â
Un bon livre, au contraire, ne cherche pas Ă vous captiver, il vous fait regarder vers le haut (le ciel sans nuage d'Ă©tĂ©) tout en plongeant au fond de vous-mĂȘme.
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Dany LaferriĂšre (L'art presque perdu de ne rien faire)
â
Un petit nuage rose descendait de l'air et s'approchait d'eux.
"J'y vais! proposa-t-il.
-vas-y", dit Colin.
Et le nuage les enveloppa. A l'intérieur, il faisait chaud et ça sentait le sucre à la cannelle.
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Boris Vian (L'Ăcume des jours)
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J'ai souvent pensĂ© alors que si l'on m'avait fait vivre dans un tronc d'arbre sec, sans autre occupaion que de regarder la fleur du ciel au-dessus de ma tĂȘte, je m'y serais peu Ă peu habituĂ©. J'aurais attendu des passages d'oiseaux ou de rencontres de nuages comme j'attendais ici les curieuses cravates de mon avocat et comme, dans un autre monde, je patientais jusqu'au samedi pour Ă©treindre le corps de Marie.
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Albert Camus (The Stranger)
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Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delĂ le soleil, par delĂ les Ă©thers,
Par delà les confins des sphÚres étoilées
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Charles Baudelaire (Les Fleurs du Mal)
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Mais lire, jouer, rire, ĂȘtre cruel, ĂȘtre bon, contempler le fleuve, les nuages, tout cela fait partie de la vie, et si vous ne savez pas lire, si vous ne savez pas marcher, si vous ĂȘtes incapable d'apprĂ©cier la beautĂ© d'une feuille, vous n'ĂȘtes pas vivant. Vous devez comprendre la globalitĂ© de la vie, pas simplement une parcelle. VoilĂ pourquoi vous devez lire, voilĂ pourquoi vous devez regarder le ciel, voilĂ pourquoi vous devez chanter, et danser, et Ă©crire des poĂšmes, et souffrir, et comprendre : car c'est tout cela, la vie.
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J. Krishnamurti
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Le ciel bleu-vert pendait presque jusqu'au pavĂ© et de grandes taches blanches marquaient sur le sol la place oĂč des nuages venaient de se fracasser. (p. 220)
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Boris Vian (L'Ăcume des jours)
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Le dessin de Man Ray : toujours le désir, non le besoin. Pas un duvet, pas un nuage, mais des ailes, des dents, des griffes.
[...] Man Ray dessine pour ĂȘtre aimĂ©.
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Paul Ăluard (Les Mains Libres)
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On offre des fleurs parce que dans les fleurs se trouve le sens de l'Amour. Celui qui tente de posséder une fleur verra sa beauté se flétrir. Mais celui qui regarde simplement une fleur dans un champ la gardera pour toujours. Parce qu'elle va avec l'aprÚs-midi, le coucher du soleil, l'odeur de terre mouillée et les nuages sur l'horizon.
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Paulo Coelho (Brida)
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dans les steppes, on emploie toujours le mot bleu pour dĂ©crire le ciel, mĂȘme s'il est gris, car on sait qu'au dessus des nuages il demeure Bleu
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Paulo Coelho (The Zahir)
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Une Ă©criture qui ne fait pas rĂȘver, n'est pas une Ă©criture. Toi par example, avec tes mots, tu nous balances dans une vague de nuages bleus, roses et surtout violets.
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Ùۧ۳ÙÙÙ Ű§ÙŰŁŰč۱ۏ (Ű·ÙÙ Ű§ÙÙۧ۳Ù
ÙÙ)
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Au-dessus des mers de nuages, câest trĂšs Ă©lĂ©gant, mais⊠au-dessous des mers de nuages câest lâĂ©ternitĂ©.
Above the seas of clouds is very elegant, but⊠below the seas of clouds is eternity.
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Antoine de Saint-Exupéry
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Les gens ne regardent plus le ciel. Ils gardent les yeux baissĂ©s sur leurs petits soucis, ils oublient que le monde peut ĂȘtre plus vaste, qu'il y a des couleurs, des arcs-en-ciel, des nuages et des oiseaux fantastiques qui pourraient changer leurs vies.
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Carina Rozenfeld (Le Brasier des souvenirs (PhĂŠnix, #2))
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Tant que mes jambes me permettent de fuir, tant que mes bras me permettent de combattre, tant que l'expĂ©rience que j'ai du monde me permet de savoir ce que je peux craindre ou dĂ©sirer, nulle crainte : je puis agir. Mais lorsque le monde des hommes me contraint Ă observer ses lois, lorsque mon dĂ©sir brise son front contre le monde des interdits, lorsque mes mains et mes jambes se trouvent emprisonnĂ©es dans les fers implacables des prĂ©jugĂ©s et des cultures, alors je frissonne, je gĂ©mis et je pleure. Espace, je t'ai perdu et je rentre en moi-mĂȘme. Je m'enferme au faite de mon clocher oĂč, la tĂȘte dans les nuages, je fabrique l'art, la science et la folie.
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Henri Laborit (Ăloge de la fuite)
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Ressaisis-toi, bonhomme. Il n'y a q'un seul dieu sur terre, et c'est toi. Si le monde ne te convient pas, réinventes-en un autre, et ne laisse aucun chagrin te faire descendre de ton nuage. La vie sourit toujours à celui qui sait lui rendre la monnaie de sa piÚce.
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Yasmina Khadra (Ce que le jour doit Ă la nuit)
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Le baiser frappe comme la foudre, l'amour passe comme un orage, puis la vie, de nouveau, se calme comme le ciel, et recommence ainsi qu'avant. Se souvient- on d'un nuage ?
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Guy de Maupassant (Pierre et Jean)
â
Le plus important est ce en quoi vous croyez. Que ce soit la vérité ou pas. La croyance est parfois plus forte que la réalité. Et puis il faut prendre la vie telle qu'elle est. [...]
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â
Romain Puértolas (La petite fille qui avait avalé un nuage grand comme la tour Eiffel)
â
Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Qu'es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d'acier de sang
Et celui qui te serrait dans ses bras
Amoureusement
Est-il mort disparu ou bien encore vivant
Oh Barbara
Il pleut sans cesse sur Brest
Comme il pleuvait avant
Mais ce n'est plus pareil et tout est abimé
C'est une pluie de deuil terrible et désolée
Ce n'est mĂȘme plus l'orage
De fer d'acier de sang
Tout simplement des nuages
Qui crĂšvent comme des chiens
Des chiens qui disparaissent
Au fil de l'eau sur Brest
Et vont pourrir au loin
Au loin trĂšs loin de Brest
Dont il ne reste rien.
â
â
Jacques Prévert (Paroles)
â
C'était une nuit de pleine lune. On y voyait comme en plein jour. Une armée de nuages aussi cotonneux que des flocons vint masquer le ciel. Ils étaient des milliers de guerriers blancs à prendre possession du ciel. C'était l'armée de la neige.
â
â
Maxence Fermine (Snow)
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Alors que la lumiĂšre s'Ă©puise de faire des trous dans les nuages, je me couche sur la plage, devant un feu de bois, les chiens contre le flanc, la kayak remontĂ© de moitiĂ© sur la rive et, Ă©coutant la musique de la houle, je regarde griller mes poissons embrochĂ©s sur des pics de bois vert en pensant que la vie ne devrait ĂȘtre que cela: l'hommage rendu par l'adulte Ă ses rĂȘves d'enfant.
â
â
Sylvain Tesson (Dans les forĂȘts de SibĂ©rie)
â
DâoĂč viennent ces influences mystĂ©rieuses qui changent en dĂ©couragement notre bonheur et notre confiance en dĂ©tresse ? On dirait que lâair, lâair invisible est plein dâinconnaissables Puissances, dont nous subissons les voisinages mystĂ©rieux. Je mâĂ©veille plein de gaietĂ©, avec des envies de chanter dans la gorge. â Pourquoi ? â Je descends le long de lâeau ; et soudain, aprĂšs une courte promenade, je rentre dĂ©solĂ©, comme si quelque malheur mâattendait chez moi. â Pourquoi ? â Est-ce un frisson de froid qui, frĂŽlant ma peau, a Ă©branlĂ© mes nerfs et assombri mon Ăąme ? Est-ce la forme des nuages, ou la couleur du jour, la couleur des choses, si variable, qui, passant par mes yeux, a troublĂ© ma pensĂ©e ? Sait-on ? Tout ce qui nous entoure, tout ce que nous voyons sans le regarder, tout ce que nous frĂŽlons sans le connaĂźtre, tout ce que nous touchons sans le palper, tout ce que nous rencontrons sans le distinguer, a sur nous, sur nos organes et, par eux, sur nos idĂ©es, sur notre cĆur lui-mĂȘme, des effets rapides, surprenants et inexplicables ?
â
â
Guy de Maupassant (Le Horla et autres contes fantastiques (Classiques hachette))
â
- T'as pas apporté des fleurs à Irina?
-Offrir des fleurs aux femmes est une hĂ©rĂ©sie. Les fleurs sont des sexes obscĂšnes, elles symbolisent l'Ă©phĂ©mĂšre et l'infidĂ©litĂ©, elles s'Ă©cartĂšlent sur le bord des chemins, s'offrent Ă tous les vents, Ă la trompe des insectes, aux nuages de graines, aux dents des bĂȘtes; on les foule, on les cueille, on y plonge le nez. A la femme qu'on aime il faudrait offrir des pierres, des fossiles, du gneiss, enfin une de ces choses qui durent Ă©ternellement et survivent Ă la flĂ©trissure.
C'est ce que j'aurai aimé répondre à Volodia mais mon russe est trop faible et je dis:
-Si! mais elles ont fané en route. Le banya, Volodia, tu l'as préparé?
â
â
Sylvain Tesson (Dans les forĂȘts de SibĂ©rie)
â
De l'autre cĂŽtĂ© de la fenĂȘtre, le vent continue son folklore. Des nuages de neige passent avec une rĂ©gularitĂ© de trains fantĂŽmes. Je pense Ă la mĂ©sange (...) Les mĂ©sanges gardent la forĂȘt dans le gel. Elles n'ont pas le snobisme des hirondelles qui passent l'hiver en Ăgypte.
â
â
Sylvain Tesson (Dans les forĂȘts de SibĂ©rie)
â
Voir s'achever le temps de l'angoisse et de la crainte ! Voir se lever puis se dissoudre les nuĂ©es lugubres suspendues au-dessus de nous â ces sombres nuages qui attristent le cĆur et rĂ©duisent le bonheur Ă un vague souvenir ! Rares sont les ĂȘtres qui n'ont jamais Ă©prouvĂ© cette joie-lĂ .
â
â
Richard Adams (Watership Down (Watership Down, #1))
â
Magnolia
C'est un rĂȘve pour l'amour
naissant pas tous les jours
C'est un mythe de printemps
explosant dans l'air du temps
C'est une chanson pour le passée
et son refrain dit d'oublié
C'est simplement un voyage
embrassant les nuages
C'est la fleur qui promĂšsse
La perpetuité de la jeunesse
â
â
Mirela Stancu (O viaÈÄ albastrÄ)
â
L'image la plus simple de la vie organique unie à la rotation est la marée. Du mouvement de la mer, coït uniforme de la terre avec la lune, procÚde le coït polymorphe et organique de la terre et du soleil.
