â
- Que devient une étoile qui meurt ?
- Un rĂȘve qui vit.
â
â
Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
â
On n'est pas libre tant qu'on dĂ©sire, qu'on veut, qu'on craint, peut-ĂȘtre tant qu'on vit.
â
â
Marguerite Yourcenar (L'Ćuvre au noir)
â
Quand on vit aux cotés des gens on ne se rend pas vraiment compte qu'ils changent, et c'est comme cela qu'on finit par les perdre.
â
â
Marc Levy (OĂč es-tu ?)
â
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l'écoute :
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute.
Flatterers thrive on fools' credulity.
The lesson's worth a cheese, don't you agree?
â
â
Jean de la Fontaine (Fables de La Fontaine. 1)
â
Il faut se décider; ou bien on vit avec quelqu'un, ou bien on le désire. On ne peut pas désirer ce qu'on a, c'est contre nature.
â
â
Frédéric Beigbeder (L'amour dure trois ans - Le roman suivi du scénario du film)
â
Dans ce trou noir ou lumineux vit la vie, rĂȘve la vie, souffre la vie.
â
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Charles Baudelaire (Paris Spleen)
â
On redoute toujours de perdre la mémoire. C'est elle la source de nos maux. On ne vit bien que dans l'oubli. La mémoire est le pire ennemi du bonheur. Les gens heureux oublient
â
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Jean-Michel Guenassia (Le Club des incorrigibles optimistes)
â
Pourquoi croit-on que derriĂšre un beau visage se cache obligatoirement une belle Ăąme?Pourquoi vit-on Ă une Ă©poque ou tout le monde veut ĂȘtre jeune et svelte alors que, aprĂšs un certain age le combat est perdu d'avance?
â
â
Guillaume Musso
â
Amour vit en avant.â Love lives on.
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Sarah Jio (The Look of Love)
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L'homme naĂźt, vit ce qu'il vit et puis meurt. Il faut ĂȘtre prĂȘt pour la mort comme pour la naissance.
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Driss ChraĂŻbi
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The dragon spits fire, what extinguishes its tears. When we live in rancor, we are born to be old. (Le dragon crache du feu, - Ce qui Ă©teint ses larmes. - Quand on vit de rancune, - On naĂźt pour ĂȘtre vieux.)
â
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Charles de Leusse
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hot vit lon, a local favorite, a duck embryo boiled and served inside the shellâ
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Mark Bowden (Hue 1968: A Turning Point of the American War in Vietnam)
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Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit.
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Maximes et réflexions diverses
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Le poete est un animal marin qui vit sur terre et qui voudrait voler.
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Carl Sandburg
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De nouveau il entendit la porte s'ouvrir, et, calme, du fond de la chambre, il vit venir Ă lui sa derniĂšre heure.
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Julien Gracq (A Dark Stranger)
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Voici ce que j'ai pensé : pour que l'événement le plus banal devienne une aventure, il faut et il suffit qu'on se mette à la raconter. C'est ce qui dupe les gens : un homme, c'est toujours un conteur d'histoires, il vit entouré de ses histoires et des histoires d'autrui, il voit tout ce qui lui arrive à travers elles ; et il cherche à vivre sa vie comme s'il la racontait.
Mais il faut choisir : vivre ou raconter.
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Jean-Paul Sartre (Nausea)
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Ce qu'on attend de l'ĂȘtre avec qui l'on vit c'est qu'il vous maintienne au niveau le plus Ă©levĂ© de vous-mĂȘme.
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Virginia Woolf (The Voyage Out (The Virginia Woolf Library))
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Un artiste est par dĂ©finition un homme habituĂ© au rĂȘve et qui vit parmi des fantĂŽmes.
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Claude Debussy
â
Souviens toi que chacun ne vit que dans le moment présent, dans l'instant. Le reste, c'est le passé ou un obscur avenir. Petite est donc l'étendue de la vie.
â
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Marcus Aurelius (Meditations)
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Qui vit et pense est incapable
De voir les gens sans mépriser,
Qui sent se sent toujours coupable
Devant le spectre du passé.
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Alexandre Pouchkine (Eugene Onegin)
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Le pire ne se voit pas, il se vit,douloureusement
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julliand
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Tout flatteur vit aux dĂ©pens de celui qui lâĂ©coute.
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Jean de la Fontaine
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La pluie, le vent et les tempĂȘtes, tout doit avoir un sens alors que, trop souvent, il n'y a pas explication. La vie ne s'explique pas, elle se vit...tout simplement.
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Bryan Perro
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Il est chanceux, le crayon blanc... fait-il remarquer en continuant de gribouiller. Lui, il vit plus longtemps que les autres.
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Baptiste Beaulieu (La Ballade de l'enfant gris)
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Terre en vacance d'oeuvres d'art. Je méprise ceux qui ne savent reconnaßtre la beauté que transcrite déjà et toute interprétée. Le peuple arabe a ceci d'admirable que, son art, il le vit, il le chante et le dissipe au jour le jour; il ne le fixe point et ne l'embaume en aucune oeuvre. C'est la cause et l'effet de l'absence de grands artistes. J'ai toujours cru les grands artistes ceux qui osent donner droit de beauté à des choses si naturelles qu'elles font dire aprÚs à qui les voit : 'Comment n'avais-je pas compris jusqu'alors que cela était aussi beau?...
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André Gide (The Immoralist)
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Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie. Le Renard s'en saisit, et dit : "Mon bon Monsieur, Apprenez que tout flatteur Vit aux dépens de celui qui l'écoute : Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute.
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Jean de la Fontaine (La Fontaine - La Totale (illustré) - Toutes les Fables (Les fables de Lafontaine t. 1) (French Edition))
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Elle aimait la vie, il aimait la mort,
Il aimait la mort, et ses sombres promesses,
Avenir incertain d'un garçon en détresse,
Il voulait mourir, laisser partir sa peine,
Oublier tous ces jours Ă la mĂȘme rengaine...
Elle aimait la vie, heureuse d'exister,
Voulait aider les gens et puis grandir en paix,
C'était un don du ciel, toujours souriante,
Fleurs et nature, qu'il pleuve ou qu'il vente.
Mais un beau jour, la chute commença,
Ils tombĂšrent amoureux, mauvais choix,
Elle aimait la vie et il aimait la mort,
Qui d'entre les deux allait ĂȘtre plus fort?
Ils s'aimaient tellement, ils auraient tout sacrifié,
Amis et famille, capables de tout renier,
Tout donner pour s'aimer, tel était leur or,
Mais elle aimait la vie et il aimait la mort...
Si différents et pourtant plus proches que tout,
Se comprenant pour protéger un amour fou,
L'un ne rĂȘvait que de mourir et de s'envoler,
L'autre d'une vie avec lui, loin des atrocités...
Fin de l'histoire : obligés de se séparer,
Ils s'étaient promis leur éternelle fidélité.
Aujourd'hui, le garçon torturé vit pour elle,
Puisque la fille, pour lui, a rendu ses ailes...
Il aimait la mort, elle aimait la vie,
Il vivait pour elle, elle est morte pour lui »
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William Shakespeare
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C'est un immense privilÚge que d'avoir un objectif précis. Nombreux sont ceux qui traversent la vie sans ne serait-ce qu'en apercevoir briÚvement le sens. Ils avancent tant bien que mal, transportés d'un hasard jusqu'au suivant, un baiser ici, une larme là , quelques caresses, la solitude, les déceptions. Ils n'ont jamais la moindre idée d'un pourquoi, d'un but, d'une destination. Celui qui vit ainsi son existence peut certes connaitre quelques heures de bonheur, mais elles sont le fruit du hasard, elles adviennent d'aventure, relÚvent de la chance et non de la récolte. (p. 308-309)
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JĂłn Kalman StefĂĄnsson (Harmur englanna)
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« Que c'est tandis qu'elle se vit que la vie est immortelle, tandis qu'elle est en vie. Que l'immortalitĂ© ce n'est pas une question de plus ou moins de temps, que ce n'est pas une question d'immortalitĂ©, que c'est une question d'autre chose qui reste ignorĂ©. Que c'est aussi faux de dire qu'elle est sans commencement ni fin que de dire qu'elle commence et qu'elle finit avec la vie de l'esprit du moment que c'est de l'esprit qu'elle participe et de la poursuite du vent. Regardez les sables morts des dĂ©serts, le corps mort des enfants l'immortalitĂ© ne passe pas par lĂ , elle s'arrĂȘte et contourne. »
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Marguerite Duras (The Lover)
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Laurent avait Ă©largi une de ses grosses mains dont il regardait attentivement la paume. Ses doigts eurent de lĂ©gers frĂ©missements, des lueurs rouges montĂšrent Ă ses joues ... Laurent leva la tĂȘte et vit ThĂ©rĂšse devant lui, muette, immobile. La jeune femme le regardait avec une fixitĂ© ardente. Ses yeux, d'un noir mat, semblaient deux trous sans fond, et, par ses lĂšvres entrouvertes, on apercevait des clartĂ©s roses dans sa bouche. Elle Ă©tait comme Ă©crasĂ©e, ramassĂ©e sur elle-mĂȘme; elle Ă©coutait.
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Ămile Zola (ThĂ©rĂšse Raquin)
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Mon rĂȘve montera vers toi: telle dĂ©jĂ ,
Rare limpidité d'un coeur qui le songea,
Je me crois seule en ma monotone patrie
Et tout, autour de moi, vit dans l'idolĂątrie
D'un miroir qui reflĂšte en son calme dormant
Hérodiade au clair regard de diamant...
â
â
Stéphane Mallarmé (Herodias)
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Je suis vous et vous ĂȘtes moi. Je suis la part de noirceur qui vit dans les replis cachĂ©s de vos cĆurs, je suis vos envies de meurtre, vos jalousies et vos perfidies. Je suis l'Ă©lan sombre qui vous pousse Ă trahir, mentir, tromper. Je suis vous et vous ĂȘtes moi.
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Pierre Bottero (Le MaĂźtre des TempĂȘtes (L'Autre, #2))
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We do not need to explain how the Aryans entered and settled in the Dravidian country (tira¯vit»a na¯» t»u), and subjugated and oppressed the Dravidians. Nor do we need to explain how before the Aryans entered the Dravidian country, the Dravidian country had a civilization and arts of the highest rank.
