â
J'ai eu du mal Ă te laisser partir,
et aujourd'hui, penser Ă toi me fait souffrir.
Je ne suis pas comme toi,
je ne peux pas tout oublier et recommencer une nouvelle fois.
â
â
Mouloud Benzadi
â
La libertĂ© de penser, et de mal penser et de penser peu, la libertĂ© de choisir moi-mĂȘme ma vie, de me choisir moi-mĂȘme. Je ne peux dire ËdÂŽĂȘtre moi-mĂȘmeË, puisque je nÂŽĂ©tais rien quÂŽune pĂąte modelable, mais celle de refuser les moules.
â
â
Françoise Sagan (Bonjour tristesse)
â
Valentine clears his throat. "So. Why can't you just say it?"
"Say what?"
"You know what."
"It's hardly the time or place."
"It is if you're dying."
"I can't."
"You're a dick. Just fucking say it!"
"I can't! I'm... English."
"What am I, a Martian? I say it all the time. I know you love me, why can't you say it?"
"If you know, then why do I have to?"
"You're missing the point a bit."
"I took your bullet, you little twat, don't you dare question whether I love you."
"Yeah, but you could say it."
The throb of the gunshots is pounding all down his arm and body. The pain's so bad he wants to cry, like he's five and he's skinned his knee coming off his bike.
"Je t'aime," he says, through gritted teeth, to shut the kid up. "Je ne sais pas pourquoi. Tu es... complĂštement bĂȘte, tu t'habilles comme une pute travestie, je hais ta musique, tu es fou, tu me rends fou, mais je suis fou de toi et je pense Ă toi tout le temps et je t'aime, oui. Tu comprends? Je t'aime. Seulement... pas en anglais. Je ne peux pas."
Valentine's shifting about like he's uncomfortable. "I ain't got no idea what you just said but I think I need to change my pants."
"Maintenant, ta gueule.
â
â
Richard Rider (Stockholm Syndrome (Stockholm Syndrome, #1))
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Mais il n'y a pas de limites pour aimer et que m'importe de mal étreindre si je peux tout embrasser.
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â
Albert Camus
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Est-ce que je peux avoir cette danse mon amour? May I have this dance my love?
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â
Adler (Surrendered (Glass Towers, #3))
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J'ai besoin que tu aies besoin de moi, c'est aussi Ă©lĂ©mentaire que ça. Et je sais pertinemment que, dans ce conflit d'intĂ©rĂȘts qui nous oppose, je suis condamnĂ© Ă ĂȘtre le perdant. Parce que je suis plus possessif que tu ne le seras jamais et parce qu'il y a des choses que je ne peux pas remplacer.
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Christelle Dabos (La TempĂȘte des Ă©chos (La Passe-Miroir, #4))
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Je t'aime tant, je ne peux pas trouver la fin de mon amour pour toi
(I love you so thar I can't find the end of my love for you)
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VĂĄlgame (Poemas y canciones para el mal de amores Volumen1)
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« Ce que je veux paraßtre je le parais, belle aussi si c'est ce que l'on veut que je sois, belle, ou jolie, jolie par exemple pour la famille, pour la famille, pas plus, tout ce que l'on veut de moi je peux le devenir »
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Marguerite Duras
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La mĂ©lancolie est lâillustre compagnon de la beautĂ© ; elle lâest si bien que je ne peux concevoir aucune beautĂ© qui ne porte en elle sa tristesse.
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Charles Baudelaire
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Putain mais quelle fichue imagination je peux avoir ...
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John Brunner (Stand on Zanzibar)
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Pour le voir, il faut bien regarder, chercher. Je dis aux jeunes: cherchez un peu, vous allez trouver. La pire des attitudes est l'indifférence, dire «je n'y peux rien, je me débrouille». En vous comportant ainsi, vous perdez l'une des composantes essentielles qui fait l'humain. Une des composantes indispensables: la faculté d'indignation et l'engagement qui en est la conséquence.
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Stéphane Hessel (Indignez-vous !)
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Le Chat
Je souhaite dans ma maison:
Une femme ayant sa raison.
Un chat passant parmi les livres.
Des amis en toute saison
Sans lesquels je ne peux pas vivre.
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Guillaume Apollinaire (Alcools)
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MĂȘme sur un banc dâaccusĂ©, il est toujours intĂ©ressant dâentendre parler de soi. Pendant les plaidoiries du procureur e de mon avocat, je peux dire quâon beaucoup parlĂ© de moi et peut-ĂȘtre plus de moi que de mon crime.
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Albert Camus (L'étranger)
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Je ne peux ĂȘtre juste pour les livres qui traitent de la femme en tant que femme... Mon idĂ©e c'est que tous, aussi bien hommes que femmes, qui que nous sayons, nous devons ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme d'ĂȘtres humaines.
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Dorothy Parker
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Tant que mes jambes me permettent de fuir, tant que mes bras me permettent de combattre, tant que l'expĂ©rience que j'ai du monde me permet de savoir ce que je peux craindre ou dĂ©sirer, nulle crainte : je puis agir. Mais lorsque le monde des hommes me contraint Ă observer ses lois, lorsque mon dĂ©sir brise son front contre le monde des interdits, lorsque mes mains et mes jambes se trouvent emprisonnĂ©es dans les fers implacables des prĂ©jugĂ©s et des cultures, alors je frissonne, je gĂ©mis et je pleure. Espace, je t'ai perdu et je rentre en moi-mĂȘme. Je m'enferme au faite de mon clocher oĂč, la tĂȘte dans les nuages, je fabrique l'art, la science et la folie.
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Henri Laborit (Ăloge de la fuite)
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Je suis comme un pont fragile, reliant à travers l'infini le passé et le présent. Je serre la main maternelle. Je ne peux pas la laisser échapper, car sans moi ma mÚre serait seule.
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Pearl S. Buck (East Wind: West Wind)
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Percy mangeait une Ă©norme pile de pancakes bleus (câĂ©tait quoi, son dĂ©lire de ne manger que des trucs bleus ?) et Annabeth lui reprochait de mettre trop de sirop.
â Tu les noies, lĂ , tes pauvres pancakes !
â HĂ©, je suis un enfant de PosĂ©idon, je peux pas me noyer, et mes pancakes non plus.
â
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Rick Riordan (The Blood of Olympus (The Heroes of Olympus, #5))
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Les liens se font et se dĂ©font, c'est la vie. Un matin, l'un reste et l'autre part, sans que l'on sache toujours pourquoi. Je ne peux pas tout donner Ă l'autre avec cette Ă©pĂ©e de DamoclĂšs au-dessus de la tĂȘte. Je ne veux pas bĂątir ma vie sur les sentiments parce que les sentiments changent. Ils sont fragiles et incertains. Tu les crois profonds et ils sont soumis Ă une jupe qui passe, Ă un sourire enjĂŽleur. Je fais de la musique parce que la musique ne partira jamais de ma vie. J'aime les livres, parce que les livres seront toujours lĂ . Et puis... des gens qui s'aiment pour la vie, moi, je n'en connais pas.
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Guillaume Musso (La fille de papier)
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Il y a deux mensonges fondamentaux: celui qui proclame 'je dis la vérité' et celui qui affirme 'je ne peux pas dire.
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Jacques RanciĂšre (The Ignorant Schoolmaster: Five Lessons in Intellectual Emancipation)
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La vie n'est pas une boĂźte de chocolats oĂč je peux choisir celui que je prĂ©fĂšre ; ou alors, quelqu'un l'a remplacĂ© pendant que j'avais le dos tournĂ©.
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Cathy Cassidy (Coco Caramel (Chocolate Box Girls, #4))
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Tu es inoubliable. Tu vois ? MĂȘme pas besoin de rĂ©pĂ©ter aprĂšs toi pour dire ça. Et maintenant, est-ce que je peux vous faire l'amour , s'il vous plaĂźt, madame ?
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Jennifer Crusie (Welcome to Temptation (Dempseys, #1))
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- J'aime ça quand tu me touches. Ăa me donne l'impression que je peux m'Ă©garer. Que je suis en sĂ©curitĂ©.J'aimerais m'endormir comme ça, main dans la main. T'sais comme le font les loutres.
- Les loutres?
- Oui, elles se tiennent par les pattes en dormant, pour pas se perdre.
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Marie-Christine Chartier (Le sommeil des loutres)
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Je n'ai plus aucune force, aucun courage, aucune domination sur moi aucun pouvoir mĂȘme de mettre en mouvement ma volontĂ©. Je ne peux plus vouloir ; mais quelqu'un veut pour moi ; et j'obĂ©is.
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Guy de Maupassant (The Horla)
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Mon Dieu donne-moi la sĂ©rĂ©nitĂ© dâaccepter toutes les choses que je ne peux changer. Donne-moi le courage de changer les choses que je peux changer et la sagesse dâen connaĂźtre la diffĂ©rence.
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Moines du moyen Ăąge
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Quelles sont les probabilités de se perdre dans la campagne irlandaise sur un trajet de moins de dix kilomÚtres ? TrÚs faibles.
Cette probabilité devient nulle lorsqu'on s'arme d'un systÚme de localisation derniÚre génération. Et pourtant je peux désormais dire que j'ai réussi cet exploit.
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Elisia Blade (Hollywood en Irlande (Crush Story #1))
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Je suis trop intelligente, trop exigeante et trop riche pour que personne puisse se charger de moi entiĂšrement. Personne ne me connaĂźt ni ne m'aime tout entiĂšre. Je n'ai que moi.
Il ne faut pas que j'essaie de tromper cette solitude en renonçant Ă ce que je peux seule porter. Il faut que je vive, sachant que personne ne m'aidera Ă vivre. Ma force, c'est que je m'estime aussi haut que n'importe quel autrui ; je peux bien envier Ă l'un ou l'autre telle qualitĂ© ; de personne la valeur ne me semble dĂ©passer la mienne : je possĂšde autant. Seule je vivrai, forte de ce que je sais ĂȘtre.
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Simone de Beauvoir (Cahiers de jeunesse: 1926-1930)
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Je n'ai connu aucune distinction entre parents et inconnus, entre compatriotes et étrangers, entre blancs et hommes de couleur, entre hindous et Indiens appartenant à d'autres confessions, qu'ils soient musulmans, Parsis, chrétiens ou juifs. Je peux dire que mon coeur a été incapable défaire de telles distinctions
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Mahatma Gandhi (Non-Violent Resistance (Satyagraha))
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J'aimerais tant que tu sois encore lĂ
Cher Papa...
Dans un avenir que je souhaite plein d'espoir
Tu es la seule chose Ă laquelle je ne peux croire
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India Desjardins (Le monde à l'envers (Le journal d'Aurélie Laflamme, #4))
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Je ne veux pas et Je ne peux pas concevoir un ĂȘtre qui survivrait Ă la mort de son corps.
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Albert Einstein (The World As I See It)
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C'est ce que je veux, je veux d'autres tourments, des maux réels, des manifestations physiques d'un comportement précis. La cause de mon mal sera l'alcool ; pas la vérité, l'alcool. Je préfÚre une maladie qui tient dans les limites d'une bouteille plutÎt qu'une maladie immatérielle et toute-puissante sur laquelle je ne peux pas mettre de nom ("Comment je suis devenu stupide", p37)
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Martin Page (Comment je suis devenu stupide)
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Intellectuel ? Oui. Et ne jamais renier. Intellectuel : celui qui se deÌdouble. Ça me plaiÌt. Je suis content d'eÌtre les deux. [...] « Je meÌprise l'intelligence » signifie en reÌaliteÌ : « Je ne peux supporter mes doutes ».
Je preÌfeÌre tenir les yeux ouverts.
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Albert Camus (Notebooks 1935-1942)
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- Ne t'en fais pas, je connais la vérité.
- La vérité sur quoi ?
Il recula d'un pas.
- Tu as envie de dire oui mais tu n'es pas encore prĂȘte.
J'en restai comme deux ronds de flan.