Mais la premiÚre forme de l'amour solaire est un nuage qui s'élÚve au-dessus de l'élément liquide. Le nuage érotique devient parfois orage et reombe vers la terre sous forme de pluie pendant que la foudre défonce les couches de l'atmosphÚre. La pluie se redresse aussitÎt sous forme de plante immobile.
La vie animale est entiÚrement issue du mouvement des mers et, à l'intérieur des corps, la vie continue à sortir de l'eau salée.
La mer a jouée ainsi le rÎle de l'organe femelle qui devient liquide sous l'excitation.
La mer se branle continuellement.
Les éléments solides contenus et brassés par l'eau animée d'un mouvemnet érotique en jaillissent sous forme de poissons volants.
â
â
Georges Bataille (The Solar Anus)
â
- Offre ton identité au Conseil, jeune apprentie.
La voix Ă©tait douce, lâordre sans appel.
- Je mâappelle Ellana Caldin.
- Ton Ăąge.
Ellana hĂ©sita une fraction de seconde. Elle ignorait son Ăąge exact, se demandait si elle nâavait pas intĂ©rĂȘt Ă se vieillir. Les apprentis quâelle avait discernĂ©s dans lâassemblĂ©e Ă©taient tous plus ĂągĂ©s quâelle, le Conseil ne risquait-il pas de la considĂ©rer comme une enfant ? Les yeux noirs dâEhrlime fixĂ©s sur elle la dissuadĂšrent de chercher Ă la tromper.
- Jâai quinze ans.
Des murmures Ă©tonnĂ©s sâĂ©levĂšrent dans son dos.
Imperturbable, Ehrlime poursuivit son interrogatoire.
- Offre-nous le nom de ton maĂźtre.
- Jilano AlhuĂŻn.
Les murmures, qui sâĂ©taient tus, reprirent. Plus marquĂ©s, Ehrlime leva une main pour exiger un silence quâelle obtint immĂ©diatement.
- Jeune Ellana, je vais te poser une sĂ©rie de questions. A ces questions, tu devras rĂ©pondre dans lâinstant, sans rĂ©flĂ©chir, en laissant les mots jaillir de toi comme une cascade vive. Les mots sont un cours dâeau, la source est ton Ăąme. Câest en remontant tes mots jusquâĂ ton Ăąme que je saurai discerner si tu peux avancer sur la voie des marchombres. Es-tu prĂȘte ?
- Oui.
Une esquisse de sourire traversa le visage ridĂ© dâEhrlime.
- Quây a-t-il au sommet de la montagne ?
- Le ciel.
- Que dit le loup quand il hurle ?
- Joie, force et solitude.
- Ă qui sâadresse-t-il ?
- Ă la lune.
- OĂč va la riviĂšre ?
LâanxiĂ©tĂ© dâEllana sâĂ©tait dissipĂ©e. Les questions dâEhrlime Ă©taient trop imprĂ©vues, se succĂ©daient trop rapidement pour quâelle ait dâautre solution quây rĂ©pondre ainsi quâon le lui avait demandĂ©. Impossible de tricher. Cette Ă©vidence se transforma en une onde paisible dans laquelle elle sâimmergea, laissant Ehrlime remonter le cours de ses mots jusquâĂ son Ăąme, puisque câĂ©tait ce quâelle dĂ©sirait.
- Remplir la mer.
- Ă qui la nuit fait-elle peur ?
- Ă ceux qui attendent le jour pour voir.
- Combien dâhommes as-tu dĂ©jĂ tuĂ©s ?
- Deux.
- Es-tu vent ou nuage ?
- Je suis moi.
- Es-tu vent ou nuage ?
- Vent.
- MĂ©ritaient-ils la mort ?
- Je lâignore.
- Es-tu ombre ou lumiĂšre ?
- Je suis moi.
- Es-tu ombre ou lumiĂšre ?
- Les deux.
- OĂč se trouve la voie du marchombre ?
- En moi.
Ellana sâexprimait avec aisance, chaque rĂ©ponse jaillissant dâelle naturellement, comme une expiration aprĂšs une inspiration. FluiditĂ©. Le sourire sur le visage dâEhrlime Ă©tait revenu, plus marquĂ©, et une pointe de jubilation perçait dans sa voix ferme.
- Que devient une larme qui se brise ?
- Une poussiĂšre dâĂ©toiles.
- Que fais-tu devant une riviĂšre que tu ne peux pas traverser ?
- Je la traverse.
- Que devient une Ă©toile qui meurt ?
- Un rĂȘve qui vit.
- Offre-moi un mot.
- Silence.
- Un autre.
- Harmonie.
- Un dernier.
- Fluidité.
- Lâours et lâhomme se disputent un territoire. Qui a raison ?
- Le chat qui les observe.
- Marie tes trois mots.
- Marchombre.
â
â
Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
â
Et vif comme la pensée, il m'échappa, dévalant la pente comme l'ombre d'un nuage quand le vent souffle
â
â
Robin Hobb
â
Sans l'Ă©criture, comment entendre la Âneige fondre, les feuilles pousser, et les nuages se promener ?
â
â
Kim ThĂșy
â
Mon peuple est un peuple de nuages
nous ne les pelletons pas l'hiver
la neige nous Ă©lĂšve en ĂȘtres insurgĂ©s
raquettes aux pieds, joues saillantes
â
â
Natasha Kanapé Fontaine (Bleuets et abricots)
â
Je cheminais à travers une ville transformée, sous des nuages jamais vus, le long de maisons qui me regardaient, à cÎté de gens qui me soupçonnaient.
â
â
Hermann Hesse (Demian)
â
J'ai rĂȘvĂ© que je dormais paisiblement, en suspension dans un petit nuage bien douillet formĂ© par les vapeurs de soufre d'un volcan en Ă©ruption.
â
â
Gaël Faye (Petit pays)
â
⊠sans que le moindre nuage vĂźnt altĂ©rer lâazur du ciel sous lequel ils vivaient.
â
â
Honoré de Balzac (LA MAISON DU CHAT QUI PELOTE (LANA))
â
â J'aimerais attraper un de ces nuages roses, vous y enfermer, et vous envoyer rouler dans l'espace.
â
â
F. Scott Fitzgerald (The Great Gatsby)
â
Tu déchires des nuages et tu les envoies en direction du vent. Et alors?
Il est des nuages trÚs fertiles et cela requiert un sol approprié.
â
â
Mahmoud Darwish
â
Ă lâenvers des nuages, il y a toujours un ciel.
â
â
Ăric-Emmanuel Schmitt (Le Sumo qui ne pouvait pas grossir)
â
Qui t'en empĂȘche, ĂŽ Toi qui rĂšgnes sur ma vie, Toi qui peux presque tout, Toi qui, d'un plissement volontaire de tes sourcils, rapproches dans le ciel les nuages ?
â
â
Colette Gauthier-Villars (Sido / Les vrilles de la vigne)
â
- Qui aimes-tu le mieux, homme Ă©nigmatique, dis? ton pĂšre, ta mĂšre, ta soeur ou ton frĂšre?
- Je n'ai ni pĂšre, ni mĂšre, ni soeur, ni frĂšre.
- Tes amis?
- Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.
- Ta patrie?
- J'ignore sous quelle latitude elle est située.
- La beauté?
- Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle?
- L'or?
- Je le hais comme vous haĂŻssez Dieu.
- Eh! qu'aimes-tu donc, extraordinaire Ă©tranger?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... lĂ -bas... lĂ -bas... les merveilleux nuages!
â
â
Charles Baudelaire
â
Il est certains esprits dont les sombres pensées
Sont dâun nuage Ă©pais toujours embarrassĂ©es ;
Le jour de la raison ne le saurait percer.
Avant donc que dâĂ©crire, apprenez Ă penser.
Selon que notre idée est plus ou moins obscure,
Lâexpression la suit, ou moins nette, ou plus pure.
Ce que lâon conçoit bien sâĂ©nonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
â
â
Nicolas Boileau (L'Art Poétique)
â
Ils Ă©taient les hommes et les femmes du sable, du vent, de la lumiĂšre, de la nuit. Ils Ă©taient apparus, comme dans un rĂȘve, en haut dâune dune, comme sâils Ă©taient nĂ©s du ciel sans nuages.
â
â
J.M.G. Le Clézio
â
Elle, la voleuse de livres dĂ©pourvue de mots. Mais croyez-moi, les mots allaient venir et, lorsquâils arriveraient, Liesel les prendrait dans sa main, comme les nuages, et elle en exprimerait la substance, comme la pluie.
â
â
Markus Zusak (The Book Thief)
â
Il embrassa ma joue et ferma les yeux. JâĂ©coutai sa respiration pendant que je le tenais. Jâattendais que le regret, lâanxiĂ©tĂ© ou mĂȘme la claustrophobie me fassent tomber de mon nuage et tuent la joie et le sentiment de justesse que je ressentais. Mais ce moment avec Mitch Ă©tait plus fort que les prĂ©cĂ©dents. Je me sentais invincible et en phase avec ma place dans le monde comme jamais auparavant. Quelque chose me disait quâil Ă©tait la clĂ©.
â
â
Lane Hayes
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EspÚce de saint d'Afrique, pensé-je, tu viens donner ta sagesse à un sauvage d'Europe qui suit la lune sur le calendrier et les nuages d'aprÚs le bulletin de la radio, et qui ne sait lire aucun mot sans un alphabet. (p. 93)
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â
Erri De Luca (Tre cavalli)
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Parce que la vie, c'était un peu comme la mayonnaise. Faite de choses simples, comme des jaunes d'oeuf et de l'huile, et qu'il ne fallait surtout pas brusquer mais qu'un effort régulier transformait en le plus savoureux des mélanges.
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Romain Puértolas (La petite fille qui avait avalé un nuage grand comme la tour Eiffel)
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Je les regardais parfois de la fenĂȘtre de ma chambre. Le ciel Ă©tait presque toujours gris, lâĂ©tendue infinie de nuages portait en son ventre des pluies lourdes et interminables. CâĂ©tait le ciel de ma jeunesse : avec une mĂ©tĂ©o pareille, on est condamnĂ© Ă aimer la littĂ©rature.
â
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Nicolas Ancion (Mondes en VF - La cravate de Simenon - Niv. A2 - Ebook (Mondes en VF Niveau A2) (French Edition))
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- Qu'y-a-t-il au sommet de la montagne ?
- Le ciel.
- Que dit le loup quand il hurle ?
- Joie, force et solitude.
- A qui s'adresse-t-il ?
- A la lune.
- OĂč va la riviĂšre ?
- Remplir la mer.
- A qui la nuit fait-elle peur ?
- A ceux qui attendent le jour pour voir.
- Es-tu vent ou nuage ?
- Je suis moi.
