Tout De Suite Quotes

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Je suis comme ça. Ou j'oublie tout de suite ou je n'oublie jamais." Samuel BECKETT, En attendant Godot I'm like that. Either I forget right away or I never forget.
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Samuel Beckett (Waiting for Godot)
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Vous me dĂ©goĂ»tez tous avec votre bonheur ! Avec votre vie qu’il faut aimer coĂ»te que coĂ»te
 Moi, je veux tout, tout de suite, et que ce soit entier, ou alors je refuse! Je ne veux pas ĂȘtre modeste , moi, et de me contenter d’un petit morceau, si j’ai Ă©tĂ© bien sage.
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Jean Anouilh (Antigone)
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Il y a dans la lecture quelque chose qui relĂšve de l'irrationnel. Avant d'avoir lu, on devine tout de suite si on va aimer ou pas. On hume, on flaire le livre, on se demande si ça vaut la peine de passer du temps en sa compagnie. C'est l'alchimie invisible des signes tracĂ©s sur une feuille qui s'impriment dans notre cerveau. Un livre, c'est un ĂȘtre vivant.
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Jean-Michel Guenassia (Le Club des incorrigibles optimistes)
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There should be a phone service that turns off your phone between midnight and six A.M. every night. And if you want to make a call, you have to pick up the phone and talk to an operator: Put me through to AAA. My car battery's dead. Yes, ma'am. Put me through to Pink Dot. I need vanilla HĂ€agen-Dazs toute de suite! Yes, ma'am. Put me through to my ex-boyfriend... I'm sorry, ma'am, the operator would say. That would be a bad idea. Now you go to bed before you do anything stupid.
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Kim Gruenenfelder (A Total Waste of Makeup (Charlize Edwards, #1))
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Elle voulait que sa vie prit forme maintenant, tout de suite - et cette dĂ©cision devait ĂȘtre forgĂ©e par une force quelconque - d'amour, d'argent, d'un ordre pratique incontestable - qui devait ĂȘtre la, sous sa main.
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Boris Vian (L'Écume des jours)
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Je suis comme ça. Ou j'oublie tout de suite ou je n'oublie jamais
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Samuel Beckett (Waiting for Godot)
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L'amour comme moi part en voyage Un jour je le rencontrerai A peine j'aurai vu son visage Tout de suite je le reconnaĂźtrai...
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Édith Piaf
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Dans le fond des forĂȘts votre image me suit. La lumiĂšre du jour, les ombres de la nuit, Tout retrace Ă  mes yeux les charmes que j'Ă©vite. Tout vous livre Ă  l'envi le rebelle Hippolyte.
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Jean Racine (PhĂšdre)
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On se prépare à la jouissance du siÚcle, et, le moment venu, elle a un goût de Fernet Branca. Sur ce point comme sur quelques autres, Julia a raison : ne jamais investir dans la promesse du plaisir. Tout de suite ou pas du tout.
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Daniel Pennac (Au bonheur des ogres)
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Ne pas gaspiller dans l'unique souci de manger tout de suite notre simple force d'avoir faim.
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Alain Damasio (La Horde du Contrevent)
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On s'ennuie de tout, mon ange, c'est une loi de la nature; ce n'est pas ma faute. Si donc, je m'ennuie aujourd'hui d'une aventure qui m'a occupĂ© entiĂšrement depuis quatre mortels mois, ce n'est pas ma faute. Si, par exemple, j'ai eu juste autant d'amour que toi de vertu, et c'est surement beaucoup dire, il n'est pas Ă©tonnant que l'un ait fini en mĂȘme temps que l'autre. Ce n'est pas ma faute. Il suit de lĂ , que depuis quelque temps je t'ai trompĂ©e: mais aussi ton impitoyable tendresse m'y forçait en quelque sorte! Ce n'est pas ma faute. Aujourd'hui, une femme que j'aime Ă©perdument exige que je te sacrifie. Ce n'est pas ma faute. Je sens bien que voilĂ  une belle occasion de crier au parjure: mais si la Nature n'a accordĂ© aux hommes que la constance, tandis qu'elle donnait aux femmes l'obstination, ce n'est pas ma faute. Crois-moi, choisis un autre amant, comme j'ai fait une maĂźtresse. Ce conseil est bon, trĂšs bon; si tu le trouve mauvais, ce n'est pas ma faute. Adieu, mon ange, je t'ai prise avec plaisir, je te quitte sans regrets: je te reviendrai peut-ĂȘtre. Ainsi va le monde. Ce n'est pas ma faute.
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Pierre Choderlos de Laclos (Les liaisons dangereuses)
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Quand je lis quelque chose je suis frappĂ©e tout de suite par peut-ĂȘtre une certaine vĂ©ritĂ© dedans n’est ce pas ? Quelque chose de sincĂšre, et c’est pas nĂ©cessaire que c’est tragique ou un drame ca peut ĂȘtre aussi une comĂ©die mais il faut avoir quelque chose de vraie.
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Ingrid Bergman
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Des fois, je donnerais ma main Ă  couper pour devenir tout de suite un homme et d'autres fois il me semble que je ne voudrais pas survivre Ă  ma jeunesse.
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Jean-Paul Sartre (Les Mains sales)
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À 20 ans, je croyais tout savoir de la vie. À 30 ans, j'ai appris que je ne savais rien. Je venais de passer dix annĂ©es Ă  apprendre tout ce qu'il me faudrait, par la suite, dĂ©sapprendre.
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Frédéric Beigbeder (L'amour dure trois ans - Le roman suivi du scénario du film)
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Si elle avait vécu, est-ce que j'aurais pu prendre le téléphone, là, tout de suite, l'appeler, lui dire je meurs de douleur, maman, je voudrais pleurer mais rien ne sort, rien ne sort, viens m'aider.
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Michel Tremblay
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Monsieur Haneda était le supérieur de monsieur Omochi, qui était le supérieur de monsieur Saito, qui était le supérieur de mademoiselle Mori qui était ma supérieure. Et moi, je n'étais la supérieure de personne. On pourrait dire les choses autrement. J'étais aux ordres de mademoiselle Mori, qui était aux ordres de monsieur Saito, et ainsi de suite, avec cette précision que les ordres pouvaient, en aval, sauter les échelons hiérarchiques. Donc, dans la compagnie Yumimoto, j'étais aux ordres de tout le monde.
