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Dans la vie, les choses peuvent toujours tourner mal.
Alors soyez toujours forts,
Continuez d'avancer,
N'abandonnez surtout pas.
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Mouloud Benzadi
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Ne tente pas de résister aux changements qui s'imposent à toi. Au contraire, laisse la vie continuer en toi. Comment sais-tu que le sens auquel tu es habitué est meilleur que celui à venir?
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Elif Shafak (The Forty Rules of Love)
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Dans ce monde imparfait, nous sommes confrontĂ©s Ă des conditions mĂ©tĂ©orologiques imprĂ©visibles, Ă des humeurs fluctuantes, Ă des relations fragiles, Ă des perspectives dâemploi incertaines et Ă un avenir inconnu. Il y a des moments oĂč on peut avoir lâimpression que rien ne se passe comme prĂ©vu. Pourtant, nous ne devons jamais perdre espoir, car la vie continuera toujours.
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Mouloud Benzadi
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cela fait si longtemps que ça dure que j'ai cessé de me demander si c'est dans la haine ou dans l'amour que nous trouvons la force de continuer cette vie mensongÚre, que nous puisons l'énergie formidable qui nous permet encore de souffrir, et d'espérer.
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Georges Perec
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Une petite fille rentre de la plage, au crépuscule, avec sa mÚre. Elle pleure pour rien, parce qu'elle aurait voulu continuer de jouer. Elle s'eloigne. Elle a déjà tourné le coin de rue, et nos vies ne sont-elles pas aussi rapides à se dissiper dans le soir que ce chagrin d'enfant?
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Patrick Modiano (Rue des boutiques obscures)
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L'image la plus simple de la vie organique unie à la rotation est la marée. Du mouvement de la mer, coït uniforme de la terre avec la lune, procÚde le coït polymorphe et organique de la terre et du soleil.
Mais la premiÚre forme de l'amour solaire est un nuage qui s'élÚve au-dessus de l'élément liquide. Le nuage érotique devient parfois orage et reombe vers la terre sous forme de pluie pendant que la foudre défonce les couches de l'atmosphÚre. La pluie se redresse aussitÎt sous forme de plante immobile.
La vie animale est entiÚrement issue du mouvement des mers et, à l'intérieur des corps, la vie continue à sortir de l'eau salée.
La mer a jouée ainsi le rÎle de l'organe femelle qui devient liquide sous l'excitation.
La mer se branle continuellement.
Les éléments solides contenus et brassés par l'eau animée d'un mouvemnet érotique en jaillissent sous forme de poissons volants.
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Georges Bataille (The Solar Anus)
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La vie animale est entiÚrement issue du mouvement des mers et, à l'intérieur des corps, la vie continue à sortir de l'eau salée.
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Georges Bataille (The Solar Anus)
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Le courage, c'est de dominer ses propres fautes, d'en souffrir, mais de n'en pas ĂȘtre accablĂ© et de continuer son chemin. Le courage, c'est d'aimer la vie et de regarder la mort d'un regard tranquille ; c'est d'aller Ă l'idĂ©al et de comprendre le rĂ©el ; c'est d'agir et de se donner aux grandes causes sans savoir quelle rĂ©compense rĂ©serve Ă notre effort l'univers profond, ni s'il lui rĂ©serve une rĂ©compense. Le courage, c'est de chercher la vĂ©ritĂ© et de la dire ; c'est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire Ă©cho, de notre Ăąme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbĂ©ciles et aux huĂ©es fanatiques.
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Jean JaurĂšs
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Nous avons vécu des moments inoubliables. Charles-Antoine, notre petit trésor, sera toujours présent auprÚs de nous. La vie continue. Elle est belle cette vie. Elle sera bonne pour nous. J'en suis convaincu.
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François Bérubé (La rencontre de notre ange Charles-Antoine)
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Peu de vestiges Ă©voquent Ă prĂ©sent en nous la lumiĂšre. Nous sommes nettement plus proches des tĂ©nĂšbres, nous ne sommes pour ainsi dire que tĂ©nĂšbres, tout ce qui nous reste, ce sont les souvenirs et aussi lâespoir qui s'est pourtant affadi, qui continue de pĂąlir et ressemblera bientĂŽt Ă une Ă©toile Ă©teinte, Ă un bloc de roche lugubre. Pourtant, nous savons quelques petits riens Ă propos de la vie et quelques petits riens Ă propos de la mort : nous avons parcouru tout ce chemin pour te ravir et remuer le destin. (p.13)
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JĂłn Kalman StefĂĄnsson (HimnarĂki og helvĂti)
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Je ne suis pas sûre de vouloir mourir pour toujours.
Mais je ne sais plus comment continuer Ă vivre. Chaque jour.
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Emma Green (La vie en vrai)
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Il n'y a pas de mal à se sentir encore remué par le désir. C'est la vie qui continue à m'habiter.
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Tahar Ben Jelloun (Jour de silence Ă Tanger)
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Certaines familles sortent grandies des Ă©preuves qu'elles traversent, Jan. Tandis que d'autres volent en Ă©clats. C'est tout l'un ou tout l'autre. Il n'y a pas une famille au monde oĂč la vie continue normalement aprĂšs un coup dur. Pas une. Et quand une famille ne reste pas unie dans le malheur, c'est en gĂ©nĂ©ral qu'elle avait de bonnes chances d'imploser tĂŽt ou tard.
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Rita Falk (Hannes)
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Pour survivre, je n'ai pas besoin de la flamme de Gale, nourrie de sa rage et de sa haine. J'en ai dĂ©jĂ bien assez en moi. Ce qu'il me faut, c'est le pissenlit au printemps. Le jaune vif qui Ă©voque la renaissance plutĂŽt que la destruction. La promesse que la vie continue, en dĂ©pit de nos pertes. Qu'elle peut mĂȘme ĂȘtre douce Ă nouveau. Peeta est le seul Ă pouvoir m'offrir ça.
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Suzanne Collins (Mockingjay (The Hunger Games, #3))
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La vie de lâavare est un constant exercice de la puissance humaine mise au service de la personnaliteÌ. Il ne sâappuie que sur deux sentiments : lâamour-propre et lâinteÌreÌt ; mais lâinteÌreÌt eÌtant en quelque sorte lâamour- propre solide et bien entendu, lâattestation continue dâune supeÌrioriteÌ reÌelle, lâamour-propre et lâinteÌreÌt sont deux parties dâun meÌme tout, lâeÌgoiÌsme.
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Honoré de Balzac (Eugénie Grandet)
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« Alors je prends mon stylo pour dire que je l'aime, qu'elle a les plus longs cheveux du monde et que ma vie s'y noie, et si tu trouves ça ridicule pauvre de toi, ses yeux sont pour moi, elle est moi, je suis elle, et quand elle crie je crie aussi et tout ce que je ferai jamais sera pour elle, toujours, toujours je lui donnerai tout et jusqu'Ă ma mort il n'y aura pas un mation oĂč je me lĂšverai pour autre chose que pour elle et lui donner envie de m'aimer et m'embrasser encore et encore ses poignets, ses Ă©paules, ses seins et alors je me suis rendu compte que quand on est amoureux on Ă©crit des phrases qui n'ont pas de fin, on n'a plus le temps de mettre des points, il faut continuer Ă Ă©crire, Ă©crire, courir plus loin que son coeur, et la phrase ne veut pas s'arrĂȘter, l'amour n'a pas de ponctuation, et de larmes de passion dĂ©goulinent, quand on aime on finit toujours par Ă©crire des choses interminables, quand on aime on finit toujours par se prendre pour Albert Cohen. »
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Frédéric Beigbeder
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Câest peut-ĂȘtre de la mĂȘme maniĂšre quâune sorte de bouture prĂ©levĂ©e sur un ĂȘtre, et greffĂ©e au cĆur dâun autre, continue Ă y poursuivre sa vie, mĂȘme quand lâĂȘtre dâoĂč elle avait Ă©tĂ© dĂ©tachĂ©e a pĂ©ri.
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Marcel Proust (A la recherche du temps perdu (les sept volumes) (French Edition))
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Ce qui est pire câest quâon se demande comment le lendemain on trouvera assez de force pour continuer Ă faire ce quâon a fait la veille et depuis dĂ©jĂ tellement trop longtemps, oĂč on trouvera la force pour ces dĂ©marches imbĂ©ciles, ces mille projets qui nâaboutissent Ă rien, ces tentatives pour sortir de lâaccablante nĂ©cessitĂ©, tentatives qui toujours avortent, et toutes pour aller se convaincre une fois de plus que le destin est insurmontable, quâil faut retomber au bas de la muraille, chaque soir, sous lâangoisse de ce lendemain, toujours plus prĂ©caire, plus sordide. Câest lâĂąge aussi qui vient peut-ĂȘtre, le traĂźtre, et nous menace du pire. On nâa plus beaucoup de musique en soi pour faire danser la vie, voilĂ . Toute la jeunesse est allĂ©e mourir dĂ©jĂ au bout du monde dans le silence de vĂ©ritĂ©. Et oĂč aller dehors, je vous le demande, dĂšs quâon a plus en soi la somme suffisante de dĂ©lire ? La vĂ©ritĂ©, câest une agonie qui nâen finit pas. La vĂ©ritĂ© de ce monde câest la mort. Il faut choisir, mourir ou mentir.
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Louis-Ferdinand CĂ©line
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La vie peut ĂȘtre si imprĂ©visible, n'oubliez jamais cela !
La pluie peut tomber Ă verse,
et le vent peut souffler avec force,
balayant les moments de paix que vous avez vécus.
Ce n'est jamais la fin du monde lorsque les choses tournent mal.
Gardez confiance en vous-mĂȘme et ne renoncez jamais aux objectifs que vous souhaitez atteindre.
Ne lĂąchez jamais vos rĂȘves et ne laissez jamais l'espoir s'Ă©teindre.
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Mouloud Benzadi
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CâĂ©tait cela la vie, câĂ©tait cette descente continue vers le nĂ©ant, ce flot qui coulait le long dâun tuyau noir, cette boule qui dĂ©valait vers lâinconnu, et que nâĂ©tait que sa propre fuite, sa disparition.
- La FiĂšvre -
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J.M.G. Le Clézio
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Câest Ă©trange, se disait-il, que lâon aime les gens, quâils disparaissent, et que lâon continue Ă les aimer, mais dans sa tĂȘte, pour soi, sans le leur dire. Comme si le fait de ne plus ĂȘtre en contact nâenlevait rien Ă leur prĂ©sence.
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Pascal Morin (Comment trouver l'amour Ă cinquante ans quand on est parisienne (et autres questions capitales) -)
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Je continue Ă travailler avec les matĂ©riaux dont je dispose et qui me constituent. Je suis un omnivore avide de sentiments, d'ĂȘtres vivants, de livres, d'Ă©vĂšnements et de batailles. Je mangerais toute la terre. Je boirais la mer entiĂšre.
J'avoue que j'ai vécu
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Pablo Neruda
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Il y a ceux que le malheur effondre. Il y a ceux qui en deviennent tout rĂȘveurs. Il y a ceux qui parlent de tout et de rien au bord de la tombe, et ça continue dans la voiture, de tout et de rien, pas mĂȘme du mort, de petits propos domestiques, il y a ceux qui se suicideront aprĂšs et ça ne se voit pas sur leur visage, il y a ceux qui pleurent beaucoup et cicatrisent vite, ceux qui se noyent dans les larmes qu'ils versent, il y a ceux qui sont contents, dĂ©barrassĂ©s de quelqu'un, il y a ceux qui ne peuvent plus voir le mort, ils essayent mais ils ne peuvent plus, le mort a emportĂ© son image, il y a ceux qui voient le mort partout, ils voudraient l'effacer, ils vendent ses nippes, brĂ»lent ses photos, dĂ©mĂ©nagent, changent de continent, rebelotent avec un vivant, mais rien Ă faire, le mort est toujours lĂ , dans le rĂ©troviseur, il y a ceux qui pique-niquent au cimetiĂšre et ceux qui le contournent parce qu'ils ont une tombe creusĂ©e dans la tĂȘte, il y a ceux qui ne mangent plus, il y a ceux qui boivent, il y a ceux qui se demandent si leur chagrin est authentique ou fabriquĂ©, il y a ceux qui se tuent au travail et ceux qui prennent enfin des vacances, il y a ceux qui trouvent la mort scandaleuse et ceux qui la trouvent naturelle avec un Ăąge pour, des circonstances qui font que, c'est la guerre, c'est la maladie, c'est la moto, la bagnole, l'Ă©poque, la vie, il y a ceux qui trouvent que la mort c'est la vie.
Et il y a ceux qui font n'importe quoi. Qui se mettent Ă courrir, par exemple. Ă courir comme s'ils ne devaient jamais plus s'arrĂȘter. C'est mon cas.
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Daniel Pennac (La fata carabina)
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Que savons-nous vraiment de notre monde ? Peut-on véritablement croire ce que les dirigeants de la planÚte choisissent de nous révéler ? Qui sont réellement ces gens ?
Le Bien et le Mal continuent de s'affronter, bien souvent Ă notre insu. Il est Ă©videmment plus facile de constater les effets dĂ©vastateurs du Mal, car la LumiĂšre Ćuvre de façon discrĂšte. Cette derniĂšre marque des points sans que jamais personne ne l'applaudisse. Ses anges gardiens ne connaissent pas la gloire et, pourtant, ils donneraient leur vie pour sauver la nĂŽtre.