- Es-tu vent ou nuage ?
- Vent.
- Es-tu ombre ou lumiĂšre ?
- Je suis moi.
- Es-tu ombre ou lumiĂšre ?
- Les deux.
- Que devient une lame qui se brise ?
- Une poussiĂšre d'Ă©toile.
- Que fais-tu devant une riviĂšre que tu ne peux pas traverser ?
- Je le traverse.
- Que devient une Ă©toile qui meurt ?
- Un rĂȘve qui vit.
- Offre moi un mot.
- Silence.
- Un autre.
- Harmonie.
- Un dernier.
- Fluidité.
- L'ours et le chien se disputent un territoire, qui a raison ?
- Le chat qui les observe.
- Marie tes trois mots.
- Marchombre.
â
â
Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
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Nicolas Wells rejoignit les autres. De son onde propre, il renrichit la vibration collective : OM. Un instant, il se sentit devenir un nuage immatĂ©riel et lĂ©ger qui s'Ă©levait et traversait les matiĂšres. C'Ă©tait mille fois mieux qu'ĂȘtre dieu parmi les fourmis. Libre ! Il Ă©tait libre.
â
â
Bernard Werber (La Trilogie des Fourmis)
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des nuages blancs, humides, qui prenaient des formes fantomatiques si lourdes, si froides, si menaçantes qu'il ne fallait pas un grand effort d'imagination pour penser que les esprits des marins morts en mer venaient toucher leurs frÚres en vie et plus d'un marin trembla en sentant l'envelopper des mains humides que semblait former le brouillard marin.
â
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Bram Stoker
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L'obscurité était sereine. Pas un nuage au zénith. Qu'importe que la terre soit rouge, la lune reste blanche. Ce sont là les indifférences du ciel. Dans les prairies, des branches d'arbre cassées par la mitraille mais non tombées et retenues par l'écorce se balançaient doucement au vent de la nuit. Une haleine, presque une respiration, remuait les brousailles. Il y avait dans l'herbe des frissons qui ressemblaient à des départs d'ùmes.
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Victor Hugo (Les Misérables)
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Ce nâĂ©tait pas une larme. Il nây avait plus de larme. Il nây avait plus quâelle, seule Ă Port Maria. Et dĂ©sormais lâĂ©quinoxe, le printemps, la saison des amours, les bourgeons en fleur : tout Ă©tait placĂ© sous le signe du renouveau. Elle inspira profondĂ©ment, humectant lâodeur rafraĂźchissante de lâeau salĂ©e mĂȘlĂ©e Ă la lourdeur dâun ciel dâorage. Au fil des minutes, les nuages, comme elle, effectuaient leur transition, ils Ă©taient sur le dĂ©part.
â
â
Laura P. Sikorski
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- Maman, pourquoi les nuages vont dans un sens et nous dans l'autre ?
Isaya sourit, caressa la joue de sa fille du bout des doigts.
- Il y a deux réponses à ta question. Comme à toutes les questions, tu le sais bien. Laquelle veux-tu entendre ?
- Les deux.
-Laquelle en premier alors ?
La fillette plissa le nez.
- Celle du savant.
- Nous allons vers le nord parce que nous cherchons une terre oĂč nous Ă©tablir. Un endroit oĂč construire une belle maison, Ă©lever des coureurs et cultiver des racines de niam. C'est notre rĂȘve depuis des annĂ©es et nous avons quittĂ© Al-Far pour le vivre.
- Je nâaime pas les galettes de niam...
- Nous planterons aussi des fraises, promis. Les nuages, eux, n'ont pas le choix. Ils vont vers le sud parce que le vent les pousse et, comme ils sont trÚs trÚs légers, il sont incapables de lui résister.
- Et la réponse du poÚte ?
- Les hommes sont comme les nuages. Ils sont chassés en avant par un vent mystérieux et invisible face auquel ils sont impuissants. Ils croient maßtriser leur route et se moquent de la faiblesse des nuages, mais leur vent à eux est mille fois plus fort que celui qui souffle là -haut.
La fillette croisa les bras et parut se désintéresser de la conversation afin d'observer un vol de canards au plumage chatoyant qui se posaient sur la riviÚre proche. Indigo, émeraude ou vert pùle, ils se bousculaient dans une cacophonie qui la fit rire aux éclats.
Lorsque les chariots eurent dépassé les volatiles, elle se tourna vers sa mÚre.
- Cette fois, je préfÚre la réponse du savant.
-Pourquoi ? demande Isaya qui avait attendu sereinement la fin de ce qu'elle savait ĂȘtre une intense rĂ©flexion.
- J'aime pas qu'on me pousse en cachette.
â
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Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
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Les sujets m'obsĂšdent. Quand je ferme les yeux, je vois une armĂ©e, un monde de crĂ©ation se peindre et s'agiter dans mon cerveau. Quand je rouvre les yeux, tout cela disparaĂźt. [...] Et quand je m'approche de cette table maudite, la lave se fige et l'inspiration se refroidit. Pendant le temps d'apprĂȘter une feuille de papier et de tailler ma plume, l'ennui me gagne ; l'odeur de l'encre me donne des nausĂ©es. Et puis cette horrible nĂ©cessitĂ© de traduire par des mots et d'aligner en pĂątes de mouches des pensĂ©es ardentes, vives, mobiles comme les rayons du soleil teignant les nuages de l'air.
â
â
George Sand (Horace)
â
- Tu vois, ce n'Ă©tait pas si difficile.
En guise de réponse, Hurj poussa un grommellement inintelligible.
Il avait failli tomber une dizaine de fois, s'était ouvert les doigts, entaillé le front, meurti les cÎtes et, quand une pierre s'était détachée sous son pied et qu'il s'était senti basculer en arriÚre, il avait couiné.
Couiné.
Lui, Hurj Ingan, fils d'un des clans thĂŒls les plus puissants du nord-ouest, avait couinĂ©.
Il sentait le courroux de ses ancĂȘtres vigilants planer au-dessus de lui tel un nuage sombre, n'attendant qu'un nouveau faux pas pour le plonger dans la honte et le dĂ©shonneur.
Il avait couiné !
â
â
Pierre Bottero (Ellana, l'Envol (Le Pacte des MarchOmbres, #2))
â
LE FEU DES DIEUX
à vous-autres voyez comment les années tombent
toutes avec fracas et forment un nuage,
et l'oiseau sur sa branche se moque des rĂȘves
de l'homme, tandis que tout expire comme des Ă©cailles.
Ce feu, que le propre Prométhée ne rédime pas,
douleur mise sur le front pour qu'elle soit Ă©ternelle,
ĂŽ voyez-le croĂźtre sur les ruines,
les cendres qui restent de son brasier muet.
Nous parcourons les heures sans regarder leur visage,
ces lĂšvres qui parfois nous appellent de si loin.
Ă si nous pouvions penser Ă l'autre songe
et si la flamme s'Ă©levait enfin vers le repos
oscillant pour toujours au milieu de la Beauté !
â
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Juan Rodolfo Wilcock
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Le soleil, glissant ses derniers rayons sous la masse des nuages amoncelĂ©s, ornait d'une crĂȘte d'or les moindres accidents du sol : arbres gigantesques, herbes arborescentes, mousses Ă ras de terre, tout avait sa part de cet effluve lumineux ; le terrain, lĂ©gĂšrement ondulĂ©, ressautait çà et lĂ en petites collines coniques ; pas de montagnes Ă l'horizon ; d'immenses palissades broussaillĂ©es, des haies impĂ©nĂ©trables, des jungles Ă©pineuses sĂ©paraient les clairiĂšres oĂč s'Ă©talaient de nombreux villages ; les euphorbes gigantesques les entouraient de fortifications naturelles, en s'entremĂȘlant aux branches coralliformes des arbustes.
â
â
Jules Verne (Ćuvres complĂštes)
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Ceux d'entre nous qui ignorent le secret consistant Ă rĂ©gler au plus juste leur propre existence sur cet ocĂ©an tumultueux de tracas absurdes que nous appelons la vie, ceux-lĂ vivent dans un Ă©tat de souffrance permanente - tout en s'efforçant, mais en vain, de paraĂźtre heureux et satisfaits. Nous chancelons en tentant de conserver notre Ă©quilibre moral, et nous voyons des signes prĂ©curseurs de tempĂȘte dans chaque nuage flottant Ă l'horizon. Quelle joie et quelle beautĂ©; cependant, dans le dĂ©ferlement des vagues qui roulent vers l'Ă©ternitĂ© ! Pourquoi ne pas pĂ©nĂ©trer l'esprit de la vague, ou comme Lie-tseu, chevaucher l'ouragan lui-mĂȘme ?
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KakuzĆ Okakura (The Book of Tea)
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Il y a quelqu'un que je n'ai encore jamais eu envie de tuer.
C'est toi.
Tu peux marcher dans les rues, tu peux boire et marcher dans les rues, je ne te tuerai pas.
N'aie pas peur. La ville est sans danger. Le seul danger dans la ville, c'est moi.
Je marche, je marche dans les rues, je tue.
Mais toi, tu n'as rien Ă craindre.
Si je te suis, c'est parce que j'aime le rythme de tes pas. Tu titubes. C'est beau. On pourrait dire que tu boites. Et que tu es bossu. Tu ne l'es pas vraiment. De temps en temps tu te redresses, et tu marches droit. Mais moi, je t'aime dans les heures avancées de la nuit, quand tu es faible, quand tu trébuches, quand tu te voûtes.
Je te suis, tu trembles. De froid ou de peur. Il fait chaud pourtant.
Jamais, presque jamais, peut-ĂȘtre jamais il n'avait fait si chaud dans notre ville.
Et de quoi pourrais-tu avoir peur?
De moi?
Je ne suis pas ton ennemi. Je t'aime.
Et personne d'autre ne pourrait te faire du mal.
N'aie pas peur. je suis lĂ . Je te protĂšge.
Pourtant, je souffre aussi.
Mes larmes - grosses gouttes de pluie - me coulent sur le visage. La nuit me voile. La lune m'éclaire. Les nuages me cachent. Le vent me déchire. J'ai une sorte de tendresse pour toi. Cela m'arrive parfois. Tres rarement.
Pourquoi pour toi? Je n'en sais rien.
Je veux te suivre trĂšs loin, partout, longtemps.
Je veux te voir souffrir encore plus.
Je veux que tu en aies assez de tout le reste.
Je veux que tu viennes me supplier de te prendre.
Je veux que tu me désires. Que tu aies envie de moi, que tu m'aimes, que tu m'appelles.
Alors, je te prendrai dans mes bras, je te serrerai sur mon coeur, tu seras mon enfant, mon amant, mon amour.
Je t'emporterai.
Tu avais peur de naĂźtre, et maintenant tu as peur de mourir.
Tu as peur de tout.
Il ne faut pas avoir peur.
Il y a simplement une grande roue qui tourne. Elle s'appelle ĂternitĂ©.
C'est moi qui fais tourner la grande roue.
Tu ne dois pas avoir peur de moi.
Ni de la grande roue.