- Ce n'est rien. (Son sourire se fit provocateur.) Je suis peut-ĂȘtre difficile Ă manipuler mais je peux t'assurer que tu prendras beaucoup de plaisir Ă le faire.
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Jennifer L. Armentrout (Wait for You (Wait for You, #1))
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Tu t'imagines qu'un mensonge en vaut un autre, mais tu as tort. Je peux inventer n'importe quoi, me payer la tĂȘte des gens, monter toutes sortes de mystifications, faire toutes sortes de blagues, je n'ai pas l'impression d'ĂȘtre un menteur ; ces mensonges-lĂ , si tu veux appeler cela des mensonges, c'est moi, tel que je suis ; avec ces mensonges-lĂ , je ne dissimule rien, avec ces mensonges-lĂ je dis en fait la vĂ©ritĂ©. Mais il y a des choses Ă propos desquelles je ne peux pas mentir. IL y a des choses que je connais Ă fond, dont j'ai compris le sens, et que j'aime. Je ne plaisante pas avec ces choses-lĂ . Mentir lĂ -dessus, ce serait m'abaisser moi-mĂȘme, et je ne le peux pas, n'exige pas ça de moi, je ne le ferai.
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Milan Kundera (Laughable Loves)
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Je ne peux rien affirmer de moi-mĂȘme qui soit authentiquement moi-mĂȘme.
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Gabriel Marcel
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Attends-toi à l'inattendu!" Voilà comment je peux concilier ma crainte de catastrophe réelle avec mon espoir, que je maintiens toujours, envers et contre tout.
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Edgar Morin
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- Je suis une ombre, dit-il avec un clin dâĆil. Tu peux voir une ombre, mais tu ne peux jamais l'attraper. Elle rit sous ton nez, te taquine, mais tu ne pourras jamais lui faire de mal.
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Rawia Arroum (Boys Out!)
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Mon esprit est rebelle à toute inaction. Fournissez moi des problÚmes,donnez moi du travail ...et la je suis dans mon élément.Je peux alors me passer de stimulants artificiels. Mais j'abhorre la morne routine de l'existence.J'ai un besoin impérieux d'excitation mentale.C'est pour cela que j'exerce cette profession si particuliÚre, ou plutot que je l'ai crée car je suis le seul au monde
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Arthur Conan Doyle
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O grande ville! c' est dans ton sein palpitant que j'ai trouve ce que je cherchais; mineur patient, j'ai remue tes entrailles pour en faire sortir le mal; maintenant, mon oeuvre est accomplie, ma mission est terminee; maintenant tu ne peux plus m'ofrir ni joies ni douleurs. Adieu, Paris,! adieu!
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Alexandre Dumas (Le Comte de Monte-Cristo: Tome 1)
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« Mais puisque je ne peux pas mâarracher Ă lâobjectivitĂ© qui mâĂ©crase, ni Ă la subjectivitĂ© qui mâexile, puisquâil ne mâest pas possible de mâĂ©lever jusquâĂ lâĂȘtre, ni de tomber dans le nĂ©ant, il faut que jâĂ©coute. Il faut que je regarde autour de moi plus que jamais⊠Le monde⊠Mon semblable⊠Mon frĂšre⊠»
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Jean-Luc Godard
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Je peux encore tout rater, disait Lila, je suis assez jeune pour ça. Quand on vieillit, on a de moins en moins de chances de tout rater parce qu'on n'a plus le temps, et on peut vivre tranquillement en se contentant de ce qu'on a raté déjà . C'est ce qu'on entend par « paix de l'esprit ». Mais quand on n'a que seize ans et qu'on peut encore tout tenter et ne rien réussir, c'est ce qu'on appelle en général « avoir de l'avenir »...
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Romain Gary (Les Cerfs-volants)
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Câest ainsi que je tâai aimĂ©; je peux le dire, Ă prĂ©sent que tout est passĂ©, que tout est fini. Et je crois que si tu mâappelais sur mon lit de mort, je trouverais encore la force de me lever et dâaller te
rejoindre.
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Stefan Zweig (Letter from an Unknown Woman and Other Stories)
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Je ne peux plus rien d'autre. Je ne les entends plus, tu sais. C'est sans doute qu'ils en ont fini avec moi. Fini: l'affaire est classĂ©e, je ne suis plus rien sur terre, mĂȘme plus un lĂąche. InĂšs, nous voilĂ seuls: il n'y a plus que vous deux pour penser Ă moi. Elle ne compte pas. Mais toi, toi qui me hais, si tu me crois, tu me sauves.
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Jean-Paul Sartre (No Exit)
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Si vous voulez vraiment le savoir, j'aurais prĂ©fĂ©rĂ© ne jamais ĂȘtre nĂ©. La vie, je trouve ca bien fatigant. Bien sur, Ă prĂ©sent la chose est faite, et je ne peux rien y changer. Mais il y a toujours au fond de moi ce regret, que je n'ariverai pas Ă chasser complĂštement, et qui gĂąchera tout. Maintenant, il s'agit de vieillir vite, d'avaler les annĂ©es le plus vite possible, sans regarder Ă gauche ni Ă droit
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J.M.G. Le Clézio (Fever)
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Elle aura donc menti jusqu'au bout! OĂč est-elle! Pas lĂ ... pas au ciel... pas anĂ©antie...oĂč? Oh! tu disais que tu n'avais pas souci de mes souffrances. Et moi, je fais une priĂšre... je la rĂ©pĂšte jusqu'Ă ce que ma langue s'engourdisse : Catherine Earnshaw, puisses-tu ne pas trouver le repos tant que je vivrais! Tu dis que je t'ai tuĂ©e, hante-moi alors! Les victimes hantent leurs meurtrier, je crois. Je sais que des fantĂŽmes ont errĂ© sur la terre. Sois toujours avec moi... prends n'importe quelle forme... rends-moi fou! mais ne me laisse pas dans cet abĂźme oĂč je ne puis te trouver. Oh! Dieu! c'est indicible! je ne peux pas vivre sans ma vie! je ne peux pas vivre sans mon Ăąme!
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Emily Brontë (Wuthering Heights)
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Il fallait absolument se secouer, retrouver mon pĂšre et notre vie d'antan. De quels charmes ne se paraient pas pour moi subitement les deux annĂ©es joyeuses et incohĂ©rentes que je venais d'achever, ces deux annĂ©es que j'avais si vite reniĂ©es l'autre jour ?... La libertĂ© de penser, et de mal penser et de penser peu, la libertĂ© de choisir moi-mĂȘme ma vie. Je ne peux dire "d'ĂȘtre moi-mĂȘme" puisque je n'Ă©tais rien qu'une pĂąte modelable, mais celle de refuser les moules.
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Françoise Sagan (Bonjour tristesse)
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Maman, j'ai essayĂ© de comprendre ta jalousie, et en guise de gratitude, tu ouvres devant moi le gouffre dans lequel tu es tombĂ©e, Ă croire que tu cherches Ă m'y faire chuter, mais tu n'y rĂ©ussiras pas, maman, je refuse de devenir comme toi, et je peux te dire que sans mĂȘme y ĂȘtre tombĂ©e, rien que de sentir l'appel de ce gouffre, j'ai si mal que je pourrais hurler, c'est comme la morsure du vide, maman, je comprends ta souffrance mais ce que je ne comprends pas, c'est ton peu d'Ă©gards pour moi, en vĂ©ritĂ© tu ne cherches pas Ă partager ton mal avec moi, cela t'est juste Ă©gal que je souffre, tu ne le vois pas, c'est le dernier de tes soucis et c'est cela le pire.
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AmĂ©lie Nothomb (Frappe-toi le cĆur)
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Depuis que tu es partie, jâai pu compter jusquâau sept millions neuf cent quarante-huit mille cents. Tu as eu le temps dâaller te cacher loin. Je cherche partout. Je ne te trouve pas, je dĂ©sespĂšre. La partie de cache-cache dure trop longtemps. Allez, tu as gagnĂ©, tu peux sortir de ta cachette. Je tâen supplie. Jâai perdu. Jâai tout perdu.
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Jean-Louis Fournier (Veuf (La Bleue) (French Edition))
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Les marchombres arpentent une voie qui leur est propre. Une voie pavée d'absolu mais périlleuse et solitaire. Une voie sans retour. Rares sont ceux qui s'y lancent. Elle ne t'apportera ni richesse, ni consécration, elle t'offrira en revanche un trésor que les hommes ont oublié : la liberté. Si tu le désires, je peux accompagner tes premiers pas.
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Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
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Quâun poĂšte Ă©lĂšve la voix, quâun musicien saisisse son violon, quâun peintre ou quâun sculpteur surprenne et fixe les raisons de la vie, quâun vĂ©ritable crĂ©ateur surgisse en quelque endroit du globe, et je dis que ma patrie est lĂ mĂȘme oĂč cet homme respire, je dis que ma patrie est en tout lieu que je peux connaĂźtre et chĂ©rir Ă travers lâĂąme dâun poĂšte.
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Georges Duhamel (La missione del poeta)
â
- Offre ton identité au Conseil, jeune apprentie.
La voix Ă©tait douce, lâordre sans appel.
- Je mâappelle Ellana Caldin.
- Ton Ăąge.
Ellana hĂ©sita une fraction de seconde. Elle ignorait son Ăąge exact, se demandait si elle nâavait pas intĂ©rĂȘt Ă se vieillir. Les apprentis quâelle avait discernĂ©s dans lâassemblĂ©e Ă©taient tous plus ĂągĂ©s quâelle, le Conseil ne risquait-il pas de la considĂ©rer comme une enfant ? Les yeux noirs dâEhrlime fixĂ©s sur elle la dissuadĂšrent de chercher Ă la tromper.
- Jâai quinze ans.
Des murmures Ă©tonnĂ©s sâĂ©levĂšrent dans son dos.
Imperturbable, Ehrlime poursuivit son interrogatoire.
- Offre-nous le nom de ton maĂźtre.
- Jilano AlhuĂŻn.
Les murmures, qui sâĂ©taient tus, reprirent. Plus marquĂ©s, Ehrlime leva une main pour exiger un silence quâelle obtint immĂ©diatement.
- Jeune Ellana, je vais te poser une sĂ©rie de questions. A ces questions, tu devras rĂ©pondre dans lâinstant, sans rĂ©flĂ©chir, en laissant les mots jaillir de toi comme une cascade vive. Les mots sont un cours dâeau, la source est ton Ăąme. Câest en remontant tes mots jusquâĂ ton Ăąme que je saurai discerner si tu peux avancer sur la voie des marchombres. Es-tu prĂȘte ?
- Oui.
Une esquisse de sourire traversa le visage ridĂ© dâEhrlime.
- Quây a-t-il au sommet de la montagne ?
- Le ciel.
- Que dit le loup quand il hurle ?
- Joie, force et solitude.
- Ă qui sâadresse-t-il ?
- Ă la lune.
- OĂč va la riviĂšre ?
LâanxiĂ©tĂ© dâEllana sâĂ©tait dissipĂ©e. Les questions dâEhrlime Ă©taient trop imprĂ©vues, se succĂ©daient trop rapidement pour quâelle ait dâautre solution quây rĂ©pondre ainsi quâon le lui avait demandĂ©. Impossible de tricher. Cette Ă©vidence se transforma en une onde paisible dans laquelle elle sâimmergea, laissant Ehrlime remonter le cours de ses mots jusquâĂ son Ăąme, puisque câĂ©tait ce quâelle dĂ©sirait.
- Remplir la mer.
- Ă qui la nuit fait-elle peur ?
- Ă ceux qui attendent le jour pour voir.
- Combien dâhommes as-tu dĂ©jĂ tuĂ©s ?
- Deux.
- Es-tu vent ou nuage ?
- Je suis moi.
- Es-tu vent ou nuage ?
- Vent.
- Méritaient-ils la mort ?
- Je lâignore.
- Es-tu ombre ou lumiĂšre ?
- Je suis moi.
- Es-tu ombre ou lumiĂšre ?
- Les deux.
- OĂč se trouve la voie du marchombre ?
- En moi.