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Anne Robillard (Antichristus (A.N.G.E., #1))
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Elle venait de se rendre compte qu'il existe deux choses qui empĂȘchent une personne de rĂ©aliser ses rĂȘves : croire qu'ils sont irrĂ©alisables, ou bien, quand la roue du destin tourne Ă l'improviste, les voir se changer en possible au moment oĂč l'on s'y attend le moins. En effet, en ce cas surgit la peur de s'engager sur un chemin dont on ne connaĂźt pas l'issue, dans une vie tissĂ©e de dĂ©fis inconnus, dans l'Ă©ventualitĂ© que les chose auxquelles nous sommes habituĂ©es disparaissent Ă jamais.
Les gens veulent tout changer, et , en mĂȘme temps, souhaitent que tout continue uniformĂ©ment."
(Le DĂ©mon et mademoiselle Prym)
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Paulo Coelho
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Quand je considÚre ma vie, je suis épouvanté de la trouver informe. L'existence des héros, celle qu'on nous raconte, est simple ; elle va droit au but comme une flÚche. Et la plupart des hommes aiment à résumer leur vie dans une formule, parfois dans une vanterie ou dans une plainte, presque toujours dans une récrimination ; leur mémoire leur fabrique complaisamment une existence explicable et claire. Ma vie a des contours moins fermes...
Le paysage de mes jours semble se composer, comme les rĂ©gions de montagne, de matĂ©riaux divers entassĂ©s pĂȘle-mĂȘle. J'y rencontre ma nature, dĂ©jĂ composite, formĂ©e en parties Ă©gales d'instinct et de culture. Ăa et lĂ , affleurent les granits de l'inĂ©vitable ; partout, les Ă©boulements du hasard. Je m'efforce de reparcourir ma vie pour y trouver un plan, y suivre une veine de plomb ou d'or, ou l'Ă©coulement d'une riviĂšre souterraine, mais ce plan tout factice n'est qu'un trompe-l'oeil du souvenir. De temps en temps, dans une rencontre, un prĂ©sage, une suite dĂ©finie d'Ă©vĂ©nements, je crois reconnaĂźtre une fatalitĂ©, mais trop de routes ne mĂšnent nulle part, trop de sommes ne s'additionnent pas. Je perçois bien dans cette diversitĂ©, dans ce dĂ©sordre, la prĂ©sence d'une personne, mais sa forme semble presque toujours tracĂ©e par la pression des circonstances ; ses traits se brouillent comme une image reflĂ©tĂ©e sur l'eau. Je ne suis pas de ceux qui disent que leurs actions ne leur ressemblent pas. Il faut bien qu'elles le fassent, puisqu'elles sont ma seule mesure, et le seul moyen de me dessiner dans la mĂ©moire des hommes, ou mĂȘme dans la mienne propre ; puisque c'est peut-ĂȘtre l'impossibilitĂ© de continuer Ă s'exprimer et Ă se modifier par l'action que constitue la diffĂ©rence entre l'Ă©tat de mort et celui de vivant. Mais il y a entre moi et ces actes dont je suis fait un hiatus indĂ©finissable. Et la preuve, c'est que j'Ă©prouve sans cesse le besoin de les peser, de les expliquer, d'en rendre compte Ă moi-mĂȘme. Certains travaux qui durĂšrent peu sont assurĂ©ment nĂ©gligeables, mais des occupations qui s'Ă©tendirent sur toute la vie ne signifient pas davantage. Par exemple, il me semble Ă peine essentiel, au moment oĂč j'Ă©cris ceci, d'avoir Ă©tĂ© empereur..." (p.214)
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Marguerite Yourcenar (Les Yeux ouverts : Entretiens avec Matthieu Galey)
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J'ajoute : c'est à ce moment-là qu'on s'est perdus de vue, lui et moi. J'articule ces derniers mots sans y mettre le moindre affect, comme si la vie, c'était ça, simplement ça, se fréquenter et se perdre de vue et continuer à vivre, comme s'il n'y avait pas des déchirements, des séparations qui laissent exsangues, des ruptures dont on peine à se remettre, des regrets qui vous poursuivent longtemps aprÚs.
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Philippe Besson (« ArrĂȘte avec tes mensonges »)
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Et ensuite ? Ensuite, la vie a repris son cours.
C'est comme ça qu'on dit, non, quand il ne se passe rien ?
Quand on oublie ses bonnes rĂ©solutions, quand on abandonne ses rĂȘves de libertĂ© et de grandeur et qu'on continue Ă boire des coups et Ă en tirer Ă gauche Ă droite en s'inventant des comĂ©dies pas romantiques du tout.
A déshabiller Paul pour rhabiller Pierre pour se retrouver finalement nue dans les bras de Jacques.
Oui, c'est comme ça qu'on dit.
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Anna Gavalda (Des vies en mieux)
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Je ne suis pas pour l'occupation dâun pays arabe par IsraĂ«l, mais, en revanche, je ne veux pas remplacer IsraĂ«l par une nation islamique qui sâinsta1lerait sur ses ruines, et dont le seul souci serait de promouvoir une culture de mort et dâignorance parmi ses ïŹdĂšles, Ă une Ă©poque oĂč nous avons dĂ©sespĂ©rĂ©ment besoin de ceux qui en appellent Ă une culture de vie et de dĂ©veloppement, propre Ă cultiver lâespoir dans nos Ăąmes. Regardons tous les pays fondĂ©s sur la pensĂ©e religieuse, regardons leurs peuples et les gĂ©nĂ©rations qui y grandissent; quâoffrent-ils en termes dâhumanitĂ© et dâhumanisme? Rien, câest certain, sinon la peur de Dieu et l'incapacitĂ© Ă affronter la vie; rien dâautre. De telles pensĂ©es ont formĂ© et continuent de
former des gĂ©nĂ©rations inaptes Ă toute crĂ©ativitĂ©, Ă toute culture, incapables mĂȘme de sâinspirer des civilisations qui leur viennent dâailleurs, puisquâelles ne sont pas Ă mĂȘme de construire la leur.
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Raif Badawi (1000 Lashes: Because I Say What I Think)
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« On nâest vĂ©ritablement morte que quand on nâest plus aimĂ©e, ton dĂ©sir mâa rendu la vie, la puissante Ă©vocation de ton cĆur a supprimĂ© les distances qui nous sĂ©paraient. »
[...] En effet, rien ne meurt, tout existe toujours ; nulle force ne peut anĂ©antir ce qui fut une fois. Toute action, toute parole, toute forme, toute pensĂ©e tombĂ©e dans lâocĂ©an universel des choses y produit des cercles qui vont sâĂ©largissant jusquâaux confins de lâĂ©ternitĂ©. La figuration matĂ©rielle ne disparaĂźt que pour les regards vulgaires, et les spectres qui sâen dĂ©tachent peuplent lâinfini. PĂąris continue dâenlever HĂ©lĂšne dans une rĂ©gion inconnue de lâespace. La galĂšre de ClĂ©opĂątre gonfle ses voiles de soie sur lâazur dâun Cydnus idĂ©al. Quelques esprits passionnĂ©s et puissants ont pu amener Ă eux des siĂšcles Ă©coulĂ©s en apparence, et faire revivre des personnages morts pour tous. Faust a eu pour maĂźtresse la fille de Tyndare, et lâa conduite Ă son chĂąteau gothique, du fond des abĂźmes mystĂ©rieux de lâHadĂšs.
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Théophile Gautier
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En effet l'Ă©cart que le vice mettait entre la vie rĂ©elle d'Odette et la vie relativement innocente que Swann avait cru, et bien souvent croyait encore, que menait sa maitresse, cet Ă©cart, Odette en ignorait l'Ă©tendue, un ĂȘtre vicieux, affectant toujours la mĂȘme vertu devant les ĂȘtres de qui il ne veut pas que soient soupçonnĂ©s ses vices, n'a pas de contrĂŽle pour se rendre compte combien ceux-ci, dont la croissance continue est insensible pour lui-mĂȘme, l'entrainent peu Ă peu loin des façons de vivre normales.
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Marcel Proust (Swannâs Way (In Search of Lost Time, #1))
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J'ai su, moi, depuis le jour oĂč le destin mĂĄ envoyĂ© un Barba Yani, vendeur de salep et Ăąme divine, j'ai su qu'il doit se considĂ©rer comme heureux, l'homme qui a eu la chance de rencontrer dans sa vie un Barba Yani. Je n'en ai jamais rencontrĂ© qu'un seul, lui. Mais il m'a suffi pour supporter la vie, et, souvent, la bĂ©nir, chanter ses louanges. Car la bontĂ© d'un seul homme est plus puissante que la mĂ©chancetĂ© de mille; le mal meurt en mĂȘme temps que celui qui l'a exercĂ©; le bien continue Ă rayonner aprĂšs la disparition du juste.
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Panait Istrati
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Et puis, le manque est arrivĂ©, dans le moment oĂč je mây attendais le moins, il est arrivĂ© alors que jâavais presque fini par croire Ă mon amnĂ©sie.
Câest terrible, la morsure du manque. Ăa frappe sans prĂ©venir, lâattaque est sournoise tout dâabord, on ressent juste une vive douleur qui disparaĂźt presque dans la foulĂ©e, câest bref, fugace, ça nous plie en deux mais on se redresse aussitĂŽt, on considĂšre que lâattaque est passĂ©e, on nâest mĂȘme pas capable de nommer cette effraction, et pourquoi on la nommerait, on nâa pas eu le temps de sâinquiĂ©ter, câest parti si vite, on se sent dĂ©jĂ beaucoup mieux, on se sent mĂȘme parfaitement bien, tout de mĂȘme on garde un souvenir dĂ©sagrĂ©able de cette fraction de seconde, on tente de chasser le souvenir, et on y rĂ©ussit, la vie continue, le monde nous appelle, lâurgence commande.
Et puis, ça revient, le jour dâaprĂšs, lâattaque est plus longue ou plus violente, on ploie les genoux, on a un mĂ©chant rictus, on se dit : quelque chose est Ă l'Ćuvre Ă lâintĂ©rieur, on pense Ă ces transports au cerveau qui annoncent les tumeurs, qui sont le signal enfin visible de cancers gĂ©nĂ©ralisĂ©s jusque-lĂ insoupçonnables, on Ă©prouve une sale frayeur, un mauvais pressentiment.
Et puis, le mal devient lancinant, il sâinstalle comme un intrus quâon nâest pas capable de chasser, il est moins mordant et plus profond, on comprend quâon ne sâen dĂ©barrassera pas, quâon est foutu.
Oui, un jour, le manque est arrivé. Le manque de lui.
Au dĂ©but, jâai fait comme si je ne mâen rendais pas compte, le traitant par lâindiffĂ©rence, par le mĂ©pris, je me savais plus fort que lui, jâĂ©tais en mesure de le dominer, de lâĂ©liminer, câĂ©tait juste une question de volontĂ© ou de temps, je nâĂ©tais pas le genre Ă me laisser abattre par quelque chose dâaussi tĂ©nu, dâaussi risible.
Et puis, il mâa fallu me rendre Ă lâĂ©vidence : ce match, je nâĂ©tais pas en train de le gagner, jâallais peut-ĂȘtre mĂȘme le perdre, et je ne possĂ©dais pas le moyen dâĂ©chapper Ă cette dĂ©route et plus je luttais, plus je cĂ©dais du terrain ; plus je niais la rĂ©alitĂ©, plus elle me sautait au visage. Autant le reconnaĂźtre : jâĂ©tais dĂ©vorĂ© par ça, le manque de lui.
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Philippe Besson (Un homme accidentel)
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Une plainte continue monte des fermes, des laboratoires, des arĂšnes, des cuisines, des abattoirs, des niches, des cages ou des bois, de toutes les parcelles de la Terre. Le cri des bĂȘtes nous assourdit. Leur sang nous inonde. Ceux Ă qui on laisse la vie sauve ne connaissent pas un sort plus enviable. Captifs ou dressĂ©s, ils offriront toujours une image de vaincus dans un monde entiĂšrement gouvernĂ© par des rapports de force d'autant plus admirables qu'inutiles, arbitraires et gratuits.
Armand Farrachi
Les ennemis de la terre -Cité dans Carnage (Gancille)
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Armand Farrachi
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On ne peut pas ĂȘtre heureux sans y travailler durement car le bonheur exige luciditĂ© et rĂ©flexion. La fĂ©licitĂ© ne consiste pas Ă se tenir Ă lâabri du mal â ça, câest ĂȘtre Ă©pargnĂ©â, elle commence aprĂšs les premiers coups. Subir un bombardement de peines, deuils, dĂ©ceptions, trahisons, et nĂ©anmoins sourire, savourer⊠Il faut insĂ©rer la douleur dans la trame de nos jours, tirer un jus positif du malheur, relativiser, chercher, loin des conditionnements de la sociĂ©tĂ©, son prototype de satisfaction.
Or sâappliquer Ă ĂȘtre heureux ne suffit pas pour y parvenir. Pas seulement parce que la vie continue Ă blesser, mais parce que le bonheur rĂ©side dans le silence de la pensĂ©e. Ătre heureux, câest justement ne plus se demander si lâon est heureux, le ravissement tenant Ă la disparition des questions. Comme le sucre fond dans lâeau, inquiĂ©tudes, doutes, interrogations se dissolvent dans lâĂ©tat heureux. La bĂ©atitude sâavĂšre une grĂące, laquelle dĂ©pend de nos prĂ©parations mais sâen Ă©chappe, telle la grĂące dâune danseuse ou dâun pianiste. De mĂȘme que les exercices ne donnent pas le gĂ©nie, la sagesse ne procure pas le bonheur.
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Ăric-Emmanuel Schmitt
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Il y a un moment dans sa vie oĂč on a Ă traverser des crises. Quelque chose vient Ă vous et vous dit : âsi tu continues dans cette direction tu vas te renier complĂštement. Dâaccord, cela semble plus sĂ»r, mais tu vas te renier.â On continue par devoir, par fidĂ©litĂ©, mais aussi par une secrĂšte lĂąchetĂ©, tout en sachant bien, au fond de soi, que lâon est en train de se renier. La question centrale consiste Ă se demander non pas si je suis fidĂšle mais : Ă quoi le suis-je ? Quâest-ce qui nous semble le plus important ? Cette question provoque souvent une crise et chaque ĂȘtre humain dans sa vie y est un jour ou lâautre confrontĂ©.
