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Il faut ĂȘtre l'homme de la pluie et l'enfant du beau temps.
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René Char (Le Marteau sans maßtre)
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Elle lui demanda en quoi un jour de pluie pouvait ĂȘtre beau : il lui Ă©numĂ©ra les nuances de couleurs que prendraient le ciel, les arbres et les toits lorsqu'ils se promĂšneraient tantĂŽt, de la puissance sauvage avec laquelle leur apparaĂźtrait l'ocĂ©an, du parapluie qui les rapprocherait pendant la marche, de la joie qu'ils auraient Ă se rĂ©fugier ici pour un thĂ© chaud, des vĂȘtements qui sĂ©cheraient auprĂšs du feu, de la langueur qui en dĂ©coulerait, de l'opportunitĂ© qu'ils auraient de faire plusieurs fois l'amour, du temps qu'ils prendraient Ă se raconter leur vie sous les draps du lit, enfants protĂ©gĂ©s par une tente de la nature dĂ©chaĂźnĂ©e...
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Ăric-Emmanuel Schmitt (Odette Toulemonde et autres histoires)
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Je sais pourtant que si on s'Ă©tait embrassĂ©s, je serais reparti le cĆur content, me foutant de la pluie ou du beau temps, puisque je comptais un peu pour toi. Je sais que ce baiser m'aurait accompagnĂ© partout et pendant longtemps, comme un souvenir radieux auquel me raccrocher dans les moments de solitude. Mais aprĂšs tout, certains disent que les plus belles histoires d'amour sont celles qu'on n'a pas eu le temps de vivre. Peut-ĂȘtre alors que les baisers qu'on ne reçoit pas sont aussi les plus intenses.
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Guillaume Musso (Que serais-je sans toi?)
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La constitutionnalisation du droit au beau temps Ă©tait dans les tuyaux, mais sa sanction juridique nâĂ©tait pas Ă©vidente.
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Antoine Buéno (Le Soupir de l'immortel)
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It was nice to kill time. But the time buries us before... (On a beau tuer le temps, - Il nous enterre avant)
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Charles de Leusse
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Mais le plus beau voyage dans le temps que je connaisse câest celui que procure la lecture. On vous croit dans cette piĂšce alors que vous vagabondez dans dâautres siĂšcles. Et cela sans faire le moindre bruit.
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Dany LaferriĂšre (L'art presque perdu de ne rien faire)
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Le chien est un animal si difforme, dâun caractĂšre si dĂ©sordonnĂ©, que de tout temps il a Ă©tĂ© considĂ©rĂ© comme un monstre, nĂ© et formĂ© en dĂ©pit de toutes les lois. En effet, lorsque le repos est lâĂ©tat naturel, comment expliquer quâun animal soit toujours remuant, affairĂ©, et cela sans but ni besoin, lors mĂȘme quâil est repu et nâa point peur ? Lorsque la beautĂ© consiste universellement dans la souplesse, la grĂące et la prudence, comment admettre quâun animal soit toujours brutal, hurlant, fou, se jetant au nez des gens, courant aprĂšs les coups de pied et les rebuffades ? Lorsque le favori et le chef-dâoeuvre de la crĂ©ation est le chat, comment comprendre quâun animal le haĂŻsse, coure sur lui sans en avoir reçu une seule Ă©gratignure, et lui casse les reins sans avoir envie de manger sa chair ?
Ces contrariĂ©tĂ©s prouvent que les chien sont des damnĂ©s ; trĂšs certainement les Ăąmes coupables et punies passent dans leurs corps. Elles y souffrent : câest pourquoi ils se tracassent et sâagitent sans cesse. Elles ont perdu la raison : câest pourquoi ils gĂątent tout, se font battre, et sont enchaĂźnĂ©s les trois quarts du jour. Elles haĂŻssent le beau et le bien : câest pourquoi ils tĂąchent de nous Ă©trangler.
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Hippolyte Taine
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La mort ne prend pas de temps de pause. Elle ne connaĂźt ni les grandes vacances, ni les jours
fĂ©riĂ©s, ni les rendez-vous chez le dentiste. Les heures creuses, les pĂ©riodes de grands dĂ©parts, lâautoroute du Soleil, les trente-cinq heures, les congĂ©s payĂ©s, les fĂȘtes de fin dâannĂ©e, le bonheur, la jeunesse, lâinsouciance, le beau temps, tout cela, elle sâen fiche. Elle est lĂ , partout, tout le temps. Personne nây pense vraiment, sinon on devient fou. Elle est comme un chien qui slalomerait dans nos jambes en permanence, mais dont on ne sâaperçoit de la prĂ©sence que le jour oĂč il nous mord. Ou, pire, oĂč il mord un proche.
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Valérie Perrin (Changer l'eau des fleurs)
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Maussade, elle regardait la pluie s'abatter sur la forĂȘt landaise.
- Quel sale temps!
- Tu te trompes, ma chérie.
- Quoi? Viens mettre le nez dehors. Tu verras à quel point le ciel dégouline!
- Justement.
Il s'avança sur la terrasse, approcha du jardin à la limite des gouttes et, narines gonflées, oreilles dressées, nuque renversée pour mieux sentir le souffle humide sur sa figure, il murmura les yeux mi-clos en reniflant le ciel mercure:
- C'est un beau jour de pluie.
Il semblait sincĂšre.
Ce jour-là , elle acquit deux certitudes définitives: il l'agaçait profondément et, si elle le pouvait, elle ne le quitterait jamais.
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Ăric-Emmanuel Schmitt (Odette Toulemonde et autres histoires)
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â Peut-ĂȘtre, oui, mais il ne rĂ©flĂ©chit jamais.
â C'est difficile d'ĂȘtre jeune. Parfois, on a beau rĂ©flĂ©chir, on ne trouve pas de solution.
Ils retournÚrent un moment à leur contemplation silencieuse des flammes. Chacun suivait le cours de ses propres pensées, et le temps s'écoulait pour eux selon des chemins séparés.
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Haruki Murakami (After the Quake)
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Le temps a laissié son manteau
De vent, de froidure et de pluye,
Et s'est vestu de brouderie,
De soleil luyant, cler et beau.
    Il n'y a beste, ne oyseau,
Qu'en son jargon ne chante ou crie :
Le temps a laissié son manteau !
    Riviere, fontaine et ruisseau
Portent, en livree jolie,
Gouttes d'argent, d'orfaverie,
Chascun s'abille de nouveau :
Le temps a laissié son manteau !
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Charles d'Orléans
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Cette finesse-lĂ a Ă©tĂ© trouvĂ©e dĂšs le paradis terrestre. Mes amis, lâinvention est vieille, mais elle est toute neuve. Profitez-en. Soyez Daphnis et ChloĂ© en attendant que vous soyiez PhilĂ©mon et Baucis. Faites en sorte que, quand vous ĂȘtes lâun avec lâautre, rien ne vous manque, et que Cosette soit le soleil pour Marius, et que Marius soit lâunivers pour Cosette. Cosette, que le beau temps, ce soit le sourire de votre mari ; Marius, que la pluie, ce soit les larmes de ta femme. Et quâil ne pleuve jamais dans votre mĂ©nage. Vous avez chipĂ© Ă la loterie le bon numĂ©ro, lâamour dans le sacrement ; vous avez le gros lot, gardez-le bien, mettez-le sous clef, ne le gaspillez pas, adorez-vous, et fichez-vous du reste. Croyez ce que je dis lĂ . Câest du bon sens. Bon sens ne peut mentir. Soyez-vous lâun pour lâautre une religion. Chacun a sa façon dâadorer Dieu. Saperlotte ! la meilleure maniĂšre dâadorer Dieu, câest dâaimer sa femme. Je tâaime ! voilĂ mon catĂ©chisme. Quiconque aime est orthodoxe.
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Victor Hugo (Les Misérables)
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Eh bien, toi, qu'est-ce qui t'arrive ? Il fait si beau temps. [...] Quelle mouche t'a piqué ?
- Je n'ai rien, dit Joachim. Mais tu as l'air échauffé. Je crois que c'en soit fini de ta baisse de température."
En effet, c'en était fini. La dépression humiliante de l'organisme de Hans Castorp était surmontée par le salut qu'il avait échangé avec Clawdia Chauchat, et, à proprement parler, c'était à la conscience qu'il avait de ce fait que tenait en réalité sa satisfaction. Oui. Joachim avait eu raison : le mercure reprenait son ascension. Lorsque Hans Castorp, de retour de sa promenade, le consulta, il monta jusqu'à 38 degrés.
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Thomas Mann (The Magic Mountain)
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Certes, le beau visage de ma mĂšre brillait encore de jeunesse ce soir-lĂ oĂč elle me tenait si doucement les mains et cherchait Ă arrĂȘter mes larmes ; mais justement il me semblait que cela nâaurait pas dĂ» ĂȘtre, sa colĂšre eĂ»t Ă©tĂ© moins triste pour moi que cette douceur nouvelle que nâavait pas connue mon enfance ; il me semblait que je venais dâune main impie et secrĂšte de tracer dans son Ăąme une premiĂšre ride et dây faire apparaĂźtre un premier cheveu blanc. Cette pensĂ©e redoubla mes sanglots, et alors je vis maman, qui jamais ne se laissait aller Ă aucun attendrissement avec moi, ĂȘtre tout dâun coup gagnĂ©e par le mien et essayer de retenir une envie de pleurer.
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Marcel Proust (Du cÎté de chez Swann (à la recherche du temps perdu, #1))
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Il y a quelqu'un que je n'ai encore jamais eu envie de tuer.
C'est toi.
Tu peux marcher dans les rues, tu peux boire et marcher dans les rues, je ne te tuerai pas.
N'aie pas peur. La ville est sans danger. Le seul danger dans la ville, c'est moi.
Je marche, je marche dans les rues, je tue.
Mais toi, tu n'as rien Ă craindre.
Si je te suis, c'est parce que j'aime le rythme de tes pas. Tu titubes. C'est beau. On pourrait dire que tu boites. Et que tu es bossu. Tu ne l'es pas vraiment. De temps en temps tu te redresses, et tu marches droit. Mais moi, je t'aime dans les heures avancées de la nuit, quand tu es faible, quand tu trébuches, quand tu te voûtes.
Je te suis, tu trembles. De froid ou de peur. Il fait chaud pourtant.
Jamais, presque jamais, peut-ĂȘtre jamais il n'avait fait si chaud dans notre ville.
Et de quoi pourrais-tu avoir peur?
De moi?
Je ne suis pas ton ennemi. Je t'aime.