Ellana sâexprimait avec aisance, chaque rĂ©ponse jaillissant dâelle naturellement, comme une expiration aprĂšs une inspiration. FluiditĂ©. Le sourire sur le visage dâEhrlime Ă©tait revenu, plus marquĂ©, et une pointe de jubilation perçait dans sa voix ferme.
- Que devient une larme qui se brise ?
- Une poussiĂšre dâĂ©toiles.
- Que fais-tu devant une riviĂšre que tu ne peux pas traverser ?
- Je la traverse.
- Que devient une étoile qui meurt ?
- Un rĂȘve qui vit.
- Offre-moi un mot.
- Silence.
- Un autre.
- Harmonie.
- Un dernier.
- Fluidité.
- Lâours et lâhomme se disputent un territoire. Qui a raison ?
- Le chat qui les observe.
- Marie tes trois mots.
- Marchombre.
â
â
Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
â
cette liberté, je l'ai cherchée bien loin ; elle était si proche que je ne pouvais la voir, que je ne peux pas la toucher, elle n'était que moi.
â
â
Jean-Paul Sartre (The Reprieve)
â
Tu comprends. C'est trop loin. Je ne peux pas emporter ce corps-lĂ . C'est trop lourd.
(You understand. It is too far. I cannot carry this body with me. It is too heavy.)
â
â
Antoine de Saint-Exupéry (Le Petit Prince)
â
Ah c'est que tu as vingt ans, toi, et que tu peux oublier le passé, j'en ai cinquante, et je suis bien forcé de m'en souvenir
â
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Alexandre Dumas (The Count of Monte Cristo)
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Tous ceux, tous ceux, tous ceux
Qui me viendront, je vais vous les jeter, en touffe
Sans les mettre en bouquet : je vous aime, j'étouffe
Je t'aime, je suis fou, je n'en peux plus, c'est trop ;
Ton nom est dans mon cĆur comme dans un grelot,
Et comme tout le temps, Roxane, je frissonne,
Tout le temps, le grelot s'agite, et le nom sonne !
De toi, je me souviens de tout, j'ai tout aimé :
Je sais que l'an dernier, un jour, le douze mai,
Pour sortir le matin tu changeas de coiffure !
J'ai tellement pris pour clarté ta chevelure
Que, comme lorsqu'on a trop fixé le soleil,
On voit sur toute chose ensuite un rond vermeil,
Surtout, quand j'ai quitté les feux dont tu m'inondes,
Mon regard ébloui pose des taches blondes !
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Edmond Rostand (Cyrano de Bergerac)
â
Depuis, le Paris oĂč j'ai tentĂ© de retrouver sa trace est demeurĂ© aussi dĂ©sert et silencieux que ce jour-lĂ . Je marche Ă travers les rues vides. Pour moi, elles le restent, mĂȘme le soir, Ă l'heure des embouteillages, quand les gens se pressent vers les bouches de mĂ©tro. Je ne peux pas m'empĂȘcher de penser Ă elle et de sentir un Ă©cho de sa prĂ©sence dans certains quartiers.
â
â
Patrick Modiano (Dora Bruder)
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J'ai l'impression d'ĂȘtre une grenade, maman. Je suis une grenade dĂ©goupillĂ©e et, Ă un moment donnĂ©, je vais exploser. Alors j'aimerais autant limiter le nombre de victimes, OK ? Je suis une grenade. Je ne veux pas voir de gens. Je veux lire des livres, rĂ©flĂ©chir et ĂȘtre avec vous, parce-que vous, je ne peux pas faire autrement que de vous faire du mal, vous ĂȘtre dĂ©jĂ dedans jusqu'au cou. Alors laissez-moi faire ce que je veux. Je ne fais pas une dĂ©pression. Je n'ai pas besoin de sortir. Et je ne peux pas ĂȘtre une ado normale parce-que je suis une grenade.
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John Green (The Fault in Our Stars)
â
Mais comment? Comment fais-tu pour surmonter ça, mon chéri? lui avait-elle demandé. Tu as enduré tellement d'épreuves, mais tu es toujours content. Comment fais-tu?
-J'ai choisi de l'ĂȘtre, avait-il rĂ©pondu. Je peux laisser ruiner mon passĂ©, consacrer mon temps Ă haĂŻr les gens pourc e qu'ils m'ont fait, comme mon pĂšre l'a fait, ou je peux pardonner et oublier.
-Mais ce n'est pas si facile."
Il avait sourit, de son sourire de Franck.
"Oui, mais, Trésor, c'est tellement moins fatigant; Il suffit de pardonner une fois. Tandis que la rancune, il faut l'entretenir à longueur de journée, et recommencer tous les jours. Il faudrait que je fasse une liste pour m'assurer que je hais bien tous ceux qui m'ont causé du tort. Non, avait-il ajouté, on a tous la possibilité de pardonner.
â
â
M.L. Stedman (The Light Between Oceans)
â
Je suis vivant. Et pendant que je mange, je ne fais rien d'autre que manger. Quand je marcherai, je marcherai, c'est tout. Et s'il faut un jour me battre, n'importe quel jour en vaut un autre pour mourir. Parce que je ne vis ni dans mon passé ni dans mon avenir. Je n'ai que le présent, et c'est lui seul qui m'intéresse. Si tu peux demeurer toujours dans le présent, alors tu seras un homme heureux.
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Paulo Coelho (The Alchemist)
â
Je peux exĂ©crer ce shah, mais ce n'est pas contre lui que je me bats. Triompher d'un despote ne peut ĂȘtre le but ultime, je me bats pour que les Persans aient conscience d'ĂȘtre des hommes libres, des fils d'Adam, comme nous disons ici, qu'ils aient foi en eux-mĂȘmes, en leur force, qu'ils retrouvent une place dans le monde d'aujourd'hui. C'est ce que j'ai voulu rĂ©ussir ici. Cette ville a rejetĂ© la tutelle du monarque et des chefs religieux, elle a dĂ©fiĂ© les Puissances, partout elle a suscitĂ© la solidaritĂ© et l'admiration des hommes de coeur. Les gens de Tabriz Ă©taient sur le point de gagner, mais on ne veut pas les laisser gagner, on a trop peur de leur exemple, on veut les humilier, cette population fiĂšre devra se prosterner devant les soldats du tsar pour obtenir son pain. Toi qui es nĂ© libre dans un pays libre, tu devrais comprendre.
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Amin Maalouf (Samarkand)
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Je parle le français depuis plus de trente ans, je l'écris depuis vingt ans, mais je ne le connais toujours pas. Je ne le parle pas sans fautes, et je ne peux l'écrire qu'avec l'aide de dictionnaires fréquemment consultés.
C'est pour cette raison que j'appelle la langue française une langue ennemie, elle aussi. Il y a encore une autre raison, et c'est la plus grave : cette langue est en train de tuer ma langue maternelle.
-L'AnalphabĂšte
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Ăgota KristĂłf
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- Bardamu, qu'il me fait alors gravement et un peu triste, nos pĂšres nous valaient bien, n'en dis pas de mal !...
- T'as raison, Arthur, pour ça t'as raison ! Haineux et dociles, violĂ©s, volĂ©s, Ă©tripĂ©s et couillons toujours, ils nous valaient bien ! Tu peux le dire ! Nous ne changeons pas ! Ni de chaussettes, ni de maĂźtres, ni d'opinions, ou bien si tard, que ça n'en vaut plus la peine. On est nĂ©s fidĂšles, on en crĂšve nous autres ! Soldats gratuits, hĂ©ros pour tout le monde et singes parlants, mots qui souffrent, on est nous les mignons du Roi MisĂšre. C'est lui qui nous possĂšde ! Quand on est pas sage, il serre... On a ses doigts autour du cou, toujours, ça gĂȘne pour parler, faut faire bien attention si on tient Ă pouvoir manger... Pour des riens, il vous Ă©trangle... C'est pas une vie...
- Il y a l'amour, Bardamu !
- Arthur, l'amour c'est l'infini mis à la portée des caniches et j'ai ma dignité moi ! que je lui réponds.
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Louis-Ferdinand Céline
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Tu ne peux pas comprendre. Qu'importe ? Je sortirai peut-ĂȘtre de lĂ . Mais je sens monter en moi des ĂȘtres sans nom. Que ferais-je contre eux ? (Il se retourne vers elle.) Oh ! Caesonia, je savais qu'on pouvait ĂȘtre dĂ©sespĂšre, mais j'ignorais ce que ce mot voulait dire. Je croyais comme tout le monde que c'Ă©tait une maladie de l'Ăąme. Mais non, c'est le corps qui souffre. Ma peau me fait mal, ma poitrine, mes membres. J'ai la tĂȘte creuse et le coeur soulevĂ©. Et le plus affreux, c'est ce goĂ»t dans la bouche. Ni sang, ni mort, ni fiĂšvre, mais tout cela Ă la fois. Il suffit que je remue la langue pour que tout redevienne noir et que les ĂȘtres me rĂ©pu-gnent. Qu'il est dur, qu'il est amer de devenir un homme!
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Albert Camus (Caligula)
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His brown eyes would roam around the various sentimental and artistic bric-a-brac present, and his own banal toiles (the conventionally primitive eyes, sliced guitars, blue nipples and geometrical designs of the day), and with a vague gesture toward a painted wooden bowl or veined vase, he would say "Prenez donc une des ces poires. La bonne dame d'en face m'en offre plus que je n'en peux savourer." Or: "Mississe Taille Lore vient de me donner ces dahlias, belles fleurs que j'exĂšcre.
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Vladimir Nabokov (Lolita)
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L'Amour qui n'est pas un mot
Mon Dieu jusqu'au dernier moment
Avec ce coeur dĂ©bile et blĂȘme
Quand on est l'ombre de soi-mĂȘme
Comment se pourrait-il comment
Comment se pourrait-il qu'on aime
Ou comment nommer ce tourment
Suffit-il donc que tu paraisses
De l'air que te fait rattachant
Tes cheveux ce geste touchant
Que je renaisse et reconnaisse
Un monde habité par le chant
Elsa mon amour ma jeunesse
O forte et douce comme un vin
Pareille au soleil des fenĂȘtres
Tu me rends la caresse d'ĂȘtre
Tu me rends la soif et la faim
De vivre encore et de connaĂźtre
Notre histoire jusqu'Ă la fin
C'est miracle que d'ĂȘtre ensemble
Que la lumiĂšre sur ta joue
Qu'autour de toi le vent se joue
Toujours si je te vois je tremble
Comme Ă son premier rendez-vous
Un jeune homme qui me ressemble
M'habituer m'habituer
Si je ne le puis qu'on m'en blĂąme
Peut-on s'habituer aux flammes
Elles vous ont avant tué
Ah crevez-moi les yeux de l'Ăąme
S'ils s'habituaient aux nuées
Pour la premiĂšre fois ta bouche
Pour la premiĂšre fois ta voix
D'une aile Ă la cime des bois
L'arbre frémit jusqu'à la souche
C'est toujours la premiĂšre fois
Quand ta robe en passant me touche
Prends ce fruit lourd et palpitant
Jettes-en la moitié véreuse
Tu peux mordre la part heureuse
Trente ans perdus et puis trente ans
Au moins que ta morsure creuse
C'est ma vie et je te la tends
Ma vie en vérité commence
Le jour que je t'ai rencontrée
Toi dont les bras ont su barrer
Sa route atroce à ma démence
Et qui m'as montré la contrée
Que la bonté seule ensemence
Tu vins au coeur du désarroi
Pour chasser les mauvaises fiĂšvres
Et j'ai flambé comme un geniÚvre
A la Noël entre tes doigts
Je suis né vraiment de ta lÚvre
Ma vie est Ă partir de toi
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Louis Aragon
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elle vient dans mon cabinet m'entretenir de ses chagrins domestiques. Je ne peux la mettre à la porte, mais j'en ai fort envie. Je me suis réservé dans la vie un trÚs petit cercle, mais une fois qu'on entre dedans je deviens furieux, rouge.   J'avais
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Gustave Flaubert (Correspondance 3e série. 1852-1854 (French Edition))
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Patrice a vingt-quatre ans et, la premiĂšre fois que je lâai vu, il Ă©tait dans son fauteuil inclinĂ© trĂšs en arriĂšre. Il a eu un accident vasculaire cĂ©rĂ©bral. Physiquement, il est incapable du moindre mouvement, des pieds jusquâĂ la racine des cheveux. Comme on le dit souvent dâune maniĂšre trĂšs laide, il a lâaspect dâun lĂ©gume : bouche de travers, regard fixe. Tu peux lui parler, le toucher, il reste immobile, sans rĂ©action, comme sâil Ă©tait complĂštement coupĂ© du monde. On appelle ça le locked in syndrome.Quand tu le vois comme ça, tu ne peux quâimaginer que lâensemble de son cerveau est dans le mĂȘme Ă©tat. Pourtant il entend, voit et comprend parfaitement tout ce qui se passe autour de lui. On le sait, car il est capable de communiquer Ă lâaide du seul muscle qui fonctionne encore chez lui : le muscle de la paupiĂšre. Il peut cligner de lâĆil. Pour lâaider Ă sâexprimer, son interlocuteur lui propose oralement des lettres de lâalphabet et, quand la bonne lettre est prononcĂ©e, Patrice cligne de lâĆil.
