â
Je t'aime. Aujourd'hui. Ce soir. Demain. Pour toujours. Si je vivais mille ans, je t'appartiendrais pour tous. Si je vivais mille vies, je te ferais mienne dans chacune d'elles.
I love you. Today. Tonight. Tomorrow. Forever. If I were to live a thousand years, I would belong to you for all of them. If I were to live a thousand lives, I would want to make you mine in each one.
â
â
Michelle Hodkin (The Retribution of Mara Dyer (Mara Dyer, #3))
â
Between love and the automatic garbage chute, young people everywhere have made their choice and prefer the garbage chute. [Entre l'amour et le vide-ordure automatique la jeunesse de tous les pays a fait son choix et préfÚre le vide-ordure.]
â
â
Ivan Chtcheglov
â
Celui qui passe à coté de la plus belle histoire de sa vie n'aura que l'ùge de ses regrets et tous les soupirs du monde ne sauraient bercer son ùme.
â
â
Yasmina Khadra (Ce que le jour doit Ă la nuit)
â
Ce qui m'interesse, ce n'est pas le bonheur de tous les hommes, c'est celui de chacun.
â
â
Boris Vian (L'Ăcume des jours)
â
Tous les hommes sont semblables par les paroles,ce n'est que les actions qui les découvrent différents
â
â
MoliĂšre (L'avare)
â
Tous mes anciens amours vont me revenir.'
- All my old loves will be returned to me
â
â
Carolyn Turgeon (Godmother: The Secret Cinderella Story)
â
Tous les chats sont mortels. Socrate est mortel. Donc Socrate est un chat.
â
â
EugÚne Ionesco (Rhinocéros)
â
Tous les matins du monde sont sans retour.
â
â
Pascal Quignard (Tous les matins du monde)
â
Quand tu regarderas le ciel, la nuit, puisque j'habiterai dans l'une d'elles, puisque je rirais dans l'une d'elles, alors ce sera pour toi comme si riaient tous les etoiles. Tu auras toi, les etoiles qui savent rire.
â
â
Antoine de Saint-Exupéry
â
Presque tous les hommes meurent de leurs remĂšdes, et non pas de leurs maladies.
â
â
MoliĂšre (Le Malade imaginaire)
â
La chair, hélas, est triste, et j'ai lu tous les livres.
â
â
Stéphane Mallarmé
â
Je vais vous dire un grand secret ... . N'attendez pas le Jugement dernier. Il a lieu tous les jours.
â
â
Albert Camus (The Fall)
â
La rayuela se juega con una piedrita que hay que empujar con la punta del zapato. Ingredientes: una acera, una piedrita, un zapato, y un bello dibujo con tiza, preferentemente de colores. En lo alto estĂĄ el Cielo, abajo estĂĄ la Tierra, es muy difĂcil llegar con la piedrita al Cielo, casi siempre se calcula mal y la piedra sale del dibujo. Poco a poco, sin embargo, se va adquiriendo la habilidad necesaria para salvar las diferentes casillas (rayuela caracol, rayuela rectangular, rayuela de fantasĂa, poco usada) y un dĂa se aprende a salir de la Tierra y remontar la piedrita hasta el Cielo, hasta entrar en el Cielo, (Et tous nos amours, sollozĂł EmmanuĂšle boca abajo), lo malo es que justamente a esa altura, cuando casi nadie ha aprendido a remontar la piedrita hasta el Cielo, se acaba de golpe la infancia y se cae en las novelas, en la angustia al divino cohete, en la especulaciĂłn de otro Cielo al que tambiĂ©n hay que aprender a llegar. Y porque se ha salido de la infancia (Je n'oublierai pas le temps des cĂ©rises, pataleĂł EmmanuĂšle en el suelo) se olvida que para llegar al Cielo se necesitan, como ingredientes, una piedrita y la punta de un zapato.
â
â
Julio CortĂĄzar (Hopscotch)
â
Preach the Gospels everyday & only if you have to...use words.
â
â
Francis of Assisi
â
La lecture de tous les bons livres est comme une conversation avec les plus honnĂȘtes gens des siĂšcles passĂ©s.
â
â
René Descartes
â
Ignorance est mĂšre de tous les maux.
â
â
François Rabelais
â
Il faut choisir entre le champagne pour quelques-uns ou l'eau potable pour tous.
â
â
Thomas Sankara
â
Presque tous les malheurs de la vie viennent des fausses idées que nous avons sur ce qui nous arrive. Connaßtre à fond les hommes, juger sainement des événements, est donc un grand pas vers le bonheur."
("Almost all our misfortunes in life come from the wrong notions we have about the things that happen to us. To know men thoroughly, to judge events sanely, is, therefore, a great step towards happiness.")
[Journal entry, 10 December 1801]
â
â
Stendhal (The Private Diaries of Stendhal)
â
On la connaĂźt tous...
Cette solitude qui nous mine parfois.
Qui sabote notre sommeil ou pourrit nos petits matins.
C'est la tristesse du premier jour d'Ă©cole.
C'est lorsqu'il embrasse une fille plus belle dans la cour du lycée.
C'est Orly ou la gare de l'Est Ă la fin d'un amour.
C'est l'enfant qu'on ne fera jamais ensemble.
C'est quelquefois moi.
C'est quelquefois vous.
Mais il suffit parfois d'une rencontre...
â
â
Guillaume Musso (Que serais-je sans toi?)
â
Je suis seul au milieu de ces voix joyeuses et raisonnables. Tous ces types passent leur temps Ă sâexpliquer, Ă reconnaĂźtre avec bonheur quâils sont du mĂȘme avis. Quelle importance ils attachent, mon Dieu, Ă penser tous ensemble les mĂȘmes choses.
â
â
Jean-Paul Sartre (Nausea)
â
Vous me dĂ©goĂ»tez tous avec votre bonheur ! Avec votre vie quâil faut aimer coĂ»te que coĂ»te⊠Moi, je veux tout, tout de suite, et que ce soit entier, ou alors je refuse! Je ne veux pas ĂȘtre modeste , moi, et de me contenter dâun petit morceau, si jâai Ă©tĂ© bien sage.
â
â
Jean Anouilh (Antigone)
â
Tous, nous aimons ce que nous détruisons.
â
â
Gene Wolfe (The Shadow of the Torturer (The Book of the New Sun, #1))
â
Tu es comme tous les jeunes gens, tu attends le grand amour et la vraie philosophie. Au singulier. Rien qu'au singulier. C'est cela le travers de la jeunesse : le singulier.
â
â
Ăric-Emmanuel Schmitt (Le Libertin)
â
La vie a bien plus dâimagination que nous tous rĂ©unis, elle est parfois porteuse de petits miracles, tout est possible, il suffit dây croire de toutes ses forces.
â
â
Marc Levy (Le premier jour)
â
- Vivre, c'est courir des risques tous les jours, Kurt.
- Ăa dĂ©pend dans quel sens on court.
(p.47)
â
â
Yasmina Khadra (L'Ă©quation africaine)
â
La rue est une musée pour tous!
â
â
Hergé
â
Toleration is the prerogative of humanity; we are all full of weaknesses and mistakes; let us reciprocally forgive ourselves. It is the first law of nature.
La tolérance, c'est l'apanage de l'humanité; nous sommes tous pétris de faiblesse et d'erreurs; pardonnons-nous réciproquement nos sottises. C'est la premiÚre loi de la nature.
â
â
Voltaire (A Treatise on Toleration and Other Essays (Great Minds Series))
â
Rien n'est tout noir, ni tout blanc, c'est le gris qui gangne. Les hommes et leurs Ăąmes, c'est pareil... T'es une Ăąme grise, joliment grise, comme nous tous...
â
â
Philippe Claudel (Grey Souls)
â
Tous pour un, un pour tous
â
â
Alexandre Dumas (The Three Musketeers)
â
Heureux les coeurs qui peuvent plier car ils ne seront jamais brisĂ©s. Sont-ils si heureux que ça. Un coeur qui ne se brise pas ne peut pas guĂ©rir si on ne connait ni l'Ă©preuve ni la guĂ©risson on n'apprend rien et si l'on n'apprend rien on ne change pas. Mais les Ă©preuves et les changements font partie de la vie. Tous les coeurs devraient-ils ĂȘtre brisĂ©s?
â
â
Albert Camus
â
Un soir qu'ils étaient couchés l'un prÚs de l'autre, comme elle lui demandait d'inventer un poÚme qui commencerait par je connais un beau pays, il s'exécuta sur-le-champ. Je connais un beau pays Il est de l'or et d'églantine Tout le monde s'y sourit Ah quelle aventure fine Les tigres y sont poltrons Les agneaux ont fiÚre mine à tous les vieux vagabonds Ariane donne des tartines. Alors, elle lui baisa le la main, et il eut honte de cette admiration.
â
â
Albert Cohen (Belle du Seigneur)
â
La mort Ă©tait le
meilleur remĂšde contre tous les petits maux de l'existence.
â
â
Bernard Werber (Les Thanatonautes)
â
Je devais un jour opter pour la littĂ©rature, qui me paraissait le dernier refuge, sur cette terre, de tous ceux qui ne savent pas oĂč se fourrer.