Et personne d'autre ne pourrait te faire du mal.
N'aie pas peur. je suis lĂ . Je te protĂšge.
Pourtant, je souffre aussi.
Mes larmes - grosses gouttes de pluie - me coulent sur le visage. La nuit me voile. La lune m'éclaire. Les nuages me cachent. Le vent me déchire. J'ai une sorte de tendresse pour toi. Cela m'arrive parfois. Tres rarement.
Pourquoi pour toi? Je n'en sais rien.
Je veux te suivre trĂšs loin, partout, longtemps.
Je veux te voir souffrir encore plus.
Je veux que tu en aies assez de tout le reste.
Je veux que tu viennes me supplier de te prendre.
Je veux que tu me désires. Que tu aies envie de moi, que tu m'aimes, que tu m'appelles.
Alors, je te prendrai dans mes bras, je te serrerai sur mon coeur, tu seras mon enfant, mon amant, mon amour.
Je t'emporterai.
Tu avais peur de naĂźtre, et maintenant tu as peur de mourir.
Tu as peur de tout.
Il ne faut pas avoir peur.
Il y a simplement une grande roue qui tourne. Elle s'appelle ĂternitĂ©.
C'est moi qui fais tourner la grande roue.
Tu ne dois pas avoir peur de moi.
Ni de la grande roue.
La seule chose qui puisse faire peur, qui puisse faire mal, c'est la vie, et tu la connais déjà .
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Ăgota KristĂłf
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Le droit qui triomphe n'a nul besoin d'ĂȘtre violent.
Le droit, c'est le juste et le vrai.
Le propre du droit, c'est de rester Ă©ternellement beau et pur. Le fait, mĂȘme le plus nĂ©cessaire en apparence, mĂȘme le mieux acceptĂ© des contemporains, s'il n'existe que comme fait et s'il ne contient que trop peu de droit ou point du tout de droit, est destinĂ© infailliblement Ă devenir, avec la durĂ©e du temps, difforme, immonde, peut-ĂȘtre mĂȘme monstrueux.
(...)
Cette lutte du droit et du fait dure depuis l'origine des sociétés. Terminer le duel, amalgamer l'idée pure avec la réalité humaine, faire pénétrer pacifiquement le droit dans le fait et le fait dans le droit, voilà le travail des sages.
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Victor Hugo (Les Misérables)
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qui sait alors sâil nây aurait pas moyen de retrouver pour lâesthĂ©tique ce que le stoĂŻcisme avait inventĂ© pour la morale ? â Lâart grec nâĂ©tait pas un art, câĂ©tait la constitution radicale de tout un peuple, de toute une race, du pays mĂȘme. Les montagnes y avaient des lignes tout autres et Ă©taient de marbre pour les sculpteurs, etc. Le temps est passĂ© du beau. LâhumanitĂ©, quitte Ă y revenir, nâen a que faire pour le quart dâheure. Plus il ira, plus lâart sera scientifique, de mĂȘme que la science deviendra artistique. Tous deux se rejoindront au sommet aprĂšs sâĂȘtre sĂ©parĂ©s Ă la base. Aucune pensĂ©e humaine ne peut prĂ©voir, maintenant, Ă quels Ă©blouissants soleils psychiques Ă©clore-ront les Ćuvres de lâavenir. â En attendant, nous sommes
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Gustave Flaubert (GUSTAVE FLAUBERT: Correspondance - Tome 2 -1851-1858 (French Edition))
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-Tu est amoureux, prononce-t-elle.
-Hein?
-Tu as beau jouer les machos, tu est amoureux de moi.
What?
-T'as fumé, qu'est-ce que tu racontes?
-Malgré les dangers, tu restes toujours prÚs de moi.J'essaie de te décourager, et tu ne pars pas.C'est une belle définition de l'amour.
-Euh non, c'est une définition de merde.
Elle tourne sur elle-mĂȘme, me tire la langue, toute fiĂšre.
-Tu peux me dire ce que tu voudras.Je le sais, maintenant.J'en suis convaincue.
-Et?
-Et ça fait du bien.
Je n'ai pas le temps de lui dire qu'elle est complÚtement folle, et qu'est-ce que c'est cette maniÚre de prétendre que je suis amoureux, et elle se prend pour qui, et de toute façon c'est quoi l'amour, et si ça se trouve je vais me barrer demain et elle l'aura cherché, quand elle se glisse dans mes bras pour m'embrasser.
Bon, d'accord, je suis peut-ĂȘtre amoureux.
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Olivier Gay (L'Ăvasion (Le noir est ma couleur, #4))
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JâĂ©tais tout de mĂȘme heureux comme un enfant nĂ© dans une prison ou dans un hĂŽpital et qui ayant cru longtemps que lâorganisme humain ne peut digĂ©rer que du pain sec et des mĂ©dicaments, a appris tout dâun coup que les peches, les abricots, le raisin, ne sont pas une simple parure de la campagne, mais des aliments dĂ©licieux et assimilables. MĂȘme si son geĂŽlier ou son garde-malade ne lui permettent pas de cueillir ce beux fruits, le monde cependant lui paraĂźt meilleur et lâexistence plus clĂ©mente. Car un dĂ©sir nous semple plus beau, nous nous appuyons Ă lui avec plus de confiance quand nous savons dâen dehors de nous la rĂ©alitĂ© sây conforme, mĂȘme si pour nous il nâest pas rĂ©alisable. Et nous pensons avec plus de joie Ă une vie oĂč, Ă condition que nous Ă©cartions pour un instant de notre pensĂ©e le petit obstacle accidentel et particulier qui nous empĂȘche personnellement de le faire, nous pouvons nous imaginer lâassouvissant.
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Marcel Proust (Ă la recherche du temps perdu, Tome II)
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..jâĂ©tais tout de mĂȘme heureux comme un enfant nĂ© dans une prison ou dans un hĂŽpital et qui, ayant cru longtemps que lâorganisme humain ne peut digĂ©rer que du pain sec et des mĂ©dicaments, a appris tout dâun coup que les pĂȘches, les abricots, le raisin, ne sont pas une simple parure de la campagne, mais des aliments dĂ©licieux et assimilables. MĂȘme si son geĂŽlier ou son garde-malade ne lui permettent pas de cueillir ces beaux fruits, le monde cependant lui paraĂźt meilleur et lâexistence plus clĂ©mente. Car un dĂ©sir nous semble plus beau, nous nous appuyons Ă lui avec plus de confiance quand nous savons quâen dehors de nous la rĂ©alitĂ© sây conforme, mĂȘme si pour nous il nâest pas rĂ©alisable. Et nous pensons avec plus de joie Ă une vie oĂč, Ă condition que nous Ă©cartions pour un instant de notre pensĂ©e le petit obstacle accidentel et particulier qui nous empĂȘche personnellement de le faire, nous pouvons nous imaginer lâassouvissant
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Marcel Proust (Ă la recherche du temps perdu, Tome II)
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Les choses auxquelles on tenait le plus, vous vous dĂ©cidez un beau jour Ă en parler de moins en moins, avec effort quand il faut sây mettre. On en a bien marre de sâĂ©couter toujours cau-ser⊠On abrĂšge⊠On renonce⊠Ăa dure depuis trente ans quâon cause⊠On ne tient plus Ă avoir raison. Lâenvie vous lĂąche de garder mĂȘme la petite place quâon sâĂ©tait rĂ©servĂ©e parmi les plaisirs⊠On se dĂ©goĂ»te⊠Il suffit dĂ©sormais de bouffer un peu, de se faire un peu de chaleur et de dormir le plus quâon peut sur
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le chemin de rien du tout. Il faudrait pour reprendre de lâintĂ©rĂȘt trouver de nouvelles grimaces Ă exĂ©cuter devant les autres⊠Mais on nâa plus la force de changer son rĂ©pertoire. On bre-douille. On se cherche bien encore des trucs et des excuses pour rester lĂ avec eux les copains, mais la mort est lĂ aussi elle, puante, Ă cĂŽtĂ© de vous, tout le temps Ă prĂ©sent et moins mystĂ©-rieuse quâune belote. Vous demeurent seulement prĂ©cieux les menus chagrins, celui de nâavoir pas trouvĂ© le temps pendant quâil vivait encore dâaller voir le vieil oncle Ă Bois-Colombes, dont la petite chanson sâest Ă©teinte Ă jamais un soir de fĂ©vrier. Câest tout ce quâon a conservĂ© de la vie. Ce petit regret bien atroce, le reste on lâa plus ou moins bien vomi au cours de la route, avec bien des efforts et de la peine. On nâest plus quâun vieux rĂ©verbĂšre Ă souvenirs au coin dâune rue oĂč il ne passe dĂ©jĂ presque plus personne.
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Louis-Ferdinand CĂ©line (Journey to the End of the Night)
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Nous nous tĂ»mes l'un et l'autre ; pendant que nous attendions, je l'examinai. Un homme petit et rĂąblĂ©, brun comme un grain de cafĂ©, ayant peut-ĂȘtre une tendance Ă engraisser, mais pour le moment excessivement mince. Les rides profondes de son visage et de son cou n'Ă©taient pas seulement dues aux annĂ©es et aux intempĂ©ries : elles indiquaient Ă ne pas s'y tromper les endroits oĂč la chair ou la graisse avait fondu et oĂč la peau s'Ă©tait dĂ©tendue. Le cou Ă©tait simplement une surface oĂč s'entrecroisaient les sillons et les rides et portait les traces laissĂ©es par le soleil brĂ»lant du dĂ©sert. L'ExtrĂȘme-Orient, les Tropiques, le dĂ©sert, chaque rĂ©gion laissait sa marque colorĂ©e. Mais toutes les trois Ă©taient diffĂ©rentes ; et un Ćil qui avait su une fois pouvait ainsi les distinguer aisĂ©ment. La pĂąleur bistrĂ©e pour le premier ; le brun rouge et violent pour la seconde ; et pour le troisiĂšme, le hĂąle sombre et profond qui avait pris, semblait-il, le caractĂšre d'une coloration permanente. Mr. Corbeck avait une grosse tĂȘte pleine et massive ; avec des cheveux en dĂ©sordre, d'un brun-rouge foncĂ©, dĂ©garnis sur les tempes. Son front Ă©tait beau, haut et large ; et pour employer les termes de la physiognomonie, le sinus frontal Ă©tait hardiment marquĂ©. Sa forme carrĂ©e traduisait l'esprit raisonneur ; et la plĂ©nitude sous les yeux le don des langues. Il avait le nez court et large qui dĂ©note l'Ă©nergie ; le menton carrĂ© - qu'on discernait malgrĂ© la barbe Ă©paisse et non soignĂ©e - et la mĂąchoire massive qui montrent l'esprit de dĂ©cision.