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Fabrice Midal
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Tout le monde est contraint de trouver de lâargent pour vivre. Personne nâest obligĂ© dâĂ©crire. Cette absence de contrainte apparente plus lâĂ©crivain Ă un enfant qui joue, quâĂ un homme qui travaille â mĂȘme si ce jeu est nĂ©cessaire Ă la vie pour continuer dâĂȘtre vivante. Sâil y a un lien entre lâartiste et le reste de lâhumanitĂ©, et je crois quâil y a un lien, et je crois que rien de vivant ne peut ĂȘtre crĂ©Ă© sans une conscience obscure de ce lien-lĂ , ce ne peut ĂȘtre quâun lien dâamour et de rĂ©volte. Câest dans la mesure oĂč il sâoppose Ă lâorganisation marchande de la vie que lâartiste rejoint ceux qui doivent sây soumettre.
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Christian Bobin (LâĂ©puisement)
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Combien de parents ont-ils oubliĂ© dâĂȘtre amoureux pour Ă©viter les turbulences prĂ©judiciables Ă leur vie de famille ? Ainsi, nombre de couples apaisĂ©s, pacifiĂ©s, parce que lâĂ©tat amoureux sâest estompĂ©, deviennent parents. Pourtant, en reconnaissant la sĂ©paration de corps, ils pourraient poursuivre la douce relation amicale et parentale et redĂ©couvrir les contrĂ©es de lâamour. Il faut pour cela affirmer clairement que la sexualitĂ© nâa pas nĂ©cessairement lieu dâĂȘtre entre les conjoints et quâelle peut exulter ailleurs. [âŠ] Ainsi est-il possible de continuer Ă vivre ensemble, sans se dĂ©tester, sans avoir besoin de se quitter dans le conflit, la douleur et la rancune. Il est possible dâĂȘtre amis et parents, mais aussi amants ailleurs.
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Serge Chaumier (L'amour fissionnel : Le nouvel art d'aimer)
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« Je ne veux pas continuer ! Tu ne comprends donc pas ? Personne en ce monde ne veut donc le comprendre, maudits ? Suis-je le seul Ă ĂȘtre hantĂ© ? » Un trĂ©molo furieux modula son timbre. « Tout ce que j'ai fait â tout ce que j'Ă©tais â tout ce que je suis, c'est Ă cause de lui. Il Ă©tait dĂ©jĂ quelqu'un avant moi. Je ne suis personne sans lui. J'en ai marre de vivre sans lui Ă mes cĂŽtĂ©s. Il m'a dĂ©laissĂ© au profit de ce livre et, par le Saint, je lui en veut profondĂ©ment. Je lui en veux chaque minute de chaque jour. » Sa voie se brisa. « Vous, les Lasians, vous croyez en la vie aprĂšs la mort, n'est-ce-pas ? »
Laya le considéra.
« Certains d'entre nous, oui. L'VergĂ© des divinitĂ©s, confirma-t-elle. Il t'attend p'tĂȘt lĂ -bas. Ou Ă la Grande Table du Saint. Ou p'tĂȘt qu'il est nulle part. Quoi qu'il en soit, toi, t'es encore lĂ . Et c'est pas sans raison. » Elle porta une main cailleuse Ă sa joue. « T'as un fantĂŽme, Niclays, N'en devient pas un toi-mĂȘme. »
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Samantha Shannon (The Priory of the Orange Tree (The Roots of Chaos, #1))
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Moi qui ai eu la chance, malgrĂ© quelques grosses sĂ©quelles, de me relever et de retrouver une autonomie totale, je pense souvent Ă cette incroyable pĂ©riode de ma vie et surtout Ă tous mes compagnons dâinfortune. Ă part Samia, peut-ĂȘtre, je sais pertinemment que les autres sont toujours dans leurfauteuil, quâils sont contraints Ă une assistance permanente, quâils ont toujours droit aux sondages urinaires, aux transferts, aux fauteuils-douches, aux sĂ©ances de verticalisation⊠Ils sont pour toujours confrontĂ©s Ă ces mots qui ont Ă©tĂ© mon quotidien, cette annĂ©e-lĂ
Jâai fait trois autres centres de rĂ©Ă©ducation par la suite, mais jamais je nâai autant ressenti la violence de cette immersion dans le monde du handicap que lors de ces quelques mois. Jamais je nâai retrouvĂ© autant de malheur et autant dâenvie de vivre rĂ©unis en un mĂȘme lieu, jamais je nâai croisĂ© autant de souffrance et dâĂ©nergie, autant dâhorreur et dâhumour. Et jamais plus je nâai ressenti autant dâintensitĂ© dans le rapport des ĂȘtres humains Ă lâincertitude de leur avenir ..
Je ne connaissais rien de ce monde-lĂ avant mon accident. Je me demande mĂȘme si jây avais dĂ©jĂ vraiment pensĂ©. Bien sĂ»r, cette expĂ©rience aussi difficile pour moi que pour mon entourage proche mâa beaucoup appris sur moi-mĂȘme, sur la fragilitĂ© de lâexistence (et celle des vertĂšbres cervicales). Personne dâautre ne sait mieux que moi aujourdâhui quâune catastrophe nâarrive pas quâaux autres, que la vie distribue ses drames sans regarder qui les mĂ©rite le plus .
Mais, au-delĂ de ces lourds enseignements et de ces grandes considĂ©rations, ce qui me reste surtout de cette pĂ©riode, ce sont les visages et les regards que jâai croisĂ©s dans ce centre. Ce sont les souvenirs de ces ĂȘtres qui, Ă lâheure oĂč jâĂ©cris ces lignes, continuent chaque jour de mener un combat quâils nâont jamais lâimpression de gagner.Si cette Ă©preuve mâa fait grandir et progresser, câest surtout grĂące aux rencontres quâelle mâaura offertes.
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Grand corps malade (Patients)
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Qui vous le dit, quâelle (la vie) ne vous attend pas ? Certes, elle continue, mais elle ne vous oblige pas Ă suivre le rythme. Vous pouvez bien vous mettre un peu entre parenthĂšses pour vivre ce deuil⊠accordez-vous le temps.
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Parce que Ò«a me fait plaisir. Parce que je sais aussi que lâentourage peut se montrer trĂšs discret dans pareille situation, et que de se changer les idĂ©es de temps en temps fait du bien. Parce que je sais que vous aimez la montagne et que vous nâiriez pas toute seule.
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Oui. Si vous perdez une jambe, Ò«a se voit, les gens sont conciliants. Et encore, pas tous. Mais quand câest un morceau de votre cĆur qui est arrachĂ©, Ò«a ne se voit pas de lâextĂ©rieur, et câest au moins aussi douloureux⊠Ce nâest pas de la faute des gens. Ils ne se fient quâaux apparences. Il faut gratter pour voir ce quâil y a au fond. Si vous jetez une grosse pierre dans une mare, elle va faire des remous Ă la surface. Des gros remous d'abord, qui vont gifler les rives, et puis des remous plus petits, qui vont finir par disparaĂźtre. Peu Ă peu, la surface redevient lisse et paisible. Mais la grosse pierre est quand mĂȘme au fond. La grosse pierre est quand mĂȘme au fond.
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La vie sâapparente Ă la mer. Il y a les bruit des vagues, quand elles sâabattent sur la plage, et puis le silence dâaprĂšs, quand elles se retirent. Deux mouvement qui se croissent et sâentrecoupent sans discontinuer. Lâun est rapide, violent, lâautre est doux et lent. Vous aimeriez vous retirer, dans le mĂȘme silence des vagues, partir discrĂštement, vous faire oublier de la vie. Mais dâautres vague arrivent et arriveront encore et toujours. Parce que câest Ò«a la vie⊠Câest le mouvement, câest le rythme, le fracas parfois, durant la tempĂȘte, et le doux clapotis quand tout est calme. Mais le clapotis quand mĂȘme Un bord de mer n'est jamais silencieux, jamais. La vie non plus, ni la vĂŽtre, ni la mienne. Il y a les grains de sables exposĂ©s aux remous et ceux protĂ©gĂ©s en haut de la plage. Lesquels envier? Ce n'est pas avec le sable d'en haut, sec et lisse, que l'on construit les chĂąteaux de sable, c'est avec celui qui fraye avec les vagues car ses particules sont coalescentes. Vous arriverez Ă reconstruire votre chĂąteau, vous le construirez avec des grains qui vous ressemblent, qui ont aussi connu les dĂ©ferlantes de la vie, parce qu'avec eux, le ciment est solide..
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« Tu ne sais jamais Ă quel point tu es fort jusquâau jour oĂč ĂȘtre fort reste la seule option. » Câest Bob Marley qui a dit Ò«a.
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Manon ne referme pas violemment la carte du restaurant. Elle nâĂ©prouve pas le besoin quâil lui lise le menu pour quâelle ne voie pas le prix, et elle trouvera Ă©gal que chaque bouchĂ©e vaille cinq euros. Manon profite de la vie. Elle accepte lâinvitation avec simplicitĂ©. Elle dĂ©fend la place des femmes sans ĂȘtre une fĂ©ministe acharnĂ©e et cela ne lui viendrait mĂȘme pas Ă lâidĂ©e de payer sa part. Dâabord, parce quâelle sait que Paul sâen offusquerait, ensuite, parce quâelle aime ces petites marques de galanterie, quâelle regrette de voir disparaĂźtre avec lâĂ©volution dâune sociĂ©tĂ© en pertes de repĂšres.
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AgnĂšs Ledig (Juste avant le bonheur)
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Et toujours ces questions si naturelles, anodines en apparence, ça marche toujours avec lui ? Est-ce que tu comptes te marier ? La dĂ©solation de mes parents devant une situation incertaine, "on aimerait bien savoir oĂč ça va te mener tout ça". ObligĂ© que l'amour mĂšne quelque part. Leur peine sourde aussi. Ce serait tellement plus agrĂ©able, plus tranquille pour eux de voir se dĂ©rouler l'histoire habituelle, les faire-part dans le journal, les questions auxquelles on rĂ©pond avec fiertĂ©, un jeune homme de Bordeaux, bientĂŽt professeur, l'Ă©glise, la mairie, le mĂ©nage qui se "monte", les petits-enfants. Je les prive des espĂ©rances traditionnelles. L'affolement de ma mĂšre quand elle apprend, tu couches avec, si tu continues tu vas gĂącher ta vie. Pour elle, je suis en train de me faire rouler, des tonnes de romans qui ressortent, filles sĂ©duites qu'on n'Ă©pouse pas, abandonnĂ©es avec un mĂŽme. Un combat tannant toutes les semaines entre nous deux. Je ne sais pas encore qu'au moment oĂč l'on me pousse Ă liquider ma libertĂ©, ses parents Ă lui jouent un scĂ©nario tout aussi traditionnel mais inverse, "tu as bien le temps d'avoir un fil Ă la patte, ne te laisse pas mettre le grappin dessus !", bien chouchoutĂ©e la libertĂ© des mĂąles.
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Annie Ernaux (A Frozen Woman)
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Oui, la vie mâa traversĂ©e, je nâai pas rĂȘvĂ©, ces hommes, des milliers, dans mon lit, dans ma bouche, je nâai rien inventĂ© de leur sperme sur moi, sur ma figure, dans mes yeux, jâai tout vu et ça continue encore, tous les jours ou presque, des bouts dâhomme, leur queue seulement, des bouts de queue qui sâĂ©meuvent pour je ne sais quoi car ce nâest pas de moi quâils bandent, ça nâa jamais Ă©tĂ© de moi, câest de ma putasserie, du fait que je suis lĂ pour ça, les sucer, les sucer encore, ces queues qui sâenfilent les unes aux autres comme si jâallais les vider sans retour, faire sortir dâelles une fois pour toutes ce quâelles ont Ă Â dire, et puis de toute façon je ne suis pour rien dans ces Ă©panchements, ça pourrait ĂȘtre une autre, mĂȘme pas une putain mais une poupĂ©e dâair, une parcelle dâimage cristallisĂ©e, le point de fuite dâune bouche qui sâouvre sur eux tandis quâils jouissent de lâidĂ©e quâils se font de ce qui fait jouir, tandis quâils sâaffolent dans les draps en faisant apparaĂźtre çà et lĂ Â un visage grimaçant, des mamelons durcis, une fente trempĂ©e et agitĂ©e de spasmes, tandis quâils tentent de croire que ces bouts de femme leur sont destinĂ©s et quâils sont les seuls à savoir les faire parler, les seuls Ă Â pouvoir les faire plier sous le dĂ©sir quâils ont de les voir plier.
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Nelly Arcan (Putain)
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J'achÚte un roman marocain d'expression française le vendredi.
Je commence Ă le lire le samedi et dĂšs les premiĂšres pages, je crie: "Encore un qui croit que la littĂ©rature, c'est raconter son enfance et sublimer ou dramatiser son passĂ©. Je me dis; "continue quand mĂȘme, il a ratĂ© le dĂ©but mais tu trouveras sĂ»rement quelque chose de beau plus loin." Rien, walou, nada, niet. chercher des effets de styles, une narration travaillĂ©e, un souffle, une sensibilitĂ©, une sincĂ©ritĂ© est inutile. Tout sonne faux.
Le mec continue de nous bassiner avec ses misĂšres et ses amours d'enfance en utilisant la langue la plus plate que j'ai eu Ă lire ces derniers temps.
Pourquoi tant d'Ă©gocentrisme et de nombrilisme?
