Oublie Quotes

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Je suis comme ça. Ou j'oublie tout de suite ou je n'oublie jamais." Samuel BECKETT, En attendant Godot I'm like that. Either I forget right away or I never forget.
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Samuel Beckett (Waiting for Godot)
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N'oublie jamais, celui qui croit savoir n'apprend plus.
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Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
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n'oublie pas, dit le renard, c'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante. -c'est le temps que j'ai perdu pour ma rose... fit le petit prince, afin de souvenir...
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Antoine de Saint-Exupéry (The Little Prince: Pangeran Kecil)
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Zakhor, Al Tichkah.' Souviens-toi. N'oublie jamais.
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Tatiana de Rosnay (Sarah's Key)
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La mĂ©moire de la plupart des hommes est un cimetiĂšre abandonnĂ©, oĂč gisent sans honneurs des morts qu'ils ont cessĂ© de chĂ©rir. Toute douleur prolongĂ©e insulte Ă  leur oubli.
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Marguerite Yourcenar (Memoirs of Hadrian)
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L'oubli puissant habite sur ta bouche, Et le Léthé coule dans tes baisers.
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Charles Baudelaire (Les Fleurs du Mal)
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T'oublies un truc, cherie. C'est moi, le psychopathe du coin. - Clay Danvers
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Kelley Armstrong
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J'ai trop vu, trop senti, trop aimĂ© dans ma vie; Je viens chercher vivant le calme du LĂ©thĂ©. Beaux lieux, soyez pour moi ces bords oĂč l'on oublie: L'oubli seul dĂ©sormais est ma fĂ©licitĂ©.
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Alphonse de Lamartine
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Les gens, au fond, admirent les fous. Oui, les gens admirent la folie. On finit toujours par oublier. On oublie la boucherie, on oublie la barbarie et on admire la folie.
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Michel Bussi (Les Nymphéas noirs)
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Tu oublies que tout le monde n'a pas ta force, ni ton courage..." "On ne nait pas courageux, on le devient".
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Marjane Satrapi (Embroideries (Pantheon Graphic Library))
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Crois-moi, il n'y a pas de grande douleur, pas de grands repentirs, de grands souvenirs. Tout s'oublie mĂȘme les grandes amours. C'est ce qu'il y a de triste et d'exaltant Ă  la fois dans la vie. Il y a seulement une certaine façon de voir les choses et elle surgit de temps en temps. C'est pour ça qu'il est bon quand mĂȘme d'avoir eu un grand amour, une passion malheureuse dans sa vie. Ça fait du moins un alibi pour les dĂ©sespoirs sans raison dont nous sommes accablĂ©s.
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Albert Camus (A Happy Death)
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Au bout de combien de temps oublie-t-on l'odeur de celui qui vous a aimée? Et quand cesse-t-on d'aimer à son tour? Qu'on me tende un sablier.
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Anna Gavalda (Someone I Loved (Je l'aimais))
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On redoute toujours de perdre la mémoire. C'est elle la source de nos maux. On ne vit bien que dans l'oubli. La mémoire est le pire ennemi du bonheur. Les gens heureux oublient
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Jean-Michel Guenassia (Le Club des incorrigibles optimistes)
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Chaque matin, je me dégage des bras enchanteurs de Morphée, pétrifiée à l'idée de ces heures interminables qui s'égrÚneront lentement jusqu'à ce que je puisse me replonger dans l'oubli bienfaisant d'un nouveau sommeil.
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Lolita Pille (Hell)
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Je suis comme ça. Ou j'oublie tout de suite ou je n'oublie jamais
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Samuel Beckett (Waiting for Godot)
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Oui, ma vie Ce fut d'ĂȘtre celui qui souffle - et qu'on oublie !
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Edmond Rostand
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je sais que les livres sont faits pour unir les hommes par-delà la mort et nous défendre contre l'ennemi le plus implacable de toute vie, l'oubli.
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Stefan Zweig
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La lutte de l'homme contre le pouvoir est la lutte de la mémoire contre l'oubli.
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Milan Kundera
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Notre siÚcle n'est plus un siÚcle à trésors. C'est un siÚcle de consumation et de fuite, un temps de fiÚvre et d'oubli.
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J.M.G. Le Clézio
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she guarded her own privacy carefully and subscribed to the French notion of le droit à l’oubli—the right to be forgotten
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Kate Morton (The Clockmaker's Daughter)
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l'oubli dont je commençais à sentir la force et qui est un si puissant instrument d'adaptation à la réalité parce qu'il détruit peu à peu le passé survivant qui est en constante contradiction avec elle.
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Marcel Proust
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Too late" arrives sooner than we think.
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Alix Garin (Ne m'oublie pas)
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Bien des choses se sont détachées de moi. J'ai survécu à certain désirs; j'ai perdu des amis, les uns par la mort, d'autres par ma simple incapacité à traverser la rue.
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Virginia Woolf (The Waves)
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Il faut dire je t'aime quand on a le temps. aprĂšs on oublie, aprĂšs on part, aprĂšs on meurt.
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Claire Berest (Rien n'est noir)
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On n'oublie rien de rien On n'oublie rien du tout On n'oublie rien de rien On s'habitue c'est tout
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Jacques Brel
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premiÚre et légÚre esquisse du chagrin que cause une séparation et des progrÚs irréguliers de l'oubli
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Marcel Proust (A l'ombre des jeunes filles en fleurs / Le CÎté de Guermantes / Esquisses)
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« Tout s’en va, tout passe, l’eau coule, et le cƓur oublie. » “Everything goes, everything passes, the water flows, and the heart forgets.
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Gustave Flaubert (Madame Bovary)
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Jusque-là, j'avais toujours été aidé par un étonnant pouvoir d'oubli.
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Albert Camus (La Chute)
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La plupart du temps, faute de s'attacher à des mots, mes pensées restent des brouillards. Elles dessinent des formes vagues et plaisantes, s'engloutissent : aussitÎt, je les oublie.
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Jean-Paul Sartre (Nausea)
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que ferais-je sans ce monde que ferais-je sans ce monde sans visage sans questions oĂč ĂȘtre ne dure qu'un instant oĂč chaque instant verse dans le vide dans l'oubli d'avoir Ă©tĂ© sans cette onde oĂč Ă  la fin corps et ombre ensemble s'engloutissent que ferais-je sans ce silence gouffre des murmures haletant furieux vers le secours vers l'amour sans ce ciel qui s'Ă©lĂšve sur la poussieĂšre de ses lests que ferais-je je ferais comme hier comme aujourd'hui regardant par mon hublot si je ne suis pas seul Ă  errer et Ă  virer loin de toute vie dans un espace pantin sans voix parmi les voix enfermĂ©es avec moi Translation... what would I do without this world what would I do without this world faceless incurious where to be lasts but an instant where every instant spills in the void the ignorance of having been without this wave where in the end body and shadow together are engulfed what would I do without this silence where the murmurs die the pantings the frenzies towards succour towards love without this sky that soars above its ballast dust what would I do what I did yesterday and the day before peering out of my deadlight looking for another wandering like me eddying far from all the living in a convulsive space among the voices voiceless that throng my hiddenness
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Samuel Beckett (Collected Poems in English and French)
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Oublie pour toujours cette idée que le chemin est un moyen d'Arriver à une destination : en réalité, chaque pas est toujours une arrivée.
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null
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Certains se battent pour ne pas oublier, d'autres plus nombreux, pour ne pas ĂȘtre oubliĂ©s.
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Anne Vergne (Egaré dans la Via Veneto (French Edition))
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Plus un mĂ©lange n’est absurde – C’est ici que l’on voit le crĂ©ateur de mots Celui qui se dĂ©truit dans les fils qu’il engendre Et qui nomme l’oubli de tous les noms du monde
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Paul Éluard (Capital of Pain)
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On ne s'occupe pas assez, chez nous, de la derniÚre demeure de ceux qu'on aime : on pare leur lit d'un jour, et on oublie leur couche de l'éternité !
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Alexandre Dumas (Pauline)
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On se souvient de rien, et puisqu'on oublie tout, rien c'est bien mieux que tout.
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Serge Gainsbourg
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Le degré de lenteur est directement proportionnel à l'intensité de la mémoire ; le degré de la vitesse est directement proportionnel à l'intensité de l'oubli.
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Milan Kundera
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Juste avant de mourir, mon grand-pÚre m'a fait un don merveilleux. Plus précieux que le plus précieux des trésors. Un don magique. Juste avant de mourir, mon grand-pÚre m'a offert une phrase. Une simple phrase. 'N'oublie pas, Elio, seuls l'amour et la vérité sont des pouvoirs.
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Pierre Bottero (La HuitiĂšme Porte (L'Autre, #3))
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La mémoire garde trace de chaque étape d'un voyage au long cours. Comme si le mouvement avait le rÎle d'un fixateur de souvenirs ou que le temps, lorsqu'il était mesuré par le défilement de l'espace, ne se dissolvait plus dans l'oubli. La route intensifie les événements de la vie.
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Sylvain Tesson (Éloge de l'Ă©nergie vagabonde)
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Comme toi, moi aussi, j'ai essayé de lutter de toutes mes forces contre l'oubli. Comme toi, j'ai oublié. Comme toi, j'ai désiré avoir une inconsolable mémoire, une mémoire d'ombres et de pierre.
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Marguerite Duras (Hiroshima mon amour)
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Est fou, bien sûr, qui se refuse aux délices du vin, quand on peut dresser haut celui que je tiens là, palper un sein, caresser des deux mains une prairie offerte ! L'or danse et l'on oublie ses maux !