« Un homme pas mal pour le désert ! » me disais-je en le regardant.
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Bram Stoker (Oeuvres)
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Cette sĂ©paration alchimique, si dangereuse que les philophes hermĂ©tiques nâen parlaient quâĂ mots couverts, si ardue que de longues vies sâĂ©taient usĂ©es en vain Ă lâobtenir, il lâavait confondue jadis avec une rĂ©bellion facile. Puis, rejetant ce fatras de rĂȘvasseries aussi antiques que lâillusion humaine, ne retenant de ses maĂźtres alchimistes que quelques recettes pragmatiques, il avait choisi de dissoudre et de coaguler la matiĂšre dans le sens dâune expĂ©rimentation faite avec le corps des choses. Maintenant, les deux branches de la parabole se rejoignaient ; la mors philosophica, sâĂ©tait accomplie : lâopĂ©rateur brĂ»lĂ© par les acides de la recherche Ă©tait Ă la fois sujet et objet, alambic fragile et, au fond du rĂ©ceptacle, prĂ©cipitĂ© noir. LâexpĂ©rience quâon avait cru pouvoir confiner Ă lâofficine sâĂ©tait Ă©tendue Ă tout. Sâen suivait-il que les phases subsĂ©quentes de lâaventure alchimique fussent autre chose que des songes, et quâun jour il connaĂźtrait aussi la puretĂ© ascĂ©tique de lâ Ćuvre au Blanc, puis le triomphe de lâesprit et des sens qui caractĂ©rise lâ Ćuvre au Rouge ? Du fond de la lĂ©zarde naissait une ChimĂšre. Il disait Oui par audace, comme autrefois par audace il avait dit Non. Il sâarrĂȘtait soudain, tirant violemment sur ses propres rĂȘnes. La premiĂšre phase de lâĆuvre avait demandĂ© toute sa vie. Le temps et les forces manquaient pour aller plus loin, Ă supposer quâil y eĂ»t une route, et que par cette route un homme pĂ»t passer. Ou ce pourrissement des idĂ©es, cette mort des instincts, ce broiement des formes preque insupportables Ă la nature humaine seraient rapidement suivis par la mort vĂ©ritable, et il serait curieux de voir par quelle voie, ou lâesprit revenu des domaines du vertige reprendrait ses routines habituelles, muni seulement de facultĂ©s plus libres et comme nettoyĂ©es. Il serait beau dâen voir les effets.
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Marguerite Yourcenar
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J'achÚte un roman marocain d'expression française le vendredi.
Je commence Ă le lire le samedi et dĂšs les premiĂšres pages, je crie: "Encore un qui croit que la littĂ©rature, c'est raconter son enfance et sublimer ou dramatiser son passĂ©. Je me dis; "continue quand mĂȘme, il a ratĂ© le dĂ©but mais tu trouveras sĂ»rement quelque chose de beau plus loin." Rien, walou, nada, niet. chercher des effets de styles, une narration travaillĂ©e, un souffle, une sensibilitĂ©, une sincĂ©ritĂ© est inutile. Tout sonne faux.
Le mec continue de nous bassiner avec ses misĂšres et ses amours d'enfance en utilisant la langue la plus plate que j'ai eu Ă lire ces derniers temps.
Pourquoi tant d'Ă©gocentrisme et de nombrilisme?
L'HĂGĂMONIE DU "JE" EST DEVENUE UN VĂRITABLE CANCER POUR LA LITTĂRATURE MAROCAINE.
Beaucoup de ceux qui s'adonnent à l'écriture au Maroc, surtout en français, croient qu'écrire, c'est reparler de leur mÚre, leur pÚre, leurs voisins, leurs frustrations... et surtout LEUR PERSONNE. Si au moins ils avaient l'existence d'un Rimbaud ou d'un Dostoïevski.
Je continue Ă lire malgrĂ© tout, d'abord parce que je suis maso, et ensuite pour ne pas ĂȘtre injuste Ă l'Ă©gard de l'auteur. Peine perdue. Le livre me tombe des mains et je le balance loin de moi Ă la page 94. MĂȘme le masochisme a des limites.
Je n'ai rien contre quelqu'un qui raconte sa vie. Je n'ai rien contre un nombriliste, un égocentrique, un maniaque, un narcissique, un mégalo, etc, du moment qu'il me propose un objet littéraire, un vrai, avec un style... Oui un style. Je ne dis pas avec une langue parfaite; non; je dis avec sa langue à lui, qui fait ressortir sa sincérité, son dilemme, ses tripes, son ùme. C'est ça le style qui fait l'oeuvre et non pas le bavardage.
Pour le bavardage, le "regardez-moi, je suis beau et je suis devenu écrivain"; le "Admirez-moi!", il y a les JamaÀs Fna (avec tous mes respects pour les conteurs de Jamaa Fna) et les Shows.
Alors SVP! un peu de respect pour la littérature.
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Mokhtar Chaoui
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_ Pourquoi sont-ils si méprisants ? demanda Chloé. Ce n'est pas tellement bien de travailler...
_ On leur a dit que câĂ©tait bien, dit Colin. En gĂ©nĂ©ral, on trouve ça bien. En fait, personne ne le pense. On le fait par habitude et pour ne pas y penser, justement.
_ En tout cas, c'est idiot de faire un travail que des machines pourraient faire.
_ Il faut construire des machines, dit Colin. Qui le fera?
_ Oh! Evidemment, dit ChloĂ©. Pour faire un Ćuf, il faut une poule, mais, une fois qu'on a la poule, on peut avoir des tas dâĆufs. Il vaut donc mieux commencer par la poule.
_ Il faudrait savoir, dit Colin, qui empĂȘche de faire des machines. C'est le temps qui doit manquer. Les gens perdent leur temps Ă vivre, alors, il ne leur en reste plus pour travailler.
_ Ce n'est pas plutÎt le contraire? dit Chloé.
_ Non, dit Colin. S'ils avaient le temps de construire les machines, aprĂšs ils n'auraient plus besoin de rien faire. Ce que je veux dire c'est qu'ils travaillent pour vivre au lieu de travailler Ă construire des machines qui les feraient vivre sans travailler.
_ C'est compliqué, estima Chloé.
_ Non, dit Colin. C'est trĂšs simple. Ăa devrait, bien entendu, venir progressivement. Mais, on perd tellement de temps Ă faire des choses qui s'usent...
- Mais, tu crois qu'ils n'aimeraient pas mieux rester chez eux et embrasser leur femme et aller Ă la piscine et aux divertissements?
- Non, dit Colin. Parce qu'ils n'y pensent pas.
- Mais est-ce que c'est leur faute si ils croient que c'est bien de travailler?
- Non, dit Colin, ce n'est pas leur faute. C'est parce qu'on leur a dit : « Le travail, c'est sacré, c'est bien, c'est beau, c'est ce qui compte avant tout, et seuls les travailleurs ont droit à tout. » Seulement, on s'arrange pour les faire travailler tout le temps et alors ils ne peuvent pas en profiter.
_ Mais, alors, ils sont bĂȘtes? dit ChloĂ©.
_ Oui, ils sont bĂȘtes, dit Colin. C'est pour ça qu'ils sont d'accord avec ceux qui leur font croire que le travail c'est ce qu'il y a de mieux. Ăa leur Ă©vite de rĂ©flĂ©chir et de chercher Ă progresser et Ă ne plus travailler.
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Boris Vian (L'Ăcume des jours)
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277. Providence personnelle. Il existe un certain point supĂ©rieur de la vie : lorsque nous lâavons atteint, malgrĂ© notre libertĂ© et quoi que nous dĂ©niions au beau chaos de lâexistence toute raison prĂ©voyante et toute bontĂ©, nous sommes encore une fois en grand danger de servitude intellectuelle et nous avons Ă faire nos preuves les plus difficiles. Car câest maintenant seulement que notre esprit est violemment envahi par lâidĂ©e dâune providence personnelle, une idĂ©e qui a pour elle le meilleur avocat, lâapparence Ă©vidente, maintenant que nous pouvons constater que toutes, toutes choses qui nous frappent, tournent toujours Ă notre bien. La vie de chaque jour et de chaque heure semble vouloir dĂ©montrer cela toujours Ă nouveau ; que ce soit nâimporte quoi, le beau comme le mauvais temps, la perte dâun ami, une maladie, une calomnie, la non-arrivĂ©e dâune lettre, un pied foulĂ©, un regard jetĂ© dans un magasin, un argument quâon vous oppose, le fait dâouvrir un livre, un rĂȘve, une fraude : tout cela nous apparaĂźt, immĂ©diatement, ou peu de temps aprĂšs, comme quelque chose qui « ne pouvait pas manquer », â quelque chose qui est plein de sens et dâune profonde utilitĂ©, prĂ©cisĂ©ment pour nous ! Y a-t-il une plus dangereuse sĂ©duction que de retirer sa foi aux dieux dâĂpicure, ces insouciants inconnus, pour croire Ă une divinitĂ© quelconque, soucieuse et mesquine, qui connaĂźt personnellement chaque petit cheveu sur notre tĂȘte et que les services les plus dĂ©testables ne dĂ©goĂ»tent point ? Eh bien ! â je veux dire malgrĂ© tout cela, â laissons en repos les dieux et aussi les gĂ©nies serviables, pour nous contenter dâadmettre que maintenant notre habiletĂ©, pratique et thĂ©orique, Ă interprĂ©ter et Ă arranger les Ă©vĂ©nements atteint son apogĂ©e. Ne pensons pas non plus trop de bien de cette dextĂ©ritĂ© de notre sagesse, si nous sommes parfois surpris de la merveilleuse harmonie que produit le jeu sur notre instrument : une harmonie trop belle pour que nous osions nous lâattribuer Ă nous-mĂȘmes. En effet, de-ci de-lĂ , il y a quelquâun qui se joue de nous â le cher hasard : Ă lâoccasion, il nous conduit la main et la providence la plus sage ne saurait imaginer de musique plus belle que celle qui rĂ©ussit alors sous notre folle main.