L'HĂGĂMONIE DU "JE" EST DEVENUE UN VĂRITABLE CANCER POUR LA LITTĂRATURE MAROCAINE.
Beaucoup de ceux qui s'adonnent à l'écriture au Maroc, surtout en français, croient qu'écrire, c'est reparler de leur mÚre, leur pÚre, leurs voisins, leurs frustrations... et surtout LEUR PERSONNE. Si au moins ils avaient l'existence d'un Rimbaud ou d'un Dostoïevski.
Je continue Ă lire malgrĂ© tout, d'abord parce que je suis maso, et ensuite pour ne pas ĂȘtre injuste Ă l'Ă©gard de l'auteur. Peine perdue. Le livre me tombe des mains et je le balance loin de moi Ă la page 94. MĂȘme le masochisme a des limites.
Je n'ai rien contre quelqu'un qui raconte sa vie. Je n'ai rien contre un nombriliste, un égocentrique, un maniaque, un narcissique, un mégalo, etc, du moment qu'il me propose un objet littéraire, un vrai, avec un style... Oui un style. Je ne dis pas avec une langue parfaite; non; je dis avec sa langue à lui, qui fait ressortir sa sincérité, son dilemme, ses tripes, son ùme. C'est ça le style qui fait l'oeuvre et non pas le bavardage.
Pour le bavardage, le "regardez-moi, je suis beau et je suis devenu écrivain"; le "Admirez-moi!", il y a les JamaÀs Fna (avec tous mes respects pour les conteurs de Jamaa Fna) et les Shows.
Alors SVP! un peu de respect pour la littérature.
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Mokhtar Chaoui
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je lui tendis les trois pommes vertes que je venais de voler dans le verger. Elle les accepta et m'annonça, comme en passant :
â Janek a mangĂ© pour moi toute sa collection de timbres-poste.
C'est ainsi que mon martyre commença. Au cours des jours qui suivirent, je mangeai pour Valentine plusieurs poignées de vers de terre, un grand nombre de papillons, un kilo de cerises avec les noyaux, une souris, et, pour finir, je peux dire qu'à neuf ans, c'est-à -dire bien plus jeune que Casanova, je pris place parmi les plus grands amants de tous les temps, en accomplissant une prouesse amoureuse que personne, à ma connaissance, n'est jamais venu égaler. Je mangeai pour ma bien-aimée un soulier en caoutchouc.
Ici, je dois ouvrir une parenthĂšse.
Je sais bien que, lorsqu'il s'agit de leurs exploits amoureux, les hommes ne sont que trop portés à la vantardise. A les entendre, leurs prouesses viriles ne connaissent pas de limite, et ils ne vous font grùce d'aucun détail.
Je ne demande donc Ă personne de me croire lorsque j'affirme que, pour ma bien-aimĂ©e, je consommai encore un Ă©ventail japonais, dix mĂštres de fil de coton, un kilo de noyaux de cerises â Valentine me mĂąchait, pour ainsi dire, la besogne, en mangeant la chair et en me tendant les noyaux â et trois poissons rouges, que nous Ă©tions allĂ©s pĂȘcher dans l'aquarium de son professeur de musique.
Dieu sait ce que les femmes m'ont fait avaler dans ma vie, mais je n'ai jamais connu une nature aussi insatiable. C'était une Messaline doublée d'une Théodora de Byzance. AprÚs cette expérience, on peut dire que je connaissais tout de l'amour. Mon éducation était faite. Je n'ai fait, depuis, que continuer sur ma lancée.
Mon adorable Messaline n'avait que huit ans, mais son exigence physique dĂ©passait tout ce qu'il me fut donnĂ© de connaĂźtre au cours de mon existence. Elle courait devant moi, dans la cour, me dĂ©signait du doigt tantĂŽt un tas de feuilles, tantĂŽt du sable, ou un vieux bouchon, et je m'exĂ©cutais sans murmurer. Encore bougrement heureux d'avoir pu ĂȘtre utile. A un moment, elle s'Ă©tait mise Ă cueillir un bouquet de marguerites, que je voyais grandir dans sa main avec apprĂ©hension â mais je mangeai les marguerites aussi, sous son oeil attentif â elle savait dĂ©jĂ que les hommes essayent toujours de tricher, dans ces jeux-lĂ â oĂč je cherchais en vain une lueur d'admiration. Sans une marque d'estime ou de gratitude, elle repartit en sautillant, pour revenir, au bout d'un moment, avec quelques escargots qu'elle me tendit dans le creux de la main. Je mangeai humblement les escargots, coquille et tout.
A cette époque, on n'apprenait encore rien aux enfants sur le mystÚre des sexes et j'étais convaincu que c'était ainsi qu'on faisait l'amour. J'avais probablement raison. Le plus triste était que je n'arrivais pas à l'impressionner. J'avais à peine fini les escargots qu'elle m'annonçait négligemment :
â Josek a mangĂ© dix araignĂ©es pour moi et il s'est arrĂȘtĂ© seulement parce que maman nous a appelĂ©s pour le thĂ©.
Je frémis. Pendant que j'avais le dos tourné, elle me trompait avec mon meilleur ami. Mais j'avalai cela aussi. Je commençais à avoir l'habitude.
(La promesse de l'aube, ch.XI)
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Romain Gary (Promise at Dawn)
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(...) la fonction du MusĂ©e, comme celle de la BibliothĂšque, n'est pas uniquement bienfaisante. Il nous donne bien le moyen de voir ensemble, comme moments d'un seul effort, des productions qui gisaient Ă travers le monde, enlisĂ©es dans les cultes ou dans les civilisations dont elles voulaient ĂȘtre l'ornement, en ce sens il fonde notre conscience de la peinture comme peinture. Mais elle est d'abord dans chaque peintre qui travaille, et elle y est Ă l'Ă©tat pur, tandis que le MusĂ©e la compromet avec les sombres plaisirs de la rĂ©trospection. Il faudrait aller au MusĂ©e comme les peintres y vont, dans la joie sobre [78] du travail, et non pas comme nous y allons, avec une rĂ©vĂ©rence qui n'est pas tout Ă fait de bon aloi. Le MusĂ©e nous donne une conscience de voleurs. L'idĂ©e nous vient de temps Ă autre que ces Ćuvres n'ont tout de mĂȘme pas Ă©tĂ© faites pour finir entre ces murs moroses, pour le plaisir des promeneurs du dimanche ou des « intellectuels » du lundi. Nous sentons bien qu'il y a dĂ©perdition et que ce recueillement de nĂ©cropole n'est pas le milieu vrai de l'art, que tant de joies et de peines, tant de colĂšres, tant de travaux n'Ă©taient pas destinĂ©s Ă reflĂ©ter un jour la lumiĂšre triste du MusĂ©e. Le MusĂ©e, transformant des tentatives en « Ćuvres », rend possible une histoire de la peinture. Mais peut-ĂȘtre est-il essentiel aux hommes de n'atteindre Ă la grandeur dans leurs ouvrages que quand ils ne la cherchent pas trop, peut-ĂȘtre n'est-il pas mauvais que le peintre et l'Ă©crivain ne sachent pas trop qu'ils sont en train de fonder l'humanitĂ©, peut-ĂȘtre enfin ont-ils, de l'histoire de l'art, un sentiment plus vrai et plus vivant quand ils la continuent dans leur travail que quand ils se font « amateurs » pour la contempler au MusĂ©e. Le MusĂ©e ajoute un faux prestige Ă la vraie valeur des ouvrages en les dĂ©tachant des hasards au milieu desquels ils sont nĂ©s et en nous faisant croire que des fatalitĂ©s guidaient la main des artistes depuis toujours. Alors que le style en chaque peintre vivait comme la pulsation de son cĆur et le rendait justement capable de reconnaĂźtre tout autre effort que le sien, - le MusĂ©e convertit cette historicitĂ© secrĂšte, pudique, non dĂ©libĂ©rĂ©e, involontaire, vivante enfin, en histoire officielle et pompeuse. L'imminence d'une rĂ©gression donne Ă notre amitiĂ© pour tel peintre une nuance pathĂ©tique qui lui Ă©tait bien Ă©trangĂšre. Pour lui, il a travaillĂ© toute une vie d'homme, - et nous, nous voyons son Ćuvre comme des fleurs au bord d'un prĂ©cipice. Le MusĂ©e rend les peintres aussi mystĂ©rieux pour nous que les pieuvres ou les langoustes. Ces Ćuvres qui sont nĂ©es dans la chaleur d'une vie, il les transforme en prodiges d'un autre monde, et le souffle qui les portait n'est plus, dans l'atmosphĂšre pensive du MusĂ©e et sous ses glaces protectrices, qu'une faible palpitation Ă leur surface. Le MusĂ©e tue la vĂ©hĂ©mence de la peinture comme la bibliothĂšque, [79] disait Sartre, transforme en « messages » des Ă©crits qui ont Ă©tĂ© d'abord les gestes d'un homme. Il est l'historicitĂ© de mort. Et il y a une historicitĂ© de vie, dont il n'offre que l'image dĂ©chue : celle qui habite le peintre au travail, quand il noue d'un seul geste la tradition qu'il reprend et la tradition qu'il fonde, celle qui le rejoint d'un coup Ă tout ce qui s'est jamais peint dans le monde, sans quâil ait Ă quitter sa place, son temps, son travail bĂ©ni et maudit, et qui rĂ©concilie les peintures en tant que chacune exprime l'existence entiĂšre, en tant qu'elles sont toutes rĂ©ussies, - au lieu de les rĂ©concilier en tant qu'elles sont toutes finies et comme autant de gestes vains.
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Merlau-Ponty
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A l'inhibition sexuelle résultant directement de la fixation aux parents, viennent s'ajouter les sentiments de culpabilité qui dérivent de l'énormité de la haine accumulée au cours d'années de vie familiale.
Si cette haine reste consciente elle peut devenir un puissant facteur révolutionnaire individuel : elle poussera le sujet à rompre les attaches familiales et pourra servir à promouvoir une action dirigée contre les conditions productrices de cette haine.
Si au contraire cette haine est refoulĂ©e, elle donne naissance aux attitudes inverses de fidĂ©litĂ© aveugle et d'obĂ©issance infantile. Ces attitudes constituent bien entendu un lourd handicap pour celui qui veut militer dans un mouvement libĂ©ral ; un individu de ce genre pourra fort bien ĂȘtre partisan d'une libertĂ© complĂšte, et en mĂȘme temps envoyer ses enfants Ă l'Ă©cole du dimanche, ou continuer Ă frĂ©quenter l'Ă©glise "pour ne pas faire de peine Ă ses vieux parents" ; il prĂ©sentera des symptĂŽmes d'indĂ©cision et de dĂ©pendance, sĂ©quelles de la fixation Ă la famille ; il ne pourra vraiment combattre pour la libertĂ©.
Mais la mĂȘme situation familiale peut aussi produire l'individu "nĂ©vrotiquement rĂ©volutionnaire", spĂ©cimen frĂ©quent chez les intellectuels bourgeois. Les sentiments de culpabilitĂ©, liĂ©s aux sentiments rĂ©volutionnaires, en font un militant peu sĂ»r dans un mouvement rĂ©volutionnaire. (p. 140)
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Wilhelm Reich (The Sexual Revolution: Toward a Self-governing Character Structure)
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Mais le premier de tous est un savant illustre, qui n'appartient pas seulement Ă la Bretagne, mais Ă la France, le cĂ©lĂšbre voyageur en Ăgypte, M. Caillaud. DouĂ© de l'esprit le plus sagace et le plus pĂ©nĂ©trant, il a fait en histoire naturelle plusieurs dĂ©couvertes, une surtout, des plus intĂ©ressantes, pour laquelle la Hollande lui a dĂ©cernĂ©, il y a peu d'annĂ©es, un prix extraordinaire, la dĂ©couverte du procĂ©dĂ© de perforation des pholades. On avait jusqu'alors cru que les pholades, petits mollusques trĂšs-communs sur les cĂŽtes de Bretagne, employaient, pour percer le dur granit oĂč elles vivent, un acide qu'elles distillaient Ă travers les valves de leur coquille. M. Caillaud eut des doutes Ă ce sujet: il recueillit, prĂšs du Pouliguen, des pholades attachĂ©es Ă des morceaux de roc (gneiss), les plaça dans un bocal d'eau de mer incessamment renouvelĂ©e, et attendit l'effet de leur travail. Huit jours, quinze jours se passĂšrent sans que les pholades donnassent signe de vie, lorsqu'une nuit il fut Ă©veillĂ© par un bruit de scie qui retentissait dans le bocal; il se lĂšve, et, Ă la lueur d'une lampe, il voit un des petits animaux se tournant et se retournant Ă droite et Ă gauche, avec un mouvement rĂ©gulier, Ă la maniĂšre d'une vrille qui perce un trou; puis, aprĂšs un certain temps, la pholade s'arrĂȘte, et un jet de poussiĂšre fine obscurcit l'eau du bocal; c'Ă©tait le rĂ©sidu de son travail, la partie du roc pulvĂ©risĂ© oĂč elle avait pĂ©nĂ©trĂ©, dont elle se dĂ©barrassait et qu'elle chassait au dehors. Et tour Ă tour le savant, attentif et charmĂ©, surprend une Ă une les pholades accomplissant leur patient ouvrage, et se creusant leur demeure, l'arrondissant et la polissant, comme avec la rĂąpe la plus dĂ©licate, sans autre instrument que leur coquille; et cette coquille, au lieu de se dĂ©tĂ©riorer par le frottement continu, se dĂ©veloppe Ă mesure que le travail avance; Ă la scie qui s'use une autre scie s'ajoute, puis une troisiĂšme, une quatriĂšme, et ainsi de suite jusqu'Ă quarante, que M. Caillaud a comptĂ©es, et avec lesquelles le petit animal, Ă force de tourner et retourner sa frĂȘle enveloppe, cette coquille que la pression d'un doigt d'enfant suffirait Ă briser, perce Ă jour le granit sur lequel s'Ă©mousse un ciseau de fer! phĂ©nomĂšne admirable qui confond la sagesse humaine,
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Anonymous
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« Jâimagine que vous avez dĂ©jĂ appris, par les journaux ou la radio, la nouvelle douloureuse de la mort de RenĂ© GuĂ©non, survenue dans la nuit du 7 au 8 janvier. Jâai reçu votre lettre le 8 janvier en mĂȘme temps que la nouvelle de son agonie.