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Euripides (Cyclops)
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Oh! je voudrais tant que tu te souviennes Des jours heureux oĂč nous Ă©tions amis En ce temps-lĂ  la vie Ă©tait plus belle Et le soleil plus brĂ»lant qu'aujourd'hui. Les feuilles mortes se ramassent Ă  la pelle Tu vois, je n'ai pas oubliĂ© Les feuilles mortes se ramassent Ă  la pelle Les souvenirs et les regrets aussi. Et le vent du Nord les emporte, Dans la nuit froide de l'oubli. Tu vois je n'ai pas oubliĂ©, La chanson que tu me chantais... Les feuilles mortes se ramassent Ă  la pelle Les souvenirs et les regrets aussi, Mais mon amour silencieux et fidĂšle Sourit toujours et remercie la vie. Je t'aimais tant, tu Ă©tais si jolie, Comment veux-tu que je t'oublie? En ce temps-lĂ  la vie Ă©tait plus belle Et le soleil plus brĂ»lant qu'aujourd'hui. Tu Ă©tais ma plus douce amie Mais je n'ai que faire des regrets. Et la chanson que tu chantais, Toujours, toujours je l'entendrai. C'est une chanson qui nous ressemble, Toi tu m'aimais, moi je t'aimais Et nous vivions, tous deux ensemble, Toi qui m'aimais, moi qui t'aimais. Mais la vie sĂ©pare ceux qui s'aiment, Tout doucement, sans faire de bruit Et la mer efface sur le sable Les pas des amants dĂ©sunis. C'est une chanson qui nous ressemble, Toi tu m'aimais et je t'aimais Et nous vivions tous deux ensemble, Toi qui m'aimais, moi qui t'aimais. Mais la vie sĂ©pare ceux qui s'aiment, Tout doucement, sans faire de bruit Et la mer efface sur le sable Les pas des amants dĂ©sunis.
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Jacques Prévert
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Elodie couldn’t understand the modern urge to share one’s innermost feelings publicly and permanently; she guarded her own privacy carefully and subscribed to the French notion of le droit à l’oubli—the right to be forgotten.
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Kate Morton (The Clockmaker's Daughter)
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CYRANO Ă  LE BRET : Regarde-moi, mon cher, et dis quelle espĂ©rance Pourrait bien me laisser cette protubĂ©rance ! Oh ! je ne me fais pas d'illusion ! - Parbleu, Oui, quelquefois, je m'attendris, dans le soir bleu ; J'entre en quelque jardin oĂč l'heure se parfume ; Avec mon pauvre grand diable de nez je hume L'avril, - je suis des yeux, sous un rayon d'argent, Au bras d'un cavalier, quelque femme, en songeant Que pour marcher, Ă  petits pas, dans de la lune, Aussi moi j'aimerais au bras en avoir une, Je m'exalte, j'oublie... et j'aperçois soudain L'ombre de mon profil sur le mur du jardin !
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Edmond Rostand (Cyrano de Bergerac)
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The train began to move. Yves looked stunned for a moment, Eric raised his eyes from Yves' face to say good-bye to all the others. Yves trotted along the platform, then suddenly leapt up on the step, holding on with one hand, and kissed Eric hard on the mouth. "Ne m'oublie pas," he whispered. "You are all I have in this world.
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James Baldwin (Another Country)
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And then the next fifteen years fell apart: a few blurry faces, a few vague memories, ashes...
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Patrick Modiano (Du plus loin de l'oubli)
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La mĂ©moire de la plupart des hommes est un cimetiĂšre abandonnĂ©, oĂč gisent sans honneur des mort qu'ils ont cessĂ© de chĂ©rir. Toute douleur prolongĂ©e insulte Ă  leur oubli.
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Marguerite Yourcenar (Mémoires d'Hadrien)
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Besoin désespéré du souvenir, mais profond soulagement de l'oubli.
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Kim Liggett (The Grace Year)
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L'exil accĂ©lĂšre l'oubli. L'exil va vite. Il suffit de quelques mois parfois, d'une annĂ©e ou deux, pour que le pays qui Ă©tait le sien ne soit plus le mĂȘme.
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Nahal Tajadod (Elle joue)
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Qui rĂȘve trop oublie de vivre.
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Yasmina Khadra (The Attack)
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Je reviens sur la piste, je danse encore, j'oublie mon corps, j'oublie la honte.
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Philippe Besson (« ArrĂȘte avec tes mensonges »)
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Who forgets himself in love remembers the future. (Qui s'oublie dans l'amour - Se souvient du futur)
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Charles de Leusse
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Accepter que tel ou tel ĂȘtre, que nous aimions, soit mort. Accepter que tel et tel, vivants, aient eu leurs faiblesses, leurs bassesses, leurs erreurs, que nous essayons vainement de recourvrir de pieux mensonges, un peu par respect et par pitiĂ© pour eux, beaucoup par pitiĂ© pour nous-mĂȘmes, et pour la vaine gloire d’avoir aimĂ© seulement la perfection, l’intelligence ou la beautĂ©. Accepter qu’ils soient morts avant leur temps, parce qu’il n’y a pas de temps. Accepter de les oublier, puisque l’oubli fait partie de l’ordre des choses. Accepter de s’en souvenir, puisqu’en secret la mĂ©moire se cĂąche au fond de l’oubli. Accepter mĂȘme, mais en se promettant de faire mieux la prochaine fois, et Ă  la prochaine rencontre, de les avoir maladroitement ou mĂ©diocrement aimĂ©s.
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Marguerite Yourcenar (Pellegrina e straniera)
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Il n’existe pas de technique de l’oubli, nous en sommes encore aux processus naturels de hasard – lĂ©sions cĂ©rĂ©brales, amnĂ©sie ou l’improvisation manuelle, que sais-je, un voyage, l’alcool, la cure de sommeil, le suicide.
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Umberto Eco
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On sait pas comment faire pour jamais oublier parce que j'pense que le vrai problÚme c'est ça c'est pas qu'on s'aime pus c'est qu'on oublie pis qu'on a pas appris comment faire vieillir la maniÚre de se dire qu'on s'aime.
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Steve Gagnon (Ventre)
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Je ne luttais plus contre les coutumes à la fois vénérables et vaines ; tout ce qui met en lumiÚre l'effort de l'homme, ne fût-ce que pour la durée d'un jour, me semblait salutaire en présence d'un monde si prompt à l'oubli.
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Marguerite Yourcenar (Memoirs of Hadrian)
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PlacĂ©e plus prĂšs du plafond que ne le sont d'habitude les simples mortels, Tonia sombrait dans la brume des souffrances qu'elle avait traversĂ©es, elle paraissait nimbĂ©e d'Ă©puisement. Elle s'Ă©levait au milieu de la salle comme, au milieu d'une baie, un navire qui viendrait de jeter l'ancre et se serait vidĂ© de son chargement d'Ăąmes nouvelles, amenĂ©es on ne sait d'oĂč sur le continent de la vie Ă  travers l'ocĂ©an de la mort. Elle venait seulement de dĂ©barquer l'une de ces Ăąmes, et maintenant elle Ă©tait en rade et se reposait, de toute la vacuitĂ© de ses flancs allĂ©gĂ©s. Ses agrĂšs et sa carĂšne abĂźmĂ©s et surmenĂ©s se reposaient en mĂȘme temps qu'elle, ainsi que son oubli, le souvenir effacĂ© de l'endroit d'oĂč elle venait, de sa traversĂ©e et de son arrivĂ©e Ă  bon port. Et comme personne ne connaissait la gĂ©ographie du pays sous le pavillon duquel elle Ă©tait amarrĂ©e, on ne savait dans quelle langue lui adresser la parole.
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Boris Pasternak (Doctor Zhivago)
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Aimer remplace presque penser. L’amour est un ardent oubli du reste. Demandez donc de la logique Ă  la passion. Il n’y a pas plus d’enchaĂźnement logique absolu dans le cƓur humain qu’il n’y a de figure gĂ©omĂ©trique parfaite dans la mĂ©canique cĂ©leste.
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Victor Hugo (Les Misérables)
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As the company headed for the table, I drew her over to the window and passionately kissed her face, which had delicately recovered from its past suffering. I was wrong to say that I have never recaptured the sweetness of that kiss at Les Oublis. The kiss on this evening was as sweet as no other. Or rather, it was the kiss of Les Oublis, which, evoked by the allure of a similar minute, slipped gently from the depths of the past and settled between my mother’s still vaguely pale cheeks and my lips.
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Marcel Proust (Pleasures and Days)
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C'est une erreur de croire que la passion, quand elle est heureuse et pure, conduit l'homme Ă  un Ă©tat de perfection; elle le conduit simplement, nous l'avons constatĂ©, Ă  un Ă©tat d'oubli. Dans cette situation, l'homme oublie d'ĂȘtre mauvais, mais il oublie aussi d'ĂȘtre bon.
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Victor Hugo (Les Misérables)
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L'heure s'est dĂ©roulĂ©e rapidement : rĂ©cits de combats ; batailles gagnĂ©es sur des guerres qui seraient forcĂ©ment perdues ; espoirs auxquels se raccrocher ; familles Ă  la fois vantĂ©es et accusĂ©es ; accord gĂ©nĂ©ral sur le fait que les amis n'y pigeaient rien ; larmes versĂ©es ; rĂ©confort prodiguĂ©. (
) - J'ai peur de l'oubli. J'en ai peur comme un aveugle que je connais a peur du noir. - Futur aveugle, a prĂ©cisĂ© Isaac avec une Ă©bauche de sourire. - Je suis trop dur ? a demandĂ© Augustus. C'est vrai qu'il m'arrive d'ĂȘtre aveugle aux sentiments des autres.
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John Green (The Fault in Our Stars)
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Suis-je donc un Narcisse ? Pas mĂȘme : trop soucieux de sĂ©duire, je m'oublie. AprĂšs tout, ça ne m'amuse pas tant de faire des pĂątĂ©s, des gribouillages, mes besoins naturels : pour leur donner du prix Ă  mes yeux, il faut qu'au moins une grande personne s'extasie sur mes produits.
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Jean-Paul Sartre (Les Mots)
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LE PRINCE Est-ce de l’époux ou de l’amant que vous avez peur ? LAURETTE C’est de la nuit. LE PRINCE Elle est perfide aussi, mais elle est discrĂšte. Qu’oserez-vous lui confier ?... La rĂ©ponse au billet ? LAURETTE Qu’en dirait-elle ? LE PRINCE Elle n’en laissera rien voir Ă  l’époux. Elle lui donne le billet ; il le dĂ©chire. Ne la craignez pas, Laurette. Le secret d’une jeune fiancĂ©e est fait pour la nuit ; elle seule renferme les deux grands secrets du bonheur : le plaisir et l’oubli. LAURETTE Mais le chagrin ? LE PRINCE C’est une rĂ©flexion ; et il est si facile de la perdre ! LAURETTE Est-ce aussi un secret ?