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Friedrich Nietzsche (Oeuvres complÚtes (24 titres annotés))
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Ses visites Ă©taient la grande distraction de ma tante LĂ©onie qui ne recevait plus guĂšre personne dâautre, en dehors de M. le CurĂ©. Ma tante avait peu Ă peu Ă©vincĂ© tous les autres visiteurs parce quâils avaient le tort Ă ses yeux de rentrer tous dans lâune ou lâautre des deux catĂ©gories de gens quâelle dĂ©testait. Les uns, les pires et dont elle sâĂ©tait dĂ©barrassĂ©e les premiers, Ă©taient ceux qui lui conseillaient de ne pas « sâĂ©couter » et professaient, fĂ»t-ce nĂ©gativement et en ne la manifestant que par certains silences de dĂ©sapprobation ou par certains sourires de doute, la doctrine subversive quâune petite promenade au soleil et un bon bifteck saignant (quand elle gardait quatorze heures sur lâestomac deux mĂ©chantes gorgĂ©es dâeau de Vichy !) lui feraient plus de bien que son lit et ses mĂ©decines. Lâautre catĂ©gorie se composait des personnes qui avaient lâair de croire quâelle Ă©tait plus gravement malade quâelle ne pensait, quâelle Ă©tait aussi gravement malade quâelle le disait. Aussi, ceux quâelle avait laissĂ© monter aprĂšs quelques hĂ©sitations et sur les officieuses instances de Françoise et qui, au cours de leur visite, avaient montrĂ© combien ils Ă©taient indignes de la faveur quâon leur faisait en risquant timidement un : « Ne croyez-vous pas que si vous vous secouiez un peu par un beau temps », ou qui, au contraire, quand elle leur avait dit : « Je suis bien bas, bien bas, câest la fin, mes pauvres amis », lui avaient rĂ©pondu : « Ah ! quand on nâa pas la santĂ© ! Mais vous pouvez durer encore comme ça », ceux-lĂ , les uns comme les autres, Ă©taient sĂ»rs de ne plus jamais ĂȘtre reçus. Et si Françoise sâamusait de lâair Ă©pouvantĂ© de ma tante quand de son lit elle avait aperçu dans la rue du Saint-Esprit une de ces personnes qui avait lâair de venir chez elle ou quand elle avait entendu un coup de sonnette, elle riait encore bien plus, et comme dâun bon tour, des ruses toujours victorieuses de ma tante pour arriver Ă les faire congĂ©dier et de leur mine dĂ©confite en sâen retournant sans lâavoir vue, et, au fond admirait sa maĂźtresse quâelle jugeait supĂ©rieure Ă tous ces gens puisquâelle ne voulait pas les recevoir. En somme, ma tante exigeait Ă la fois quâon lâapprouvĂąt dans son rĂ©gime, quâon la plaignĂźt pour ses souffrances et quâon la rassurĂąt sur son avenir.
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Marcel Proust (Du cÎté de chez Swann (à la recherche du temps perdu, #1))
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Le beau dialogue que Swann entendit entre le piano et le violon au commencement du dernier morceau! La suppression des mots humains, loin d'y laisser rĂ©gner la fantaisie, comme on aurait pu croire, l'en avait Ă©liminĂ©e ; jamais le langage parlĂ© ne fut si inflexiblement nĂ©cessitĂ©, ne connut Ă ce point la pertinence des questions, l'Ă©vidence des rĂ©ponses. D'abord le piano solitaire se plaignit, comme un oiseau abandonnĂ© de sa compagne ; le violon l'entendit, lui rĂ©pondit comme d'un arbre voisin. C'Ă©tait comme au commencement du monde, comme s'il n'y avait encore eu qu'eux deux sur la terre, ou plutĂŽt dans ce monde fermĂ© Ă tout le reste, construit par la logique d'un crĂ©ateur et oĂč ils ne seraient jamais que tous les deux : cette sonate. Est-ce un oiseau, est-ce l'Ăąme incomplĂšte encore de la petite phrase, est-ce une fĂ©e, invisible et gĂ©missant dont le piano ensuite redisait tendrement la plainte? Ses cris Ă©taient si soudains que le violoniste devait se prĂ©cipiter sur son archet pour les recueillir. Merveilleux oiseau! le violoniste semblait vouloir le charmer, l'apprivoiser, le capter. DĂ©jĂ il avait passĂ© dans son Ăąme, dĂ©jĂ la petite phrase Ă©voquĂ©e agitait comme celui d'un mĂ©dium le corps vraiment possĂ©dĂ© du violoniste. Swann savait qu'elle allait parler encore une fois. Et il s'Ă©tait si bien dĂ©doublĂ© que l'attente de l'instant imminent oĂč il allait se retrouver en face d'elle le secoua d'un de ces sanglots qu'un beau vers ou une triste nouvelle provoquent en nous, non pas quand nous sommes seuls, mais si nous les apprenons Ă des amis en qui nous nous apercevons comme un autre dont l'Ă©motion probable les attendrit. Elle reparut, mais cette fois pour se suspendre dans l'air et se jouer un instant seulement, comme immobile, et pour expirer aprĂšs. Aussi Swann ne perdait-il rien du temps si court oĂč elle se prorogeait. Elle Ă©tait encore lĂ comme une bulle irisĂ©e qui se soutient. Tel un arc-en-ciel, dont l'Ă©clat faiblit, s'abaisse, puis se relĂšve et avant de s'Ă©teindre, s'exalte un moment comme il n'avait pas encore fait : aux deux couleurs qu'elle avait jusque-lĂ laissĂ© paraĂźtre, elle ajouta d'autres cordes diaprĂ©es, toutes celles du prisme, et les fit chanter. Swann n'osait pas bouger et aurait voulu faire tenir tranquilles aussi les autres personnes, comme si le moindre mouvement avait pu compromettre le prestige surnaturel, dĂ©licieux et fragile qui Ă©tait si prĂšs de s'Ă©vanouir.
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Marcel Proust (Du cÎté de chez Swann (à la recherche du temps perdu, #1))
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A Schönbrunn, les fĂȘtes se suivent et se ressemblent, indiffĂ©rentes au temps qui passe, au monde qui change, aux moeurs qui Ă©voluent. ElĂ©gantes, poudrĂ©es, chamarrĂ©es, brillant des mille Ă©clats des diamants, des cristaux, de lâargenterie ; Ă©voluant aux pays glissĂ©s des valses, menuets et quadrilles ; bruissant de robes de soie, cliquetant de mĂ©dailles, bourdonnant dâintrigues de cour ; si charmantes, si convenables, si ennuyeuses ⊠Pendant que lâon se pavane, selon un protocole immuable, dans les salons rococo et les jardins au cordeau, les premiĂšres locomotives Ă vapeur ahanent sur les premiers kilomĂštres de rails, dâĂ©normes machines de fonte et dâacier remplacent des contingents dâouvriers dans les usines, lâĂ©clairage au gaz arrive dans les thĂ©Ăątres et bientĂŽt dans les rues, on parvient Ă produire et stocker de lâĂ©lectricitĂ©, Niepce et Daguerre impressionnent les premiĂšres plaques photographiques ⊠Des idĂ©es nouvelles issues de la RĂ©volution, sur la libertĂ©, lâĂ©galitĂ©, les droits de lâhomme, sâĂ©chafaudent en systĂšmes et sâenracinent dans les coeurs, un esprit de rĂ©volte fermente au centre des villes, au fond des campagnes, au sein des armĂ©es, partout le poids Ă©crasant de cette monarchie obsolĂšte devient insupportableâŠ
Franz sait tout cela qui, du haut de ses onze printemps, regarde pavoiser ce beau monde. Boulimique de savoir et dâinformations, François lui raconte raconte toutes ses visions dĂšs quâils ont lâoccasion dâĂȘtre seuls ; les sociĂ©tĂ©s quâil lui dĂ©crit sont bien loin de lâatmosphĂšre empesĂ©e de Schönbrunn, les gens dont il lui parle sont bien plus vivants que ces momies figĂ©es dans leurs convenances. Aussi le petit duc pose-tâil sur cette fĂȘte - sa fĂȘte, pourtant - le regard blasĂ©, impatient et las de celui qui sait quâil assiste Ă la lente agonie dâun systĂšme sclĂ©rosĂ©, mais sans pouvoir y changer quoi que ce soit, ni avancer ni retarder lâĂ©chĂ©ance.
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Jean-Marc Ligny (La Dame Blanche)
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Le beau temps continua, les derniers jours de septembre avaient une douceur légÚre, les feuilles prenaient lentement leurs ors et semblaient ne devoir jamais tomber.
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Georges-Emmanuel Clancier (Le Pain noir)
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Les Ă©conomistes n'avaient cru possible qu'une guerre courte, parce qu'ils ne comptaient qu'avec l'argent rĂ©el. S'il n'existait que l'argent rĂ©el, il y a beau temps que cette guerre aurait fini de l'absorber. Mais les peuples ont appris Ă la nourrir avec de l'argent fictif, avec ce qu'ils appellent le crĂ©dit. Comme les joueurs dans les rĂ©cits d'autrefois, tĂątant leurs poches vides, se disaient soudain : « Mais c'est vrai ! j'ai une bague⊠j'ai un champ⊠j'ai une maison. Qui m'empĂȘche de les jouer aussi ? » les peuples, tout en se ruinant, se sont aperçus qu'ils Ă©taient bien plus riches qu'ils n'avaient jamais soupçonnĂ© ; et qu'aprĂšs avoir transformĂ© tout leur argent rĂ©el en canons et en obus, ils pourraient transformer en argent fictif la terre, les forĂȘts, les maisons, les ports, les rails, les rĂ©verbĂšres.., donc en faire aussi des canons et des obus.
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Jules Romains (Les Hommes de bonne volonté - L'Intégrale 5 (Tomes 14 à 17): Le Drapeau noir - Prélude à Verdun - Verdun - Vorge contre Quinette (French Edition))
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p62 "Les dirigeants avaient vite compris que pour asservir les gens aujourd'hui, il ne fallait plus la force, il fallait créer le manque et le besoin".
p62 "Force, rĂ©pression, ça pas marcher, qu'il disait. Juste crĂ©er plus rĂ©volte. Quand Parti fait taire les gens, eux crier plus fort. Pour contrĂŽler information et peuple, il faut donner trop. Gens pas savoir trier, pas le temps, ni envie, pas possible. Pour contrĂŽler l'individu, il faut faire croire au besoin, mĂȘme quand il n'a pas, surtout quand il n'a pas. On dit besoin d'acheter voiture, pas possible vivre sans. Il voudra voiture plus que bonheur, car voiture devient bonheur. On dit besoin tĂ©lĂ©phone, mais pas un vieux, un neuf, beau, dernier modĂšle. Et on dit bonheur dedans. Lui besoin, pas possible de faire sans. Et comma ça pour tout. Pour manipuler, il faut pas obliger, mais inciter. Et gens stupides qui croient que bonheur est d'avoir, pas ĂȘtre. Français ĂȘtre une belle langue qui a compris, qui dit je suis heureux, pas j'ai heureux. Mais français peuple d'abrutis, ont oubliĂ© leur langue, leur pensĂ©e, trop fiers de leurs droits de l'homme, oubliĂ© ça fragile. Pas vouloir comprendre qu'il existe la dictature du besoin, faux besoin, dictature par argent. Acheter mĂȘme quand pas avoir l'argent, surtout quand pas l'avoir. Stupide. Pendant gens occupĂ©s Ă acheter pour combler vide, eux perdre libertĂ© de dire non, je veux pas, pas besoin. Eux perdre libertĂ© de chercher vraie vie, vrai bonheur. Et peuple tendre lui-mĂȘme les clĂ©s de la prison oĂč se mettre".
