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Il dort. Quoique le sort fût pour lui bien étrange,
Il vivait. Il mourut quand il n'eut plus son ange.
La chose simplement d'elle-mĂȘme arriva,
Comme la nuit se fait lorsque le four s'en va.
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Victor Hugo (Les Misérables)
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Il dort. Quoique le sort fut pour lui bien Ă©trange,
Il vivait. Il mourut quand il nâeut plus son ange.
La choise simplement dâelle-mĂȘme arriva.
Comme la nuit se fait lorsque le jour sâen va.
He is asleep. Though his mettle was sorely tried,
He lived, and when he lost his angel, died.
It happened calmly, on its own.
The way night comes when day is done.
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Victor Hugo (Les Misérables)
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Un soir qu'ils étaient couchés l'un prÚs de l'autre, comme elle lui demandait d'inventer un poÚme qui commencerait par je connais un beau pays, il s'exécuta sur-le-champ. Je connais un beau pays Il est de l'or et d'églantine Tout le monde s'y sourit Ah quelle aventure fine Les tigres y sont poltrons Les agneaux ont fiÚre mine à tous les vieux vagabonds Ariane donne des tartines. Alors, elle lui baisa le la main, et il eut honte de cette admiration.
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Albert Cohen (Belle du Seigneur)
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Mais il avait oubliĂ© lâinventaire, il ne voyait pas son empire, ces magasins crevant de richesses. Tout avait disparu, les victoires bruyantes dâhier, la fortune colossale de demain. Dâun regard dĂ©sespĂ©rĂ©, il suivait Denise, et quand elle eut passĂ© la porte, il nây eut plus rien, la maison devint noire.
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Ămile Zola (The Ladies' Paradise (Les Rougon-Macquart #11))
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Il dort. Quoique le sort fut pour lui bien etrange, Il vivait. Il mourut quand il n'eut plus son ange. La chose simplement d'elle-meme arriva, Comme la nuit se fait lorsque le jour s'en va.[71]
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Victor Hugo (Les Misérables)
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Encore plus faux et dangereux quâil nâest aimable et sĂ©duisant, jamais, depuis sa plus grande jeunesse, il nâa fait un pas ou dit une parole sans avoir un projet, et jamais il nâeut un projet qui ne fĂ»t malhonnĂȘte ou criminel.
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Pierre Choderlos de Laclos (Les Liaisons dangereuses)
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Mais comment l'avez-vous remarquĂ©e? Vous allez Ă la mosquĂ©e mais vous prĂȘtez plus d'attention aux gens qui vous entourent qu'Ă Dieu. Si vous Ă©tiez les bons croyants que vous prĂ©tendez ĂȘtre, vous ne vous seriez mĂȘme pas aperçu de la prĂ©sence de cette femme, eut-elle Ă©tĂ© nue.
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Elif Shafak (The Forty Rules of Love)
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Bien différente eut été leur vie s'ils avaient su à temps qu'il est plus facile de contourner les grandes catastrophes conjugales que les minuscules misÚres de tous les jours.
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Gabriel GarcĂa MĂĄrquez (Love in the Time of Cholera)
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Un regard d'argent, empreint de bonté. D'argent en train de fondre. En le voyant, elle eut conscience de la valeur de Hans Huvermann
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Markus Zusak (The Book Thief)
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Il y eut un silence et il dit :
- J'ai cru bien faire, Herr Unteroffizier.
- Il ne faut pas croire, BĂŒrkel. Il faut obĂ©ir.
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Robert Merle (La mort est mon métier)
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DerriĂšre mon dos, un officier de sa suite chuchota d'une voix moqueuse : "Eh bien on leur donne quand mĂȘme une douche aprĂšs tout." Il y eut deux ou trois rires Ă©touffĂ©s.
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Robert Merle (La mort est mon métier)
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Il dort. Quoique le sort fut pour lui bien Ă©trange, Il vivait. Il mourut quand il n'eut plus son ange. La chose simplement d'elle-mĂȘme arriva, Comme la nuit se fait lorsque le jour s'en va.
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Victor Hugo (Les Misérables)
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l'homme élevé en dignités, que la fortune et sa naissance ont placé sur le grand théùtre, et qui, en entrant dans le monde, eut toutes les préventions pour lui, vaut toujours moins que sa réputation,
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Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (Le Mariage de Figaro)
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Il parvint à la reconnaitre au milieu du tumulte et, à travers les larmes de sa douleur irrémédiable de mourir sans elle, la regarda une derniÚre fois, pour toujours et à jamais, avec les yeux les plus lumineux, les plus tristes et les plus reconnaissants qu'elle lui eut vus en un demi-siÚcle de vie commune, et il réussit à lui dire dans un dernier souffle: << Dieu seul sait combien je t'ai aimée >>
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Gabriel GarcĂa MĂĄrquez (Love in the Time of Cholera)
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La gĂ©nĂ©rositĂ©, la noblesse dâĂąme, lâhumanitĂ© lui semblĂšrent peu Ă peu nâexister que chez ce jeune abbĂ©. Elle eut pour lui seul toute la sympathie et mĂȘme lâadmiration que ces vertus excitent chez les Ăąmes bien nĂ©es.
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Stendhal (The Red and the Black)
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Heureusement l'ennemi Ă©tait on ne peut moins entreprenant. Il y eut des nuits oĂč notre position eĂ»t pu ĂȘtre prise d'assaut par vingt boy-scouts armĂ©s de carabines Ă air comprimĂ©, ou tout aussi bien par vingt girl-guides armĂ©es de raquettes.
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George Orwell (Homage to Catalonia)
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Ce serait peut-ĂȘtre de lâimpiĂ©tĂ© chez Saint Augustin (par exemple), si dâun cĂŽtĂ© on lui proposait dâenterrer ses Ă©crits, dont notre religion reçoit un si grand fruit, ou dâenterrer ses enfants au cas oĂč il en eut, sâil nâaimait pas mieux enterrer ses enfants.
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Michel de Montaigne (Essais â Livre II (Français moderne et moyen Français comparĂ©s) (French Edition))
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Toute la petite société entra dans ce louable dessein ; chacun se mit à exercer ses talents. La petite terre rapporta beaucoup. Cunégonde était à la vérité bien laide ; mais elle devint une excellente pùtissiÚre ; Paquette broda ; la vieille eut soin du linge.
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Voltaire (Candide)
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« Un homme trĂšs croyant priait chaque jour son Dieu, puis un jour il perdit beaucoup dâargent et se mit Ă prier Dieu pour gagner au loto⊠Au bout de nombreuses annĂ©es, lâhomme mourut et comme il Ă©tait un croyant rempli de ferveur, il rencontra Dieu. Il lui dit alors : âDieu, pourquoi ne mâas-tu pas aidĂ© pour gagner au loto au moment oĂč jâen avais le plus besoin alors que je tâai toujours servi avec ferveur ?â Et Dieu lui rĂ©pondit : âMon fils je nâaurais pas demandĂ© mieux que de tâaider mais encore eut-il fallu que tu achĂštes un billet du loto.â »
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Anne Meurois-Givaudan (Petit manuel pour un grand passage)
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Une fois, il m'a dit que j'Ă©tais belle. Il y a plus de vingt ans et j'avais un peu plus de vingt ans. J'Ă©tais joliment vĂȘtue, un faux air de Dior; il voulait coucher avec moi. Son compliment eut raison de mes jolis vĂȘtements.
Vous voyez, on se ment toujours.
Parce que l'amour ne résisterait pas à la vérité.
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Grégoire Delacourt (La liste de mes envies)
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Il eut un rire mĂ©prisant. âNon, je ne parle pas dâordres reçus et dâobĂ©issance. Le bourreau nâobĂ©it pas Ă des ordres. Il fait son travail, il ne hait pas ceux quâil exĂ©cute, il ne se venge pas sur eux, il ne les supprime pas parce quâils le gĂȘnent ou le menacent ou lâagressent. Ils lui sont complĂštement indiffĂ©rents. Ils lui sont tellement indiffĂ©rents quâil peut tout aussi bien les tuer que ne pas les tuer.â
Il me regarda. âPas de mais? Allez-y, dites quâil nâest pas permis quâun homme soit Ă ce point indiffĂ©rent Ă un autre. On ne vous a pas appris ça? La solidaritĂ© avec tout ce qui a visage humain? La dignitĂ© humaine? Le respect de la vie?
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Bernhard Schlink (The Reader)
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Toutes les nuits je ne pense qu'en celle
Qui a le corps plus gent qu'une pucelle
De quatorze ans, sur le point d'enrager:
Et au dedans un cĆur, pour abrĂ©ger,
Autant joyeux qu'eut oncques damoiselle.
Elle a beau teint, un parler de bon zéle,
Et le tétin rond comme une grozelle;
N'ai-je donc pas bien cause de songer
Toutes les nuits?
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Clément Marot
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Plus tard, entre le rĂȘve Ă©veillĂ© et la lĂ©thargie, elle sentit un courant dâair trĂšs frais derriĂšre elle, avant quâune douce chaleur irradie le long de son dos. Un bras fort se resserra autour de sa taille et elle se sentit lovĂ©e contre un torse ferme et agrĂ©ablement chaud. Elle nâeut mĂȘme pas Ă rĂ©flĂ©chir pour reconnaĂźtre la silhouette de Tristan. Tout son ĂȘtre le reconnaissait.
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Elisia Blade (Séduire & Conquérir (Crush Story #4))
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Sabran se recula pour l'examiner. Ead eut un aperçu de ses expressions Ă la lueur des bougies â le front lisse, les yeux sombres et dĂ©terminĂ©s â avant qu'elles s'unissent Ă nouveau, et leur baiser fut cette fois chaud, novice, fondateur, la naissance d'une Ă©toile sur leurs lĂšvres. Elles Ă©taient des rayons de miel secrets, fragiles et complexes. Ead frissonna quand la nuit accueillie sa peau.
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Samantha Shannon (The Priory of the Orange Tree (The Roots of Chaos, #1))
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la ration de viande Ă©tait si rĂ©duite que les chansonniers prĂ©tendaient quâon pouvait l envelopper dans un ticket de mĂ©tro - Ă condition que le ticket nâeut pas Ă©tĂ© poinçonnĂ©, sinon, la viande risquait de tomber par le trou. (âŠ) Certaines Ă©toffes Ă©taient en fibre de bois. (âŠ) quelques cinĂ©mas restaient ouverts grĂące aux gĂ©nĂ©rateurs Ă©lectriques quâactionnaient de vaillants pĂ©daleurs. (1re partie, ch. 2)
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Larry Collins (Is Paris Burning?)
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Elle passa la main sur son front, sâobligeant Ă respirer avec lenteur pour chasser le cauchemar qui pulsait encore dans chacune des fibres de son corps. Elle se leva sans bruit.
â Que tâarrive-t-il ? murmura Salim prĂšs dâelle.
â Un mauvais rĂȘve. Je vais marcher un peu. Pour oublier...
â Je viens.
Ce nâĂ©tait pas une question ni mĂȘme une proposition. Aussi silencieux lâun que lâautre, ils sâĂ©loignĂšrent du tas de cendres qui rougeoyait toujours. Ils nâavaient pas fait trois pas que la voix dâEdwin sâĂ©leva. Parfaitement Ă©veillĂ©e.
â Ne dĂ©passez pas la limite des arbres.
Puis celle dâEllana. Gouailleuse.
â Ni les autres.
Salim nâeut pas le temps de trouver une rĂ©plique.
â Les limites exister pour ĂȘtre dĂ©passĂ©es !
â Et si vous fichiez la paix Ă ces jeunes gens ?
Chiam et Erylis ! Son cauchemar eût-il été moins prégnant, Ewilan aurait éclaté de rire.
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Pierre Bottero (L'Ćil d'Otolep (Les Mondes d'Ewilan, #2))
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Il y eut un moment, par exemple, oĂč M. Gliddon, ne pouvant pas faire comprendre Ă l'Egyptien le mot : la Politique, s'avisa heureusement de dessiner sur le mur, avec un morceau de charbon, un petit monsieur au nez bourgeonnĂ©, aux coudes troussĂ©s, grimpĂ© sur un piedestal, la jambe gauche tendue en arriĂšre, le bras droit projetĂ© en avant, le poing fermĂ©, les yeux convulsĂ©s vers le ciel, et la bouche ouverte sous un angle de 90 degrĂ©s.
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Edgar Allan Poe (Nouvelles histoires extraordinaires)
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La mort ne faisait pas souffrir. C'Ă©tait la vie, cette atroce sensation d'Ă©touffement : c'Ă©tait le dernier coup que devait lui porter la vie. Ses mains et ses pieds, dans un dernier sursaut de volontĂ©, se mirent Ă battre, Ă faire bouillonner l'eau, faiblement, spasmodiquement. Mais malgrĂ© ses efforts dĂ©sespĂ©rĂ©s, il ne pourrait jamais plus remonter ; il Ă©tait trop bas, trop loin. Il flottait languissement, bercĂ© par un flot de visions trĂšs douces. Des couleurs, une radieuse lumiĂšre l'enveloppaient, le baignaient, le pĂ©nĂ©traient. Qu'Ă©tait-ce ? On aurait dit un phare. Mais non, c'Ă©tait dans son cerveau, cette Ă©blouissante lumiĂšre blanche. Elle brillait de plus en plus resplendissante. Il y eut un long grondement, et il lui sembla glisser sur une interminable pente. Et, tout au fond, il sombra dans la nuit. Ăa, il le sut encore : il avait sombrĂ© dans la nuit. Et au moment mĂȘme oĂč il le sut, il cessa de le savoir.
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Jack London (Martin Eden)
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Un homme Ă©tait-il Ă©minent en pouvoir, en vertu, en richesses ou en crĂ©dit, il fut seul Ă©lu magistrat, et lâĂ©tat devint monarchique. Si plusieurs, Ă peu prĂšs Ă©gaux entre eux, lâemportaient sur tous les autres, ils furent Ă©lus conjointement, et lâon eut une aristocratie. Ceux dont la fortune ou les talents Ă©taient moins disproportionnĂ©s, et qui sâĂ©taient le moins Ă©loignĂ©s de lâĂ©tat de nature, gardĂšrent en commun lâadministration suprĂȘme, et formĂšrent une dĂ©mocratie.