Le jour suivant jâapprenais quâil Ă©tait dĂ©cĂ©dĂ©. Il souffrait depuis plusieurs mois et avait cessĂ© toutes ses correspondances vers la fin novembre. Il souffrait dâun ĆdĂšme Ă une jambe, causĂ© par des rhumatismes. En dĂ©cembre le danger semblait complĂštement Ă©cartĂ©, mais lâempoisonnement de son sang lui causa un abcĂšs Ă la gorge et il semble que cela ait accĂ©lĂ©rĂ© sa fin, si cela nâen fut pas la cause. Il y a eu des moments durant ses derniers mois oĂč, comme je vous le disais, il Ă©tait clair que je le dĂ©rangeais et que je le fatiguais ; sa rĂ©sistance avait bien diminuĂ©. Mais il Ă©tait lucide jusquâĂ ses derniers instants.
« Voici quelques dĂ©tails bien touchants : durant ses derniers jours, il semble quâil savait quâil allait mourir, et dans lâaprĂšs-midi du 7 janvier il performa un dhikr trĂšs intense, soutenu de chaque cĂŽtĂ© par son Ă©pouse et un membre de sa famille. Les femmes Ă©taient fatiguĂ©es et sâĂ©puisĂšrent avant lui. Elles racontent que ce jour lĂ , sa sueur avait lâodeur du parfum de fleurs. Finalement, il leur demanda avec insistance la permission de mourir, ce qui montre bien quâil pouvait choisir le moment de sa mort. Les femmes le suppliĂšrent de rester en vie plus longtemps. Finalement, il demanda Ă son Ă©pouse : « Ne puis-je mourir maintenant ? Jâai tellement souffert ! » Elle lui rĂ©pondit en acquiesçant : « Avec la protection de Dieu ! » Il mourut alors presque immĂ©diatement, aprĂšs quâil fit une ou deux invocations de plus !
« Quelques dĂ©tails de plus : son chat, qui semblait en parfaite santĂ©, a commencĂ© Ă gĂ©mir et mourut quelques heures plus tard. Le jour de sa mort, RenĂ© GuĂ©non avait rendu son Ă©pouse perplexe en lui disant quâaprĂšs son dĂ©cĂšs elle devait laisser sa chambre inchangĂ©e. Personne ne devait toucher ses livres ou ses papiers. Il souligna quâautrement il ne serait pas capable de la voir, elle et leurs enfants, mais dans cette chambre non perturbĂ©e il demeurerait assis Ă son bureau et il pourrait continuer Ă les voir, mĂȘme si eux ne pourraient le voir ! »
â Michel VĂąlsan, lettre Ă Vasile Lovinescu, 18 juin 1951.
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Michel VĂąlsan
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La mise en place du processus de rĂ©silience externe doit ĂȘtre continue autour de l'enfant blessĂ©. Son accueil aprĂšs l'agression constitue la premiĂšre maille nĂ©cessaire et pas forcĂ©ment verbale, pour renouer le lien aprĂšs la dĂ©chirure. La deuxiĂšme maille, plus tardive, exige que les familles et les institutions offrent Ă l'enfant des lieux pour y produire ses reprĂ©sentations du traumatisme. La troisiĂšme maille, sociale et culturelle, se met en place quand la sociĂ©tĂ© propose Ă ces enfants la possibilitĂ© de se socialiser. Il ne reste plus qu'Ă tricoter sa rĂ©silience pendant tout le reste de sa vie.
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Boris Cyrulnik (Les vilains petits canards)
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[âŠ] la prĂ©vention restera une approche durablement optimale sur le plan Ă©conomique, mĂ©dical et Ă©pidĂ©miologique, a fortiori dans les pays oĂč les systĂšmes de santĂ© sont plus fragiles.
En s'appuyant sur ce postulat, on peut imaginer un premier scĂ©nario qui prĂ©figure l'Ă©mergence d'un nouveau systĂšme de santĂ© et qui, en mĂȘme temps, reformule le contrat social. Dans ce scĂ©nario, l'effort principal est portĂ© sur la promotion de modes de vie sains : tandis que la recherche utilise plus largement les Big Data pour repĂ©rer les facteurs et contextes pathogĂšnes, l'Ă©ducation publique Ă la santĂ© et le sport sont promus dĂšs le plus jeune Ăąge dans le cadre de l'institution scolaire, jusqu'aux Ăąges avancĂ©s de la vie Ă la faveur de l'engagement financier des organismes d'assurances. Ă leur tour, les nouvelles technologies assistent les individus pour qu'ils rĂ©duisent leurs comportements morbifiques dans le cadre d'un nouveau dispositif de solidaritĂ© : en Ă©change de la surveillance des personnes, de leur mode de vie et ce qu'elles consomment (alcool, tabac, graisses, sucresâŠ), celles-ci continuent de bĂ©nĂ©ficier de la prise en charge de leurs soins, Ă condition aussi de respecter les rĂšgles d'hygiĂšne de vie recommandĂ©es par les autoritĂ©s sanitaires. Sur le plan lĂ©gislatif et normatif enfin, un dispositif rĂ©glementaire et de contrĂŽle plus contraignant est adoptĂ© qui pĂ©nalise les comportements Ă risque, mais aussi l'usage de substances et de matĂ©riaux toxiques dans la production industrielle et agricole. Dans ce cadre par exemple, l'utilisation de produits locaux issus de l'agriculture biologique devient obligatoire dans la restauration collective en mĂȘme temps que sont adoptĂ©es des rĂšgles drastiques pour limiter les Ă©missions de particules fines. (p. 41)
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Virginie Raisson (2038: The World's Futures)
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Ce soir là , je me suis tué et enterré discrÚtement, à ma maniÚre, tout en continuant à rester vivant parce que je ne voulais pas disparaßtre. J'aimais trop la vie. Je ne voulais pas mourir au complet, simplement enterrer une partie de moi.
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Wajdi Mouawad (Assoiffés)
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Il reste tes mĂȘmes croyances et patterns limitatifs que tu traĂźnes depuis beaucoup trop longtemps et qui dans ton inconscient, vont continuer Ă te pourrir la vie et tâautosaboter.
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Marisol Michaud (T'es pas game (French Edition))
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We like to believe when something is over, itâs behind us. Finished. Done. A neat package we can tuck into our closet or toss with the trash. But everything we do, everyone we love, stays with us in one form or another. Feelings fade, yes, while experience changes us. And thank goodness. Experience is how we learn. Itâs how we love better the next time. Iâve seen hundreds of clients amid a so-called breakup or divorce. Many mourn the end of a relationship years after the fact. Grief, pain, or general discomfort following the loss of loveâeven if you initiated its endâis inevitable. Iâve found if we can reframe this end point into something else, a gain, a path forward, we lessen our struggle. When we stop resisting, grief and pain become momentum propelling you into the next phase of your life. They signify not a closed door but a long hallway with many paths. When I ask my clients to swap the defeatist terminology of âbreaking upâ or âdivorceâ for âworking through the end of our relationship,â at first, they almost always resist. âItâs so awkward,â they tell me. âForced.â To which I reply, âYes, and we know change is uncomfortable. Stay with it and see what comes. Itâs an experiment, nothing more.â Soon, they might begin to talk of their âbreakup,â catch themselves, and start again using new words. Instead of saying, âItâs so hard. Iâm so miserable,â they say, âIt hurts, but weâre continuing to work through it.â Aha! Now we can begin to focus not on the loss but what is gained. 48
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Lauren Parvizi (La Vie, According to Rose)
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Me voici donc prĂȘt Ă me libĂ©rer de mes anciens attachements pour pouvoir me consacrer pleinement Ă la recherche du bien suprĂȘme.
Un doute pourtant me retient⊠Ce choix nâest-il pas dangereux ? Les plaisirs, les richesses et les honneurs ne sont certes pas des biens suprĂȘmes, mais au moins, ils existent⊠Ce sont des biens certains. Alors que ce bien suprĂȘme qui est censĂ© me combler en permanence de joie nâest pour lâinstant quâune supposition de mon esprit⊠Ne suis-je pas en train de mâengager dans une voie pĂ©rilleuse ?
Non : Ă la rĂ©flexion je vois bien que je ne cours aucun risque en changeant de vie : câest au contraire en continuant Ă vivre comme avant que je courrais le plus grand danger. Car lâattachement aux biens relatifs est un mal certain puisque aucun dâeux ne peut mâapporter le bonheur !!! Au contraire, la recherche des moyens du bonheur est un bien certain : elle seule peut mâoffrir la possibilitĂ© dâĂȘtre un jour rĂ©ellement heureux, ou au moins plus heureuxâŠ
Le simple fait de comprendre cela me dĂ©termine Ă prendre dĂ©finitivement et fermement la rĂ©solution de me dĂ©tacher immĂ©diatement de la recherche des plaisirs, des richesses et des honneurs, pour me consacrer en prioritĂ© Ă la crĂ©ation de mon bonheur, câest-Ă -dire Ă la culture des joies les plus solides et les plus durables, par la recherche des biens vĂ©ritables.
Au moment mĂȘme oĂč cette pensĂ©e jaillit, je sens apparaĂźtre en moi un immense sentiment dâenthousiasme, une sorte de libĂ©ration de mon esprit. JâĂ©prouve un incroyable soulagement, comme si jâavais attendu ce moment toute ma vie. Une joie toute nouvelle vient de se lever en moi, une joie que je nâavais jamais ressentie auparavant : la joie de la libertĂ© que je viens dâacquĂ©rir en dĂ©cidant de ne vivre dĂ©sormais que pour crĂ©er mon bonheur.
Jâai lâimpression dâavoir Ă©chappĂ© Ă immense danger⊠Comme si je me trouvais Ă prĂ©sent en sĂ©curitĂ© sur le chemin du salut⊠Car mĂȘme si je ne suis pas encore sauvĂ©, mĂȘme si je ne sais pas encore en quoi consistent exactement ces biens absolus, ni mĂȘme sâil existe rĂ©ellement un bien suprĂȘme, je me sens dĂ©jĂ sauvĂ© dâune vie insensĂ©e, privĂ©e dâenthousiasme et vouĂ©e Ă une Ă©ternelle insatisfactionâŠ
Jâai un peu lâimpression dâĂȘtre comme ces malades qui sont proches dâune mort certaine sâils ne trouvent pas un remĂšde, nâayant pas dâautre choix que de rassembler leurs forces pour chercher ce remĂšde sauveur. Comme eux je ne suis certes pas certain de le dĂ©couvrir, mais comme eux, je ne peux pas faire autrement que de placer toute mon espĂ©rance dans sa quĂȘte. Je lâai maintenant compris avec une totale clartĂ©, les plaisirs, les richesses et lâopinion dâautrui sont inutiles et mĂȘme le plus souvent nĂ©fastes pour ĂȘtre dans le bonheur.
Mieux : je sais Ă prĂ©sent que mon dĂ©tachement Ă leur Ă©gard est ce quâil y a de plus nĂ©cessaire dans ma vie, si je veux pouvoir vivre un jour dans la joie. Du reste, que de maux ces attachements nâont-ils pas engendrĂ© sur la Terre, depuis lâorigine de lâhumanitĂ© !
Nâest-ce pas toujours le dĂ©sir de les possĂ©der qui a dressĂ© les hommes les uns contre les autres, engendrant la violence, la misĂšre et mĂȘme parfois la mort des hommes qui les recherchaient, comme en tĂ©moigne chaque jour encore le triste spectacle de lâhumanitĂ© ? Nâest-ce pas lâimpuissance Ă se dĂ©tacher de ces faux biens qui explique le malheur qui rĂšgne presque partout sur le Terre ?
Au contraire, chacun peut voir que les sociĂ©tĂ©s et les familles vraiment heureuses sont formĂ©es dâĂȘtres forts, paisibles et doux qui passent leur vie Ă construire leur joie et celle des autres sans accorder beaucoup dâimportance ni aux plaisirs, ni aux richesses, ni aux honneursâŠ
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Bruno Giuliani
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Le scolaire nâest pas vĂ©ritablement compatible avec lâextatique : câest lâun des traits de lâenseignement que savait dispenser Heidegger, le plus dĂ©concertant des professeurs de sa discipline. [âŠ] La philosophie, conçue comme une mĂ©ditation de lâĂ©tat dâexception, est dans sa consĂ©quence ultime une dimension anti-scolaire. Car lâĂ©cole incarne lâintĂ©rĂȘt pour les Ă©tats normaux [âŠ]. Sous le nom de code de « post-modernitĂ© » sâest installĂ©, depuis au moins deux dĂ©cennies, un Ă©tat de conscience post-extrĂ©miste dans lequel ressurgit une pensĂ©e des situations moyennes. [âŠ] De ce point de vue, il a une valeur civilisatrice que lâon doit approuver sans rĂ©serve dans une perspective citoyenne. Il ne faut pas oublier, du reste, que la dĂ©mocratie implique en soi la culture des situations moyennes. Lâesprit peut bien recracher les tiĂšdes, la sagesse affirme, contre lui, que la tiĂ©deur est la tempĂ©rature de la vie. [âŠ] Quand on le comprend correctement, le temps prĂ©sent continue plus que jamais [âŠ] Ă rĂ©clamer une pensĂ©e des grandes circonstances [âŠ]. Le plus extrĂȘme quâil y ait Ă penser aujourdâhui se cache plutĂŽt dans les routines de la rĂ©volution permanente, dont nous savons aujourdâhui quâelle sâinscrit dans la dynamique interne des sociĂ©tĂ©s avancĂ©es propulsĂ©es par lâargent et dont on est forcĂ© dâavoir lâimpression quâaucune rĂ©volution politique ne peut la rattraper.