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Isabelle Aupy (L'Homme qui n'aimait plus les chats)
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RĂ©trospectivement, je me demande pourquoi je me suis privĂ© d'un truc [la guerre] aussi romanesque et valorisant. Un peu par trouille : j'y serais sans doute allĂ© si je n'avais appris, au moment oĂč on me le proposait, que Jean Hatzfeld venait d'ĂȘtre amputĂ© d'une jambe aprĂšs avoir reçu lĂ -bas une rafale de kalachnikov. Mais je ne veux pas m'accabler : c'Ă©tait aussi par circonspection. Je me mĂ©fiais, je me mĂ©fie toujours des unions sacrĂ©es - mĂȘme rĂ©duites au petit cercle qui m'entoure. Autant je me crois sincĂšrement incapable de violence gratuite, autant je m'imagine volontiers, peut-ĂȘtre trop, les raisons ou concours de circonstances qui auraient pu en d'autres temps me pousser vers la collaboration, le stalinisme ou la rĂ©volution culturelle. J'ai peut-ĂȘtre trop tendance aussi Ă me demander si, parmi les valeurs qui vont de soi dans mon milieu, celles que les gens de mon Ă©poque, de mon pays, de ma classe sociale, croient indĂ©passables, Ă©ternelles et universelles, il ne s'en trouverait pas qui paraĂźtront un jour grotesques, scandaleuses ou tout simplement erronĂ©es. Quand des gens peu recommandables comme Limonov ou ses pareils disent que l'idĂ©ologie des droits de l'homme et de la dĂ©mocratie, c'est exactement aujourd'hui l'Ă©quivalent du colonialisme catholique - les mĂȘmes bonnes intentions, la mĂȘme bonne foi, la mĂȘme certitude absolue d'apporter aux sauvages le vrai, le beau, le bien -, cet argument relativiste ne m'enchante pas, mais je n'ai rien de bien solide Ă lui opposer. Et comme je suis facilement, sur les questions politiques, de l'avis du dernier qui a parlĂ©, je prĂȘtais une oreille attentive aux esprits subtils expliquant qu'IzetbegoviÄ, prĂ©sentĂ© comme un apĂŽtre de la tolĂ©rance, Ă©tait en rĂ©alitĂ© un Musulman fondamentaliste, entourĂ© de Moudajhidines, rĂ©solu Ă instaurer Ă Sarajevo une rĂ©publique islamique et fortement intĂ©ressĂ©, contrairement Ă MiloseviÄ, Ă ce que le siĂšge et la guerre durent le plus longtemps possible. Que les Serbes, dans leur histoire, avaient assez subi le joug ottoman pour qu'on comprenne qu'ils n'aient pas envie d'y repiquer. Enfin, que sur toutes les photos publiĂ©es par la presse et montrant des victimes des Serbes, une sur deux si on regardait bien Ă©tait une victime serbe. Je hochais la tĂȘte : oui, c'Ă©tait plus compliquĂ© que ça. (p. 310-311)
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Emmanuel CarrĂšre (Limonov)
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Na manhĂŁ seguinte, muito cedo, Fabrizio entrou numa igreja e, fixando o altar, disse humildemente:
«Pai: nĂŁo vim pedir-te perdĂŁo nem agradecer-te. SĂł posso pedir-te perdĂŁo dos erros cometidos e, quanto Ă s minhas opçÔes, sabes que nĂŁo tenho culpa. NĂŁo vim agradecer-te. Ă tal a felicidade que me invade, que Ă© como se me fosse dada por um destino: nascida comigo, ou para mim, pelos sĂ©culos dos sĂ©culos. Vim aqui, Pai, testemunhar-te que ouvi a tua voz e identifiquei o teu sinal. Vim pedir-te que nĂŁo me faças indigno dele. Vim dizer-te que, ao olhar Laurent, Ă© a ti que descubro: tu jĂĄ nĂŁo Ă©s invisĂvel, difuso, indiferente, mas vivo, concreto, actuante, confortante. Fonte de amor: amor. Ajuda-me por isso, tu que Ă©s amor, a amar. Ajuda-me a consumir-me no amor, a nĂŁo temer o seu fogo, a nĂŁo vacilar frente ao risco e ao medo do ridĂculo, a nĂŁo traficar, a nĂŁo aviltar, a nĂŁo degradar, a nĂŁo corromper. Ajuda-me a distinguir o verdadeiro amor do falso amor. Ajuda-me a nĂŁo ceder Ă s emboscadas dos inimigos do amor. Ajuda-me a suportar os ataques dos padres que, do amor, sĂł conhecem o nome. Dos juizes que, com leis adulteradas, dĂŁo sentenças sobre o amor. Dos poetas, que elogiam os atributos, nĂŁo a substĂąncia, do amor. Dos moralistas, que encarceram o amor numa prisĂŁo de dogmas. Ajuda-me, tu que Ă©s amor, agora que o teu tempo chegou.»
(...)
A carta era esta:
«Je tâai parlĂ© de plĂ©nitude: je veux te dire maintenant ce que je vois dans tes yeux. Chacun de nous possĂ©dait un paradis quâun jour nous avons perdu ; la nostalgie de ce paradis nous fait vivre et quelquesfois nous fait mourir. Cela, si tu veux, Laurent, câest de la litĂ©rature ; mais, quand je te regarde dans les yeux, et que tu me regardes un instant, ce nâest pas de la litĂ©rature : Câest le temp de Dieu. En toi, je le retrouve. Et je me retrouve mois-mĂȘme. Je regardais hier soir (nous Ă©tions dans le metro) ta peau ; et je me disais : Câest ma peau. De tes mains, je disais : Ce sont mes mains. Je me sens si exaltĂ© devant cette dĂ©couverte ! Je tâaime. Je nâai plus peur. Tu es grand et beau comme le soleil ; quand tu ris, câest un rayon de soleil qui sort de toi. Je tâaime.»
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Carlo Coccioli (Fabrizio Lupo)
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On ne peut s'empĂȘcher de constater [que l'Occidental religieux] perd en pratique volontiers de vue les tendances fondamentales de sa foi, c'est-Ă -dire qu'il se retranche derriĂšre les alternatives simples de la morale et des exigences de la pratique religieuse tout en trahissant, en sa qualitĂ© de « civilisĂ© », les tendances mĂȘmes qui sont Ă la base et de ces alternatives et de cette pratique. La machine est une bonne chose, pourvu qu'on aime Dieu ; la rĂ©publique est un bien, pourvu qu'elle favorise la religion ; que la machine tue de facto l'amour de Dieu, et que la rĂ©publique Ă©touffe de facto la religion, ne semble pas effleurer l'esprit de l'immense majoritĂ© des croyants. Si on est finalement obligĂ© de constater ces effets nĂ©fastes, on accusera d'abord la nature humaine et ensuite quelque dĂ©chĂ©ance imaginaire de la religion ; on accusera jamais les causes rĂ©elles, considĂ©rĂ©es a priori comme neutre parce que situĂ©es en dehors des alternatives morales simplistes et des rĂšgles pratiques auxquelles on a rĂ©duit la religion, et en dehors aussi de la pure thĂ©ologie. Et comme le monde de la machine â « chrĂ©tien » selon certains puisque la machine ne commet point d'adultĂšre et puisque toute chose efficace doit provenir du Christianisme â, comme ce monde s'impose partout pour des raisons matĂ©rielles irrĂ©versibles, il favorise partout sur le globe terrestre l'Ă©lĂ©ment mondain et la mondanitĂ© technocratique, laquelle est de tout Ă©vidence l'antipode de tout amour de Dieu.
Cette mondanitĂ© utilitaire â franchement impie ou trompeusement chrĂ©tienne â ne saurait s'affirmer par une dialectique normale, elle a besoin d'arguments qui remplacent la rĂ©alitĂ© par des suggestions imaginatives des plus arbitraires. Au moins aussi dĂ©plaisant qu'un hyperbolisme inconsidĂ©rĂ©, et bien davantage suivant les cas, est le biais faussement moralisant si commun au langage moderne : il consiste Ă vouloir justifier une erreur ou un mal quelconque par des Ă©tiquettes flatteuses et Ă vouloir compromettre une vĂ©ritĂ© ou un fait positif par des Ă©tiquettes infamantes, souvent en utilisant de fausses valeurs telles que la « jeunesse » et sans que les suggestions avancĂ©es aient le moindre rapport avec les choses auxquelles on les applique (18). Un autre vice de dialectique, ou un autre abus de pensĂ©e, est l'inversion du rapport causal et logique : on dira qu'il est temps d'inventer un idĂ©al nouveau qui puisse enflammer les hommes, ou qu'il faut forger une mentalitĂ© capable de trouver beau le monde des machines et laid celui des sanctuaires, ou une mentalitĂ© capable de prĂ©fĂ©rer la nouvelle messe ou la nouvelle religion Ă l'ancienne messe ou Ă la religion de toujours, et ainsi de suite. Comme le biais moralisant, le raisonnement inversant est totalement Ă©tranger Ă la dialectique orientale et Ă la dialectique traditionnelle tout court, et pour cause.
Nous pourrions signaler Ă©galement, en passant, le raisonnement dynamiste qui subordonne la constatation d'un fait Ă la proposition d'une solution pratique â comme si la vĂ©ritĂ© n'avait pas sa raison d'ĂȘtre ou sa valeur en elle-mĂȘme â ou le raisonnement utilitariste qui subordonne la vĂ©ritĂ© comme telle aux intĂ©rĂȘts matĂ©riels des hommes physiques. Tout ceci n'est pas incompatible en fait avec un certains sens critique sur quelques plans extĂ©rieurs ; s'il en est ainsi, l'inverse doit ĂȘtre possible Ă©galement, Ă savoir la disproportion entre un discernement spirituel et un langage inconsidĂ©rĂ©ment impulsif et hyperbolique.[...]