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Amélie Nothomb
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Ainsi leur rencontre avait eu l'importance d'une aventure. Ils s'étaient, tout de suite, accrochés par des fibres secrÚtes. D'ailleurs, comment expliquer les sympathies? Pourquoi telle particularité, telle imperfection indifférente ou odieuse dans celui-ci enchante-t-elle dans celui-là? Ce qu'on appelle le coup de foudre est vrai pour toutes les passions. Avant la fin de la semaine, ils se tutoyÚrent
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Gustave Flaubert (Bouvard and Pécuchet)
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Et voilĂ . Maintenant le ressort est bandĂ©. Cela n'a plus qu'Ă  se dĂ©rouler tout seul. C'est cela qui est commode dans la tragĂ©die. On donne le petit coup de pouce pour que cela dĂ©marre, rien, un regard pendant une seconde Ă  une fille qui passe et lĂšve les bras dans la rue, une envie d'honneur un beau matin, au rĂ©veil, comme de quelque chose qui se mange, une question de trop qu'on se pose un soir
 C'est tout. AprĂšs, on n'a plus qu'Ă  laisser faire. On est tranquille. Cela roule tout seul. C'est minutieux, bien huilĂ© depuis toujours. La mort, la trahison, le dĂ©sespoir sont lĂ , tout prĂȘts, et les Ă©clats, et les orages, et les silences, tous les silences : le silence quand le bras du bourreau se lĂšve Ă  la fin, le silence au commencement quand les deux amants sont nus l'un en face de l'autre pour la premiĂšre fois, sans oser bouger tout de suite, dans la chambre sombre, le silence quand les cris de la foule Ă©clatent autour du vainqueur - et on dirait un film dont le son s'est enrayĂ©, toutes ces bouches ouvertes dont il ne sort rien, toute cette clameur qui n'est qu'une image, et le vainqueur, dĂ©jĂ  vaincu, seul au milieu de son silence

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Jean Anouilh
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L'homme ne peut jamais savoir ce qu'il faut vouloir car il n'a qu'une vie et il ne peut ni la comparer Ă  des vies antĂ©rieures ni la rectifier dans des vies ultĂ©rieures. (...) Il n'existe aucun moyen de vĂ©rifier quelle dĂ©cision est la bonne car il n'existe aucune comparaison. Tout est vĂ©cu tout de suite pour la premiĂšre fois et sans prĂ©paration. Comme si un acteur entrait en scĂšne sans avoir jamais rĂ©pĂ©tĂ©. Mais que peut valoir la vie, si la premiĂšre rĂ©pĂ©tition de la vie est dĂ©jĂ  la vie mĂȘme ? C'est ce qui fait que la vie ressemble toujours Ă  une esquisse. Mais mĂȘme "esquisse" n'est pas le mot juste, car une esquisse est toujours l'Ă©bauche de quelque chose, la prĂ©paration d'un tableau, tandis que l'esquisse qu'est notre vie est une esquisse de rien, une Ă©bauche sans tableau. (partie I, ch. 3)
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Milan Kundera (The Unbearable Lightness of Being)
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Lorsque la sexualitĂ© disparaĂźt, c'est le corps de l'autre qui apparaĂźt, dans sa prĂ©sence vaguement hostile; ce sont les bruits, les mouvements, les odeurs; et la prĂ©sence mĂȘme de ce corps qu'on ne peut plus toucher, ni sanctifier par le contact, devient peu Ă  peu une gĂȘne; tout cela malheureusement, est connu. La disparition de la tendresse suit toujours de prĂšs celle de l'Ă©rotisme. Il n'y a pas de relation Ă©purĂ©e, d'union supĂ©rieure des Ăąmes, ni quoi que ce soit qui puisse y ressembler, ou mĂȘme l'Ă©voquer sur un mode allusif. Quand l'amour physique disparaĂźt, tout disparaĂźt; un agacement morne, sans profondeur, vient remplir la succession des jours.
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Michel Houellebecq (The Possibility of an Island)
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  Frédéric n'aima point cette maniÚre de s'associer, tout de suite, à sa fortune. Son ami témoignait trop de joie pour eux deux, et pas assez pour lui seul.
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Gustave Flaubert (L'éducation sentimentale)
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DĂšs qu'on nous embrasse, il est bon de prĂ©voir, tout de suite, l'instant oĂč nous serons giflĂ©s.
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Jules Renard (L'Écornifleur)
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Toute ma vie fut la promesse de cette rencontre avec toi. [...] En vérité je t'ai reconnu tout de suite.
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Alexandre Pouchkine (EugÚne Onéguine (French Edition))
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Vous voyez, c'est ça que j'adore chez ces gamins ! s'exclama Ro. Ils ne font pas de menaces en l'air
 ils passent tout de suite à l'action.
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Shannon Messenger (Nightfall (Keeper of the Lost Cities, #6))
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...Ă  propos des intellectuels justement... C'est facile de se foutre de leur gueule... Ouais, c'est vachement facile... Souvent, ils sont pas trĂšs musclĂ©s et en plus, ils n'aiment pas ça, se battre... Ça ne les excite pas plus que ça les bruits des bottes, les mĂ©dailles et les grosses limousines, alors oui, c'est pas trĂšs dur... Il suffit de leur arracher leur livre des mains, leur guitare, leur crayon ou leur appareil photo et dĂ©jĂ  ils ne sont plus bons Ă  rien, ces empotĂ©s... D'ailleurs, les dictateurs, c'est souvent la premiĂšre chose qu'ils font: casser les lunettes, brĂ»ler les livres ou interdire les concerts, ça leur coĂ»te pas cher et ça peut leur Ă©viter bien des contrariĂ©tĂ©s par la suite... Mais tu vois, si ĂȘtre intello ça veut dire aimer s'instruire, ĂȘtre curieux, attentif, admirer, s'Ă©mouvoir, essayer de comprendre comment tout ça tient debout et tenter de se coucher un peu moins con que la veille, alors oui, je le revendique totalement: non seulement je suis une intello, mais en plus je suis fiĂšre de l'ĂȘtre... Vachement fiĂšre, mĂȘme...
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Anna Gavalda
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My hope believes it is possible for all of us to become human human beings, and especially if I find myself in a place where no one is acting like one, I had better become one tout de suite. To hope is to reclaim our humanity.