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Alfred de Musset (La nuit vénitienne)
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Je n'ai jamais Ă©crit que les histoires d'un homme sans passĂ© : les hĂ©ros de mes livres sont les produits d'une Ă©poque d'immĂ©diatetĂ©, paumĂ©s dans un prĂ©sent dĂ©racinĂ© - transparents habitants d'un monde oĂč les Ă©motions sont Ă©phĂ©mĂšres comme des papillons, oĂč l'oubli protĂšge de la douleur. Il est possible, j'en suis la preuve, de ne garder en mĂ©moire que quelques bribes de son enfance, et encore la plupart sont fausses, ou façonnĂ©es a posteriori. Pareille amnĂ©sie est encouragĂ©e par notre sociĂ©tĂ© : mĂȘme le futur antĂ©rieur est en voie de disparition grammaticale. Mon handicap sera bientĂŽt banal; mon cas va devenir une gĂ©nĂ©ralitĂ©.
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Frédéric Beigbeder
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refusez l'injonction millĂ©naire de faire Ă  tout prix des enfants. Elle est insupportable et rĂ©duit les femmes Ă  un ventre. DĂ©possĂ©dĂ©es de tout pouvoir, elles n'ont longtemps eu droit qu'Ă  ce destin : perpĂ©tuer l'humanitĂ©. Et malheur aux femmes stĂ©riles (qu'on ne se privait pas de rĂ©pudier) ou au choix de la "nullipare" : il Ă©tait incomprĂ©hensible, sinon rĂ©prĂ©hensible. La "mĂšre" Ă©tait souveraine. La littĂ©rature, les conventions sociales, la publicitĂ©, les lois en ont créé un stĂ©rĂ©otype, que l'on met sur un piĂ©destal, aurĂ©olĂ© de son abnĂ©gation et de son oubli d'elle-mĂȘme. On mĂ©prise la femme, mais on vĂ©nĂšre la mĂšre, dont l'enfant devient l'ornement.
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GisÚle Halimi (Une farouche liberté)
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J'ai ri. Il a secouĂ© la tĂȘte et m'a regardĂ©e. - Quoi ? Ai-je demandĂ©. - Rien, a t-il rĂ©pondu. - Pourquoi tu me regardes comme ça ? Augustus a eu un petit sourire. - Parce-que tu es belle. J'aime regarder les gens beaux et, depuis un certain temps, j'ai dĂ©cidĂ© de ne me refuser aucun petit plaisir de la vie. D'autant plus que, comme tu l'as dĂ©licieusement fait remarquer, tout ceci tombera dans l'oubli. - Je ne suis pas bel... - Tu es belle comme mille Natalie Portman. Natalie Portman dans V pour Vendetta. (...) - Ah bon ? S'est-il Ă©tonnĂ©. Fille sublime, cheveux courts, dĂ©teste l'autoritĂ© et ne peut s'empĂȘcher de craquer pour le garçon qui ne lui apportera que des ennuies. Ta bio, en somme.
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John Green (The Fault in Our Stars)
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y lo que ha dicho el fiscal es que un hombre no debe morir por tan poca cosa
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Laurent Mauvignier (Ce que j'appelle oubli)
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Bien des choses se sont détachées de moi. J'ai survécu à certains désirs; j'ai perdu des amis, les uns par la mort, d'autres par ma simple incapacité à traverser la rue.
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Virginia Woolf (The Waves)
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- [...] HonnĂȘtement, je sais plus si c'est une histoire vraie ou une histoire inventĂ©e, mais je sais que c'est toute la littĂ©rature que je sortirai jamais d'une MacCroquette. Au final, je me retrouve toujours lĂ . Les MacCroquettes ne sont pas des madeleines, l'oubli est plus fort que la mĂ©moire et on peut pas Ă©crire toute sa vie sur l'impossibilitĂ© de raconter.
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Samuel Archibald (Arvida)
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C’est ça aussi, la vie. La vie, c’est qu’un jour je quitterai Pablo, ou Pablo me quittera. Je lui prĂ©fĂ©rai quelqu’un ou il en aura marre de moi, et ce sera triste mais ce ne sera pas tragique. Et puis la tristesse passera, elle aussi, comme le bonheur, comme la vie, comme les souvenirs qu’on oublie pour moins souffrir ou qu’on mĂ©lange avec ceux des autres ou avec ses mensonges.
”
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Justine Lévy (Nothing Serious)
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Je me mis dĂšs lors Ă  lire avec aviditĂ© et bientĂŽt la lecture fut ma passion. Tous mes nouveaux besoins, toutes mes aspirations rĂ©centes, tous les Ă©lans encore vagues de mon adolescence qui s’élevaient dans mon Ăąme d’une façon si troublante et qui Ă©taient provoquĂ©s par mon dĂ©veloppement si prĂ©coce, tout cela, soudainement, se prĂ©cipita dans une direction, parut se satisfaire complĂštement de ce nouvel aliment et trouver lĂ  son cours rĂ©gulier. BientĂŽt mon cƓur et ma tĂȘte se trouvĂšrent si charmĂ©s, bientĂŽt ma fantaisie se dĂ©veloppa si largement, que j’avais l’air d’oublier tout ce qui m’avait entourĂ©e jusqu’alors. Il semblait que le sort lui mĂȘme m’arrĂȘtĂąt sur le seuil de la nouvelle vie dans laquelle je me jetais, Ă  laquelle je pensais jour et nuit, et, avant de m’abandonner sur la route immense, me faisait gravir une hauteur d’oĂč je pouvais contempler l’avenir dans un merveilleux panorama, sous une perspective brillante, ensorcelante. Je me voyais destinĂ©e Ă  vivre tout cet avenir en l’apprenant d’abord par les livres ; de vivre dans les rĂȘves, les espoirs, la douce Ă©motion de mon esprit juvĂ©nile. Je commençai mes lectures sans aucun choix, par le premier livre qui me tomba sous la main. Mais, le destin veillait sur moi. Ce que j’avais appris et vĂ©cu jusqu’à ce jour Ă©tait si noble, si austĂšre, qu’une page impure ou mauvaise n’eĂ»t pu dĂ©sormais me sĂ©duire. Mon instinct d’enfant, ma prĂ©cocitĂ©, tout mon passĂ© veillaient sur moi ; et maintenant ma conscience m’éclairait toute ma vie passĂ©e. En effet, presque chacune des pages que je lisais m’était dĂ©jĂ  connue, semblait dĂ©jĂ  vĂ©cue, comme si toutes ces passions, toute cette vie qui se dressaient devant moi sous des formes inattendues, en des tableaux merveilleux, je les avais dĂ©jĂ  Ă©prouvĂ©es. Et comment pouvais-je ne pas ĂȘtre entraĂźnĂ©e jusqu’à l’oubli du prĂ©sent, jusqu’à l’oubli de la rĂ©alitĂ©, quand, devant moi dans chaque livre que je lisais, se dressaient les lois d’une mĂȘme destinĂ©e, le mĂȘme esprit d’aventure qui rĂšgnent sur la vie de l’homme, mais qui dĂ©coulent de la loi fondamentale de la vie humaine et sont la condition de son salut et de son bonheur ! C’est cette loi que je soupçonnais, que je tĂąchais de deviner par toutes mes forces, par tous mes instincts, puis presque par un sentiment de sauvegarde. On avait l’air de me prĂ©venir, comme s’il y avait en mon Ăąme quelque chose de prophĂ©tique, et chaque jour l’espoir grandissait, tandis qu’en mĂȘme temps croissait de plus en plus mon dĂ©sir de me jeter dans cet avenir, dans cette vie. Mais, comme je l’ai dĂ©jĂ  dit, ma fantaisie l’emportait sur mon impatience, et, en vĂ©ritĂ©, je n’étais trĂšs hardie qu’en rĂȘve ; dans la rĂ©alitĂ©, je demeurais instinctivement timide devant l’avenir.
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Fyodor Dostoevsky (Netochka Nezvanova)
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Les murs s’effritent : l’actualitĂ© force les portes du temple, la libertĂ© des Modernes s’invite dans les cours de rĂ©crĂ©ation et des salles de classe, le prĂ©sent ne s’oublie jamais, les envies de la vie envahissant l’institution, la sociĂ©tĂ©, avec ses codes, ses modes, ses marques, ses emblĂšmes, ses objets fĂ©tiches, ses signes d’appartenance et de reconnaissance, dĂ©ferle Ă  l’école. (p49)
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Alain Finkielkraut (L'Identité malheureuse)
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Un jour viendra, ai-je dit, oĂč nous serons tous morts. Tous. Un jour viendra oĂč il ne restera plus aucun ĂȘtre humain pour se rappeler l'existence des hommes. Un jour viendra oĂč il ne restera plus personne pour se souvenir d'Aristote ou de ClĂ©opĂątre, encore moins de toi. Tout ce qui a Ă©tĂ© fait, construit, Ă©crit, pensĂ© ou dĂ©couvert sera oubliĂ©, et tout ça, ai-je ajoutĂ© avec un geste large, n'aura servi Ă  rien. Ce jour viendra bientĂŽt ou dans des millions d'annĂ©es. Quoi qu'il arrive, mĂȘme si nous survivons Ă  la fin du soleil, nous ne survivrons pas toujours. Du temps s'est Ă©coulĂ© avant que les organismes acquiĂšrent une conscience et il s'en Ă©coulera aprĂšs. Alors si l'oubli inĂ©luctable de l'humanitĂ© t'inquiĂšte, je te conseille de ne pas y penser. C'est ce que tout le monde fait.
