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Lorsque j’ai commencé à voyager en Gwendalavir aux côtés d'Ewìlan et de Salim, je savais que, au fil de mon écriture, ma route croiserait celle d'une multitude de personnages. Personnages attachants ou irritants, discrets ou hauts en couleurs, pertinents ou impertinents, sympathiques ou maléfiques... Je savais cela et je m'en réjouissais.
Rien, en revanche, ne m'avait préparé à une rencontre qui allait bouleverser ma vie.
Rien ne m'avait préparé à Ellana.
Elle est arrivée dans la Quête à sa manière, tout en finesse tonitruante, en délicatesse remarquable, en discrétion étincelante. Elle est arrivée à un moment clef, elle qui se moque des serrures, à un moment charnière, elle qui se rit des portes, au sein d’un groupe constitué, elle pourtant pétrie d’indépendance, son caractère forgé au feu de la solitude.
Elle est arrivée, s'est glissée dans la confiance d'Ewilan avec l'aisance d'un songe, a capté le regard d’Edwin et son respect, a séduit Salim, conquis maître Duom... Je l’ai regardée agir, admiratif ; sans me douter un instant de la toile que sa présence, son charisme, sa beauté tissaient autour de moi.
Aucun calcul de sa part. Ellana vit, elle ne calcule pas. Elle s'est contentée d'être et, ce faisant, elle a tranquillement troqué son statut de personnage secondaire pour celui de figure emblématique d'une double trilogie qui ne portait pourtant pas son nom. Convaincue du pouvoir de l'ombre, elle n'a pas cherché la lumière, a épaulé Ewilan dans sa quête d'identité puis dans sa recherche d'une parade au danger qui menaçait l'Empire.
Sans elle, Ewilan n'aurait pas retrouvé ses parents, sans elle, l'Empire aurait succombé à la soif de pouvoir des Valinguites, mais elle n’en a tiré aucune gloire, trop équilibrée pour ignorer que la victoire s'appuyait sur les épaules d'un groupe de compagnons soudés par une indéfectible amitié.
Lorsque j'ai posé le dernier mot du dernier tome de la saga d'Ewilan, je pensais que chacun de ses compagnons avait mérité le repos. Que chacun d'eux allait suivre son chemin, chercher son bonheur, vivre sa vie de personnage libéré par l'auteur après une éprouvante aventure littéraire.
Chacun ?
Pas Ellana.
Impossible de la quitter. Elle hante mes rêves, se promène dans mon quotidien, fluide et insaisissable, transforme ma vision des choses et ma perception des autres, crochète mes pensées intimes, escalade mes désirs secrets...
Un auteur peut-il tomber amoureux de l'un de ses personnages ?
Est-ce moi qui ai créé Ellana ou n'ai-je vraiment commencé à exister que le jour où elle est apparue ? Nos routes sont-elles liées à jamais ?
— Il y a deux réponses à ces questions, souffle le vent à mon oreille. Comme à toutes les questions. Celle du savant et celle du poète.
— Celle du savant ? Celle du poète ? Qu'est-ce que...
— Chut... Écris.
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