La seule chose qui puisse faire peur, qui puisse faire mal, c'est la vie, et tu la connais déjà .
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Ăgota KristĂłf
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On servit le souper, Milady sentit quâelle avait besoin de forces, elle ne savait pas ce qui pouvait se passer pendant cette nuit qui sâapprochait menaçante, car de gros nuages roulaient au ciel, et des Ă©clairs lointains annonçaient un orage.
Lâorage Ă©clata vers les dix heures du soir ; milady sentait une consolation Ă voir la nature partager le dĂ©sordre de son cĆur ; la foudre grondait dans lâair comme la colĂšre dans sa pensĂ©e, il lui semblait que la rafale, en passant, Ă©chevelait son front comme les arbres dont elle courbait les branches et enlevait les feuilles ; elle hurlait comme lâouragan, et sa voix se perdait dans la grande voix de la nature, qui, elle aussi, semblait gĂ©mir et se dĂ©sespĂ©rer.
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Alexandre Dumas (The Three Musketeers)
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Ătes-vous ce quâon appelle un heureux ? Eh bien, vous ĂȘtes triste tous les jours. Chaque jour a son grand chagrin ou son petit souci. Hier, vous trembliez pour une santĂ© qui vous est chĂšre, aujourdâhui vous craignez pour la vĂŽtre, demain ce sera une inquiĂ©tude dâargent, aprĂšs-demain la diatribe dâun calomniateur, lâautre aprĂšs-demain le malheur dâun ami ; puis le temps quâil fait, puis quelque chose de cassĂ© ou de perdu, puis un plaisir que la conscience et la colonne vertĂ©brale vous reprochent ; une autre fois, la marche des affaires publiques. Sans compter les peines de cĆur. Et ainsi de suite. Un nuage se dissipe, un autre se reforme. Ă peine un jour sur cent de pleine joie et de plein soleil. Et vous ĂȘtes de ce petit nombre qui a le bonheur ! Quant aux autres hommes, la nuit stagnante est sur eux.
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Victor Hugo (Les Misérables)
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un soir de guerre et ceux qui regardent parmi nous bouche bée
voient la beauté devenir effroyable
coucher de soleil, souffle de nuages gris aux stries rouges
nous observons une maison qui brûle
tout l'aprĂšs-midi, toute la nuit
toutes les nuits nous regardons un autre feu qui brûle
Mardi Butler house
Mercredi radio grenade libre
Jeudi poste de police [...]
Ă chaque bruit nouveau de la guerre
dans la froide lumiĂšre de cinq heures du matin
il manque quelque chose
quelques parties du corps
quelques lieux de ce monde
une Ăźle, un endroit auquel penser
Je marche sur un rocher d'un rivage de la Barbade
cherchant oĂč Ă©tait grenade
à présent le vol d un bombardier américain
laisse une trace de viol dans la chambre
de chaque réveil que devons nous faire aujourd'hui
prĂȘt Ă combattre couchĂ©s dans le couloir Ă les attendre
la peur nous tient éveillés
et nous fait rĂȘver de sommeil
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Dionne Brand
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Ce vertige, cette terreur, cette chute en ruine de la plus haute bravoure qui ait jamais Ă©tonnĂ© lâhistoire, est-ce que cela est sans causeâŻ? Non. Lâombre dâune droite Ă©norme se projette sur Waterloo. Câest la journĂ©e du destin. La force au-dessus de lâhomme a donnĂ© ce jour-lĂ . De lĂ le pli Ă©pouvantĂ© des tĂȘtesâŻ; de lĂ toutes ces grandes Ăąmes rendant leur Ă©pĂ©e. Ceux qui avaient vaincu lâEurope sont tombĂ©s terrassĂ©s, nâayant plus rien Ă dire ni Ă faire, sentant dans lâombre une prĂ©sence terrible. Hoc erat in fatis. Ce jour-lĂ , la perspective du genre humain a changĂ©. Waterloo, câest le gond du dix-neuviĂšme siĂšcle. La disparition du grand homme Ă©tait nĂ©cessaire Ă lâavĂšnement du grand siĂšcle. Quelquâun Ă qui on ne rĂ©plique pas sâen est chargĂ©. La panique des hĂ©ros sâexplique. Dans la bataille de Waterloo, il y a plus que du nuage, il y a du mĂ©tĂ©ore. Dieu a passĂ©. A la nuit tombante, dans un champ
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Victor Hugo (Les Misérables: Roman (French Edition))
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NikĂ©, aprĂšs quelques minutes dâescalade, abandonna la compĂ©tition pour admirer les fleurs sauvages qui diapraient la montagne comme une mosaĂŻque.
âŠSi elle tressait une guirlande ?
Elle leva vers Nicias, qui continuait lâascension, son visage lisse comme une olive, ou brillait un regard malicieux :
â Quand tu seras en haut, ne tâenvole pas !
Le garçon sâarrĂȘta :
â Tu ne joues plus ?
â Je prĂ©fĂšre cueillir des fleurs pour ArtĂ©mis.
â La statue de la dĂ©esse ?
â Oui.
Sur le mont Mangone, giroflĂ©es, asphodĂšles, mauves, gĂ©raniums, Ćillets, marjolaines, absinthes, croissaient Ă plaisir. Lâair surchauffĂ© entĂȘtait comme une cassolette.
Niké, les bras surchargés, pensa :
« Ce nâest pas Ă©tonnant que les chiens perdent la trace du gibier quand ils sont en montagne⊠»
Elle hĂ©sita Ă cueillir les ombelles du sĂ©linon en pensant que la plante sĂ©crĂ©tait un suc qui Ă©tait un poison pour les oiseaux. Or, ArtĂ©mis trĂŽnait dans un bois oĂč chardonnerets, pinsons et serins Ă©taient nombreux. Sâils allaient picorer la guirlande ?
La fillette renonça au lĂ©ger nuage des ombelles pour lui prĂ©fĂ©rer une touffe de silĂšnes dâun rose dâaurore. La guirlande devenait ravissante.
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L.N. Lavolle (L'Otage de Rome)
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JEANNE ENDORMIE. -- I LA SIESTE Elle fait au milieu du jour son petit somme; Car l'enfant a besoin du rĂȘve plus que l'homme, Cette terre est si laide alors qu'on vient du ciel ! L'enfant cherche Ă revoir ChĂ©rubin, Ariel, Ses camarades, Puck, Titania, les fĂ©es, Et ses mains quand il dort sont par Dieu rĂ©chauffĂ©es. Oh ! comme nous serions surpris si nous voyions, Au fond de ce sommeil sacrĂ©, plein de rayons, Ces paradis ouverts dans l'ombre, et ces passages D'Ă©toiles qui font signe aux enfants d'ĂȘtre sages, Ces apparitions, ces Ă©blouissements ! Donc, Ă l'heure oĂč les feux du soleil sont calmants, Quand toute la nature Ă©coute et se recueille, Vers midi, quand les nids se taisent, quand la feuille La plus tremblante oublie un instant de frĂ©mir, Jeanne a cette habitude aimable de dormir; Et la mĂšre un moment respire et se repose, Car on se lasse, mĂȘme Ă servir une rose. Ses beaux petits pieds nus dont le pas est peu sĂ»r Dorment; et son berceau, qu'entoure un vague azur Ainsi qu'une aurĂ©ole entoure une immortelle, Semble un nuage fait avec de la dentelle; On croit, en la voyant dans ce frais berceau-lĂ , Voir une lueur rose au fond d'un falbala; On la contemple, on rit, on sent fuir la tristesse, Et c'est un astre, ayant de plus la petitesse; L'ombre, amoureuse d'elle, a l'air de l'adorer; Le vent retient son souffle et n'ose respirer. Soudain, dans l'humble et chaste alcĂŽve maternelle, Versant tout le matin qu'elle a dans sa prunelle, Elle ouvre la paupiĂšre, Ă©tend un bras charmant, Agite un pied, puis l'autre, et, si divinement Que des fronts dans l'azur se penchent pour l'entendre, Elle gazouille...-Alors, de sa voix la plus tendre, Couvrant des yeux l'enfant que Dieu fait rayonner, Cherchant le plus doux nom qu'elle puisse donner Ă sa joie, Ă son ange en fleur, Ă sa chimĂšre: -Te voilĂ rĂ©veillĂ©e, horreur ! lui dit sa mĂšre.
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Victor Hugo (L'Art d'ĂȘtre grand-pĂšre)
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Charlotte se trouvait seule ; aucun de ses frĂšres et sĆurs nâĂ©tait autour dâelle ; elle sâabandonnait Ă ses rĂ©flexions, qui passaient doucement sa situation en revue. Elle se voyait pour jamais unie Ă un homme dont elle connaissait lâamour et la fidĂ©litĂ©, Ă qui elle Ă©tait dĂ©vouĂ©e, dont le calme, la soliditĂ©, semblaient destinĂ©s par le ciel mĂȘme Ă fonder, pour la vie, le bonheur dâune honnĂȘte femme ; elle sentait ce quâil serait toujours pour elle et pour sa famille. Dâun autre cĂŽtĂ©, Werther lui Ă©tait devenu bien cher ; dĂšs le premier moment oĂč ils avaient appris Ă se connaĂźtre, la sympathie de leurs caractĂšres sâĂ©tait rĂ©vĂ©lĂ©e de la maniĂšre la plus heureuse ; leur longue liaison, tant de situations diverses oĂč ils sâĂ©taient trouvĂ©s, avaient fait sur le cĆur de Charlotte une impression ineffaçable. Tous les sentiments, toutes les pensĂ©es qui lâintĂ©ressaient, elle Ă©tait accoutumĂ©e Ă les partager avec lui, et le dĂ©part de Werther menaçait de faire dans toute son existence un vide, qui ne pourrait plus ĂȘtre comblĂ©. Oh ! si elle avait pu dans ce moment le changer en un frĂšre ! quâelle se serait trouvĂ©e heureuse !⊠Si elle avait osĂ© le marier avec une de ses amies, elle aurait pu espĂ©rer de rĂ©tablir tout Ă fait la bonne intelligence entre Albert et lui.
Elle avait passĂ© en revue toutes ses amies, et trouvait Ă chacune quelque dĂ©faut ; elle nâen voyait aucune Ă qui elle eĂ»t donnĂ© Werther volontiers.
En faisant toutesâces rĂ©flexions, elle finit par sentir profondĂ©ment, sans se lâexpliquer dâune maniĂšre bien claire, que le secret dĂ©sir, de son cĆur Ă©tait de le garder pour elle, et elle se disait en mĂȘme temps quâelle ne pouvait, quâelle ne devait pas le garder ; son Ăąme pure et belle, jusquâalors si libre et si courageuse, sentit le poids dâune mĂ©lancolie Ă laquelle est fermĂ©e la perspective du bonheur. Son cĆur Ă©tait oppressĂ©, et un sombre nuage couvrait ses yeux.