 Lorsque jâĂ©tais en rĂ©animation, que jâĂ©tais complĂštement paralysĂ© et que jâavais des tuyaux plein la bouche, je procĂ©dais de la mĂȘme maniĂšre avec mes proches pour pouvoir communiquer. Nous nâĂ©tions pas trĂšs au point et il nous fallait parfois un bon quart dâheure pour dicter trois pauvres mots.
Au fil des mois, Patrice et son entourage ont perfectionnĂ© la technique. Une fois, il mâest arrivĂ© dâassister Ă une discussion entre Patrice et sa mĂšre. Câest trĂšs impressionnant.La mĂšre demande dâabord : « Consonne ? » Patrice acquiesce dâun clignement de paupiĂšre. Elle lui propose diffĂ©rentes consonnes, pas forcĂ©ment dans lâordre alphabĂ©tique, mais dans lâordre des consonnes les plus utilisĂ©es. DĂšs quâelle cite la lettre que veut Patrice, il cligne de lâĆil. La mĂšre poursuit avec une voyelle et ainsi de suite. Souvent, au bout de deux ou trois lettres trouvĂ©es, elle anticipe le mot pour gagner du temps. Elle se trompe rarement. Cinq ou six mots sont ainsi trouvĂ©s chaque minute.Â
Câest avec cette technique que Patrice a Ă©crit un texte, une sorte de longue lettre Ă tous ceux qui sont amenĂ©s Ă le croiser. Jâai eu la chance de lire ce texte oĂč il raconte ce qui lui est arrivĂ© et comment il se sent. Ă cette lecture, jâai pris une Ă©norme gifle. Câest un texte brillant, Ă©crit dans un français subtil, lĂ©ger malgrĂ© la tragĂ©die du sujet, rempli dâhumour et dâautodĂ©rision par rapport Ă lâĂ©tat de son auteur. Il explique quâil y a de la vie autour de lui, mais quâil y en a aussi en lui. Câest juste la jonction entre les deux mondes qui est un peu compliquĂ©e.Jamais je nâaurais imaginĂ© que ce texte si puissant ait Ă©tĂ© Ă©crit par ce garçon immobile, au regard entiĂšrement vide.
 Avec lâexpĂ©rience acquise ces derniers mois, je pensais ĂȘtre capable de diagnostiquer lâĂ©tat des uns et des autres seulement en les croisant ; jâai reçu une belle leçon grĂące Ă Patrice.Une leçon de courage dâabord, Ă©tant donnĂ© la vitalitĂ© des propos que jâai lus dans sa lettre, et, aussi, une leçon sur mes a priori.
Plus jamais dorénavant je ne jugerai une personne handicapée à la vue seule de son physique.
Câest jamais inintĂ©ressant de prendre une bonne claque sur ses propres idĂ©es reçues .
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Grand corps malade (Patients)
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Les gens ne se font mal, vraiment mal je veux dire, que lorsqu'ils essaient d'ĂȘtre prudents. Tu peux ĂȘtre sure que les blessures arrivent comme ca, quand on se retient a la derniĂšre seconde, par peur. Il n'y a pas de meilleur moyen de se blesser. Et de blesser les autres.
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Morgan Matson (Second Chance Summer)
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- Qu'y-a-t-il au sommet de la montagne ?
- Le ciel.
- Que dit le loup quand il hurle ?
- Joie, force et solitude.
- A qui s'adresse-t-il ?
- A la lune.
- OĂč va la riviĂšre ?
- Remplir la mer.
- A qui la nuit fait-elle peur ?
- A ceux qui attendent le jour pour voir.
- Es-tu vent ou nuage ?
- Je suis moi.
- Es-tu vent ou nuage ?
- Vent.
- Es-tu ombre ou lumiĂšre ?
- Je suis moi.
- Es-tu ombre ou lumiĂšre ?
- Les deux.
- Que devient une lame qui se brise ?
- Une poussiÚre d'étoile.
- Que fais-tu devant une riviĂšre que tu ne peux pas traverser ?
- Je le traverse.
- Que devient une étoile qui meurt ?
- Un rĂȘve qui vit.
- Offre moi un mot.
- Silence.
- Un autre.
- Harmonie.
- Un dernier.
- Fluidité.
- L'ours et le chien se disputent un territoire, qui a raison ?
- Le chat qui les observe.
- Marie tes trois mots.
- Marchombre.
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Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
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Il s'avéra que c'était une livre entiÚre de thé, dans une jolie petite boßte en bois.
"Je me suis rappelé cette horrible chose que j'avais entendu sur l'Italie." Ivy, submergée par un excÚs d'émotion, se tamponna le coin de l'oeil avec son mouchoir. "Ce que j'ai entendu... Oh, je peux à peine en parler... J'ai entendu dire qu'en Italie ils boivent... (elle s'interrompit) du café." Elle frémit délicatement. "C'est si abominablement mauvais pour l'estomac." Elle serra la main d'Alexia avec ferveur dans les siennes, avec le mouchoir humide. "Bonne chance.
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Gail Carriger (Blameless (Parasol Protectorate, #3))
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Tu pratique la dichotomie comme personne, tu sais. Tu as l'incroyable facultĂ© de te dĂ©doubler en deux personnes totalement diffĂ©rente. Je dis deux, mais c'est pas modestie. En vĂ©ritĂ©, tu peux ĂȘtre une infinitĂ© de personnages. N'es-tu pas auteur, aprĂšs tout ? C'est ton mĂ©tier, non ?
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Laurent Bettoni (Ăcran total)
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Jesentais que jâagissais ridiculement et que par ma folie jâoffensais Ă jamais, mortellement, un homme plein de bontĂ© pour moi ; je me rendais compte que je brisais ma vie, mais que mâimportait lâamitiĂ©, que mâimportait lâexistence, au prix de lâimpatience que jâavais de sentir encore une fois tes lĂšvres et dâentendre monter vers moi tes paroles de tendresse? Câest ainsi que je tâai aimĂ©; je peux le dire, Ă prĂ©sent que tout est passĂ©, que tout est fini. Et je crois que si tu mâappelais sur mon lit de mort, je trouverais encore la force de me lever et dâaller te rejoindre.
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Stefan Zweig (Letter from an Unknown Woman and Other Stories)
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Amy Smith leva aussitĂŽt la main.
"Oui, Amy ?
-Tous les Allemands étaient-ils des nazis ?
-Non, en fait, moins de dix pour cent de la population allemande appartenait au parti nazi.
-Alors, pourquoi personne n'a essayĂ© de les arrĂȘter ?
-Je ne peux pas répondre avec certitude à cette question, Amy...
(p 22)
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Todd Strasser (La Vague)
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Puisque moi-mĂȘme j'ai longtemps Ă©tĂ© un pensionnaire dans un asile d'aliĂ©nĂ©s, je ne peux que relever les tendances sophistes de certains pensionnaires qui les entraĂźnent Ă se tromper en commettant les erreurs d'appliquer la non causa et ignoratio elenchi et qui consiste Ă mĂ©sestimer l'effet par ignorance de la cause.
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Bram Stoker
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Les gens que j'aime sont toujours loin de moi, et dans l'impossibilitĂ© de venir me trouver, alors que je peux Ă tout instant remplir la maison d'hĂŽtes dont je ne me soucie pas le moins du monde. Peut-ĂȘtre, si je les voyais plus souvent, aimerais-je moins ces amis absents - du moins est-ce ce que je pense lorsque le vent hurle autour de la maison et que la nature paraĂźt submergĂ©e de chagrin. Il m'est d'ailleurs arrivĂ© quelquefois de souhaiter ne pas revoir de dix ans des amis pourtant trĂšs proches. Sans doute n'est-il pas d'amitiĂ© si forte qu'elle puisse rĂ©sister Ă l'Ă©preuve du petit dĂ©jeuner auquel, Ă la campagne, chacun se sent obligĂ© de paraĂźtre.
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Elizabeth von Arnim (Elizabeth and Her German Garden (Elizabeth))
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voie nouvelle, que tu as acquis tout Ă coup des siĂšcles de maturitĂ© et que tu prendras en pitiĂ© lâusage de se chanter soi-mĂȘme. Cela rĂ©ussit une fois dans un cri, mais quelque lyrisme quâait Byron par exemple, comme Shakespeare lâĂ©crase Ă cĂŽtĂ©, avec son impersonnalitĂ© surhumaine. â Est-ce quâon sait seulement sâil Ă©tait triste ou gai ? Lâartiste doit sâarranger de façon Ă faire croire Ă la postĂ©ritĂ© quâil nâa pas vĂ©cu. Moins je mâen fais une idĂ©e et plus il me semble grand. Je ne peux rien me figurer sur la personne dâHomĂšre, de Rabelais, et quand je pense Ă Michel-Ange, je vois, de dos seulement, un vieillard de stature colossale sculptant la nuit aux flambeaux.
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Gustave Flaubert (GUSTAVE FLAUBERT: Correspondance - Tome 2 -1851-1858 (French Edition))
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- Ciao, mon biquet, ce fut un plaisir de voyager avec toi.
- Je te retrouverais, cracha le bone. Je te retrouverais et ce jour-lĂ , je te crĂšverai. En prenant tout mon temps !
- C'est ça, ironisa Salim, personne n'est pressé.
- Tu vas souffrir ! Beaucoup souffrir !
- Ăa c'est cruel, s'indigna Salim, et ingrat. Je t'ai quand mĂȘme tenu dans mes bras pendant tout le trajet. D'ailleurs, Ă ce sujet, tu devrais te laver plus souvent, tu sais ? Et encore... je crois que c'est de l'intĂ©rieur que tu pues ! Maintenant, si ça ne te fait rien, je te quitte. C'est pas que je m'ennuie mais je ne peux quand mĂȘme pas passer la journĂ©e avec tous les rigolos que je rencontre. Ă la prochaine, vieux !
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Pierre Bottero (La ForĂȘt des captifs (Les Mondes d'Ewilan, #1))
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[...] vous savez bien que je n'en voudrai pas de cet homme car je ne veux que ce que je ne peux pas avoir, comme vous par exemple, je vous veux parce je ne vous aurai jamais, c'est simple et sans issue, c'est dĂ©sespĂ©rĂ©ment logique, le dĂ©sir qui ne connaĂźt de rĂ©alitĂ© que lui-mĂȘme, et vous voyez bien que je mĂ©rite la mort pour cet entĂȘtement de rat qui ne sait pas rebrousser chemin, pour cet acharnement de bestiole aveugle qui finira par crever d'avoir trop avancĂ©, vous verrez bien, je mourrai de ce compromis que je ne veux pas faire, et tant pis pour tous les hommes sains et Ă©quilibrĂ©s qui m'aimeront et tant pis pour moi surtout qui en aimerai d'autres, on finit tous par mourir de la discordance de nos amours.