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Jean-Jacques Rousseau (Discourse on the Origin of Inequality (Dover Thrift Editions: Philosophy))
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Mais quand il les eut mises en branle, quand il sentit cette grappe de cloches remuer sous sa main, quand il vit, car il ne l'entendait pas, l'octave palpitante monter et descendre sur cette échelle sonore comme un oiseau qui saute de branche en branche, quand le diable musique, ce démon qui secoue un trousseau étincelant de strettes, de trilles et d'arpÚges, se fut emparé du pauvre sourd, alors il redevint heureux, il oublia tout, et son coeur qui se dilatait fit épanouir son visage.
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Victor Hugo (Notre Dame de Paris)
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Un jour, dit la lĂ©gende, il y eut un immense incendie de forĂȘt. Tous les animaux terrifiĂ©s et atterrĂ©s observaient, impuissants, le dĂ©sastre. Seul le petit colibri sâactive, allant chercher quelques gouttes dâeau dans son bec pour les jeter sur le feu.
Au bout dâun moment, le tatou, agacĂ© par ses agissements dĂ©risoires, lui dit: « Colibri ! Tu nâes pas fou ? Tu crois que câest avec ces gouttes dâeau que tu vas Ă©teindre le feu ? »
« Je le sais », répond le colibri, « mais je fais ma part.
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Pierre Rabhi (La part du colibri: L'EspĂšce humaine face Ă son devenir)
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- Bon, intervint Camille. par quoi commence-t-on ? Nous allons chez Mathieu ?
Il n'y eut pas de réponse et elle planta les mains sur ses hanches.
- Je vous signale que je suis la plus jeune, les fustigea-t-elle. Vous pourriez faire un effort et ne pas me laisser prendre seule toutes les décisions. vous ressemblez à deux moutons !
- Ne t'inquiĂštes pas, Bjorn, persifla Salim. Ăa la prend rĂ©guliĂšrement, mais elle fait des progrĂšs. Il n'y a pas longtemps, elle me traitait de mollusque. Me voilĂ devenu mouton. Peut-ĂȘtre un jour aurai-je le droit d'ĂȘtre traitĂ© comme un humain ! Dis-moi ma vieille, poursuivit-il Ă l'intention de Camille, ça changerait quoi qu'on te donne notre avis ? Tu ne tiens jamais compte de ce qu'on te propose ! Suppose que je te conseille d'attendre demain pour rendre visite Ă ton frĂšre. Quelle serait ta rĂ©action ?
- Je t'écouterai jusqu'au bout, lança-t-elle d'une voix tranquille, et je te dirais que ton idée est stupide. Nous y allons tout de suite. En route !
Bjorn la regardait, sidĂ©rĂ©, et Salim hocha la tĂȘte.
- Surprenante, non ?
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Pierre Bottero (L'Ăźle du destin (La QuĂȘte d'Ewilan, #3))
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Des millions de projectiles destructeurs ont Ă©tĂ© lancĂ©s au cours de cette guerre mondiale, les ingĂ©nieurs ont imaginĂ© les engins balistiques les plus puissants, les plus violents, Ă la portĂ©e la plus grande. Mais, dans lâhistoire contemporaine, aucun projectile nâeut plus de portĂ©e et ne fut plus dĂ©cisif que ce train, chargĂ© des rĂ©volutionnaires les plus dangereux, les plus rĂ©solus du siĂšcle, et qui, une fois franchie la frontiĂšre suisse, file Ă travers lâAllemagne pour gagner Saint-PĂ©tersbourg oĂč il fera voler en Ă©clats lâordre du monde.
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Stefan Zweig (Decisive Moments in History: Twelve Historical Miniatures)
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La chute de la Monarchie avait Ă©tĂ© si prompte, que, la premiĂšre stupĂ©faction passĂ©e, il y eut chez les bourgeois comme un Ă©tonnement de vivre encore. LâexĂ©cution sommaire de quelques voleurs, fusillĂ©s sans jugements, parut une chose trĂšs juste. On se redit, pendant un mois, la phrase de Lamartine sur le drapeau rouge, » qui nâavait fait que le tour du Champ de Mars, tandis que le drapeau tricolore », etc ; et tous se rangĂšrent sous son ombre, chaque parti ne voyant des trois couleurs que la sienne - et se promettant bien, dĂšs quâil serait le plus fort, dâarracher les deux autres.
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Gustave Flaubert (Sentimental Education)
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Le Sirien reprit les petites mites, il leur parla encore avec beaucoup de bontĂ©, quoiquâil fĂ»t un peu fĂąchĂ© dans le fond du cĆur de voir que les infiniment petits eussent un orgueil presque infiniment grand. Il leur promit de leur faire un beau livre de philosophie, Ă©crit fort menu pour leur usage, et que, dans ce livre, ils verraient le bout des choses. Effectivement, il leur donna ce volume avant son dĂ©part : on le porta Ă Paris Ă lâacadĂ©mie des sciences ; mais, quand le vieux secrĂ©taire lâeut ouvert, il ne vit rien quâun livre tout blanc : « Ah ! dit-il, je mâen Ă©tais bien doutĂ©. »
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Voltaire (Micromegas)
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Puis elle sâavisa que la lettre pourrait ĂȘtre utile, la dĂ©froissa soigneusement sur son couvreâpied et la relut en se rongeant les ongles. Quand elle eut une bonne demiâdouzaine de rognures, elle les rassembla entre le pouce et lâindex, dĂ©fit le pommeau de cuivre dâun montant de son lit et les laissa tomber dedans, lâair grave et solennel. Depuis une cinquantaine dâannĂ©es, elle accumulait ainsi ses rognures et avait dĂ©jĂ rempli les deux montants du pied. CâĂ©tait une des rares et modesres joies de son existence solitaire que de se figurer en esprit de temps Ă autre la masse quâelles formeraient si on les rassemblait dans un seau. (chapitre 28)
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Yves Beauchemin (Juliette Pomerleau)
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Je voulais vous exposer mon livre aussi succinctement que possible; mais je vois qu'il me faudra y joindre encore quantité d'explications verbales. Mon exposé exigera donc au moins dix soirées d'aprÚs le nombre de chapitres de mon livre. (Il y eut quelques rires.) De plus, je dois vous prévenir que mon systÚme n'est pas complÚtement achevé. (Nouveaux rires.) Je me suis embrouillé dans mes propres données et ma conclusion se trouve en contradiction directe avec l'idée fondamentale du systÚme. Partant de la liberté illimitée, j'aboutis au despotisme illimité. J'ajoute à cela, cependant, qu'il ne peut y avoir d'autre solution du problÚme que la mienne.
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Fyodor Dostoevsky (Demons)
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Il eut mĂȘme le temps de comparer les mĂ©rites respectifs de l'une et de l'autre et de faire ce choix sans consĂ©quence pratique que font presque toujours les hommes en regardant les femmes. Darenski, qui cherchait Ă mettre la main sur le commandant de l'armĂ©e, qui se demandait si celui-ci lui donnerait les chiffres dont il avait besoin, qui se demandait oĂč il pourrait trouver Ă manger et Ă dormir, qui aurait aimĂ© savoir si la division oĂč il devait se rendre n'Ă©tait pas trop Ă©loignĂ©e et si la route qui y menait n'Ă©tait pas trop mauvaise, Darenski, donc, eut le temps de se dire pour la forme (mais quand mĂȘme pas seulement pour la forme): 'Celle-lĂ !' Et il advint qu'il n'alla pas chez le chef de l'Ă©tat-major mais resta Ă jouer aux cartes.
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Vasily Grossman
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Un grondement montait de la grille oĂč elle s'Ă©tait immobilisĂ©e. Des profondeurs souterraines Ă©manait le grincement des roues d'acier, puis soudain, plus proche, un tintamarre de klaxons, de crissements de pneus et de freins, de heurts de pare-chocs se dĂ©chaĂźna. Pivotant sur elle-mĂȘme, elle vit des conducteurs vitupĂ©rant Clyde qui traversait en zigzag Ă toute vitesse.
Il lui attrapa la main et ils se mirent Ă courir, jusqu'Ă une paisible ruelle latĂ©rale qu'adoucissait encore une rangĂ©e d'arbres. Quand il s'arrĂȘtĂšrent essoufflĂ©s pour s'appuyer contre un mur, il lui glissa dans les mains un petit bouquet de violettes. Elle n'eut pas besoin de les regarder pour savoir qu'il les avait volĂ©es, comme si elle avait assistĂ© Ă la scĂšne. Les fleurs contenaient l'Ă©tĂ© tout entier, avec ses ombres et ses lumiĂšres gravĂ©es dans les feuilles, et elle en pressa toute la fraĂźcheur contre sa joue.
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Truman Capote (Summer Crossing)
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Il eut soudain envie d'abandonner ses projets, de sortir dans la nuit et de partir. Il allait traverser les montagnes enneigĂ©es, sans s'arrĂȘter, et parcourir les cents lieus qui le sĂ©paraient de l'Auvergne, et lĂ -bas se rĂ©fugier dans sa vieille caverne et s'y endormir pour ne jamais se rĂ©veiller. Mais il n'en fit rien. Il resta assis et ne cĂ©da pas, parce que c'Ă©tait chez lui une envie ancienne, de partir et de se rĂ©fugier dans sa caverne. Il connaissait cela. Ce qu'en revanche il ne connaissait pas encore, c'Ă©tait de possĂ©der un parfum humain, aussi magnifique que le parfum de la jeune fille derriĂšre le mur. Et quoiqu'il sĂ»t devoir payer cruellement la possession de ce parfum de sa perte ultĂ©rieure, cette possession et cette perte lui parurent plus dĂ©sirables que de renoncer abruptement Ă l'une comme Ă l'autre. Car il avait passĂ© sa vie Ă renoncer. Tandis que jamais encore il n'avait possĂ©dĂ© et perdu.
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Patrick SĂŒskind (Perfume: The Story of a Murderer)
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Lâagonie de notre temps gĂźt lĂ .
Le siĂšcle ne sâeffondre pas faute de soutien matĂ©riel. Jamais lâunivers ne fut si riche, comblĂ© de tant de confort, aidĂ© par une industrialisation Ă ce point productrice.
Jamais il nây eut tant de ressources ni de biens offerts.
Câest le cĆur de lâhomme, et lui seul, qui est en Ă©tat de faillite.
Câest faute dâaimer, câest faute de croire et de se donner, que le monde sâaccable lui-mĂȘme des coups qui lâassassinent.
Le siĂšcle a voulu nâĂȘtre plus que le siĂšcle des appĂ©tits. Son orgueil lâa perdu. Il a cru aux machines, aux stocks, aux lingots, sur lesquels il rĂ©gnerait en maĂźtre. Il a cru, tout autant, Ă la victoire des passions charnelles projetĂ©es au delĂ de toutes les limites, Ă la libĂ©ration des formes les plus diverses des jouissances, sans cesse multipliĂ©es, toujours plus avilies et plus avilissantes, dotĂ©es dâune « technique » qui nâest, en somme, gĂ©nĂ©ralement, quâune accumulation, sans grande imagination, dâassez pauvres vices, dâĂȘtres vidĂ©s.
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Leon Degrelle (Almas ardiendo: notas de paz, de guerra y de exilio)
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De fait, la relation entre lâamour et la nuit nâest pas seulement un thĂšme bien connu de la poĂ©sie romantique. Elle a aussi un soubassement existentiel diversement attestĂ©. Universellement, câest surtout la nuit quâhommes et femmes sâunissent sexuellement. MĂȘme lorsquâil sâagit d'une simple aventure, la formule typique et la promesse seront toujours une « nuit d'amour » â dans ce contexte une « matinĂ©e dâamour » ferait l'effet d une fausse note.
[...] Et si souvent les femmes â certaines femmes â dĂ©sirent encore maintenant cette condition, câest parce quâagit en elles, plus que la pudeur, un lointain reflet instinctif du phĂ©nomĂšne servant de fondement aux dispositions ou usages rituels dont on a parlĂ© et leur confĂ©rant une signification qui nâa rien de saugrenu. Hathor, dĂ©esse Ă©gyptienne de lâamour, eut aussi le nom de «MaĂźtresse de la Nuit», et lâon peut peut-ĂȘtre saisir un lointain Ă©cho de tout cela dans ce vers de Baudelaire : «Tu charmes comme le soir â Nymphe tĂ©nĂ©breuse et chaude».
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Julius Evola (Eros and the Mysteries of Love: The Metaphysics of Sex)
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De nos jours, tout le monde veut paraĂźtre intelligent ; on aimerait mieux ĂȘtre taxĂ© de criminel que de naĂŻf, si cela pouvait se faire sans risques. Mais comme l'intelligence ne se tire pas du vide, on a recours Ă des subterfuges : l'un des plus courants est la manie de la "dĂ©mystification", qui permet d'avoir l'air intelligent Ă peu de frais, car il suffit de dire que la rĂ©action normale vis-Ă -vis de tel phĂ©nomĂšne est un "prĂ©jugĂ©" et qu'il est grand temps de le prĂ©senter en dehors de la "lĂ©gende" ; si on pouvait soutenir que l'ocĂ©an est un Ă©tang et l'Himalaya une colline, on le ferait. Il est impossible Ă certains auteurs de se borner Ă constater, comme tout le monde l'a fait avant eux, que telle chose ou tel homme eut telles qualitĂ©s et tel destin ; il faut toujours commencer par faire remarquer qu'"on a trop dit que..." et que la rĂ©alitĂ© est tout autre, et qu'on l'a enfin dĂ©couverte, et qu'auparavant tout le monde Ă©tait dans le "mensonge". On applique ce stratagĂšme surtout Ă des choses Ă©videntes et universellement connues ; ce serait par trop naĂŻf sans doute de reconnaĂźtre en deux mots qu'un lion est un carnivore et qu'il n'est pas tout Ă fait sans danger.
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Frithjof Schuon (Light on the Ancient Worlds: A New Translation with Selected Letters (Library of Perennial Philosophy))
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Le premier empereur est appelé l'Empereur du Ciel. Il a déterminé l'ordre du temps qu'il a divisé en dix troncs célestes et douze branches terrestres, le tout formant un cycle. Cet empereur vécut dix-huit mille ans. Le second empereur est l'Empereur de la Terre ; il vécut aussi dix-huit mille ans : on lui attribue la division du mois en trente jours.
Le troisiÚme empereur est l'Empereur des Hommes. Sous son rÚgne apparaissent les premiÚres ébauches de la vie sociale. Il partage son territoire en neuf parties, et à chacune d'elles il donne pour chef un des membres de sa famille. L'histoire célÚbre pour la premiÚre fois les beautés de la nature et la douceur du climat. Ce rÚgne eut quarante-cinq mille cinq cents ans de durée.