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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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Les brumes sâĂ©paississent sur les cimes du Ć ar. Les versants se dressent face Ă Emina, implacables dans le jour dĂ©clinant. Les paroles de Feti ricochent en elle, par-dessus la musique quâil met plus fort dans la voiture. Elles traversent le scherzo du violon dont les volutes tournoient entre eux, alors quâils arrivent Ă Tetovo. Elles dissipent le sourd espoir qui lâa menĂ©e ici, au-delĂ du dĂ©sir de renouer avec le frĂšre dâYllka. Elle mesure lâampleur de son rĂȘve, de ce quâelle nâa dit Ă personne lĂ -bas en Allemagne. Ils auraient passĂ© leur bras autour de ses Ă©paules. Ils lâauraient entourĂ©e dâune affection mĂȘlĂ©e de pitiĂ©âŠ
Oui, dans lâoutremer des montagnes, elle croit apercevoir la trace dâYllka. Les empreintes fines dâun oiseau sur un sentier couvert de sable. Elles conduiraient Ă une maison de montagne qui sentirait le bois et le foin Ă la fin de lâĂ©tĂ©. Parce quâYllka se serait rĂ©fugiĂ©e quelque part ici. Elle y attendrait Emina, sa fille, Alija, son fils, depuis toutes ces annĂ©es. Elle-mĂȘme mue par la conviction que ses enfants finiront par la rejoindre. Car comment pourrait-elle savoir oĂč ils vivent aujourdâhui, si mĂȘme ils vivent encore ? Comment ? Et câest la raison de son silence. Il ne peut en ĂȘtre autrement. Preuve de vie ou de mort, Emina ne sâen ira pas dâici sans lâavoir obtenue.
« Je peux juste te parler dâelle. Celle quâelle fut ici. Ma sĆur, ta mĂšre⊠» Des mots qui lacĂšrent le ciel trĂšs loin au-dessus dâelle. Feti gare sa voiture le long de la rue bordĂ©e dâimmeubles. Sâil se trompait⊠Si Yllka nâavait pas pu le retrouver lui non plus ?
Les feuillages des arbres flamboient sur les trottoirs. Des traĂźnĂ©es couleur de fer assombrissent les nuages au-dessus des immeubles. Ils se creusent dâun vaste cratĂšre noirĂątre. Des choucas Ă©voluent par centaines sur la ville, alors que le soleil descend Ă lâhorizon. Ils sâinsinuent dans les invisibles couloirs ouverts par de secrĂštes turbulences. Leur vacarme secoue les airs, assourdit Emina. Elle est sur le point de flancher, rattrapĂ©e par le lieu et les cris des oiseaux.
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Cécile Oumhani (Le café d'Yllka)
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IV
-Oh ! comme ils sont goulus ! dit la mĂšre parfois. Il faut leur donner tout, les cerises des bois, Les pommes du verger, les gĂąteaux de la table; S'ils entendent la voix des vaches dans l'Ă©table Du lait ! vite ! et leurs cris sont comme une forĂȘt De Bondy quand un sac de bonbons apparaĂźt. Les voilĂ maintenant qui rĂ©clament la lune ! Pourquoi pas ? Le nĂ©ant des gĂ©ants m'importune; Moi j'admire, Ă©bloui, la grandeur des petits. Ah ! l'Ăąme des enfants a de forts appĂ©tits, Certes, et je suis pensif devant cette gourmande Qui voit un univers dans l'ombre, et le demande. La lune ! Pourquoi pas ? vous dis-je. Eh bien, aprĂšs ? Pardieu ! si je l'avais, je la leur donnerais. C'est vrai, sans trop savoir ce qu'ils en pourraient faire, Oui, je leur donnerais, lune, ta sombre sphĂšre, Ton ciel, d'oĂč Swedenborg n'est jamais revenu, Ton Ă©nigme, ton puits sans fond, ton inconnu ! Oui, je leur donnerais, en disant: Soyez sages ! Ton masque obscur qui fait le guet dans les nuages, Tes cratĂšres tordus par de noirs aquilons, Tes solitudes d'ombre et d'oubli, tes vallons, Peut-ĂȘtre heureux, peut-ĂȘtre affreux, Ă©dens ou bagnes, Lune, et la vision de tes pĂąles montagnes. Oui, je crois qu'aprĂšs tout, des enfants Ă genoux Sauraient mieux se servir de la lune que nous; Ils y mettraient leurs voeux, leur espoir, leur priĂšre; Ils laisseraient mener par cette aventuriĂšre Leurs petits coeurs pensifs vers le grand Dieu profond. La nuit, quand l'enfant dort, quand ses rĂȘves s'en vont, Certes, ils vont plus loin et plus haut que les nĂŽtres. Je crois aux enfants comme on croyait aux apĂŽtres; Et quand je vois ces chers petits ĂȘtres sans fiel Et sans peur, dĂ©sirer quelque chose du ciel, Je le leur donnerais, si je l'avais. La sphĂšre Que l'enfant veut, doit ĂȘtre Ă lui, s'il la prĂ©fĂšre. D'ailleurs, n'avez-vous rien au delĂ de vos droits ? Oh ! je voudrais bien voir, par exemple, les rois S'Ă©tonner que des nains puissent avoir un monde ! Oui, je vous donnerais, anges Ă tĂȘte blonde, Si je pouvais, Ă vous qui rĂ©gnez par l'amour, Ces univers baignĂ©s d'un mystĂ©rieux jour, Conduits par des esprits que l'ombre a pour ministres, Et l'Ă©norme rondeur des planĂštes sinistres. Pourquoi pas  ? Je me fie Ă vous, car je vous vois, Et jamais vous n'avez fait de mal. Oui, parfois, En songeant Ă quel point c'est grand, l'Ăąme innocente, Quand ma pensĂ©e au fond de l'infini s'absente, Je me dis, dans l'extase et dans l'effroi sacrĂ©, Que peut-ĂȘtre, lĂ -haut, il est, dans l'IgnorĂ©, Un dieu supĂ©rieur aux dieux que nous rĂȘvĂąmes, Capable de donner des astres Ă des Ăąmes.
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Victor Hugo (L'Art d'ĂȘtre grand-pĂšre)
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De cette assise sortent les spirales des liserons Ă cloches blanches, les brindilles de la bugrane rose, mĂȘlĂ©es de quelques fougĂšres, de quelques jeunes pousses de chĂȘne aux feuilles magnifiquement colorĂ©es et lustrĂ©es ; toutes sâavancent prosternĂ©es, humbles comme des saules pleureurs, timides et suppliantes comme des priĂšres. Au-dessus, voyez les fibrilles dĂ©liĂ©es, fleuries, sans cesse agitĂ©es de lâamourette purpurine qui verse Ă flots ses anthĂšres presque jaunes ; les pyramides neigeuses du paturin des champs et des eaux, la verte chevelure des bromes stĂ©riles, les panaches effilĂ©s de ces agrostis nommĂ©s les Ă©pis du vent ; violĂątres espĂ©rances dont se couronnent les premiers rĂȘves et qui se dĂ©tachent sur le fond gris de lis oĂč la lumiĂšre rayonne autour de ces herbes en fleurs. Mais dĂ©jĂ plus haut, quelques roses du Bengale clairsemĂ©es parmi les folles dentelles du daucus, les plumes de la linaigrette, les marabous de la reine des prĂ©s, les ombellules du cerfeuil sauvage, les blonds cheveux de la clĂ©matite en fruits, les mignons sautoirs de la croisette au blanc de lait, les corymbes des millefeuilles, les tiges diffuses de la fumeterre aux fleurs roses et noires, les vrilles de la vigne, les brins tortueux des chĂšvrefeuilles ; enfin tout ce que ces naĂŻves crĂ©atures ont de plus Ă©chevelĂ©, de plus dĂ©chirĂ©, des flammes et de triples dards, des feuilles lancĂ©olĂ©es, dĂ©chiquetĂ©es, des tiges tourmentĂ©es comme les dĂ©sirs entortillĂ©s au fond de lâĂąme. Du sein de ce prolixe torrent dâamour qui dĂ©borde, sâĂ©lance un magnifique double pavot rouge accompagnĂ© de ses glands prĂȘts Ă sâouvrir, dĂ©ployant les flammĂšches de son incendie au- dessus des jasmins Ă©toilĂ©s et dominant la pluie incessante du pollen, beau nuage qui papillote dans lâair en reflĂ©tant le jour dans ses mille parcelles luisantes ! Quelle femme enivrĂ©e par la senteur dâAphrodise cachĂ©e dans la flouve, ne comprendra ce luxe dâidĂ©es soumises, cette blanche tendresse troublĂ©e par des mouvements indomptĂ©s, et ce rouge dĂ©sir de lâamour qui demande un bonheur refusĂ© dans les luttes cent fois recommencĂ©es de la passion contenue, infatigable, Ă©ternelle ? Mettez ce discours dans la lumiĂšre dâune croisĂ©e, afin dâen montrer les frais dĂ©tails, les dĂ©licates oppositions, les arabesques, afin que la souveraine Ă©mue y voie une fleur plus Ă©panouie et dâoĂč tombe une larme ; elle sera bien prĂšs de sâabandonner, il faudra quâun ange ou la voix son enfant la retienne au bord de lâabĂźme. Que donne-t-on Ă Dieu ? des parfums, de la lumiĂšre et des chants, les expressions les plus Ă©purĂ©es de notre nature. Eh! bien, tout ce quâon offre Ă Dieu nâĂ©tait-il pas offert Ă lâamour dans ce poĂšme de fleurs lumineuses qui bourdonnait incessamment ses mĂ©lodies au cĆur, en y caressant des voluptĂ©s cachĂ©es, des espĂ©rances inavouĂ©es, des illusions qui sâenflamment et sâĂ©teignent comme des fils de la vierge par une nuit chaude.
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Honoré de Balzac
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ROMĂO. â Elle parle : oh, parle encore, ange brillant ! car lĂ oĂč tu es, au-dessus de ma tĂȘte, tu me parais aussi splendide au sein de cette nuit que lâest un messager ailĂ© du ciel aux-regards Ă©tonnĂ©s des mortels ; lorsque rejetant leurs tĂȘtes en arriĂšre, on ne voit plus que le blanc de leurs yeux, tant leurs prunelles sont dirigĂ©es-en haut pour le contempler, pendant quâil chevauche sur les nuages Ă la marche indolente et navigue sur le sein de lâair.
JULIETTE. â Ă RomĂ©o, RomĂ©o ! pourquoi es-tu RomĂ©o ? Renie ton pĂšre, ou rejette ton nom ; ou si tu ne veux pas, lie-toi seulement par serment Ă mon amour, et je ne serai pas plus longtemps une Capulet.
ROMĂO, Ă part. â En entendrai-je davantage, ou rĂ©pondrai-je Ă ce quâelle rient de dire
JULIETTE. â Câest ton nom seul qui est mon ennemi. AprĂšs tout tu es toi-mĂȘme, et non un Montaigu. Quâest-ce quâun Montaigu ? Ce nâest ni une main, ni un pied, ni un bras, ni un, visage, ni toute autre partie du corps appartenant Ă un homme. Oh ! porte un autre nom ! Quây a-t-il dans un nom ? La fleur que nous nommons la rose, sentirait tout aussi bon sous un autre nom ; ainsi RomĂ©o, quand bien mĂȘme il ne serait pas appelĂ© RomĂ©o, nâen garderait pas moins la prĂ©cieuse perfection : quâil possĂšde. Renonce Ă ton nom RomĂ©o, et en place de ce nom qui ne fait pas partie de toi, prends-moi toute entiĂšre.