â
â
Romain Gary (Promise at Dawn)
â
Avec l'amour maternel, la vie vous fait, Ă l'aube, une promesse qu'elle ne tient jamais. Chaque fois qu'une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son coeur, ce ne sont plus que des condolĂ©ances. On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mĂšre comme un chien abandonnĂ©. Jamais plus, jamais plus, jamais plus. Des bras adorables se referment autour de votre cou et des lĂšvres trĂšs douces vous parlent d'amour, mais vous ĂȘtes au courant. Vous ĂȘtes passĂ© Ă la source trĂšs tĂŽt et vous avez tout bu. Lorsque la soif vous reprend, vous avez beau vous jeter de tous cĂŽtĂ©s, il n'y a plus de puits, il n'y a que des mirages. Vous avez fait, dĂšs la premiĂšre lueur de l'aube, une Ă©tude trĂšs serrĂ©e de l'amour et vous avez sur vous de la documentation. Je ne dis pas qu'il faille empĂȘcher les mĂšres d'aimer leurs petits. Je dis simplement qu'il vaut mieux que les mĂšres aient encore quelqu'un d'autre Ă aimer. Si ma mĂšre avait eu un amant, je n'aurais pas passĂ© ma vie Ă mourir de soif auprĂšs de chaque fontaine. Malheureusement pour moi, je me connais en vrais diamants.
â
â
Romain Gary (Promise at Dawn)
â
Men are all the same. Novelty amongst themselves displeases and upsets them â but if the novelty is wearing a skirt, they go crazy for it.
(Les hommes sont tous les mĂȘmes. L'Ă©trangetĂ© leur dĂ©plaĂźt, d'homme Ă homme, et les blesse ; mais si l'Ă©trangetĂ© porte des jupes, ils en raffolent.)
â
â
Jules Barbey d'Aurevilly (Les Diaboliques)
â
Dans notre longue histoire, la guerre et la diplomatie se sont révélées insuffisantes pour créer la paix sur notre planÚte. Il est maintenant temps de rechercher des alternatives et il ne fait aucun doute qu'une langue mondiale et une culture commune peuvent jouer un rÎle essentiel dans la construction d'un monde pacifique qui peut nous réunir tous.
â
â
Mouloud Benzadi
â
Comprendre... Vous n'avez que ce mot-lĂ Ă la bouche, tous, depuis que je suis toute petite. Il fallait comprendre qu'on ne peut pas toucher Ă l'eau, Ă la belle eau fuyante et froide parce que cela mouille les dalles, Ă la terre parce que cela tache les robes. Il fallait comprendre qu'on ne doit pas manger tout Ă la fois, donner tout ce qu'on a dans ses poches au mendiant qu'on rencontre, courir, courir dans le vent jusqu'Ă ce qu'on tombe par terre et boire quand on a chaud et se baigner quand il est trop tĂŽt ou trop tard, mais pas juste quand on en a envie ! Comprendre. Toujours comprendre. Moi, je ne veux pas comprendre. Je comprendrai quand je serai vieille [...]. Si je deviens vieille. Pas maintenant.
â
â
Jean Anouilh (Antigone (The Theban Plays, #3))
â
On tue un homme, on est un assassin. On tue des millions d'hommes, on est un conquérant. On les tue tous, on est un dieu.
Kill a man, and you are a murderer. Kill millions of men and you are a conqueror. Kill everyone, and you are a god.
â
â
Jean Rostand (Pensées d'un biologiste)
â
Quand un vrai génie apparaßt en ce bas monde, on peut le reconnaitre à ce signe que les imbéciles sont tous ligués contre lui.
â
â
Jonathan Swift
â
...je le sens trÚs bien,mais je ne sais pas l'exprimer...je n'ai à ma disposition que de pauvres mots complÚtement usés à force d'avoir servi à tous et à tout...
â
â
Nathalie Sarraute (Les Fruits d'Or)
â
La vie de l'homme, avec tous ses projets, s'Ă©lĂšve comme une petite tour dont la mort est le couronnement.
â
â
Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre (Paul et Virginie)
â
tous les bonheurs se ressemblent, mais chaque infortune a sa physionomie particuliĂšre.
â
â
Leo Tolstoy
â
L'amour est une clef qui ouvre la voie Ă tous les possibles.
â
â
Pierre Bottero (Les FrontiĂšres de glace (La QuĂȘte d'Ewilan, #2))
â
Je ne peux ĂȘtre juste pour les livres qui traitent de la femme en tant que femme... Mon idĂ©e c'est que tous, aussi bien hommes que femmes, qui que nous sayons, nous devons ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme d'ĂȘtres humaines.
â
â
Dorothy Parker
â
Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lĂąches, mĂ©prisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dĂ©pravĂ©es ; le monde n'est qu'un Ă©gout sans fond oĂč les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de deux de ces ĂȘtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompĂ© en amour, souvent blessĂ© et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arriĂšre ; et on se dit : " J'ai souffert souvent, je me suis trompĂ© quelquefois, mais j'ai aimĂ©. C'est moi qui ai vĂ©cu, et non pas un ĂȘtre factice crĂ©Ă© par mon orgueil et mon ennui.
â
â
Alfred de Musset (On ne badine pas avec l'amour)
â
Oui, c'est votre idĂ©e, Ă vous tous, les ouvriers français, dĂ©terrer un trĂ©sor, pour le manger seul ensuite, dans un coin d'Ă©goĂŻsme et de fainĂ©antise. Vous avez beau crier contre les riches, le courage vous manque de rendre aux pauvres l'argent que la fortune vous envoie... Jamais vous ne serez dignes du bonheur, tant que vous aurez quelque chose Ă vous, et que votre haine des bourgeois viendra uniquement de votre besoin enragĂ© d'ĂȘtre des bourgeois Ă leur place.
â
â
Ămile Zola (Germinal)
â
Je me disais que son chagrin Ă©tait plus fort que sa raison. La souffrance est un joker dans le jeu de la discussion, elle couche tous les autres arguments sur son passage. En un sens, elle est injuste.
â
â
Gaël Faye (Petit pays)
â
We need not reply or even listen to people who are talking aboutânot toâus.
â
â
Mokokoma Mokhonoana
â
La mauvaise musique est jouée tous les jours, la bonne ignorée.
â
â
Frank Conroy (Body and Soul)
â
- On ne peut pas ĂȘtre de tous les combats, on ne vivrait plus. L'important, c'est d'en choisir quelques-uns et de les mener jusqu'au bout.
â
â
Patrick Senécal (Flambeaux (Le vide, #2))
â
Chacun d'entre nous a beau avoir une certaine capacité de résistance on finit tous par mourir d'amour, ou plutÎt d'absence d'amour, c'est au bout du compte inéluctablement mortel.
â
â
Michel Houellebecq (The Possibility of an Island)
â
Des par tous et tous par un.
â
â
Alexandre Dumas
â
âą Chaque fois, tu monteras au front, la peur au ventre, le cĆur serrĂ©, sans meilleure arme que ton envie de vivre encore. Chaque fois, tu te diras que, quoi quâil puisse tâarriver Ă prĂ©sent, tous ces moments arrachĂ©s Ă la fatalitĂ© valaient la peine dâĂȘtre vĂ©cus. Et que personne ne pourra jamais te les enlever.
â
â
Guillaume Musso (Central Park)
â
Je ne vais jamais au lit sans rĂ©flĂ©chir que le lendemain peut-ĂȘtre (si jeune que je sois) je ne serai plus lĂ ...; et pourtant personne, de tous ceux qui me connaissent, ne peut dire que je sois chagrin ou triste dans ma conversation...
â
â
Wolfgang Amadeus Mozart
â
Vous faites de la musique, Monsieur. Vous n'ĂȘtes pas musicien.
â
â
Pascal Quignard (Tous les matins du monde)
â
It can be really exasperating to look back at your past. Whatâs the matter with you? I want to ask her, my younger self, shaking her shoulder. If I did that, she would probably cry. Maybe I would cry, too. It would be like one of those Marguerite Duras books I tried to read in Svetlanaâs auntâs apartment.
Elle pleure.
Il pleure.
Ils pleurent, tous les deux.
â
â
Elif Batuman (The Idiot)
â
Je pense, lui dis-je, que nous voilĂ , tous tant que nous sommes, Ă manger et Ă boire pour conserver notre prĂ©cieuse existence et quâil nây a rien, rien, aucune raison dâexister⊠Lâautodidacte rĂ©pondit que la vie a un sens si on veut bien lui en donner un. Il faut dâabord agir, se jeter dans une entreprise. Il y a un but, Monsieur, il y a un but⊠il y a les hommes.
â
â
Jean-Paul Sartre (Nausea)
â
Le cancre
Il dit non avec la tĂȘte
Mais il dit oui avec le coeur
Il dit oui Ă ce qu'il aime
Il dit non au professeur
Il est debout
On le questionne
Et tous les problÚmes sont posés
Soudain le fou rire le prend
Et il efface tout
Les chiffres et les mots
Les dates et les noms
Les phrases et les piĂšges
Et malgré les menaces du maßtre
Sous les huées des enfants prodiges
Avec des craies de toutes les couleurs
Sur le tableau noir du malheur
Il dessine le visage du bonheur
â
â
Jacques Prévert (Paroles)
â
L'illusion d'avoir trouvĂ© la vĂ©ritĂ©, au mieux nous fixe lĂ oĂč nous sommes, au pire nous conduit Ă vouloir l'imposer aux autres.
â
â
Stéphane Hessel (Tous comptes faits ou presque)
â
Ta voix, tes yeux, tes mains, tes lĂšvres,
Nos silences, nos paroles,
La lumiĂšre qui sâen va, la lumiĂšre qui revient,
Un seul sourire pour nous deux,
Par besoin de savoir, jâai vu la nuit crĂ©er le jour sans que nous changions dâapparence,
Ă bien-aimĂ© de tous et bien-aimĂ© dâun seul,
En silence ta bouche a promis dâĂȘtre heureuse,
De loin en loin, ni la haine,
De proche en proche, ni lâamour,
Par la caresse nous sortons de notre enfance,
Je vois de mieux en mieux la forme humaine,
Comme un dialogue amoureux, le cĆur ne fait quâune seule bouche
Toutes les choses au hasard, tous les mots dits sans y penser,
Les sentiments à la dérive, les hommes tournent dans la ville,
Le regard, la parole et le fait que je tâaime,
Tout est en mouvement, il suffit dâavancer pour vivre,
Dâaller droit devant soi vers tout ce que lâon aime,
Jâallais vers toi, jâallais sans fin vers la lumiĂšre,
Si tu souris, câest pour mieux mâenvahir,
Les rayons de tes bras entrouvraient le brouillard.