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Jacqueline A. Bussie (Outlaw Christian: Finding Authentic Faith by Breaking the 'Rules')
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Oh ! S'il avait pu partir, tout de suite, n'importe oĂč, et ne jamais revenir, ne jamais Ă©crire, ne jamais laisser savoir ce qu'il Ă©tait devenu ! Mais non, il fallait rentrer, rentrer dans la maison paternelle et se coucher dans son lit
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Guy de Maupassant
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Vous me dĂ©goutez tous avec votre bonheur ! Avec votre vie qu'il faut aimer coĂ»te que coĂ»te. On dirait des chiens qui lĂšchent tout ce qu'ils trouvent. Et cette petite chance pour tous les jours, si on n'est pas trop exigeant. Moi, je veux tout, tout de suite, et que ce soit entier ou alors je refuse ! Je ne veux pas ĂȘtre modeste, moi, et me contenter d'un petit morceau si j'ai Ă©tĂ© bien sage. Je veux ĂȘtre sĂ»re de tout aujourd'hui et que cela soit aussi beau que quand j'Ă©tais petite ou mourir !
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Jean Anouilh (Antigone)
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Toute ma vie fut la promesse De cette rencontre avec toi. C’est Dieu qui t’envoie, je le sais Pour me garder jusqu’à la mort
 Tu apparaissais dans mes rĂȘves ; Sans te voir je te chĂ©rissais Ton regard me faisait languir, Ta voix rĂ©sonnait dans mon Ăąme Depuis toujours
 En vĂ©ritĂ© Je t’ai reconnu tout de suite. Ce fut pour moi un froid, un feu, Et dans mon cƓur, j’ai dit : c’est lui ! Je t’entendais dans le silence, Quand j’allais secourir les pauvres Ou quand la priĂšre apaisait L’angoisse de mon Ăąme en peine.
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Alexander Pushkin (Eugene Onegin)
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Que les huttes puissent tenir rang de palais, les habituĂ©s des suites royales ne le comprendront jamais. Ils n'ont pas connu l'onglĂ©e avant le bain moussant. Le luxe n'est pas un Ă©tat mais le passage d'une ligne, le seuil oĂč, soudain, disparaĂźt toute souffrance.
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Sylvain Tesson (Dans les forĂȘts de SibĂ©rie)
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«Mais tu ferais mieux de t’y mettre tout de suite, ma fille. On a Ă  peine le temps de faire un mouvement que le sablier est dĂ©jĂ  vide, tu sais. Crois-moi, je sais de quoi je parle. Tu auras eu de la veine si tu trouves le temps d’éternuer dans ce monde incroyable.»
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J.D. Salinger (Franny and Zooey)
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Contrairement Ă  la plupart des hommes un peu rĂ©flĂ©chis, je n'ai pas plus l'habitude du mĂ©pris de soi que de l'amour-propre ; je sens trop que chaque acte est complet, nĂ©cessaire et inĂ©vitable, bien qu'imprĂ©vu Ă  la minute qui prĂ©cĂšde, et dĂ©passĂ© Ă  la minute qui suit. Pris dans une sĂ©rie de dĂ©cisions toutes dĂ©finitives, pas plus qu'un animal, je n'avais eu le temps d'ĂȘtre un problĂšme Ă  mes propres yeux. (p. 158-159)
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Marguerite Yourcenar (Alexis ou le Traité du vain combat / Le Coup de grùce)
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T. me laisse parler. À la fin, il dit  : c'est comme ça, il n'y a rien Ă  discuter (je crois mĂȘme qu'il dit  : nĂ©gocier). Si tu prĂ©fĂšres, on arrĂȘte. Si tu ne supportes plus. LĂ , maintenant, tout de suite. Je dis  : non, on n'arrĂȘte pas. La terreur de le perdre l'a emportĂ© sur toute autre considĂ©ration. La dĂ©pendance.
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Philippe Besson (« ArrĂȘte avec tes mensonges »)
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DerriĂšre mon dos, un officier de sa suite chuchota d'une voix moqueuse : "Eh bien on leur donne quand mĂȘme une douche aprĂšs tout." Il y eut deux ou trois rires Ă©touffĂ©s.
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Robert Merle (La mort est mon métier)
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Il Ă©tait arrivĂ© Ă  ce moment de la vie, variable pour tout homme, oĂč l'ĂȘtre humain s'abandonne Ă  son dĂ©mon ou Ă  son gĂ©nie, suit une loi mystĂ©rieuse qui lui ordonne de se dĂ©truire ou de se dĂ©passer.
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Marguerite Yourcenar
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Elle variait ses hallucinations Ă  son grĂ©. Elle ne se contentait pas du passĂ©; elle escomptait l'avenir! Elle changeait le prĂ©sent selon sa volontĂ©; elle mentait et se trompait elle-mĂȘme, mais comme ses mensonges Ă©taient ses propres oeuvres, elle les chĂ©rissait. Pour de brefs instants, elle Ă©tait heureuse. Il n'y avait plus Ă  son bonheur ces limites imposĂ©es par le rĂ©el. Tout Ă©tait possible, tout Ă©tait Ă  sa portĂ©e. D'abord, la guerre Ă©tait finie.
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IrÚne Némirovsky (Suite Française)
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— Écrivez tout de suite. — Tout de suite ! Tout de suite ! Comme si je n’avais pas d’affaires plus importantes Ă  rĂ©gler ! Et puis regarde, il n’y a plus d’encre lĂ -dedans dit Oblomov, tournant sa plume sĂšche dans l’encrier vide. Alors, comment veux-tu que j’écrive ? [
] Il semble bien qu’il n’y ait mĂȘme pas de papier ! se dit-il, fouillant dans le tiroir et tĂątant des objets posĂ©s sur la table. Non dĂ©cidĂ©ment, il n’y en a pas. Ah, c’est parfait, parfait !
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Ivan Goncharov
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- Bon, intervint Camille. par quoi commence-t-on ? Nous allons chez Mathieu ? Il n'y eut pas de rĂ©ponse et elle planta les mains sur ses hanches. - Je vous signale que je suis la plus jeune, les fustigea-t-elle. Vous pourriez faire un effort et ne pas me laisser prendre seule toutes les dĂ©cisions. vous ressemblez Ă  deux moutons ! - Ne t'inquiĂštes pas, Bjorn, persifla Salim. Ça la prend rĂ©guliĂšrement, mais elle fait des progrĂšs. Il n'y a pas longtemps, elle me traitait de mollusque. Me voilĂ  devenu mouton. Peut-ĂȘtre un jour aurai-je le droit d'ĂȘtre traitĂ© comme un humain ! Dis-moi ma vieille, poursuivit-il Ă  l'intention de Camille, ça changerait quoi qu'on te donne notre avis ? Tu ne tiens jamais compte de ce qu'on te propose ! Suppose que je te conseille d'attendre demain pour rendre visite Ă  ton frĂšre. Quelle serait ta rĂ©action ? - Je t'Ă©couterai jusqu'au bout, lança-t-elle d'une voix tranquille, et je te dirais que ton idĂ©e est stupide. Nous y allons tout de suite. En route ! Bjorn la regardait, sidĂ©rĂ©, et Salim hocha la tĂȘte. - Surprenante, non ?
