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Ils avaient mis au point les deux méthodes les plus importantes pour ravir ses secrets à la nature : "la première fouillait les entrailles de la terre, l'autre façonnait la nature comme sur l'enclume." "Pourquoi ne pas diviser la philosophie naturaliste en deux parties, la mine et le fourneau ?" Car "la vérité de la nature se trouve cachée dans quelques mines et grottes profondes", au sein de la terre. Bacon, tout comme d'autres alchimistes à l'esprit pratique, donnait "pour conseil aux studieux de vendre leurs livres et de construire des fournaises" et, "délaissant Minerve et les Muses, telles des vierges stériles, de se fier à Vulcain". [...] "Par l'art et la main de l'homme", la nature pouvait donc être "forcée hors de son état naturel, pressée et façonnée". Ainsi, "la connaissance humaine et le pouvoir humain ne formaient qu'un". [...] Ici, au moyen d'un imaginaire sexuel audacieux, se trouve la caractéristique clef de la méthode expérimentale moderne : la contrainte de la nature en laboratoire, la dissection par la main et l'esprit ainsi que la pénétration des secrets cachés ; un langage qui est encore aujourd'hui utilisé afin de vanter la "dure réalité", "l'esprit pénétrant" et la "poussée de l'argument scientifique". Les interdits qui s'opposaient à la pénétration dans la plainte de Natura concernant sa robe de modestie déchirée ont ainsi été transformés en autorisations linguistiques légitimant l'exploitation et le "viol" de la nature pour le bénéfice humain.
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Carolyn Merchant (The Death of Nature: Women, Ecology, and the Scientific Revolution)