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Periyar
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« On ne raconte pas aux enfants ce qui s'est passé avant eux. d'abord ils sont trop petits pour comprendre, ensuite ils sont trop grands pour écouter, puis ils n'ont plus le temps, aprÚs c'est trop tard. C'et le propre de la vie de famille. On vit cÎte à cÎte comme si on se connaissait mais on ignore tout les uns des autres. On espÚre des miracles de notre consanguinité : des harmonies impossibles, des confidences absolues, des fusions viscérales. On se contente du mensonge rassurant de notre parenté. »
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Jean-Michel Guenassia
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La Culture et lâĂtat â quâon ne sây trompe pas â sont antagonistes : « Ătat civilisĂ© », ce nâest lĂ quâune idĂ©e moderne. Lâun vit de lâautre, lâun prospĂšre au dĂ©triment de lâautre. Toutes les grandes Ă©poques de culture sont des Ă©poques de dĂ©cadence politique : ce qui a Ă©tĂ© grand au sens de la culture a Ă©tĂ© non-politique, et mĂȘme anti-politiqueâŠ
â
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Friedrich Nietzsche (Twilight of the Idols)
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Car l'homme ne vit que durant un clignement de paupiĂšres et ensuite c'est la pourriture Ă jamais, et chaque jour tu fais un pas de plus vers le trou en terre oĂč tu moisiras en grande stupiditĂ© et silence en la seule compagnie de vers blancs et gras comme ceux de la farine et du fromage, et ils s'introduiront dans tous tes orifices pour s'y nourrir.
â
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Albert Cohen (Belle du Seigneur)
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- Offre ton identité au Conseil, jeune apprentie.
La voix Ă©tait douce, lâordre sans appel.
- Je mâappelle Ellana Caldin.
- Ton Ăąge.
Ellana hĂ©sita une fraction de seconde. Elle ignorait son Ăąge exact, se demandait si elle nâavait pas intĂ©rĂȘt Ă se vieillir. Les apprentis quâelle avait discernĂ©s dans lâassemblĂ©e Ă©taient tous plus ĂągĂ©s quâelle, le Conseil ne risquait-il pas de la considĂ©rer comme une enfant ? Les yeux noirs dâEhrlime fixĂ©s sur elle la dissuadĂšrent de chercher Ă la tromper.
- Jâai quinze ans.
Des murmures Ă©tonnĂ©s sâĂ©levĂšrent dans son dos.
Imperturbable, Ehrlime poursuivit son interrogatoire.
- Offre-nous le nom de ton maĂźtre.
- Jilano AlhuĂŻn.
Les murmures, qui sâĂ©taient tus, reprirent. Plus marquĂ©s, Ehrlime leva une main pour exiger un silence quâelle obtint immĂ©diatement.
- Jeune Ellana, je vais te poser une sĂ©rie de questions. A ces questions, tu devras rĂ©pondre dans lâinstant, sans rĂ©flĂ©chir, en laissant les mots jaillir de toi comme une cascade vive. Les mots sont un cours dâeau, la source est ton Ăąme. Câest en remontant tes mots jusquâĂ ton Ăąme que je saurai discerner si tu peux avancer sur la voie des marchombres. Es-tu prĂȘte ?
- Oui.
Une esquisse de sourire traversa le visage ridĂ© dâEhrlime.
- Quây a-t-il au sommet de la montagne ?
- Le ciel.
- Que dit le loup quand il hurle ?
- Joie, force et solitude.
- Ă qui sâadresse-t-il ?
- Ă la lune.
- OĂč va la riviĂšre ?
LâanxiĂ©tĂ© dâEllana sâĂ©tait dissipĂ©e. Les questions dâEhrlime Ă©taient trop imprĂ©vues, se succĂ©daient trop rapidement pour quâelle ait dâautre solution quây rĂ©pondre ainsi quâon le lui avait demandĂ©. Impossible de tricher. Cette Ă©vidence se transforma en une onde paisible dans laquelle elle sâimmergea, laissant Ehrlime remonter le cours de ses mots jusquâĂ son Ăąme, puisque câĂ©tait ce quâelle dĂ©sirait.
- Remplir la mer.
- Ă qui la nuit fait-elle peur ?
- Ă ceux qui attendent le jour pour voir.
- Combien dâhommes as-tu dĂ©jĂ tuĂ©s ?
- Deux.
- Es-tu vent ou nuage ?
- Je suis moi.
- Es-tu vent ou nuage ?
- Vent.
- Méritaient-ils la mort ?
- Je lâignore.
- Es-tu ombre ou lumiĂšre ?
- Je suis moi.
- Es-tu ombre ou lumiĂšre ?
- Les deux.
- OĂč se trouve la voie du marchombre ?
- En moi.
Ellana sâexprimait avec aisance, chaque rĂ©ponse jaillissant dâelle naturellement, comme une expiration aprĂšs une inspiration. FluiditĂ©. Le sourire sur le visage dâEhrlime Ă©tait revenu, plus marquĂ©, et une pointe de jubilation perçait dans sa voix ferme.
- Que devient une larme qui se brise ?
- Une poussiĂšre dâĂ©toiles.
- Que fais-tu devant une riviĂšre que tu ne peux pas traverser ?
- Je la traverse.
- Que devient une étoile qui meurt ?
- Un rĂȘve qui vit.
- Offre-moi un mot.
- Silence.
- Un autre.
- Harmonie.
- Un dernier.
- Fluidité.
- Lâours et lâhomme se disputent un territoire. Qui a raison ?
- Le chat qui les observe.
- Marie tes trois mots.
- Marchombre.
â
â
Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
â
Une pensĂ©e Ă©crite est morte. Elle vivait. Elle ne vit plus. Elle Ă©tait fleur. LâĂ©criture lâa rendue artificielle, câest-Ă -dire immuable.
â
â
Jules Renard (Journal 1887-1910)
â
On ne vit pas seul mais avec une absence.
â
â
David Foenkinos (La famille Martin (French Edition))
â
Dans la vieillesse de l'amour comme dans celle de lâĂąge on vit encore pour les maux, mais on ne vit plus pour les plaisirs.
â
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François de La Rochefoucauld
â
A qui vit aux champs et se sert de ses yeux, tout devient miraculeux et simple.
To those who dwell in the fields and use their eyes, everything becomes miraculous and simple
â
â
Colette (Claudine's House)
â
Le soir venait. Il les vit et s'arrĂȘta prĂšs d'eux pour ne pas les troubler.
â
â
Boris Vian
â
On mange pour vivre; on ne vit pas pour manger.
â
â
MoliĂšre
â
La vrai amour ce n'est pas de vivre avec une femme parce qu'on l'aime, mais de l'aimer parce qu'on vit avec elle.
â
â
Albert Cohen (Mangeclous)
â
Il faut se décider; ou bien on vit avec quelqu'un, ou bien on le désire. On ne peut pas désirer ce qu'on a, c'est contre
nature.
â
â
Frédéric Beigbeder
â
Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit.
â
â
François de La Rochefoucauld
â
Le goût de la route ne s'explique pas, pas plus que le plaisir d'escalader une montagne, de traverser un désert, d'explorer une jungle ou de vaincre l'océan. Il se vit.
â
â
André Brugiroux (La route)
â
se qui nait par hasard,
vit par obligation,
et meurt par force
med LAGHDAF
â
â
Ù
ŰÙ
ŰŻ ÙŰș۶Ù
â
Cela, et tout ce qui s'ensuivra de rencontres et de métamorphoses, je le dois à l'art qui sauve la vie et vit dans les villes.
â
â
Monique LaRue (L'Oeil de Marquise)
â
me vit toute sanglante, et le soldat ne se dérangeait
â
â
Voltaire (Candide)
â
Longtemps dans la poussiĂšre, Ă©crasĂ©e, asservie, Sous la religion lâon vit ramper la vie ; Horrible, secouant sa tĂȘte dans les cieux, Planait sur les mortels lâĂ©pouvantail des dieux.
â
â
Lucretius (De la nature des choses)
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Théoriquement on sait que la terre tourne, mais en fait on ne s'en aperçoit pas, le sol sur lequel on marche semble ne pas bouger et on vit tranquille. Il en est ainsi du Temps dans la vie.
â
â
Marcel Proust (Ă l'ombre des jeunes filles en fleurs)
â
Je pense qu'il y a une diffĂ©rence entre l'ĂȘtre humain et l'individu. L'individu est une entitĂ© locale, qui vit dans tel pays, qui appartient Ă telle culture, Ă telle sociĂ©tĂ©, Ă telle religion. L'ĂȘtre humain n'est pas une entitĂ© locale. Il est partout. Si l'individu n'agit que dans un coin du vaste champ de la vie, son action n'aura aucun lien avec la totalitĂ©. Veuillez donc tenir prĂ©sent Ă l'esprit que ce dont nous parlons est la totalitĂ©, non la partie, car dans le plus grand est le plus petit, mais dans le plus petit, le plus grand n'est pas.
L'individu est cette petite entité, conditionnée, misérable et frustrée, que
satisfont ses petits dieux et ses petites traditions, tandis que l'ĂȘtre humain se sent responsable du bien-ĂȘtre total, de la totale misĂšre et de la
totale confusion du monde.
â
â
J. Krishnamurti
â
Durant les longues nuits et les longues journées passées sous l'effet de la cocaïne dans la chambre de Yag, il me vint à l'esprit que ce qui importe à l'homme ce ne sont pas les événements survenus dans sa vie, mais seulement les répercussions de ces événements dans sa conscience....
...L'homme vit donc non des événements du monde qui l'entoure mais des reflets de ces événements dans sa conscience.
â
â
M. Agueev (Novel with Cocaine (European Classics))
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La mort n'est d'aucune consolation, et si tant est qu'on puisse en trouver une, c'est au cours de la vie. Et pourtant, rien n'est aussi mĂ©sestimĂ© que l'existence. Vous maudissez les lundis, la tempĂȘte, vos voisins, vous maudissez les mardis, le travail, l'hiver et cela s'Ă©vanouira en une fraction de seconde. Tout ce foisonnement sera rĂ©duit Ă nĂ©ant et remplacĂ© par l'indigence de la mort. Que ce soit dans la veille ou dans le sommeil, vous pensez Ă des choses insignifiantes, et qui sont Ă mille lieues de l'essence. Combien de temps vit un ĂȘtre humain en fin de compte, combien connaĂźt-il d'heures limpides, combien de fois existe-t-il avec la mĂȘme intensitĂ© que le courant Ă©lectrique au point d'illuminer le monde ? L'oiseau chante, le ver se tourne au creux de la terre afin que la vie n'Ă©touffe pas mais, vous, vous maudissez les lundis, vous maudissez les mardis, le nombre des opportunitĂ©s qui s'offrent Ă vous diminue et cela rejaillit sur le scintillement argentĂ© qui vous habite. (p. 156-157)
â
â
JĂłn Kalman StefĂĄnsson (Harmur englanna)
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Ceux qui ont apparié nostre vie à un songe, ont eu de la raison, à l'aventure plus qu'ils ne pensoyent. Quand nous songeons, notre ame vit, agit, exerce toutes ses facultés, ne plus ne moins que quand elle veille.
â
â
Michel de Montaigne
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Lorsque jâai commencĂ© Ă voyager en Gwendalavir aux cĂŽtĂ©s d'EwĂŹlan et de Salim, je savais que, au fil de mon Ă©criture, ma route croiserait celle d'une multitude de personnages. Personnages attachants ou irritants, discrets ou hauts en couleurs, pertinents ou impertinents, sympathiques ou malĂ©fiques... Je savais cela et je m'en rĂ©jouissais.