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John Green (The Fault in Our Stars)
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J’ai arpentĂ© les galeries sans fin des grandes bibliothĂšque, les rues de cette ville qui fĂ»t la nĂŽtre, celle oĂč nous partagions presque tous nos souvenirs depuis l’enfance. Hier, j’ai marchĂ© le long des quais, sur les pavĂ©s du marchĂ© Ă  ciel ouvert que tu aimais tant. Je me suis arrĂȘtĂ© par-ci par-lĂ , il me semblait que tu m’accompagnais, et puis je suis revenu dans ce petit bar prĂšs du port, comme chaque vendredi. Te souviendras-tu ? Je ne sais pas oĂč tu es. Je ne sais pas si tout ce que nous avons vĂ©cu avait un sens, si la vĂ©ritĂ© existe, mais si tu trouves ce petit mot un jour, alors tu sauras que j’ai tenu ma promesse, celle que je t’ai faite. A mon tour de te demander quelque chose, tu me le dois bien. Oublie ce que je viens d’écrire, en amitiĂ© on ne doit rien. Mais voici nĂ©anmoins ma requĂȘte : Dis-lui, dis-lui que quelque part sur cette terre, loin de vous, de votre temps, j’ai arpentĂ© les mĂȘmes rues, ri avec toi autour des mĂȘmes tables, et puisque les pierres demeurent, dis-lui que chacune de celles oĂč nous avons posĂ© nos mais et nos regards contient Ă  jamais une part de notre histoire. Dis-lui, que j’étais ton ami, que tu Ă©tais mon frĂšre, peut-ĂȘtre mieux encore puisque nous nous Ă©tions choisis, dis-lui que rien n’a jamais pu nous sĂ©parer, mĂȘme votre dĂ©part si soudain.
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Marc Levy (La prochaine fois)
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Les passantes : Je veux dĂ©dier ce poĂšme A toutes les femmes qu'on aime Pendant quelques instants secrets A celles qu'on connait Ă  peine Qu'un destin diffĂ©rent entraine Et qu'on ne retrouve jamais ...... A la compagne de voyage Dont les yeux, charmant paysage Font apparaitre court le chemin Qu'on est seul, peut-ĂȘtre Ă  comprendre Et qu'on laisse pourtant descendre Sans avoir effleurĂ© sa main. .... ChĂšres images aperçues EspĂ©rances d'un jour deçues Vous serez dans l'oubli demain Pour peu que le bonheur survienne Il est rare qu'on se souvienne Des Ă©pisodes du chemin. Mais si lon a manquĂ© sa vie On songe avec un peu d'envie A tous ces bonheurs entrevus Aux baisers qu'on n'osa pas prendre Aux coeurs qui doivent vous attendre Aux yeux qu'on n'a jamais revus. Alors aux soirs de lassitude Tout en peuplant sa solitude Des fantĂŽmes du souvenir On pleure les lĂšvres absentes De toutes ces belles passantes Que l'on n'a pas su retenir.
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Antoine Polin
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Notre plus grande peur est la peur d'aimer. Toute souffrance a commencĂ© par l'amour ; l'amour bafouĂ©, reniĂ©, ignorĂ©. L'abandon ou les cris dans une chambre d'enfant. Si c'est cette peur qui nous fait souhaiter construire un univers oĂč nous n'aurons plus peur - oĂč rĂ©gnera une atmosphĂšre de sĂ©curitĂ©- , alors l'impulsion crĂ©atrice n'est pas la bonne. Si c'est la peur qui nous fait rĂȘver d'un monde sans violence, nous y programmons aussitĂŽt la violence. "Qui prĂ©fĂšre la sĂ©curitĂ© Ă  la libertĂ© aura vite fait de perdre les deux." Il faut sortir de l'illusion sĂ©curisante. L'amour, par nature, met en danger. L'amour nous emporte au large, loin des estuaires et des ports de plaisance. Il dĂ©coiffe les anxieux, les craintifs, les inquiets. (p. 79-80)
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Christiane Singer (N'oublie pas les chevaux écumants du passé)
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Quant aux dĂ©ceptions que le monde peut vous faire Ă©prouver, je trouve que c’est lui faire trop d’honneur, il ne mĂ©rite pas cette importance. Pour moi, voici le principe : on a toujours affaire Ă  des canailles. – On est toujours trompĂ©, dupĂ©, calomniĂ©, bafouĂ©. Mais il faut s’y attendre. Et quand l’exception se prĂ©sente, remercier le Ciel. C’est pour cela que je n’oublie rien des plus petits bonheurs qui m’arrivent, pas une poignĂ©e de main cordiale, pas un sourire ! Tout est trĂ©sor pour les pauvres.
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Gustave Flaubert (GUSTAVE FLAUBERT Correspondance: Tome 4 -1869-1875 (French Edition))
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Et celui de la charrette reste plongĂ© dans ses pensĂ©es Tout comme une personne privĂ©e de force et de dĂ©fense Contre Amour qui le maintient sous sa juridiction ; Sa mĂ©ditation est d'une intensitĂ© telle Qu'il perd le sens de lui−mĂȘme ; Il ne sait pas s'il existe ou s'il n'existe pas, Il ne se rappelle pas son nom, Il ne sait pas s'il est armĂ© ou non, Il ne sait pas oĂč il va, ni d'oĂč il vient ; Il ne se souvient de rien, Hormis d'une seule chose, et, Ă  cause d'elle, Il a mis les autres choses en oubli ; Il pense tant Ă  cette seule chose Qu'il n'entend, ne voit ni ne comprend rien. (Et cil de la charrete panse Con cil qui force ne desfanse N'a vers Amors qui le justise ; Et ses pansers est de tel guise Que lui meĂŻsmes en oblie, Ne set s'il est, ou s'il n'est mie, Ne ne li manbre de son non, Ne set s'il est armez ou non, Ne set ou va, ne set don vient ; De rien nule ne li sovient Fors d'une seule, et por celi A mis les autres en obli ; A cele seule panse tant Qu'il n'ot, ne voit, ne rien n'antant.)
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Chrétien de Troyes (Lancelot: The Knight of the Cart (Chretien de Troyes Romances S))
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Nous allons te parler de gens qui vivaient en notre temps, soit il y a plus de cent ans, et ne sont guĂšre plus pour toi que des noms inscrits sur des croix inclinĂ©es ou des pierres tombales fissurĂ©es. D'une vie et de souvenirs qui ont disparu en vertu de l'implacable loi du temps. En cela, nous allons le changer. Nos paroles sont telles des brigades de sauveteurs qui jamais ne renoncent Ă  leur quĂȘte, leur but est d'arracher des Ă©vĂ©nements passĂ©s et des vies Ă©teintes au trou noir de l'oubli et cela n'a rien d'une petite entreprise, mais il se peut aussi qu'elles glanent en chemin quelques rĂ©ponses et qu'elles nous dĂ©livrent de l'endroit oĂč nous nous tenons avant qu'il ne soit trop tard. Contentons-nous de cela pour l'instant, nous t'envoyons ces mots, ces brigades de sauveteurs dĂ©semparĂ©es et Ă©parses. Elles sont incertaines de leur rĂŽle, toutes les boussoles sont hors d'usage, les cartes de gĂ©ographie dĂ©chirĂ©es ou obsolĂštes, mais rĂ©serve-leur tout de mĂȘme bon accueil. Ensuite, nous verrons bien. (p. 4)
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JĂłn Kalman StefĂĄnsson (HimnarĂ­ki og helvĂ­ti)
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Vous savez ce que je crois ? Il y a des degrĂ©s dans la souffrance, mais pas de concurrence entre les souffrances. Ou, en tout cas, il ne devrait pas y en avoir. Le chagrin d'une fillette Ă  qui on vient d'arracher le bras de sa poupĂ©e, il est incroyablement sincĂšre. Celui d'une vieille dame dont le chien vient de mourir demandera peut-ĂȘtre des mois, des annĂ©es avant de s'estomper. Celui du gamin de seize ans qui a toujours rĂȘvĂ© de devenir, je ne sais pas, moi, joueur de foot professionnel et Ă  qui on dit : "Oublie, tu n'es pas assez douĂ©", ce chagrin lĂ , il peut le traĂźner toute sa vie.
