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Psaume N°3
Que je suis seul, Seigneur, et à rebours !
Arbre en exil oublié en plein champ,
Le fruit saumâtre et le feuillage lourd,
Acharné, vif, hérissé de piquants.
Je voudrais tant qu'un passereau disert
S'arrête en ma ramenée
Et chante en moi, voletant à travers
Mon ombre de fumée.
J'espère, un peu de grâce et de douceur ;
Un pépiement, du moins, de martinet
Ou de moineau fluet,
Comme tout arbre aux fruits pleins de saveur.
Je n'ai pas de nectars roses et tendres,
Pas même la senteur du verjus frais.
Rivé par force entre éternel et brumes,
Nulle chenille par mon tronc ne se plaît.
Haut chandelier, sentinelle aux confins,
À chaque instant une étoile se dore
Sur mes rameaux tendus sur l'autel saint –
Et je te sers ; combien de temps encore ?
De voir ces feux sacrés, fleurs miennes, luire,
De ne mûrir que métaux, patiemment,
Selon tes rigoureux commandements
Devrait, Seigneur, peut-être me suffire.
Seul à ma tâche, abandonné par toi,
Je peine, et saigne, et force mes racines.
Au moins, de loin, ordonne que parfois
Quelque ange enfant, ouvrant son aile fine
S'éclaire, blanc, sous la lune au passage
Et me redise ta parole sage.
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