â
â
Paul Ăluard
â
Monsieur, c'est trop d'honneur que vous me voulez faire;
Mais l'amitié demande un peu plus de mystÚre,
Et c'est assurément en profaner le nom
Que de vouloir le mettre Ă toute occasion.
Avec lumiĂšre et choix cette union veut naĂźtre;
Avant que nous lier, il faut nous mieux connaĂźtre,
Et nous pourrions avoir telles complexions,
Que tous deux du marché nous nous repentirions.
â
â
MoliĂšre (The Misanthrope)
â
Environ une demi-seconde aprĂšs avoir terminĂ© votre livre, aprĂšs en avoir lu le dernier mot, le lecteur doit se sentir envahi dâun sentiment puissant; pendant un instant, il ne doit plus penser quâĂ tout ce quâil vient de lire, regarder la couverture et sourireavec une pointe de tristesse parce que tous les personnages vont lui manquer
â
â
Joël Dicker (La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert (Marcus Goldman, #1))
â
Câest une folie de haĂŻr toutes les roses parce que une Ă©pine vous a piquĂ©, dâabandonner tous les rĂȘves parce que lâun dâentre eux ne sâest pas rĂ©alisĂ©, de renoncer Ă toutes les tentatives parce quâon a Ă©choué⊠Câest une folie de condamner toutes les amitiĂ©s parce quâune dâelles vous a trahi, de ne croire plus en lâamour juste parce quâun dâentre eux a Ă©tĂ© infidĂšle, de jeter toutes les chances dâĂȘtre heureux juste parce que quelque chose nâest pas allĂ© dans la bonne direction. Il y aura toujours une autre occasion, un autre ami, un autre amour, une force nouvelle. Pour chaque fin il y a toujours un nouveau dĂ©part.
â
â
Antoine de Saint-Exupéry
â
Language signifies when instead of copying thought it lets itself be taken apart and put together again by thought. Language bears the sense of thought as a footprint signifies the movement and effort of a body. The empirical use of already established language should be distinguished from its creative use. Empirical language can only be the result of creative language. Speech in the sense of empirical language - that is, the opportune recollection of a preestablished sign â is not speech in respect to an authentic language. It is, as MallarmĂ© said, the worn coin placed silently in my hand. True speech, on the contrary - speech which signifies, which finally renders "l'absente de tous bouquets" present and frees the sense captive in the thing - is only silence in respect to empirical usage, for it does not go so far as to become a common noun. Language is oblique and autonomous, and if it sometimes signifies a thought or a thing directly, that is only a secondary power derived from its inner life. Like the weaver, the writer works on the wrong side of his material. He has only to do with the language, and it is thus that he suddenly finds himself surrounded by sense.
â
â
Maurice Merleau-Ponty (Signs)
â
Dit comme ça, c'Ă©tait un peu cucul Ă©videmment, mais bon, c'Ă©tait la vĂ©ritĂ© et il y avait bien longtemps que le ridicule ne les tuait plus: pour la premiĂšre fois et tous autant qu'ils Ă©taient, ils eurent l'impression d'avoir une vraie famille. Mieux qu'une vraie d'ailleurs, une voulue, une pour laquelle ils s'Ă©taient battus et qui ne leur demandait rien d'autre en Ă©change que d'ĂȘtre heureux ensemble. MĂȘme pas heureux d'ailleurs, ils n'Ă©taient plus si exigeants. D'ĂȘtre ensemble, c'est tout. Et dĂ©jĂ c'Ă©tait inesperĂ©.
â
â
Anna Gavalda (Hunting and Gathering)
â
Ma vision de l'amour n'a pas changĂ©, mais ma vision du monde, oui. C'est super agrĂ©able d'ĂȘtre lesbienne. Je me sens moins concernĂ©e par la fĂ©minitĂ©, par l'approbation des hommes, par tous ces trucs qu'on s'impose pour eux. Et je me sens aussi moins prĂ©occupĂ©e par mon Ăąge : c'est plus dur de vieillir quand on est hĂ©tĂ©ro. La sĂ©duction existe entre filles, mais elle est plus cool, on n'est pas dĂ©chue Ă 40 ans.
â
â
Virginie Despentes
â
TantÎt je me dis: «Sûrement non! Le petit prince enferme sa fleur toutes les nuits sous son globe de verre, et il surveille bien son mouton...» Alors je suis heureux. Et toutes les étoiles rient doucement.
TantÎt je me dis: «On est distrait une fois ou l'autre, et ça suffit! Il a oublié, un soir, le verre, ou bien le mouton est sorti sans bruit pendant la nuit...» Alors les grelots se changent tous en larmes!...
â
â
Antoine de Saint-Exupéry (The Little Prince)
â
La folie, c'est l'incapacité de communiquer ses idées. Comme si tu te trouvais dans un pays étranger : tu vois tout, tu perçois ce qui se passe autour de toi, mais tu es incapable de t'expliquer et d'obtenir de l'aide parce que tu ne comprends pas la langue du pays.
-Nous avons tous ressenti ça un jour
-Nous somme tous fou, d'une façon ou d'une autre.)
â
â
Paulo Coelho (Veronika Decides to Die)
â
Nous avions inventĂ© la lumiĂšre pour nier l'obscuritĂ©. Nous avons mis les Ă©toiles dans le ciel, nous avons plantĂ© les rĂ©verbĂšres tous les deux mĂštres dans les rues. Et des lampes dans nos maisons. Ăteignez les Ă©toiles et contemplez le ciel. Que voyez-vous? Rien. Vous ĂȘtes en face de l'infini que votre esprit limitĂ© ne peut pas concevoir et vous ne voyez plus rien. Et cela vous angoisse. C'est angoissant d'ĂȘtre en face de l'infini. Rassurez vous; vos yeux s'arrĂȘteront toujours sur les Ă©toiles qui obscures leur vision et n'iront pas plus loin. Aussi ignorez le vide qu'elles dissimulent. Ăteignez la lumiĂšre et ouvrez grand les yeux. Vous ne voyez rien. Que l'obscuritĂ© que vous la percevez plutĂŽt que vous ne la voyez. L'obscuritĂ© n'est pas hors de vous, l'obscuritĂ© est en vous.
â
â
Lolita Pille (Hell)
â
Ma vie est monotone. Je chasse les poules, les hommes me chassent. Toutes les poules se ressemblent, et tous les hommes se ressemblent. Je m'ennuie donc un peu. Mais, si tu m'apprivoises, ma vie sera comme ensoleillée. Je connaßtrai un bruit de pas qui sera différent de tous les autres. Les autres pas me font rentrer sous terre. Le tien m'appellera hors du terrier, comme une musique. Et puis regarde ! Tu vois, là -bas, les champs de blé ? Je ne mange pas de pain. Le blé pour moi est inutile. Les champs de blé ne me rappellent rien. Et ça, c'est triste ! Mais tu as des cheveux couleur d'or. Alors ce sera merveilleux quand tu m'auras apprivoisé ! Le blé, qui est doré, me fera souvenir de toi. Et j'aimerai le bruit du vent dans le blé...
â
â
Antoine de Saint-Exupéry (The Little Prince)
â
In his forward to the English edition of Invitation to a Beheading (1959), Nabokov reminds the reader that his novel does not offer 'tout pour tous.' Nothing of the kind. 'It is,' he claims, 'a violin in the void.'
[...]
There was something, both in his fiction and in his life, that we instinctively related to and grasped, the possibility of a boundless freedom when all options are taken away. I think that is what drove me to create the class. My main link with the outside world had been the university, and now that I had severed that link, there on the brink of the void, I could invent the violin or be devoured by the void.
â
â
Azar Nafisi (Reading Lolita in Tehran: A Memoir in Books)
â
Dans les rues, je suis l'obsĂ©dĂ© de ma morte, mornement regardant tous ces agitĂ©s qui ne savent pas qu'ils vont mourir et que le bois de leur cercueil existe dĂ©jĂ dans une scierie ou dans une forĂȘt, vaguement regardant ces jeunes et fardĂ©s futurs cadavres femelles qui rient avec leurs dents, annonce et commencement de leur squelette, qui montrent leurs trente-deux petits bouts de squelette et qui s'esclaffent comme s'ils ne devaient jamais mourir.
â
â
Albert Cohen (Le Livre de ma mĂšre)
â
Mais surtout, nous ne retrouverons pas ce qui nous a poussés l'un vers l'autre, un jour. Cette urgence trÚs pure. Ce moment unique. Il y a eu des circonstances, une conjonction de hasards, une somme de coïncidences, une simultanéité de désirs, quelque chose dans l'air, quelque chose aussi qui tenait à l'époque, à l'endroit, et ça a formé un moment, et ça a provoqué la rencontre, mais tout s'est distendu, tout est reparti dans des directions différentes, tout a éclaté, à la maniÚre d'un feu d'artifice dont les fusées explosent au ciel nocturne dans tous les sens et dont les éclats retombent en pluie, et meurent à mesure qu'ils chutent et disparaissent avant de pouvoir toucher le sol, pour que ça ne brûle personne, pour que ça ne blesse personne, et le moment est terminé, mort, il ne reviendra pas  ; c'est cela qui nous est arrivé.