Pendant ces trois rĂšgnes qui embrassent une pĂ©riode de quatre-vingt-un mille ans, il n'est question ni de l'habitation, ni du vĂȘtement. L'histoire nous dit que les hommes vivaient dans des cavernes, sans crainte des animaux, et la notion de la pudeur n'existait pas parmi eux.
A la suite de quels événements cet état de choses se transforma-t-il ? L'histoire n'en dit mot. Mais on remarquera les noms des trois premiers empereurs qui comprennent trois termes, le ciel, la terre, les hommes, gradation qui conduit à l'hypothÚse d'une décadence progressive dans l'état de l'humanité.
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Tcheng-Ki-Tong (Les Chinois peints par eux-mĂȘmes)
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longs & enfin avec un de vingt-quatre pouces, & trouva toujours les mĂȘmes effets. Au lieu de bois M. Gray se servit dans la suite d'un fil de fer, puis d'un fil de laiton, & eut encore le mĂȘme succĂšs; mais comme les vibrations de ces fils de fer, & de laiton, causĂ©es par le frottement du tube, Ă©toient incommodes, surtout lorsque les fils Ă©toient longs de deux ou trois pieds, il imagina de suspendre la boule Ă l'extrĂ©mitĂ© d'une ficelle nouĂ©e au tube par son autre extrĂ©mitĂ©; Ă©tant sur un balcon Ă©levĂ© de trente-six pieds, il laissa pendre la boule ainsi attachĂ©e au tube par le moyen d'une ficelle de cette longueur; le tube Ă©tant frottĂ©, la boule attira & repoussa du cuivre en feuilles qui Ă©toit au-dessous d'elle. M. Gray essaya ensuite de transmettre en ligne horizontale l'Ă©lectricitĂ© Ă de bien plus grandes distances; il y rĂ©ussit d'abord en se servant pour cela d'une ficelle soutenuĂ« horizontalement Ă quelque distance de terre sur des fils de soye, & transmit l'Ă©lectricitĂ© Ă cent quarante pieds; mais comme il vouloit pousser plus loin son expĂ©rience, les fils de soye s'Ă©tant rompus, il leur substitua des fils-d'archal de la mĂȘme finesse; car il s'imaginoit que le succĂšs de l'expĂ©rience dĂ©pendoit de la finesse de ces fils, qu'il croyoit trop minces pour pouvoir intercepter une partie sensible de la force Ă©lectrique communiquĂ©e par le tube Ă la ficelle & Ă la boule. Quand il vint Ă frotter le tube, l'Ă©lectricitĂ© ne fut point transmise Ă l'extrĂ©mitĂ© de la ficelle. Il reconnut de lĂ que le succĂšs de la premiĂšre expĂ©rience ne venoit pas de la finesse des fils
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Benjamin Franklin (Experiments and observations on electricity. French (French Edition))
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L'armĂ©e de Charles Martel se composait de Bourguignons, d'Allemands, de Gaulois, et celle d'AbdĂ©rame d'Arabes et de BerbĂšres. Le combat resta indĂ©cis une partie de la journĂ©e, mais le soir, un corps de soldats francs s'Ă©tant dĂ©tachĂ© du gros de l'armĂ©e pour se porter vers le camp des musulmans, ces derniers quittĂšrent le champ de bataille en dĂ©sordre pour aller dĂ©fendre leur butin, et cette manĆuvre maladroite entraĂźna leur perte. Ils durent battre en retraite et retourner dans les provinces du sud. Charles Martel les suivit de loin. ArrivĂ© devant Narbonne, il l'assiĂ©gea inutilement, et s'Ă©tant mis alors, suivant l'habitude de l'Ă©poque, Ă piller tous les pays environnants, les seigneurs chrĂ©tiens s'alliĂšrent aux Arabes pour se dĂ©barrasser de lui, et l'obligĂšrent Ă battre en retraite. BientĂŽt remis de l'Ă©chec que leur avait infligĂ© Charles Martel, les musulmans continuĂšrent Ă occuper leurs anciennes positions, et se maintiennent encore en Lrance pendant deux siĂšcles. En 737, le gouverneur de Marseille leur livre la Provence, et ils occupent Arles. En 889, nous les retrouvons encore Ă Saint-Tropez, et ils se maintiennent en Provence jusqu'Ă la fin du dixiĂšme siĂšcle. En 935, ils pĂ©nĂštrent dans le Valais et la Suisse. Suivant quelques auteurs, ils seraient mĂȘme arrivĂ©s jusqu'Ă Metz.
Le séjour des Arabes en France, plus de deux siÚcles aprÚs Charles Martel, nous prouve que la victoire de ce dernier n'eut en aucune façon l'importance que lui attribuent tous les historiens. Charles Martel, suivant eux, aurait sauvé l'Europe et la chrétienté. Mais cette opinion, bien qu'universellement admise, nous semble entiÚrement privée de fondement.
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Gustave Le Bon (Ű۶ۧ۱۩ ۧÙŰč۱ۚ)
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Le « mythe », comme lâ« idole » nâa jamais Ă©tĂ© quâun symbole incompris : lâun est dans lâordre verbal ce que lâautre est dans lâordre figuratif ; chez les Grecs, la poĂ©sie produisit le premier comme lâart produisit la seconde ; mais, chez les peuples Ă qui, comme les Orientaux, le naturalisme et lâanthropomorphisme sont Ă©galement Ă©trangers, ni lâun ni lâautre ne pouvaient prendre naissance, et ils ne le purent en effet que dans lâimagination dâOccidentaux qui voulurent se faire les interprĂštes de ce quâils ne comprenaient point. LâinterprĂ©tation naturaliste renverse proprement les rapports : un phĂ©nomĂšne naturel peut, aussi bien que nâimporte quoi dans lâordre sensible, ĂȘtre pris pour symboliser une idĂ©e ou un principe, et le symbole nâa de sens et de raison dâĂȘtre quâautant quâil est dâun ordre infĂ©rieur Ă ce qui est symbolisĂ©. De mĂȘme, câest sans doute une tendance gĂ©nĂ©rale et naturelle Ă lâhomme que dâutiliser la forme humaine dans le symbolisme ; mais cela, qui ne prĂȘte pas en soi Ă plus dâobjections que lâemploi dâun schĂ©ma gĂ©omĂ©trique ou de tout autre mode de reprĂ©sentation, ne constitue nullement lâanthropomorphisme, tant que lâhomme nâest point dupe de la figuration quâil a adoptĂ©e. En Chine et dans lâInde, il nây eut jamais rien dâanalogue Ă ce qui se produisit en GrĂšce, et les symboles Ă figure humaine, quoique dâun usage courant, nây devinrent jamais des « idoles » ; et lâon peut encore noter Ă ce propos combien le symbolisme sâoppose Ă la conception occidentale de lâart : rien nâest moins symbolique que lâart grec, et rien ne lâest plus que les arts orientaux ; mais lĂ oĂč lâart nâest en somme quâun moyen dâexpression et comme un vĂ©hicule de certaines conceptions intellectuelles, il ne saurait Ă©videmment ĂȘtre regardĂ© comme une fin en soi, ce qui ne peut arriver que chez les peuples Ă sentimentalitĂ© prĂ©dominante. Câest Ă ces mĂȘmes peuples seulement que lâanthropomorphisme est naturel, et il est Ă remarquer que ce sont ceux chez lesquels, pour la mĂȘme raison, a pu se constituer le point de vue proprement religieux ; mais, dâailleurs, la religion sây est toujours efforcĂ©e de rĂ©agir contre la tendance anthropomorphique et de la combattre en principe, alors mĂȘme que sa conception plus ou moins faussĂ©e dans lâesprit populaire contribuait parfois au contraire Ă la dĂ©velopper en fait. Les peuples dits sĂ©mitiques, comme les Juifs et les Arabes, sont voisins sous ce rapport des peuples occidentaux : il ne saurait, en effet, y avoir dâautre raison Ă lâinterdiction des symboles Ă figure humaine, commune au JudaĂŻsme et Ă lâIslamisme, mais avec cette restriction que, dans ce dernier, elle ne fut jamais appliquĂ©e rigoureusement chez les Persans, pour qui lâusage de tels symboles offrait moins de dangers, parce que, plus orientaux que les Arabes, et dâailleurs dâune tout autre race, ils Ă©taient beaucoup moins portĂ©s Ă lâanthropomorphisme.
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René Guénon (Introduction to the Study of the Hindu Doctrines)
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Jâai fait ma visite au lieu natal avec toute la piĂ©tĂ© dâun pĂšlerin, et bien des sentiments inattendus mâont saisi. Je fis arrĂȘter prĂšs du grand tilleul qui se trouve Ă un quart de lieue de la ville du cĂŽtĂ© de S⊠; je quittai la voiture, et je lâenvoyai en avant, afin de cheminer Ă pied et de savourer Ă mon grĂ© chaque souvenir, dans toute sa vie et sa nouveautĂ©. Je mâarrĂȘtai sous le tilleul, qui avait Ă©tĂ©, dans mon enfance, le but et le terme de mes promenades. Quelle diffĂ©rence ! Alors, dans une heureuse ignorance, je mâĂ©lançais avec ardeur vers ce monde inconnu, oĂč jâespĂ©rais pour mon cĆur tant de nourriture, tant de jouissances, qui devaient combler et satisfaire lâardeur de mes dĂ©sirs. Maintenant, jâen reviens de ce vaste mondeâŠ. O mon ami, avec combien dâespĂ©rances déçues, avec combien de plans renversĂ©s !⊠Les voilĂ devant moi les montagnes qui mille fois avaient Ă©tĂ© lâobjet de mes vĆux. Je pouvais rester des heures assis Ă cette place, aspirant Ă franchir ces hauteurs, Ă©garant ma pensĂ©e au sein des bois et des vallons, qui sâoffraient Ă mes yeux dans un gracieux crĂ©puscule, et, lorsquâau moment fixĂ© il me fallait revenir, avec quel regret ne quittais-je pas cette place chĂ©rie !⊠Jâapprochai de la ville : je saluai tous les anciens pavillons de jardin ; les nouveaux me dĂ©plurent, comme tous les changements quâon avait faits. Je franchis la porte de la ville, et dâabord je me retrouvai tout Ă fait. Mon ami, je ne veux pas mâarrĂȘter au dĂ©tail : autant il eut de charme pour moi, autant il serait monotone dans le rĂ©cit. Jâavais rĂ©solu de me loger sur la place, tout Ă cĂŽtĂ© de notre ancienne maison. Je remarquai, sur mon passage, que la chambre dâĂ©cole, oĂč une bonne vieille femme avait parquĂ© notre enfance, sâĂ©tait transformĂ©e en une boutique de dĂ©tail. Je me rappelai lâinquiĂ©tude, les chagrins, lâĂ©tourdissement, lâangoisse que jâavais endurĂ©s dans ce trouâŠ. Je ne pouvais faire un pas qui ne mâoffrĂźt quelque chose de remarquable. Un pĂšlerin ne trouve pas en terre sainte autant de places consacrĂ©es par de religieux souvenirs, et je doute que son ame soit aussi remplie de saintes Ă©motionsâŠ. Encore un exemple sur mille : je descendis le long de la riviĂšre, jusquâĂ une certaine mĂ©tairie. CâĂ©tait aussi mon chemin autrefois, et la petite place oĂč les enfants sâexerçaient Ă qui ferait le plus souvent rebondir les pierres plates Ă la surface de lâeau. Je me rappelai vivement comme je mâarrĂȘtais quelquefois Ă suivre des yeux le cours de la riviĂšre ; avec quelles merveilleuses conjectures je lâaccompagnais ; quelles Ă©tranges peintures je me faisais des contrĂ©es oĂč elle allait courir ; comme je trouvais bientĂŽt les bornes de mon imagination, et pourtant me sentais entraĂźnĂ© plus loin, toujours plus loin, et finissais par me perdre dans la contemplation dâun vague lointainâŠ. Mon ami, aussi bornĂ©s, aussi heureux, Ă©taient les vĂ©nĂ©rables pĂšres du genre humain ; aussi enfantines, leurs impressions, leur poĂ©sie. Quand Ulysse parle de la mer immense et de la terre infinie, cela est vrai, humain, intime, saisissant et mystĂ©rieux. Que me sert maintenant de pouvoir rĂ©pĂ©ter, avec tous les Ă©coliers, quâelle est ronde ? Il nâen faut Ă lâhomme que quelques mottes pour vivre heureux dessus, et moins encore pour dormir dessousâŠ
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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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Le dément
- N'avez-vous pas entendu parler de ce dément qui, dans la clarté de midi alluma une lanterne, se précipita au marché et cria sans discontinuer : « Je cherche Dieu ! Je cherche Dieu ! »
âĂtant donnĂ© qu'il y avait justement lĂ beaucoup de ceux qui ne croient pas en Dieu, il dĂ©chaĂźna un Ă©norme Ă©clat de rire. S'est-il donc perdu ? disait l'un. S'est-il Ă©garĂ© comme un enfant ? disait l'autre. Ou bien s'est-il cachĂ© ? A-t-il peur de nous ? S'est-il embarquĂ© ? A-t-il Ă©migrĂ© ?âainsi criaient-ils en riant dans une grande pagaille. Le dĂ©ment se prĂ©cipita au milieu d'eux et les transperça du regard.
« OĂč est passĂ© Dieu ? lança-t-il, je vais vous le dire ! Nous l'avons tuĂ©,âvous et moi ! Nous sommes tous ses assassins ! Mais comment avons-nous fait cela ? Comment pĂ»mes-nous boire la mer jusqu'Ă la derniĂšre goutte ? Qui nous donna l'Ă©ponge pour faire disparaĂźtre tout l'horizon ? Que fĂźmes-nous en dĂ©tachant cette terre de son soleil ? OĂč l'emporte sa course dĂ©sormais ? OĂč nous emporte notre course ? Loin de tous les soleils ? Ne nous abĂźmons-nous pas dans une chute permanente ? Et ce en arriĂšre, de cĂŽtĂ©, en avant, de tous les cĂŽtĂ©s ? Est-il encore un haut et un bas ? N'errons-nous pas comme Ă travers un nĂ©ant infini ? L'espace vide ne rĂ©pand-il pas son souffle sur nous ? Ne s'est-il pas mis Ă faire plus froid ? La nuit ne tombe-t-elle pas continuellement, et toujours plus de nuit ? Ne faut-il pas allumer des lanternes Ă midi ? N'entendons-nous rien encore du bruit des fossoyeurs qui ensevelissent Dieu ? Ne sentons-nous rien encore de la dĂ©composition divine ?âles dieux aussi se dĂ©composent ! Dieu est mort ! Dieu demeure mort ! Et nous l'avons tuĂ© ! Comment nous consolerons-nous, nous, assassins entre les assassins ? Ce que le monde possĂ©dait jusqu'alors de plus saint et de plus puissant, nos couteaux l'ont vidĂ© de son sang,âqui nous lavera de ce sang ? Avec quelle eau pourrions-nous nous purifier ? Quelles cĂ©rĂ©monies expiatoires, quels jeux sacrĂ©s nous faudra-t-il inventer ? La grandeur de cet acte n'est-elle pas trop grande pour nous ? Ne nous faut-il pas devenir nous-mĂȘmes des dieux pour apparaĂźtre seulement dignes de lui ? Jamais il n'y eut acte plus grand,âet quiconque naĂźt aprĂšs nous appartient du fait de cet acte Ă une histoire supĂ©rieure Ă ce que fut jusqu'alors toute histoire ! »
Le dément se tut alors et considéra de nouveau ses auditeurs : eux aussi se taisaient et le regardaient déconcertés. Il jeta enfin sa lanterne à terre : elle se brisa et s'éteignit.