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Nelly Arcan (Putain)
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Tu peux ĂȘtre grave et fou, qui empĂȘche ? Tu peux ĂȘtre tout ce que tu veux et fou en surplus, mais il faut ĂȘtre fou, mon enfant. Regarde autour de toi le monde sans cesse grandissant de gens qui se prennent au sĂ©rieux. Outre qu'ils se donnent un ridicule irrĂ©mĂ©diable devant les esprits semblables au mien, ils se font une vie dangereusement constipĂ©e. Ils sont exactement comme si, Ă la fois, ils se bourraient de tripes qui relĂąchent et de nĂšfles du Japon qui resserrent. Ils gonflent, gonflent, puis ils Ă©clatent et ça sent mauvais pour tout le monde. Je n'ai pas trouvĂ© d'image meilleure que celle-lĂ . D'ailleurs, elle me plaĂźt beaucoup. Il faudrait mĂȘme y employer trois ou quatre mots de dialecte de façon Ă la rendre plus orduriĂšre que ce qu'elle est en piĂ©montais. Toi qui connais mon Ă©loignement naturel pour tout ce qui est grossier, cette recherche te montre bien tout le danger que courent les gens qui se prennent au sĂ©rieux devant le jugement des esprits originaux. Ne sois jamais une mauvaise odeur pour tout un royaume, mon enfant. PromĂšne-toi comme un jasmin au milieu de tous.
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Jean Giono (The Horseman on the Roof)
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Je pourrais me tromper, croire que je suis belle comme les femmes belles, comme les femmes regardĂ©es, parce quâon me regarde vraiment beaucoup. Mais moi je sais que ce nâest pas une question de beautĂ© mais dâautre chose, par exemple, oui, dâautre chose, par exemple dâesprit. Ce que je veux paraĂźtre je le parais, belle aussi si câest ce que lâon veut que je sois, belle, ou jolie, jolie par exemple pour la famille, pour la famille, pas plus, tout ce que lâon veut de moi je peux le devenir. Et le croire. Croire que je suis charmante aussi bien. DĂšs que je le crois, que cela devienne vrai pour celui qui me voit et qui dĂ©sire que je sois selon son goĂ»t, je le sais aussi. Ainsi, en toute conscience je peux ĂȘtre charmante mĂȘme si je suis hantĂ©e.
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Marguerite Duras (The Lover)
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Câest dâabord Ă ton pays de tenir, envers toi, un certain nombre dâengagements. Que tu y sois considĂ©rĂ© comme un citoyen Ă part entiĂšre, que tu nây subisses ni oppression, ni discrimination, ni privations indues. Ton pays et ses dirigeants ont lâobligation de tâassurer cela ; sinon, tu ne leur dois rien. Ni attachement au sol, ni salut au drapeau. Le pays oĂč tu peux vivre la tĂȘte haute, tu lui donnes tout, tu lui sacrifies tout, mĂȘme ta propre vie ; celui oĂč tu dois vivre la tĂȘte basse, tu ne lui donnes rien. Quâil sâagisse de ton pays dâaccueil ou de ton pays dâorigine. La magnanimitĂ© appelle la magnanimitĂ©, lâindiffĂ©rence appelle lâindiffĂ©rence, et le mĂ©pris appelle le mĂ©pris. Telle est la charte des ĂȘtres libres et, pour ma part, je nâen reconnais aucune autre.
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Amin Maalouf (The Disoriented)
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Anastase passa son pouce sur ma lĂšvre infĂ©rieureâ; ses traits virils, son regard pĂ©nĂ©trant me brĂ»lait.
â Laisse-toi aller, MikhaĂŻl. Personne ne surveille tes faits et gestes. Personne ne dira rien ni ne te jugera. Sois toi-mĂȘme, abaisse tes barriĂšres.
Jâinspirai profondĂ©ment et collai sa mĂšche de cheveux Ă mon nez, mâapaisant.
â Vivre dans un fort nâest pas vivre, les plus belles sensations sont celles de pleine libertĂ©. Tu peux toucher qui tu veux. Rire avec qui cela te plaĂźt. Agir comme un enfant si câest ce dont tu as envie.
Je plissai le nez.
â Non merci, je laisse ça Ă Matt et Jimmy, deux enfants, câest bien assez Ă gĂ©rer.
Nous sourĂźmes tous deux. Le brun me posa un baiser sur la joue, et peu de temps aprĂšs, la porte sâouvrit Ă nouveau.
â Heyâ! Moi aussi je veux des cĂąlinsâ!
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Phoenix Pharell (Des échos de sang et de crocs (French Edition))
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Les jours qui suivent sont un vĂ©ritable cauchemar. Je me doute bien que l'amant ne va pas venir vers moi, puisqu'il a exigĂ© le silence, imposĂ© une chape de plomb. Les autres Ă©lĂšves ne manqueraient pas de relever cette bizarrerie si, d'aventure, il me saluait, s'il se contentait de me saluer, mĂȘme de loin. Car, je l'ai dit, nous appartenons Ă deux cercles distincts, sans intersection possible  : une conjonction, mĂȘme furtive, mĂȘme accidentelle n'est tout bonnement pas envisageable. Pas question de prendre le moindre risque, j'ai bien compris.
J'ai bien compris et, pourtant, je ne peux pas m'empĂȘcher d'espĂ©rer un signe qui ne serait dĂ©tectable que par nous, un frĂŽlement qui paraĂźtrait le produit du hasard, un clin d'Ćil que nul ne pourrait repĂ©rer, un sourire bref. Je rĂȘve d'un sourire bref.
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Philippe Besson (" ArrĂȘte avec tes mensonges ")
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Pourquoi ne l'as-tu pas tué ? me demanda-t-elle.
â Il n'y a pas de fatalitĂ©. J'en suis la preuve vivante, et je me sens pareil Ă cet enfant par les origines. De mĂȘme que je ne puis avoir la certitude d'ĂȘtre le maĂźtre absolu de la destinĂ©e d'Arthur, tu ne peux non plus espĂ©rer contrĂŽler totalement le devenir de ton fils. Ainsi il n'y a pas de fatalitĂ© ni dans la crĂ©ation ni dans la destruction, car deux choses Ă©chappent aux calculs les plus subtils de la prĂ©voyance : l'Ăąme et le hasard. Et mĂȘme si tu parviens Ă faire de cet ĂȘtre un instrument parfait au service de ta haine de l'homme, il ne pourra nuire que si Arthur et ses pairs de la Table Ronde montrent folie ou faiblesse. Et s'ils sont fous ou faibles, qu'importe la cause de leur ruine, car le coupable ne sera pas toi, ni ton fils, mais eux-mĂȘmes.
â
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Michel Rio (Merlin)
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Voisine
Je peux rester des aprĂšs-midi entiers Ă regarder cette fille, cachĂ© derriĂšre mon rideau. Je me demande ce qu'elle peut Ă©crire sur son ordinateur. A quoi elle pense quand elle regarde par la fenĂȘtre. Je me demande ce qu'elle mange, ce qu'elle utilise comme dentifrice, ce qu'elle Ă©coute comme musique. Un jour, je l'ai vue danser toute seule. Je me demande si elle a des frĂšres et sĆurs, si elle met la radio quand elle se lĂšve le matin, si elle prĂ©fĂšre l'Espagne ou l'Italie, si elle garde son mouchoir en boule dans sa main quand elle pleure et si elle aime Thomas Bernhard. Je me demande comment elle dort et comment elle jouit. Je me demande comment est son corps de prĂšs. Je me demande si elle s'Ă©pile ou si au contraire elle a une grosse toison. Je me demande si elle lit des livres en anglais. Je me demande ce qui la fait rire, ce qui la met hors d'elle, ce qui la touche et si elle a du goĂ»t. Qu'est-ce qu'elle peut bien en penser, cette fille, de la hausse du baril de pĂ©trole et des Farc, et que dans trente ans il n'y aura sans doute plus de gorilles dans les montagnes du Rwanda ? Je me demande Ă quoi elle pense quand je la vois fumer sur son canapĂ©, et ce qu'elle fume comme cigarettes. Est-ce que ça lui pĂšse d'ĂȘtre seule ? Est-ce qu'elle a un homme dans sa vie ? Et si c'est le cas, pourquoi c'est elle qui va toujours chez lui ? Pourquoi il n'y a jamais d'homme chez elle ? Je me demande comment elle se voit dans vingt ans. Je me demande quel sens elle donne Ă sa vie. Qu'est-ce qu'elle pense de sa vie quand elle est comme ça, toute seule, chez elle ? Si ça se trouve, elle n'a aucun intĂ©rĂȘt, cette fille.
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David Thomas (La Patience des buffles sous la pluie)
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J'aime les fleurs parce qu'elles me font penser aux femmes. PremiĂšrement, elles sentent divinement bon. DeuxiĂšmement, malgrĂ© leurs formes et leurs couleurs diffĂ©rentes, elles sont toutes belles. TroisiĂšmement, certaines ont toutefois des Ă©pines pour empĂȘcher certains d'approcher. D'autres, sont couvertes de jolis pĂ©tales, se rĂ©vĂšlent mortelles Ă l'homme. Je ne peux pas les en blĂąmer... Qui leur a donnĂ© l'autorisation de les cueillir, aprĂšs tout ?
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Morgane Moncomble (Un printemps pour te succomber : Un printemps pour te succomber (Seasons t. 3))
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Ătranger Ă moi-mĂȘme, je sais. Hors nature, contre nature, sans excuse, sans autre recours qu'en moi. Mais je ne reviendrai pas sous ta loi: je suis condamnĂ© Ă n'avoir d'autre loi que la mienne. Je ne reviendrai pas Ă ta nature: mille chemins y sont tracĂ©s qui conduisent vers toi, mais je ne peux suivre que mon chemin. Car je suis un homme, Jupiter, et chaque homme doit inventer son chemin. La nature a horreur de l'homme, et toi, toi, souverain des Dieux, toi aussi tu as les hommes en horreur.
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Jean-Paul Sartre (The Flies (SparkNotes Literature Guide Series))
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- Je te croyais morte.
La voix d'Edwin avait été un murmure, le premier souffle hésitant d'un espoir qui renaissait.
Ellana laissa son regard dĂ©river vers le corps ensanglantĂ© d'Essindra. Une flambĂ©e de haine embrasa son cĆur et, durant un bref instant, elle souhaita que la mercenaire soit encore vivante pour pouvoir la tuer Ă nouveau.
Puis Essindra disparut de son esprit et elle embrassa Edwin.
Un baiser brûlant à l'improbable parfum de miracle.
Un baiser douceur tout en promesses d'éternité.
Un baiser aveu. Peur, ténÚbres et solitude. Passées.
Edwin la serra contre lui, enfouit le visage dans son cou, se perdit dans son parfum et les cheveux fous derriĂšre sa nuque. Sentir son corps, percevoir les battements de son cĆur... Il revint doucement Ă la vie.
- Je t'aime.
Ils avaient chuchoté ensemble. Tressaillirent ensemble en entendant l'autre énoncer ce qui état l'origine, le centre et l'avenir du monde.
- Je t'aime.
Autour d'eux l'univers avait pùli devant cette évidence.
- Je t'aime.
- Ne meurs plus jamais. S'il-te-plaĂźt. Plus jamais.
- Je ne peux pas mourir, je t'aime.
Leur étreinte devint plus pressante, leurs lÚvres se cherchÚrent pour un nouveau baiser, plus intense, plus sensuel, plus...
Destan, coincé entre son pÚre et sa mÚre, émit un petit cri de protestation.
Sans que leurs ùmes ne se détachent, Ellana et Edwin s'écartÚrent pour contempler leur fils.
Peut-on mourir de bonheur ?
La question avait déjà été posé.
Si les larmes qui embuaient les yeux d'Ellana et celles qui roulaient sur le visage d'Edwin avaient su parler, elles auraient sans doute répondu.