Rien, en revanche, ne m'avait préparé à une rencontre qui allait bouleverser ma vie.
Rien ne m'avait préparé à Ellana.
Elle est arrivĂ©e dans la QuĂȘte Ă sa maniĂšre, tout en finesse tonitruante, en dĂ©licatesse remarquable, en discrĂ©tion Ă©tincelante. Elle est arrivĂ©e Ă un moment clef, elle qui se moque des serrures, Ă un moment charniĂšre, elle qui se rit des portes, au sein dâun groupe constituĂ©, elle pourtant pĂ©trie dâindĂ©pendance, son caractĂšre forgĂ© au feu de la solitude.
Elle est arrivĂ©e, s'est glissĂ©e dans la confiance d'Ewilan avec l'aisance d'un songe, a captĂ© le regard dâEdwin et son respect, a sĂ©duit Salim, conquis maĂźtre Duom... Je lâai regardĂ©e agir, admiratif ; sans me douter un instant de la toile que sa prĂ©sence, son charisme, sa beautĂ© tissaient autour de moi.
Aucun calcul de sa part. Ellana vit, elle ne calcule pas. Elle s'est contentĂ©e d'ĂȘtre et, ce faisant, elle a tranquillement troquĂ© son statut de personnage secondaire pour celui de figure emblĂ©matique d'une double trilogie qui ne portait pourtant pas son nom. Convaincue du pouvoir de l'ombre, elle n'a pas cherchĂ© la lumiĂšre, a Ă©paulĂ© Ewilan dans sa quĂȘte d'identitĂ© puis dans sa recherche d'une parade au danger qui menaçait l'Empire.
Sans elle, Ewilan n'aurait pas retrouvĂ© ses parents, sans elle, l'Empire aurait succombĂ© Ă la soif de pouvoir des Valinguites, mais elle nâen a tirĂ© aucune gloire, trop Ă©quilibrĂ©e pour ignorer que la victoire s'appuyait sur les Ă©paules d'un groupe de compagnons soudĂ©s par une indĂ©fectible amitiĂ©.
Lorsque j'ai posé le dernier mot du dernier tome de la saga d'Ewilan, je pensais que chacun de ses compagnons avait mérité le repos. Que chacun d'eux allait suivre son chemin, chercher son bonheur, vivre sa vie de personnage libéré par l'auteur aprÚs une éprouvante aventure littéraire.
Chacun ?
Pas Ellana.
Impossible de la quitter. Elle hante mes rĂȘves, se promĂšne dans mon quotidien, fluide et insaisissable, transforme ma vision des choses et ma perception des autres, crochĂšte mes pensĂ©es intimes, escalade mes dĂ©sirs secrets...
Un auteur peut-il tomber amoureux de l'un de ses personnages ?
Est-ce moi qui ai créé Ellana ou n'ai-je vraiment commencĂ© Ă exister que le jour oĂč elle est apparue ? Nos routes sont-elles liĂ©es Ă jamais ?
â Il y a deux rĂ©ponses Ă ces questions, souffle le vent Ă mon oreille. Comme Ă toutes les questions. Celle du savant et celle du poĂšte.
â Celle du savant ? Celle du poĂšte ? Qu'est-ce que...
â Chut... Ăcris.
â
â
Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
â
Une vie active permet Ă lâhomme de rĂ©aliser ses valeurs Ă travers un travail crĂ©atif, tandis que celui qui mĂšne une vie passive et qui vit pour son plaisir peut faire lâexpĂ©rience de la beautĂ©, de lâart, ou de la nature.
â
â
Viktor E. Frankl (Découvrir un sens à sa vie: Grùce à la logothérapie (French Edition))
â
AprÚs tout, on vit à l'époque des Kleenex. On fait avec les gens comme avec les mouchoirs, on froisse aprÚs usage, on jette, on en prend un autre, on se mouche, on froisse, on jette. Tout le monde se sert des basques du voisin.
â
â
Ray Bradbury (Fahrenheit 451)
â
cette Ă©poque le service de Grenoble et qui arrivait Ă Digne vers trois heures du matin, vit en traversant la rue de lâĂ©vĂȘchĂ© un homme dans lâattitude de la priĂšre, Ă genoux sur le pavĂ©, dans lâombre, devant la porte de monseigneur Bienvenu.
â
â
Victor Hugo (Les Misérables: Roman (French Edition))
â
â Elle pleure insensĂ©, parce qu'elle a vĂ©cu !
Et parce qu'elle vit ! Mais ce qu'elle déplore
Surtout, ce qui la fait frémir jusqu'aux genoux,
C'est que demain, hélas ! il faudra vivre encore !
Demain, aprĂšs-demain et toujours! â comme nous !
â
â
Charles Baudelaire (Les Fleurs du Mal)
â
(âŠ) la partie irrationnelle de lâĂąme sera comme un homme qui vit prĂšs dâun sage ; il profite de ce voisinage, et ou bien il devient semblable Ă lui, ou bien il aurait honte dâoser faire ce que lâhomme de bien ne veut pas quâil fasse. Donc pas de conflit ; il suffit que la raison soit lĂ ; la partie infĂ©rieure de lâĂąme la respecte et, si elle est agitĂ©e dâun mouvement violent, câest elle-mĂȘme qui sâirrite de ne pas rester en repos quand son maĂźtre est lĂ , et qui se reproche sa faiblesse.
â
â
Plotinus (The Enneads)
â
SÄ redo de ut frÄn gÄrden i första gryningen. Dimman lÄg vit som mjölk över bygden. Men om en stund började den lÀtta, och sÄ silade solen igenom. Och drypande av dagg lyste dÀr fram i det vita diset grÀsvallar, gröna av efterslÄttern, och blacka stubbÄkrar och gula trÀd och rönn med blÀnkande röda bÀr. FjÀllsidorna skymtade blÄa höjande sig ur dis och Änga - sÄ rÀmnade dimman och drev som molntappar mellan sluttningarna, och de redo genom dalen i det hÀrligaste solsken, Kristin frÀmst i skaran vid sin fars sida.
â
â
Sigrid Undset (The Wreath (Kristin Lavransdatter, #1))
â
- Qu'y-a-t-il au sommet de la montagne ?
- Le ciel.
- Que dit le loup quand il hurle ?
- Joie, force et solitude.
- A qui s'adresse-t-il ?
- A la lune.
- OĂč va la riviĂšre ?
- Remplir la mer.
- A qui la nuit fait-elle peur ?
- A ceux qui attendent le jour pour voir.
- Es-tu vent ou nuage ?
- Je suis moi.
- Es-tu vent ou nuage ?
- Vent.
- Es-tu ombre ou lumiĂšre ?
- Je suis moi.
- Es-tu ombre ou lumiĂšre ?
- Les deux.
- Que devient une lame qui se brise ?
- Une poussiÚre d'étoile.
- Que fais-tu devant une riviĂšre que tu ne peux pas traverser ?
- Je le traverse.
- Que devient une étoile qui meurt ?
- Un rĂȘve qui vit.
- Offre moi un mot.
- Silence.
- Un autre.
- Harmonie.
- Un dernier.
- Fluidité.
- L'ours et le chien se disputent un territoire, qui a raison ?
- Le chat qui les observe.
- Marie tes trois mots.
- Marchombre.
â
â
Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
â
Je la pris prĂšs de la riviĂšre
Car je la croyais sans mari
Tandis qu'elle était adultÚre
Ce fut la Saint Jacques la nuit
Par rendez vous et compromis
Quand s'éteignirent les lumiéres
Et s'allumĂšrent les cri-cri
Au coin des derniĂšres enceintes
Je touchai ses seins endormis
Sa poitrine pour moi s'ouvrit
Comme des branches de jacinthes
Et dans mes oreilles l'empois
De ses jupes amidonnées
Crissait comme soie arrachée
Par dix couteaux Ă la fois
Les cimes d'arbres sans lumiĂšre
Grandissaient au bord du chemin
Et tout un horizon de chiens
Aboyaient loin de la riviĂšre
Quand nous avons franchi les ronces
Les épines et les ajoncs
Sous elle son chignon s'enfonce
Et fait untrou dans le limon
Quand ma cravate fut otée
Elle retira son jupon
Puis quand j'otai mon ceinturon
Quatre corsages d'affilée
Ni le nard ni les escargots
N'eurent jamais la peau si fine
Ni sous la lune les cristaux
N'ont de lueur plus cristalline
Ses cuisses s'enfuyaient sous moi
Comme des truites effrayées
L'une moitié toute embrasée
L'autre moitié pleine de froid
Cette nuit me vit galoper
De ma plus belle chevauchée
Sur une pouliche nacrée
Sans bride et sans étriers ......
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Federico GarcĂa Lorca
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Think not that when thou art dry and darksom in the presence of God, with faith and silence, that thou doâst nothing, that thou losest time, and that thou are idle, because not to wait on God, according to the saying of St. Bernard (Tom.5.in Fract. de vit. solit.c.8.p. 90.), is the greatest idleness
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Miguel de Molinos
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Quand on sâattend au pire, le moins pire a une saveur toute particuliĂšre, que vous dĂ©gusterez avec plaisir, mĂȘme si ce nâest pas le meilleur.
***
Ce n'est pas la vie qui est belle, c'est nous qui la voyons belle ou moins belle. Ne cherchez pas Ă atteindre un bonheur parfait, mais contentez vous des petites choses de la vie, qui, mises bout Ă bout, permettent de tenir la distance⊠Les tout petit riens du quotidien, dont on ne se rend mĂȘme plus compte mais qui font que, selon la façon dont on les vit, le moment peut ĂȘtre plaisant et donne envie de sourire. Nous avons tous nos petits riens Ă nous. Il faut juste en prendre conscience.
***
Le silence a cette vertu de laisser parler le regard, miroir de lâĂąme. On entend mieux les profondeurs quand on se tait.
***
Au temps des sorciĂšres, les larmes dâhomme devaient ĂȘtre trĂšs recherchĂ©es. Câest rare comme la bave de crapaud. Ce quâelles pouvaient en faire, ça, je ne sais pas. Une potion pour rendre plus gentil ? Plus humain ? Moins avare en Ă©motion ? Ou moins poilu ?
***
Quand un silence sâinstalle, on dit quâun ange passeâŠ
***
Vide. Je me sens vide et Ă©teinte. Jâai lâimpression dâĂȘtre un peu morte, moi aussi. DâĂȘtre un champ de bataille. Tout a brĂ»lĂ©, le sol est irrĂ©gulier, avec des trous bĂ©ants, des ruines Ă perte de vue. Le silence aprĂšs lâhorreur. Mais pas le calme aprĂšs la tempĂȘte, quand on se sent apaisĂ©. Moi, jâai lâimpression dâavoir sautĂ© sur une mine, dâavoir explosĂ© en mille morceaux, et de ne mĂȘme pas savoir comment je vais faire pour les rassembler, tous ses morceaux, ni si je les retrouverai tous.