« Je viens trop tĂŽt, dit-il alors, ce n'est pas encore mon heure. Cet Ă©vĂ©nement formidable est encore en route et voyage,âil n'est pas encore arrivĂ© jusqu'aux oreilles des hommes. La foudre et le tonnerre ont besoin de temps, la lumiĂšre des astres a besoin de temps, les actes ont besoin de temps, mĂȘme aprĂšs qu'ils ont Ă©tĂ© accomplis, pour ĂȘtre vus et entendus. Cet acte est encore plus Ă©loignĂ© d'eux que les plus Ă©loignĂ©s des astres,âet pourtant ce sont eux qui l'ont accompli. »
On raconte encore que ce mĂȘme jour, le dĂ©ment aurait fait irruption dans diffĂ©rentes Ă©glises et y aurait entonnĂ© son Requiem aeternam deo. ExpulsĂ© et interrogĂ©, il se serait contentĂ© de rĂ©torquer constamment ceci :
« Que sont donc encore ces églises si ce ne sont pas les caveaux et les tombeaux de Dieu ? »
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Friedrich Nietzsche (The Gay Science: With a Prelude in Rhymes and an Appendix of Songs)
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Les deux femmes, vĂȘtues de noir, remirent le corps dans le lit de ma sĆur, elles jetĂšrent dessus des fleurs et de lâeau bĂ©nite, puis, lorsque le soleil eut fini de jeter dans lâappartement sa lueur rougeĂątre et terne comme le regard dâun cadavre, quand le jour eut disparu de dessus les vitres, elles allumĂšrent deux petites bougies qui Ă©taient sur la table de nuit, sâagenouillĂšrent et me dirent de prier comme elles.
Je priai, oh ! bien fort, le plus quâil mâĂ©tait possible ! mais rien⊠LĂ©lia ne remuait pas !
Je fus longtemps ainsi agenouillĂ©, la tĂȘte sur les draps du lit froids et humides, je pleurais, mais bas et sans angoisses ; il me semblait quâen pensant, en pleurant, en me dĂ©chirant lâĂąme avec des priĂšres et des vĆux, jâobtiendrais un souffle, un regard, un geste de ce corps aux formes indĂ©cises et dont on ne distinguait rien si ce nâest, Ă une place, une forme ronde qui devait ĂȘtre La tĂȘte, et plus bas une autre qui semblait ĂȘtre les pieds. Je croyais, moi, pauvre naĂŻf enfant, je croyais que la priĂšre pouvait rendre la vie Ă un cadavre, tant jâavais de foi et de candeur !
Oh ! on ne sait ce quâa dâamer et de sombre une nuit ainsi passĂ©e Ă prier sur un cadavre, Ă pleurer, Ă vouloir faire renaĂźtre le nĂ©ant ! On ne sait tout ce quâil y a de hideux et dâhorrible dans une nuit de larmes et de sanglots, Ă la lueur de deux cierges mortuaires, entourĂ© de deux femmes aux chants monotones, aux larmes vĂ©nales, aux grotesques psalmodies ! On ne sait enfin tout ce que cette scĂšne de dĂ©sespoir et de deuil vous remplit le cĆur : enfant, de tristesse et dâamertume ; jeune homme, de scepticisme ; vieillard, de dĂ©sespoir !
Le jour arriva.
Mais quand le jour commença Ă paraĂźtre, lorsque les deux cierges mortuaires commençaient Ă mourir aussi, alors ces deux femmes partirent et me laissĂšrent seul. Je courus aprĂšs elles, et me traĂźnant Ă leurs pieds, mâattachant Ă leurs vĂȘtements :
â Ma sĆur ! leur dis-je, eh bien, ma sĆur ! oui, LĂ©lia ! oĂč est-elle ?
Elles me regardÚrent étonnées.
â Ma sĆur ! vous mâavez dit de prier, jâai priĂ© pour quâelle revienne, vous mâavez trompĂ© !
â Mais câĂ©tait pour son Ăąme !
Son Ăąme ? Quâest-ce que cela signifiait ? On mâavait souvent parlĂ© de Dieu, jamais de lâĂąme.
Dieu, je comprenais cela au moins, car si lâon mâeĂ»t demandĂ© ce quâil Ă©tait, eh bien, jâaurais pris La linotte de LĂ©lia, et, lui brisant la tĂȘte entre mes mains, jâaurais dit : « Et moi aussi, je suis Dieu ! » Mais lâĂąme ? lâĂąme ? quâest-ce cela ?
Jâeus la hardiesse de le leur demander, mais elles sâen allĂšrent sans me rĂ©pondre.
Son Ăąme ! eh bien, elles mâont trompĂ©, ces femmes. Pour moi, ce que je voulais, câĂ©tait LĂ©lia, LĂ©lia qui jouait avec moi sur le gazon, dans les bois, qui se couchait sur la mousse, qui cueillait des fleurs et puis qui les jetait au vent ; câĂ©tait Lelia, ma belle petite sĆur aux grands yeux bleus, LĂ©lia qui mâembrassait le soir aprĂšs sa poupĂ©e, aprĂšs son mouton chĂ©ri, aprĂšs sa linotte. Pauvre sĆur ! câĂ©tait toi que je demandais Ă grands cris, en pleurant, et ces gens barbares et inhumains me rĂ©pondaient : « Non, tu ne la reverras pas, tu as priĂ© non pour elle, mais tu as priĂ© pour son Ăąme ! quelque chose dâinconnu, de vague comme un mot dâune langue Ă©trangĂšre ; tu as priĂ© pour un souffle, pour un mot, pour le nĂ©ant, pour son Ăąme enfin ! »
Son Ăąme, son Ăąme, je la mĂ©prise, son Ăąme, je la regrette, je nây pense plus. Quâest-ce que ça me fait Ă moi, son Ăąme ? savez-vous ce que câest que son Ăąme ? Mais câest son corps que je veux ! câest son regard, sa vie, câest elle enfin ! et vous ne mâavez rien rendu de tout cela.
Ces femmes mâont trompĂ©, eh bien, je les ai maudites.
Cette malĂ©diction est retombĂ©e sur moi, philosophe imbĂ©cile qui ne sais pas comprendre un mot sans LâĂ©peler, croire Ă une Ăąme sans la sentir, et craindre un Dieu dont, semblable au PromĂ©thĂ©e dâEschyle, je brave les coups et que je mĂ©prise trop pour blasphĂ©mer.
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Gustave Flaubert (La derniÚre heure : Conte philosophique inachevé)
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Mais le premier de tous est un savant illustre, qui n'appartient pas seulement Ă la Bretagne, mais Ă la France, le cĂ©lĂšbre voyageur en Ăgypte, M. Caillaud. DouĂ© de l'esprit le plus sagace et le plus pĂ©nĂ©trant, il a fait en histoire naturelle plusieurs dĂ©couvertes, une surtout, des plus intĂ©ressantes, pour laquelle la Hollande lui a dĂ©cernĂ©, il y a peu d'annĂ©es, un prix extraordinaire, la dĂ©couverte du procĂ©dĂ© de perforation des pholades. On avait jusqu'alors cru que les pholades, petits mollusques trĂšs-communs sur les cĂŽtes de Bretagne, employaient, pour percer le dur granit oĂč elles vivent, un acide qu'elles distillaient Ă travers les valves de leur coquille. M. Caillaud eut des doutes Ă ce sujet: il recueillit, prĂšs du Pouliguen, des pholades attachĂ©es Ă des morceaux de roc (gneiss), les plaça dans un bocal d'eau de mer incessamment renouvelĂ©e, et attendit l'effet de leur travail. Huit jours, quinze jours se passĂšrent sans que les pholades donnassent signe de vie, lorsqu'une nuit il fut Ă©veillĂ© par un bruit de scie qui retentissait dans le bocal; il se lĂšve, et, Ă la lueur d'une lampe, il voit un des petits animaux se tournant et se retournant Ă droite et Ă gauche, avec un mouvement rĂ©gulier, Ă la maniĂšre d'une vrille qui perce un trou; puis, aprĂšs un certain temps, la pholade s'arrĂȘte, et un jet de poussiĂšre fine obscurcit l'eau du bocal; c'Ă©tait le rĂ©sidu de son travail, la partie du roc pulvĂ©risĂ© oĂč elle avait pĂ©nĂ©trĂ©, dont elle se dĂ©barrassait et qu'elle chassait au dehors. Et tour Ă tour le savant, attentif et charmĂ©, surprend une Ă une les pholades accomplissant leur patient ouvrage, et se creusant leur demeure, l'arrondissant et la polissant, comme avec la rĂąpe la plus dĂ©licate, sans autre instrument que leur coquille; et cette coquille, au lieu de se dĂ©tĂ©riorer par le frottement continu, se dĂ©veloppe Ă mesure que le travail avance; Ă la scie qui s'use une autre scie s'ajoute, puis une troisiĂšme, une quatriĂšme, et ainsi de suite jusqu'Ă quarante, que M. Caillaud a comptĂ©es, et avec lesquelles le petit animal, Ă force de tourner et retourner sa frĂȘle enveloppe, cette coquille que la pression d'un doigt d'enfant suffirait Ă briser, perce Ă jour le granit sur lequel s'Ă©mousse un ciseau de fer! phĂ©nomĂšne admirable qui confond la sagesse humaine,
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Anonymous
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II L'Association bretonne. Il est une institution qui distingue la Bretagne des autres provinces et oĂč se rĂ©flĂšte son gĂ©nie, l'Association bretonne. Dans ce pays couvert encore de landes et de terres incultes, et oĂč il reste tant de ruines des anciens Ăąges, des hommes intelligents ont compris que ces deux intĂ©rĂȘts ne devaient pas ĂȘtre sĂ©parĂ©s, les progrĂšs de l'agriculture et l'Ă©tude des monuments de l'histoire locale. Les comices agricoles ne s'occupent que des travaux d'agriculture, les sociĂ©tĂ©s savantes que de l'esprit; l'Association bretonne les a rĂ©unis: elle est Ă la fois une association agricole et une association littĂ©raire. Aux expĂ©riences de l'agriculture, aux recherches archĂ©ologiques, elle donne de la suite et de l'unitĂ©; les efforts ne sont plus isolĂ©s, ils se font avec ensemble; l'Association bretonne continue, au XIXe siĂšcle, l'oeuvre des moines des premiers temps du christianisme dans la Gaule, qui dĂ©frichaient le sol et Ă©clairaient les Ăąmes. Un appel a Ă©tĂ© fait dans les cinq dĂ©partements de la Bretagne Ă tous ceux qui avaient Ă coeur les intĂ©rĂȘts de leur patrie, aux Ă©crivains et aux propriĂ©taires, aux gentilshommes et aux simples paysans, et les adhĂ©sions sont arrivĂ©es de toutes parts. L'Association a deux moyens d'action: un bulletin mensuel, et un congrĂšs annuel. Le bulletin rend compte des travaux des associĂ©s, des expĂ©riences, des essais, des dĂ©couvertes scientifiques; le congrĂšs ouvre des concours, tient des sĂ©ances publiques, distribue des prix et des rĂ©compenses. Afin de faciliter les rĂ©unions et d'en faire profiter tout le pays, le congrĂšs se tient alternativement dans chaque dĂ©partement; une annĂ©e Ă Rennes, une autre Ă Saint-Brieuc, une autre fois Ă VitrĂ© ou Ă Redon; en 1858, il s'est rĂ©uni Ă Quimper. A chaque congrĂšs, des questions nouvelles sont agitĂ©es, discutĂ©es, Ă©claircies[1]: ces savants modestes qui consacrent leurs veilles Ă des recherches longues et pĂ©nibles, sont assurĂ©s que leurs travaux ne seront pas ignorĂ©s; tant d'intelligences vives et distinguĂ©es, qui demeureraient oisives dans le calme des petites villes, voient devant elles un but Ă leurs efforts; la publicitĂ© en est assurĂ©e, ils seront connus et apprĂ©ciĂ©s. D'un bout de la province Ă l'autre, de Rennes Ă Brest, de Nantes Ă Saint-Malo, on se communique ses oeuvres et ses plans; tel antiquaire, Ă Saint-Brieuc, s'occupe des mĂȘmes recherches qu'un autre Ă Quimper: il est un jour dans l'annĂ©e oĂč ils se retrouvent, oĂč se resserrent les liens d'Ă©tudes et d'amitiĂ©. [Note 1: Voir l'Appendice.] Le congrĂšs est un centre moral et intellectuel, bien plus, un centre national: ces congrĂšs sont de vĂ©ritables assises bretonnes; ils remplacent les anciens Ătats: on y voit rĂ©unis, comme aux Ătats, les trois ordres, le clergĂ©, la noblesse et le tiers-Ă©tat, le tiers-Ă©tat plus nombreux qu'avant la RĂ©volution, et de plus, mĂȘlĂ©s aux nobles et aux bourgeois, les paysans. La Bretagne est une des provinces de France oĂč les propriĂ©taires vivent le plus sur leurs terres; beaucoup y passent l'annĂ©e tout entiĂšre. De lĂ une communautĂ© d'habitudes, un Ă©change de services, des relations plus familiĂšres et plus intimes, qui n'ĂŽtent rien au respect d'une part, Ă la dignitĂ© de l'autre. PropriĂ©taires et fermiers, rĂ©unis au congrĂšs, sont soumis aux mĂȘmes conditions et jugĂ©s par les mĂȘmes lois; souvent le propriĂ©taire concourt avec son fermier. Dans ces mĂȘlĂ©es animĂ©es, oĂč l'on se communique ses procĂ©dĂ©s, oĂč l'on s'aide de ses conseils, oĂč l'on distribue des prix et des encouragements, les riches propriĂ©taires et les nobles traitent les paysans sur le pied de l'Ă©galitĂ©; ici, la supĂ©rioritĂ© est au plus habile: c'est un paysan, GuĂ©venoux, qui, en 1857, eut les honneurs du congrĂšs de Redon. Voici quatorze ans que l'Association bretonne existe; l'ardeur a toujours Ă©tĂ© en croissant; les congrĂšs sont devenus des solennitĂ©s: on y vient de tous les points
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Anonymous
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Beaucoup continuent dâinvoquer la âforce physique supĂ©rieure des mĂąlesâ comme facteur de la sujĂ©tion des femmes. Comme les auteur(e)s qui invoquent le âpouvoir de gestationâ des femmes, ils considĂšrent que certains traits physiques âconstituent des pouvoirs en soiâ, et donc des pouvoirs rĂ©els Ă moins que la sociĂ©tĂ© nâintervienne pour contrarier cette hiĂ©rarchie naturelle. Mais il est remarquable que cette vision du rĂŽle de la force individuelle soit utilisĂ©e en ce qui concerne les rapports entre les sexes, et ne soit utilisĂ©e que lĂ , et pas dans lâexplication des rapports entre colonisateurs et colonisĂ©s, Blancs et Noirs, patrons et employĂ©s, etc. Cette âexplicationâ naturaliste et individualiste revient Ă nier que les rapports entre les sexes sont des rapports entre les groupes. Or la force physique nâintervient pas â mĂȘme pas comme âpouvoir en soiâ â dans les rapports entre les groupes. Les AmĂ©ricains ont Ă©tĂ© battus au Vietnam par un peuple fait dâindividus dont aucun nâaurait rĂ©sistĂ© dans un combat singulier (et ceci nâest quâun exemple parmi des milliers). Encore eut-il fallu que la sociĂ©tĂ© permette ce combat singulier, quâelle lâorganise.