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Pierre Bottero (Ellana, la Prophétie (Le Pacte des MarchOmbres, #3))
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Je ne comprends pas que l'on puisse ne pas fumer. C'est se priver de toute façon de la meilleure part de l'existence et en tout cas d'un plaisir tout Ă fait Ă©minent. Lorsque je m'Ă©veille, je me rĂ©jouis dĂ©jĂ de pouvoir fumer pendant la journĂ©e, et pendant que je mange, j'ai la mĂȘme pensĂ©e, oui, je peux dire qu'en somme je mange seulement pour pouvoir ensuite fumer, et je crois que j'exagĂšre Ă peine. Mais un jour sans tabac, ce serait pour moi le comble de la fadeur, ce serait une journĂ©e absolument vide et insipide, et si, le matin, je devais me dire : "aujourd'hui je n'aurai rien Ă fumer", je crois que je n'aurais pas le courage de me lever, je te jure que je resterais couchĂ©. [...] Dieu merci ! on fume dans le monde entier ; ce plaisir, autant que je sache, n'est inconnu nulle part oĂč l'on pourrait ĂȘtre jetĂ© par les hasards de la vie. MĂȘme les explorateurs qui partent pour le pĂŽle nord se pourvoient largement de provisions de tabac pour la durĂ©e de leurs pĂ©nibles Ă©tapes, et j'ai toujours trouvĂ© cela sympathique lorsque je l'ai lu. Car on peut aller trĂšs mal - supposons par exemple que je sois dans un Ă©tat lamentable -, aussi longtemps que j'aurai mon cigare, je le supporterai, je le sais bien ; il m'aiderait Ă tout surmonter.
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Thomas Mann (The Magic Mountain)
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Il y a quelqu'un que je n'ai encore jamais eu envie de tuer.
C'est toi.
Tu peux marcher dans les rues, tu peux boire et marcher dans les rues, je ne te tuerai pas.
N'aie pas peur. La ville est sans danger. Le seul danger dans la ville, c'est moi.
Je marche, je marche dans les rues, je tue.
Mais toi, tu n'as rien Ă craindre.
Si je te suis, c'est parce que j'aime le rythme de tes pas. Tu titubes. C'est beau. On pourrait dire que tu boites. Et que tu es bossu. Tu ne l'es pas vraiment. De temps en temps tu te redresses, et tu marches droit. Mais moi, je t'aime dans les heures avancées de la nuit, quand tu es faible, quand tu trébuches, quand tu te voûtes.
Je te suis, tu trembles. De froid ou de peur. Il fait chaud pourtant.
Jamais, presque jamais, peut-ĂȘtre jamais il n'avait fait si chaud dans notre ville.
Et de quoi pourrais-tu avoir peur?
De moi?
Je ne suis pas ton ennemi. Je t'aime.
Et personne d'autre ne pourrait te faire du mal.
N'aie pas peur. je suis lĂ . Je te protĂšge.
Pourtant, je souffre aussi.
Mes larmes - grosses gouttes de pluie - me coulent sur le visage. La nuit me voile. La lune m'éclaire. Les nuages me cachent. Le vent me déchire. J'ai une sorte de tendresse pour toi. Cela m'arrive parfois. Tres rarement.
Pourquoi pour toi? Je n'en sais rien.
Je veux te suivre trĂšs loin, partout, longtemps.
Je veux te voir souffrir encore plus.
Je veux que tu en aies assez de tout le reste.
Je veux que tu viennes me supplier de te prendre.
Je veux que tu me désires. Que tu aies envie de moi, que tu m'aimes, que tu m'appelles.
Alors, je te prendrai dans mes bras, je te serrerai sur mon coeur, tu seras mon enfant, mon amant, mon amour.
Je t'emporterai.
Tu avais peur de naĂźtre, et maintenant tu as peur de mourir.
Tu as peur de tout.
Il ne faut pas avoir peur.
Il y a simplement une grande roue qui tourne. Elle s'appelle ĂternitĂ©.
C'est moi qui fais tourner la grande roue.
Tu ne dois pas avoir peur de moi.
Ni de la grande roue.
La seule chose qui puisse faire peur, qui puisse faire mal, c'est la vie, et tu la connais déjà .
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Ăgota KristĂłf
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Je n'en sais rien, Tarrou, je vous jure que je n'en sais rien. Quand je suis entrĂ© dans ce mĂ©tier, je l'ai fait abstraitement, en quelque sorte, parce que j'en avais besoin, parce que c'Ă©tait une situation comme les autres, une de celles que les jeunes gens se proposent. Peut-ĂȘtre aussi parce que c'Ă©tait particuliĂšrement difficile pour un fils d'ouvrier comme moi. Et puis il a fallu voir mourir. Savez-vous qu'il y a des gens qui refusent de mourir ? Avez-vous jamais entendu une femme crier : « jamais ! » au moment de mourir ? Moi, oui. Et je me suis aperçu alors que je ne pouvais pas m'y habituer. J'Ă©tais jeune alors et mon dĂ©goĂ»t croyait s'adresser Ă l'ordre mĂȘme du monde. Depuis, je suis devenu plus modeste. Simplement, je ne suis toujours pas habituĂ© Ă voir mourir. je ne sais rien de plus. Mais aprĂšs tout...
Rieux se tut et se rassit. Il se sentait la bouche sĂšche.
- AprĂšs tout ? dit doucement Tarrou.
- AprĂšs tout, reprit le docteur, et il hĂ©sita encore, regardant Tarrou avec attention, c'est une chose qu'un homme comme vous peut comprendre, n'est-ce pas, mais puisque l'ordre du monde est rĂ©glĂ© par la mort, peut-ĂȘtre vaut-il mieux pour Dieu qu'on ne croie pas en lui et qu'on lutte de toutes ses forces contre la mort, sans lever les yeux vers ce ciel oĂč il se tait.
- Oui, approuva Tarrou, je peux comprendre. Mais vos victoires seront toujours provisoires, voilĂ tout.
Rieux parut s'assombrir.
- Toujours, je le sais. Ce n'est pas une raison pour cesser de lutter.
- Non, ce n'est pas une raison. Mais j'imagine alors ce que doit ĂȘtre cette peste pour vous.
- Oui, dit Rieux. Une interminable défaite.
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Albert Camus (The Plague)
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-Tu est amoureux, prononce-t-elle.
-Hein?
-Tu as beau jouer les machos, tu est amoureux de moi.
What?
-T'as fumé, qu'est-ce que tu racontes?
-Malgré les dangers, tu restes toujours prÚs de moi.J'essaie de te décourager, et tu ne pars pas.C'est une belle définition de l'amour.
-Euh non, c'est une définition de merde.
Elle tourne sur elle-mĂȘme, me tire la langue, toute fiĂšre.
-Tu peux me dire ce que tu voudras.Je le sais, maintenant.J'en suis convaincue.
-Et?
-Et ça fait du bien.
Je n'ai pas le temps de lui dire qu'elle est complÚtement folle, et qu'est-ce que c'est cette maniÚre de prétendre que je suis amoureux, et elle se prend pour qui, et de toute façon c'est quoi l'amour, et si ça se trouve je vais me barrer demain et elle l'aura cherché, quand elle se glisse dans mes bras pour m'embrasser.
Bon, d'accord, je suis peut-ĂȘtre amoureux.
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Olivier Gay (L'Ăvasion (Le noir est ma couleur, #4))
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« Ăcoute, Egor PĂ©trovitch, lui dit-il. Quâest ce que tu fais de toi ? Tu te perds seulement avec ton dĂ©sespoir. Tu nâas ni patience ni courage. Maintenant, dans un accĂšs de tristesse, tu dis que
tu nâas pas de talent. Ce nâest pas vrai. Tu as du talent ; je tâassure que tu en as. Je le vois rien quâĂ la façon dont tu sens et comprends lâart. Je te le prouverai par toute ta vie. Tu mâas racontĂ© ta vie dâautrefois. Ă cette Ă©poque aussi le dĂ©sespoirte visitait sans que tu tâen rendisses compte. Ă cette Ă©poque aussi, ton premier maĂźtre, cet homme Ă©trange, dont tu mâas tant parlĂ©, a Ă©veillĂ© en toi, pour la premiĂšre fois, lâamour de lâart et a devinĂ© ton talent. Tu lâas senti alors aussi fortement que maintenant. Mais tu ne savais pas ce qui se passait en toi. Tu ne pouvais pas vivre dans la maison du propriĂ©taire, et tu ne savais toi-mĂȘme ce que tu dĂ©sirais. Ton maĂźtre est mort trop tĂŽt. Il tâa laissĂ© seulement avec des aspirations vagues et, surtout, il ne tâa pas expliquĂ© toimĂȘme. Tu sentais le besoin dâune autre route plus large, tu pressentais que dâautres buts tâĂ©taient destinĂ©s, mais tu ne comprenais pas comment tout cela se ferait et, dans ton angoisse, tu as haĂŻ tout ce qui tâentourait alors. Tes six annĂ©es de misĂšre ne sont pas perdues. Tu as travaillĂ©, pensĂ©, tu as reconnu et toi-mĂȘme et tes forces ; tu comprends maintenant lâart et ta destination. Mon ami, il faut avoir de la patience et du courage. Un sort plus enviĂ© que le mien tâest rĂ©servĂ©. Tu es cent fois plus artiste que moi, mais que Dieu te donne mĂȘme la dixiĂšme partie de ma patience. Travaille, ne bois pas, comme te le disait ton bonpropriĂ©taire, et, principalement, commence par lâa, b, c.
« Quâest-ce qui te tourmente ? La pauvretĂ©, la misĂšre ? Mais la pauvretĂ© et la misĂšre forment lâartiste. Elles sont insĂ©parables des dĂ©buts. Maintenant personne nâa encore besoin de toi ; personne ne veut te connaĂźtre. Ainsi va le monde. Attends, ce sera autre chose quand on saura que tu as du talent. Lâenvie, la malignitĂ©, et surtout la bĂȘtise tâopprimeront plus fortement que la misĂšre. Le talent a besoin de sympathie ; il faut quâon le comprenne. Et toi, tu verras quelles gens tâentoureront quand tu approcheras du but. Ils tĂącheront de regarder avec mĂ©pris ce qui sâest Ă©laborĂ© en toi au prix dâun pĂ©nible travail, des privations, des nuits sans sommeil. Tes futurs camarades ne tâencourageront pas, ne te consoleront pas. Ils ne tâindiqueront pas ce qui en toi est bon et vrai. Avec une joie maligne ils relĂšveront chacune de tes fautes. Ils te montreront prĂ©cisĂ©ment ce quâil y a de mauvais en toi, ce en quoi tu te trompes, et dâun air calme et mĂ©prisant ils fĂȘteront joyeusement chacune de tes erreurs. Toi, tu esorgueilleux et souvent Ă tort. Il tâarrivera dâoffenser une nullitĂ© qui a de lâamour-propre, et alors malheur Ă toi : tu seras seul et ils seront plusieurs. Ils te tueront Ă coups dâĂ©pingles. Moi mĂȘme, je commence Ă Ă©prouver tout cela. Prends donc des forces dĂšs maintenant. Tu nâes pas encore si pauvre. Tu peux encore vivre ; ne nĂ©glige pas les besognes grossiĂšres, fends du bois, comme je lâai fait un soir chez de pauvres gens. Mais tu es impatient ; lâimpatience est ta maladie. Tu nâas pas assez de simplicitĂ© ; tu ruses trop, tu rĂ©flĂ©chis trop, tu fais trop travailler ta tĂȘte. Tu es audacieux en paroles et lĂąche quand il faut prendra lâarchet en main. Tu as beaucoup dâamour-propre et peu de hardiesse. Sois plus hardi, attends, apprends, et si tu ne comptes pas sur tes forces, alors va au hasard ; tu as de la chaleur, du sentiment, peut-ĂȘtre arriveras-tu au but. Sinon, va quand mĂȘme au hasard. En tout cas tu ne perdras rien, si le gain est trop grand. Vois-tu, aussi, le hasard pour nous est une grande chose. »
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Fyodor Dostoevsky (Netochka Nezvanova)
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Croyez-moi : Ce n'est pas une doctrine, pas un enseignement que je vous donne. D'ou tirerais-je le droit de vous donner des leçons ? Je vous rĂ©vĂšle le chemin de cet ĂȘtre humain, son chemin mais pas votre chemin. Mon chemin n'est pas votre chemin ; je ne peux donc pas vous instruire. le chemin est en nous, mais pas dans les dieux, ni dans les doctrines ni dans les lois. C'est en nous qu'est le chemin, la vĂ©ritĂ© et la vie.