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Peter Sloterdijk (La Domestication De L'ĂȘtre)
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Au début les mondes étaient transparents
et toutes les choses existantes passaient dâun monde Ă lâautre.
et il nây avait aucune mesure
de la vie et aucune mesure de la priĂšre non plus. il y avait
un seul ĂȘtre et la mort nâavait aucun
emplacement physique. et la lumiĂšre â une confession continue
entre les mondes.
et de toutes les choses ayant existé. gendre de la mort.
le pĂ©chĂ©. sâest imposĂ© comme le roi de lâinquiĂ©tude
et la vanitĂ© a rendu opaque chaque ĂȘtre et
a divisé les mondes. et de nombreuses frontiÚres ont été fixées.
et dans lâĂȘtre et entre les mondes. et la pierre avec la pierre
se sont vues et lâhumain avec lâhumain de mĂȘme. et les choses transparentes
Ă©lues comme telles nâont plus Ă©tĂ© vues.
par les mondes opaques.
(traduit du roumain par Gabrielle Danoux)
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Emil Iulian Sude (PoveÈti)
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Non dĂ©cidĂ©ment je n'Ă©crirai pas... Il ne faut pas, il faut "continuer"." C'est une lettre Ă moi-mĂȘme. La jeune fille interrompt la survivante : "Tais-toi, tout dire, c'est mourir." Elles cohabitent dans le mĂȘme corps, l'une cherche la vie, l'autre flirte encore avec la mort. Il m'a fallu du temps pour les rĂ©concilier.
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Marceline Loridan-Ivens (L'Amour aprĂšs)
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Souvent il arrivait que papa et Jacky martĂšlent de concert. Pas un mot, pas un cri, juste des souffles mĂȘlĂ©s comme font les amants. De lourds coups sur lâacier, de petits sur lâenclume, en rythme cadencĂ©, sorte de concerto pour enclume et marteaux oĂč la basse continue nâĂ©tait autre que celle de leurs respirations. Et puis ces escarbilles, toujours ces escarbilles, petites Ă©toiles filantes que chacun dâeux apprivoisait pour quâelles nâaillent pas, comme des baisers voraces, mordre le corps de lâautre. Et assis sur un banc ou sur un tas de ferraille, un enfant de cinq ans regarde leurs poitrails, Ă©coute leurs silences dans cet orage dâacier et ne croit plus Ă rien, ni Ă Dieu, ni Ă Diable, ni Ă tous ces hĂ©ros que dĂ©jĂ il pressent puisquâil sent bien, ce gosse, quâil arrive Ă la vie de parfois dĂ©faillir, ou simplement faillir, et quâil faut certains soirs, pour supporter son poids, accepter les lĂ©gendes et les mythes quâont inventĂ©s les hommes afin de sâendormir un petit peu plus grand et Ă peine moins mortel. Heureusement pour lui, foin dâUlysse, de Titans, de dragons flamboyants et de dieux en jupette plus ou moins ridicules, il les a sous les yeux ces lares de pleine chair qui dressent des Ă©clairs et crĂ©ent des Ă©popĂ©es avec chaque barre de fer.
Lâodeur de la limaille, du fer chauffĂ© Ă rouge, du fer chauffĂ© Ă blanc, lâodeur des corps en sueur qui parfois sâeffaçaient derriĂšre la fumĂ©e blanche, lâodeur des grains dâacier en gerbes braisillantes, lâodeur mĂȘme des marteaux, masses, pinces, massettes, et lâodeur de lâenclume qui les recueillait tous.
Papa et Jacky, ferronniers dâart ; ils maĂźtrisaient le feu mais ignoraient Vulcain, PromĂ©thĂ©e et Wotan, Zeus ou HĂ©phaĂŻstos. Les dieux du Walhalla, dâOlympe ou de lâIliade leur Ă©taient inconnus. MĂȘme saint Ăloi, patron des forgerons, ne les concernait pas. Ils Ă©taient incultes, câest-Ă -dire intelligents mais sans les livres capables de leur nommer, soit cette intelligence, soit cette inculture. Ils sâen moquaient, de tout cela, des trois divinitĂ©s, des quatre horizons, des douze travaux dâHercule ou des Mille et Une Nuits.
Ă quoi bon sâinventer des dieux de pacotille quand on en a sous la main et que lâon parvient, Ă coups brefs et prĂ©cis, Ă leur donner la forme que lâon veut. Pas besoin de lĂ©gende, ils se crĂ©aient la leur, façonnant dans lâacier les mots pour la chanter.
Et lâenfant de cinq ans lorsquâil lui adviendra, plus tard, beaucoup plus tard, dâapercevoir Tarzan sautant de liane en liane en se frappant le torse Ă grands coups de battoir pour ne rien forger dâautre quâun long cri ridicule, rira comme un beau diable sâil est vrai quâil sâavĂšre, dans lâHadĂšs ou ailleurs, quâun diable puisse ĂȘtre beau.
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Guy Boley (Fils du feu)
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Chaque jour, le maßtre se contentait de le saluer et commençait son cours. Puis il demeurait invisible le reste de la journée et restait muet lors du dßner.
Or, ce matin-là , debout prÚs de la riviÚre argentée, le vieil aveugle lui dit :
â Yuko, tu deviendras un poĂšte accompli lorsque, dans ton Ă©criture, tu intĂ©greras les notions de peinture, de calligraphie, de musique et de danse. Et surtout lorsque tu maĂźtriseras lâart du funambule.
Yuko se mit Ă sourire. Le maĂźtre nâavait pas oubliĂ©.
â Pourquoi lâart du funambule pourrait-il me servir ?
Soseki posa sa main sur lâĂ©paule du jeune homme, comme il lâavait dĂ©jĂ fait un mois plus tĂŽt.
â Pourquoi ? En vĂ©ritĂ©, le poĂšte, le vrai poĂšte, possĂšde lâart du funambule. Ăcrire, câest avancer mot Ă mot sur un fil de beautĂ©, le fil dâun poĂšme, dâune Ćuvre, dâune histoire couchĂ©e sur un papier de soie. Ăcrire, câest avancer pas Ă pas, page aprĂšs page, sur le chemin du livre. Le plus difficile, ce nâest pas de sâĂ©lever du sol et de tenir en Ă©quilibre, aidĂ© du balancier de sa plume, sur le fil du langage. Ce nâest pas non plus dâaller tout droit, en une ligne continue parfois entrecoupĂ©e de vertiges aussi furtifs que la chute dâune virgule, ou que lâobstacle dâun point. Non, le plus difficile, pour le poĂšte, câest de rester continuellement sur ce fil quâest lâĂ©criture, de vivre chaque heure de sa vie Ă hauteur du rĂȘve, de ne jamais redescendre, ne serait-ce quâun instant, de la corde de son imaginaire. En vĂ©ritĂ©, le plus difficile, câest de devenir un funambule du verbe.
Yuko remercia le maĂźtre de lui enseigner lâart dâune façon si subtile, si belle.
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Maxence Fermine
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Ce qui m'intĂ©resse, c'est de savoir qui paie les RĂ©dempteurs, pas de me dĂ©barrasser d'une poignĂ©e de bouchers qui seront remplacĂ©s par d'autres avant mĂȘme que j'aie le temps de me rĂ©jouir.(...)
- Qu'est-ce qui te fait croire que quelqu'un les paie?
- Ils ne volent rien, n'emportent rien, ni argent, ni bijoux, ni chevaux. Si c'était juste un ramassis d'enragés, il se serviraient sur les cadavres, ils pilleraient les chariots...
- Ce sont des fanatiques, rĂ©torqua Leth Marek, tentant d'oublier que lui-mĂȘme s'Ă©tait fait la mĂȘme rĂ©flexion. Ils tuent au nom de la DĂ©esse, c'est tout ce qui les motive.
Annoa eut un sourire désabusé.
- Tu crois vraiment qu'ils sortent de nulle part, avec leur armement de guerre? Que des fanatiques du culte de la Nature se seraient rassemblés spontanément pour créer une force de frappe? Que des gens comme toi et moi auraient abandonné leur famille, leur travail, pour consacrer leur vie à harceler des "infidÚles"?
- Peut-ĂȘtre pas, admit Leth Marek.
- Les RĂ©dempteurs sont des hors-la-loi. Kyrenia a mis une prime sur leurs tĂȘtes, et pourtant ils continuent Ă frapper depuis presque un an. Pour ça, il faut que quelqu'un les paie, et les paie bien.
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Gabriel Katz (La Marche du prophĂšte (Aeternia #1))
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La vie et encore assez douce pour nous⊠mĂȘme si nous savons que cela ne tardera pas. Et cela aussi sera un bien. MĂȘme la mort sera un bien, je pense, non parce quâelle mettra fin aux anciennes amertumes, mais parce quâĂ mon avis elle sera la derniĂšre des aigres saveurs qui mâont signalĂ© que jâĂ©tais en vie.
Par-dessous toutes choses je continue dâentendre le cri de la terre, mais il nâaffecte plus ce que je vois et ce que je fais. Au contraire, il rehausse mes plaisirs, car le lever du soleil est plus Ă©clatant Ă couse des sombres gouffres au fond de moi, et la sourire de Saranna est plus chaleureux Ă cause de la cruautĂ© que jâai connue, et les soins que je prodigue aux gens et aux animaux ont plus de valeur Ă cause des tueries que jâai commises.
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Orson Scott Card (A Planet Called Treason)
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Au retour de voyage, les livres affichent leurs taches comme trophées : huile et café, sable crissant entre les pages, insectes, feuilles d'arbres puis notes rageuses, des idées simples, une description, un horaire, le menu d'un dßner, le numéro d'une personne rencontrée sur la route, une adresse de courrier électronique, la matiÚre palpable des voyages. Cette poésie est celle du présent, celle qui reste aprÚs l'émotion, lorsque la collecte de ces bouts permet de continuer l'aventure alors que nous avons repris une vie normale. Je les colle en vrac sur des feuilles que je répands au hasard de la bibliothÚque. Autant de bouteilles à la mer retrouvées avec plaisir. Ces petits recueils prennent place sur un rayon dédié. Je n'en ai pas beaucoup, mais je sais que je les prendrai à nouveau. La poésie se relit.
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SĂ©bastien de Courtois
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Les conflits non rĂ©solus du passĂ© cherchent sans cesse une issue heureuse, une solution tout au long de notre vie et mĂȘme dans la vie de ceux qui continuent notre mythe personnel, nos enfants par exemple. Les conflits en classe avec nos Ă©lĂšves, avec leurs parents ou avec nos supĂ©rieurs hiĂ©rarchiques peuvent nous offrir l'occasion rĂȘvĂ©e pour achever une tĂąche de vie non terminĂ©e jusqu'alors. ThĂ©Ăątralisant notre situation psychique du moment, Ă l'image d'un miroir grossissant, ces conflits objectivent nos propres conflits intrapsychiques dont nous n'avions pas une conscience claire et prĂ©cise : "Tout Ă©vĂ©nement, mĂȘme nĂ©gatif, porte en lui une occasion d'apprendre et de faciliter notre quĂȘte. Notre vie est expĂ©rimentation, exploration. Dans ce paradigme plus large, il n'y a pas d'ennemis, seulement des gens utiles par l'irritation qu'ils suscitent, cette opposition attirant notre attention sur nos points de conflit, comme le ferait un miroir grossissant." (p. 77)
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Jean-Daniel Rohart (Comment réenchanter l'école ? : Plaidoyer pour une éducation postmoderne)
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Tandis qu'en 1960 l'indice de fécondité mondiale s'élevait à 4 enfants en moyenne par femme, il ne dépasse guÚre 2,5 enfants aujourd'hui. Au vu des projections des Nations unies, il devrait encore glisser vers 2,25 enfants par femme en 2050 avant d'atteindre le seuil de renouvellement des générations - 2,1 enfants par femme - en 2070. Cependant, cette baisse de la fécondité étant assortie d'une chute de la mortalité, l'essor de la population mondiale se poursuit. Autrement dit, en dépit d'une baisse du taux de croissance annuel moyen de 2 % en 1970 à moins de 1,2 % en 2015, la population mondiale va continuer de connaßtre un excédent naturel pour le siÚcle à venir. Ce qui signifie aussi que, désormais, la croissance de la population mondiale renvoie moins à la natalité qu'à l'allongement de l'espérance de vie et au phénomÚne d'inertie propre aux évolutions démographiques. C'est aussi ce que traduit le vieillissement de l'humanité. (p. 35)
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Virginie Raisson (2038: The World's Futures)
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Le Patrimoine Bleu propose des solutions personnalisées pour la gestion de patrimoine et la planification financiÚre, incluant l'optimisation fiscale, la planification de la retraite, et la transmission du patrimoine. Bénéficiez de conseils experts pour sécuriser et augmenter votre patrimoine, adaptés à vos besoins et objectifs financiers, avec un suivi continu pour s'ajuster aux changements de vie ou de législation.
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Le Patrimoine Bleu
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Quand vous vous chamailliez dans la voiture, maman menaçait de vous laisser sur le bord de la route. Un jour, elle l'a fait. Vous ĂȘtes restĂ©es seules, inquiĂštes et en larmes sur cette aire d'autoroute, en attendant, comme vous le fierez toute votre enfance et moi la mienne, que maman se calme, que maman revienne.