(18) La propagande pour les innovations liturgiques et thĂ©ologiques â et contre ceux qui n'en sont pas dupes â est un exemple particuliĂšrement Ă©cĆurant de ce procĂ©dĂ©.
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Frithjof Schuon (Logic & Transcendence)
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D'un bout du monde Ă l'autre, d'un bout Ă l'autre du temps, rien que des hommes qui tournent en rond, gardiens et gardĂ©s, qui s'emplissent et qui se vident. Ils ne savent pas pourquoi on les a fichus lĂ . Ils s'imaginent qu'ils payent pour une faute. Que c'est Ă cause du bon Dieu. Ils n'osent pas s'avouer que c'est Ă cause de rien du tout. Et pourtant c'est bien plus beau ainsi, bien plus terrible. L'Histoire apparaĂźt enfin dans sa gratuitĂ© absolue, dans son inconcevable cruautĂ©. On peut se dĂ©fendre avec des mots, des thĂ©ories. Mais c'est tricher. Beuret triche quand il parle du sens de la vie. Ăa n'a pas de sens, le sens de la vie. Je ne veux pas tricher. J'ai fait ça toute ma vie. J'en ai assez. Je ne veux plus me dĂ©fendre contre cette Ă©vidence dĂ©chirante de l'absurditĂ©. On a construit aussi des philosophies lĂ -dessus. Je sais. Mais j'en ai assez des philosophies, L'absurditĂ©, ça ne se dĂ©montre pas, ça ne se raisonne pas, ça ne sert pas Ă faire des confĂ©rences ou des articles dans les revues. On l'Ă©prouve dans tout son ĂȘtre. C'est une rĂ©vĂ©lation vivante qui, Ă de certains moments intenses, emporte tout.
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Georges Hyvernaud (La Peau et les Os)
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Oui, je pense que tout ce qui vient du passĂ© n'est pas dĂ©passĂ©. Faire soi-mĂȘme possĂšde quelque chose de trĂšs beau; prendre le temps, c'est important. Oui, je pense que tout va trop vite. On parle trop vite. On rĂ©flĂ©chit trop vite, quand on rĂ©flĂ©chit! On envoie des mails, des textos sans se relire, on perd lĂ©lĂ©gance de l'orthographe, la politesse, le sens des choses. (p. 94)
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Grégoire Delacourt (La liste de mes envies)
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Ce qui est beau aussi, c'est la multitude de ces autres vie rĂȘvĂ©es, qui brillent dans le noir comme autant de petits phares, comme une constellation de tous nos possibles. Si ça va plus lĂ oĂč tu es, si cette vie-ci te dit plus rien, tu peux toujours venir ici, il y a de la lumiĂšre tout le temps. Quand je ferme les yeux, je vois la lueur de ces petites fenĂȘtres phosphorescentes trembler partout sur la planĂšte.
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Véronique CÎté (Chaque automne j'ai envie de mourir)
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La vie, c'est comme Mario Bros 1. On passe son temps Ă trimer pour ramasser des piĂšces, on est obligĂ©s d'avancer pour affronter de nouveaux dangers, on subit sans cesse les mĂȘmes Ă©preuves rĂ©pĂ©titives, le temps est limitĂ© et on finira quand mĂȘme par mourir. Mais surtout, on a beau poursuivre l'aventure, la princesse est toujours dans un autre chĂąteau.
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J. Heska (Pourquoi les gentils ne se feront plus avoir)
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Mais comment ne pas sans arrĂȘt penser Ă se donner la mort, quand les pĂ©rils sont si nombreux, les prĂ©dateurs si fĂ©roces, et le sang si prĂšs sous la peau? Comment ne pas rĂ©flĂ©chir Ă©perdument Ă une maniĂšre de provoquer cette mort qui vous pend au nez, pour en finir et enfin donner raison Ă tout ce qui meurt? Comment ne pas vouloir poser, une seule fois, un geste irrĂ©vocable quand toute notre agitation ne sait qu'ĂȘtre vaine? Comment ne pas mourir de curiositĂ© et aller voir si l'enfer est vĂ©ritablement pavĂ© de bonnes intentions? Comment accepter de prendre le risque, tous les jours, que la mort nous surprenne au beau milieu d'une phrase ou d'une pensĂ©e? Quelle humiliation ce doit ĂȘtre d'ĂȘtre interrompu par la mort.
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Ăvelyne de la CheneliĂšre (La concordance des temps)
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Nous disons bien que lâheure de la mort est incertaine, mais quand nous disons cela, nous nous reprĂ©sentons cette heure comme situĂ©e dans un espace vague et lointain, nous ne pensons pas quâelle ait un rapport quelconque avec la journĂ©e dĂ©jĂ commencĂ©e et puisse signifier que la mort â ou sa premiĂšre prise de possession partielle de nous, aprĂšs laquelle elle ne nous lĂąchera plus â pourra se produire dans cet aprĂšs-midi mĂȘme, si peu incertain, cet aprĂšs-midi oĂč lâemploi de toutes les heures est rĂ©glĂ© dâavance. On tient Ă sa promenade pour avoir dans un mois le total de bon air nĂ©cessaire, on a hĂ©sitĂ© sur le choix dâun manteau Ă emporter, du cocher Ă appeler, on est en fiacre, la journĂ©e est tout entiĂšre devant vous, courte, parce quâon veut ĂȘtre rentrĂ© Ă temps pour recevoir une amie; on voudrait quâil fĂźt aussi beau le lendemain; et on ne se doute pas que la mort, qui cheminait en vous dans un autre plan, au milieu dâune impĂ©nĂ©trable obscuritĂ©, a choisi prĂ©cisĂ©ment ce jour-lĂ pour entrer en scĂšne, dans quelques minutes, Ă peu prĂšs Ă lâinstant oĂč la voiture atteindra les Champs-ĂlysĂ©es.
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Marcel Proust
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Face Ă la montĂ©e des couches populaires en 1985â1986, la classe dominante avait renoncĂ© Ă la maĂźtrise directe de lâappareil politico-administratif. Elle se contente, dans la plupart des cas, dâinspirer et de piloter Ă distance la politique Ă©conomique et monĂ©taire. Exemples ? Le long discours-programme rĂ©digĂ© en partie par le secteur privĂ© et lu par le gĂ©nĂ©ral-prĂ©sident Henry Namphy en mars-avril 1986. En 1991â1992, Ă la suite de lâembargo imposĂ© pour ramener Aristide au pouvoir, elle abandonnait ses projets dâindustrialisation. Elle se concentrait sur la recherche du profit, laissant aux couches moyennes la triste et ingrate besogne de la gestion de la misĂšre du peuple et de la rĂ©pression. Il faut vraiment que ses intĂ©rĂȘts paraissent en grand danger pour quâelle se rĂ©signe à « aller au charbon », comme lorsquâil fut nĂ©cessaire de mobiliser lâAssociation des Industries dâHaĂŻti afin dâabattre Jean-Claude Duvalier, Ă la fin de janvier 1986, quand celui-ci avait Ă©puisĂ© sa durĂ©e de vie politique utile. Ce scĂ©nario rappelle lâapologue du chien hollandais que conte Chateaubriand dans ses MĂ©moires dâOutre-Tombe : « Quand les Hollandais essuient un coup de vent en haute mer, ils se retirent dans lâintĂ©rieur du navire, ferment les Ă©coutilles et boivent du punch, laissant un chien sur le pont pour aboyer Ă la tempĂȘte; le danger passĂ©, on renvoie FidĂšle Ă sa niche au fond de la cale, et le capitaine revient jouir du beau temps sur le gaillard. » VoilĂ ce qui pourrait fort bien sâappliquer tant Ă Jean-Claude Duvalier quâĂ Henry Namphy, Ă cette diffĂ©rence prĂšs que la bourgeoisie haĂŻtienne, au lieu de les renvoyer Ă la cale, les a simplement basculĂ©s par-dessus bord.
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Michel Soukar (Radiographie de la «bourgeoisie haïtienne» suivie de : Un nouveau rÎle pour les «élites haïtiennes» au 21e siÚcle (French Edition))
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Soit nous réussissons à faire de cette traversée du temps
retrouvĂ© une expĂ©rience proustienne (mĂ©moire, pastille Ă
la bergamote, exercice de la sensibilitĂ©), soit câest le vrai
effondrement : celui de soi-mĂȘme.Heinrich von Kleist dans Michael Kohlhaas donne une
clef : « du fond de sa douleur de voir le monde dans un si
monstrueux désordre, surgissait la satisfaction secrÚte de
sentir lâordre rĂ©gner dĂ©sormais dans son cĆur ». Ă chacun est offerte une occasion (rĂ©munĂ©rĂ©e) de faire un peu
dâordre en son cĆur.Une inĂ©galitĂ© immĂ©diate se rĂ©vĂšle. Certains ont une vie
intĂ©rieure, dâautres non. JâĂ©prouve de la compassion pour
ceux qui passeront ces journĂ©es loin dâun jardin. Mais jâen
ai aussi pour ceux qui nâaiment pas la lecture et ne « se
doute[nt] pas le moins du monde quâun Rembrandt, un
Beethoven, un Dante, ou un Napoléon ont jamais existé »,
comme lâĂ©crit Zweig au dĂ©but du Joueur d âĂ©chec.On peut savoir grĂ© au prĂ©sident Macron dâavoir lancĂ©
dans son discours du lundi 16 mars le plus churchilien
mot dâordre : « Lisez. » Câest tout de mĂȘme plus beau que
« Enrichissez-vous » de Guizot.Julien Gracq dans En lisant, en Ă©crivant donnait semblable indication thĂ©rapeutique : « Le livre ouvre un lointain Ă la vie, que lâimage envoĂ»te et immobilise. » Vous
voulez explorer vos confins ? Ouvrez des livres. Devant un
Ă©cran, vous serez deux fois confinĂ©s !Le temps est une substance. Il se modĂšle. Nous lâavions
perdu, on le retrouve. Câest une grĂące. La rĂ©volution Ă©cologique commence par une Ă©cologie du temps.