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Philippe Besson
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« Dans nos Ă©coles on nous enseigne le doute et l’art d’oublier. Avant tout l’oubli de ce qui est personnel et localisĂ©. » « — Personne ne peut lire deux mille livres. Depuis quatre siĂšcles que je vis je n’ai pas dĂ» en lire plus d’une demi-douzaine. D’ailleurs ce qui importe ce n’est pas de lire mais de relire. L’imprimerie, maintenant abolie, a Ă©tĂ© l’un des pires flĂ©aux de l’humanitĂ©, car elle a tendu Ă  multiplier jusqu’au vertige des textes inutiles. — De mon temps Ă  moi, hier encore, rĂ©pondis-je, triomphait la superstition que du jour au lendemain il se passait des Ă©vĂ©nements qu’on aurait eu honte d’ignorer. » « — À cent ans, l’ĂȘtre humain peut se passer de l’amour et de l’amitiĂ©. Les maux et la mort involontaire ne sont plus une menace pour lui. Il pratique un art quelconque, il s’adonne Ă  la philosophie, aux mathĂ©matiques ou bien il joue aux Ă©checs en solitaire. Quand il le veut, il se tue. MaĂźtre de sa vie, l’homme l’est aussi de sa mort[30]. — Il s’agit d’une citation ? lui demandai-je. — Certainement. Il ne nous reste plus que des citations. Le langage est un systĂšme de citations. » Extrait de: Borges,J.L. « Le livre de sable. » / Utopie d’un homme qui est fatiguĂ©
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Jorge Luis Borges (The Book of Sand and Shakespeare's Memory)
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En ce qui me concerne, je suis vĂ©gĂ©tarienne Ă  quatre-vingt-quinze pour cent. L'exception principale serait le poisson, que je mange peut-ĂȘtre deux fois par semaine pour varier un peu mon rĂ©gime et en n'ignorant pas, d'ailleurs, que dans la mer telle que nous l'avons faite le poisson est lui aussi contaminĂ©. Mais je n'oublie surtout pas l'agonie du poisson tirĂ© par la ligne ou tressautant sur le pont d'une barque. Tout comme ZĂ©non, il me dĂ©plaĂźt de "digĂ©rer des agonies". En tout cas, le moins de volaille possible, et presque uniquement les jours oĂč l'on offre un repas Ă  quelqu'un ; pas de veau, pas d'agneau, pas de porc, sauf en de rares occasions un sandwich au jambon mangĂ© au bord d'une route ; et naturellement pas de gibier, ni de bƓuf, bien entendu. - Pourquoi, bien entendu ? - Parce que j'ai un profond sentiment d'attachement et de respect pour l'animal dont la femelle nous donne le lait et reprĂ©sente la fertilitĂ© de la terre. Curieusement, dĂšs ma petite enfance, j'ai refusĂ© de manger de la viande et on a eu la grande sagesse de ne pas m'obliger Ă  le faire. Plus tard, vers la quinziĂšme annĂ©e, Ă  l'Ăąge oĂč l'on veut "ĂȘtre comme tout le monde", j'ai changĂ© d'avis ; puis, vers quarante ans, je suis revenue Ă  mon point de vue de la sixiĂšme annĂ©e.(p. 288)
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Marguerite Yourcenar (Les Yeux ouverts : Entretiens avec Matthieu Galey)
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Qui me reflĂšte sinon toi-mĂȘme Je me vois si peu Sans toi je ne vois rien Qu’une Ă©tendue dĂ©serte Entre autrefois et aujourd’hui Il y a eu toutes ces morts Que j’ai franchies Sur de la paille Je n’ai pas pu percer Le mur de mon miroir Il m’a fallu apprendre Mot par mot la vie Comme on oublie Je t’aime pour ta sagesse Qui n’est pas la mienne Pour la santĂ© je t’aime Contre tout ce qui n’est qu’illusion Pour ce cƓur immortel Que je ne dĂ©tiens pas Que tu crois ĂȘtre le doute Et tu n’es que raison Tu es le grand soleil Qui me monte Ă  la tĂȘte Quand je suis sĂ»r de moi Quand je suis sĂ»r de moi Tu es le grand soleil Qui me monte Ă  la tĂȘte Quand je suis sĂ»r de moi Quand je suis sĂ»r de moi
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Paul Éluard
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Cette sociĂ©tĂ©, que j'ai remarquĂ©e la premiĂšre dans ma vie, est aussi la premiĂšre qui ait disparu Ă  mes yeux. J'ai vu la mort entrer sous ce toit de paix et de bĂ©nĂ©diction, le rendre peu Ă  peu solitaire, fermer une chambre et puis une autre qui ne se rouvrait plus. J'ai vu ma grand'mĂšre forcĂ©e de renoncer Ă  son quadrille, faute des partners accoutumĂ©s; j'ai vu diminuer le nombre de ces constantes amies, jusqu'au jour oĂč mon aĂŻeule tomba la derniĂšre. Elle et sa sƓur s'Ă©taient promis de s'entre-appeler aussitĂŽt que l'une aurait devancĂ© l'autre; elles se tinrent parole, et madame de BedĂ©e ne survĂ©cut que peu de mois Ă  mademoiselle de Boisteilleul. Je suis peut-ĂȘtre le seul homme au monde qui sache que ces personnes ont existĂ©. Vingt fois, depuis cette Ă©poque, j'ai fait la mĂȘme observation; vingt fois des sociĂ©tĂ©s se sont formĂ©es et dissoutes autour de moi. Cette impossibilitĂ© de durĂ©e et de longueur dans les liaisons humaines, cet oubli profond qui nous suit, cet invincible silence qui s'empare de notre tombe et s'Ă©tend de lĂ  sur notre maison, me ramĂšnent sans cesse Ă  la nĂ©cessitĂ© de l'isolement. Toute main est bonne pour nous donner le verre d'eau dont nous pouvons avoir besoin dans la fiĂšvre de la mort. Ah! qu'elle ne nous soit pas trop chĂšre! car comment abandonner sans dĂ©sespoir la main que l'on a couverte de baisers et que l'on voudrait tenir Ă©ternellement sur son cƓur?
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François-René de Chateaubriand (Mémoires d'Outre-Tombe)
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Je rĂȘve d'un homme qui aime les vieux groupes de rock que plus personne n'Ă©coute. Qui me laissera dormir avec mon tee-shirt trouĂ© que j'adore et mes collants en laine. Qui se rĂ©veillera Ă  quatre heures du matin pour arroser l'olivier parce qu'il saura que j'oublie toujours de le faire. Qui autorisera les animaux Ă  boire des cafĂ©s. Qui m'achĂštera des frites. Qui ne s'ennuiera jamais. Qui aura lu Miller, Salinger et Desnos. Et aussi Kateb, Mammeri et Mahfouz. Qui, Ă  l'aube, prendra un train avec moi sans en connaitre la distination. Qui se fichera que les yaourts soient pĂ©rimĂ©s depuis la veille. Qui saura se mettre en colĂšre et rire en mĂȘme temps. Qui chantera faux. Qui aimera la mer et la campagne et peut-ĂȘtre mĂȘme la montagne, aussi.
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Kaouther Adimi (Des pierres dans ma poche)
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La mĂ©ditation Ăąpre et profondĂ©ment sĂ©rieuse sur la non-valeur de tout ce qui est arrivĂ©, sur l'urgence qu'il y a Ă  mettre le monde en jugement, a fait place Ă  la conviction sceptique qu'il est, en tout cas, bon de connaĂźtre le passĂ©, puisqu'il est trop tard pour faire quelque chose de meilleur. Ainsi le sens historique rend ses serviteurs passifs et respectueux. C'est seulement quand, par suite d'un oubli momentanĂ©, ce sens est suspendu, que l'homme malade de la fiĂšvre historique devient actif. Mais, dĂšs que l'action est passĂ©e, il se met Ă  dissĂ©quer, pour l'empĂȘcher, par l'examen analytique auquel il la soumet, de prolonger son influence. Ainsi dĂ©pouillĂ©e, son action est alors du domaine de l' "Histoire". DeuxiĂšme ConsidĂ©ration intempestive, ch. 8
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Friedrich Nietzsche
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Celui qui Ă©prouve de l'aversion pour les danseurs et veut les dĂ©nigrer se heurtera toujours Ă  un obstacle infranchissable : leur honnĂȘtetĂ© ; car en s'exposant constamment au public, le danseur se condamne Ă  ĂȘtre irrĂ©prochable ; il n'a pas conclu comme Faust un contrat avec le Diable, il l'a conclu avec l'Ange : il veut faire de sa vie une oeuvre d'art et c'est dans ce travail que l'Ange l'aide ; car, n'oublie pas, la danse est un art ! C'est dans cette obsession de voir en sa propre vie la matiĂšre d'une oeuvre d'art que se trouve la vraie essence du danseur ; il ne prĂȘche pas la morale, il la danse ! Il veut Ă©mouvoir et Ă©blouir le monde par la beautĂ© de sa vie ! il est amoureux de sa vie comme un sculpteur peut ĂȘtre amoureux de la statue qu'il est en train de modeler." (chapitre 6)
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Milan Kundera (Slowness)
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Il a beau ĂȘtre dĂ©cidĂ© Ă  distinguer, comme il dit, des visages. Il a beau dire : "les noms ! les noms ! damnĂ©s, j'Ă©cris vos noms !" Il sait que c'est le sien, de visage, que l'on verra le plus, Ă  l'arrivĂ©. Il sait que c'est le sien, de nom, qui sera en haut de la page du journal et, le moment venu, sur la couverture du livre qu'il tirera de tout cela. Il a beau ĂȘtre sincĂšre quand, au fond de sa barge, il se dit : "je suis lĂ  pour eux, seulement pour eux, je n'ai qu'un parti, celui des endeuillĂ©s", il connaĂźt trop la musique, il a trop l'habitude des ruses diaboliques de l'oubli de soi, pour se faire la moindre illusion sur ce qu'il y a de viciĂ©, et d'absurde, dans le systĂšme : quand le chroniqueur montre l'horreur, Paris regarde la plume ; quand il dit : "voyez ces vaincus" c'est lui qui sort vainqueur. (ch. 38 BH juge de BHL)
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Bernard-Henri Lévy (War, Evil, and the End of History)
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Quand je vis avec mes semblables, ma pensĂ©e s'occupe d'eux si exclusivement, soit pour les aider Ă  vivre bien, soit pour comprendre pourquoi ils vivent mal, que j'oublie absolument de vivre pour mon compte. Quand je m'aperçois que j'ai fait pour eux mon possible et que je ne leur suis plus nĂ©cessaire, ou, ce qui arrive plus souvent, que je ne leur suis bon Ă  rien, j'Ă©prouve le besoin de vivre avec ce moi intĂ©rieur qui s'identifie Ă  la nature et au rĂȘve de la vie dans l'Ă©ternel et dans l'infini. La nature, je le sais, parle dans l'homme plus que dans les arbres et les rochers; mais elle y parle follement, elle y est plus souvent dĂ©lirante que sage, elle y est pleine d'illusions ou de mensonges. Les animaux sauvages eux-mĂȘmes sont tourmentĂ©s d'un besoin d'existence qui nous empĂȘche de savoir ce qu'ils pensent et si leurs obscures manifestations ne sont pas trompeuses. DĂšs qu'ils subissent des besoins et des passions, ils doivent les satisfaire Ă  tout prix, et toute logique de leur instinct de conservation doit cĂ©der Ă  cette sauvage logique de la faim et de l'amour. OĂč donc trouver, oĂč donc surprendre la voix du vrai absolu dans la nature? HĂ©las, dans le silence des choses inertes, dans le mutisme de ce qui ne ment pas! la face impassible du rocher qui boit le soleil, le front sans ombre du glacier qui regarde la lune, la morne altitude des lieux inaccessibles, exercent sur nous un rassĂ©rĂ©nement inexplicable. LĂ , nous nous sentons comme suspendus entre ciel et terre, dans une rĂ©gion d'idĂ©es oĂč il ne peut y avoir que Dieu ou rien, et, s'il n'y a rien, nous sentons que nous ne sommes rien nous-mĂȘmes et que nous n'existons pas; car rien ne peut se passer de sa raison d'ĂȘtre.