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Pierre Bottero (L'Ăźle du destin (La QuĂȘte d'Ewilan, #3))
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AprĂšs tout, on ne juge le monde que d'aprĂšs son propre coeur. L'avare seul voit les gens menĂ©s par l'intĂ©rĂȘt, le luxurieux par l'obsession du dĂ©sir. Pour Madame Angellier, un Allemand n'Ă©tait pas un homme, c'Ă©tait une personnification de la cruautĂ©, de la perversitĂ© et de la haine. Que d'autres eussent un jugement diffĂ©rent Ă©tait impossible, invraisemblable... Elle ne pouvait pas plus se rĂ©presenter Lucile amoureuse d'un Allemand qu'elle n'eĂ»t imaginĂ© l'accouplement d'une femme et d'une bĂȘte fabuleuse, comme la licorne, le dragon ou la tarasque.
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IrÚne Némirovsky (Suite Française)
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AurĂ©lien ne s’était naturellement pas rendu compte tout de suite qu’il avait Ă©pousĂ© une merde, et de surcroĂźt une merde vĂ©nale, c’est une chose qu’on ne rĂ©alise pas immĂ©diatement, il faut un minimum de quelques mois pour comprendre qu’on va vivre en enfer, et qu’il ne s’agit pas d’un enfer simple, les cercles sont nombreux, il s’était enfoncĂ© au fil des ans dans des couches successives, de plus en plus oppressantes, de plus en plus noirĂątres et irrespirables, les mots acrimonieux qu’ils Ă©changeaient chaque soir se chargeaient chaque fois un peu plus de haine pure.
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Michel Houellebecq (Anéantir)
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Il n'existe aucun moyen de vĂ©rifier quelle dĂ©cision est la bonne car il n'existe aucune comparaison. Tout est vĂ©cu tout de suite pour la premiĂšre fois et sans prĂ©paration. Comme si un acteur entrait en scĂšne sans avoir jamais rĂ©pĂ©tĂ©. Mais que peut valoir la vie, si la premiĂšre rĂ©pĂ©tition de la vie est dĂ©jĂ  la vie mĂȘme? C'est ce qui fait que la vie ressemble toujours Ă  une esquisse. Mais mĂȘme 'esquisse' n'est pas le mot juste, car une esquisse est toujours l'Ă©bauche de quelque chose, la prĂ©paration d'un tableau, tandis que l'esquisse qu'est notre vie est une esquisse de rien, une Ă©bauche sans tableau.
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Milan Kundera
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Quand je considĂšre ma vie, je suis Ă©pouvantĂ© de la trouver informe. L'existence des hĂ©ros, celle qu'on nous raconte, est simple ; elle va droit au but comme une flĂšche. Et la plupart des hommes aiment Ă  rĂ©sumer leur vie dans une formule, parfois dans une vanterie ou dans une plainte, presque toujours dans une rĂ©crimination ; leur mĂ©moire leur fabrique complaisamment une existence explicable et claire. Ma vie a des contours moins fermes... Le paysage de mes jours semble se composer, comme les rĂ©gions de montagne, de matĂ©riaux divers entassĂ©s pĂȘle-mĂȘle. J'y rencontre ma nature, dĂ©jĂ  composite, formĂ©e en parties Ă©gales d'instinct et de culture. Ça et lĂ , affleurent les granits de l'inĂ©vitable ; partout, les Ă©boulements du hasard. Je m'efforce de reparcourir ma vie pour y trouver un plan, y suivre une veine de plomb ou d'or, ou l'Ă©coulement d'une riviĂšre souterraine, mais ce plan tout factice n'est qu'un trompe-l'oeil du souvenir. De temps en temps, dans une rencontre, un prĂ©sage, une suite dĂ©finie d'Ă©vĂ©nements, je crois reconnaĂźtre une fatalitĂ©, mais trop de routes ne mĂšnent nulle part, trop de sommes ne s'additionnent pas. Je perçois bien dans cette diversitĂ©, dans ce dĂ©sordre, la prĂ©sence d'une personne, mais sa forme semble presque toujours tracĂ©e par la pression des circonstances ; ses traits se brouillent comme une image reflĂ©tĂ©e sur l'eau. Je ne suis pas de ceux qui disent que leurs actions ne leur ressemblent pas. Il faut bien qu'elles le fassent, puisqu'elles sont ma seule mesure, et le seul moyen de me dessiner dans la mĂ©moire des hommes, ou mĂȘme dans la mienne propre ; puisque c'est peut-ĂȘtre l'impossibilitĂ© de continuer Ă  s'exprimer et Ă  se modifier par l'action que constitue la diffĂ©rence entre l'Ă©tat de mort et celui de vivant. Mais il y a entre moi et ces actes dont je suis fait un hiatus indĂ©finissable. Et la preuve, c'est que j'Ă©prouve sans cesse le besoin de les peser, de les expliquer, d'en rendre compte Ă  moi-mĂȘme. Certains travaux qui durĂšrent peu sont assurĂ©ment nĂ©gligeables, mais des occupations qui s'Ă©tendirent sur toute la vie ne signifient pas davantage. Par exemple, il me semble Ă  peine essentiel, au moment oĂč j'Ă©cris ceci, d'avoir Ă©tĂ© empereur..." (p.214)
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Marguerite Yourcenar (Les Yeux ouverts : Entretiens avec Matthieu Galey)
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Jean shifted his commentary from his guard to me. “Drusilla, a grievance must be made against these ruffians and thieves. They have stolen my clothing and given me only this
this
.” He ran out of words. “Ugly-ass orange jumpsuit?” I offered, always ready to help Jean with his command of modern English. “Oui, exactement. I demand that you obtain my release, tout de suite. And you must know, a woman who allows her husband to remain in such conditions for an entire evening must face reprimand.” I leaned back in the chair and crossed my arms. “And you must know that, in this day and age, should a man reprimand his wife too much, said wife might leave her husband to enjoy a longer time in his prison cell wearing his ugly-ass orange jumpsuit.