***
Accordez-vous le droit de vivre votre chagrin. Il y a un temps pour tout.
***
Ce nâest pas dâintuition dont est dotĂ© Romain, mais dâattention.
***
ÒȘa fait toujours plaisir un cadeau, surtout de la part des gens quâon aime.
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AgnĂšs Ledig (Juste avant le bonheur)
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Et les adultes surdouĂ©s ? Quelle est leur place dans cette sociĂ©tĂ© qui vit de bonheur comme un objectif, sinon comme un droit ? Leur esprit critique, leur soif d'absolu, leur façon de penser, leur regard sur le monde leur donnent-ils la moindre chance d'accĂ©der au bonheur ? LĂ encore les adultes surdouĂ©s continuent d'ĂȘtre diffĂ©rents qualitativement et quantitativement. Leurs traits de caractĂšre leur font envisager cette notion d'une façon toute particuliĂšre. Qu'il soient heureux ou malheureux, ils le sont toujours Ă leur maniĂšre. ("L'adulte surdouĂ© : Apprendre Ă faire simple quand on est compliquĂ©", p163)
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Monique de Kermadec (L'adulte surdoué : Apprendre à faire simple quand on est compliqué)
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La dĂ©mocratie vit de mouvements, de changements, dâagencements contractuels, de temps fluides, de dynamiques permanentes, de jeux dialectiques. Elle se crĂ©e, vit, change, se mĂ©tamorphose, se construit en regard dâun vouloir issu de forces vivantes. Elle recourt Ă lâusage de la raison, au dialogue des parties prenantes, Ă lâagir communicationnel, Ă la diplomatie autant quâĂ la nĂ©gociation. La thĂ©ocratie fonctionne Ă lâinverse : elle nait, vit et jouit de lâimmobilitĂ©, de la mort et de lâirrationnel. La thĂ©ocratie est lâennemie la plus Ă craindre de la dĂ©mocratie, avant-hier Ă Paris avant 1789, hier Ă TĂ©hĂ©ran en 1978, et aujourdâhui chaque fois quâAl-QuaĂŻda fait parler la poudre.
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Michel Onfray (Atheist Manifesto: The Case Against Christianity, Judaism, and Islam)
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Heretic-Chosen Alchemist of the Malefic Viper â You walk a paradoxical path, understood by none but you and your Patron. His Chosen, but not his believer; his ally, but not of his Order; and a bearer of his Legacy, yet a blasphemer in the eyes of most. You have the ears of a Primordial, yet you choose to remain dedicated to the alchemy that first made the Malefic One known to you. Allows one to combine the natural treasures of the world to make potions and pills, transmute one material to another, and employ a slew of other mystical means to be discovered. This rare type of alchemist specializes in the production of poisons, contrary to the craft of potions. As a heretic, the Legacy of the Malefic Viper is no longer contingent on retaining any blessing from the Malefic Viper, yet as his Chosen, you are closer to him than any other mortal. May you walk your own pathâbe it that of a Heretic or a Chosen, or one entirely unique to you and the Malefic One. Stat bonuses per level: +15 Will, +15 Wis +14 Vit, +10 Int, +10 Tough, +10 Free Points.
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Zogarth (The Primal Hunter 3 (The Primal Hunter, #3))
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A ce moment-lĂ , Maxim me regarda enfin. Il me regarda pour la premiĂšre fois de la soirĂ©e et, dans ses yeux, je lus un message d'adieu. C'Ă©tait comme s'il se penchait au bastingage d'un navire, et que je me tenais en contrebas sur le quai. Il y avait d'autres gens qui touchaient son Ă©paule et qui touchaient la mienne, mais nous ne les remarquions pas. Nous ne nous parlions pas et ne nous hĂ©lions pas, car le vent et la distance emportaient le son de nos voix. Mais je vis ses yeux, tout comme lui vit les miens, avant que le navire se dĂ©tache du quai. Favell, Mme Danvers, le colonel Julyan, Frank avec son bout de papier Ă la main, tous furent oubliĂ©s Ă cet instant-lĂ . Cet instant-lĂ Ă©tait le nĂŽtre, inviolĂ©, communion Ă©phĂ©mĂšre entre nos deux ĂȘtres.
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Daphne du Maurier (Rebecca)
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Pendant un moment, elle a galopĂ©, tout heureuse dans ce prĂ©, mais quand elle a atteint la barriĂšre, elle sâest rendu comte quâelle nâĂ©tait toujours pas complĂštement libre. Je comprenais ce besoin dâaller au-delĂ de la clĂŽture. Aussi belle que puisse ĂȘtre la pĂąture, câest la libertĂ© de choisir qui fait la diffĂ©rence entre une existence que lâon vit et une existence que lâon subit.
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Tiffany McDaniel (Betty)
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  Un jeune homme se prĂ©senta pour ĂȘtre rĂ©dacteur de l'air timide et inquiet qu'avait Lucien naguĂšre. Lucien vit avec un plaisir secret Giroudeau pratiquant sur le nĂ©ophyte les plaisanteries par lesquelles le vieux militaire l'avait abusé ; son intĂ©rĂȘt lui fit parfaitement comprendre la nĂ©cessitĂ© de ce manĂ©ge, qui mettait des barriĂšres presque infranchissables entre les dĂ©butants et la mansarde oĂč pĂ©nĂ©traient les Ă©lus.
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Honoré de Balzac (Etudes de moeurs. 2e livre. ScÚnes de la vie de province. T. 4. Illusions perdues. 2. Un grand homme de province à Paris (French Edition))
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Ăað hvĂn Ă opnum gluggunum og lestin segir ĂŸĂ©r syfjulegar sögur ĂĄ meðan hĂșn ĂŸĂœtur gegnum myrk göng. Ă lestinni eru mjĂșkar stelpur með ĂĄvöl andlit og karlar Ă köflĂłttum skyrtum. Ă endastöðina hefur ĂŸĂș hins vegar aldrei komið ĂŸvĂ ĂĄ miðri leið bĂða ĂŸĂn lĂtil börn og ĂŸĂș verður að stökkva Ășt åður en lestin reynir að ĂŸjĂłta með ĂŸig ĂĄ endastöðina, ĂĄ vit svartra fugla með ĂŸungar brĂșnir og bĂșstinna hvĂnandi trjĂĄa sem vilja hvĂsla ĂŸig Ă svefn.
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Arngunnur ĂrnadĂłttir (Unglingar)
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La plupart des savants le sont Ă la maniĂšre des enfants. La vaste Ă©rudition rĂ©sulte moins d'une multitude d'idĂ©es que d'une multitude d'images. Les dates, les noms propres, les lieux, tous les objets isolĂ©s ou dĂ©nuĂ©s d'idĂ©es, se retiennent uniquement par la mĂ©moire des signes, et rarement se rappelle-t-on quelqu'une de ces choses sans voir en mĂȘme temps le recto ou le verso de la page oĂč on l'a lue, ou la figure sous laquelle on la vit la premiĂšre fois. Telle Ă©tait Ă peu prĂšs la science Ă la mode des siĂšcles derniers. Celle de notre siĂšcle est autre chose: on n'Ă©tudie plus, on n'observe plus; on rĂȘve, et l'on nous donne gravement pour de la philosophie les rĂȘves de quelques mauvaises nuits. On me dira que je rĂȘve aussi; j'en conviens: mais, ce que les autres n'ont garde de faire, je donne mes rĂȘves pour des rĂȘves, laissant chercher au lecteur s'ils ont quelque chose d'utile aux gens Ă©veillĂ©s.
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Jean-Jacques Rousseau (Emile, or On Education)
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Segundo certo mito, cada qual procura no amor a outra metade que lhe falta. Assim é. Somente essa metade, no amor como em tudo o que se procura, é sempre inalcançåvel. Ter o que se procura estå por vezes ao nosso alcance. O que não estå nunca ao nosso alcance é ter o que se procura, depois de se alcançar. Mas só o que procura depois de se ter é que vale a pena. O resto é derrota de todas as vitórias. Só que a vitória que não se alcança é uma derrota a dobrar.
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VergĂlio Ferreira
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Cette productrice qui déboutonne sa chemise et se barbouille les lÚvres de gloss avant de rencontrer un diffuseur, ces assistantes perchées sur des talons aiguilles lors de salons du livre ou de marchés du film, ces rires aigus aux moindres plaisanteries de leurs supérieurs hiérarchiques, cette minauderie à grande échelle, véritable stratégie de survie économique pour les femmes. Mais dans quel monde vit-on, si nous en sommes réduites à devoir séduire le patron ?
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Ovidie (La chair est triste hélas)
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LâobscuritĂ© submergeait tout, il nây avait aucun espoir dâen traverser les ombres, mais on en atteignait la rĂ©alitĂ© dans une relation dont lâintimitĂ© Ă©tait bouleversante. Sa premiĂšre observation fut quâil pouvait encore se servir de son corps, en particulier de ses yeux ; ce nâĂ©tait pas quâil vit quelque chose, mais ce quâil regardait, Ă la longue le mettait en rapport avec une masse nocturne quâil percevait vaguement comme Ă©tant lui-mĂȘme et dans laquelle il baignait.
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Maurice Blanchot (Thomas the Obscure)
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Mais quand il les eut mises en branle, quand il sentit cette grappe de cloches remuer sous sa main, quand il vit, car il ne l'entendait pas, l'octave palpitante monter et descendre sur cette échelle sonore comme un oiseau qui saute de branche en branche, quand le diable musique, ce démon qui secoue un trousseau étincelant de strettes, de trilles et d'arpÚges, se fut emparé du pauvre sourd, alors il redevint heureux, il oublia tout, et son coeur qui se dilatait fit épanouir son visage.
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Victor Hugo (Notre Dame de Paris)
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On ne se doute pas de tous les embĂȘtements dont sont poursuivis les domestiques, ni de lâexploitation acharnĂ©e, Ă©ternelle qui pĂšse sur eux. TantĂŽt les maĂźtres, tantĂŽt les placiers, tantĂŽt les institutions charitables, sans compter les camarades, car il y en a de rudement salauds. Et personne ne sâintĂ©resse Ă personne. Chacun vit, sâengraisse, s' amuse de la misĂšre d' un plus pauvre que soi. Les scĂšnes changent ; les dĂ©cors se transforment ; vous traversez des milieux sociaux diffĂ©rents et ennemis ; et les passions restent les mĂȘmes, les mĂȘmes appĂ©tits demeurent. Dans lâappartement Ă©triquĂ© du bourgeois, ainsi que dans le fastueux hĂŽtel du banquier, vous retrouvez des saletĂ©s pareilles, et vous vous heurtez Ă de lâinexorable. Enfin de compte, pour une fille comme je suis, le rĂ©sultat est quâelle soit vaincue d' avance, oĂč qu' elle aille et quoi qu' elle fasse. Les pauvres sont lâengrais humain oĂč poussent les moissons de vie, les moissons de joie que rĂ©coltent les riches, et dont ils mĂ©susent si cruellement, contre nous...