Je continue de me demander oĂč, en moi, se cache le lieu depuis lequel elle n'est jamais revenue.
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Juliette Rousseau (La vie tĂȘtue)
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J'ai grandi, mais je me refuse Ă penser que tu es le fruit de mon imagination. J'ai trop de preuves contraires, mĂȘme si elles se rĂ©sument Ă mes sourires, mes frissons et ma respiration qui se suspend quand tes pensĂ©es viennent me frĂŽler. Nous sommes reliĂ©s, tĂ©lĂ©pathes. Et comme les paroles ne nous lient pas encore, je continue de mon cĂŽtĂ© Ă briser le silence.
J'espĂšre que cela suffira Ă te faire Ă©clore dans ma vie.
Pour l'instant, ce moment oĂč je me sens serrĂ©e dans tes bras nâest qu'un souvenir Ă l'envers, une mĂ©moire inscrite en avance dans le mystĂšre de mon Ăąme. (p.96)
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Marie SĂ©lĂšne (Le silence qui cache la forĂȘt)
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En vĂ©ritĂ©, le poĂšte, le vrai poĂšte, possĂšde l'art du funambule. Ăcrire, c'est avancer mot Ă mot sur un fil de beautĂ©, le fil d'un poĂšme, d'une Ćuvre, d'une histoire couchĂ©e sur un papier de soie. Ăcrire, c'est avancer pas Ă pas, page aprĂšs page, sur le chemin du livre. Le plus difficile, ce n'est pas de s'Ă©lever du sol et de tenir en Ă©quilibre, aidĂ© du balancier de sa plume, sur le fil du langage. Ce n'est pas non plus d'aller tout droit, en une ligne continue parfois entre-coupĂ©e de vertiges aussi furtifs que la chute d'une virgule, ou que l'obstacle d'un point. Non, le plus difficile, pour le poĂšte, c'est de rester continuellement sur ce fil qu'est l'Ă©criture, de vivre chaque heure de sa vie Ă hauteur du rĂȘve, de ne jamais redescendre, ne serait-ce qu'un instant, de la corde de son imaginaire. En vĂ©ritĂ©, le plus difficile, c'est de devenir un funambule du verbe.
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Maxence Fermine (Snow)
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N'oublions ni Mihail Sadoveanu, Ă©crivain prolifique dâune force Ă©pique incomparable qui a Ă©voquĂ© toute l'histoire des Roumains dans ses nouvelles et romans, y reflĂ©tant aussi les paysages de son pays ; ni Liviu Rebreanu, le plus grand romancier contemporain de Roumanie, auteur du cĂ©lĂšbre roman Ion, Ă©popĂ©e du paysan de Transylvanie, de l'Ă©ternel paysan, dĂ©chirĂ© entre son amour de la terre et sa passion ; ni Tudor Arghezi, le grand poĂšte roumain contemporain, qui a enrichi de nouvelles valeurs la langue roumaine et a concentrĂ© dans ses vers la tragi-comĂ©die de la vie. Nous pourrions continuer de citer les noms dâau moins dix Ă©crivains roumains modernes, mais il est inutile de dresser une liste de noms tant que l'on ne peut pas parler en dĂ©tail de chacun. TrĂšs peu en sont devenus cĂ©lĂšbres Ă l'Ă©tranger. Seul, Panait Istrati, le rhapsode du Danube, du Baragan et des Carpates. Les Ćuvres de Liviu Rebreanu et de Mihail Sadoveanu ont Ă©tĂ© traduites en d'autres langues confirmant ainsi le titre qu'on leur a confĂ©rĂ© : celui d'Ă©crivains europĂ©ens. On a Ă©galement traduit les Ćuvres de beaucoup d'autres poĂštes et prosateurs roumains et nous attendons les rĂ©sultats en toute confiance.
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Mircea Eliade
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Un deuil ne se borne pas, comme on le dit souvent, à envahir les sentiments ; il consiste plutÎt en une fréquentation ininterrompue du disparu, comme si ce dernier devenait plus proche. Car la mort ne le rend pas seulement invisible : elle le rend aussi plus accessible à notre regard. Elle nous le vole, mais elle le complÚte également d'une maniÚre inédite. DÚs le moment qui fige pour nos yeux ces contours mouvants qui traduisaient l'action et les changements constants d'une physionomie, celle-ci nous révÚle souvent pour la premiÚre fois sa quintessence, l'élément que le déroulement de l'existence ne nous donnait pas le loisir de percevoir totalement.
Et cette nouvelle connaissance prend la forme d'une expĂ©rience spontanĂ©ment partagĂ©e comme au temps du contact personnel, elle ne rĂ©sulte pas d'un effort de pensĂ©e dĂ©libĂ©rĂ©, animĂ© par le dĂ©sir de cĂ©lĂ©brer le dĂ©funt ou de trouver consolation. Cette appropriation passionnĂ©e, cette dĂ©couverte pour la premiĂšre fois possible, nulle diversion, nulle autre impression de notre vie ne peut la dĂ©tourner de son cours, il suffit d'Ă©couter le message qui nous parvient de ces lĂšvres muettes : « Ăcoute ce vent qui souffle! la nouvelle ininterrompue qui se forme dans le silence. »
C'est ce qui m'est arrivĂ© durant cet hiver 1926-1927 que Rainer Maria Rilke, dans une lettre Ă©crite de son lit de mort, appelait « un mauvais vent qui souffle ». Alors la bouleversante diffĂ©rence entre survivre et mourir devint mineure. IrrĂ©sistiblement s'imposa la constatation que toute relation humaine tient Ă la force que nous lui consacrons : toutes ne sont-elles pas, et bien souvent les plus chĂšres, des signes et des images de nos tout premiers Ă©lans amoureux, qui nous ont appris Ă aimer, avant mĂȘme leur propre naissance? - de mĂȘme que les nuages de l'est brillent grĂące au rayonnement du soleil qui se couche Ă l'ouest. De leur vivant, nous distinguons mal ceux auxquels nous sommes unis avec le plus d'Ă©clat - d'un Ă©clat qui ne peut cesser de rayonner. Il y a une part de notre amour qui reste enfermĂ©e dans le cercueil, celle que nous pleurons et dont la perte nous endeuille le plus ; et l'autre, qui continue Ă vivre et Ă rĂ©agir Ă tout ce qui nous arrive, en dialogue, une part qui semble toujours sur le point de redevenir rĂ©alitĂ©, parce qu'elle touche Ă ce qui nous rĂ©unit Ă©ternellement avec la vie et la mort.
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Lou Andreas-Salomé (Rainer Maria Rilke)
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Jâaimais me penser comme celle qui pouvait changer sa vie. Ă plus dâun Ă©gard â de la littĂ©rature, du thĂ©Ăątre, des usages bourgeois â jâĂ©tais son initiatrice mais ce quâil me faisait vivre Ă©tait aussi une expĂ©rience initiatique. La principale raison que jâavais de vouloir continuer cette histoire, câest que celle-ci, dâune certaine maniĂšre, avait dĂ©jĂ eu lieu, que jâen Ă©tais le personnage de fiction.
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Annie Ernaux (Le jeune homme)
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Etre ravagĂ© par la douleur nâajoute rien Ă votre amour pour moi. RestĂ© douloureusement obsĂ©dĂ© par une situation ou par le souvenir dâun dĂ©funt au point dâen ĂȘtre brisĂ© pendant des mois ou des annĂ©es durant nâest pas une preuve dâaffection mais un attachement qui nâest source dâaucun bienfait ni pour les autres ni pour soi-mĂȘme. Ne crois pas me rendre un grand hommage si tu laisse ma mort devenir le grand Ă©vĂšnement de ta vie. Le meilleur tribu que tu puisse me payer est de continuer Ă mener une existence riche et heureuse.
Plaidoyer pour le bonheur
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Matthieu Ricard
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CâĂ©tait donc cela, le sens, la raison dâĂȘtre de toute une vie : si lâon Ă©tait lĂ , si lâon tolĂ©rait tant dâĂ©preuves, si lâon faisait lâeffort de continuer Ă respirer, si lâon acceptait tant de fadeur, câĂ©tait pour connaĂźtre lâamour.
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AmĂ©lie Nothomb (Frappe-toi le cĆur)
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ArrĂȘte avec le Drame, Marcus. Il nây a pas un Drame mais des drames. Le drame de ta tante, de tes cousins. Le drame de la vie. Il y a eu des drames, il y en aura dâautres et il faudra continuer Ă vivre malgrĂ© tout. Les drames sont inĂ©vitables. Il nâont pas beaucoup dâimportance, au fond. Ce qui compte, câest la façon dont on parvient Ă les surmonter. (P. 588).
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Joël Dicker (Le Livre des Baltimore (Marcus Goldman, #2))
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Peu Ă peu on a quarante, cinquante, soixante ans et Ă chaque dĂ©cennie on se sent plus complet. Il faut continuer Ă marcher bien quâil nây ait aucun lieu oĂč arriver. Lâunivers tourne constamment, sans relĂąche, ainsi que la terre et la lune, mais ce nâest rien dâautre quâun secret enracinĂ© en nous, ĂȘtres humains, qui fait tout bouger. Le sachant, nous les derviches, nous danserons, Ă travers notre vie dâamour et de cĆur brisĂ©, mĂȘme si lâon ne comprend pas ce que nous faisons. Nous danserons de la mĂȘme maniĂšre au milieu dâune rixe ou dâune guerre majeure. Nous danserons dans la douleur et le deuil, avec joie et exaltation, seuls ou ensemble, aussi lents et rapides que le cours de lâeau. Nous danserons dans notre sang. Il y a une harmonie parfaite et un Ă©quilibre subtil dans tout ce qui est et fut dans lâunivers. Les points changent constamment, lâun remplaçant lâautre, mais le cercle reste intact.
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Elif Shafak
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serait utile pour le voyage, et comme un souvenir pour les survivants ; plus utile encore pour les revenants, ceux qui, nâĂ©tant pas plus morts que les autres, sont allĂ©s suffisamment loin ailleurs pour nâĂȘtre plus tout Ă fait de retour ici, dans le monde oĂč chacun continue de vaquer Ă ses occupations comme si la rĂ©pĂ©tition des jours et des gestes avait un sens linĂ©aire, Ă©tabli, comme si ce thĂ©Ăątre Ă©tait une mission. Les revenants liraient leurs notes, regarderaient vivre les autres, frotteraient leurs souvenirs et leurs vies. Ils compareraient le tout
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Philippe Lançon (Le Lambeau)
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La mĂ©ditation est la totale inaction dâune conscience qui voit ce qui est, sans les empĂȘtrements du passĂ©. Cette action nâest pas une rĂ©ponse Ă une provocation : câest la provocation mĂȘme qui agit, de sorte quâil nây a point-lĂ , de dualitĂ©. La mĂ©ditation consiste Ă se dĂ©pouiller de toute expĂ©rience. Câest un processus qui consciemment ou inconsciemment continue sans arrĂȘt et qui par consĂ©quent, nâest pas limitĂ© Ă certaines heures de la journĂ©e. Câest une action continue, du matin jusquâĂ la nuit â une observation sans observateur. Il nây a donc pas de division entre la vie quotidienne et la mĂ©ditation, entre la vie religieuse et la vie sĂ©culaire. La division ne se produit que lorsque lâobservateur est liĂ© au temps.
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J. Krishnamurti (La rivoluzione totale)
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Je crois en lâĂ©criture. En rien dâautre, seulement en lâĂ©criture. Lâhomme vit comme un ver mais Ă©crit comme un dieu. Autrefois, on connaissait ce mystĂšre oubliĂ© de nos jours : le monde se compose de tessons qui sâĂ©parpillent, câest un obscur chaos incohĂ©rent que seule lâĂ©criture peut maintenir. Si tu as une idĂ©e du monde, si tu nâas pas oubliĂ© tout ce qui sâest passĂ©, alors sache que câest lâĂ©criture qui a crĂ©Ă© pour toi le simple fait que tu as un monde et quâelle continue Ă le faire, elle est la toile dâaraignĂ©e invisible qui relie nos vies, le logos.
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Imre Kertész (Liquidation)
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La vie avait continuĂ© aprĂšs, la vie continue toujours. Elle te donne des raisons de pleurer et des raisons de rire. C'est une personne, la vie, une personne qu'il faut prendre comme partenaire. Entrer dans sa valse, dans ses tourbillons, parfois elle te fait boire la tasse et tu crois que tu vas mourir et puis elle t'attrape par les cheveux et te dĂ©pose plus loin. Parfois elle t'Ă©crase les pieds, parfois elle te fait valser. Il faut entrer dans la vie comme on entre dans une danse. Ne pas arrĂȘter le mouvement en pleurant sur soi, en accusant les autres, en buvant, en prenant des petites pilules pour amortir le choc. Valser, valser, valser. Franchir les Ă©preuves qu'elle t'envoie pour te rendre plus forte, plus dĂ©terminĂ©e.
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Katherine Pancol (The Yellow Eyes of Crocodiles)
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trouve la force de taper les lettres et de sauver les textes et de continuer dâespĂ©rer quâil y aura encore une personne au moins aprĂšs nous pour faire durer nos os de phrases dans le temps des pierres littĂ©raires
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Mathieu Arsenault (La vie littéraire)
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...le monde industriel, front continu et en expansion constante de la modernité, machine à transformer la Terre en plaie ouverte et l'espace en thérapie problématique, machine à accélérer le temps et à modifier la vie, jusqu'à la rendre impossible, jusqu'à la réduire à un bien consommable et à une monnaie d'échange nécessaire à l'acquisition d'une espÚce évoluée nouvelle, est une révélation religieuse presque complÚte.