â
â
Philippe Besson (" ArrĂȘte avec tes mensonges ")
â
Rien n'est jamais acquis Ă l'homme Ni sa force
Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix
Et quand il croit serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un Ă©trange et douloureux divorce
Il n'y a pas d'amour heureux
Sa vie Elle ressemble Ă ces soldats sans armes
Qu'on avait habillés pour un autre destin
A quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu'on retrouve au soir désoeuvrés incertains
Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes
Il n'y a pas d'amour heureux
Mon bel amour mon cher amour ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
Et ceux-lĂ sans savoir nous regardent passer
Répétant aprÚs moi les mots que j'ai tressés
Et qui pour tes grands yeux tout aussitĂŽt moururent
Il n'y a pas d'amour heureux
Le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard
Que pleurent dans la nuit nos coeurs Ă l'unisson
Ce qu'il faut de malheur pour la moindre chanson
Ce qu'il faut de regrets pour payer un frisson
Ce qu'il faut de sanglots pour un air de guitare
Il n'y a pas d'amour heureux
Il n'y a pas d'amour qui ne soit Ă douleur
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit meurtri
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit flétri
Et pas plus que de toi l'amour de la patrie
Il n'y a pas d'amour qui ne vive de pleurs
Il n'y a pas d'amour heureux
Mais c'est notre amour Ă tous les deux
â
â
Louis Aragon (La Diane française: En Ătrange Pays dans mon pays lui-mĂȘme)
â
MĂ©content de tous et mĂ©content de moi, je voudrais bien me racheter et mâenorguiellir un peu dans le silence et la solitude de la nuit. Ămes de ceux que jâai aimĂ©s, Ăąmes de ceux que jâai chantĂ©s, fortifiez-moi, Ă©loignez de moi le mensonge et les vapeurs corruptices du monde; et vous, Seigneur mon Dieu! accordez-moi la grĂące de produire quelques beaux vers qui me prouvent Ă moi mĂȘme que je ne suis pas le dernier des hommes, que je ne suis pas infĂ©rieur Ă ceux que je mĂ©prise.
â
â
Rainer Maria Rilke (The Notebooks of Malte Laurids Brigge)
â
- Vous avez lu tous ces livres ? j'ai demandé.
- Oui. Certains plusieurs fois, mĂȘme. Ce sont les grands amours de ma vie. Ils me font rire, pleurer, douter, rĂ©flĂ©chir. Ils me permettent de m'Ă©chapper. Ils m'ont changĂ©e, ont fait de moi une autre personne.
- Un livre peut nous changer ?
- Bien sĂ»r, un livre peut te changer ! Et mĂȘme changer ta vie. Comme un coup de foudre. Et on ne peut pas savoir quand la encontre aura lieu. Il faut se mĂ©fier des livres, ce sont des gĂ©nies endormis.
â
â
Gaël Faye (Petit pays)
â
â Câest ce receveur, expliqua le conducteur.
â Ah ! dit Amadis.
â Il aime pas les voyageurs. Alors, il sâarrange pour
quâon parte sans voyageur et il ne sonne jamais. Je le sais
bien.
â Câest vrai, dit Amadis.
â Il est fou, vous comprenez, dit le machiniste.
â Câest ça⊠murmura Amadis. Je le trouvais bizarre.
â Ils sont tous fous Ă la Compagnie.
â Ăa ne mâĂ©tonne pas !
â Moi, dit le conducteur, je les possĂšde. Au pays des
aveugles, les borgnes sont rois. Vous avez un couteau ?
â Jâai un canif.
â PrĂȘtez.
â
â
Boris Vian (Autumn in Peking)
â
Puisque c'est ainsi. Puisque le temps sépare ceux qui s'aiment et que rien ne dure.
Ce que nous vivions là , et nous en étions conscients tous les quatre, c'était un peu de rab. Un sursis, une parenthÚse, un moment de grùce. Quelques heures volées aux autres...
Pendant combien de temps aurions-nous l'Ă©nergie de nous arracher ainsi du quotidien pour faire le mur? Combien de permissions la vie nous accorderait-elle encore? Combien de pieds de nez? Combien de petites grattes? Quand allions-nous nous perdre et comment les liens se distendraient-ils?
Encore combien d'annĂ©es avant d'ĂȘtre vieux?
â
â
Anna Gavalda (L'ĂchappĂ©e belle)
â
Il y a ceux qui n'ont jamais lu et qui s'en font une honte, ceux qui n'ont plus le temps de lire et qui en cultivent le regret, il y a ceux qui ne lisent pas de romans, mais des livres *utiles*, mais des essais, mais des ouvrages techniques, mais des biographies, mais des livres d'histoire, il y a ceux qui lisent tout et n'importe quoi, ceux qui "dévorent" et dont les yeux brillent, il y a ceux qui ne lisent que les classiques, monsieur, "car il n'est meilleur critique que le tamis du temps", ceux qui passent leur maturité à "relire", et ceux qui ont lu le dernier untel et le dernier tel autre, car il faut bien, monsieur, se tenir au courant...
Mais tous, tous, au nom de la nécessité de lire.
Le dogme. (p. 78-79)
â
â
Daniel Pennac (Comme un roman)
â
Le parti national-socialiste avait fait un fameux cadeau Ă ces SS-lĂ : ils pouvaient marcher au combat sans aucun risque physique, dĂ©crocher les honneurs sans avoir Ă entendre siffler les balles. L'impunitĂ© psychologique Ă©tait plus difficile Ă atteindre. Tous les officiers SS avaient des camarades qui s'Ă©taient suicidĂ©s. Le haut commandment avait pondu des circulaires pour dĂ©noncer ces pertes futiles : il fallait ĂȘtre simple d'esprit pour croire que les juifs, parce qu'ils n'avaient pas de fusils, ne possĂ©daient pas d'armes d'un autre calibre : des armes sociales, Ă©conomiques et politiques. En fait, le juif Ă©tait armĂ© jusqu'aux dents. Trempez votre caractĂšre dans l'acier, soulignaient les circulaires, car l'enfant juif est une bombe Ă retardement culturelle, la femme juive, un tissu biologique de toutes les trahisons, le mĂąle juif, un ennemi plus implacable encore qu'aucun Russe ne saurait l'ĂȘtre. (ch. 20)
â
â
Thomas Keneally (Schindlerâs List)
â
Le plaisir sexuel n'était pas seulement supérieur, en raffinement et en violence, à tous les autres plaisirs que pouvait comporter la vie; il n'était pas seulement l'unique plaisir qui ne s'accompagne d'aucun dommage pour l'organisme, mais qui contribue au contraire à le maintenir à son plus haut niveau de vitalité et de force; il était l'unique plaisir, l'unique objectif en vérité de l'existence humaine, et tous les autres - qu'ils soient associés aux nourritures riches, au tabac, aux alcools ou à la drogue - n'étaient que des compensations dérisoires et désespérées, des mini-suicides qui n'avaient pas le courage de dire leur nom, des tentatives pour détruire plus rapidement un corps qui n'avait plus accÚs au plaisir unique.
â
â
Michel Houellebecq (The Possibility of an Island)
â
Elle se mordit la langue quand Thorn pressa sa bouche contre la sienne. Sur le moment, elle ne comprit plus rien. Elle sentit sa barbe lui piquer le menton, son odeur de dĂ©sinfectant lui monter Ă la tĂȘte, mais la seule pensĂ©e qui la traversa, stupide et Ă©vidente, fut quenelle avait une botte plantĂ©e dans son tibia. Elle voulut se reculer; Thorn lâen empĂȘcha. Il referma ses mains de part et dâautre de son visage, les doigts dans ses cheveux, prenant appui sur sa nuque avec une urgence qui les dĂ©sĂ©quilibra tous les deux. La bibliothĂšque dĂ©versa une pluie de documents sur eux. Quand Thorn sâĂ©carte finalement, le souffle court, ce fut pour clouer un regard de fer dans ses lunettes.
- je vous prĂ©viens. Les mots que vous mâavez dits, je ne vous laisserai pas revenir dessus.
Sa voix Ă©tait Ăąpre, mais sous lâautoritĂ© des paroles il y avait comme une fĂȘlure. OphĂ©lie pouvait percevoir le pouls prĂ©cipitĂ© des mains quâil appuyait maladroitement sur ses joues. Elle devait reconnaĂźtre que son propre cĆur jouait Ă la balançoire. Thorn Ă©tait sans doute lâhomme le plus dĂ©concertant quâelle avait jamais rencontrĂ©, mais il lâa faisait se sentir formidablement vivante.
- je vous aime, rĂ©pĂ©ta-y-elle dâun ton inflexible. Câest ce que jâaurais du vous rĂ©pondre quand vous vouliez connaĂźtre la raison de ma prĂ©sence Ă Babel câest ce que jâen aurais du vous rĂ©pondre chaque fois que vous vouliez savoir ce que jâen avais vraiment Ă vous dire. Bien sĂ»r que je dĂ©sire percer les mystĂšres de Dieu et reprendre le contrĂŽle de ma vie, mais... vous faites partie de ma vie, justement. Je vous ai traitĂ© dâĂ©goĂŻste et Ă aucun moment je ne me suis mise, moi, Ă votre place. Je vous demande pardon.Â
â
â
Christelle Dabos (La MĂ©moire de Babel (La Passe-Miroir, #3))
â
Le savoir des Ă©coles se borne Ă enseigner le "comment". C'est un savoir Ă©parpillĂ©, sans unitĂ© et sans direction. Ce n'est pas un chemin qui conduit vers le sommet de la montagne d'oĂč l'on pourra voir l'horizon et comprendre dans tous ses dĂ©tails l'ordonnance du paysage, c'est une plaine de sable dont on propose Ă l'homme d'Ă©tudier chaque grain. Ce savoir ne peut donner naissance qu'Ă une sociĂ©tĂ© de technique, sans sagesse et sans raison, aussi absurde et dangereuse dans son comportement qu'un camion-citerne lancĂ© sans conducteur sur une autoroute en pente.
â
â
René Barjavel
â
Oh! je voudrais tant que tu te souviennes
Des jours heureux oĂč nous Ă©tions amis
En ce temps-lĂ la vie Ă©tait plus belle
Et le soleil plus brûlant qu'aujourd'hui.