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George Sand (Le dernier amour)
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Le Bien ne laisse aucune trace matĂ©rielle – et donc aucune trace, car vous savez ce que vaut la gratitude des hommes. Rien ne s’oublie aussi vite que le Bien. Pire: rien ne passe aussi inaperçu que le Bien, puisque le Bien vĂ©ritable ne dit pas son nom – s’il le dit, il cesse d’ĂȘtre le Bien, il devient de la propagande. Le Beau, lui, peut durer toujours: il est sa propre trace. On parle de lui et de ceux qui l’ont servi. Comme quoi le Beau et le Bien sont rĂ©gis par des lois opposĂ©es: le Beau est d’autant plus beau qu’on parle de lui, le Bien est d’autant moins bien qu’il en est question. Bref, un ĂȘtre responsable qui se dĂ©vouerait Ă  la cause du Bien ferait un mauvais placement. - Pourtant, le Mal, on en parle ! - Ah oui: le Mal est encore plus rentable que le Beau. Ceux qui ont investi dans le Mal ont fait le meilleur placement. Les noms des bienfaiteurs de votre Ă©poque sont oubliĂ©s depuis longtemps, quand ceux de Staline ou de Mussolini ont Ă  nos oreilles des consonances familiĂšres.
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Amélie Nothomb (Péplum)
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Ce qui est tout Ă  fait extraordinaire, c’est la rapiditĂ© avec laquelle la civilisation du Moyen-Âge tomba dans le plus complet oubli ; les hommes du XVIIe siĂšcle n’en avaient plus la moindre notion, et les monuments qui en subsistaient ne reprĂ©sentaient plus rien Ă  leurs yeux, ni dans l’ordre intellectuel, ni mĂȘme dans l’ordre esthĂ©tique ; on peut juger par lĂ  combien la mentalitĂ© avait Ă©tĂ© changĂ©e dans l’intervalle. Nous n’entreprendrons pas de rechercher ici les facteurs, certainement fort complexes, qui concoururent Ă  ce changement, si radical qu’il semble difficile d’admettre qu’il ait pu s’opĂ©rer spontanĂ©ment et sans l’intervention d’une volontĂ© directrice dont la nature exacte demeure forcĂ©ment assez Ă©nigmatique ; il y a, Ă  cet Ă©gard, des circonstances bien Ă©tranges, comme la vulgarisation, Ă  un moment dĂ©terminĂ©, et en les prĂ©sentant comme des dĂ©couvertes nouvelles, de choses qui Ă©taient connues en rĂ©alitĂ© depuis fort longtemps, mais dont la connaissance, en raison de certains inconvĂ©nients qui risquaient d’en dĂ©passer les avantages, n’avait pas Ă©tĂ© rĂ©pandue jusque lĂ  dans le domaine public (1). Il est bien invraisemblable aussi que la lĂ©gende qui fit du moyen Ăąge une Ă©poque de « tĂ©nĂšbres », d’ignorance et de barbarie, ait pris naissance et se soit accrĂ©ditĂ©e d’elle-mĂȘme, et que la vĂ©ritable falsification de l’histoire Ă  laquelle les modernes se sont livrĂ©s ait Ă©tĂ© entreprise sans aucune idĂ©e prĂ©conçue ; mais nous n’irons pas plus avant dans l’examen de cette question, car, de quelque façon que ce travail se soit accompli, c’est, pour le moment, la constatation du rĂ©sultat qui, en somme, nous importe le plus. (1) Nous ne citerons que deux exemples, parmi les faits de ce genre qui devaient avoir les plus graves consĂ©quences : la prĂ©tendue invention de l’imprimerie, que les Chinois connaissaient antĂ©rieurement Ă  l’ùre chrĂ©tienne et la dĂ©couverte « officielle » de l’AmĂ©rique, avec laquelle des communications beaucoup plus suivies qu’on ne le pense avaient existĂ© durant tout le moyen Ăąge.
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René Guénon (The Crisis of the Modern World)
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Dans tout mon langage, dans tout mon langage avec toi, il y a eu dĂšs le dĂ©but ce noyau de silence. Je ne dis pas cela pour me charger ni pour dĂ©charger qui que ce soit. L’effort que me coĂ»te d’écrire ces mots me garantit une sorte de paix, au-delĂ  de tout jugement. C’est ainsi, ce noyau de silence Ă©tait en moi, il faisait partie de moi. Je l’ai, lui aussi, apportĂ© avec tout le reste dans notre histoire et comme je ne pouvais rien contre lui, il y a pris sa place, s’est installĂ© et s’est imposĂ©. Je faisais naturellement semblant de ne pas le voir mais il Ă©tait lĂ . Je le recouvrais de discours de protection, diversion, il Ă©tait toujours lĂ , parfois invisible, parfois tacitement oubliĂ©, mais toujours lĂ . Il ne trompait personne parmi les intĂ©ressĂ©s. Il ne te trompait pas, en tout cas malgrĂ© tous les efforts pour conclure avec lui et moi Ă  demi-mots, un pacte d’oubli. Au fond de tout tu l’as acceptĂ© avec moi, mais tu ne l’as jamais acceptĂ© ; tu ne pouvais pas. Tu as fait tout ton possible en ton pouvoir pour le rĂ©duire, puis pour l’oublier. Un moment est venu oĂč tu n’as plus pu rĂ©sister au silence que par le silence, par un second silence sans aucun rapport avec le premier mais un silence. Un silenzio l’unico modo di non tacere.
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Louis Althusser
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De nos jours, on vante l' "objectivitĂ©" d'un homme qui affirme calmement et froidement que deux et deux font cinq, et on accuse de subjectivitĂ© ou d'Ă©motivitĂ©, l'homme qui rĂ©plique avec indignation que cela fait quatre (2) ; on ne veut pas admettre que l'objectivitĂ© c'est l'adĂ©quation Ă  l'objet et non le ton ni la mimique ; ni surtout une placiditĂ© factice, inhumaine et insolente. On oublie surtout aussi que l'Ă©motion a ses droits dans l'arsenal de la dialectique humaine, et que ceux-ci -puisque ce sont des droits- ne sauraient ĂȘtre contraires Ă  l'objectivitĂ© ; mĂȘme la pensĂ©e la plus strictement objective -intellectuelle ou rationnelle- s'accompagne d'une facteur psychique, donc subjectif, Ă  savoir le sentiment de certitude ; sans quoi l'homme ne serait pas homme. Or l'homme est fait « Ă  l'image de Dieu », c'est toute sa raison d'ĂȘtre ; blĂąmer un trait naturel et foncier de l'homme reviendrait Ă  blĂąmer non seulement l'intention crĂ©atrice », mais la nature mĂȘme du CrĂ©ateur. (2)on connaĂźt le dicton populaire : « un tel se fĂąche, donc il a tort » que l'on applique souvent de travers. En rĂ©alitĂ©, ce mot se rĂ©fĂšre Ă  des gens qui se mettent en colĂšre parce que, dan leur tort, ils sont Ă  court d'arguments ; la colĂšre supplĂ©ant alors Ă  la preuve ou au droit.
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Frithjof Schuon (Résumé de métaphysique intégrale)
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Je me trouvais en quelque lieu vague et trouble... Je dis « lieu » par habitude, car maintenant toute conception de distance et de durĂ©e Ă©tait abolie pour moi, et je ne puis dĂ©terminer combien de temps je restai en cet Ă©tat. Je n’entendais rien, ne voyais rien, je pensais seulement et avec force et persistance. Le grand problĂšme qui m’avait tourmentĂ© toute ma vie Ă©tait rĂ©solu : la mort n’existe pas, la vie est infinie. J’en Ă©tais convaincu bien avant ; mais jadis je ne pouvais formuler clairement ma conviction : elle se basait sur cette seule considĂ©ration que, astreinte Ă  des limites, la vie n’est qu’une formidable absurditĂ©. L’homme pense ; il perçoit ce qui l’entoure, il souffre, jouit et disparaĂźt ; son corps se dĂ©compose et fournit ses Ă©lĂ©ments Ă  des corps en formation : cela, chacun le peut constater journellement, mais que devient cette force apte Ă  se connaĂźtre soi-mĂȘme et Ă  connaĂźtre le monde qui l’entoure ? Si la matiĂšre est immortelle, pourquoi faudrait-il que la conscience se dissipĂąt sans traces, et, si elle disparaĂźt, d’oĂč venait-elle et quel est le but de cette apparition Ă©phĂ©mĂšre ? Il y avait lĂ  des contradictions que je ne pouvais admettre. Maintenant je sais, par ma propre expĂ©rience, que la conscience persiste, que je n’ai pas cessĂ© et probablement ne cesserai jamais de vivre. Voici que derechef m’obsĂšdent ces terribles questions : si je ne meurs pas, si je reviens toujours sur la terre, quel est le but de ces existences successives, Ă  quelles lois obĂ©issent-elles et quelle fin leur est assignĂ©e ? Il est probable que je pourrais discerner cette loi et la comprendre si je me rappelais mes existences passĂ©es, toutes, ou du moins quelques-unes ; mais pourquoi l’homme est-il justement privĂ© de ce souvenir ? pourquoi est-il condamnĂ© Ă  une ignorance Ă©ternelle, si bien que la conception de l’immortalitĂ© ne se prĂ©sente Ă  lui que comme une hypothĂšse, et si cette loi inconnue exige l’oubli et les tĂ©nĂšbres, pourquoi dans ces tĂ©nĂšbres, d’étranges lumiĂšres apparaissent-elles parfois, comme il m’est arrivĂ© quand je suis entrĂ© au chĂąteau de La Roche-Maudin ? De toute ma volontĂ©, je me cramponnais Ă  ce souvenir comme le noyĂ© Ă  une Ă©pave ; il me semblait que si je me rappelais clairement et exactement ma vie dans ce chĂąteau je comprendrais tout le reste. Maintenant qu’aucune sensation du dehors ne me distrayait, je m’abandonnais aux houles du souvenir, inerte et sans pensĂ©e pour ne pas gĂȘner leur mouvement, et tout Ă  coup, du fond de mon Ăąme comme des brumes d’un fleuve, commençaient Ă  s’élever de fugaces figures humaines ; des mots au sens effacĂ© rĂ©sonnaient, et dans tous ces souvenirs Ă©taient des lacunes... Les visages Ă©taient vaporeux, les paroles Ă©taient sans lien, tout Ă©tait dĂ©cousu......