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Octave Mirbeau
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Jâallais ouvrir la bouche et aborder cette fille , quand quelquâun me toucha lâĂ©paule. Je me retournai, surpris, et jâaperçus un homme dâaspect ordinaire, ni jeune ni vieux, qui me regardait dâun air triste.
â Je voudrais vous parler, dit-il.
Je fis une grimace quâil vit sans doute, car il ajouta :
â « Câest important. »
Je me levai et le suivis Ă lâautre bout du bateau :
â « Monsieur, reprit-il, quand lâhiver approche avec les froids, la pluie et la neige, votre mĂ©decin vous dit chaque jour : « Tenez-vous les pieds bien chauds, gardez-vous des refroidissements, des rhumes, des bronchites, des pleurĂ©sies. » Alors vous prenez mille prĂ©cautions, vous portez de la flanelle, des pardessus Ă©pais, des gros souliers, ce qui ne vous empĂȘche pas toujours de passer deux mois au lit. Mais quand revient le printemps avec ses feuilles et ses fleurs, ses brises chaudes et amollissantes, ses exhalaisons des champs qui vous apportent des troubles vagues, des attendrissements sans cause, il nâest personne qui vienne vous dire : « Monsieur, prenez garde Ă lâamour ! Il est embusquĂ© partout ; il vous guette Ă tous les coins ; toutes ses ruses sont tendues, toutes ses armes aiguisĂ©es, toutes ses perfidies prĂ©parĂ©es ! Prenez garde Ă lâamour !⊠Prenez garde Ă lâamour ! Il est plus dangereux que le rhume, la bronchite et la pleurĂ©sie ! Il ne pardonne pas, et fait commettre Ă tout le monde des bĂȘtises irrĂ©parables. » Oui, monsieur, je dis que, chaque annĂ©e, le gouvernement devrait faire mettre sur les murs de grandes affiches avec ces mots : « Retour du printemps. Citoyens français, prenez garde Ă lâamour ; » de mĂȘme quâon Ă©crit sur la porte des maisons : « Prenez garde Ă la peinture ! » â Eh bien, puisque le gouvernement ne le fait pas, moi je le remplace, et je vous dis : « Prenez garde Ă lâamour ; il est en train de vous pincer, et jâai le devoir de vous prĂ©venir comme on prĂ©vient, en Russie, un passant dont le nez gĂšle. »
Je demeurai stupéfait devant cet étrange particulier, et, prenant un air digne :
â « Enfin, monsieur, vous me paraissez vous mĂȘler de ce qui ne vous regarde guĂšre. »
Il fit un mouvement brusque, et répondit :
â « Oh ! monsieur ! monsieur ! si je mâaperçois quâun homme va se noyer dans un endroit dangereux, il faut donc le laisser pĂ©rir ?
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Guy de Maupassant
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finalement, éperdu d'amour et au comble de la frénésie érotique, je m'assis dans l'herbe et j'enlevai un de mes souliers en caoutchouc.
â Je vais le manger pour toi, si tu veux. Si elle le voulait I Ha! Mais bien sĂ»r qu'elle le voulait, voyons! C'Ă©tait une vraie petite femme. --- Elle posa son cerceau par terre et s'assit sur ses ta-lons. Je crus voir dans ses yeux une lueur d'estime. Je n'en demandais pas plus. Je pris mon canif et enta-mai le caoutchouc. Elle me regardait faire.
â Tu vas le manger cru ?
â Oui.
J'avalai un morceau, puis un autre. Sous son regard enfin admiratif, je me sentais devenir vraiment un homme. Et j'avais raison. Je venais de faire mon apprentissage. J'entamai le caoutchouc encore plus profondĂ©ment, soufflant un peu, entre les bouchĂ©es, et je continuai ainsi un bon moment, jusqu'Ă ce qu'une sueur froide me montĂąt au front. Je continuai mĂȘme un peu au-delĂ , serrant les dents, luttant contre la nausĂ©e, ramassant toutes mes forces pour demeurer sur le terrain, comme il me fallut le faire tant de fois, depuis, dans mon mĂ©tier d'homme.
Je fus trÚs malade, on me transporta à l'hÎpital, ma mÚre sanglotait, Aniela hurlait, les filles de l'atelier geignaient, pendant qu'on me mettait sur un brancard dans l'ambulance. J'étais trÚs fier de moi.
Mon amour d'enfant m'inspira vingt ans plus tard mon premier roman Ăducation europĂ©enne, et aussi certains passages du Grand Vestiaire.
Pendant longtemps, Ă travers mes pĂ©rĂ©grinations, j'ai transportĂ© avec moi un soulier d'enfant en caoutchouc, entamĂ© au couteau. J'avais vingt-cinq ans, puis trente, puis quarante, mais le soulier Ă©tait toujours lĂ , Ă portĂ©e de la main. J'Ă©tais toujours prĂȘt Ă m'y attabler, Ă donner, une fois de plus, le meilleur de moi-mĂȘme. Ăa ne s'est pas trouvĂ©. Finalement, j'ai abandonnĂ© le soulier quelque part derriĂšre moi. On ne vit pas deux fois.
(La promesse de l'aube, ch. XI)
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Romain Gary (Promise at Dawn)
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Ăpouvantable et complet dĂ©sastre. Le vaisseau sombrait sans laisser ni un cordage, ni une planche sur le vaste ocĂ©an des espĂ©rances. En se voyant abandonnĂ©es, certaines femmes vont arracher leur amant aux bras dâune rivale, la tuent et sâenfuient au bout du monde, sur lâĂ©chafaud ou dans la tombe. Cela, sans doute, est beau ; le mobile de ce crime est une sublime passion qui impose Ă la Justice humaine. Dâautres femmes baissent la tĂȘte et souffrent en silence ; elles vont mourantes et rĂ©signĂ©es, pleurant et pardonnant, priant et se souvenant jusquâau dernier soupir. Ceci est de lâamour, lâamour vrai, lâamour des anges, lâamour fier qui vit de sa douleur et qui en meurt.
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Honoré de Balzac (Eugénie Grandet)
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NaguĂšre Raymond s'Ă©tonnait de sentir Ă sa portĂ©e la fameuse Maria Cross; il se rĂ©pĂ©tait : « Cette petite femme si simple, c'est Maria Cross. » Et il n'aurait eu qu'Ă tendre la main : elle Ă©tait lĂ , soumise, inerte, il aurait pu la prendre, la laisser tomber, la ressaisir; â et tout Ă coup le geste de ses bras tendus avait suffi pour Ă©loigner cette Maria vertigineusement. Ah! elle Ă©tait lĂ encore; mais il savait d'une science sĂ»re que dĂ©sormais il ne la toucherait pas plus qu'une Ă©toile. Ce fut alors qu'il vit qu'elle Ă©tait belle : tout occupĂ© de savoir comment cueillir et manger le fruit, sans mettre une seconde en doute que ce fruit lui fĂ»t destinĂ©, il ne l'avait jamais regardĂ©e ; â cela te reste maintenant de la dĂ©vorer des yeux.
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François Mauriac (Le désert de l'amour (Littérature) (French Edition))
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Câest de lĂ que je vous Ă©cris, ma porte grande ouverte, au bon soleil.
Un joli bois de pins tout Ă©tincelant de lumiĂšre dĂ©gringole devant moi jusquâau bas de la cĂŽte. Ă lâhorizon, les Alpilles dĂ©coupent leurs crĂȘtes fines⊠Pas de bruit⊠à peine, de loin en loin, un son de fifre, un courlis dans les lavandes, un grelot de mules sur la route⊠Tout ce beau paysage provençal ne vit que par la lumiĂšre.
Et maintenant, comment voulez-vous que je le regrette, votre Paris bruyant et noir ? Je suis si bien dans mon moulin ! Câest si bien le coin que je cherchais, un petit coin parfumĂ© et chaud, Ă mille lieues des journaux, des fiacres, du brouillard !⊠Et que de jolies choses autour de moi ! Il y a Ă peine huit jours que je suis installĂ©, jâai dĂ©jĂ la tĂȘte bourrĂ©e dâimpressions et de souvenirsâŠ
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Alphonse Daudet
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Plus nous nous efforçons d'expliquer rationnellement ces phénomÚnes historiques, plus ils nous apparaissent dénués de sens et incompréhensibles.
Tout homme vit pour soi, profite de sa libertĂ© pour atteindre ses buts personnels et sent de tout son ĂȘtre qu'il peut Ă chaque instant accomplir ou ne pas accomplir tel acte; mais une fois qu'il l'aura accompli, cet acte accompli Ă un moment prĂ©cis du temps deviendra irrĂ©vocable et appartiendra Ă l'histoire qui, de libre qu'il Ă©tait, le rend nĂ©cessaire. (...) L'homme consciemment vit pour soi, mais il sert inconsciemment d'instrument Ă des fins historiques et sociales. (...) a tort et raison celui qui prĂ©tend que c'est le dernier coup de pioche qui a fait s'Ă©crouler la colline que l'on creusait. (Guerre et Paix, livre troisiĂšme, 1Ăšre partie, ch. I)
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Leo Tolstoy
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L'homme ne vit pas seulement sa vie personnelle comme individu, mais consciemment ou inconsciemment il participe aussi Ă celle de son Ă©poque et de ses contemporains, et mĂȘme s'il devait considĂ©rer les bases gĂ©nĂ©rales et impersonnelles de son existence comme des donnĂ©es immĂ©diates, les tenir pour naturelles et ĂȘtre aussi Ă©loignĂ© de l'idĂ©e d'exercer contre elles une critique que le bon Hans Castorp l'Ă©tait rĂ©ellement, il est nĂ©anmoins possible qu'il sente son bien-ĂȘtre moral vaguement affectĂ© par leurs dĂ©fauts. L'individu peut envisager toute sorte de buts personnels, de fins, d'espĂ©rances, de perspectives oĂč il puise une impulsion Ă de grands efforts et Ă son activitĂ©, mais lorsque l'impersonnel autour de lui, l'Ă©poque elle-mĂȘme, en dĂ©pit de son agitation, manque de buts et d'espĂ©rances, lorsqu'elle se rĂ©vĂšle en secret dĂ©sespĂ©rĂ©e, dĂ©sorientĂ©e et sans issue, lorsqu'Ă la question, posĂ©e consciemment ou inconsciemment, mais finalement posĂ©e en quelque maniĂšre, sur le sens suprĂȘme, plus que personnel et inconditionnĂ©, de tout effort et de toute activitĂ©, elle oppose le silence du vide, cet Ă©tat de choses paralysera justement les efforts d'un caractĂšre droit, et cette influence, par-delĂ l'Ăąme et la morale, s'Ă©tendra jusqu'Ă la partie physique et organique de l'individu. Pour ĂȘtre disposĂ© Ă fournir un effort considĂ©rable qui dĂ©passe la mesure de ce qui est communĂ©ment pratiquĂ©, sans que l'Ă©poque puisse donner une rĂ©ponse satisfaisante Ă la question " Ă quoi bon? ", il faut une solitude et une puretĂ© morales qui sont rares et d'une nature hĂ©roĂŻque, ou une vitalitĂ© particuliĂšrement robuste. Hans Castorp ne possĂ©dait ni l'une ni l'autre, et il n'Ă©tait ainsi donc qu'un homme malgrĂ© tout moyen, encore que dans un sens des plus honorables.