Les feuilles mortes se ramassent Ă la pelle
Tu vois, je n'ai pas oublié
Les feuilles mortes se ramassent Ă la pelle
Les souvenirs et les regrets aussi.
Et le vent du Nord les emporte,
Dans la nuit froide de l'oubli.
Tu vois je n'ai pas oublié,
La chanson que tu me chantais...
Les feuilles mortes se ramassent Ă la pelle
Les souvenirs et les regrets aussi,
Mais mon amour silencieux et fidĂšle
Sourit toujours et remercie la vie.
Je t'aimais tant, tu Ă©tais si jolie,
Comment veux-tu que je t'oublie?
En ce temps-lĂ la vie Ă©tait plus belle
Et le soleil plus brûlant qu'aujourd'hui.
Tu Ă©tais ma plus douce amie
Mais je n'ai que faire des regrets.
Et la chanson que tu chantais,
Toujours, toujours je l'entendrai.
C'est une chanson qui nous ressemble,
Toi tu m'aimais, moi je t'aimais
Et nous vivions, tous deux ensemble,
Toi qui m'aimais, moi qui t'aimais.
Mais la vie sépare ceux qui s'aiment,
Tout doucement, sans faire de bruit
Et la mer efface sur le sable
Les pas des amants désunis.
C'est une chanson qui nous ressemble,
Toi tu m'aimais et je t'aimais
Et nous vivions tous deux ensemble,
Toi qui m'aimais, moi qui t'aimais.
Mais la vie sépare ceux qui s'aiment,
Tout doucement, sans faire de bruit
Et la mer efface sur le sable
Les pas des amants désunis.
â
â
Jacques Prévert
â
Elle aimait la vie, il aimait la mort,
Il aimait la mort, et ses sombres promesses,
Avenir incertain d'un garçon en détresse,
Il voulait mourir, laisser partir sa peine,
Oublier tous ces jours Ă la mĂȘme rengaine...
Elle aimait la vie, heureuse d'exister,
Voulait aider les gens et puis grandir en paix,
C'Ă©tait un don du ciel, toujours souriante,
Fleurs et nature, qu'il pleuve ou qu'il vente.
Mais un beau jour, la chute commença,
Ils tombĂšrent amoureux, mauvais choix,
Elle aimait la vie et il aimait la mort,
Qui d'entre les deux allait ĂȘtre plus fort?
Ils s'aimaient tellement, ils auraient tout sacrifié,
Amis et famille, capables de tout renier,
Tout donner pour s'aimer, tel Ă©tait leur or,
Mais elle aimait la vie et il aimait la mort...
Si différents et pourtant plus proches que tout,
Se comprenant pour protéger un amour fou,
L'un ne rĂȘvait que de mourir et de s'envoler,
L'autre d'une vie avec lui, loin des atrocités...
Fin de l'histoire : obligés de se séparer,
Ils s'étaient promis leur éternelle fidélité.
Aujourd'hui, le garçon torturé vit pour elle,
Puisque la fille, pour lui, a rendu ses ailes...
Il aimait la mort, elle aimait la vie,
Il vivait pour elle, elle est morte pour lui »
â
â
William Shakespeare
â
- T'as pas apporté des fleurs à Irina?
-Offrir des fleurs aux femmes est une hĂ©rĂ©sie. Les fleurs sont des sexes obscĂšnes, elles symbolisent l'Ă©phĂ©mĂšre et l'infidĂ©litĂ©, elles s'Ă©cartĂšlent sur le bord des chemins, s'offrent Ă tous les vents, Ă la trompe des insectes, aux nuages de graines, aux dents des bĂȘtes; on les foule, on les cueille, on y plonge le nez. A la femme qu'on aime il faudrait offrir des pierres, des fossiles, du gneiss, enfin une de ces choses qui durent Ă©ternellement et survivent Ă la flĂ©trissure.
C'est ce que j'aurai aimé répondre à Volodia mais mon russe est trop faible et je dis:
-Si! mais elles ont fané en route. Le banya, Volodia, tu l'as préparé?
â
â
Sylvain Tesson (Dans les forĂȘts de SibĂ©rie)
â
Et voilĂ . Maintenant le ressort est bandĂ©. Cela n'a plus qu'Ă se dĂ©rouler tout seul. C'est cela qui est commode dans la tragĂ©die. On donne le petit coup de pouce pour que cela dĂ©marre, rien, un regard pendant une seconde Ă une fille qui passe et lĂšve les bras dans la rue, une envie d'honneur un beau matin, au rĂ©veil, comme de quelque chose qui se mange, une question de trop qu'on se pose un soir⊠C'est tout. AprĂšs, on n'a plus qu'Ă laisser faire. On est tranquille. Cela roule tout seul. C'est minutieux, bien huilĂ© depuis toujours. La mort, la trahison, le dĂ©sespoir sont lĂ , tout prĂȘts, et les Ă©clats, et les orages, et les silences, tous les silences : le silence quand le bras du bourreau se lĂšve Ă la fin, le silence au commencement quand les deux amants sont nus l'un en face de l'autre pour la premiĂšre fois, sans oser bouger tout de suite, dans la chambre sombre, le silence quand les cris de la foule Ă©clatent autour du vainqueur - et on dirait un film dont le son s'est enrayĂ©, toutes ces bouches ouvertes dont il ne sort rien, toute cette clameur qui n'est qu'une image, et le vainqueur, dĂ©jĂ vaincu, seul au milieu de son silenceâŠ
â
â
Jean Anouilh
â
Ma Solitude
Pour avoir si souvent dormi
Avec ma solitude
Je m'en suis fait presqu'une amie
Une douce habitude
Ell' ne me quitte pas d'un pas
FidĂšle comme une ombre
Elle m'a suivi çà et lĂ
Aux quatre coins du monde
Non, je ne suis jamais seul
Avec ma solitude
Quand elle est au creux de mon lit
Elle prend toute la place
Et nous passons de longues nuits
Tous les deux face Ă face
Je ne sais pas vraiment jusqu'oĂč
Ira cette complice
Faudra-t-il que j'y prenne goût
Ou que je réagisse?
Non, je ne suis jamais seul
Avec ma solitude
Par elle, j'ai autant appris
Que j'ai versé de larmes
Si parfois je la répudie
Jamais elle ne désarme
Et si je préfÚre l'amour
D'une autre courtisane
Elle sera Ă mon dernier jour
Ma derniĂšre compagne
Non, je ne suis jamais seul
Avec ma solitude
â
â
Georges Moustaki
â
JâĂ©cris de chez les moches, pour les moches, les vieilles, les camionneuses, les frigides, les mal baisĂ©es, les imbaisables, les hystĂ©riques, les tarĂ©es, toutes les exclues du grand marchĂ© Ă la bonne meuf. Et je commence par lĂ pour que les choses soient claires : je ne mâexcuse de rien, je ne viens pas me plaindre. Je nâĂ©changerais ma place contre aucune autre parce quâĂȘtre Virginie Despentes me semble ĂȘtre une affaire plus intĂ©ressante Ă mener que nâimporte quelle autre affaire.
Je trouve ça formidable quâil y ait aussi des femmes qui aiment sĂ©duire, qui sachent sĂ©duire, dâautres se faire Ă©pouser, des qui sentent le sexe et dâautres le gĂąteau du goĂ»ter des enfants qui sortent de lâĂ©cole. Formidable quâil y en ait de trĂšs douces, dâautres Ă©panouies dans leur fĂ©minitĂ©, quâil y en ait de jeunes, trĂšs belles, dâautres coquettes et rayonnantes. Franchement, je suis bien contente pour toutes celles Ă qui les choses telles quâelles sont conviennent. Câest dit sans la moindre ironie. Il se trouve simplement que je ne fais pas partie de celles-lĂ . Bien sĂ»r que je nâĂ©crirais pas ce que jâĂ©cris si jâĂ©tais belle, belle Ă changer lâattitude de tous les hommes que je croise.
Câest en tant que prolotte de la fĂ©minitĂ© que je parle, que jâai parlĂ© hier et que je recommence aujourdâhui (p. 9-10).
â
â
Virginie Despentes (King Kong théorie)
â
Well! we are all condamnes, as Victor Hugo says: we are all under sentence of death but with a sort of indefinite reprieveâles hommes sont tous condamnes a mort avec des sursis indefinis: we have an interval, and then our place knows us no more. Some spend this interval in listlessness, some in high passions, the wisest, at least among "the children of this world," in art and song. For our one chance lies in expanding that interval, in getting as many pulsations as possible into the given time. Great passions may give us this quickened sense of life, ecstasy and sorrow of love, the various forms of enthusiastic activity, disinterested or otherwise, which come naturally to many of us. Only be sure it is passionâthat it does yield you this fruit of a quickened, multiplied consciousness. Of this wisdom, the poetic passion, the desire of beauty, the love of art for art's sake, has most; for art comes to you professing frankly to give nothing but the highest quality to your moments as they pass, and simply for those moments' sake.
â
â
Walter Pater
â
- Offre ton identité au Conseil, jeune apprentie.
La voix Ă©tait douce, lâordre sans appel.
- Je mâappelle Ellana Caldin.
- Ton Ăąge.
Ellana hĂ©sita une fraction de seconde. Elle ignorait son Ăąge exact, se demandait si elle nâavait pas intĂ©rĂȘt Ă se vieillir. Les apprentis quâelle avait discernĂ©s dans lâassemblĂ©e Ă©taient tous plus ĂągĂ©s quâelle, le Conseil ne risquait-il pas de la considĂ©rer comme une enfant ? Les yeux noirs dâEhrlime fixĂ©s sur elle la dissuadĂšrent de chercher Ă la tromper.
- Jâai quinze ans.
Des murmures Ă©tonnĂ©s sâĂ©levĂšrent dans son dos.