ROMĂO. â Je te prends au mot : appelle-moi seulement : ton amour, et je serai rebaptisĂ©, et dĂ©sormais je ne voudrai plus ĂȘtre RomĂ©o.
JULIETTE. â Qui es-tu, toi qui, protĂ©gĂ© par la nuit, viens ainsi surprendre les secrets de mon Ăąme ?
ROMĂO. â Je ne sais de quel nom me servir pour te dire qui je suis : mon nom, chĂšre sainte, mâest odieux Ă moi-mĂȘme, parce quâil tâest ennemi ; sâil Ă©tait Ă©crit, je dĂ©chirerais le mot quâil forme.
JULIETTE. â Mes oreilles nâont pas encore bu cent paroles de cette voix, et cependant jâen reconnais le son nâes-tu pas RomĂ©o, et un Montaigu ?
ROMĂO. â Ni lâun, ni lâautre, belle vierge, si lâun ou lâautre te dĂ©plaĂźt.
JULIETTE. â Comment es-tu venu ici, dis-le-moi, et pourquoi ? Les murs du jardin sont Ă©levĂ©s et difficiles Ă escalader, et considĂ©rant qui tu es, cette place est mortelle pour toi, si quelquâun de mes parents tây trouve.
ROMĂO. â Jâai franchi ces murailles avec les ailes lĂ©gĂšres de lâamour, car des limites de pierre ne peuvent arrĂȘter lâessor de lâamour ; et quelle chose lâamour peut-il oser quâil ne puisse aussi exĂ©cuter ? tes parents ne me, sont donc pas un obstacle.
JULIETTE. â Sâils te voient, ils tâassassineront.
ROMĂO. â HĂ©las ! il y a plus de pĂ©rils, dans tes yeux que dans vingt de leurs Ă©pĂ©es : veuille seulement abaisser un doux regard sĂ»r moi, et je suis cuirassĂ© contre leur inimitiĂ©.
JULIETTE. â Je ne voudrais pas, pour le monde entier, quâils te vissent ici.
ROMĂO. â Jâai le manteau de la nuit pour me dĂ©rober Ă leur vue et dâailleurs, Ă moins que tu ne mâaimes, ils peuvent me trouver, sâils veulent : mieux vaudrait que leur haine mĂźt fin Ă ma vie, que si ma mort Ă©tait retardĂ©e, sans que jâeusse ton amour ;
JULIETTE. â Quel est celui qui tâa enseignĂ© la direction de cette place ?
ROMĂO. â Câest lâAmour, qui mâa excitĂ© Ă la dĂ©couvrir ; il mâa prĂȘtĂ© ses conseils, et je lui ai prĂȘtĂ© mes yeux. Je ne suis pas pilote ; cependant fusses-tu aussi Ă©loignĂ©e que le vaste rivage baignĂ© par la plus lointaine nier, je mâaventurerais pour une marchandise telle que toi.
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William Shakespeare (Romeo and Juliet)
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Dans le ciel bleu comme les yeux de Stéphanie s'effiloche un nuage, blanc comme un mouchoir d'adieu.
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François-Henri DĂ©sĂ©rable (Ăvariste)
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DerriĂšre lâhumble croyance Ă un Paradis situĂ© dans les nuages, il y a au moins un fond de vĂ©ritĂ© inaliĂ©nable, et surtout - et cela est sans prix - une rĂ©alitĂ© misĂ©ricordieuse qui ne déçoit jamais
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Frithjof Schuon (Light on the Ancient Worlds: A New Translation with Selected Letters (Library of Perennial Philosophy))
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Je suis cette fille solaire qui court sur le sable tiĂšde de Palombaggia. Je suis le vent qui fait claquer les voiles d'un bateau en partance. La mer infinie de nuages qui donne le vertige derriĂšre le hublot.
Je suis un feu de joie qui brĂ»le Ă la Saint-Jean. Les galets d'Ătretat qui roulent sur la plage. Une lanterne vĂ©nitienne rĂ©sistant aux tempĂȘtes.
Je suis une comÚte qui embrase le ciel. Une feuille d'or que les rafales emportent. Un refrain entraßnant fredonné par la foule.
Je suis les alizés qui caressent les eaux. Les vents chauds qui balaient les dunes. Une bouteille à la mer perdue dans l'Atlantique.
Je suis l'odeur vanille des vacances Ă la mer et l'effluve entĂȘtant de la terre mouillĂ©e.
Je suis le battement d'ailes du Bleu-nacré d'Espagne.
Le feu follet fugace qui court sur les marais.
La poussiÚre d'une étoile blanche et trop tÎt tombée.
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Guillaume Musso
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Nous sommes tous des Ă©clopĂ©s de la vie. Nous nous griffons, nous griffons les autres parce que la vie nous a blessĂ©s. Les nuages noirs cachent souvent le soleil, mais nous savons quâil est lĂ et nâattend que de se lever dans nos cĆurs.
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Magda Hollander-Lafon (Quatre petits bouts de pain : Des ténÚbres à la joie (French Edition))
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The dark clouds make the black sea. (Les nuages noirs - Font la mer noire)
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Charles de Leusse
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Sa tĂȘte nâĂ©tait plus quâun ouragan, une tempĂȘte noire dĂ©truisant tout sur son passage, un ciel chargĂ© de lourds nuages qui ne laissait plus filtrer aucune lueur. Peu Ă peu il dĂ©rivait, sâĂ©loignant de tout ce qui le constituait autrefois, disparaissant, sâeffaçant peu Ă peu pour devenir un ĂȘtre transparent, nâĂȘtre plus quâune prĂ©sence, une douleur que lâon aperçoit du coin de lâoeil, vers qui lâon voudrait tendre la main, mais qui est tellement enfermĂ©e dans ses murailles de solitude que tout contact nous semble impossible.
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Simon Vandereecken (Temps volés)
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Thiáșżt Bá» Äiá»n Tá» Minh PhĂșc
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Minh PhĂșc (Le prince des nuages (Le prince des nuages, #1))
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La pĂąte des nuages se modelait comme une cire au grĂ© des courants, poussant une sĂ©rie continuelle d'Ă©bauches et de maquettes, de vagues tentatives vers un ordre et une harmonie jamais atteints. Une espĂšce de chaos Ă©lĂ©mentaire, oĂč toutes les formes existaient encore en puissance et cherchaient dĂ©sespĂ©rĂ©ment Ă se rĂ©aliser. Ainsi le plus petit nuage tĂąchait de devenir dragon. Et vite, il commençait de pousser une queue et des pattes admirablement crochues... (C'Ă©tait merveille de voir comme tout cela "faisait" dragon...) Mais, quand il en venait Ă la tĂȘte, cette maudite queue se dĂ©tachait sans crier gare. Alors il dĂ©cidait d'ĂȘtre cheval... non, bateau, aĂ©ronef, Iles Britannique, Louis XIV... n'importe quoi, quelque chose enfin! Las! A peine suggĂ©rĂ©es, les formes fuyaient le regard comme des nymphes et s'anĂ©antissaient l'une l'autre. L'enchanteur invisible qui prĂ©sidait Ă la fĂȘte sortait une locomotive d'un Ćuf avec une aisance dĂ©concertante, puis, fendant du haut en bas, d'un coup de baguette magique, le rideau des brumes, entrebĂąillait pour nous seuls d'Ă©blouissantes perspective pleines de dĂ©cors Ă trompe-l'Ćil et de mirages. D'insidieuses invitations au voyage retentissaient Ă nos oreilles parmi les molles steppes de l'espace, les Arcadies triomphales semĂ©es de colonnades, de palais et de dĂŽmes, tous construits par le Bramante. Puis ces mondes atteignaient une perfection inquiĂ©tante et commençaient Ă chanceler. Les glorieuses coupoles s'effondraient sur elles-mĂȘmes avec langueur, accumulaient des dĂ©combres informes d'oĂč naissaient Ă leur tour les portiques et minarets d'une Bagdad fabuleuse... Sur quoi les brumes exĂ©cutaient, pour clore la parade, un fondu d'apothĂ©ose.
Un dernier nuage s'entrouvrit enfin sur quelque chose de fixe, de dur, de réel. Une longue digue cimentée de neige s'allongea tout d'un coup cent mÚtres plus bas, entre deux lacs de brumes houleuses, joignant d'un bord à l'autre les escarpements du fjord. Et vers le milieu de cette digue, un peu en contrebas sur le versant ouest, tour à tour émergée ou noyée d'écume, il y avait une boite carrée, miroitante, espÚce de piÚge à rats qu'Alain nous désigna de son piolet tendu:
"La cabane, dit-il. Col du Miage...
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Samivel (L'amateur d'abĂźmes)
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Le 31 mai, je m'engageai entre la Costila et le Morar. Ce fut un enchantement! Je me promenais Ă travers des jardins, je foulais des parterres de fleurs.
C'Ă©tait la premiĂšre toison que revĂȘtaient les BucĂ©gi, des fleurs aux nuances dĂ©licates, tendres: les cĂ©raistes blanches, les mignonnes pyroles d'une blancheur de cire, la tribu des humbles saxifrages, les dryades aux huit pĂ©tales d'argent, la corthuse aux corolles en cloche d'un rose carminĂ©, le myosotis de montagne aux mille yeux d'azur⊠Sur la mousse des quartiers de roches s'Ă©talait, en plaques roses, le silĂšne.
Les quelques arnicas, aux boutons non encore éclos, présageaient déjà la seconde toison, celle de l'été brûlant aux fleurs de couleurs riches, jaunes, rouges.
à mesure que je montais, les vapeurs se dégageaient des bas-fonds. Lorsque j'arrivais à l'Omul le tableau était impressionnant: comme d'une gigantesque et infernale chaudiÚre, les vapeurs montaient, d'abord transparentes, ensuite de plus en plus compactes, d'un gris sale ; quelques faisceaux de rayons solaires traversaient ces nuages, leur donnant d'étranges reflets d'or.
Je n'augurai rien de bon de ce phĂ©nomĂšne et je me dĂ©pĂȘchai de rentrer.
Je trouvai à la maison le garçon de l'aubergiste; il m'apportait votre lettre, que le facteur de Prédéal avait laissée en passant.
Ainsi donc: vous allez vous mettre en route pour un petit tour en Suisse et vous me promettez d'arriver à Busteni dans la seconde moitié de juin?
Vous vous proposez de préparer votre licence au milieu de nos montagnes.
