformĂ©ment Ă  sa nature vĂ©ritable, et non pas seulement en vue d'un effet attendu chez les autres, qu'il devient intĂ©rieurement monothĂ©iste et Ă©vite le polythĂ©isme cachĂ© qui consiste Ă  associer au Regard de Dieu celui des autres humains. C'est par la grĂące de ce Regard auquel rien n'Ă©chappe que le disciple revient vers son propre moi et apprend Ă  se connaĂźtre avec toujours plus de finesse et de discernement. Le Regard de Dieu n'est pas seulement celui qui dĂ©voile, il est aussi celui qui transforme. C'est par la grĂące de ce Regard se posant sur l'Ăąme du disciple que celle-ci pourra ĂȘtre libĂ©rĂ©e de l'illusion des tĂ©nĂšbres dans laquelle elle se trouve, puis entrer dans un monde de lumiĂšre, celui de l'amour et de la connaissance. « L'Amour divin est comme une flamme, disait RĂ»mĂź, lorsqu'il entre dans le cƓur du disciple, il brĂ»le tout et Dieu seul reste. » Celui qui a goĂ»tĂ© Ă  cet Amour ne peut plus l'oublier et n'a de cesse de le retrouver. Cette flamme sacrĂ©e constitue un mystĂšre si profond que personne ne peut en parler sans le galvauder. En fait, on ne peut Ă©voquer que des conditions ou des effets de l'Amour, mas nul ne peut parler de sa rĂ©alitĂ©, car il est justement au-delĂ  de toute parole : il ne peut ĂȘtre qu'une expĂ©rience, une saveur, un vĂ©cu.
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Faouzi Skali (Le Souvenir de l'Être Profond)