Malheur Ă ceux qui vivent selon des modĂšles ! La vie n'est pas avec eux. Si vous vivez selon un modĂšle, vous vivez la vie d'un modĂšle, mais qui vivra votre vie sinon vous-mĂȘmes ? Donc vivez-vous vous-mĂȘme.
Les panneaux indicateurs sont tombĂ©s, des sentiers incertains se dĂ©roulent devant nous. Ne soyez pas avides d'avaler les fruits qui se trouvent dans le champ des autres. Ne savez-vous pas que vous ĂȘtes vous-mĂȘmes le champ fertile qui porte tout ce qui vous est utile ?
Mais qui le sait aujourd'hui ? Qui connaßt le chemin qui mÚne aux champs éternellement fertiles de l'ùme ? Vous cherchez le chemin par le biais d'éléments extérieurs ; vous lisez des livres et écoutez des avis : à quoi bon ?
Il n'y a qu'un seul chemin et c'est votre chemin.
Vous cherchez le chemin ? Je vous mets en garde contre mon chemin. Il peu ĂȘtre pour vous le mauvais chemin.
Que chacun suive son propre chemin. (p. 147)
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C.G. Jung (The Red Book: Liber Novus)
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En arrivant Ă Albany, nous nous rendĂźmes directement vers un grand bĂątiment moderne. Avec ses nombreuses vitres, son grand hall et ses standardistes, il ressemblait Ă n'importe quel immeuble de bureaux et collait parfaitement avec l'amĂ©nagement urbain de ce quartier de la ville. J'imaginais que c'Ă©tait exactement l'effet escomptĂ© par les potioneuses qui mettaient un point d'honneur Ă ne jamais se faire remarquer par les humains depuis la sombre Ă©poque des chasses aux sorciĂšres organisĂ©es par lâĂglise catholique en Europe.
- Tu es certaine que c'est lĂ ?
- Tu t'attendait Ă quoi ? A une vieille bĂątisse au fond d'un cimetiĂšre ?
- Pourquoi un cimetiĂšre ? Les potioneuses ne communiquent pas avec les esprits que je sache ?
Je levai les yeux au ciel.
- C'est fou ce que tu peux ĂȘtre vieux jeu parfois, tu sais ?
- J'ai le droit de trouver que ça manque d'originalitĂ©, tout de mĂȘme ?
- Pas la peine d'épiloguer là -dessus, de toute façon je vais le cramer.
Elle me jeta un regard surpris.
- Quoi ?
- Ben l'immeuble, je vais le cramer, répondis-je.
- Rebecca, c'est pas parce que je trouve qu'un Ă©difice a un style d'architecture un peu trop banal ou aseptisĂ© Ă mon goĂ»t quâil faut te sentir obligĂ©e de l'incendier... souligna-t-elle tandis que je sortais de la voiture en riant.
Dix minutes plus tard, le grimoire était en cendre, l'immeuble en flammes et le conseil des Huit entiÚrement décimé.
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Cassandra O'Donnell (Potion macabre (Rebecca Kean, #3))
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je lui tendis les trois pommes vertes que je venais de voler dans le verger. Elle les accepta et m'annonça, comme en passant :
â Janek a mangĂ© pour moi toute sa collection de timbres-poste.
C'est ainsi que mon martyre commença. Au cours des jours qui suivirent, je mangeai pour Valentine plusieurs poignées de vers de terre, un grand nombre de papillons, un kilo de cerises avec les noyaux, une souris, et, pour finir, je peux dire qu'à neuf ans, c'est-à -dire bien plus jeune que Casanova, je pris place parmi les plus grands amants de tous les temps, en accomplissant une prouesse amoureuse que personne, à ma connaissance, n'est jamais venu égaler. Je mangeai pour ma bien-aimée un soulier en caoutchouc.
Ici, je dois ouvrir une parenthĂšse.
Je sais bien que, lorsqu'il s'agit de leurs exploits amoureux, les hommes ne sont que trop portés à la vantardise. A les entendre, leurs prouesses viriles ne connaissent pas de limite, et ils ne vous font grùce d'aucun détail.
Je ne demande donc Ă personne de me croire lorsque j'affirme que, pour ma bien-aimĂ©e, je consommai encore un Ă©ventail japonais, dix mĂštres de fil de coton, un kilo de noyaux de cerises â Valentine me mĂąchait, pour ainsi dire, la besogne, en mangeant la chair et en me tendant les noyaux â et trois poissons rouges, que nous Ă©tions allĂ©s pĂȘcher dans l'aquarium de son professeur de musique.
Dieu sait ce que les femmes m'ont fait avaler dans ma vie, mais je n'ai jamais connu une nature aussi insatiable. C'était une Messaline doublée d'une Théodora de Byzance. AprÚs cette expérience, on peut dire que je connaissais tout de l'amour. Mon éducation était faite. Je n'ai fait, depuis, que continuer sur ma lancée.
Mon adorable Messaline n'avait que huit ans, mais son exigence physique dĂ©passait tout ce qu'il me fut donnĂ© de connaĂźtre au cours de mon existence. Elle courait devant moi, dans la cour, me dĂ©signait du doigt tantĂŽt un tas de feuilles, tantĂŽt du sable, ou un vieux bouchon, et je m'exĂ©cutais sans murmurer. Encore bougrement heureux d'avoir pu ĂȘtre utile. A un moment, elle s'Ă©tait mise Ă cueillir un bouquet de marguerites, que je voyais grandir dans sa main avec apprĂ©hension â mais je mangeai les marguerites aussi, sous son oeil attentif â elle savait dĂ©jĂ que les hommes essayent toujours de tricher, dans ces jeux-lĂ â oĂč je cherchais en vain une lueur d'admiration. Sans une marque d'estime ou de gratitude, elle repartit en sautillant, pour revenir, au bout d'un moment, avec quelques escargots qu'elle me tendit dans le creux de la main. Je mangeai humblement les escargots, coquille et tout.
A cette époque, on n'apprenait encore rien aux enfants sur le mystÚre des sexes et j'étais convaincu que c'était ainsi qu'on faisait l'amour. J'avais probablement raison. Le plus triste était que je n'arrivais pas à l'impressionner. J'avais à peine fini les escargots qu'elle m'annonçait négligemment :
â Josek a mangĂ© dix araignĂ©es pour moi et il s'est arrĂȘtĂ© seulement parce que maman nous a appelĂ©s pour le thĂ©.
Je frémis. Pendant que j'avais le dos tourné, elle me trompait avec mon meilleur ami. Mais j'avalai cela aussi. Je commençais à avoir l'habitude.
(La promesse de l'aube, ch.XI)
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Romain Gary (Promise at Dawn)
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Parfois, dans la vie, on a le sentiment de croiser des gens du mĂȘme univers que nous. Des extra-humains, diffĂ©rents des autres, qui vivent sur la mĂȘme longueur d'onde, ou dans la mĂȘme illusion.
***
Jâen ai assez dâĂȘtre blasĂ©e. De me mĂ©fier de tout et de tout le monde.
***
coalescence : rapprochement de personnes sensibles et meurtries dont le contact entraßne une reconstruction solide de chaque élément à travers le tout qu'ils forment.
***
Partie.
OĂč Ò«a ?
Décédée.
ĂlĂ©gant, mais long. Un peu pompeux. Trop officiel.
Au ciel.
Ă dâautres !
Morte.
Ben oui, morte.
***
Je suis quoi face Ă lâocĂ©an ? Je suis quoi sur cette terre ? Un grain de sable, comme tous les autres. Avec des grains qui Ă©crasent ceux dâen dessous et les empĂȘchent de respirer.
***
On cherche lâharmonie pour se faire du bien. Et pour supporter dâĂȘtre les grains qui Ă©touffent sous les autres.
***
- Croire en quoi ?
- En la force quâon a tous au fond de nous quand il est question dâune autre vie que la nĂŽtre. Comme vous pour votre fils. Et jâespĂšre que Caroline lâaura aussi
***
Tu peux tendre la main Ă quelquâun, mais tu ne peux pas le sortir du trou dans lequel il sâenforce sâil ne prend pas la main que tu lui tends. Ă moins dây tomber avec lui, ce qui ne rĂ©sout pas les choses. On est Ă deux au fond du trou, mais on est quand mĂȘme au fond du trou.
***
Et puis, elle obtient enfin lâautorisation de les ouvrir, Ă condition de ne regarder que le ciel, et nulle part ailleurs⊠En Ă©cartant les paupiĂšres doucement, câest comme ci elle ouvrait le rideau dâun théùtre tandis que lâobscuritĂ© est totale dans la salle. Elle entre alors dans la troisiĂšme dimension. La quatriĂšme, peut-ĂȘtre. Longueur, largeur, profondeur, et paix de cĆur.
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AgnĂšs Ledig (Juste avant le bonheur)
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Les hommes, disais-je, se plaignent souvent de compter peu de beaux jours et beaucoup de mauvais, et il me semble que, la plupart du temps, câest mal Ă propos. Si nous avions sans cesse le cĆur ouvert pour jouir des biens que Dieu nous dispense chaque jour, nous aurions assez de force pour supporter le mal quand il vient. â Mais nous ne sommes pas les maĂźtres de notre humeur, dit la mĂšre ; combien de choses dĂ©pendent de lâĂ©tat du corps ! Quand on nâest pas bien, on est mal partout. » Jâen tombai dâaccord et jâajoutai : « Eh bien, considĂ©rons la chose comme une maladie, et demandons-nous sâil nây a point de remĂšde. â Câest parler sagement, dit Charlotte : pour moi, jâestime que nous y pouvons beaucoup. Je le sais par expĂ©rience. Si quelque chose me contrarie et veut me chagriner, je cours au jardin et me promĂšne, en chantant quelques contredanses : cela se passe aussitĂŽt. â Câest ce que je voulais dire, repris-je Ă lâinstant : il en est de la mauvaise humeur absolument comme de la paresse ; car câest une sorte de paresse. Par notre nature, nous y sommes fort enclins, et cependant, si nous avons une fois la force de nous surmonter, le travail nous devient facile, et nous trouvons dans lâactivitĂ© un vĂ©ritable plaisir. » FrĂ©dĂ©rique Ă©tait fort attentive, et le jeune homme mâobjecta quâon nâĂ©tait pas maĂźtre de soi, et surtout quâon ne pouvait commander Ă ses sentiments. « II sâagit ici, rĂ©pliquai-je, dâun sentiment dĂ©sagrĂ©able, dont chacun est bien aise de se dĂ©livrer, et personne ne sait jusquâoĂč ses forces sâĂ©tendent avant de les avoir essayĂ©es. AssurĂ©ment, celui qui est malade consultera tous les mĂ©decins, et il ne refusera pas les traitements les plus pĂ©nibles, les potions les plus amĂšres, pour recouvrer la santĂ© dĂ©sirĂ©e. [...] Vous avez appelĂ© la mauvaise humeur un vice : cela me semble exagĂ©rĂ©. â Nullement, lui rĂ©pondis-je, si une chose avec laquelle on nuit Ă son prochain et Ă soi-mĂȘme mĂ©rite ce nom. Nâest-ce pas assez que nous ne puissions nous rendre heureux les uns les autres ? faut-il encore nous ravir mutuellement le plaisir que chacun peut quelquefois se procurer ? Et nommez-moi lâhomme de mauvaise humeur, qui soit en mĂȘme temps assez ferme pour la dissimuler, la supporter seul, sans troubler la joie autour de lui ! Nâest-ce pas plutĂŽt un secret dĂ©plaisir de notre propre indignitĂ©, un mĂ©contentement de nous-mĂȘmes, qui se lie toujours avec une envie aiguillonnĂ©e par une folle vanitĂ© ? Nous voyons heureux des gens qui ne nous doivent pas leur bonheur, et cela nous est insupportable. » Charlotte me sourit, en voyant avec quelle Ă©motion je parlais, et une larme dans les yeux de FrĂ©dĂ©rique mâexcita Ă continuer. « Malheur, mâĂ©criai-je, Ă ceux qui se servent de lâempire quâils ont sur un cĆur, pour lui ravir les joies innocentes dont il est lui-mĂȘme la source ! Tous les prĂ©sents, toutes les prĂ©venances du monde, ne peuvent compenser un moment de joie spontanĂ©e, que nous empoisonne une envieuse importunitĂ© de notre tyran. [...] Si seulement on se disait chaque jour : Tu ne peux rien pour tes amis que respecter leurs plaisirs et augmenter leur bonheur en le goĂ»tant avec eux. Peux-tu, quand le fond de leur ĂȘtre est tourmentĂ© par une passion inquiĂšte, brisĂ© par la souffrance, leur verser une goutte de baume consolateur ?⊠Et, quand la derniĂšre, la plus douloureuse maladie surprendra la personne que tu auras tourmentĂ©e dans la fleur de ses jours, quâelle sera couchĂ©e dans la plus dĂ©plorable langueur, que son Ćil Ă©teint regardera le ciel, que la sueur de la mort passera sur son front livide, et que, debout devant le lit, comme un condamnĂ©, dans le sentiment profond quâavec tout ton pouvoir tu ne peux rien, lâangoisse te saisira jusquâau fond de lâĂąme, Ă la pensĂ©e que tu donnerais tout au monde pour faire passer dans le sein de la crĂ©ature mourante une goutte de rafraĂźchissement, une Ă©tincelle de courage !âŠ
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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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DĂšs que le brouhaha sâapaise, les premiĂšres mesures du morceau suivant sâĂ©lĂšvent, profondes et lentes. Les tintements du triangle et des grelots rĂ©sonnent, clairs Ă©chos du rythme grave des percussions. Alors, Anja se met Ă chanter.