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Christine Delphy (Penser le genre)
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Rome Ă©tait, en lâan 268 de son Ăšre35, ce quâest Ă peu prĂšs la France lâan IV de la RĂ©publique. Mais prĂȘcha-t-on alors le dogme du silence et de la patience ? de la prudence et de la constance ?.... Non. Cassius Viscellinus se
prĂ©sente. Il porte la main droit Ă la plaie. Quoique patricien, câest lui qui le premier propose la loi agraire. « Il est souverainement injuste, sâĂ©crie-t-il, que le peuple Romain, si courageux, et qui expose tous les jours sa vie pour Ă©tendre les bornes de la RĂ©publique, languisse dans une honteuse pauvretĂ©, pendant que le SĂ©nat et les patriciens jouissent seuls du fruit de ses conquĂȘtes... PlĂ©bĂ©iens !, ajoute-t-il, il ne tient quâĂ vous de sortir tout Ă coup de la
misĂšre oĂč vous a rĂ©duit lâavarice des patriciens. » Ce discours, dit Vertot, fut accueilli aux
transports les plus vifs du peuple. Il nây eut que lâinfĂąme Appius et ses suppĂŽts (les Louvet, les RĂ©al et les MĂ©hĂ©e de ce temps-lĂ ),
qui traitĂšrent Cassius de royaliste, comme les Appius dâaujourdâhui me traitent.
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Gracchus Babeuf (Le Manifeste des Plébéiens)
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[...] car une des caractĂ©ristiques du monde moderne est de chercher par des artifices Ă rĂ©aliser illusoirement des impossibilitĂ©s et Ă les rendre crĂ©dibles par de faux prodiges. Tel fut le cas, par exemple, de la « marche sur la lune » qu'un auteur traditionnel (sauf erreur, il s'agit de Frithjof Schuon) avait dĂ©clarĂ©e impossible. Par une sorte de miracle technique et scientifique, elle fut rĂ©alisĂ©e tout de mĂȘme, et prĂ©sentĂ©e comme un « grand pas pour l'humanitĂ© » de maniĂšre Ă discrĂ©diter le bon sens et le jugement traditionnel. Pourtant, l'on se rend compte aujourd'hui (mĂȘme si l'on Ă©vite de le reconnaĂźtre) que cet auteur avait vu juste et dit la vĂ©ritĂ©. L'impossibilitĂ© de l'entreprise apparaĂźt dans le fait qu'elle fut sans lendemain, pour des raisons aussi bien humaines que matĂ©rielles. Elle fut, elle aussi, un vĂ©ritable leurre, qui eut pour effet d'abuser une gĂ©nĂ©ration.
pp.53-54
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Charles-André Gilis (La profanation d'Israël selon le droit sacré)
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â En rĂ©alitĂ©, reprit Elianor qui venait d'avoir un Ă©clair de gĂ©nie, nous sommes un couple libre.
Tristan toussa si bruyamment qu'elle eut du mal Ă contenir son sourire.
â Je vous demande pardon ? souffla la grande brune aprĂšs quelques secondes d'Ă©bahissement.
Elianor, la démarche chaloupée, alla s'installer sur l'accoudoir du fauteuil de Tristan. Elle fit courir ses doigts jusqu'à son épaule.
â ChĂ©ri, est-ce que tu lui as parlĂ© de notre projet ? De ton fantasme avec les crochets et les pince-tĂ©tons ?
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Elisia Blade (Séduire & Conquérir (Crush Story #5))
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POSSESSION
L'Ăąge terrible, c'est l'Ăąge d'or. J'appelle ainsi la dure Ă©poque oĂč l'or eut son avĂšnement. C'est l'an 1300, sous le rĂšgne du beau roi qu'on put croire d'or ou de fer, qui ne dit jamais un mot, grand roi qui parut avoir un dĂ©mon muet, mais de bras puissant, assez fort pour brĂ»ler le Temple, assez fort pour atteindre Rome et d'un gant de fer porter le premier souffle au pape.
L'or devient alors le grand pape, le grand dieu. Non sans raison. Le mouvement a commencĂ© sur l'Europe par la croisade. On n'estime de richesse que celle qui a des ailes et se prĂȘte au mouvement, celle des Ă©changes rapides. Le roi, pour frapper ses coups Ă distance ne veut que de l'or.
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Jules Michelet
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â Tâas tout compris, Max.  En revenant vers la ville, Kean demeurait silencieux. Il ne comprenait pas pourquoi ils ne pouvaient jamais mettre la main sur un indice solide qui permettrait de dĂ©couvrir le vrai coupable.  â Jâai toujours su que lorsquâil y avait un problĂšme insoluble, câĂ©tait Ă cause dâun mensonge non rĂ©vĂ©lĂ©.  â Tu crois que quelquâun ment dans cette affaire ?  â Jâen suis sĂ»r. Je ne sais juste pas de qui il sâagit. Le voisin, Chopin, nous a bien dit que quelquâun Ă©tait sorti vers vingt heures quinze. Ce nâĂ©tait pas le mari puisquâil est sorti par derriĂšre.  â CâĂ©tait lâassassin. Il est probablement entrĂ© par la cuisine et sorti par-devant.  Kean eut un fugace rappel que Maude y avait laissĂ© ses empreintes dans la cuisine. Mais il en chassa vite lâidĂ©e, se souvenant quâelle lâavait cherchĂ© pour lâinviter Ă dĂźner.  â Merde ! Qui cela peut-il bien ĂȘtre ?  Max se mit Ă rĂ©flĂ©chir sĂ©rieusement. AprĂšs un moment il dit :  â
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Louise Alarie (Tu m'appartiens: SĂ©rie EnquĂȘte (SĂ©rie EnquĂȘte Roman policier MystĂšre et suspense t. 7) (French Edition))
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Il y eut une tension de pensĂ©e entre un taoĂŻsme et un bouddhisme dâune part, soucieux de dĂ©livrer lâhumain des misĂšres du corps et du monde, et un confucianisme dâautre part, attentif Ă dĂ©finir lâhumain par rapport Ă tous ses
humbles liens (pays, corps, famille). Autant le taoĂŻsme prĂȘche le dĂ©tachement et la rĂ©signation du sage solitaire (on lâa vu avec Tchouang Tseu qui prĂ©fĂ©rait continuer Ă traĂźner sa queue dans la gadoue plutĂŽt que dâaccepter une importante fonction qui lâaurait asservi), autant le confucianisme, qui prĂŽne la vigilance morale et politique, est une philosophie de lâengagement. Nous tenons lĂ les deux pĂŽles opposĂ©s de lâattitude du philosophe vis-Ă -vis du pouvoir politique et dont on trouve en Europe des analogues : ainsi lâĂ©picurien se dĂ©finit-il comme dĂ©finitivement dĂ©tachĂ© des affaires humaines considĂ©rĂ©es comme vaines, tandis que le stoĂŻcien se considĂšre comme un citoyen du monde (cosmopolite).
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Christian Godin (La Philosopie Pour Les Nuls)
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Sans laisser Ă April le temps de nĂ©gocier cet obstacle (ce qui lâaurait sans doute beaucoup amusĂ©), il se pencha, passa un bras autour de sa taille avec une fermetĂ© de fer, glissa lâautre sous ses genoux et la souleva au-dessus de la barriĂšre. Elle nâeut mĂȘme pas le temps de protester. â Vous ĂȘtes plus fort que je ne lâaurais cru, dit-elle alors quâil la reposait sur ses pieds. â Et vous, ma chĂšre, vous ĂȘtes plus lĂ©gĂšre que je ne le pensais, rĂ©pondit-il sa main toujours posĂ©e au creux de son dos. Beaucoup plus lĂ©gĂšre.
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Michelle Gable (L'appartement oublié)
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Quelle en est la cause ? La voici : dans les temps modernes et dans l'antiquitĂ©, il n'y avait plus de rois depuis longtemps; la maison des Tcheou (Zhou n.n.) s'Ă©tait affaiblie; quand les cinq hĂ©gĂ©mons eurent cessĂ© d'ĂȘtre, ses ordres n'eurent plus d'autoritĂ© dans l'empire; c'est pourquoi les seigneurs gouvernĂšrent par la violence ; les forts tyrannisĂšrent les faibles; la majoritĂ© opprima la minoritĂ©; les armes et les cuirasses ne furent point dĂ©posĂ©es; les hommes de valeur et le peuple furent Ă©puisĂ©s. Or, quand Ts'in (Qin n.n.) se tourna du cĂŽtĂ© du sud et rĂ©gna sur l'empire, il y eut dĂšs lors en haut un Fils du Ciel ; aussitĂŽt la multitude innombrable du peuple espĂ©ra obtenir la paix conforme Ă sa nature et Ă sa destinĂ©e ; il nây eut per- sonne qui ne se portĂąt vers lui de tout son cĆur et qui ne regardĂąt en haut avec respect. Dans ces circonstances, câĂ©tait lĂ que se trouvait le principe du prestige protecteur, de la gloire assurĂ©e, du pĂ©ril conjurĂ©.
Le roi de Tsâin (Qin n.n.) nourrissait des sentiments avides et bas; il appliquait les connaissances qui sortaient de son propre esprit; il ne donnait pas sa confiance aux ministres Ă©prouvĂ©s et ne contractait pas des liens Ă©troits avec les gens de valeur et le peuple ; il abandonna la ligne de conduite suivie par les rois et Ă©tablit son pou- voir autocratique; il interdit les Ă©crits et les livres et rendit impitoyables les chĂątiments et les lois ; il mit au premier rang la tromperie et la violence, et au dernier rang la bontĂ© et la justice; il fit de la tyrannie le fonde- ment de l'empire. Or, si celui qui conquiert et annexe met en avant la tromperie et la violence, dâautre part, celui qui pacifie et affermit tient en estime la douceur et lâĂ©quitĂ© ; cela signifie que les mĂ©thodes ne sont pas les mĂȘmes pour prendre et pour conserver.
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Sima Qian (MĂ©moires historiques - DeuxiĂšme Section (French Edition))
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Tout Ă coup, April eut trop chaud. Elle arracha son foulard et sâĂ©venta le visage avec. â Faire la fiesta. Au club Beauchamp. Stanhope et Carlyle, la bande au grand complet. â La bande au grand complet, rĂ©pĂ©ta April.
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Michelle Gable (L'appartement oublié)
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Pouchkine était son pÚre spirituel. Pouchkine domina la vie littéraire de Dostoïevski du début à la fin. C'est pour lui, l'idole littéraire de sa jeunesse, que le romancier prit pour la derniÚre fois la parole en public. En 1880, à l'occasion de l'inauguration du monument Pouchkine, Dostoïevski prononça un discours qui eut un immense retentissement dans toute la Russie.
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Joseph Frank (DostoĂŻevski, un Ă©crivain dans son temps (LITTERATURE ETR) (French Edition))
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Il y avait des femmes, elles Ă©taient lĂ , je les connaissais, leurs familles les poussaient dans des institutions, elles on reçu des chocs Ă©lectriques. Dans les annĂ©es 50 si tu Ă©tais un homme tu pouvais ĂȘtre un rebelle, mais si tu Ă©tais une femme ta famille te bloquait. Il y eut certaines exceptions, je les connaissais, un jour quelqu'un Ă©crira sur elles.
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Gregory Corso
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Entre les deux coups de feu qui dĂ©cidĂšrent de son destin, il eut le temps dâappeler une mouche : Madame.
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René Char (Leaves of Hypnos)
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11 heures. Il y eut tout. La jalousie, l'exclusion, la fin de l'histoire durant quelques secondes. Une jeune femme, grande, blonde et plate (entre vingt-cinq et trente ans, à cÎté d'elle la femme de S. paraissait fripée), qu'il voulait visiblement séduire. Elle était accompagnée de son mari, éditeur minuscule, du PC sans doute. Entre les deux couples formés, j'étais de trop. En plus, ma présence paraissait bizarre (à la femme de S. et à cette femme, qui a tout de suite repéré une connivence entre S. et moi). Puis je pars. Seule. Je revois ce tapis de l'ambassade, ces marches que je descends en pensant, « ça y est ».
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Annie Ernaux (Se perdre (French Edition))
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La peinture et la sculpture se ressemblent dans le désir qu'elles partagent de donner forme à la réalité du monde : il faut fixer, sur le tendu de la toile, ou dans le charnu de la pierre, le mouvement ondoyant et multiple du temps qui passe et du monde qui bruit.