Imperturbable, Ehrlime poursuivit son interrogatoire.
- Offre-nous le nom de ton maĂźtre.
- Jilano AlhuĂŻn.
Les murmures, qui sâĂ©taient tus, reprirent. Plus marquĂ©s, Ehrlime leva une main pour exiger un silence quâelle obtint immĂ©diatement.
- Jeune Ellana, je vais te poser une sĂ©rie de questions. A ces questions, tu devras rĂ©pondre dans lâinstant, sans rĂ©flĂ©chir, en laissant les mots jaillir de toi comme une cascade vive. Les mots sont un cours dâeau, la source est ton Ăąme. Câest en remontant tes mots jusquâĂ ton Ăąme que je saurai discerner si tu peux avancer sur la voie des marchombres. Es-tu prĂȘte ?
- Oui.
Une esquisse de sourire traversa le visage ridĂ© dâEhrlime.
- Quây a-t-il au sommet de la montagne ?
- Le ciel.
- Que dit le loup quand il hurle ?
- Joie, force et solitude.
- Ă qui sâadresse-t-il ?
- Ă la lune.
- OĂč va la riviĂšre ?
LâanxiĂ©tĂ© dâEllana sâĂ©tait dissipĂ©e. Les questions dâEhrlime Ă©taient trop imprĂ©vues, se succĂ©daient trop rapidement pour quâelle ait dâautre solution quây rĂ©pondre ainsi quâon le lui avait demandĂ©. Impossible de tricher. Cette Ă©vidence se transforma en une onde paisible dans laquelle elle sâimmergea, laissant Ehrlime remonter le cours de ses mots jusquâĂ son Ăąme, puisque câĂ©tait ce quâelle dĂ©sirait.
- Remplir la mer.
- Ă qui la nuit fait-elle peur ?
- Ă ceux qui attendent le jour pour voir.
- Combien dâhommes as-tu dĂ©jĂ tuĂ©s ?
- Deux.
- Es-tu vent ou nuage ?
- Je suis moi.
- Es-tu vent ou nuage ?
- Vent.
- MĂ©ritaient-ils la mort ?
- Je lâignore.
- Es-tu ombre ou lumiĂšre ?
- Je suis moi.
- Es-tu ombre ou lumiĂšre ?
- Les deux.
- OĂč se trouve la voie du marchombre ?
- En moi.
Ellana sâexprimait avec aisance, chaque rĂ©ponse jaillissant dâelle naturellement, comme une expiration aprĂšs une inspiration. FluiditĂ©. Le sourire sur le visage dâEhrlime Ă©tait revenu, plus marquĂ©, et une pointe de jubilation perçait dans sa voix ferme.
- Que devient une larme qui se brise ?
- Une poussiĂšre dâĂ©toiles.
- Que fais-tu devant une riviĂšre que tu ne peux pas traverser ?
- Je la traverse.
- Que devient une Ă©toile qui meurt ?
- Un rĂȘve qui vit.
- Offre-moi un mot.
- Silence.
- Un autre.
- Harmonie.
- Un dernier.
- Fluidité.
- Lâours et lâhomme se disputent un territoire. Qui a raison ?
- Le chat qui les observe.
- Marie tes trois mots.
- Marchombre.
â
â
Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
â
Je condamne l'ignorance qui rĂšgne en ce moment dans les dĂ©mocraties aussi bien que dans les rĂ©gimes totalitaires. Cette ignorance est si forte, souvent si totale, qu'on la dirait voulue par le systĂšme, sinon par le rĂ©gime. J'ai souvent rĂ©flĂ©chi Ă ce que pourrait ĂȘtre l'Ă©ducation de l'enfant. Je pense qu'il faudrait des Ă©tudes de base, trĂšs simples, oĂč l'enfant apprendrait qu'il existe au sein de l'univers, sur une planĂšte dont il devra plus tard mĂ©nager les ressources, qu'il dĂ©pend de l'air, de l'eau, de tous les ĂȘtres vivants, et que la moindre erreur ou la moindre violence risque de tout dĂ©truire. Il apprendrait que les hommes se sont entre-tuĂ©s dans des guerres qui n'ont jamais fait que produire d'autres guerres, et que chaque pays arrange son histoire, mensongĂšrement, de façon Ă flatter son orgueil. On lui apprendrait assez du passĂ© pour qu'il se sente reliĂ© aux hommes qui l'ont prĂ©cĂ©dĂ©, pour qu'il les admire lĂ oĂč ils mĂ©ritent de l'ĂȘtre, sans s'en faire des idoles, non plus que du prĂ©sent ou d'un hypothĂ©tique avenir. On essaierait de le familiariser Ă la fois avec les livres et les choses ; il saurait le nom des plantes, il connaĂźtrait les animaux sans se livrer aux hideuses vivisections imposĂ©es aux enfants et aux trĂšs jeunes adolescents sous prĂ©texte de biologie ; il apprendrait Ă donner les premiers soins aux blessĂ©s ; son Ă©ducation sexuelle comprendrait la prĂ©sence Ă un accouchement, son Ă©ducation mentale la vue des grands malades et des morts. On lui donnerait aussi les simples notions de morale sans laquelle la vie en sociĂ©tĂ© est impossible, instruction que les Ă©coles Ă©lĂ©mentaires et moyennes n'osent plus donner dans ce pays. En matiĂšre de religion, on ne lui imposerait aucune pratique ou aucun dogme, mais on lui dirait quelque chose de toutes les grandes religions du monde, et surtout de celles du pays oĂč il se trouve, pour Ă©veiller en lui le respect et dĂ©truire d'avance certains odieux prĂ©jugĂ©s. On lui apprendrait Ă aimer le travail quand le travail est utile, et Ă ne pas se laisser prendre Ă l'imposture publicitaire, en commençant par celle qui lui vante des friandises plus ou moins frelatĂ©es, en lui prĂ©parant des caries et des diabĂštes futurs. Il y a certainement un moyen de parler aux enfants de choses vĂ©ritablement importantes plus tĂŽt qu'on ne le fait. (p. 255)
â
â
Marguerite Yourcenar (Les Yeux ouverts : Entretiens avec Matthieu Galey)
â
Notre gĂ©nĂ©ration est trop superficielle pour le mariage. On se marie comme on va au MacDo. AprĂšs, on zappe. Comment voudriez-vous qu'on reste toute sa vie avec la mĂȘme personne dans la sociĂ©tĂ© du zapping gĂ©nĂ©ralisĂ©?
Dans l'Ă©poque oĂč les stars, les hommes politiques, les arts, les sexes, les religions n'ont jamais Ă©tĂ© aussi interchangeables? Pourquoi le sentiment amoureux ferait-il exception Ă la schizophrĂ©nie gĂ©nĂ©rale?
Et puis d'abord, d'oĂč nous vient donc cette curieuse obsession: s'escrimer Ă tout prix pour ĂȘtre heureux avec une seule personne? Sur 558 types de sociĂ©tĂ©s humaines, 24 % seulement sont monogames. La plupart des espĂšces animales sont polygames. Quant aux extraterrestres, n'en parlons pas: il y a longtemps que la Charte Galactique X23 a interdit la monogamie dans toutes les planĂštes de type B#871.
Le mariage, c'est du caviar Ă tous les repas: une indigestion de ce que vous adorez, jusqu'Ă l'Ă©cĆurement. â Allez, vous en reprendrez bien un peu, non? Quoi? Vous n'en pouvez plus? Pourtant vous trouviez cela dĂ©licieux il y a
peu, qu'est-ce qui vous prend? Sale gosse, va!â
La puissance de l'amour, son incroyable pouvoir, devait franchement terrifier la société occidentale pour qu'elle en vienne à créer ce systÚme destiné à vous dégoûter de ce que vous aimez.
â
â
Frédéric Beigbeder (L'amour dure trois ans - Le roman suivi du scénario du film)
â
Je cherchais une Ăąme qui et me ressemblĂąt, et je ne pouvais pas la trouver. Je fouillais tous les recoins de la terre; ma persĂ©vĂ©rance Ă©tait inutile. Cependant, je ne pouvais pas rester seul. Il fallait quelquâun qui approuvĂąt mon caractĂšre; il fallait quelquâun qui eĂ»t les mĂȘmes idĂ©es que moi. CâĂ©tait le matin; le soleil se leva Ă lâhorizon, dans toute sa magnificence, et voilĂ quâĂ mes yeux se lĂšve aussi un jeune homme, dont la prĂ©sence engendrait les fleurs sur son passage. Il sâapprocha de moi, et, me tendant la main: "Je suis venu vers toi, toi, qui me cherches. BĂ©nissons ce jour heureux." Mais, moi: "Va-tâen; je ne tâai pas appelĂ©: je nâai pas besoin de ton amitiĂ©."
CâĂ©tait le soir; la nuit commençait Ă Ă©tendre la noirceur de son voile sur la nature. Une belle femme, que je ne faisais que distinguer, Ă©tendait aussi sur moi son influence enchanteresse, et me regardait avec compassion; cependant, elle nâosait me parler. Je dis: "Approche-toi de moi, afin que je distingue nettement les traits de ton visage; car, la lumiĂšre des Ă©toiles nâest pas assez forte, pour les Ă©clairer Ă cette distance." Alors, avec une dĂ©marche modeste, et les yeux baissĂ©s, elle foula lâherbe du gazon, en se dirigeant de mon cĂŽtĂ©. DĂšs que je la vis: "Je vois que la bontĂ© et la justice ont fait rĂ©sidence dans ton coeur: nous ne pourrions pas vivre ensemble. Maintenant, tu admires ma beautĂ©, qui a bouleversĂ© plus dâune; mais, tĂŽt ou tard, tu te repentirais de mâavoir consacrĂ© ton amour; car, tu ne connais pas mon Ăąme. Non que je te sois jamais infidĂšle: celle qui se livre Ă moi avec tant dâabandon et de confiance, avec autant de confiance et dâabandon, je me livre Ă elle; mais, mets-le dans ta tĂȘte, pour ne jamais lâoublier: les loups et les agneaux ne se regardent pas avec des yeux doux."