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Sylvain Tesson (Que ferons-nous de cette Ă©preuve ? Entretien avec Vincent Tremolet de Villers)
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et anti-humains, que toute chose belle est essentiellement inutile ; mais il se proposait surtout pour objet la rĂ©futation de ce quâil appelait spirituellement la grande hĂ©rĂ©sie poĂ©tique des temps modernes. Cette hĂ©rĂ©sie, câest lâidĂ©e dâutilitĂ© directe. On voit quâĂ un certain point de vue Edgar Poe donnait raison au mouvement romantique français. Il disait : « Notre esprit possĂšde des facultĂ©s Ă©lĂ©mentaires dont le but est diffĂ©rent. Les unes sâappliquent Ă satisfaire la rationalitĂ©, les autres perçoivent les couleurs et les formes, les autres remplissent un but de construction. La logique, la peinture, la mĂ©canique sont les produits de ces facultĂ©s. Et, comme nous avons des nerfs pour aspirer les bonnes odeurs, des nerfs pour sentir les belles couleurs, et pour nous dĂ©lecter au contact des corps polis, nous avons une facultĂ© Ă©lĂ©mentaire pour percevoir le beau ; elle a son but Ă elle et ses moyens Ă elle. La poĂ©sie est le produit de cette facultĂ©Â ; elle sâadresse au sens du beau et non Ă un autre. Câest
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Charles Baudelaire (Oeuvres complĂštes et annexes)
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Nord annonciateur de beau temps
Est le réveil
Sud le repas
Ouest le repos
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Josephine Bacon
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Ă Ion Ghica, Jassy 2 janvier 1861,
Mon cher vieux,
Les chasse-neige et les dĂ©gels mâont retenu jusquâĂ ce jour dans cette maudite ville de Jassy qui depuis deux ans prend un caractĂšre de ville de province Ă faire crisper les sĂ©paratistes. Voici dĂ©jĂ deux mois que ma valise est faite et que jâattends un caprice favorable du baromĂštre pour me mettre en route, mais pendant que cet instrument fallacieux indique le beau fixe, il pleut, il neige, il vente, il gĂšle, il dĂ©gĂšle, bref il fait un temps ultra. Force mâa Ă©tĂ© donc de mâarmer de patience et de fourrure pour attendre un moment plus opportun, car la Galicie mâinspire des terreurs de 1793. Jâai profitĂ© de ce contretemps pour revoir le Prince, avec lequel jâai longuement parlĂ© de toi. Je ne rapporterai pas tout ce que le Prince mâa dit de flatteur sur ton compte, je crois devoir te faire part de son Ă©tonnement Ă la vue dâun certain rapprochement qui se serait produit derniĂšrement entre toi et les Bratiano et consorts. Un pareil accouplement est-il possible ? Je dĂ©clare que non, car si lâon a vu s'accoupler des carpes avec des lapins (la chose est encore en doute dans le monde la science) on n'a pas encore vu se produire ce phĂ©nomĂšne monstrueux entre des hommes sensĂ©s comme toi et des sauteurs burlesques comme les Berlikoko et Jean Bratiano. La politique serait-elle donc une entremetteuse aussi adroite ?
Jâai appris aussi que notre ami Balaciano serait montĂ© actuellement au plus haut degrĂ© de lâĂ©chelle de la colĂšre au sujet de la question hongroise. Voudrait-il par hasard que le Prince se rendĂźt solidaire des mouvements magyars au dĂ©triment probable des intĂ©rĂȘts roumains de la Transylvaine ? Le Prince nâest pas le geĂŽlier de lâAutriche et certainement son gouvernement ne commettra jamais lâinfamie de rendre les Ă©migrĂ©s hongrois aux autoritĂ©s autrichiennes. Mais est-ce Ă dire pour cela quâil jette son va-tout en lâair, au risque de compromettre la situation politique du pays ? Quoiquâil en soit Balaciano peut compter que rien ne sera entrepris contre l'honneur et les vĂ©ritables intĂ©rĂȘts des PrincipautĂ©s. Il rĂ©pondra Ă cela des choses spirituelles, tant mieux pour lui, plus il Ă©vacuera de lâesprit, et plus il sera soulagĂ© !
Jâai envoyĂ©, comme tu sais, plusieurs piĂšces de thĂ©Ăątre Ă Millo. Quâen a-t-il fait ? A-t-il l'intention de les monter ? Fais-moi le plaisir de lui demander de me rĂ©pondre de suite pour que ta lettre me trouve encore Ă Jassy. Envoie-moi aussi par la premiĂšre occasion un numĂ©ro de « PÄcalÄ Â» oĂč se trouve insĂ©rĂ©e « La Complainte du conservateur ».
Adieu mon cher vieux je tâembrasse et te prie de prĂ©senter mes amitiĂ©s Ă Madame Ghica ainsi quâĂ tous nos amis et connaissances.
Tout Ă toi, V. Alecsandri.
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Vasile Alecsandri (Opere, IX)
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Ah oui, câest vrai. Sur la terrasse du Narval, aucun des habituĂ©s ne prĂȘta attention Ă leur passage. Il faisait encore trĂšs bon en cette fin de journĂ©e et les consommateurs profitaient de ces instants de calme, de la circulation presque nulle et du ciel irrĂ©prochable en buvant un verre ou en grattant un Morpion. Pourtant, il y avait au fond de cette quiĂ©tude comme une contrariĂ©tĂ©, un sentiment de compte Ă rebours qui nuisait mĂȘme aux heures les plus douces. CâĂ©tait une impression nouvelle dont on nâaurait pas su dater lâorigine, ni expliquer vraiment la cause. Chaque plaisir semblait maintenant contenir en lui cette humeur de fin de permission, chaque moment privilĂ©giĂ© prenait lâaspect dâun dernier jour des vacances. Comme si le retour des saisons nâĂ©tait plus garanti. En attendant, autour de cette place banale, avec son PMU, sa boulangerie, son agence immobiliĂšre, et non loin de lâĂ©glise toujours vide, un monde jouissait pleinement de son sursis. Et en ce beau dimanche de mai qui tirait vers le soir, le temps Ă©tait si bon, la vie si patiente quâil Ă©tait presquâimpossible de deviner lâimmense accumulation de gaz qui ronflait dans les caves de cet univers inquiet de sa fin.
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Nicolas Mathieu (Connemara)
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Sâil est une leçon que doit retenir la jeunesse, câest que la survivance dâun peuple se conquiert beaucoup moins par les beaux coups dâĂ©clat, par les victoires dâĂ©loquence, que par les Ćuvres constructives. Ătre fort pour un peuple, câest lâĂȘtre dâabord par la vigueur intĂ©rieure de son Ăąme, par sa constitution sociale, Ă©conomique, intellectuelle, morale. Cela mĂȘme est la premiĂšre condition de dĂ©fense contre lâennemi extĂ©rieur; pour ĂȘtre un bon soldat il faut ĂȘtre physiquement et moralement bien constituĂ©.
La fiertĂ© fut bien, dans le passĂ© tout proche, lâune des vertus qui nous ont le plus manquĂ©, quand fort peu pourtant nous Ă©taient aussi nĂ©cessaires. Un peuple faible par le nombre, peut se passer, Ă la rigueur, de richesse et mĂȘme dâart; il ne saurait se passer dâĂȘtre fier. Pour vivre il faut dâabord se convaincre que la vie en vaut la peine; et notre peuple nâaura plus de raisons de perpĂ©tuer sa race quand il y aura vu la cause dâune infĂ©rioritĂ©. Pour ĂȘtre fiers, les jeunes nâont besoin que de savoir qui ils sont. Il nâappartient pas aux fils des grands Français qui ont bĂąti ce chef-dâĆuvre dâhistoire que fut la Nouvelle-France, de chercher ailleurs que chez eux, les raisons de leur dignitĂ©. Si cette gloire fut entachĂ©e dâune dĂ©faite, nos pĂšres ont empĂȘchĂ© que cette dĂ©faite fĂ»t irrĂ©parable; il y a mĂȘme beau temps quâils lâont rachetĂ©e. Aujourdâhui, dans notre pays, oĂč notre ordre social fait lâenvie des autres, nous nâavons que le dĂ©shonneur de nous mal juger nous-mĂȘmes. Nous sommes pourtant la race qui nâa jamais violĂ© le droit dâautrui. PersĂ©cutĂ©s souvent, nous nâavons jamais Ă©tĂ© persĂ©cuteurs. Le service de la civilisation par la propagande de la foi du Christ, plus que personne en AmĂ©rique, nous lâavons pratiquĂ©. Tous ces motifs de fiertĂ© suffiraient Ă de moins inattentifs.
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Lionel Groulx (Notre maßtre le passé)
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La fiertĂ© fut bien, dans le passĂ© tout proche, l'une des vertus qui nous ont le plus manquĂ©, quand fort peu pourtant nous Ă©taient aussi nĂ©cessaires. Un peuple faible par le nombre, peut se passer, Ă la rigueur, de richesse et mĂȘme d'art; il ne saurait se passer d'ĂȘtre fier. Pour vivre il faut d'abord se convaincre que la vie en vaut la peine; et notre peuple n'aura plus de raisons de perpĂ©tuer sa race quand il y aura vu la cause d'une infĂ©rioritĂ©. Pour ĂȘtre fiers, les jeunes n'ont besoin que de savoir qui ils sont. Il n'appartient pas aux fils des grands Français qui ont bĂąti ce chef-dâĆuvre d'histoire que fut la Nouvelle-France, de chercher ailleurs que chez eux, les raisons de leur dignitĂ©. Si cette gloire fut entachĂ©e d'une dĂ©faite, nos pĂšres ont empĂȘchĂ© que cette dĂ©faite fĂ»t irrĂ©parable; il y a mĂȘme beau temps qu'ils l'ont rachetĂ©e. Aujourd'hui, dans notre pays, oĂč notre ordre social fait l'envie des autres, nous n'avons que le dĂ©shonneur de nous mal juger nous-mĂȘmes. Nous sommes pourtant la race qui n'a jamais violĂ© le droit d'autrui. PersĂ©cutĂ©s souvent, nous n'avons jamais Ă©tĂ© persĂ©cuteurs. Le service de la civilisation par la propagande de la foi du Christ, plus que personne en AmĂ©rique, nous l'avons pratiquĂ©. Tous ces motifs de fiertĂ© suffiraient Ă de moins inattentifs.
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Lionel Groulx (Notre maßtre le passé)
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La beauté éphémÚre
Le verger lĂ©gitime sa raison dâĂȘtre par la splendeur Ă©phĂ©mĂšre des cerisiers en fleurs. Elle envahit le regard et comble lâĂąme pour quelques jours seulement : cette beautĂ©-lĂ fascine parce quâelle est fugitive. Il faut la saisir et en garder le souvenir.