(ch. II)
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Thomas Mann (The Magic Mountain)
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Un grondement montait de la grille oĂč elle s'Ă©tait immobilisĂ©e. Des profondeurs souterraines Ă©manait le grincement des roues d'acier, puis soudain, plus proche, un tintamarre de klaxons, de crissements de pneus et de freins, de heurts de pare-chocs se dĂ©chaĂźna. Pivotant sur elle-mĂȘme, elle vit des conducteurs vitupĂ©rant Clyde qui traversait en zigzag Ă toute vitesse.
Il lui attrapa la main et ils se mirent Ă courir, jusqu'Ă une paisible ruelle latĂ©rale qu'adoucissait encore une rangĂ©e d'arbres. Quand il s'arrĂȘtĂšrent essoufflĂ©s pour s'appuyer contre un mur, il lui glissa dans les mains un petit bouquet de violettes. Elle n'eut pas besoin de les regarder pour savoir qu'il les avait volĂ©es, comme si elle avait assistĂ© Ă la scĂšne. Les fleurs contenaient l'Ă©tĂ© tout entier, avec ses ombres et ses lumiĂšres gravĂ©es dans les feuilles, et elle en pressa toute la fraĂźcheur contre sa joue.
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Truman Capote (Summer Crossing)
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Un soir qu'elle descendait, d'un pas dansant, vers le fond du jardin, elle se sentit, sous le charme lunaire, changĂ©e, forte, exaltĂ©e. Au bord de la riviĂšre, elle s'arrĂȘta : l'eau, dans sa course, luisait doucement ; elle la scruta dans tous les sens et la vit entiĂšrement dĂ©serte, entiĂšrement Ă elle seule. Elle retira le peu de vĂȘtements qu'elle portait, et elle entra dedans, plongea bien vite ; l'eau glissa sur son sein, autour de ses Ă©paules, et l'enveloppa tout entiĂšre. (...) C'Ă©tait une douceur exquise d'ĂȘtre nue sous l'emprise glacĂ©e de l'eau. En comparaison, le plaisir de nager en costume de bain lui parut mĂ©prisable et vulgaire. Nager seule, sous le clair de lune, Ă©tait un mystĂšre sacrĂ©, qui la passionnait. L'eau Ă©tait amoureuse de son corps ; elle s'abandonnait, tout en y rĂ©sistant, Ă sa mordante Ă©treinte ; elle la subissait, bientĂŽt elle la dĂ©sira; elle Ă©tait amoureuse de l'eau.
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Rosamond Lehmann (Dusty Answer)
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Cette histoire nâest point exagĂ©rĂ©e, point embellie ; je puis dire mĂȘme que je lâai racontĂ©e faiblement, trĂšs faiblement, et quâelle a perdu de sa dĂ©licatesse, parce que je lâai rapportĂ©e avec nos formes de langage usuelles et rĂ©servĂ©es.
Cet amour, cette fidĂ©litĂ©, cette passion, nâest donc pas une fiction poĂ©tique ; elle vit, elle existe, dans sa parfaite puretĂ©, parmi cette classe dâhommes que nous appelons incultes et grossiers, nous que la culture a formĂ©s pour nous dĂ©former. Lis cette histoire avec recueillement, je tâen prie. Je suis calme aujourdâhui en tâĂ©crivant ces choses ; tu le vois Ă mon Ă©criture, je ne me presse ni ne barbouille comme dâordinaire. Lis, mon cher Wilhelm, et songe bien que câest aussi lâhistoire de ton ami. Oui, voilĂ ce qui mâest arrivĂ©, voilĂ ce qui mâarrivera, et je ne suis pas de moitiĂ© aussi courageux,, aussi rĂ©solu que ce pauvre malheureux, auquel jâose Ă peine me comparer.
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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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Jag gÄr omkring i de sömnlösa nÀtternas trÀdgÄrd och vill nÄgot med mitt liv som inte gÄr att formulera. Mina fötter gör avtryck i snön. Kanske Àr det jag vill. LÀmna spÄr. Men snöspÄren försvinner ju. Dunstar. Blir intet. Eller snarare partiklar som rumlar runt i universum och fÀster sig vid Àn det ena, Àn det andra, som de skapar eventuellt nytt liv med. Ursprunget har splittrats. Dött. Dödats. Det Àr sÄ jÀvla vÀrdelöst!
Universum borde förbjudas. Jag borde förbjudas. För jag orkar inte vara mÀnniska. Orkar inte delta i det hÀr meningslösa livspelet. Vad jag Àn vill med mitt liv sÄ vill Universum/Naturen/Tiden/Gud/Och Andra Idioter ÀndÄ att jag ska dö till slut och vad Àr det dÄ för vits med vad jag vill med mitt liv? [...]
Jag vill nÄgot med mitt liv. Fast jag kommer att dö och fast det kanske Àr meningslöst att vilja nÄgot sÄ vill jag ÀndÄ. Jag sitter kvar en lÄng stund i snön och grÄter och darrar och samlar nÀstan ihop till en urinvÀgsinfektion.
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Johanna Nilsson (Konsten att vara Ela)
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Ainsi, regardons autour de nous, pourrions-nous vraiment appeler jeune, autrement que dans un sens biologique et pour l'état-civil, une partie malheureusement considérable des « jeunes » de l'Italie d'aujourd'hui ?
Cette jeunesse indiffĂ©rente et agnostique, prise par le matĂ©rialisme et par un hĂ©donisme mĂ©diocre, incapable d'un Ă©lan quelconque, d'une quelconque ligne de conduite, ne s'enthousiasmant au mieux que pour le championnat de football et pour le Tour dâItalie, est-elle « jeune » ?
Cette jeunesse, nous serions plutĂŽt tentĂ© de dire qu'elle est morte avant mĂȘme d'ĂȘtre nĂ©e. Quiconque, de nos jours, ne se laisse pas aller, quiconque vit une idĂ©e, quiconque sait rester debout conformĂ©ment Ă une certaine droiture et mĂ©priser tout ce qui est mou, oblique, insidieux, vil, est, quel que soit son Ăąge, infiniment plus « jeune » que cette jeunesse particuliĂšre.
[Jeunesse Biologique et Jeunesse Politique (paru dans le recueil "Explorations : Hommes et ProblĂšmes.)]
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Julius Evola
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### Pauvreté de la sagesse
Je hais les sages pour leur complaisance, leur lĂąchetĂ© et leur reserve. J'aime infiniment plus les passions dĂ©vorantes que l'humeur Ă©gale qui rend insensible au plaisir comme Ă la douleur. Le sage ignore le tragique de la passion et la peur de la mort, de mĂȘme qu'il mĂ©connait l'Ă©lan et le risque, l'hĂ©roisme barbare, grotesque ou sublime. Il s'exprime en maximes et donne des conseils. Le sage ne vit rien, ne ressent rien, il ne dĂ©sire ni n'attend. Il se plaĂźt Ă niveler les divers contenus de la vie, et en assume toutes les consĂ©quences. Bien plus complexes me semblent ceux qui, malgrĂ© ce nivellement, ne cessent pourtant de se tourmenter. L'existence du sage est vide et stĂ©rile, car dĂ©pourvue d'antinomies et de dĂ©sespoir. Mais les existences que dĂ©vorent des contradictions insurmontables sont infiniment plus fĂ©condes. La rĂ©signation du sage surgit du vide. et non du feu intĂ©rieur. J'aimerais mille fois mieux mourir de ce feu que du vide et de la rĂ©signation.
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Emil M. Cioran (Oeuvres)
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Appartenir Ă une patrie, c'est aussi s'engager pour le siĂšcle oĂč l'on y vit" (source: Ă©mission sur la Russie sur Arte le 28/02/2012). "L'honneur d'un peuple appartient aux morts et les vivants n'en ont que l'usufruit - Georges Bernanos - Nos dĂ©mocraties ne valent que par les hommes qui les servent. Elles ne sont donc jamais parfaites mais elles reposent sur un socle inamovibleâ, selon Gandhiâ: âLa vĂ©ritable source des droits est le devoir.â Tout le reste est une question dâorganisation. "Le passĂ© renforce le prĂ©sent et les pas hĂ©sitants qui conduisent Ă ce prĂ©sent trouvent le chemin de l'avenir..." "TELL ME WHO YOUR FRIENDS ARE AND I WILL TELL YOU HOW YOU ARE" Pour juger de la beautĂ© d'un ouvrage, il suffit de le considĂ©rer en lui-mĂȘme ; mais, pour juger du mĂ©rite de l'auteur, il faut le comparer Ă son siĂšcle FONTENELLE ------------------------------------------- "La quantitĂ© de critiques reçues concernant tout sujet est inversement proportionnelle Ă la valeur exacte du sujet". (Louis de Potter, 1850)
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Nicolas de Potter (Louis de Potter. Révolutionnaire Belge en 1830. (Kindle))
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Augmentez la dose de sports pour chacun, dĂ©veloppez l'esprit d'Ă©quipe, de compĂ©tition, et le besoin de penser est Ă©liminĂ©, non ? Organiser, organisez, super-organisez des super-super-sports. Multipliez les bandes dessinĂ©es, les films; l'esprit a de moins en moins d'appĂ©tits. L'impatience, les autos-trades sillonnĂ©es de foules qui sont ici, lĂ , partout, nulle part. Les rĂ©fugiĂ©s du volant. Les villes se transforment en auberges routiĂšres; les hommes se dĂ©placent comme des nomades suivant les phases de la lune, couchant ce soir dans la chambre oĂč tu dormais Ă midi et moi la veille. (1re partie)
On vit dans l'immédiat. Seul compte le boulot et aprÚs le travail l'embarras du choix en fait de distractions. Pourquoi apprendre quoi que ce soit sinon à presser les boutons, brancher des commutateurs, serrer des vis et des écrous ?
Nous n'avons pas besoin qu'on nous laisse tranquilles. Nous avons besoin d'ĂȘtre sĂ©rieusement tracassĂ©s de temps Ă autre. Il y a combien de temps que tu n'as pas Ă©tĂ© tracassĂ©e sĂ©rieusement ? Pour une raison importante je veux dire, une raison valable ?