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Suzanne Johnson (Pirateship Down (Sentinels of New Orleans #4.5))
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Le relativisme rĂ©duit tout Ă©lĂ©ment d'absoluitĂ© Ă  la relativitĂ©, en faisant une exception parfaitement illogique avec cette rĂ©duction mĂȘme. Il consiste en somme Ă  dĂ©clarer qu'il est vrai qu'il n'y a pas de vĂ©ritĂ©, ou qu'il est absolument vrai qu'il n'y a que du relativement vrai ; autant dire qu'il n'y a pas de langage, ou Ă©crire qu'il n'y a pas d'Ă©criture. Bref, toute idĂ©e se trouve rĂ©duite Ă  une relativitĂ© soit psychologique, soit historique, soit sociale ; l'assertion s'annule du fait qu'elle se prĂ©sente elle-mĂȘme comme une relativitĂ© psychologique, historique, ou sociale, et ainsi de suite. L'assertion s'annule, si elle est vraie, et en s'annulant logiquement, prouve qu'elle est fausse ; son absurditĂ© initiale, c'est la prĂ©tention implicite d'ĂȘtre seule Ă  sortir, comme par enchantement, d'une relativitĂ© dĂ©clarĂ©e seule possible.
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Frithjof Schuon (Logic & Transcendence)
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Si un danseur a la possibilitĂ© d'entrer dans le jeu politique, il refusera ostensiblement toutes les nĂ©gociations secrĂštes (qui sont depuis toujours le terrain de jeu de la vraie politique) en les dĂ©nonçant comme mensongĂšres, malhonnĂȘtes, hypocrites, sales ; il avancera ses propositions publiquement, sur une estrade, en chantant, en dansant, et appellera nommĂ©ment les autres Ă  le suivre dans son action ; j'insiste : non pas discrĂštement (pour donner Ă  l'autre le temps de rĂ©flĂ©chir, de discuter des contrepropositions) mais publiquement, et si possible par surprise : "Êtes-vous prĂȘt tout de suite (comme moi) Ă  renoncer Ă  votre salaire du mois de mars au profit des enfants de Somalie ?" Surpris, les gens n'auront que deux possibilitĂ©s : ou bien refuser et ainsi se discrĂ©diter en tant qu'ennemis des enfants, ou bien dire "oui" dans un terrible embarras que la camĂ©ra devra malicieusement montrer (chapitre 6)
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Milan Kundera (Slowness)
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- Alors ? - J'ai du plaisir Ă  sentir mon corps se remettre Ă  fonctionner, Salim. Je me dĂ©lecte de mes enjambĂ©es qui se fluidifient, du frottement de mes bras contre mon torse, de l'oxygĂšne qui entre dans mes poumons, j'apprĂ©cie mĂȘme la douleur dans mes muscles et mon souffle court... Comprends-tu ? - Je crois, oui, rĂ©pondit Salim soudain attentif. - Alors Ă©coute la suite. Je dĂ©sire marcher pour redevenir moi-mĂȘme mais, par-dessus tout, je dĂ©sire dĂ©couvrir un trajet que j'ai effectuĂ© dans tes bras et dont je ne garde pas le moindre souvenir. Si j'en Ă©tais capable, je l'accomplirais en te portant sur mon dos pour comprendre la force qui t'a soutenu, sans boire et sans manger, sans certitude pour motiver tes pas. Je veux marcher parce que je te suis redevable, Salim, c'est le seul moyen dont je dispose pour rembourser une infime partie de ma dette. Un pas sur le cĂŽtĂ© amoindrirait ton geste et je t'aime trop pour te diminuer.
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Pierre Bottero (La ForĂȘt des captifs (Les Mondes d'Ewilan, #1))
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Dieu est bon ; rien n'est plus manifeste : mais la bonté dans l'homme est l'amour de ses semblables, et la bonté de Dieu est l'amour de l'ordre ; car c'est par l'ordre qu'il maintient ce qui existe, et lie chaque partie avec le tout. Dieu est juste ; j'en suis convaincu, c'est une suite de sa bonté ; l'injustice des hommes est leur oeuvre et non pas la sienne ; le désordre moral, qui dépose contre la Providence aux yeux des philosophes, ne fait que la démontrer aux miens.
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Jean-Jacques Rousseau (Emile, or On Education)
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Patrice a vingt-quatre ans et, la premiĂšre fois que je l’ai vu, il Ă©tait dans son fauteuil inclinĂ© trĂšs en arriĂšre. Il a eu un accident vasculaire cĂ©rĂ©bral. Physiquement, il est incapable du moindre mouvement, des pieds jusqu’à la racine des cheveux. Comme on le dit souvent d’une maniĂšre trĂšs laide, il a l’aspect d’un lĂ©gume : bouche de travers, regard fixe. Tu peux lui parler, le toucher, il reste immobile, sans rĂ©action, comme s’il Ă©tait complĂštement coupĂ© du monde. On appelle ça le locked in syndrome.Quand tu le vois comme ça, tu ne peux qu’imaginer que l’ensemble de son cerveau est dans le mĂȘme Ă©tat. Pourtant il entend, voit et comprend parfaitement tout ce qui se passe autour de lui. On le sait, car il est capable de communiquer Ă  l’aide du seul muscle qui fonctionne encore chez lui : le muscle de la paupiĂšre. Il peut cligner de l’Ɠil. Pour l’aider Ă  s’exprimer, son interlocuteur lui propose oralement des lettres de l’alphabet et, quand la bonne lettre est prononcĂ©e, Patrice cligne de l’Ɠil.  Lorsque j’étais en rĂ©animation, que j’étais complĂštement paralysĂ© et que j’avais des tuyaux plein la bouche, je procĂ©dais de la mĂȘme maniĂšre avec mes proches pour pouvoir communiquer. Nous n’étions pas trĂšs au point et il nous fallait parfois un bon quart d’heure pour dicter trois pauvres mots. Au fil des mois, Patrice et son entourage ont perfectionnĂ© la technique. Une fois, il m’est arrivĂ© d’assister Ă  une discussion entre Patrice et sa mĂšre. C’est trĂšs impressionnant.La mĂšre demande d’abord : « Consonne ? » Patrice acquiesce d’un clignement de paupiĂšre. Elle lui propose diffĂ©rentes consonnes, pas forcĂ©ment dans l’ordre alphabĂ©tique, mais dans l’ordre des consonnes les plus utilisĂ©es. DĂšs qu’elle cite la lettre que veut Patrice, il cligne de l’Ɠil. La mĂšre poursuit avec une voyelle et ainsi de suite. Souvent, au bout de deux ou trois lettres trouvĂ©es, elle anticipe le mot pour gagner du temps. Elle se trompe rarement. Cinq ou six mots sont ainsi trouvĂ©s chaque minute.  C’est avec cette technique que Patrice a Ă©crit un texte, une sorte de longue lettre Ă  tous ceux qui sont amenĂ©s Ă  le croiser. J’ai eu la chance de lire ce texte oĂč il raconte ce qui lui est arrivĂ© et comment il se sent. À cette lecture, j’ai pris une Ă©norme gifle. C’est un texte brillant, Ă©crit dans un français subtil, lĂ©ger malgrĂ© la tragĂ©die du sujet, rempli d’humour et d’autodĂ©rision par rapport Ă  l’état de son auteur. Il explique qu’il y a de la vie autour de lui, mais qu’il y en a aussi en lui. C’est juste la jonction entre les deux mondes qui est un peu compliquĂ©e.Jamais je n’aurais imaginĂ© que ce texte si puissant ait Ă©tĂ© Ă©crit par ce garçon immobile, au regard entiĂšrement vide.  Avec l’expĂ©rience acquise ces derniers mois, je pensais ĂȘtre capable de diagnostiquer l’état des uns et des autres seulement en les croisant ; j’ai reçu une belle leçon grĂące Ă  Patrice.Une leçon de courage d’abord, Ă©tant donnĂ© la vitalitĂ© des propos que j’ai lus dans sa lettre, et, aussi, une leçon sur mes a priori. Plus jamais dorĂ©navant je ne jugerai une personne handicapĂ©e Ă  la vue seule de son physique. C’est jamais inintĂ©ressant de prendre une bonne claque sur ses propres idĂ©es reçues .