Mais elles diffĂšrent en un point majeur : quand le peintre ajoute, le sculpteur retranche. [...] Il existe beaucoup d'Ă©crivains qui sont des peintres ; plus rares sont ceux qui s'apparentent Ă des sculpteurs.
Peintre, évidemment, Victor Hugo : ses romans sont des fresques, ses poÚmes, des tableaux. [...V]eut-il montrer un marin aux prises avec une bourrasque en Manche qu'il en fait une Iliade, trempée d'adjectifs sonores, éclaboussant tout de métaphores écumantes.
[...] Sculpteur, ValĂ©ry [...]. Il noircit ses cahiers. Des bordĂ©es de lignes, tirĂ©es en rafales. [...] Et de ces traĂźnĂ©es d'encre, il extraira ses pĂ©pites [...]. Ainsi : « Le temps du monde fini commence. » A la fin, la phrase a jailli, ensemencĂ©e de tout ce qui n'a plus sa raison d'ĂȘtre, de toutes ces scories insignifiantes, vouĂ©es Ă la corbeille. [...] Et le reste ne valait pas d'ĂȘtre gravĂ©.
[...] Les peintres ajoutent de la substance [au] monde. Les sculpteurs retranchent, pour mieux donner.
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Frank Lanot (Ăloge du temps perdu - Ă l usage de ceux qui aiment les livres et la lecture)
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Cependant, il eut plusieurs fois lâoccasion de rencontrer le Dauphin, câest-Ă -dire le futur Louis XIII, fils de Henri IV et de Marie de MĂ©dicis, dont la reine Margot avait fait son hĂ©ritier.
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Gaston Courtois (Saint Vincent de Paul - Serviteur des pauvres (Belles histoires et belles vies #6))
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Lâespace dâun instant, Hen eut une frayeur et crut sâĂ©vanouir. Sa vision se troubla, ses jambes semblĂšrent emportĂ©es par un torrent. Elle se ressaisit. Ce nâest sĂ»rement quâune coĂŻncidence, se dit-elle en sâavançant pour lire lâinscription sur la base du trophĂ©e : TROISIĂME PLACE ĂPĂE, puis en plus petites lettres, quelque chose comme OLYMPIADES JUNIOR, suivi dâune date quâelle nâarrivait pas Ă dĂ©chiffrer. Hen nâosait pas sâapprocher. Se retournant, elle demanda Ă Matthew, dâune voix quâelle espĂ©rait normale :
â Vous faites de lâescrime ?
â Grands dieux, non, rĂ©pondit-il. Le trophĂ©e mâa plu, tout simplement. Je lâai achetĂ© dans un vide-grenier.
â Ăa va, Hen ? demanda Lloyd en lui lançant un regard inquiet. Tu es un peu pĂąle.
â Oui, oui, ça va. Je crois que je suis simplement fatiguĂ©e.
Les deux couples se retrouvĂšrent de nouveau dans le vestibule pour se dire au revoir. Hen sentit le sang refluer Ă son visage. CâĂ©tait juste un trophĂ©e dâescrime⊠comme il doit y en avoir des milliers, songeait-elle tout en les fĂ©licitant pour le dĂźner et en les remerciant pour la visite. Lloyd, la main sur la poignĂ©e de la porte, attendait de pouvoir sâĂ©chapper. Mira se glissa entre eux et embrassa Hen sur la joue pendant que, derriĂšre elle, Matthew les saluait en souriant. Hen sâimaginait peut-ĂȘtre des choses, mais il lui sembla quâil ne la quittait pas des yeux.
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Peter Swanson (Before She Knew Him)
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En 1825, un IsraĂ©lite dâorigine portugaise, MordecaĂŻ Manuel Noah, ancien consul des Ătats-Unis Ă Tunis, acheta une Ăźle appelĂ©e Grand Island, situĂ©e dans la riviĂšre Niagara, et lança une proclamation engageant tous ses coreligionnaires Ă venir sâĂ©tablir dans cette Ăźle, Ă laquelle il donna le nom dâArarat. Le 2 septembre de la mĂȘme annĂ©e, on cĂ©lĂ©bra en grande pompe la fondation de la nouvelle citĂ© ; or, et câest lĂ ce que nous voulions signaler, les Indiens avaient Ă©tĂ© invitĂ©s Ă envoyer des reprĂ©sentants Ă cette cĂ©rĂ©monie, en qualitĂ© de descendants des tribus perdues dâIsraĂ«l, et ils devaient aussi trouver un refuge dans le nouvel Ararat. Ce projet nâeut aucune suite, et la ville ne fut jamais bĂątie ; une vingtaine dâannĂ©es plus tard, Noah Ă©crivit un livre dans lequel il prĂ©conisait le rĂ©tablissement de la nation juive en Palestine, et, bien que son nom soit aujourdâhui assez oubliĂ©, on doit le regarder comme le vĂ©ritable promoteur du Sionisme.
[Chapitre V - Les origines du Mormonisme]
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René Guénon (Mélanges)
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Que signifie quâil nây pas une continuation de lâĆuvre de RenĂ© GuĂ©non par consensus ? Je ne sais ce que font les Maçons guĂ©noniens, mais je sais que le groupe soufique de VĂąlsan correspond pleinement Ă tout ce que dĂ©sirait GuĂ©non ; quant Ă moi lâĆuvre de GuĂ©non en tant quâensemble indivisible ne me concerne pas puisque je nâen accepte pas tous les axiomes, et on ne peut en bonne logique me reprocher de ne pas avoir rĂ©alisĂ© un programme que je nâai jamais eu lâintention de rĂ©aliser. »
« On peut ironiser sur des « excommunications rĂ©ciproques » quand il sâagit dâune secte intrinsĂšquement hĂ©tĂ©rodoxe, donc dâune caricature, â de mormons, de bĂ©haĂŻstes, dâanthroposophes â mais non quand il sâagit dâun milieu normal et honorable se rĂ©fĂ©rant Ă des vĂ©ritĂ©s spirituelles ; dans ce dernier cas, mĂȘme les anathĂšmes peuvent ĂȘtre honorables, et il y eut dans tous les climats, dans les premiers siĂšcles du Christianisme aussi bien quâaux dĂ©buts de lâIslam, et jusque dans les ordres monastiques et les confrĂ©ries. « Les divergences des sages sont une bĂ©nĂ©diction » disait le ProphĂšte. Les guĂ©noniens, dans leur ensemble sont des hommes respectables, et il faut respecter mĂȘme leur divergences, lesquelles ne peuvent prĂȘter au ridicule, ou plutĂŽt au mĂ©pris, que dans les cas oĂč un individu se mĂȘle sottement ou effrontĂ©ment des choses qui le dĂ©passent ; or je revendique la plus rigoureuse honorabilitĂ© non seulement pour moi-mĂȘme, mais aussi pour mon ancien adversaire VĂąlsan, dont jâai toujours respectĂ© la position â ce fut celle de GuĂ©non â et avec lequel jâai eu de bons rapports jusquâĂ sa mort, malgrĂ© nos divergences. Mais il va sans dire que je ne saurais revendiquer cette honorabilitĂ© pour des personnes, guĂ©noniennes ou non, qui nâont ni vertu ni bonne foi. »
« VĂąlsan me disait une fois quâil y a peu dâhommes intelligents parmi les guĂ©noniens, quelquâen puisse ĂȘtre la raison ; il parlait Ă©videmment, non dâun groupe, mais de tous les guĂ©noniens ; et il avait une certaine expĂ©rience de leur moyenne, comme je lâai moi-mĂȘme. Une des raisons de cet Ă©tat de choses est la suivante : lâĂ©sotĂ©risme attire, non seulement les hommes dâĂ©lite mais aussi les mĂ©diocres souffrant de sentiments dâinfĂ©rioritĂ© quâils cherchent Ă compenser par quelque sublimation ; et il y a ausi des psychopathes Ă la recherche soit dâun espace de rĂȘve, soit dâun abri donnant un sentiment de sĂ©curitĂ©. On ne peut pas empĂȘcher que de tels hommes existent, mais ce nâest pas une raison pour ĂȘtre dupe de leur « orthodoxie », ni surtout de leur mythomanie. »
« Jâajouterai que VĂąlsan fut la personnification du guĂ©nonisme intĂ©gral et inflexible, quâil fut â lui seul â le « dauphin » de GuĂ©non ; quâil fut un homme fort intelligent et profondĂ©ment spirituel, en sorte quâil me fut possible dâavoir avec lui les meilleurs rapports, malgrĂ© nos divergences. Câest dâailleurs sa paix avec moi, et son dĂ©sir de mâavoir comme collaborateur Ă la revue, qui est le principal chef dâaccusation de la part des sectaires de Turin ; »
[Frithjof Schuon â Lettre Ă Jean-Pierre Laurant (Pully avril 1976)]
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Frithjof Schuon
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« Lâouvrage de Rama P. Coomaraswamy, The Destruction of the Christian Tradition (...) est un exposĂ© brillamment Ă©crit et bien documentĂ© sur ce qui sâest dĂ©roulĂ© immĂ©diatement avant, pendant et aprĂšs le concile Vatican II. Lâauteur sâintĂ©resse avant tout Ă ce qui est orthodoxe et Ă ce qui est hĂ©rĂ©tique, et la maniĂšre tout Ă fait claire, directe et simple dont il traite son sujet est basĂ©e sur les dĂ©cisions des prĂ©cĂ©dents conciles et les dĂ©clarations des plus hautes autoritĂ©s de lâĂglise Ă travers les siĂšcles. Ce quâil a Ă©crit est suffisant et nâa pas besoin dâadditifs. Mais, Ă partir dâun angle lĂ©gĂšrement diffĂ©rent et en quelque sorte pour affronter les modernistes sur leur propre terrain, qui est celui de lâopportunisme psychique, nous voudrions nĂ©anmoins ajouter les remarques suivantes. Les responsables des changements en question ont fait valoir quâune religion doit se conformer aux temps, Ă quoi on doit rĂ©pondre : non, si se conformer veut dire cesser dâĂȘtre soi-mĂȘme et devenir complice des temps. La vĂ©ritable conformitĂ© est diffĂ©rente : la mĂ©decine, par exemple, afin de se conformer Ă une Ă©poque, doit ĂȘtre capable de fournir des antidotes Ă tout ce qui se prĂ©sente comme maladies. De mĂȘme, il ne serait pas dĂ©raisonnable de maintenir quâafin de se conformer Ă un Ăąge caractĂ©risĂ© par de violents changements et des troubles dĂ©sordonnĂ©s, la religion doit ĂȘtre plus prĂ©parĂ©e que jamais Ă manifester, et mĂȘme Ă proclamer, son inĂ©branlable stabilitĂ© sans laquelle, en tant que vĂ©hicule de la VĂ©ritĂ© Ăternelle, elle ne peut jamais ĂȘtre, en tout Ă©tat de cause, fidĂšle Ă elle-mĂȘme. Il ne fait guĂšre de doute que lâĂąme humaine a profondĂ©ment besoin dans son existence de quelque chose qui resterait toujours identique, et elle a le droit dâattendre de la religion quâelle soit la constante infaillible qui satisfasse ce besoin.
De telles considĂ©rations furent dissĂ©minĂ©es aux quatre vents par le concile Vatican II. Il nâest donc pas surprenant que celui-ci ait prĂ©cipitĂ© une crise sans prĂ©cĂ©dent. La gravitĂ© de la situation peut ĂȘtre mesurĂ©e, jusquâĂ un certain point, par les chiffres suivants : de 1914 Ă 1963, il nây eut que 810 prĂȘtres qui demandĂšrent Ă lâĂglise Catholique la permission dâabandonner le sacerdoce, et parmi ces demandes 355 seulement furent acceptĂ©es. Depuis le concile, il y a eu plus de 32 000 dĂ©fections au sein du clergĂ©. Il faut considĂ©rer que ces chiffres se rapportent en partie Ă ceux qui sont coupables de la crise et en partie Ă ceux qui en sont les victimes ; en ce qui concerne ces derniĂšres, qui sont des membres du clergĂ© ou des laĂŻques, il est significatif que non seulement lâusage de la liturgie traditionnelle a Ă©tĂ© dĂ©couragĂ© mais quâil a mĂȘme Ă©tĂ© expressĂ©ment interdit. Cette stratĂ©gie aurait totalement Ă©chouĂ© sâil nây avait eu le fait que lâimmense majoritĂ© des laĂŻques â et ceci sâapplique Ă©galement dans une certaine mesure aux membres du clergĂ© eux-mĂȘmes â sâimaginent que lâobĂ©issance due Ă la hiĂ©rarchie clĂ©ricale est absolue. Lâun des grands mĂ©rites de lâouvrage de Rama Coomaraswamy est de montrer Ă quel moment, selon la doctrine catholique strictement traditionnelle, lâobĂ©issance devient un pĂ©chĂ© et Ă quel moment lâautoritĂ©, mĂȘme celle dâun pape, devient nulle et non avenue. »
[recension dans "Croyances anciennes et Superstitions modernes", Appendice II.]
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Martin Lings (Ancient Beliefs and Modern Superstitions)
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La pluie tombait. Le grand couvercle du ciel se brisa en six Ă©clats bleuĂątres pulvĂ©rulents, tel un vernis fendillĂ© Ă souhait, et s'effondra. Il vit des milliards de gouttes cristallines hĂ©siter le temps qu'il fallait pour ĂȘtre photographiĂ©es dans le flash de la dĂ©charge Ă©lectrique. Puis il n'y eut plus qu'eau et tĂ©nĂšbres.
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Ray Bradbury
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Lors donc que Rome, dans cette prĂ©tendue marche triomphale vers la civilisation unique, eut dĂ©truit, l'une aprĂšs l'autre, Carthage, l'Egypte, la GrĂšce, la JudĂ©e, la Perse, la Dacie, les Gaules, il arriva qu'elle avait dĂ©vorĂ© elle-mĂȘme les digues qui la protĂ©geaient contre l'ocĂ©an humain sous lequel elle devait pĂ©rir.