Tes yeux secs cherchent de lâeau dans cette ville morte
Tes pieds en sang abreuvent la terre assoiffée
Tu tombes et ne peux plus te leverâŠ
Elle vibre, exaltĂ©e comme chaque fois par la foule et le chant, flot dâĂ©motions brutes, partagĂ©es, Ă©changĂ©es avec ses compagnons, avec le public.
Tressaillement soudain.
Sensation moite et glacée.
Un goĂ»t Ăącre envahit sa bouche, un goĂ»t de bile et de peur mĂȘlĂ©es. Quelquâun, au milieu de la foule, lâobserve. Un regard glisse lentement sur elle, insistant, insidieux, pareil Ă la langue dâune bĂȘte rĂ©pugnante sur sa peau. Celui qui la traque, lâĂ©pie depuis plusieurs semaines se trouve dans la foule ce soir, ombre sournoise et anonyme. La sirĂšne tente dâapercevoir un visage, de surprendre la fixitĂ© dâune expression, en vain. Dans la salle, les yeux des spectateurs sont pareilles Ă des billes de tĂ©nĂšbres opaques, angoissantes. « Qui est-ce ? » « Que veut-il ? » « Est-ce que je le connais ? » « Est-ce lui, le responsable des disparitions ? » « A-t-il un lien avec cette momie ? » « Suis-je sa prochaine cible ? » Ces questions angoissantes, obsĂ©dantes, tournent en boucle dans sa tĂȘte, brisant la magie du concert. Anja parvient Ă faire bonne figure, interprĂšte mĂȘme une mĂ©lodie rĂ©clamĂ©e par le public. Mais se sent terriblement soulagĂ©e quand le concert sâachĂšve.
Stein repousse ses percussions dans un coin, salue ses deux amies dâun rapide signe de main et quitte la scĂšne. Fast lâattend Ă lâautre bout de la salle bondĂ©e, accoudĂ© au bar. Celui-ci, une antiquitĂ© rescapĂ©e du Cataclysme, consolidĂ©e par des planches de bois peintes, des plaques de tĂŽles et dâĂ©pais morceaux de plastique, est la fiertĂ© de Senta, la propriĂ©taire des lieux. Il a rĂ©sistĂ© aux tempĂȘtes, aux pillards, aux siĂšcles et porte comme autant de cicatrices gravĂ©es dans sa surface, les traces de milliers de vies.
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Charlotte Bousquet (Les ChimĂšres de l'aube (La Peau des rĂȘves, #3))
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FOLCO : "Socialisme" et "communisme" sont devenus presque des gros mots. Quelle est l'essence de ce rĂȘve Ă laquelle on pourrait s'identifier, au lieu de le repousser sans mĂȘme y rĂ©flĂ©chir ?
TIZIANO : L'idĂ©e du socialisme Ă©tait simple : crĂ©er une sociĂ©tĂ© dans laquelle il n'y aurait pas de patrons pour contrĂŽler les moyens de production, moyens avec lesquels ils rĂ©duisent le peuple en esclavage; Si tu as une usine et que tu en es le patron absolu, tu peux licencier et embaucher Ă ta guise, tu peu mĂȘme embaucher des enfants de douze ans et les faire travailler. Il est clair que tu engranges un profit Ă©norme, qui n'est pas dĂ» uniquement Ă ton travail, mais Ă©galement au travail de ces personnes-lĂ . Alors, si les travailleurs participent dĂ©jĂ Ă l'effort de production, pourquoi ne pas les laisser copossĂ©der l'usine ?
La société est pleine d'injustices. On regarde autour de soi et on se dit : mais comment, il n'est pas possible de résoudre ces injustices ?
Je m'explique. Quelqu'un a une entreprise agricole en amont d'un fleuve avec beaucoup d'eau. Il peut construire une digue pour empĂȘcher que l'eau aille jusqu'au paysan dans la vallĂ©e, mais ce n'est pas juste. Ne peut-il pas, au contraire, trouver un accord pour que toute cette eau arrive Ă©galement chez celui qui se trouve en bas ? Le socialisme, c'est l'idĂ©e d'une sociĂ©tĂ© dans laquelle personne n'exploite le travail de l'autre. Chacun fait son devoir et, de tout ce qui a Ă©tĂ© fait en commun, chacun prend ce dont il a besoin. Cela signifie qu'il vit en fonction de ce dont il a besoin, qu'il n'accumule pas, car l'accumulation enlĂšve quelque chose aux autres et ne sert Ă rien. Regarde, aujourd'hui, tous ces gens richissimes, mĂȘme en Italie ! Toute cette accumulation, Ă quoi sert-elle ? Elle sert aux gens riches. Elle leur sert Ă se construire un yacht, une gigantesque villa Ă la mer. Souvent, tout cet argent n'est mĂȘme pas recyclĂ© dans le systĂšme qui produit du travail. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. C'est de lĂ qu'est nĂ©e l'idĂ©e du socialisme.
FOLCO : Et le communisme ? Quelle est la différence entre le socialisme et le communisme ?
TIZIANO : Le communisme a essayé d'institutionnaliser l'aspiration socialiste, en créant - on croit toujours que c'est la solution - des institutions et des organismes de contrÎle. DÚs cet instant, le socialisme a disparu, parce que le socialisme a un fond anarchiste. Lorsqu'on commence à mettre en place une police qui contrÎle combien de pain tu manges, qui oblige tout le monde à aller au travail à huit heures, et qui envoie au goulag ceux qui n'y vont pas, alors c'est fini. (p. 383-384)
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Tiziano Terzani (La fine Ăš il mio inizio)
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FRĂRE LAURENCE.âUn arrĂȘt moins rigoureux sâest Ă©chappĂ© de sa bouche: ce nâest pas la mort de ton corps, mais son bannissement.
ROMĂO.âAh! le bannissement! aie pitiĂ© de moi; dis la mort. Lâaspect de lâexil porte avec lui plus de terreur, beaucoup plus que la mort. Ah! ne me dis pas que câest le bannissement.
FRĂRE LAURENCE.âTu es banni de VĂ©rone. Prends patience; le monde est grand et vaste.
ROMĂO.âLe monde nâexiste pas hors des murs de VĂ©rone; ce nâest plus quâun purgatoire, une torture, un vĂ©ritable enfer. Banni de ce lieu, je le suis du monde, câest la mort. Oui, le bannissement, câest la mort sous un faux nom; et ainsi, en nommant la mort un bannissement, tu me tranches la tĂȘte avec une hache dâor, et souris au coup qui mâassassine.
FRĂRE LAURENCE.âO mortel pĂ©chĂ©! ĂŽ farouche ingratitude! Pour ta faute, notre loi demandait la mort; mais le prince indulgent, prenant ta dĂ©fense, a repoussĂ© de cĂŽtĂ© la loi, et a changĂ© ce mot funeste de mort en celui de bannissement: câest une rare clĂ©mence, et tu ne veux pas la reconnaĂźtre.
ROMĂO.âCâest un supplice et non une grĂące. Le ciel est ici, oĂč vit Juliette: les chats, les chiens, la moindre petite souris, tout ce quâil y a de plus misĂ©rable vivra ici dans le ciel, pourra la voir; et RomĂ©o ne le peut plus! La mouche qui vit de charogne jouira dâune condition plus digne dâenvie, plus honorable, plus relevĂ©e que RomĂ©o; elle pourra sâĂ©battre sur les blanches merveilles de la chĂšre main de Juliette, et dĂ©rober le bonheur des immortels sur ces lĂšvres oĂč la pure et virginale modestie entretient une perpĂ©tuelle rougeur, comme si les baisers quâelles se donnent Ă©taient pour elles un pĂ©chĂ©; mais RomĂ©o ne le peut pas, il est banni! Ce que lâinsecte peut librement voler, il faut que je vole pour le fuir; il est libre et je suis banni; et tu me diras encore que lâexil nâest pas la mort!⊠Nâas-tu pas quelque poison tout prĂ©parĂ©, quelque poignard affilĂ©, quelque moyen de mort soudaine, fĂ»t-ce la plus ignoble? Mais banni! me tuer ainsi! banni! O moine, quand ce mot se prononce en enfer, les hurlements lâaccompagnent.âComment as-tu le coeur, toi un prĂȘtre, un saint confesseur, toi qui absous les fautes, toi mon ami dĂ©clarĂ©, de me mettre en piĂšces par ce mot bannissement?
FRĂRE LAURENCE.âAmant insensĂ©, Ă©coute seulement une parole.
ROMĂO.âOh! tu vas me parler encore de bannissement.
FRĂRE LAURENCE.âJe veux te donner une arme pour te dĂ©fendre de ce mot: câest la philosophie, ce doux baume de lâadversitĂ©; elle te consolera, quoique tu sois exilĂ©.
ROMĂO.âEncore lâexil! Que la philosophie aille se faire pendre: Ă moins que la philosophie nâait le pouvoir de crĂ©er une Juliette, de dĂ©placer une ville, ou de changer lâarrĂȘt dâun prince, elle nâest bonne Ă rien, elle nâa nulle vertu; ne mâen parle plus.
FRĂRE LAURENCE.âOh! je vois maintenant que les insensĂ©s nâont point dâoreilles.
ROMĂO.âComment en auraient-ils, lorsque les hommes sages nâont pas dâyeux?
FRĂRE LAURENCE.âLaisse-moi discuter avec toi ta situation.
ROMĂO.âTu ne peux parler de ce que tu ne sens pas. Si tu Ă©tais aussi jeune que moi, amant de Juliette, mariĂ© seulement depuis une heure, meurtrier de Tybalt, Ă©perdu dâamour comme moi, et comme moi banni, alors tu pourrais parler; alors tu pourrais tâarracher les cheveux et te jeter sur la terre comme je fais, pour prendre la mesure dâun tombeau qui nâest pas encore ouvert.
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William Shakespeare (Romeo and Juliet)