Que me fallait-il donc, Ă moi, qui rejetais, avec tant de dĂ©goĂ»t, ce quâil y avait de plus beau dans lâhumanitĂ©!
â
â
Comte de Lautréamont (Les Chants de Maldoror)
â
Et que faudrait-il faire ?
Chercher un protecteur puissant, prendre un patron,
Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc
Et s'en fait un tuteur en lui léchant l'écorce,
Grimper par ruse au lieu de s'Ă©lever par force ?
Non, merci ! DĂ©dier, comme tous ils le font,
Des vers aux financiers ? se changer en bouffon
Dans l'espoir vil de voir, aux lĂšvres d'un ministre,
NaĂźtre un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre ?
Non, merci ! DĂ©jeuner, chaque jour, d'un crapaud ?
Avoir un ventre usé par la marche ? une peau
Qui plus vite, Ă l'endroit des genoux, devient sale ?
Exécuter des tours de souplesse dorsale ?...
Non, merci ! D'une main flatter la chĂšvre au cou
Cependant que, de l'autre, on arrose le chou,
Et donneur de séné par désir de rhubarbe,
Avoir son encensoir, toujours, dans quelque barbe ?
Non, merci ! Se pousser de giron en giron,
Devenir un petit grand homme dans un rond,
Et naviguer, avec des madrigaux pour rames,
Et dans ses voiles des soupirs de vieilles dames ?
Non, merci ! Chez le bon Ă©diteur de Sercy
Faire Ă©diter ses vers en payant ? Non, merci !
S'aller faire nommer pape par les conciles
Que dans des cabarets tiennent des imbéciles ?
Non, merci ! Travailler Ă se construire un nom
Sur un sonnet, au lieu d'en faire d'autres ? Non,
Merci ! Ne découvrir du talent qu'aux mazettes ?
Ătre terrorisĂ© par de vagues gazettes,
Et se dire sans cesse : "Oh ! pourvu que je sois
Dans les petits papiers du Mercure François" ?...
Non, merci ! Calculer, avoir peur, ĂȘtre blĂȘme,
Préférer faire une visite qu'un poÚme,
Rédiger des placets, se faire présenter ?
Non, merci ! non, merci ! non, merci ! Mais... chanter,
RĂȘver, rire, passer, ĂȘtre seul, ĂȘtre libre,
Avoir l'Ćil qui regarde bien, la voix qui vibre,
Mettre, quand il vous plaĂźt, son feutre de travers,
Pour un oui, pour un non, se battre, - ou faire un vers !
Travailler sans souci de gloire ou de fortune,
Ă tel voyage, auquel on pense, dans la lune !
N'Ă©crire jamais rien qui de soi ne sortĂźt,
Et modeste d'ailleurs, se dire : mon petit,
Sois satisfait des fleurs, des fruits, mĂȘme des feuilles,
Si c'est dans ton jardin Ă toi que tu les cueilles !
Puis, s'il advient d'un peu triompher, par hasard,
Ne pas ĂȘtre obligĂ© d'en rien rendre Ă CĂ©sar,
Vis-Ă -vis de soi-mĂȘme en garder le mĂ©rite,
Bref, dĂ©daignant d'ĂȘtre le lierre parasite,
Lors mĂȘme qu'on n'est pas le chĂȘne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-ĂȘtre, mais tout seul !
â
â
Edmond Rostand (Cyrano de Bergerac)
â
Quand on sâattend au pire, le moins pire a une saveur toute particuliĂšre, que vous dĂ©gusterez avec plaisir, mĂȘme si ce nâest pas le meilleur.
***
Ce n'est pas la vie qui est belle, c'est nous qui la voyons belle ou moins belle. Ne cherchez pas Ă atteindre un bonheur parfait, mais contentez vous des petites choses de la vie, qui, mises bout Ă bout, permettent de tenir la distance⊠Les tout petit riens du quotidien, dont on ne se rend mĂȘme plus compte mais qui font que, selon la façon dont on les vit, le moment peut ĂȘtre plaisant et donne envie de sourire. Nous avons tous nos petits riens Ă nous. Il faut juste en prendre conscience.
***
Le silence a cette vertu de laisser parler le regard, miroir de lâĂąme. On entend mieux les profondeurs quand on se tait.
***
Au temps des sorciĂšres, les larmes dâhomme devaient ĂȘtre trĂšs recherchĂ©es. Câest rare comme la bave de crapaud. Ce quâelles pouvaient en faire, ça, je ne sais pas. Une potion pour rendre plus gentil ? Plus humain ? Moins avare en Ă©motion ? Ou moins poilu ?
***
Quand un silence sâinstalle, on dit quâun ange passeâŠ
***
Vide. Je me sens vide et Ă©teinte. Jâai lâimpression dâĂȘtre un peu morte, moi aussi. DâĂȘtre un champ de bataille. Tout a brĂ»lĂ©, le sol est irrĂ©gulier, avec des trous bĂ©ants, des ruines Ă perte de vue. Le silence aprĂšs lâhorreur. Mais pas le calme aprĂšs la tempĂȘte, quand on se sent apaisĂ©. Moi, jâai lâimpression dâavoir sautĂ© sur une mine, dâavoir explosĂ© en mille morceaux, et de ne mĂȘme pas savoir comment je vais faire pour les rassembler, tous ses morceaux, ni si je les retrouverai tous.
***
Accordez-vous le droit de vivre votre chagrin. Il y a un temps pour tout.
***
Ce nâest pas dâintuition dont est dotĂ© Romain, mais dâattention.
***
ÒȘa fait toujours plaisir un cadeau, surtout de la part des gens quâon aime.
â
â
AgnĂšs Ledig (Juste avant le bonheur)
â
Je me mis dĂšs lors Ă lire avec aviditĂ© et bientĂŽt la lecture fut ma passion. Tous mes nouveaux besoins, toutes mes aspirations rĂ©centes, tous les Ă©lans encore vagues de mon adolescence qui sâĂ©levaient dans mon Ăąme dâune façon si troublante et qui Ă©taient provoquĂ©s par mon dĂ©veloppement si prĂ©coce, tout cela, soudainement, se prĂ©cipita dans une direction, parut se satisfaire complĂštement de ce nouvel aliment et trouver lĂ son cours rĂ©gulier. BientĂŽt mon cĆur et ma tĂȘte se trouvĂšrent si charmĂ©s, bientĂŽt ma fantaisie se dĂ©veloppa si largement, que jâavais lâair dâoublier tout ce qui mâavait entourĂ©e jusquâalors. Il semblait que le sort lui mĂȘme mâarrĂȘtĂąt sur le seuil de la nouvelle vie dans laquelle je me jetais, Ă laquelle je pensais jour et nuit, et, avant de mâabandonner sur la route immense, me faisait gravir une hauteur dâoĂč je pouvais contempler lâavenir dans un merveilleux panorama, sous une perspective brillante, ensorcelante. Je me voyais destinĂ©e Ă vivre tout cet avenir en lâapprenant dâabord par les livres ; de vivre dans les rĂȘves, les espoirs, la douce Ă©motion de mon esprit juvĂ©nile. Je commençai mes lectures sans aucun choix, par le premier livre qui me tomba sous la main. Mais, le destin veillait sur moi. Ce que jâavais appris et vĂ©cu jusquâĂ ce jour Ă©tait si noble, si austĂšre, quâune page impure ou mauvaise nâeĂ»t pu dĂ©sormais me sĂ©duire. Mon instinct dâenfant, ma prĂ©cocitĂ©, tout mon passĂ© veillaient sur moi ; et maintenant ma conscience mâĂ©clairait toute ma vie passĂ©e.
En effet, presque chacune des pages que je lisais mâĂ©tait dĂ©jĂ connue, semblait dĂ©jĂ vĂ©cue, comme si toutes ces passions, toute cette vie qui se dressaient devant moi sous des formes inattendues, en des tableaux merveilleux, je les avais dĂ©jĂ Ă©prouvĂ©es.
Et comment pouvais-je ne pas ĂȘtre entraĂźnĂ©e jusquâĂ lâoubli du prĂ©sent, jusquâĂ lâoubli de la rĂ©alitĂ©, quand, devant moi dans chaque livre que je lisais, se dressaient les lois dâune mĂȘme destinĂ©e, le mĂȘme esprit dâaventure qui rĂšgnent sur la vie de lâhomme, mais qui dĂ©coulent de la loi fondamentale de la vie humaine et sont la condition de son salut et de son bonheur ! Câest cette loi que je soupçonnais, que je tĂąchais de deviner par toutes mes forces, par tous mes instincts, puis presque par un sentiment de sauvegarde. On avait lâair de me prĂ©venir, comme sâil y avait en mon Ăąme quelque chose de prophĂ©tique, et chaque jour lâespoir grandissait, tandis quâen mĂȘme temps croissait de plus en plus mon dĂ©sir de me jeter dans cet avenir, dans cette vie. Mais, comme je lâai dĂ©jĂ dit, ma fantaisie lâemportait sur mon impatience, et, en vĂ©ritĂ©, je nâĂ©tais trĂšs hardie quâen rĂȘve ; dans la rĂ©alitĂ©, je demeurais instinctivement timide devant lâavenir.
â
â
Fyodor Dostoevsky (Netochka Nezvanova)
â
Themes of descent often turn on the struggle between the titanic and the demonic within the same person or group. In Moby Dick, Ahabâs quest for the whale may be mad and âmonomaniacal,â as it is frequently called, or even evil so far as he sacrifices his crew and ship to it, but evil or revenge are not the point of the quest. The whale itself may be only a âdumb brute,â as the mate says, and even if it were malignantly determined to kill Ahab, such an attitude, in a whale hunted to the death, would certainly be understandable if it were there. What obsesses Ahab is in a dimension of reality much further down than any whale, in an amoral and alienating world that nothing normal in the human psyche can directly confront.