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Aimé Césaire
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Il trouva ce quâil allait faire. Il se dirigea vers sa pile de disques et choisit LâArt de la fugue. « Si son gĂ©nie ne me donne pas de courage, autant abandonner tout de suite. » Il resta assis, immobile, Ă©coutant Bach construire un monde, le peupler, lâorganiser et finalement le combattre et ĂȘtre dĂ©truit par lui. Lorsque la musique sâarrĂȘta, comme lâhomme sâĂ©tait arrĂȘtĂ© lorsque la mort Ă©tait venue, Doc avait retrouvĂ© son courage. « Bach sâest battu, dit-il, il nâa pas Ă©tĂ© vaincu. Sâil avait vĂ©cu, il aurait continuĂ© Ă se battre. Donnez-moi un peu de temps ! Je veux rĂ©flĂ©chir. Quâavait donc Bach que je nâaie pas ? Nâest-ce pas la vaillance ? Est-ce que la vaillance nâest pas la plus belle qualitĂ© de lâĂąme ? » Il sâarrĂȘta et eut soudain lâimpression quâil allait fondre en larmes. « Pourquoi ne lâai-je pas compris tout de suite ? Moi qui lâadmire tant, je ne lâai pas dĂ©celĂ© quand je lâai vue. Bach avait son talent, sa famille, ses amis. Chacun a quelque chose. Et Suzy, quâa-t-elle ? Rien, sinon la vaillance. Elle se bat et elle gagnera. Si elle ne gagne pas, la vie ne vaut pas la peine dâĂȘtre vĂ©cue. Quâest-ce que jâentends par gagner ? se demanda Doc. Je sais. Pour gagner, il suffit de ne pas ĂȘtre vaincu." Tendre Jeudi, John Steinbeck.
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John Steinbeck
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Se convertir dâune religion aÌ une autre, câest non seulement changer de concepts et de moyen, mais aussi remplacer une sentimentaliteÌ par une autre. Qui dit sentimentaliteÌ, dit limitation : la marge sentimentale qui enveloppe chacune des religions historiques prouve aÌ sa manieÌre la limite de tout exoteÌrisme et par conseÌquent la limite des revendications exoteÌriques. InteÌrieurement ou substantiellement, la revendication religieuse est absolue, mais exteÌrieurement ou formellement, donc sur le plan de la contingence humaine, elle est forceÌment relative ; si la meÌtaphysique ne suffisait pas pour le prouver, les faits eux-meÌmes le prouveraient.
Plaçons-nous maintenant, aÌ titre dâexemple, au point de vue de lâIslam exoteÌrique, donc totalitaire : aux deÌbuts de lâexpansion musulmane, les circonstances eÌtaient telles que la revendication doctrinale de lâIslam sâimposait dâune façon absolue ; mais plus tard, la relativiteÌ propre aÌ toute expression formelle devait apparaiÌtre neÌcessairement. Si la revendication exoteÌrique â non eÌsoteÌrique â de lâIslam eÌtait absolue et non relative, aucun homme de bonne volonteÌ ne pourrait reÌsister aÌ cette revendication ou aÌ cet « impeÌratif cateÌgorique » : tout homme qui lui reÌsisterait serait foncieÌrement mauvais, comme câeÌtait le cas aux deÌbuts de lâIslam, ouÌ on ne pouvait pas sans perversiteÌ preÌfeÌrer les idoles magiques au pur Dieu dâAbraham. Saint-Jean DamasceÌne avait une fonction eÌleveÌe aÌ la cour du calife de Damas (4) ; il ne sâest pas converti aÌ lâIslam, pas plus que ne le fit Saint-François dâAssise en Tunisie ni saint Louis en Egypte, ni saint GreÌgoire Palamas en Turquie (5). Or, il nây a que deux conclusions possibles : ou bien ces saints eÌtaient des hommes foncieÌrement mauvais, â supposition absurde puisque câeÌtaient des saints, â ou bien la revendication de lâIslam comporte, comme celle de toute religion, un aspect de relativiteÌ ; ce qui est meÌtaphysiquement eÌvident puisque toute forme a des limites et que toute religion est extrinseÌquement une forme, lâabsoluiteÌ ne lui appartenant que dans son essence intrinseÌque et supraformelle. La tradition rapporte que le soufi IbraÌhiÌm ben Adham eut pour maiÌtre occasionnel un ermite chreÌtien, sans que lâun des deux se convertiÌt aÌ la religion de lâautre ; de meÌme la tradition rapporte que Seyyid AliÌ HamadaÌniÌ, qui joua un roÌle deÌcisif dans la conversion du Cachemire aÌ lâIslam, connaissait LallaÌ YoÌgiÌshwari, la yoÌginiÌ nue de la valleÌe, et que les deux saints avaient un profond respect lâun pour lâautre, malgreÌ la diffeÌrence de religion et au point quâon a parleÌ dâinfluences reÌciproques (6). Tout ceci montre que lâabsoluiteÌ de toute religion est dans la dimension inteÌrieure, et que la relativiteÌ de la dimension exteÌrieure devient forceÌment apparente au contact avec dâautres grandes religions ou de leurs saints.
---- Notes en bas de page ----
(4) Câest laÌ que le saint eÌcrivit et publia, avec lâacquiescement du calife, son ceÌleÌbre traiteÌ aÌ la deÌfense des images, prohibeÌes par lâempereur iconoclaste LeÌon III.
(5) Prisonnier des Turcs pendant un an, il eut des discussions amicales avec le fils de lâeÌmir, mais ne se convertit point, pas plus que le prince turc ne devint chreÌtien
(6) De nos jours encore, les musulmans du Cachemire veÌneÌrent LallaÌ, la ShivaiÌte dansante, aÌ lâeÌgal dâune sainte de lâIslam, aÌ coÌteÌ de Seyyid AliÌ ; les hindous partagent ce double culte. La doctrine de la sainte se trouve condenseÌe dans un de ses chants : « Mon gourou ne mâa donneÌ quâun seul preÌcepte. Il mâa dit : du dehors entre dans ta partie la plus inteÌrieure. Ceci est devenu pour moi une reÌgle ; et câest pour cela que, nue, je danse » (LallaÌ VaÌkyaÌni, 94)
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Frithjof Schuon (Form and Substance in the Religions (Library of Perennial Philosophy))
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Ce qui m'intĂ©resse, c'est de savoir qui paie les RĂ©dempteurs, pas de me dĂ©barrasser d'une poignĂ©e de bouchers qui seront remplacĂ©s par d'autres avant mĂȘme que j'aie le temps de me rĂ©jouir.(...)
- Qu'est-ce qui te fait croire que quelqu'un les paie?
- Ils ne volent rien, n'emportent rien, ni argent, ni bijoux, ni chevaux. Si c'était juste un ramassis d'enragés, il se serviraient sur les cadavres, ils pilleraient les chariots...
- Ce sont des fanatiques, rĂ©torqua Leth Marek, tentant d'oublier que lui-mĂȘme s'Ă©tait fait la mĂȘme rĂ©flexion. Ils tuent au nom de la DĂ©esse, c'est tout ce qui les motive.
Annoa eut un sourire désabusé.
- Tu crois vraiment qu'ils sortent de nulle part, avec leur armement de guerre? Que des fanatiques du culte de la Nature se seraient rassemblés spontanément pour créer une force de frappe? Que des gens comme toi et moi auraient abandonné leur famille, leur travail, pour consacrer leur vie à harceler des "infidÚles"?
- Peut-ĂȘtre pas, admit Leth Marek.
- Les RĂ©dempteurs sont des hors-la-loi. Kyrenia a mis une prime sur leurs tĂȘtes, et pourtant ils continuent Ă frapper depuis presque un an. Pour ça, il faut que quelqu'un les paie, et les paie bien.
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Gabriel Katz (La Marche du prophĂšte (Aeternia #1))
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Ce moyen, cette pratique, ces allĂ©chements avaient les anciens tyrans, pour endormir leurs sujets sous le joug. Ainsi les peuples, assotis, trouvent beaux ces passe-temps, amusĂ©s dâun vain plaisir, qui leur passait devant les yeux, sâaccoutumaient Ă servir aussi niaisement, mais plus mal, que les petits enfants qui, pour voir les luisantes images des livres enluminĂ©s, apprennent Ă lire. Les Romains tyrans sâavisĂšrent encore dâun autre point : de festoyer souvent les dizaines publiques, abusant cette canaille comme il fallait, qui se laisse aller, plus quâĂ toute autre chose, au plaisir de la bouche : le plus avisĂ© et entendu dâentre eux nâeut pas quittĂ© son esculĂ©e de soupe pour recouvrer la libertĂ© de la rĂ©publique de Platon.
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Ătienne de La BoĂ©tie (Discours de la servitude volontaire: RĂ©quisitoire contre l'Absolutisme (French Edition))
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Chap. II â Les origines du spiritisme :
« On sait que câest en AmĂ©rique que le spiritisme, comme beaucoup dâautres mouvements analogues, eut son point de dĂ©part : les premiers phĂ©nomĂšnes se produisirent en dĂ©cembre 1847 Ă Hydesville, dans lâĂtat de New-York, dans une maison oĂč venait de sâinstaller la famille Fox, qui Ă©tait dâorigine allemande, et dont le nom Ă©tait primitivement Voss. Si nous mentionnons cette origine allemande, câest que, si lâon veut un jour Ă©tablir complĂštement les causes rĂ©elles du mouvement spirite, on ne devra pas nĂ©gliger de diriger certaines recherches du cĂŽtĂ© de lâAllemagne ; nous dirons pourquoi tout Ă lâheure. Il semble bien, dâailleurs, que la famille Fox nâait jouĂ© lĂ -dedans, au dĂ©but du moins, quâun rĂŽle tout involontaire, et que, mĂȘme par la suite, ses membres nâaient Ă©tĂ© que des instruments passifs dâune force quelconque, comme le sont tous les mĂ©diums. Quoi quâil en soit, les phĂ©nomĂšnes en question, qui consistaient en bruits divers et en dĂ©placements dâobjets, nâavaient en somme rien de nouveau ni dâinusitĂ© ; ils Ă©taient semblables Ă ceux que lâon a observĂ©s de tout temps dans ce quâon appelle les « maisons hantĂ©es » ; ce quâil y eut de nouveau, câest le parti quâon en tira ultĂ©rieurement. Au bout de quelques mois, on eut lâidĂ©e de poser au frappeur mystĂ©rieux quelques questions auxquelles il rĂ©pondit correctement ; pour commencer, on ne lui demandait que des nombres, quâil indiquait par des sĂ©ries de coups rĂ©guliers ; ce fut un Quaker nommĂ© Isaac Post qui sâavisa de nommer les lettres de lâalphabet en invitant lâ« esprit » Ă dĂ©signer par un coup celles qui composaient les mots quâil voulait faire entendre, et qui inventa ainsi le moyen de communication quâon appela spiritual telegraph. Lâ« esprit » dĂ©clara quâil Ă©tait un certain Charles B. Rosna, colporteur de son vivant, qui avait Ă©tĂ© assassinĂ© dans cette maison et enterrĂ© dans le cellier, oĂč lâon trouva effectivement quelques dĂ©bris dâossements. Dâautre part, on remarqua que les phĂ©nomĂšnes se produisaient surtout en prĂ©sence des demoiselles Fox, et câest de lĂ que rĂ©sulta la dĂ©couverte de la mĂ©diumnitĂ© ; parmi les visiteurs qui accouraient de plus en plus nombreux, il y en eut qui crurent, Ă tort ou Ă raison, constater quâils Ă©taient douĂ©s du mĂȘme pouvoir. DĂšs lors, le modern spiritualism, comme on lâappela tout dâabord, Ă©tait fondĂ© ; sa premiĂšre dĂ©nomination Ă©tait en somme la plus exacte, mais, sans doute pour abrĂ©ger, on en est arrivĂ©, dans les pays anglo-saxons, Ă employer le plus souvent le mot spiritualism sans Ă©pithĂšte ; quant au nom de « spiritisme », câest en France quâil fut inventĂ© un peu plus tard.
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René Guénon (The Spiritist Fallacy (Collected Works of Rene Guenon))
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LâimpĂ©ratrice Tarunesh inclina son visage gĂ©nĂ©reux aux traits rĂ©guliers Ă son adresse, bien que le jeune Sorcelier ne puisse affirmer si câĂ©tait en signe de remerciement ou une simple notification de sa remarque. Le Dejazmach Elias sembla vouloir en tirer parti :
- Voyez, Ă Reine des Rois, une bĂȘte fauve et quoi dâautre par-dessus le marchĂ© ! Permettez-moi de risquer ma vie plutĂŽt que dâexposer votre auguste personne inutilementâŠ
Il y eut des murmures dâapprobation mais CĂ©lian nota que Nyssa, qui Ă son grand plaisir le rejoignait, ne partageait visiblement pas lâavis dâElias.
- Votre inquiĂ©tude nâest pas de mise, Dejazmach, sâexclama Tarunesh avec une douceur voilĂ©e, ses yeux brillants emplis dâassurance. Le jour oĂč une bĂȘte des herbes grasses aura ma vie, je ne serai effectivement plus digne de rĂ©gner ! Assez perdu de temps.
Selamawit, Mengistu, escortez notre Nigiste Negest ! commanda le Dejazmach Elias en se redressant vivement, se tournant vers les guerriers et la foule assemblés derriÚre lui.
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Cyrille Mendes (Les Ăpieurs d'Ombre)
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C'était à la fois une source de terreur et de confort pour moi que de paraßtre souvent invisible - que d'exister, en fait, d'une maniÚre incomplÚte et minimale. J'avais l'impression de n'avoir aucun impact sur le monde, et d'avoir, en échange, le privilÚge de l'observer à son insu. Mais mon allusion à cette sensation d'existence spectrale eut une résonance particuliÚre, et la sueur me couvrit tout le corps, me convainquant sur-le-champ de ma grossiÚre existence corporelle.
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Marilynne Robinson (Housekeeping)
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â Devant une certaine feneÌtre du premier eÌtage, dit-il, il y a un heÌtre qui est parmi les plus beaux arbres du parc.
â Ma chambre. Câest une grande chambre.
Sa bouche aÌ lui fut humide dâavoir bu et elle eut aÌ son tour, dans la douce lumieÌre, une implacable preÌcision.
â Une chambre calme, dit-on, la meilleure.
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Marguerite Duras (Moderato cantabile)
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Il eut un surprenant sourire, puis il me prit dans ses bras et me dit : « Je ne pensais que tu mâavais trahi la derniĂšre fois que tu as parti. Je ne comprenais pas, Lanik. Je pensais que si je te faisais confiance, cela signifie que tu agirais toujours comme je le voulais. ..