- Tu dois bien comprendre que notre civilisation est si vaste que nous ne pouvons nous permettre d'inquiĂ©ter ou de dĂ©ranger nos minoritĂ©s. Pose-toi la question toi-mĂȘme. Que recherchons-nous, par-dessus tout, dans ce pays ? Les gens veulent ĂȘtre heureux, d'accord ? Ne l'as-tu pas entendu rĂ©pĂ©ter toute la vie ? Je veux ĂȘtre heureux, dĂ©clare chacun. Eh bien, sont-ils heureux ? Ne veillons-nous pas Ă ce qu'ils soient toujours en mouvement, toujours distraits ? Nous ne vivons que pour ça, c'est bien ton avis ? Pour le plaisir, pour l'excitation. Et tu dois admettre que notre civilisation fournit l'un et l'autre Ă satiĂ©tĂ©.
Si le gouvernement est inefficace, tyrannique, vous Ă©crase d'impĂŽts, peu importe tant que les gens n'en savent rien. La paix, Montag. Instituer des concours dont les prix supposent la mĂ©moire des paroles de chansons Ă la mode, des noms de capitales d'Ătat ou du nombre de quintaux de maĂŻs rĂ©coltĂ©s dans l'Iowa l'annĂ©e prĂ©cĂ©dente. Gavez les hommes de donnĂ©es inoffensives, incombustibles, qu'ils se sentent bourrĂ©s de "faits" Ă Ă©clater, renseignĂ©s sur tout. Ensuite, ils s'imagineront qu'ils pensent, ils auront le sentiment du mouvement, tout en piĂ©tinant. Et ils seront heureux, parce que les connaissances de ce genre sont immuables. Ne les engagez pas sur des terrains glissants comme la philosophie ou la sociologie Ă quoi confronter leur expĂ©rience. C'est la source de tous les tourments. Tout homme capable de dĂ©monter un Ă©cran mural de tĂ©lĂ©vision et de le remonter et, de nos jours ils le sont Ă peu prĂšs tous, est bien plus heureux que celui qui essais de mesurer, d'Ă©talonner, de mettre en Ă©quations l'univers ce qui ne peut se faire sans que l'homme prenne conscience de son infĂ©rioritĂ© et de sa solitude.
Nous sommes les joyeux drilles, les boute-en-train, toi, moi et les autres. Nous faisons front contre la marée de ceux qui veulent plonger le monde dans la désolation en suscitant le conflit entre la théorie et la pensée. Nous avons les doigts accrochés au parapet. Tenons bon. Ne laissons pas le torrent de la mélancolie et de la triste philosophie noyer notre monde. Nous comptons sur toi. Je ne crois pas que tu te rendes compte de ton importance, de notre importance pour protéger l'optimisme de notre monde actuel.
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Ray Bradbury (Fahrenheit 451)
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TOUZENBACH
Si vous voulez. De quoi parlerons-nous ?
VERCHININE
De quoi ? RĂȘvons ensemble... par exemple de la vie telle quâelle sera aprĂšs nous, dans deux ou trois cents ans.
TOUZENBACH
Eh bien, aprĂšs nous on sâenvolera en ballon, on changera la coupe des vestons, on dĂ©couvrira peut-ĂȘtre un sixiĂšme sens, quâon dĂ©veloppera, mais la vie restera la mĂȘme, un vie difficile, pleine de mystĂšre, et heureuse. Et dans mille ans, lâhomme soupirera comme aujourdâhui : « Ah ! quâil est difficile de vivre ! » Et il aura toujours peur de la mort et ne voudra pas mourir.
VERCHININE, aprÚs avoir réfléchi.
Comment vous expliquer ? Il me semble que tout va se transformer peu Ă peu, que le changement sâaccomplit dĂ©jĂ , sous nos yeux. Dans deux ou trois cents ans, dans mille ans peut-ĂȘtre, peu importe le dĂ©lai, sâĂ©tablira une vie nouvelle, heureuse. Bien sĂ»r, nous ne serons plus lĂ , mais câest pour cela que nous vivons, travaillons, souffrons enfin, câest nous qui la crĂ©ons, câest mĂȘme le seul but de notre existence, et si vous voulez, de notre bonheur.
Macha rit doucement.
TOUZENBACH
Pourquoi riez-vous ?
MACHA
Je ne sais pas. Je ris depuis ce matin.
VERCHININE
Jâai fait les mĂȘmes Ă©tudes que vous, je nâai pas Ă©tĂ© Ă lâAcadĂ©mie militaire. Je lis beaucoup, mais je ne sais pas choisir mes lectures, peut-ĂȘtre devrais-je lire tout autre chose ; et cependant, plus je vis, plus jâai envie de savoir. Mes cheveux blanchissent, bientĂŽt je serai vieux, et je ne sais que peu, oh ! trĂšs peu de chose. Pourtant, il me semble que je sais lâessentiel, et que je le sais avec certitude. Comme je voudrais vous prouver quâil nây a pas, quâil ne doit pas y avoir de bonheur pour nous, que nous ne le connaĂźtrons jamais... Pour nous, il nây a que le travail, rien que le travail, le bonheur, il sera pour nos lointains descendants. (Un temps.) Le bonheur nâest pas pour moi, mais pour les enfants de mes enfants.
TOUZENBACH
Alors, dâaprĂšs vous, il ne faut mĂȘme pas rĂȘver au bonheur ? Mais si je suis heureux ?
VERCHININE
Non.
TOUZENBACH, joignant les mains et riant.
Visiblement, nous ne nous comprenons pas. Comment vous convaincre ? (Macha rit doucement. Il lui montre son index.) Eh bien, riez ! (Ă Verchinine :) Non seulement dans deux ou trois cents ans, mais dans un million dâannĂ©es, la vie sera encore la mĂȘme ; elle ne change pas, elle est immuable, conforme Ă ses propres lois, qui ne nous concernent pas, ou dont nous ne saurons jamais rien. Les oiseaux migrateurs, les cigognes, par exemple, doivent voler, et quelles que soient les pensĂ©es, sublimes ou insignifiantes, qui leur passent par la tĂȘte, elles volent sans relĂąche, sans savoir pourquoi, ni oĂč elles vont. Elles volent et voleront, quels que soient les philosophes quâil pourrait y avoir parmi elles ; elles peuvent toujours philosopher, si ça les amuse, pourvu quâelles volent...
MACHA
Tout de mĂȘme, quel est le sens de tout cela ?
TOUZENBACH
Le sens... VoilĂ , il neige. OĂč est le sens ?
MACHA
Il me semble que lâhomme doit avoir une foi, du moins en chercher une, sinon sa vie est complĂštement vide... Vivre et ignorer pourquoi les cigognes volent, pourquoi les enfants naissent, pourquoi il y a des Ă©toiles au ciel... Il faut savoir pourquoi lâon vit, ou alors tout nâest que balivernes et foutaises.
Comme dit Gogol : « Il est ennuyeux de vivre en ce monde, messieurs. »
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Anton Chekhov (The Three Sisters)
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On s'Ă©tait trompĂ©. L'erreur qu'on avait faite, en quelques secondes, a gagnĂ© tout l'univers. Le scandale Ă©tait Ă l'echelle de Dieu. Mon petit frĂšre Ă©tait immortel et on ne l'avait pas vu. L'immortalitĂ© avait Ă©tĂ© recelĂ©e par le corps de ce frĂšre tandis qu'il vivait et nous, on n'avait pas vu que c'Ă©tait dans ce corps-lĂ que se trouvait ĂȘtre logĂ©e l'immortalitĂ©. Le corps de mon frĂšre Ă©tait mort. L'immortalitĂ© Ă©tait morte avec lui. Et ainsi allait le monde maintenant, privĂ© de ce corps visitĂ©, et de cette visite. On s'Ă©tait trompĂ© complĂštement. L'erreur a gagnĂ© tout l'univers, le scandale. [...] Il faudrait prĂ©venir les gens de ces choses-lĂ . Leur apprendre que l'immortalitĂ© est mortelle, qu'elle peut mourrir, que c'est arrivĂ©, que cela arrive encore. Qu'elle ne se signale pas en tant que telle, jamais, qu'elle est la duplicitĂ© absolue. Qu'elle n'existe pas dans le dĂ©tail mais seulement dans le principe. Que certaines personnes peuvent en recĂ©ler la prĂ©sence, Ă condition qu'elles ignorent le faire. De mĂȘme que certaines autres personnes peuvent en dĂ©celer la prĂ©sence chez ces gens, Ă la mĂȘme condition, qu'elles ignorent le pouvoir. Que c'est tandis qu'elle se vit que la vie est immortelle, tandis qu'elle est en vie. Que l'immortalitĂ© ce n'est pas un question de plus ou moins de temps, que ce n'est pas une question d'immortalitĂ©, que c'est une question d'autre chose qui reste ignorĂ©. Que c'est aussi faux de dire qu'elle est sans commencement ni fin que de dire qu'elle commence et qu'elle finit avec la vie de l'esprit du moment que c'est l'esprit qu'elle participe et de la poursuite du vent. Regardez les sables morts des dĂ©serts, le corps mort des enfants : l'immortalitĂ© ne passe pas par lĂ , elle s'arrĂȘte et contourne.
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Marguerite Duras (L'Amant)
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FOLCO : "Socialisme" et "communisme" sont devenus presque des gros mots. Quelle est l'essence de ce rĂȘve Ă laquelle on pourrait s'identifier, au lieu de le repousser sans mĂȘme y rĂ©flĂ©chir ?
TIZIANO : L'idĂ©e du socialisme Ă©tait simple : crĂ©er une sociĂ©tĂ© dans laquelle il n'y aurait pas de patrons pour contrĂŽler les moyens de production, moyens avec lesquels ils rĂ©duisent le peuple en esclavage; Si tu as une usine et que tu en es le patron absolu, tu peux licencier et embaucher Ă ta guise, tu peu mĂȘme embaucher des enfants de douze ans et les faire travailler. Il est clair que tu engranges un profit Ă©norme, qui n'est pas dĂ» uniquement Ă ton travail, mais Ă©galement au travail de ces personnes-lĂ . Alors, si les travailleurs participent dĂ©jĂ Ă l'effort de production, pourquoi ne pas les laisser copossĂ©der l'usine ?
La société est pleine d'injustices. On regarde autour de soi et on se dit : mais comment, il n'est pas possible de résoudre ces injustices ?