The professed quest is to kill Moby Dick, but as the portents of disaster pile up it becomes clear that a will to identify with (not adjust to) what Conrad calls the destructive element is what is really driving Ahab. Ahab has, Melville says, become a âPrometheusâ with a vulture feeding on him. The axis image appears in the maelstrom or descending spiral (âvortexâ) of the last few pages, and perhaps in a remark by one of Ahabâs crew: âThe skewer seems loosening out of the middle of the world.â But the descent is not purely demonic, or simply destructive: like other creative descents, it is partly a quest for wisdom, however fatal the attaining of such wisdom may be. A relation reminiscent of Lear and the fool develops at the end between Ahab and the little black cabin boy Pip, who has been left so long to swim in the sea that he has gone insane. Of him it is said that he has been âcarried down alive to wondrous depths, where strange shapes of the unwarped primal world glided to and fro . . . and the miser-merman, Wisdom, revealed his hoarded heaps.â
Moby Dick is as profound a treatment as modern literature affords of the leviathan symbolism of the Bible, the titanic-demonic force that raises Egypt and Babylon to greatness and then hurls them into nothingness; that is both an enemy of God outside the creation, and, as notably in Job, a creature within it of whom God is rather proud. The leviathan is revealed to Job as the ultimate mystery of Godâs ways, the âking over all the children of prideâ (41:34), of whom Satan himself is merely an instrument. What this power looks like depends on how it is approached. Approached by Conradâs Kurtz through his Antichrist psychosis, it is an unimaginable horror: but it may also be a source of energy that man can put to his own use. There are naturally considerable risks in trying to do so: risks that Rimbaud spoke of in his celebrated lettre du voyant as a âdĂ©rĂšglement de tous les sens.â The phrase indicates the close connection between the titanic and the demonic that Verlaine expressed in his phrase poĂšte maudit, the attitude of poets who feel, like Ahab, that the right worship of the powers they invoke is defiance.
â
â
Northrop Frye (Words with Power: Being a Second Study of the Bible and Literature)
â
Tu viens d'incendier la BibliothĂšque ?
- Oui.
J'ai mis le feu lĂ .
- Mais c'est un crime inouĂŻ !
Crime commis par toi contre toi-mĂȘme, infĂąme !
Mais tu viens de tuer le rayon de ton Ăąme !
C'est ton propre flambeau que tu viens de souffler !
Ce que ta rage impie et folle ose brûler,
C'est ton bien, ton trésor, ta dot, ton héritage
Le livre, hostile au maĂźtre, est Ă ton avantage.
Le livre a toujours pris fait et cause pour toi.
Une bibliothĂšque est un acte de foi
Des générations ténébreuses encore
Qui rendent dans la nuit témoignage à l'aurore.
Quoi! dans ce vénérable amas des vérités,
Dans ces chefs-d'oeuvre pleins de foudre et de clartés,
Dans ce tombeau des temps devenu répertoire,
Dans les siĂšcles, dans l'homme antique, dans l'histoire,
Dans le passé, leçon qu'épelle l'avenir,
Dans ce qui commença pour ne jamais finir,
Dans les poĂštes! quoi, dans ce gouffre des bibles,
Dans le divin monceau des Eschyles terribles,
Des HomĂšres, des jobs, debout sur l'horizon,
Dans MoliĂšre, Voltaire et Kant, dans la raison,
Tu jettes, misérable, une torche enflammée !
De tout l'esprit humain tu fais de la fumée !
As-tu donc oublié que ton libérateur,
C'est le livre ? Le livre est lĂ sur la hauteur;
Il luit; parce qu'il brille et qu'il les illumine,
Il détruit l'échafaud, la guerre, la famine
Il parle, plus d'esclave et plus de paria.
Ouvre un livre. Platon, Milton, Beccaria.
Lis ces prophĂštes, Dante, ou Shakespeare, ou Corneille
L'Ăąme immense qu'ils ont en eux, en toi s'Ă©veille ;
Ăbloui, tu te sens le mĂȘme homme qu'eux tous ;
Tu deviens en lisant grave, pensif et doux ;
Tu sens dans ton esprit tous ces grands hommes croĂźtre,
Ils t'enseignent ainsi que l'aube Ă©claire un cloĂźtre
Ă mesure qu'il plonge en ton coeur plus avant,
Leur chaud rayon t'apaise et te fait plus vivant ;
Ton Ăąme interrogĂ©e est prĂȘte Ă leur rĂ©pondre ;
Tu te reconnais bon, puis meilleur; tu sens fondre,
Comme la neige au feu, ton orgueil, tes fureurs,
Le mal, les préjugés, les rois, les empereurs !
Car la science en l'homme arrive la premiĂšre.
Puis vient la liberté. Toute cette lumiÚre,
C'est Ă toi comprends donc, et c'est toi qui l'Ă©teins !
Les buts rĂȘvĂ©s par toi sont par le livre atteints.
Le livre en ta pensée entre, il défait en elle
Les liens que l'erreur Ă la vĂ©ritĂ© mĂȘle,
Car toute conscience est un noeud gordien.
Il est ton médecin, ton guide, ton gardien.
Ta haine, il la guérit ; ta démence, il te l'Îte.
Voilà ce que tu perds, hélas, et par ta faute !
Le livre est ta richesse Ă toi ! c'est le savoir,
Le droit, la vérité, la vertu, le devoir,
Le progrÚs, la raison dissipant tout délire.
Et tu détruis cela, toi !
- Je ne sais pas lire.
â
â
Victor Hugo
â
Patrice a vingt-quatre ans et, la premiĂšre fois que je lâai vu, il Ă©tait dans son fauteuil inclinĂ© trĂšs en arriĂšre. Il a eu un accident vasculaire cĂ©rĂ©bral. Physiquement, il est incapable du moindre mouvement, des pieds jusquâĂ la racine des cheveux. Comme on le dit souvent dâune maniĂšre trĂšs laide, il a lâaspect dâun lĂ©gume : bouche de travers, regard fixe. Tu peux lui parler, le toucher, il reste immobile, sans rĂ©action, comme sâil Ă©tait complĂštement coupĂ© du monde. On appelle ça le locked in syndrome.Quand tu le vois comme ça, tu ne peux quâimaginer que lâensemble de son cerveau est dans le mĂȘme Ă©tat. Pourtant il entend, voit et comprend parfaitement tout ce qui se passe autour de lui. On le sait, car il est capable de communiquer Ă lâaide du seul muscle qui fonctionne encore chez lui : le muscle de la paupiĂšre. Il peut cligner de lâĆil. Pour lâaider Ă sâexprimer, son interlocuteur lui propose oralement des lettres de lâalphabet et, quand la bonne lettre est prononcĂ©e, Patrice cligne de lâĆil.
 Lorsque jâĂ©tais en rĂ©animation, que jâĂ©tais complĂštement paralysĂ© et que jâavais des tuyaux plein la bouche, je procĂ©dais de la mĂȘme maniĂšre avec mes proches pour pouvoir communiquer. Nous nâĂ©tions pas trĂšs au point et il nous fallait parfois un bon quart dâheure pour dicter trois pauvres mots.
Au fil des mois, Patrice et son entourage ont perfectionnĂ© la technique. Une fois, il mâest arrivĂ© dâassister Ă une discussion entre Patrice et sa mĂšre. Câest trĂšs impressionnant.La mĂšre demande dâabord : « Consonne ? » Patrice acquiesce dâun clignement de paupiĂšre. Elle lui propose diffĂ©rentes consonnes, pas forcĂ©ment dans lâordre alphabĂ©tique, mais dans lâordre des consonnes les plus utilisĂ©es. DĂšs quâelle cite la lettre que veut Patrice, il cligne de lâĆil. La mĂšre poursuit avec une voyelle et ainsi de suite. Souvent, au bout de deux ou trois lettres trouvĂ©es, elle anticipe le mot pour gagner du temps. Elle se trompe rarement. Cinq ou six mots sont ainsi trouvĂ©s chaque minute.Â
Câest avec cette technique que Patrice a Ă©crit un texte, une sorte de longue lettre Ă tous ceux qui sont amenĂ©s Ă le croiser. Jâai eu la chance de lire ce texte oĂč il raconte ce qui lui est arrivĂ© et comment il se sent. Ă cette lecture, jâai pris une Ă©norme gifle. Câest un texte brillant, Ă©crit dans un français subtil, lĂ©ger malgrĂ© la tragĂ©die du sujet, rempli dâhumour et dâautodĂ©rision par rapport Ă lâĂ©tat de son auteur. Il explique quâil y a de la vie autour de lui, mais quâil y en a aussi en lui. Câest juste la jonction entre les deux mondes qui est un peu compliquĂ©e.Jamais je nâaurais imaginĂ© que ce texte si puissant ait Ă©tĂ© Ă©crit par ce garçon immobile, au regard entiĂšrement vide.
 Avec lâexpĂ©rience acquise ces derniers mois, je pensais ĂȘtre capable de diagnostiquer lâĂ©tat des uns et des autres seulement en les croisant ; jâai reçu une belle leçon grĂące Ă Patrice.Une leçon de courage dâabord, Ă©tant donnĂ© la vitalitĂ© des propos que jâai lus dans sa lettre, et, aussi, une leçon sur mes a priori.
Plus jamais dorénavant je ne jugerai une personne handicapée à la vue seule de son physique.
Câest jamais inintĂ©ressant de prendre une bonne claque sur ses propres idĂ©es reçues .
â
â
Grand corps malade (Patients)