(p. 254â255)
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Nestor Urechia (Dans les Carpathes roumaines, les Bucégi)
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mĂȘme si l'eau vieillie
dans les méta-univers qui nous humilient
mon éternité s'évapore
Ă la limite
thermodynamique de la connaissance
ainsi mes pores restent-ils insensibles
au froid cosmique dans lequel sommeillait
autrefois le serpent du temps lorsque
disait-on
le temps précédait la matiÚre
et mĂȘme si je me rebiffe
Ă mon tour
je remonte tout au long d'une chute
aux cÎtés des autres mortels
(ivrognes fanfarons et suicidaires)
et la flÚche en direction de l'avenir arrive à chaque fois dans le passé
chargée d'une mélancolie consternante
en vain je tente de percer la sagesse des
cinquante masses Planck et le sens du nuage initial
des particules lourdes
la mort continue à déposer ses larves
dans cette densité
et moi je reste
sa pitance gratuite
(pitance)
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Dinu FlÄmĂąnd
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J'ai continué le tour sous les nuages, identique à ceux dans lesquels volaient les cerfs volants que j'admirais en Indonésie.
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Fachri Maulana (Trabouler)
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Et de cet amour le seul bonheur que puissent connaĂźtre deux coeurs insatiables comme les nĂŽtres.
Ăcoute, Ă©coute monter les grandes images vulgaires que nous transfigurons.
Voici l'Océan qui gronde et chante et sur lequel le ciel se tourmente et s'apaise semblable à ton lit.
Voici l'Océan semblable à notre coeur.
Voici le ciel oĂč naufragent les nuages dans l'Ă©clat triste d'un fanal promenĂ© Ă tour de rĂŽle par les Ă©toiles.
Voici le ciel semblable Ă nos deux coeurs.
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Robert Desnos (Fortunes)
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Il quitta la rue MerciÚre, l'estomac calé, satisfait d'avoir rempli sa mission. Arrivé sur la place des Célestins, à quelques pas de l'hÎtel, il lùcha un rot caverneux, libérant u petit nuage de vapeur parfumé à l'oignon qui s'envola dans la fraßcheur de la nuit.
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Noël Balen (Petits meurtres à l'étouffée (Crimes gourmands, #1))
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Son visage Ă©tait un nuage pris dans un vent violent, changeant Ă chaque seconde, il n'arrivait pas Ă se fixer sur une seule Ă©motion.
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Jamey Bradbury (The Wild Inside)
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Parfois, il est vrai, le coeur veut crever de chagrin. Mais souvent aussi, le soir de prĂ©fĂ©rence, je ne puis m'empĂȘcher de penser qu'Ernie Levy, mort six millions de fois, est encore vivant, quelque part, je ne sais oĂč... Hier, comme je tremblais de dĂ©sespoir au milieu de la rue, clouĂ© au sol, une goutte de pitiĂ© tomba d'en haut sur mon visage; mais il n'y avait nul souffle dans l'air, aucun nuage dans le ciel... il n'y avait qu'une prĂ©sence.
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André Schwarz-Bart (Le Dernier des justes (Collector 50 ans) (Points) (French Edition))
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Liberté
Sur mes cahiers d'Ă©colier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable de neige
J'Ă©cris ton nom
Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J'Ă©cris ton nom
Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J'Ă©cris ton nom
Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genĂȘts
Sur l'Ă©cho de mon enfance
J'Ă©cris ton nom
Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J'Ă©cris ton nom
Sur tous mes chiffons d'azur
Sur l'Ă©tang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J'Ă©cris ton nom
Sur les champs sur l'horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J'Ă©cris ton nom
Sur chaque bouffées d'aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J'Ă©cris ton nom
Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l'orage
Sur la pluie Ă©paisse et fade
J'Ă©cris ton nom
Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J'Ă©cris ton nom
Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J'Ă©cris ton nom
Sur la lampe qui s'allume
Sur la lampe qui s'Ă©teint
Sur mes raisons réunies
J'Ă©cris ton nom
Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J'Ă©cris ton nom
Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J'Ă©cris ton nom
Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J'Ă©cris ton nom
Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J'Ă©cris ton nom
Sur la vitre des surprises
Sur les lĂšvres attendries
Bien au-dessus du silence
J'Ă©cris ton nom
Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J'Ă©cris ton nom
Sur l'absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J'Ă©cris ton nom
Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l'espoir sans souvenir
J'Ă©cris ton nom
Et par le pouvoir d'un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaßtre
Pour te nommer
Liberté
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Paul Ăluard
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Il y avait bien de gros nuages noirs au-dessus de nous. J'ai baissĂ© ma vitre et senti l'odeur de la pluie. Dans le dĂ©sert, on la sent avant mĂȘme qu'une goutte ne soit tombĂ©e. J'ai fermĂ© les yeux et tendu ma main. La premiĂšre goutte de pluie Ă©tait comme un baiser. Le ciel m'embrassait. Cette idĂ©e m'a plu. C'Ă©tait une pensĂ©e que Dante aurait pu avoir. J'ai senti une autre goutte, puis une autre. Un baiser. Un baiser. Et encore un baiser. J'ai pensĂ© Ă mes rĂȘves dans lesquels j'embrassais quelqu'un, mais je ne sais jamais qui. Soudain, ça a Ă©tĂ© un vĂ©ritable dĂ©luge. J'ai remontĂ© la vitre. Mon bras Ă©tait mouillĂ©, la manche de mon tee-shirt trempĂ©e.
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Benjamin Alire SĂĄenz (Aristotle and Dante Discover the Secrets of the Universe (Aristotle and Dante, #1))
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Faut voir le riche tel un prĂ©dateur affamĂ© et toujours armĂ© : ouvrir le porte-feuille, c'est ouvrir la mĂąchoire. Sa simple existence impose la mort Ă toutes autres formes de vie comme si des Ă©toiles incandescentes Ă©voluaient parmi des ĂȘtres de charbon. Se mouvant dans le ciel, il tutoie les nuages.
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Fred Dubé (L'apocalypse durable: Pamphlet à l'usage des écoanxieux pour radicaliser leur famille (French Edition))
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Peu plaisante est la lune parfaitement dévoilée sans nuage.
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Yoko Orimo (Comme la lune au milieu de l'eau)
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Je me crois un écrivain dans sa tour d'ivoire, je ne suis qu'un minus habens perché sur son nuage.
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Linda LĂȘ
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Se payer la tĂȘte du pĂŽle monĂ©taire
il est encore temps
de tout prendre en dérision
les hommes et les gouttes de pluie
les femmes et les flocons de neige
il est sain de rire des étoiles du marché
des plans Ă trois des astres du Top 50
des solos de guitare de la lune
des plans d'Ă©pargne de l'arc-en-ciel
on peut mĂȘme prendre en ballon le globe
les ambitions du soleil
et les sourires niais de l'univers
tant qu'on y est
mais il ne faut jamais
se moquer des nuages
des nuages
qui nous habitent
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Radu Bata (Le philtre des nuages et autres ivresses)
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Un jour, Mme de Staël était dans une barque sur le lac Léman avec Mme Récamier et Benjamin Constant, quand un des rameurs : " ce nuage à l'horizon nous annonce un gros temps."
" Dites, Benjamin, fit Mme de Staël, si nous faisions naufrage qui de nous deux sauveriez-vous ?" Et Benjamin Constant à Mme de Staël : "vous, vous savez nager.
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Ambroise Vollard (En Ăcoutant CĂ©zanne, Degas, Renoir)
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Les yeux ouverts, vers le ciel lisse
Jâai bĂąti au cours du temps des tessons de rĂȘve
et dans ces efforts jâai attrapĂ© sans trĂȘve
un tissu de nuages et dâabysse !
*
Cu ochi deschiÈi, spre cer deschis,
ClÄdii Ăźn timp crĂąmpeie de vis
Èi-n sĂąrgul cesta eu am prins
Èesut de nouri Èi abis !
(p. 24, traduit en français par Gabrielle Danoux)
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Serge Almajeanu (Poezii, vol.1)
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Symbiose
Je mâoffre Ă toi ĂŽ, nature,
Toi seule qui me comprends
Toi seule qui ne sépares pas en bien et en mal
Une humanité que tu acceptes sans choisir.
Je m'offre Ă toi ĂŽ, nature,
Qui garde encore pure
Et dissimulĂ©e, la chaleur de mon cĆur
Qui ne veut pas qu'on l'aliĂšne.
Je te parle avec douceur et en silence
Tu es témoin de tout ce que je fais
Tu ne me jettes pas de parole au vent
Tu me comprends mĂȘme quand je me tais.
Et souvent je me tais, saisi au plus profond de moi
D'un humaine crainte de la fin.
Vers toi je dirige mes regards
T'implorant de consentir encore un pas vers l'infini ;
Car ce pas c'est la vie, c'est l'amour
C'est un frémissement que je ressens quand l'herbe germe
C'est l'amour quand entre les branches le zénith perce
C'est l'offrande qui se hisse fiĂšre comme le sapin de la forĂȘt.
Laisse-moi donc, ĂŽ, nature, mes pas dans le temps
Fouler les feuilles et la terre fécondée,
Laisse-moi donc embrasser de lâaube la lumiĂšre
Et les nuages ornés au nimbe, du ciel tourbillonnant.
Wildegg, Suisse
1981
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Serge Almajeanu (Poezii Vol 2 (Romanian Edition))
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Les bergers qui vivent en Ă©tĂ© sur les sommets de HÄÈmaÈul Mare sont tĂ©moins, souvent avec effroi, de certaines tempĂȘtes terrifiantes. Nulle part, aussi loin que se portent les regards et aussi loin que va lâimagination Ă lâintĂ©rieur des frontiĂšres du pays, il ne pleut, il ne neige et il ne vente tant, et avec autant de fureur, que sur ce colosse de pierre, contre lequel se brisent tous les nuages dâArdeal.
Au bord dâun prĂ©cipice, un sapin se met Ă vaciller, jusquâĂ ce quâil touche celui de gauche, ensuite celui de droite, comme sâil faisait ses adieux aux frĂšres avec lesquels il avait passĂ© son enfance, et, dâun saut tragique, il se jette dans le vide. Dâautres, emportĂ©s par la folie gĂ©nĂ©rale, se prĂ©cipitent Ă sa suite vers des destinations inconnues et fatales. On les retrouvera plus tard, qui sait oĂč, mordant la poussiĂšre et couverts de blessures profondes, comme des soldats tombĂ©s au combat.
Une seule tempĂȘte, qui a fait rage il y a dĂ©jĂ un certain temps sur ce monde dĂ©vastĂ© par de violents tremblements dâair a arrachĂ© de ses flancs cinquante milliers de sapins, les emportant dans les ravins. On les y aperçoit encore maintenant, tel un amas dâossements frĂȘles, emmĂȘlĂ©s chaotiquement, qui pourrissent au fond des vallĂ©es perdues.
MĂȘme les pics les plus orgueilleux se sentent menacĂ©s par les ouragans qui se dĂ©chaĂźnent contre eux. Aveugles, brutales, les masses dâair les frappent de plein fouet, essayant de les arracher de leur place. Mais les pics, obstinĂ©s, rĂ©sistent. Face Ă la puissance brute des Ă©lĂ©ments, ils opposent la leur, avec des dizaines dâarĂȘtes tranchantes, qui sâentrechoquent violemment.