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Grand corps malade (Patients)
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Les jeunes filles d’aujourd’hui Ă©taient plus avisĂ©es et plus rationnelles. Elles se prĂ©occupaient avant tout de leur rĂ©ussite scolaire, tĂąchaient avant tout de s’assurer un avenir professionnel dĂ©cent. Les sorties avec les garçons n’étaient pour elles qu’une activitĂ© de loisirs, un divertissement oĂč intervenaient Ă  parts plus ou moins Ă©gales le plaisir sexuel et la satisfaction narcissique. Par la suite elles s’attachaient Ă  conclure un mariage raisonnĂ©, sur la base d’une adĂ©quation suffisante des situations socio-professionnelles et d’une certaine communautĂ© de goĂ»ts. Bien entendu elles se coupaient ainsi de toute possibilitĂ© de bonheur – celui-ci Ă©tant indissociable d’états fusionnels et rĂ©gressifs incompatibles avec l’usage pratique de la raison – mais elles espĂ©raient ainsi Ă©chapper aux souffrances sentimentales et morales qui avaient torturĂ© leurs devanciĂšres. Cet espoir Ă©tait d’ailleurs rapidement déçu, la disparition des tourments passionnels laissait en effet le champ libre Ă  l’ennui, Ă  la sensation de vide, Ă  l’attente angoissĂ©e du vieillissement et de la mort.
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Michel Houellebecq (The Elementary Particles)
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C'Ă©tait l'une de ces voix dont l'oreille Ă©pouse chaque modulation, car elles improvisent de phrase en phrase une suite d'accords de hasard que personne jamais ne rejouera plus. Son visage Ă©tait triste et tendre avec de beaux Ă©clats, l'Ă©clat du regard, l'Ă©clat brĂ»lant des lĂšvres — mais on percevait dans sa voix une note d'excitation dont les hommes qui l'ont aimĂ©e se souviendront toujours: une vibration musicale, une exigence impĂ©rieuse et chuchotĂ©e: "Écoutez-moi, Ă©coutez-moi!", l'assurance qu'elle venait tout juste de vivre des instants radieux, magiques et que l'heure suivante lui en rĂ©servaitd'autres, tout aussi magiques et radieux.
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F. Scott Fitzgerald (The Great Gatsby)
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Pendant des millions d'annĂ©es, l'humanitĂ© a vĂ©cu comme les animaux. Par la suite, quelque chose est arrivĂ© qui a libĂ©rĂ© le pouvoir de notre imagination. Nous avons appris Ă  parler et Ă  Ă©couter. La parole a permis la communication des idĂ©es, abilitant l'ĂȘtre humain Ă  travailler ensemble afin de construire l'impossible. Les plus grandes rĂ©alisations de l'humanitĂ© se sont matĂ©rialisĂ©es en parlant, et ses plus grands Ă©checs en ne parlant plus. Cela n'a pas lieu d'ĂȘtre. Nos plus grands espoirs pourraient devenir des rĂ©alitĂ©s dans le futur. Avec la technologie Ă  notre disposition, les possibilitĂ©s sont illimitĂ©es. Tout ce que nous avons Ă  faire est de s'assurer que nous continuions Ă  parler.
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Stephen Hawking
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Cette sociĂ©tĂ©, que j'ai remarquĂ©e la premiĂšre dans ma vie, est aussi la premiĂšre qui ait disparu Ă  mes yeux. J'ai vu la mort entrer sous ce toit de paix et de bĂ©nĂ©diction, le rendre peu Ă  peu solitaire, fermer une chambre et puis une autre qui ne se rouvrait plus. J'ai vu ma grand'mĂšre forcĂ©e de renoncer Ă  son quadrille, faute des partners accoutumĂ©s; j'ai vu diminuer le nombre de ces constantes amies, jusqu'au jour oĂč mon aĂŻeule tomba la derniĂšre. Elle et sa sƓur s'Ă©taient promis de s'entre-appeler aussitĂŽt que l'une aurait devancĂ© l'autre; elles se tinrent parole, et madame de BedĂ©e ne survĂ©cut que peu de mois Ă  mademoiselle de Boisteilleul. Je suis peut-ĂȘtre le seul homme au monde qui sache que ces personnes ont existĂ©. Vingt fois, depuis cette Ă©poque, j'ai fait la mĂȘme observation; vingt fois des sociĂ©tĂ©s se sont formĂ©es et dissoutes autour de moi. Cette impossibilitĂ© de durĂ©e et de longueur dans les liaisons humaines, cet oubli profond qui nous suit, cet invincible silence qui s'empare de notre tombe et s'Ă©tend de lĂ  sur notre maison, me ramĂšnent sans cesse Ă  la nĂ©cessitĂ© de l'isolement. Toute main est bonne pour nous donner le verre d'eau dont nous pouvons avoir besoin dans la fiĂšvre de la mort. Ah! qu'elle ne nous soit pas trop chĂšre! car comment abandonner sans dĂ©sespoir la main que l'on a couverte de baisers et que l'on voudrait tenir Ă©ternellement sur son cƓur?