Je m'explique. Quelqu'un a une entreprise agricole en amont d'un fleuve avec beaucoup d'eau. Il peut construire une digue pour empĂȘcher que l'eau aille jusqu'au paysan dans la vallĂ©e, mais ce n'est pas juste. Ne peut-il pas, au contraire, trouver un accord pour que toute cette eau arrive Ă©galement chez celui qui se trouve en bas ? Le socialisme, c'est l'idĂ©e d'une sociĂ©tĂ© dans laquelle personne n'exploite le travail de l'autre. Chacun fait son devoir et, de tout ce qui a Ă©tĂ© fait en commun, chacun prend ce dont il a besoin. Cela signifie qu'il vit en fonction de ce dont il a besoin, qu'il n'accumule pas, car l'accumulation enlĂšve quelque chose aux autres et ne sert Ă rien. Regarde, aujourd'hui, tous ces gens richissimes, mĂȘme en Italie ! Toute cette accumulation, Ă quoi sert-elle ? Elle sert aux gens riches. Elle leur sert Ă se construire un yacht, une gigantesque villa Ă la mer. Souvent, tout cet argent n'est mĂȘme pas recyclĂ© dans le systĂšme qui produit du travail. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. C'est de lĂ qu'est nĂ©e l'idĂ©e du socialisme.
FOLCO : Et le communisme ? Quelle est la différence entre le socialisme et le communisme ?
TIZIANO : Le communisme a essayé d'institutionnaliser l'aspiration socialiste, en créant - on croit toujours que c'est la solution - des institutions et des organismes de contrÎle. DÚs cet instant, le socialisme a disparu, parce que le socialisme a un fond anarchiste. Lorsqu'on commence à mettre en place une police qui contrÎle combien de pain tu manges, qui oblige tout le monde à aller au travail à huit heures, et qui envoie au goulag ceux qui n'y vont pas, alors c'est fini. (p. 383-384)
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Tiziano Terzani (La fine Ăš il mio inizio)
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FRĂRE LAURENCE.âUn arrĂȘt moins rigoureux sâest Ă©chappĂ© de sa bouche: ce nâest pas la mort de ton corps, mais son bannissement.
ROMĂO.âAh! le bannissement! aie pitiĂ© de moi; dis la mort. Lâaspect de lâexil porte avec lui plus de terreur, beaucoup plus que la mort. Ah! ne me dis pas que câest le bannissement.
FRĂRE LAURENCE.âTu es banni de VĂ©rone. Prends patience; le monde est grand et vaste.
ROMĂO.âLe monde nâexiste pas hors des murs de VĂ©rone; ce nâest plus quâun purgatoire, une torture, un vĂ©ritable enfer. Banni de ce lieu, je le suis du monde, câest la mort. Oui, le bannissement, câest la mort sous un faux nom; et ainsi, en nommant la mort un bannissement, tu me tranches la tĂȘte avec une hache dâor, et souris au coup qui mâassassine.
FRĂRE LAURENCE.âO mortel pĂ©chĂ©! ĂŽ farouche ingratitude! Pour ta faute, notre loi demandait la mort; mais le prince indulgent, prenant ta dĂ©fense, a repoussĂ© de cĂŽtĂ© la loi, et a changĂ© ce mot funeste de mort en celui de bannissement: câest une rare clĂ©mence, et tu ne veux pas la reconnaĂźtre.
ROMĂO.âCâest un supplice et non une grĂące. Le ciel est ici, oĂč vit Juliette: les chats, les chiens, la moindre petite souris, tout ce quâil y a de plus misĂ©rable vivra ici dans le ciel, pourra la voir; et RomĂ©o ne le peut plus! La mouche qui vit de charogne jouira dâune condition plus digne dâenvie, plus honorable, plus relevĂ©e que RomĂ©o; elle pourra sâĂ©battre sur les blanches merveilles de la chĂšre main de Juliette, et dĂ©rober le bonheur des immortels sur ces lĂšvres oĂč la pure et virginale modestie entretient une perpĂ©tuelle rougeur, comme si les baisers quâelles se donnent Ă©taient pour elles un pĂ©chĂ©; mais RomĂ©o ne le peut pas, il est banni! Ce que lâinsecte peut librement voler, il faut que je vole pour le fuir; il est libre et je suis banni; et tu me diras encore que lâexil nâest pas la mort!⊠Nâas-tu pas quelque poison tout prĂ©parĂ©, quelque poignard affilĂ©, quelque moyen de mort soudaine, fĂ»t-ce la plus ignoble? Mais banni! me tuer ainsi! banni! O moine, quand ce mot se prononce en enfer, les hurlements lâaccompagnent.âComment as-tu le coeur, toi un prĂȘtre, un saint confesseur, toi qui absous les fautes, toi mon ami dĂ©clarĂ©, de me mettre en piĂšces par ce mot bannissement?
FRĂRE LAURENCE.âAmant insensĂ©, Ă©coute seulement une parole.
ROMĂO.âOh! tu vas me parler encore de bannissement.
FRĂRE LAURENCE.âJe veux te donner une arme pour te dĂ©fendre de ce mot: câest la philosophie, ce doux baume de lâadversitĂ©; elle te consolera, quoique tu sois exilĂ©.
ROMĂO.âEncore lâexil! Que la philosophie aille se faire pendre: Ă moins que la philosophie nâait le pouvoir de crĂ©er une Juliette, de dĂ©placer une ville, ou de changer lâarrĂȘt dâun prince, elle nâest bonne Ă rien, elle nâa nulle vertu; ne mâen parle plus.
FRĂRE LAURENCE.âOh! je vois maintenant que les insensĂ©s nâont point dâoreilles.
ROMĂO.âComment en auraient-ils, lorsque les hommes sages nâont pas dâyeux?
FRĂRE LAURENCE.âLaisse-moi discuter avec toi ta situation.
ROMĂO.âTu ne peux parler de ce que tu ne sens pas. Si tu Ă©tais aussi jeune que moi, amant de Juliette, mariĂ© seulement depuis une heure, meurtrier de Tybalt, Ă©perdu dâamour comme moi, et comme moi banni, alors tu pourrais parler; alors tu pourrais tâarracher les cheveux et te jeter sur la terre comme je fais, pour prendre la mesure dâun tombeau qui nâest pas encore ouvert.
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William Shakespeare (Romeo and Juliet)
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JULIETTE.âOh! manque, mon coeur! Pauvre banqueroutier, manque pour toujours; emprisonnez-vous, mes yeux; ne jetez plus un seul regard sur la libertĂ©. Terre vile, rends-toi Ă la terre; que tout mouvement sâarrĂȘte, et quâune mĂȘme biĂšre presse de son poids et RomĂ©o et toi.
LA NOURRICE.âO Tybalt, Tybalt! le meilleur ami que jâeusse! O aimable Tybalt, honnĂȘte cavalier, faut-il que jâaie vĂ©cu pour te voir mort!
JULIETTE.âQuelle est donc cette tempĂȘte qui souffle ainsi dans les deux sens contraires? RomĂ©o est-il tuĂ©, et Tybalt est-il mort? Mon cousin chĂ©ri et mon Ă©poux plus cher encore? Que la terrible trompette sonne donc le jugement universel. Qui donc est encore en vie, si ces deux-lĂ sont morts?
LA NOURRICE.âTybalt est mort, et RomĂ©o est banni: RomĂ©o, qui lâa tuĂ©, est banni.
JULIETTE.âO Dieu! la main de RomĂ©o a-t-elle versĂ© le sang de Tybalt?
LA NOURRICE.âIl lâa fait, il lâa fait! O jour de malheur! il lâa fait!
JULIETTE.âO coeur de serpent cachĂ© sous un visage semblable Ă une fleur! jamais dragon a-t-il choisi un si charmant repaire? Beau tyran, angĂ©lique dĂ©mon, corbeau couvert des plumes dâune colombe, agneau transportĂ© de la rage du loup, mĂ©prisable substance de la plus divine apparence, toi, justement le contraire de ce que tu paraissais Ă juste titre, damnable saint, traĂźtre plein dâhonneur! O nature, quâallais-tu donc chercher en enfer, lorsque de ce corps charmant, paradis sur la terre, tu fis le berceau de lâĂąme dâun dĂ©mon? Jamais livre contenant une aussi infĂąme histoire porta-t-il une si belle couverture? et se peut-il que la trahison habite un si brillant palais?
LA NOURRICE.âIl nây a plus ni sincĂ©ritĂ©, ni foi, ni honneur dans les hommes; tous sont parjures, corrompus, hypocrites. Ah! oĂč est mon valet? Donnez-moi un peu dâaqua vitĂŠâŠ.. Tous ces chagrins, tous ces maux, toutes ces peines me vieillissent. Honte soit Ă RomĂ©o!
JULIETTE.âMaudite soit ta langue pour un pareil souhait! Il nâest pas nĂ© pour la honte: la honte rougirait de sâasseoir sur son front; câest un trĂŽne oĂč on peut couronner lâhonneur, unique souverain de la terre entiĂšre. Oh! quelle brutalitĂ© me lâa fait maltraiter ainsi?
LA NOURRICE.âQuoi! vous direz du bien de celui qui a tuĂ© votre cousin?
JULIETTE.âEh! dirai-je du mal de celui qui est mon mari? Ah! mon pauvre Ă©poux, quelle langue soignera ton nom, lorsque moi, ta femme depuis trois heures, je lâai ainsi dĂ©chirĂ©? Mais pourquoi, traĂźtre, as-tu tuĂ© mon cousin? Ah! ce traĂźtre de cousin a voulu tuer mon Ă©poux.âRentrez, larmes insensĂ©es, rentrez dans votre source; câest au malheur quâappartient ce tribut que par mĂ©prise vous offrez Ă la joie. Mon Ă©poux vit, lui que Tybalt aurait voulu tuer; et Tybalt est mort, lui qui aurait voulu tuer mon Ă©poux. Tout ceci est consolant, pourquoi donc pleurĂ©-je? Ah! câest quâil y a lĂ un mot, plus fatal que la mort de Tybalt, qui mâa assassinĂ©e.âJe voudrais bien lâoublier; mais, ĂŽ ciel! il pĂšse sur ma mĂ©moire comme une offense digne de la damnation sur lâĂąme du pĂ©cheur. Tybalt est mort, et RomĂ©o estâŠ.. banni! Ce banni, ce seul mot banni, a tuĂ© pour moi dix mille Tybalt. La mort de Tybalt Ă©tait un assez grand malheur, tout eĂ»t-il fini lĂ ; ou si les cruelles douleurs se plaisent Ă marcher ensemble, et quâil faille nĂ©cessairement que dâautres peines les accompagnent, pourquoi, aprĂšs mâavoir dit: «Tybalt est mort,» nâa-t-elle pas continuĂ©: «ton pĂšre aussi, ou ta mĂšre, ou tous les deux?» cela eĂ»t excitĂ© en moi les douleurs ordinaires. Mais par cette arriĂšre-garde qui a suivi la mort de Tybalt, RomĂ©o est banni; par ce seul mot, pĂšre, mĂšre, Tybalt, RomĂ©o, Juliette, tous sont assassinĂ©s, tous morts. RomĂ©o banni! Il nây a ni fin, ni terme, ni borne, ni mesure dans la mort quâapporte avec lui ce mot, aucune parole ne peut sonder ce malheur.
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William Shakespeare (Romeo and Juliet)