(traduction Dolores Toma)
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Geo Bogza (Cartea Oltului)
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Brancusi a décidé
Comment cela est arrivé, je ne puis le savoir,
Brancusi mâest apparu et mâa dit
quâil avait dĂ©cidĂ© dâintervenir
et de me ciseler.
Je te ferai comme Fondane, mâa-t-il dit â
il avait une criniĂšre de cheveux flottants
sur son front trop ridé, mais moi,
je la lui ai effacĂ©e avec une gomme Ă©norme â
il nâest restĂ© de sa tĂȘte
quâun ovale, lâOrigine du Monde.
Je pense redessiner ta tĂȘte
et les yeux seront trĂšs vides, pour quâon puisse y mettre
presque Tout. Et des mers, et des terres et des nuages.
Dâautres
ne sont pas nĂ©cessaires. Puis, il sâest retirĂ©.
Attention, Ion Pop, prends garde,
ce qui tâarrive maintenant nâest que la prĂ©paration, que lâattente polie du MaĂźtre.
Nombre de choses te quittent, tombent sous un ciseau invisible
de nouvelles eaux te lavent du vieux sang,
les fruits dĂ©jĂ mĂ»rs tombent des fleurs qui viennent dâĂ©clore,
la feuille de maintenant , la pierre dâaujourdâhui sâeffritent,
au-dessus de spasmes et dâangoisses la lumiĂšre
essaie dâenvelopper des visages blancs.
Tout ce qui pue en toi tout ce qui se gonfle
sera parfum et marbre.
Retiens cela, Ion Pop, maintenant et toujours â
câest un grand, inespĂ©rĂ© honneur
que Brancusi lui-mĂȘme
ait dĂ©cidĂ© dâintervenir
et de te ciseler.
(p.42-43)
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Ion Pop (La dĂ©couverte de l'Ćil)
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Cotnar*
de Ilarie Voronca
La lune, quel fer Ă repasser les nuages, la lingerie
des mers, ton front comme un saut parmi
les herbes hautes, quand la saison est servie en taste-vin
de Cotnar*, et les eaux se découvrent comme les vieilles armes.
Tu veux tâattarder comme une charrue dans les champs
heure mate dans les gares, heure des adieux et des retours,
la forĂȘt se brise dans la clameur, dans lâairain
et le ciel change comme les disques de gramophone.
Le silence pousse avec les herbes sauvages dans la pensée
voix captive parfois dans les charmilles
se dépenser dans le paysage comme un biceps détendu
ton sourire dans les veines circule ainsi quâun traĂźneau.
Que tu tâempares de moi comme un haĂŻdouk des marais
que lâĂ©lixir bouillonne dans lâĂ©toile
bouleverse mon corps contrebandier
pensée transie non tributaire
transgresse mon cĆur comme une frontiĂšre.
(Integral, N°10, janvier 1927, traduit par Dan Ion Nasta)
*Orthographe actuelle plutĂŽt Cotnari
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Ilarie Voronca
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DES LARMES AU CIEL
Une Ăąme en pleurs, des nuages en pleurs,
En gare on fournit des wagons de fleurs
Dans lâĂąme typhon, dans lâesprit typhon,
entre les paroles rébellion
RĂȘves dans lâĂąme, rĂȘves dans lâĂ©ther,
Aux gares on fournit fleurs et mystĂšreâŠ
(traduit du roumain par Gabrielle Danoux)
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Gabriela Livescu
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Ce jour-lĂ , je mâĂ©tais levĂ© tĂŽt de maniĂšre Ă prĂ©parer le petit dĂ©jeuner de ma chĂ©rie. Elle adorait le prendre au lit et moi, je me rĂ©galais de la dorloter. Sur un plateau, jâai disposĂ© un bol de cafĂ© fumant, un petit pichet de lait, une paniĂšre de croissants frais achetĂ©s Ă la boulangerie dâĂ cĂŽtĂ©, un assortiment de confitures prĂ©sentĂ©es dans des ramequins colorĂ©s et un verre de jus dâorange pressĂ©e. JâĂ©tais joyeux, jâavais lâimpression de marcher sur un nuage. Au moment de poser sur le journal la rose qui devait parachever mon tableau gourmand, jâai regardĂ© une seconde Ă travers la fenĂȘtre. La fleur a atterri dans lâĂ©vier.
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Carine Alexandre (Il n'est jamais trop tard)
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Un deuil ne se borne pas, comme on le dit souvent, à envahir les sentiments ; il consiste plutÎt en une fréquentation ininterrompue du disparu, comme si ce dernier devenait plus proche. Car la mort ne le rend pas seulement invisible : elle le rend aussi plus accessible à notre regard. Elle nous le vole, mais elle le complÚte également d'une maniÚre inédite. DÚs le moment qui fige pour nos yeux ces contours mouvants qui traduisaient l'action et les changements constants d'une physionomie, celle-ci nous révÚle souvent pour la premiÚre fois sa quintessence, l'élément que le déroulement de l'existence ne nous donnait pas le loisir de percevoir totalement.
Et cette nouvelle connaissance prend la forme d'une expĂ©rience spontanĂ©ment partagĂ©e comme au temps du contact personnel, elle ne rĂ©sulte pas d'un effort de pensĂ©e dĂ©libĂ©rĂ©, animĂ© par le dĂ©sir de cĂ©lĂ©brer le dĂ©funt ou de trouver consolation. Cette appropriation passionnĂ©e, cette dĂ©couverte pour la premiĂšre fois possible, nulle diversion, nulle autre impression de notre vie ne peut la dĂ©tourner de son cours, il suffit d'Ă©couter le message qui nous parvient de ces lĂšvres muettes : « Ăcoute ce vent qui souffle! la nouvelle ininterrompue qui se forme dans le silence. »
C'est ce qui m'est arrivĂ© durant cet hiver 1926-1927 que Rainer Maria Rilke, dans une lettre Ă©crite de son lit de mort, appelait « un mauvais vent qui souffle ». Alors la bouleversante diffĂ©rence entre survivre et mourir devint mineure. IrrĂ©sistiblement s'imposa la constatation que toute relation humaine tient Ă la force que nous lui consacrons : toutes ne sont-elles pas, et bien souvent les plus chĂšres, des signes et des images de nos tout premiers Ă©lans amoureux, qui nous ont appris Ă aimer, avant mĂȘme leur propre naissance? - de mĂȘme que les nuages de l'est brillent grĂące au rayonnement du soleil qui se couche Ă l'ouest. De leur vivant, nous distinguons mal ceux auxquels nous sommes unis avec le plus d'Ă©clat - d'un Ă©clat qui ne peut cesser de rayonner. Il y a une part de notre amour qui reste enfermĂ©e dans le cercueil, celle que nous pleurons et dont la perte nous endeuille le plus ; et l'autre, qui continue Ă vivre et Ă rĂ©agir Ă tout ce qui nous arrive, en dialogue, une part qui semble toujours sur le point de redevenir rĂ©alitĂ©, parce qu'elle touche Ă ce qui nous rĂ©unit Ă©ternellement avec la vie et la mort.
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Lou Andreas-Salomé (Rainer Maria Rilke)
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La Trahison
C'est une Ăąme ardente, un coeur aventureux, une Simone Weil sans Dieu, une jeune juive de Bessarabie. Elle s'appelle Manya Schwartzman. Elle quitte un jour son ghetto natal pour construire le socialisme. Elle croit Ă la rĂ©volution marxiste-lĂ©niniste davantage qu'Ă la rĂ©vĂ©lation talmudique. Elle rejoint l'URSS et oeuvre Ă l'Ă©dification des lendemains radieux. Et puis ce sont les annĂ©es 1930, la famine, les purges, la dĂ©portation. Autour d'elle les rangs s'Ă©claircissent, au-dessus de sa tĂȘte les nuages s'amoncellent. Pour finir, on vient l'arrĂȘter. Elle a le temps d'envoyer aux siens, restĂ©s en Europe mais prĂȘts Ă la rejoindre, cette phrase immense : " Ne venez pas, nous nous sommes trompĂ©s !
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Sylvain Tesson (GĂ©ographie de l'instant)
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Un troupeau de petits nuages sillonnait le ciel, le ventre éclairé par les derniers rayons du soleil.
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Michel Tremblay (Victoire!)
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Elle saisit une prise de la main gauche, ravala un gĂ©missement quand la chaĂźne qui liait ses poignets lui heurta le visage, tira sur ses bras. Jilano ne se rendait-il pas compte que sa leçon Ă©tait stupide ? Ne se rendait-il pas compte quâelle nâapprenait strictement rien ? Ne savait-il pas quâapprendre est impossible quand on subit ? Elle se sentait rabaissĂ©e, humiliĂ©e. Avec ces chaĂźnes, Jilano lui volait sa condition de marchombre. Elle se figea soudain. Les doigts verrouillĂ©s derriĂšre une arĂȘte de glace, les pieds reposant sur de minuscules appuis, le corps en Ă©quilibre prĂ©caire au-dessus dâun vide vertigineux. Elle nâen avait cure. Avec ces chaĂźnes, Jilano lui volait sa condition de marchombre. Vraiment ? Sa condition de marchombre Ă©tait donc tributaire dâune simple chaĂźne dâacier ? Quelques maillons et elle perdait son identitĂ©Â ? Un vent nouveau se leva en elle. Un nuage commença Ă se dĂ©sagrĂ©ger dans son esprit. Lorsque, blessĂ©e, elle reposait sur son lit, Ă©tait-elle moins marchombre que lorsquâelle gravissait une tour escarpĂ©e, en pleine possession de ses moyens ? Ehrlime et son visage fripĂ© ou Andorel et ses mouvements ralentis par lâĂąge Ă©taient-ils moins marchombres quâelle qui avait dix-huit ans ? Le corps Ă©tait-il Ă ce point important quâil dĂ©finissait Ă lui seul la rĂ©alitĂ© du mot marchombre ? Elle raffermit sa prise de peur que la tempĂȘte qui soufflait dĂ©sormais en elle ne jaillisse Ă lâextĂ©rieur et ne la fasse basculer dans le vide. Elle Ă©tait marchombre. Libre ou enchaĂźnĂ©e. Valide ou blessĂ©e. Jeune ou vieille. Elle Ă©tait marchombre. Mais le corps ? La tempĂȘte rugit dans son esprit. Son corps Ă©tait une partie dâelle. Elle lui devait le respect, câĂ©tait par lui quâelle apprĂ©hendait le monde mais il nâĂ©tait quâune partie dâelle. Sa condition de marchombre prenait naissance bien au-delĂ des limites de son corps. Elle le transcendait, et si son corps Ă©tait enchaĂźnĂ©, blessĂ©, affaibli, brisĂ© mĂȘme, elle nâen demeurait pas moins libre. Elle Ă©tait marchombre. La tempĂȘte cessa soudain de souffler.
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Pierre Bottero (L'intégrale Le Pacte des marchombres (Grand Format))