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François-René de Chateaubriand (Mémoires d'Outre-Tombe)
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La mĂ©ditation Ăąpre et profondĂ©ment sĂ©rieuse sur la non-valeur de tout ce qui est arrivĂ©, sur l'urgence qu'il y a Ă  mettre le monde en jugement, a fait place Ă  la conviction sceptique qu'il est, en tout cas, bon de connaĂźtre le passĂ©, puisqu'il est trop tard pour faire quelque chose de meilleur. Ainsi le sens historique rend ses serviteurs passifs et respectueux. C'est seulement quand, par suite d'un oubli momentanĂ©, ce sens est suspendu, que l'homme malade de la fiĂšvre historique devient actif. Mais, dĂšs que l'action est passĂ©e, il se met Ă  dissĂ©quer, pour l'empĂȘcher, par l'examen analytique auquel il la soumet, de prolonger son influence. Ainsi dĂ©pouillĂ©e, son action est alors du domaine de l' "Histoire". DeuxiĂšme ConsidĂ©ration intempestive, ch. 8
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Friedrich Nietzsche
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Enfin, en continuant Ă  suivre du dedans au−dehors les Ă©tats simultanĂ©ment juxtaposĂ©s dans ma conscience, et avant d'arriver jusqu'Ă  l'horizon rĂ©el qui les enveloppait, je trouve des plaisirs d'un autre genre, celui d'ĂȘtre bien assis, de sentir la bonne odeur de l'air, de ne pas ĂȘtre dĂ©rangĂ© par une visite et, quand une heure sonnait au clocher de Saint−hilaire, de voir tomber morceau par morceau ce qui de l'aprĂšs−midi Ă©tait dĂ©jĂ  consommĂ©, jusqu'Ă  ce que j'entendisse le dernier coup qui me permettait de faire le total et aprĂšs lequel le long silence qui le suivait semblait faire commencer, dans le ciel bleu, toute la partie qui m'Ă©tait encore concĂ©dĂ©e pour lire jusqu'au bon dĂźner qu'apprĂȘtait Françoise et qui me rĂ©conforterait des fatigues prises, pendant la lecture du livre, Ă  la suite de son hĂ©ros.
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Marcel Proust (Swann's Way)
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Il songea, une nouvelle fois, que, petit, un jour, il portait un lapin par les pattes de derriĂšre. C'Ă©tait en Sicile, les pattes Ă©taient attachĂ©es avec de la ficelle, il marchait Ă  cĂŽtĂ© de son pĂšre, son pĂšre trimbalait un panier de pommes de terre, et il sentait que le sang s'accumulait dans la petite tĂȘte du lapin, le lapin Ă©tait juste dans la posture de Saint-Pierre le jour de sa mort, les yeux du lapin muet avait un vertige infini de souffrance et de terreur, il aurait suffi de mettre l'animal dans l'autre sens, la tĂȘte en haut, alors, au moins, avant la mort inĂ©vitable, il aurait cessĂ© de souffrir, mais il n'osa pas. Par consĂ©quent, lui, petit, dĂ©jĂ  Ă©tait pris dans l'omertĂ  du monde, dans cette complicitĂ© gĂ©nĂ©rale qui nous fait, en gros, accepter des mers et des montagnes de souffrance et de terreur, les reconnaitre pour lĂ©gitimes, nĂ©cessaires, bonnes, justes. Si l'on se mettait, par exemple, Ă  souffrir pour un lapin, il faudrait, tout de suite, souffrir aussi pour les chevaux, les mouches, les rats, les vieillards. C'est pourquoi il avait continuĂ© Ă  tenir l'animal Ă  l'envers, par ses pattes ficelĂ©es, tout en sentant que le regret s'accumulait en lui, s'accumulait jusqu'Ă  former un dĂ©pĂŽt pesant dans la tĂȘte de l'animal, enflammant ses yeux de sang et de terreur, mais l'omertĂ , dĂ©jĂ , Ă©tait la plus forte, la complicitĂ© taciturne des hommes entre eux, des ĂȘtres entre eux. Demandez Ă  qui vous voudrez. Un lapin, pour un trajet donnĂ©, se porte la tĂȘte en bas, ficelĂ© par les pattes de derriĂšre, c'est la loi. Un bambin, sur un chemin, dans la grande Ăźle, dans la Sicile, il ne va pas, de lui-mĂȘme, accomplir la rĂ©volution, tourner l'animal dans l'autre sens, dans le sens du pardon, du bien-ĂȘtre, au risque de troubler le pas de son pĂšre, son pĂšre portait les pommes de terre.
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Jacques Audiberti (Le MaĂźtre De Milan)
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Revenons donc Ă  nos poncifs, ou plutĂŽt Ă  quelques-uns d’entre eux : 1° Le XIXe siĂšcle est le siĂšcle de la science. 2° Le XIXe siĂšcle est le siĂšcle du progrĂšs. 3° Le XIXe siĂšcle est le siĂšcle de la dĂ©mocratie, qui est progrĂšs et progrĂšs continu. 4° Les tĂ©nĂšbres du moyen Ăąge. 5° La RĂ©volution est sainte, et elle a Ă©mancipĂ© le peuple français. 6° La dĂ©mocratie, c’est la paix. Si tu veux la paix, prĂ©pare la paix. 7° L’avenir est Ă  la science. La Science est toujours bienfaisante. 8° L’instruction laĂŻque, c’est l’émancipation du peuple. 9° La religion est la fille de la peur. 10° Ce sont les États qui se battent. Les peuples sont toujours prĂȘts Ă  s’accorder. 11° Il faut remplacer l’étude du latin et du grec, qui est devenue inutile, par celle des langues vivantes, qui est utile. 12° Les relations de peuple Ă  peuple vont sans cesse en s’amĂ©liorant. Nous courons aux États-Unis d’Europe. 13° La science n’a ni frontiĂšres, ni patrie. 14° Le peuple a soif d’égalitĂ©. 15° Nous sommes Ă  l’aube d’une Ăšre nouvelle de fraternitĂ© et de justice. 16° La propriĂ©tĂ©, c’est le vol. Le capital, c’est la guerre. 17° Toutes les religions se valent, du moment qu’on admet le divin. 18° Dieu n’existe que dans et par la conscience humaine. Cette conscience crĂ©e Dieu un peu plus chaque jour. 19° L’évolution est la loi de l’univers. 20° Les hommes naissent naturellement bons. C’est la sociĂ©tĂ© qui les pervertit. 21° Il n’y a que des vĂ©ritĂ©s relatives, la vĂ©ritĂ© absolue n’existe pas. 22° Toutes les opinions sont bonnes et valables, du moment que l’on est sincĂšre. Je m’arrĂȘte Ă  ces vingt-deux Ăąneries, auxquelles il serait aisĂ© de donner une suite, mais qui tiennent un rang majeur par les innombrables calembredaines du XIXe siĂšcle, parmi ce que j’appellerai ses idoles. Idoles sur chacune desquelles on pourrait mettre un ou plusieurs noms.