Et le thĂ©Ăątre aujourdâhui ne fonde-t-il pas son identitĂ© sur cet Ă©phĂ©mĂšre qui en explique lâattrait quâil exerce encore, Ă©phĂ©mĂšre par ailleurs assimilĂ© Ă une faiblesse Ă lâheure oĂč se dĂ©veloppe le goĂ»t pour la mĂ©moire mĂ©canique, enregistreuse ? Celle-ci prĂ©serve, archive, sans jamais pouvoir obtenir lâĂ©blouissement de lâexpĂ©rience thĂ©Ăątrale qui se trouvera toujours Ă la source de lâautre mĂ©moire, la mĂ©moire vivante. Voir un beau spectacle est synonyme de voir la cerisaie en fleurs. Le temps dâun souffle. Mais le souvenir peut marquer une vie.
VoilĂ les arguments qui nous permettent dâassimiler le thĂ©Ăątre Ă la cerisaie. Cette parabole ne peut quâintĂ©resser ces inquiets que nous sommes. Quoi faire ?
(p. 163)
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George Banu (Livada de viĆini, teatrul nostru)
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... autour de cette place banale, avec son PMU, sa boulangerie, son agence immobiliĂšre, et non loin de l'Ă©glise toujours vide, un monde jouissait pleinement de son sursis. Et en ce beau dimanche de mai qui tirait vers le soir, le temps Ă©tait si bon, la vie si patiente qu'il Ă©tait presque impossible de deviner l'immense accumulation de gaz qui ronflait dans les caves de cet univers inquiet de sa fin.
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Nicolas Mathieu (Connemara)
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Je sais bien que notre couple nâĂ©tait vraiment pas au beau fixe, çâaurait Ă©tĂ© ĂȘtre une maudite belle autruche dodue de croire le contraire, mais depuis le temps quâon est ensemble, je me disais quâon passerait au travers.
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Amy Lachapelle (Le début des petites étincelles)
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Voici le gage de mon amour
De nos fiançailles
Ni le temps ni l'absence
Ne nous feront oublier nos promesses
Et un jour nous aurons une belle noce
Des touffes de myrte
A nos vĂȘtements et dans vos cheveux
Un beau sermon Ă l'Ă©glise
De longs discours aprĂšs le banquet
Et de la musique
De la musique
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Guillaume Apollinaire (Alcools)
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Le jour passait ainsi, tant bien que mal, Ă manger beaucoup et boire de mĂȘme ; grand soleil fort ; bagnole pour nous trimbaler ; cigare de temps Ă autre ; petit somme sur la plage ; revue de dĂ©tail des connasses qui passaient ; bavardages en tous genres ; un peu de rigolade ; quelques chansons aussi â une journĂ©e comme tant et tant dâautres passĂ©es en compagnie de MacGregor. En de pareils jours, jâavais lâimpression que la roue cessait de tourner. En surface ce nâĂ©tait que gaietĂ© et bon temps ; les heures passaient comme un rĂȘve gluant. Mais sous la surface câĂ©tait la fatalitĂ©, le domaine des prĂ©monitions qui me laissaient le lendemain dans un Ă©tat dâinquiĂ©tude morbide. Je savais parfaitement quâil me faudrait rompre un jour, parfaitement que je passais le temps comme on passe une envie de pisser. Mais je savais aussi que je nây pouvais absolument rien â pour le moment. Jâattendais un Ă©vĂ©nement, Ă©norme, qui me ferait perdre lâĂ©quilibre. Tout ce dont jâavais besoin, câĂ©tait dâĂȘtre bousculĂ©Â ; mais il nây avait quâune force extĂ©rieure au monde oĂč je vivais qui pĂ»t me donner le choc nĂ©cessaire. De cela jâĂ©tais sĂ»r. Je ne pouvais me ronger le cĆur : câeĂ»t Ă©tĂ© aller contre ma nature. Ma vie durant, tout avait toujours tournĂ© au mieux â Ă la fin. Il nâĂ©tait pas Ă©crit dans les cartes que je dusse mâĂ©puiser en effort. Il fallait faire la part de la Providence â part entiĂšre, dans mon cas. Jâavais contre moi toutes les apparences : jâĂ©tais guignard, eĂ»t-on dit, je ne savais pas mener ma barque ; mais rien ne pouvait mâĂŽter de la tĂȘte que jâĂ©tais nĂ© coiffĂ©. Doublement coiffĂ© mĂȘme. Vue de lâextĂ©rieur, la situation nâĂ©tait pas brillante, dâaccord â mais ce qui mâinquiĂ©tait plus encore, câĂ©tait la situation intĂ©rieure. Tout en moi mâeffrayait : mes appĂ©tits, ma curiositĂ©, ma souplesse, ma permĂ©abilitĂ©, ma mallĂ©abilitĂ©, mon naturel, mon pouvoir dâadaptation. En soi, aucune situation ne me faisait peur : je ne pouvais me voir autrement que prenant toutes mes aises, comme une fleur, ou mieux comme lâabeille sur la fleur, en train de butiner. MĂȘme si je mâĂ©tais retrouvĂ© en taule un beau matin, je suis sĂ»r que jây aurais pris un certain plaisir. La raison, jâimagine, en Ă©tait que je savais opposer la force dâinertie. Dâautres sâusaient Ă tirer sur la corde, Ă se dĂ©mener, Ă se tendre Ă craquer ; ma stratĂ©gie Ă©tait de flotter au grĂ© de la marĂ©e. Je me souciais beaucoup moins de ce quâon pouvait me faire que du mal que se faisaient les autres Ă eux-mĂȘmes ou entre eux. Je me sentais si bien, en dedans de moi, que je ne pouvais faire autrement que de prendre Ă charge et Ă cĆur le monde entier et ses problĂšmes. C'est pourquoi jâĂ©tais tout le temps dans la mouise. Il nây avait entre ma destinĂ©e et moi aucun synchronisme, pour ainsi dire.
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Henry Miller (Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer)
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Tout au long de ces derniĂšres semaines, tandis qu'il mettait son bois en forme et assemblait ses piĂšces, il s'Ă©tait tracassĂ© Ă l'idĂ©e de perdre sa bien-aimĂ©e. Il n'y avait jamais pensĂ© sĂ©rieusement auparavant. A prĂ©sent, il se rendait compte que Caris Ă©tait toute sa joie. Par temps ensoleillĂ©, il n'avait qu'une envie : se promener avec elle. Quand il tombait sur quelque chose de beau, il voulait aussitĂŽt le lui montrer. Quand on lui rapportait une drĂŽlerie, il ne pensait qu'Ă la lui rĂ©pĂ©ter afin de la voir sourire. Certes, son travail lui procurait du plaisir, notamment quand il dĂ©couvrait un moyen intelligent de rĂ©gler un problĂšme apparemment insurmontable, mais il s'agissait lĂ d'une satisfaction froide et cĂ©rĂ©brale. Le bonheur d'ĂȘtre avec Caris Ă©tait diffĂ©rent et il comprenait que sans elle sa vie ne serait plus qu'un hiver sans fin.
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Ken Follett (World Without End (Kingsbridge, #2))
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RĂ©flĂ©chissons. N'avais-je pas eu autrefois, sur une autre planĂšte, une enfance et une jeunesse? Qu'est-elle devenue cette planĂšte si ressemblante et en mĂȘme tempe si dissemblable Ă la terre que je foule aujourd'hui ? En faisant un grand effort d'imagination, je pourrais peut-ĂȘtre me le rappeler. Ne l'ai-je pas dĂ©jĂ fait plus d'une fois au cours de mes nuits sans sommeil ? Une lampe Ă pĂ©trole, un feu au maigre panache de fumĂ©e s'Ă©parpillant paresseusement dans le prĂ©, le vent pourchassant de redoutables nuages sur un ciel encore inconnu. La peur de la vie qui nous attend quelque part au-delĂ des montagnes et des forĂȘts ; un bourg indolent censĂ© exister Ă©ternellement jusqu'Ă la prochaine guerre ; la priĂšre des grands-parents ; le beau chapelet enchanteur de pressentiments de tout ce qu'on ne comprenait pas encore ; un train sifflant toujours aux mĂȘmes heures de la journĂ©e ; l'amour pour une fille d'une planĂšte mystĂ©rieuse et lointaine, car Ă cette Ă©poque toutes les jolies filles venaient d'ailleurs ; une bestiale, effrayante nostalgie du corps fĂ©minin oĂč Satan et l'ange blanc vivaient en mĂ©nage, et cette autre, d'une vie future et hors pair ; l'atmosphĂšre poignante des forĂȘts oĂč on allait flĂąner, l'inoubliable senteur de la giroflĂ©e sauvage et ces orages d'Ă©tĂ© qui annonçaient chaque annĂ©e la fin du monde prochaine ; ces tristesses et ces espoirs soudains et la face effrayante et magique de la lune Ă la physionomie de dĂ©mon bon enfant. OĂč est-elle ma gentille petite planĂšte emmitouflĂ©e dans le chĂąle de mes joies, de mes peines fragiles d'antan. Elle vole peut-ĂȘtre comme une colombe au milieu des lointaines et hostiles galaxies ?
Ă quoi bon m'ĂȘtre tant fatiguĂ© durant toutes ces annĂ©es ? Car tout m'Ă©tait fatigue, les peines et les joies de la vie. Les plus beaux levers de soleil me mettaient au supplice tout comme la possession d'une femme dĂ©sirĂ©e. Je recevais des mains du sort mes succĂšs passagers en en remerciant Dieu, mais ma tourmente Ă©tait lĂ . Elle Ă©tait lĂ mĂȘme dans mes rĂȘves quand, me dĂ©tachant de cette terre, je voguais vers les Ăźles lointaines du paradis promis. Et je la devinais prĂ©sente chez tous les autres hommes, en dehors de ceux qui ne se tourmentent jamais. Mais ce qui me fatiguait le plus, c'Ă©tait la conscience de la banalitĂ© de tout ça. Tout a Ă©tĂ© dĂ©jĂ dĂ©couvert et vĂ©cu par les gĂ©nĂ©rations prĂ©cĂ©dentes, reproduit Ă l'infini par la matrice gĂ©nĂ©tique. Le monde Ă©tait rempli de gĂ©missements en tout point semblables qui se mĂȘlaient en une seule lamentation pareille au piaillement du parlement des moineaux et rejoignaient le bruissement de l'espace interstellaire, cette musique geignarde du vieux cosmos.
p308-310
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Tadeusz Konwicki (MaĆa apokalipsa)