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Orson Scott Card (A Planet Called Treason)
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L'islùm dispose de tous les moyens, visibles et invisibles, doctrinaux et rituels, pour accomplir sa mission parmi les hommes et réaliser sa vocation universelle. La reconnaissance, au moins implicite, de ce statut privilégié eut été, pour l'église catholique, une source de bénédiction et une prolongation de son rayonnement au sein du monde moderne. NaguÚre , sous le pontificat de Paul VI, le catholicisme s'efforçait encore de maintenir une position équilibrée et médiatrice au sein des trois religions qui se réclament du monothéisme, alors qu'elle place aujourd'hui tous ses espoirs dans une entente avec le sionisme et tourne le dos à l'enseignement de l'islùm. Elle a fait le mauvais choix et devra en payer le prix, car on ne s'oppose pas impunément à la mission du ProphÚte
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Charles-André Gilis
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Pantagruel, de couraige jen ay pour plus cinquante frans. Mais quoy ? Hercules ne osa jamais entreprendre contre deux. â Câe
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Panurge, bien chien chiĂ© en mon nez, vous comparez vous Ă Hercules ? vous avez plus de force aux dentz, et plus de sens au cul, que nâeut jamais Hercules en tout son corps et ame. Autant vault lâhomme comme il sâe
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Anonymous
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L'annĂ©e 1936, dans ses Carnets, Camus Ă©crit Ă propos d'une conversation qu'il eut avec son ancien professeur de philosophie, Jean Grenier, Ă propos du communisme: "Toute la question est celle-ci: pour un idĂ©al de justice, faut-il souscrire Ă des sottises? On peut rĂ©pondre oui: c'est beau. Non: c'est honnĂȘte". De 1935 Ă 1937, l'auteur de Noces a choisi la beautĂ©; ensuite, et jusqu'Ă la fin de sa brĂšve existence en janvier 1960, le philosophe de L'Homme rĂ©voltĂ© a optĂ© pour l'honnĂȘtetĂ© - ce qui, somme toute, ne manquait pas de beautĂ©.
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Michel Onfray (L'ordre libertaire: la vie philosophique d'Albert Camus)
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Les Occidentaux ont militĂ© pendant deux dĂ©cennies pour la crĂ©ation dâun Sud-Soudan indĂ©pendant. Cela a Ă©tĂ© fait. Il y eut une grande fĂȘte de lâindĂ©pendance, en juillet 2011. Le nouveau pays a Ă©tĂ© inondĂ© de subventions. Un an et demi plus tard, il Ă©tait la proie dâune effroyable guerre civile, qui est devenue, Ă cĂŽtĂ© du virus Ebola, la premiĂšre catastrophe humanitaire du Continent noir.
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Randa Kassis (Le Chaos Syrien, printemps arabes et minorités face à l'islamisme (French Edition))
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Annoncer à Plectrude qu'elle ne pourrait plus danser revenait à annoncer à Napoléon qu'il n'aurait jamais plus d'armée: c'était la priver non pas de sa vocation mais de son destin.
Elle ne pouvait pas y croire. Elle interrogea tous les médecins possibles et imaginables: il n'y en eut pas un pour lui laisser une lueur d'espoir. Il faut les en féliciter: il eût suffi que l'un d'entre eux lui accordùt un centiÚme de chance de guérison et elle s'y fût accrochée au point d'y laisser la vie.
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Amélie Nothomb (The Book of Proper Names)
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Il y eut un bref accord dissonant, car le chef dâorchestre, qui sâĂ©tait trop rapprochĂ© du bord, venait de tomber dans le vide, et le vice-chef prit la direction de lâensemble. Au moment oĂč le chef dâorchestre sâĂ©crasa sur les dalles, ils firent un autre accord pour couvrir le bruit de la chute, mais lâĂ©glise trembla sur sa base.
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Anonymous
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La mort m'eut semblé un moindre suicide
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Jean Schlumberger (Un Homme heureux)
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On a coutume, dans le monde occidental, de considĂ©rer lâislamisme comme une tradition essentiellement guerriĂšre et, par suite, lorsquâil y est question notamment du sabre ou de lâĂ©pĂ©e (es-sayf), de prendre ce mot uniquement dans son sens le plus littĂ©ral, sans mĂȘme penser jamais Ă se demander sâil nây a pas lĂ en rĂ©alitĂ© quelque chose dâautre. Il nâest dâailleurs pas contestable quâun certain cĂŽtĂ© guerrier existe dans lâislamisme, et aussi que, loin de constituer un caractĂšre particulier Ă celui-ci, il se retrouve tout aussi bien dans la plupart des autres traditions, y compris le christianisme. Sans mĂȘme rappeler que le Christ lui-mĂȘme a dit : « Je ne suis pas venu apporter la paix, mais lâĂ©pĂ©e », ce qui peut en somme sâentendre figurativement, lâhistoire de la ChrĂ©tientĂ© au moyen Ăąge, câest-Ă -dire Ă lâĂ©poque oĂč elle eut sa rĂ©alisation effective dans les institutions sociales, en fournit des preuves largement suffisantes ; et, dâautre part, la tradition hindoue elle-mĂȘme, qui certes ne saurait passer pour spĂ©cialement guerriĂšre, puisquâon tend plutĂŽt en gĂ©nĂ©ral Ă lui reprocher de nâaccorder que peu de place Ă lâaction, contient pourtant aussi cet aspect, comme on peut sâen rendre compte en lisant la BhagavadgĂźtĂą.
Ă moins dâĂȘtre aveuglĂ© par certains prĂ©jugĂ©s, il est facile de comprendre quâil en soit ainsi, car dans le domaine social, la guerre, en tant quâelle est dirigĂ©e contre ceux qui troublent lâordre et quâelle a pour but de les y ramener, constitue une fonction lĂ©gitime, qui nâest au fond quâun des aspects de la fonction de « justice » entendue dans son acception la plus gĂ©nĂ©rale. Cependant, ce nâest lĂ que le cĂŽtĂ© le plus extĂ©rieur des choses, donc le moins essentiel : au point de vue traditionnel, ce qui donne Ă la guerre ainsi comprise toute sa valeur, câest quâelle symbolise la lutte que lâhomme doit mener contre les ennemis quâil porte en lui-mĂȘme, câest-Ă -dire contre tous les Ă©lĂ©ments qui, en lui, sont contraires Ă lâordre et Ă lâunitĂ©. Dans les deux cas, du reste, et quâil sâagisse de lâordre extĂ©rieur et social ou de lâordre intĂ©rieur et spirituel, la guerre doit toujours tendre Ă©galement Ă Ă©tablir lâĂ©quilibre et lâharmonie (et câest pourquoi elle se rapporte proprement Ă la « justice »), et Ă unifier par lĂ dâune certaine façon la multiplicitĂ© des Ă©lĂ©ments en opposition entre eux. Cela revient Ă dire que son aboutissement normal, et qui est en dĂ©finitive son unique raison dâĂȘtre, câest la paix (es-salĂąm), laquelle ne peut ĂȘtre obtenue vĂ©ritablement que par la soumission Ă la volontĂ© divine (el-islĂąm), mettant chacun des Ă©lĂ©ments Ă sa place pour les faire tous concourir Ă la rĂ©alisation consciente dâun mĂȘme plan ; et il est Ă peine besoin de faire remarquer combien, dans la langue arabe, ces deux termes, el-islĂąm et es-salĂąm, sont Ă©troitement apparentĂ©s lâun Ă lâautre.
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René Guénon (Symbols of Sacred Science)
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Les indigĂšnes nâavaient pas dâart monumental; ils empruntĂšrent celui des Carthaginois, auxquels ils devaient tant dâautres choses. Art hybride(5), mĂ©lange Ă closes variables de motifs orientaux et de motifs hellĂ©niques ; art routinier, dâaspect archaĂŻque. Ce furent probablement des architectes puniques que lâon appela dâabord pour bĂątir les Ă©difices dont on avait besoin ; ils purent avoir des Ă©lĂšves dâorigine numide, qui, du reste, nâauraient rien innovĂ©. Le temple de Masinissa, Ă©levĂ© Ă Dougga peu dâannĂ©es aprĂšs la ruine de Carthage, eut pour constructeurs Hanno, fils dâIatonbaal, fils dâHannibal, â trois noms phĂ©niciens, â et Niptasan, â nom libyque, â fils de Shafot, â nom phĂ©nicien (mais la lecture nâest pas certaine)(6). Lâinscription du mausolĂ©e de Dougga, qui est Ă peu prĂšs contemporain du temple, indique, comme « constructeurs des pierres », un Ab[d]arish, fils dâAbdashtart, â deux noms phĂ©niciens, â puis un Libyen, le propre fils du personnage pour lequel le mausolĂ©e fut fait, enfin un Mangi, fils de Varsacan, â deux noms libyques(7).
6. Chabot, Punica, p. 210 et 220. Remarquer que, dans cette inscription bilingue, la
mention des constructeurs est faite seulement en langue punique
Tome III - p86
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StĂ©phane Gsell (Histoire ancienne de lâAfrique du Nord)
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Il y eut aussi les viols. Une Ă©tude a dĂ©comptĂ© les viols de guerre commis par les troupes amĂ©ricaines (de toutes couleurs) en Europe en 1944 et 1945. Il y aurait eu prĂšs de 17 000 viols commis par des GI amĂ©ricains en Allemagne (et 3 620 en France). Car le viol, on ne le dit pas assez, de tout temps et en tout lieu, a toujours Ă©tĂ© et demeure une des plaies de la guerre, quelle quâelle soit2. La libĂ©ration de lâEurope nâa pas dĂ©rogĂ© aux rĂšgles barbares selon lesquelles les femmes sont quasi systĂ©matiquement les victimes sexuelles des troupes dâinvasion et dâoccupation. Ainsi, comme dans toutes les guerres, beaucoup dâenfants naquirent de ces rencontres3. On estimait en 1952 Ă 94 000 le nombre de « bĂ©bĂ©s de lâoccupation » (Besatzungskinder). Plus de 3 000 Ă©taient mĂ©tis (« enfants de lâoccupation illĂ©gitimes de couleur ») ; de ces derniers, les deux tiers vivaient chez leurs parents et prĂšs de 400 dans la famille, mais 450 dans des familles nourriciĂšres et 314 en institutions ; 350 (soit environ 10%) Ă©taient complĂštement abandonnĂ©s, 362 seulement furent reconnus ou aidĂ©s par leur pĂšre4.
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Catherine Coquery-Vidrovitch (Des victimes oubliées du nazisme (Documents) (French Edition))
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Un jour, d'elle-mĂȘme, elle se farda les ongles en rouge. Jamais, jusque lĂ , elle n'avait osĂ© le faire. Ce qui la saisit, ce fut que ses ongles ressentirent le froid du vernis. Elle eut alors le sentiment que notre corps en a toujours de nouvelles Ă nous apprendre.
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Jacques Audiberti (Le MaĂźtre De Milan)
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Ensoleillement
Quel ensoleillement aujourdâhui !
Seules les jeunes joues parlent en rougissant.
Je referme ton temps comme un livre,
que jâai fini de lire et dâaimer.
Il y eut des pages Ă sujet unique
jusquâau-delĂ du milieu de la connaissance.
Je ne sais pas Ă quelle saison mâabandonner.
Chaque vécu me fait fleurir
chaque retour moud
des graines de pavot pleines de lâopium de lâamour.
Tu portes la plus longue lumiĂšre,
de la paupiĂšre de lâĂ©veil Ă©ternel.
(traduit du roumain par Gabrielle Danoux)
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Mihaela GudanÄ
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Daniel hocha la tĂȘte et rĂ©flĂ©chit un moment avant de rĂ©pondre :
« Moi aussi, je dirais que nous avons affaire Ă des hommes. Une femme peut piĂ©ger lâenfant, mais en gĂ©nĂ©ral le meurtre proprement dit est une affaire dâhommes â des hommes ayant dĂ©jĂ une certaine situation mais dĂ©sirant grimper dâautres Ă©chelons : un membre du parlement qui veut devenir ministre ; un ministre assistant qui veut devenir ministre Ă part entiĂšre ; un directeur adjoint qui veut devenir directeur ; un homme dâaffaires qui prĂ©voit dâĂ©tendre ses activitĂ©s â ce genre de choses. Mais tu as quand mĂȘme raison : il peut aussi sâagir dâune femme en quĂȘte de pouvoir : est-ce que lâassassin prĂ©sumĂ© de cette petite fille, Ă Sanoko, nâĂ©tait pas censĂ© ĂȘtre une femme ? »
Nancy eut une idée.
« Est-ce quâil peut sâagir dâun ministre, dâun directeur ou dâun homme dâaffaires dĂ©sirant se maintenir lĂ oĂč il est â pour Ă©viter de se faire renverser, si lâon peut dire ?
â Câest Ă©galement possible, dit Amantle. Tu as raison ; bien sĂ»r, tu as raison. »
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Unity Dow (The Screaming of the Innocent)
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Je me fous pas mal de votre caution, dit-elle en se rasseyant, mais je mâinterroge quand mĂȘme : pourquoi ne vous battez-vous pas pour changer tout ça ? DĂ©fendez les causes qui vous tiennent Ă cĆur. Engagez-vous dans une association, militez dans un⊠Il eut une moue de dĂ©goĂ»t. â La lutte collective ? TrĂšs peu pour moi. Je mĂ©prise les partis politiques, les syndicats, les groupes de pression. Je pense comme Brassens que « sitĂŽt quâon est plus de quatre, on est une bande de cons ». Et puis, la bataille est dĂ©jĂ perdue, mĂȘme si les gens sont trop lĂąches pour le reconnaĂźtre.
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Guillaume Musso (Un appartement Ă Paris (French Edition))
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La sĂ©quence qui voit la citĂ© prĂ©cĂ©der lâĂtat autoritaire semble tout Ă fait universelle dans lâespace aujourdâhui communautaire et patrilinĂ©aire. Avant lâEmpire assyrien, il y eut la RĂ©publique marchande dâAssur, avant lâEmpire russe, ou mĂȘme la principautĂ© de Moscou, il y eut au Moyen Ăge la rĂ©publique marchande de Novgorod, membre de la Ligue hansĂ©atique.
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Emmanuel Todd (OĂč en sommes-nous ? Une esquisse de l'histoire humaine)
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(...) l'imposture du Nazaréen était encore plus évidente. (...) Contrairement à ce qui était affirmé en biblerie, jamais n'eut de son vivant plus de suivants que douze pouillards, sa mÚre et son épouse, Marie-Madeleine, que l'on apercevait souriante de joliesse au jour de son mariement.
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Guillaume Lebrun (Fantaisies guérillÚres)
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Quand tout le monde eut posé les questions de politesse habituelles sur le confort du voyage...
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Christophe Tison (Les Amants Ne Se Rencontrent Nulle Part)