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Aleksey Apukhtin (Entre la mort et la vie : suivi de Les Archives de la comtesse D*** & Le Journal de Pavlik Dolsky)
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L’écriture est un moyen de saisir l’instant. Pas comme dans l’expression carpe diem, parce que l’écriture en simultanĂ©, tout comme la prise frĂ©nĂ©tique de photos, masque le rĂ©el au moment oĂč il se produit, empĂȘche de vivre le voyage. L’écriture n’est pas une photo qui figerait Ă  jamais une seconde d’intense singularitĂ© – quitte Ă  la provoquer, comme le font parfois les photographes. Elle est un clichĂ© Ă  postĂ©riori, qui essaie d’embrasser tout le souvenir de l’instant. Dans le petit ou grand Ă©cart entre le temps racontant et le temps racontĂ© se situe tout le jeu et tout l’enjeu des rĂ©cits – ceux du rĂ©el ou ceux de la fiction. La poĂ©sie, elle qui ne nĂ©cessite pas la narration, permet de condenser les temps en une seule Ă©nonciation qui les contient tous.
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Sylvie Bérard (Oubliez)
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JEANNE ENDORMIE. -- I LA SIESTE Elle fait au milieu du jour son petit somme; Car l'enfant a besoin du rĂȘve plus que l'homme, Cette terre est si laide alors qu'on vient du ciel ! L'enfant cherche Ă  revoir ChĂ©rubin, Ariel, Ses camarades, Puck, Titania, les fĂ©es, Et ses mains quand il dort sont par Dieu rĂ©chauffĂ©es. Oh ! comme nous serions surpris si nous voyions, Au fond de ce sommeil sacrĂ©, plein de rayons, Ces paradis ouverts dans l'ombre, et ces passages D'Ă©toiles qui font signe aux enfants d'ĂȘtre sages, Ces apparitions, ces Ă©blouissements ! Donc, Ă  l'heure oĂč les feux du soleil sont calmants, Quand toute la nature Ă©coute et se recueille, Vers midi, quand les nids se taisent, quand la feuille La plus tremblante oublie un instant de frĂ©mir, Jeanne a cette habitude aimable de dormir; Et la mĂšre un moment respire et se repose, Car on se lasse, mĂȘme Ă  servir une rose. Ses beaux petits pieds nus dont le pas est peu sĂ»r Dorment; et son berceau, qu'entoure un vague azur Ainsi qu'une aurĂ©ole entoure une immortelle, Semble un nuage fait avec de la dentelle; On croit, en la voyant dans ce frais berceau-lĂ , Voir une lueur rose au fond d'un falbala; On la contemple, on rit, on sent fuir la tristesse, Et c'est un astre, ayant de plus la petitesse; L'ombre, amoureuse d'elle, a l'air de l'adorer; Le vent retient son souffle et n'ose respirer. Soudain, dans l'humble et chaste alcĂŽve maternelle, Versant tout le matin qu'elle a dans sa prunelle, Elle ouvre la paupiĂšre, Ă©tend un bras charmant, Agite un pied, puis l'autre, et, si divinement Que des fronts dans l'azur se penchent pour l'entendre, Elle gazouille...-Alors, de sa voix la plus tendre, Couvrant des yeux l'enfant que Dieu fait rayonner, Cherchant le plus doux nom qu'elle puisse donner À sa joie, Ă  son ange en fleur, Ă  sa chimĂšre: -Te voilĂ  rĂ©veillĂ©e, horreur ! lui dit sa mĂšre.
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Victor Hugo (L'Art d'ĂȘtre grand-pĂšre)
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C'est de lĂ -haut qu'il les aperçoit, au fond de la combe Nerre, Ă©crasĂ©s par la perspective : deux insectes minuscules, l'un portant l'autre Ă  travers l'un des endroits les plus inhospitaliers des Causses. Il en oublie la chevrette et, retrouvant l'agilitĂ© de ses vingt ans, se laisse glisser d'Ă©boulis en barres rocheuses jusqu'Ă  les surplomber d'une vingtaine de mĂštres. Deux enfants. Un garçon Ă©puisĂ©, couvert d'Ă©corchures, qui continue Ă  avancer bien qu'Ă  bout de forces, ses jambes menaçant Ă  tout moment de flancher sous lui, tremblant de fatigue et de froid. Une fille, ce doit ĂȘtre une fille mĂȘme si elle n'a plus un cheveu sur le crĂąne, immobile dans les bras du garçon. InanimĂ©e. Ces deux-lĂ  ont souffert, souffrent encore. Maximilien le sent, il sent ces choses-lĂ . Alors, quand le garçon dĂ©pose la fille Ă  l'abri d'un rocher, quand il quitte son tee-shirt dĂ©chirĂ© pour l'en envelopper, quand il se penche pour lui murmurer une priĂšre Ă  l'oreille, alors Maximilien oublie sa promesse de se tenir loin des hommes. Il descend vers eux. Le garçon esquisse un geste de dĂ©fense, mais Maximilien le rassure en lui montrant ses mains vides. Des mains calleuses, puissantes malgrĂ© l'Ăąge. Il se baisse, prend la fille dans ses bras. Un frisson de colĂšre le parcourt. Elle est dans un Ă©tat effroyable, le corps dĂ©charnĂ©, la peau diaphane, une cicatrice rĂ©cente zigzague sur son flanc. Dans une imprĂ©cation silencieuse, Maximilien maudit la folie des hommes, leur cruautĂ© et leur ignorance. Il se met en route, suivi par le garçon qui n'a pas prononcĂ© un mot. Il ne sait pas encore ce qu'il va faire d'eux. Faire d'elle. La soigner, certes, mais ensuite ? Tout en pensant, il marche Ă  grands pas. Tout en marchant, il rĂ©flĂ©chit Ă  grands traits. Il atteint Ombre Blanche au moment oĂč le soleil bascule derriĂšre l'horizon, teintant les Causses d'une somptueuse lumiĂšre orangĂ©e. Un frĂ©missement dans ses bras lui fait baisser la tĂȘte. La fille a bougĂ©. Elle ouvre les yeux. Échange fugace. Échange parfait. Maximilien se noie dans le violet de son regard et en ressort grandi. Le dernier des Caussenards a trouvĂ© son destin.
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Pierre Bottero (La ForĂȘt des captifs (Les Mondes d'Ewilan, #1))
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en vĂ©ritĂ© il est trĂšs agrĂ©able de se rĂ©unir, de s’asseoir et de bavarder des intĂ©rĂȘts publics. Parfois mĂȘme je suis prĂȘt Ă  chanter de joie, quand je rentre dans la sociĂ©tĂ© et vois des hommes solides, sĂ©rieux, trĂšs bien Ă©levĂ©s, qui se sont rĂ©unis, parlent de quelque chose sans rien perdre de leur dignitĂ©. De quoi parlent-ils ? ça c’est une autre question. J’oublie mĂȘme, parfois, de pĂ©nĂ©trer le sens de la conversation, me contentant du tableau seul. Mais jusqu’ici, je n’ai jamais pu pĂ©nĂ©trer le sens de ce dont s’entretiennent chez nous les gens du monde qui n’appartiennent pas Ă  un certain groupe. Dieu sait ce que c’est. Sans doute quelque chose de charmant, puisque ce sont des gens charmants. Mais tout cela paraĂźt incomprĂ©hensible. On dirait toujours que la conversation vient de commencer ; comme si l’on accordait les instruments. On reste assis pendant deux heures et, tout ce temps, on ne fait que commencer la conversation. Parfois tous ont l’air de parler de choses sĂ©rieuses, de choses qui provoquent la rĂ©flexion. Mais ensuite, quand vous vous demandez de quoi ils ont parlĂ©, vous ĂȘtes incapable de le dire : de gants, d’agriculture, ou de la constance de l’amour fĂ©minin ? De sorte que, parfois, je l’avoue, l’ennui me gagne. On a l’impression de rentrer par une nuit sombre Ă  la maison en regardant tristement de cĂŽtĂ© et d’entendre soudain de la musique. C’est un bal, un vrai bal. Dans les fenĂȘtres brillamment Ă©clairĂ©es passent des ombres ; on entend des murmures de voix, des glissements de pas ; sur le perron se tiennent des agents. Vous passez devant, distrait, Ă©mu ; le dĂ©sir de quelque chose s’est Ă©veillĂ© en vous. Il vous semble avoir entendu le battement de la vie, et, cependant, vous n’emportez avec vous que son pĂąle motif, l’idĂ©e, l’ombre, presque rien. Et l’on passe comme si l’on n’avait pas confiance. On entend autre chose. On entend, Ă  travers les motifs incolores de notre vie courante, un autre motif, pĂ©nĂ©trant et triste, comme dans le bal des Capulet de Berlioz. L’angoisse et le doute rongent votre coeur, comme cette angoisse qui est au fond du motif lent de la triste chanson russe : Écoutez... d’autres sons rĂ©sonnent. Tristesse et orgie dĂ©sespĂ©rĂ©es... Est-ce un brigand qui a entonnĂ©, lĂ -bas, la chanson ? Ou une jeune fille qui pleure Ă  l’heure triste des adieux ? Non ; ce sont les faucheurs qui rentrent de leur travail... Autour sont les forĂȘts et les steppes de Saratov.