Un monument de gloire, de terreur et d'espoir.
"Avec l'aide des machines, l'homme pouvait jouer partout, depuis un demi-siĂšcle, au maĂźtre et possesseur de la nature."
L'aménagement du territoire - Aurélien Bellanger
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Aurélien Bellanger (L'Aménagement du territoire)
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Pour le Pythagorisme, la question est peut-ĂȘtre plus complexe ; et les voyages de Pythagore, quâil faille dâailleurs les entendre littĂ©ralement ou symboliquement, nâimpliquent pas nĂ©cessairement des emprunts faits aux doctrines de tel ou tel peuple (tout au moins quant Ă lâessentiel, et quoi quâil puisse en ĂȘtre de certains points de dĂ©tail), mais plutĂŽt lâĂ©tablissement ou le renforcement de certains liens avec des initiations plus ou moins Ă©quivalentes. Il semble bien, en effet, que le Pythagorisme fut surtout la continuation de quelque chose qui prĂ©existait en GrĂšce mĂȘme, et quâil nây ait pas lieu de chercher ailleurs sa source principale : nous voulons parler des MystĂšres, et plus particuliĂšrement de lâOrphisme, dont il ne fut peut-ĂȘtre quâune « rĂ©adaptation », en cette Ă©poque du VIe siĂšcle avant lâĂšre chrĂ©tienne qui, par un Ă©trange synchronisme, vit des changements de forme sâopĂ©rer Ă la fois dans les traditions de presque tous les peuples.
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René Guénon (Traditional Forms and Cosmic Cycles (Collected Works of Rene Guenon))
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Assis devant mon bureau, au-dessus duquel jâavais placĂ© une pancarte portant ces mots : « N'abandonnez pas tout espoir, vous qui entrez ! » â assis et disant Oui, Non, Oui, Non, je me rendais compte, avec un dĂ©sespoir qui confinait Ă la rage, que je nâĂ©tais quâune marionnette entre les mains de laquelle la sociĂ©tĂ© avait mis une mitraillette. Que je fisse une bonne ou une mauvaise action revenait exactement au mĂȘme, au bout du compte. Je ressemblais Ă un signe Ă©gal, par lequel passait lâessaim algĂ©brique de lâhumanitĂ©. Une sorte de signe Ă©gal plutĂŽt important et actif, comme peut lâĂȘtre un gĂ©nĂ©ral en temps de guerre, mais peu importait le degrĂ© de compĂ©tence que je pouvais atteindre : jamais je ne parviendrais Ă me transformer en signe plus ou moins. Pas plus que personne dâautre, pour autant que je pouvais mâen rendre compte. Notre vie entiĂšre Ă©tait bĂątie sur ce principe dâĂ©quation. Les intĂ©grales Ă©taient devenues autant de symboles que lâon baladait au service de la mort. PitiĂ©, dĂ©sespoir, passion, espoir, courage, nâĂ©taient que les rĂ©fractions temporelles dues Ă la diversitĂ© des angles sous lesquels on regardait les Ă©quations. Mettre fin Ă cette jonglerie interminable en lui tournant le dos ou en lâaffrontant carrĂ©ment et en en faisant le sujet de ses Ă©crits nâĂ©tait non plus dâaucun secours. Dans une galerie des glaces il nây a pas moyen de se tourner le dos Ă soi-mĂȘme. Non je ne ferai pas cela â je ferai autre chose ! Dâaccord. Mais ĂȘtes-vous capable de ne rien faire du tout ? Et vous empĂȘcher de penser que vous ne faites rien du tout ? De vous arrĂȘter net, et sans penser le moins du monde, de rayonner la vĂ©ritĂ© que vous savez ĂȘtre vraie ? Telle Ă©tait lâidĂ©e qui sâĂ©tait logĂ©e derriĂšre mon crĂąne et dont le feu me dĂ©vorait de plus en plus, et peut-ĂȘtre alors Ă©tais-je au comble de lâexpansion, Ă lâapogĂ©e de mon Ă©nergie rayonnante, au sommet de la sympathie, de la bonne volontĂ© et de la charitĂ©, de la sincĂ©ritĂ©, de la bontĂ©, peut-ĂȘtre Ă©tait-ce cette idĂ©e fixe dont la lumiĂšre perçait Ă travers moi â et de rĂ©pĂ©ter automatiquement : « Mais non, mais non, il nây a pas de quoi⊠pas du tout, je vous assure⊠non, non, je vous en prie, ne me remerciez pas, ce nâest rien », etc., etc. Ă force de fusiller Ă jet continu des centaines de types par jour, peut-ĂȘtre finissais-je par ne plus mĂȘme entendre les dĂ©tonations ;
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Henry Miller (Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer)
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- Ce que vous appelez le mal peut se concevoir comme la privation du bien. Sans l'expĂ©rience du mal, vous n'auriez aucune conscience de ce qu'est le bien. Sur terre, tout est expĂ©rience. Certaines sont lumineuses, d'autres tĂ©nĂ©breuses. Certaines dilatent le cĆur, d'autres l'Ă©prouvent. Certains consolent, d'autres terrifient. Lorsque tu est plongĂ©e dans la douleur, ne regarde pas ta vie uniquement Ă l'aune de la souffrance. ConsidĂšre-lĂ comme un tout invisible, avec ses hauts et ses bats, ses joies et ses tristesses, sa part d'ombre et de lumiĂšre, et rappelle-toi les moments heureux du passĂ©. Alors, tu pourras continuer d'aimer la vie, malgrĂ© tout. Et lorsque tu passeras dĂ©finitivement de l'autre cĂŽtĂ© du miroir â ce que vous appelez la mort - tu verras l'envers des choses et comprendras que toutes expĂ©riences que tu as traversĂ©es pouvaient te faire grandir en humanitĂ©, en conscience et en amour. Mais c'Ă©tait Ă toi d'en dĂ©cider. Car ton Ăąme est libre. Non pas toujours du choix des Ă©vĂšnements qui arrivent, mais de la maniĂšre dont elle va y rĂ©agir. Si tu comprends que toute expĂ©rience peut te faire grandir, alors tu sauras donner du sens Ă tout ce qui t'arrive et tu progresseras de plus en plus en joie, en sĂ©rĂ©nitĂ© en connaissance de toi-mĂȘme et du monde, et surtout en amour, qui est l'Ă©nergie la plus forte et la plus Ă©levĂ©e de tout ce qui est.
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Frédéric Lenoir (La Consolation de l'ange (French Edition))
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connaĂźt, aprĂšs le procĂšs des Fleurs du mal, le sort dâun homme « public », certes, mais stigmatisĂ©, exclu de la bonne sociĂ©tĂ© et des salons que frĂ©quente Flaubert et mis au ban de lâunivers littĂ©raire par la grande presse et les revues. En 1861, la seconde Ă©dition des Fleurs du mal est ignorĂ©e par la presse, donc par le grand public, mais impose son auteur dans les milieux littĂ©raires, oĂč il conserve de nombreux ennemis. Par la suite continue de dĂ©fis quâil lance aux bien-pensants, dans sa vie autant que dans son Ćuvre, Baudelaire incarne la position la plus extrĂȘme de lâavant-garde, celle de la rĂ©volte contre tous les pouvoirs et toutes les institutions, Ă commencer par les institutions littĂ©raires.
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Pierre Bourdieu (Les RÚgles de l'art. GenÚse et structure du champ littéraire (LIBRE EXAMEN) (French Edition))
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Je traverse la ville dont je nâattends plus rien
Au milieu dâĂȘtres humains toujours renouvelĂ©s
Je le connais par coeur, ce métro parisien ;
Il sâĂ©coule des jours sans que je puisse parler.
Oh ! ces aprĂšs-midi, revenant du chĂŽmage
Repensant au loyer, méditation morose,
On a beau ne pas vivre, on prend quand mĂȘme de lâĂąge
Et rien ne change Ă rien, ni lâĂ©tĂ©, ni les choses.
Au bout de quelques mois on passe en fin de droits
Et lâautomne revient, lent comme une gangrĂšne ;
Lâargent devient la seule idĂ©e, la seule loi,
On est vraiment tout seul. Et on traĂźne, et on traĂźne...
Les autres continuent leur danse existentielle,
Vous ĂȘtes protĂ©gĂ© par un mur transparent ;
Lâhiver est revenu. Leur vie semble rĂ©elle.
Peut-ĂȘtre, quelque part, lâavenir vous attend.
Les moments immobiles que lâont vit presque en fraude
Et les petites morts, petits autodafés ;
CâĂ©tait sur les deux heures et la ville Ă©tait chaude,
Les bustiers fourmillaient aux terrasses des cafés
Et tout sâorganisait pour la reproduction :
Comportements humains, jeux de dents, rires forcés
LâimpossibilitĂ© permanente de lâaction
Morceaux de vie quâon rĂȘve, bientĂŽt dĂ©samorcĂ©s.
Les humains sâagitaient dans les murs de la ville :
Flots sur le boulevard, téléphones portatifs ;
Inquiétude sur la ligne, jeux de regards hostiles :
Tout fonctionne, tout tourne, et jâai les nerfs Ă vif.
Il marche dans la nuit, son regard plein de mort,
Et le froid se fait vif entre les carrefours
Cela fait plus dâun an quâil nâa pas fait lâamour ;
Les ĂȘtres humains se croisent, on sent glisser leurs corps.
Il marche dans la ville avec un mot secret,
Câest vraiment trĂšs curieux de voir les autres vivre,
De regarder la vie comme on lit dans un livre
Et dâavoir oubliĂ© jusquâau goĂ»t du regret.
Il compose le code, retrouve son studio
Et une main glacée se pose sur son coeur
Certainement quelquâun a commis une erreur,
Il nâa plus trĂšs envie dâĂ©couter la radio.
Il est seul, maintenant, et la nuit est immense
Il frĂŽle les objets dâune main hĂ©sitante
Les objets sont bien lĂ , mais sa raison sâabsente
Il traverse la nuit Ă la recherche dâun sens.
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Michel Houellebecq
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Elon musk est la figure du capitalisme la plus connue sur la planĂšte. Plus puissant et plus fou qu'un Rockefeller, il rĂ©sume Ă lui seul la cosmologie extractiviste : exploiter tous les gisements pour perpĂ©tuer la vie hors-sol Ă©lectrique et digitale tout en prĂ©parant la conquĂȘte de la lune et de Mars. La sociĂ©tĂ© industrielle continue de traiter le sous-sol comme le magasin oĂč les humains (les plus riches) peuvent s'Ă©quiper pour poursuivre leur voyage, leur quĂȘte cĂ©leste. Une civilisation qui se projette dans la colonisation de Mars peut se permettre de continuer Ă anĂ©antir les terres agricoles et les cours d'eau. C'est cette mystique qui rend possible la destruction de l'habitat terrestre qui se poursuit sous nos yeux.
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CĂ©lia Izoard (La RuĂ©e miniĂšre au XXIe siĂšcle: EnquĂȘte sur les mĂ©taux Ă l'Ăšre de la transition)
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Georges Bratianu est un historien dans l'Ăąme, une discipline qu'il a choisie pour son exigence ; il s'est vouĂ© Ă raconter et Ă conceptualiser l'histoire, la grande histoire (la paix et la guerre). Cela Ă©tant, cette vocation n'est-elle pas aussi lĂ , accessoirement mais obsessivement, pour se cacher d'autre chose ? D'une trĂšs probable maladresse incorrigible et inaptitude Ă vivre la vie de tous les jours (encore aggravĂ©e, par sa taille de gĂ©ant : 2,10 m). Pis : la mission qu'il s'est donnĂ©e ne lui vaut-elle pas renonciation au plaisir, voire au goĂ»t, d'agir ou de rĂ©agir sur l'instant ? En d'autres termes, le vif et l'Ă©phĂ©mĂšre de chacune des minutes qui passent, le dĂ©cousu du vivre ne l'affole-t-il pas ? Comme si, en l'absence de recul du temps, certains ĂȘtres se trouvaient impuissants ! En continuant sur la mĂȘme lancĂ©e, j'en arrivais Ă attribuer Ă cet ascĂ©tisme professionnel non seulement le fiasco conjugal, mais aussi⊠[une] certaine faute de jugement politique !
(p. 12)
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Marie-HélÚne Fabra-Bratianu (La mémoire des feuilles mortes (French Edition))
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Personne nâest fait pour la sĂ©dentaritĂ©. Mais ce nâest pas Ă toi que je vais lâapprendre. Lâagriculture a fait de nous des captifs. On nâa jamais voulu faire pousser des champs et se cloĂźtrer dans des maisons. On Ă©tait des nomades depuis des millions dâannĂ©es. Il se dĂ©cala en face dâelle. â Tu connais cette sensation dâenfermement, quand tu vis trop longtemps entre quatre murs ? Peu importe la surface, ça pourrait ĂȘtre un appartement, une maison ou un chĂąteau. Ă un moment, tu la ressens. Tu vois de quoi je parle ? Elle acquiesça. Elle lâavait dĂ©jĂ ressentie. â Câest ta mĂ©moire gĂ©nĂ©tique qui te fait voir, entendre, sentir et regretter le mode de vie des centaines de gĂ©nĂ©rations qui nous ont prĂ©cĂ©dĂ©s. Au fond, on est encore une espĂšce nomade. Tout le monde porte cette sensation en soi, mais en gĂ©nĂ©ral, les gens ne font pas le lien et ne comprennent pas ce qui les pousse Ă dĂ©sirer ce qui est hors dâatteinte. Alors ils achĂštent des voitures toujours plus chĂšres, des baraques toujours plus grosses, sans jamais trouver dâapaisement. Ils continuent de sombrer dans la dĂ©pression jusquâĂ la mort.
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Glendy Vanderah (The Light Through the Leaves)