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Fyodor Dostoevsky
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IV -Oh ! comme ils sont goulus ! dit la mĂšre parfois. Il faut leur donner tout, les cerises des bois, Les pommes du verger, les gĂąteaux de la table; S'ils entendent la voix des vaches dans l'Ă©table Du lait ! vite ! et leurs cris sont comme une forĂȘt De Bondy quand un sac de bonbons apparaĂźt. Les voilĂ  maintenant qui rĂ©clament la lune ! Pourquoi pas ? Le nĂ©ant des gĂ©ants m'importune; Moi j'admire, Ă©bloui, la grandeur des petits. Ah ! l'Ăąme des enfants a de forts appĂ©tits, Certes, et je suis pensif devant cette gourmande Qui voit un univers dans l'ombre, et le demande. La lune ! Pourquoi pas ? vous dis-je. Eh bien, aprĂšs ? Pardieu ! si je l'avais, je la leur donnerais. C'est vrai, sans trop savoir ce qu'ils en pourraient faire, Oui, je leur donnerais, lune, ta sombre sphĂšre, Ton ciel, d'oĂč Swedenborg n'est jamais revenu, Ton Ă©nigme, ton puits sans fond, ton inconnu ! Oui, je leur donnerais, en disant: Soyez sages ! Ton masque obscur qui fait le guet dans les nuages, Tes cratĂšres tordus par de noirs aquilons, Tes solitudes d'ombre et d'oubli, tes vallons, Peut-ĂȘtre heureux, peut-ĂȘtre affreux, Ă©dens ou bagnes, Lune, et la vision de tes pĂąles montagnes. Oui, je crois qu'aprĂšs tout, des enfants Ă  genoux Sauraient mieux se servir de la lune que nous; Ils y mettraient leurs voeux, leur espoir, leur priĂšre; Ils laisseraient mener par cette aventuriĂšre Leurs petits coeurs pensifs vers le grand Dieu profond. La nuit, quand l'enfant dort, quand ses rĂȘves s'en vont, Certes, ils vont plus loin et plus haut que les nĂŽtres. Je crois aux enfants comme on croyait aux apĂŽtres; Et quand je vois ces chers petits ĂȘtres sans fiel Et sans peur, dĂ©sirer quelque chose du ciel, Je le leur donnerais, si je l'avais. La sphĂšre Que l'enfant veut, doit ĂȘtre Ă  lui, s'il la prĂ©fĂšre. D'ailleurs, n'avez-vous rien au delĂ  de vos droits ? Oh ! je voudrais bien voir, par exemple, les rois S'Ă©tonner que des nains puissent avoir un monde ! Oui, je vous donnerais, anges Ă  tĂȘte blonde, Si je pouvais, Ă  vous qui rĂ©gnez par l'amour, Ces univers baignĂ©s d'un mystĂ©rieux jour, Conduits par des esprits que l'ombre a pour ministres, Et l'Ă©norme rondeur des planĂštes sinistres. Pourquoi pas  ? Je me fie Ă  vous, car je vous vois, Et jamais vous n'avez fait de mal. Oui, parfois, En songeant Ă  quel point c'est grand, l'Ăąme innocente, Quand ma pensĂ©e au fond de l'infini s'absente, Je me dis, dans l'extase et dans l'effroi sacrĂ©, Que peut-ĂȘtre, lĂ -haut, il est, dans l'IgnorĂ©, Un dieu supĂ©rieur aux dieux que nous rĂȘvĂąmes, Capable de donner des astres Ă  des Ăąmes.
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Victor Hugo (L'Art d'ĂȘtre grand-pĂšre)
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moi je suis fĂąchĂ© contre notre cercle patriarcal parce qu’il y vient toujours un homme du type le plus insupportable. Vous tous, messieurs, le connaissez trĂšs bien. Son nom est LĂ©gion. C’est un homme qui a bon coeur, et n’a rien qu’un bon coeur. Comme si c’était une chose rare Ă  notre Ă©poque d’avoir bon coeur ; comme si, enfin, on avait besoin d’avoir bon coeur ; cet Ă©ternel bon coeur ! L’homme douĂ© d’une si belle qualitĂ© a l’air, dans la vie, tout Ă  fait sĂ»r que son bon coeur lui suffira pour ĂȘtre toujours content et heureux. Il est si sĂ»r du succĂšs qu’il nĂ©glige tout autre moyen en venant au monde. Par exemple, il ne connaĂźt ni mesure ni retenue. Tout, chez lui, est dĂ©bordant, Ă  coeur ouvert. Cet homme est enclin Ă  vous aimer soudain, Ă  se lier d’amitiĂ©, et il est convaincu qu’aussitĂŽt, rĂ©ciproquement, tous l’aimeront, par ce seul fait qu’il s’est mis Ă  aimer tout le monde. Son bon coeur n’a mĂȘme jamais pensĂ© que c’est peu d’aimer chaudement, qu’il faut possĂ©der l’art de se faire aimer, sans quoi tout est perdu, sans quoi la vie n’est pas la vie, ni pour son coeur aimant ni pour le malheureux que, naĂŻvement, il a choisi comme objet de son attachement profond. Si cet homme se procure un ami, aussitĂŽt celui-ci se transforme pour lui en un meuble d’usage, quelque chose comme un crachoir. Tout ce qu’il a dans le coeur, n’importe quelle saletĂ©, comme dit Gogol, tout s’envole de la langue et tombe dans le coeur de l’ami. L’ami est obligĂ© de tout Ă©couter et de compatir Ă  tout. Si ce monsieur est trompĂ© par sa maĂźtresse, ou s’il perd aux cartes, aussitĂŽt, comme un ours, il fond, sans y ĂȘtre invitĂ©, sur l’ñme de l’ami et y dĂ©verse tous ses soucis. Souvent il ne remarque mĂȘme pas que l’ami lui-mĂȘme a des chagrins par-dessus la tĂȘte : ou ses enfants sont morts, ou un malheur est arrivĂ© Ă  sa femme, ou il est excĂ©dĂ© par ce monsieur au coeur aimant. Enfin on lui fait dĂ©licatement sentir que le temps est splendide et qu’il faut en profiter pour une promenade solitaire. Si cet homme aime une femme, il l’offensera mille fois par son caractĂšre avant que son coeur aimant le remarque, avant de remarquer (si toutefois il en est capable) que cette femme s’étiole de son amour, qu’elle est dĂ©goĂ»tĂ©e d’ĂȘtre avec lui, qu’il empoisonne toute son existence. Oui, c’est seulement dans l’isolement, dans un coin, et surtout dans un groupe que se forme cette belle oeuvre de la nature, ce « spĂ©cimen de notre matiĂšre brute », comme disent les AmĂ©ricains, en qui il n’y a pas une goutte d’art, en qui tout est naturel. Un homme pareil oublie – il ne soupçonne mĂȘme pas –, dans son inconscience totale, que la vie est un art, que vivre c’est faire oeuvre d’art par soi-mĂȘme ; que ce n’est que dans le lien des intĂ©rĂȘts, dans la sympathie pour toute la sociĂ©tĂ© et ses exigences directes, et non dans l’indiffĂ©rence destructrice de la sociĂ©tĂ©, non dans l’isolement, que son capital, son trĂ©sor, son bon coeur, peut se transformer en un vrai diamant taillĂ©.
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Fyodor Dostoevsky
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Il faut que je vous Ă©crive, mon aimable Charlotte, ici, dans la chambre d’une pauvre auberge de village, oĂč je me suis rĂ©fugiĂ© contre le mauvais temps. Dans ce triste gĂźte de D., oĂč je me traĂźne au milieu d’une foule Ă©trangĂšre, tout Ă  fait Ă©trangĂšre Ă  mes sentiments, je n’ai pas eu un moment, pas un seul, oĂč le cƓur in’ait dit de vous Ă©crire : et maintenant, dans cette cabane, dans cette solitude, dans cette prison, tandis que la neige et la grĂȘle se dĂ©chaĂźnent contre ma petite fenĂȘtre, ici, vous avez Ă©tĂ© ma premiĂšre pensĂ©e. DĂšs que je fus entrĂ©, votre image, ĂŽ Charlotte, votre pensĂ©e m’a saisi, si sainte, si vivante ! Bon Dieu, c’est le premier instant de bonheur que je retrouve. Si vous me voyiez, mon amie, dans ce torrent de dissipations ! Comme toute mon Ăąme se dessĂšche ! Pas un moment oĂč le cƓur soit plein ! pas une heure fortunĂ©e ! rien, rien ! Je suis lĂ  comme devant une chambre obscure : je vois de petits hommes et de petits chevaux tourner devant moi, et je me demande souvent si ce n’est pas une illusion d’optique. Je m’en amuse, ou plutĂŽt on s’amuse de moi comme d’une ma"rionnette ; je prends quelquefois mon voisin par sa main de bois, et je recule en frissonnant. Le soir, je fais le projet d’aller voir lever le soleil, et je reste au lit ; le jour, je me promets le plaisir du clair de lune, et je m’oublie dans ma chambre. Je ne sais trop pourquoi je me lĂšve, pourquoi je me coucha. Le levain qui faisait fermenter ma vie, je ne l’ai plus ; le charme qui me tenait Ă©veillĂ© dans les nuits profondes s’est Ă©vanoui ; l’enchantement qui, le matin, m’arrachait au sommeil a fui loin de moi. Je n’ai trouvĂ© ici qu’une femme, une seule, Mlle de B. Elle vous ressemble, ĂŽ Charlotte, si l’on peut vous ressembler. «.Eh quoi ? direz-vous, le voilĂ  qui fait de jolis compliments ! » Cela n’est pas tout Ă  fait imaginaire : depuis quelque temps je suis trĂšs-aimable, parce que je ne puis faire autre chose ; j’ai beaucoup d’esprit, at les dames disent que personne ne sait louer aussi finement
. «Ni mentir, ajouterez-vous, car l’un ne va pas sans l’autre, entendez-vous ?
 » Je voulais parler de Mlle B. Elle a beaucoup d’ñme, on le voit d’abord Ă  la flamme de ses yeux bleus. Son rang lui est Ă  charge ; il ne satisfait aucun des vƓux de son cƓur. Elle aspire Ă  sortir de ce tumulte, et nous rĂȘvons, des heures entiĂšres, au mijieu de scĂšnes champĂȘtres, un bonheur sans mĂ©lange ; hĂ©las ! nous rĂȘvons Ă  vous, Charlotte ! Que de fois n’est-elle pas obligĂ©e de vous rendre hommage !
 Non pas obligĂ©e : elle le fait de bon grĂ© ; elle entend volontiers parler de vous ; elle vous aime. Oh ! si j’étais assis Ă  vos pieds, dans la petite chambre, gracieuse et tranquille ! si nos chers petits jouaient ensemble autour de moi, et, quand leur bruit vous fatiguerait, si je pouvais les rassembler en cercle et les calmer avec une histoire effrayante ! Le soleil se couche avec magnificence sur la contrĂ©e Ă©blouissante de neige ; l’orage est passĂ© ; et moi
. il faut que je rentre dans ma cage
. Adieu. Albert est-il auprĂšs de vous ? Et comment ?
 Dieu veuille me pardonner cette question !
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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)