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Léon Daudet (Le Stupide XIXe siÚcle (French Edition))
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- Je souhaite ne jamais te voir, rĂ©pondit la Fadette trĂšs durement ; et n'importe quelle chose tu m'apporteras, tu peux bien compter que je te la jetterai au nez. - VoilĂ  des paroles trop rudes pour quelqu'un qui vous offre rĂ©paration. Si tu ne veux point de cadeau, il y a peut-ĂȘtre moyen de te rendre service et de te montrer par lĂ  qu'on te veut du bien et non pas du mal. Allons, dis-moi ce que j'ai Ă  faire pour te contenter. - Vous ne sauriez donc me demander pardon et souhaiter mon amitiĂ© ? dit la Fadette en s'arrĂȘtant. - Pardon, c'est beaucoup demander, rĂ©pondit Landry, qui ne pouvait vaincre sa hauteur Ă  l'endroit d'une fille qui n'Ă©tait point considĂ©rĂ©e en proportion de l'Ăąge qu'elle commençait Ă  avoir, et qu'elle ne portait pas toujours aussi raisonnablement qu'elle l'aurait dĂ» ; quant Ă  ton amitiĂ©, Fadette, tu es si drĂŽlement bĂątie dans ton esprit, que je ne saurais y avoir grand'fiance. Demande-moi donc une chose qui puisse se donner tout de suite, et que je ne sois pas obligĂ© de te reprendre. - Eh bien, dit la Fadette d'une voix claire et sĂšche, il en sera comme vous le souhaitez, besson Landry. Je vous ai offert votre pardon, et vous n'en voulez point. À prĂ©sent, je vous rĂ©clame ce que vous m'avez promis, qui est d'obĂ©ir Ă  mon commandement, le jour oĂč vous en serez requis. Ce jour-lĂ , ce ne sera pas plus tard que demain Ă  la Saint-Andoche, et voici ce que je veux : Vous me ferez danser trois bourrĂ©es aprĂšs la messe, deux bourrĂ©es aprĂšs vĂȘpres, et encore deux bourrĂ©es aprĂšs l'AngĂ©lus, ce qui fera sept. Et dans toute votre journĂ©e, depuis que vous serez levĂ© jusqu'Ă  ce que vous soyez couchĂ©, vous ne danserez aucune autre bourrĂ©e avec n'importe qui, fille ou femme. Si vous ne le faites, je saurai que vous avez trois choses bien laides en vous : l'ingratitude, la peur et le manque de parole. Bonsoir, je vous attends demain pour ouvrir la danse, Ă  la porte de l'Ă©glise. Et la petite Fadette, que Landry avait suivie jusqu'Ă  sa maison, tira la corillette et entra si vite que la porte fut poussĂ©e et recorillĂ©e avant que le besson eĂ»t pu rĂ©pondre un mot.
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George Sand (La Petite Fadette)
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« Il dit rĂ©solument : « Je ne venais point vous voir parce que cela valait mieux. » Elle demanda, sans comprendre : « Comment ? Pourquoi ? – Pourquoi ? Vous ne devinez pas. – Non, pas du tout. – Parce que je suis amoureux de vous... oh ! un peu, rien qu’un peu... et que je ne veux pas le devenir tout Ă  fait... » Elle ne parut ni Ă©tonnĂ©e, ni choquĂ©e, ni flattĂ©e ; elle continuait Ă  sourire du mĂȘme sourire indiffĂ©rent, et elle rĂ©pondit avec tranquillitĂ© : « Oh ! vous pouvez venir tout de mĂȘme. On n’est jamais amoureux de moi longtemps. » Il fut surpris du ton plus encore que des paroles, et il demanda : « Pourquoi ? – Parce que c’est inutile et que je le fais comprendre tout de suite. Si vous m’aviez racontĂ© plus tĂŽt votre crainte, je vous aurais rassurĂ© et engagĂ© au contraire Ă  venir le plus possible. » Il s’écria, d’un ton pathĂ©tique : « Avec ça qu’on peut commander aux sentiments ! » Elle se tourna vers lui : « Mon cher ami, pour moi un homme amoureux est rayĂ© du nombre des vivants. Il devient idiot, pas seulement idiot, mais dangereux. Je cesse, avec les gens qui m’aiment d’amour, ou qui le prĂ©tendent, toute relation intime, parce qu’ils m’ennuient d’abord, et puis parce qu’ils me sont suspects comme un chien enragĂ© qui peut avoir une crise. Je les mets donc en quarantaine morale jusqu’à ce que leur maladie soit passĂ©e. Ne l’oubliez point. Je sais bien que chez vous l’amour n’est autre chose qu’une espĂšce d’appĂ©tit, tandis que chez moi ce serait, au contraire, une espĂšce de... de... de communion des Ăąmes qui n’entre pas dans la religion des hommes. Vous en comprenez la lettre, et moi l’esprit. Mais... regardez-moi bien en face... » Elle ne souriait plus. Elle avait un visage calme et froid et elle dit en appuyant sur chaque mot : « Je ne serai jamais, jamais votre maĂźtresse, entendez-vous. Il est donc absolument inutile, il serait mĂȘme mauvais pour vous de persister dans ce dĂ©sir... Et maintenant que... l’opĂ©ration est faite... voulez-vous que nous soyons amis, bons amis, mais lĂ , de vrais amis, sans arriĂšre-pensĂ©e ? » Il avait compris que toute tentative resterait stĂ©rile devant cette sentence sans appel. Il en prit son parti tout de suite, franchement, et, ravi de pouvoir se faire cette alliĂ©e dans l’existence, il lui tendit les deux mains : « Je suis Ă  vous, madame, comme il vous plaira. » » (de « Bel-Ami » par Guy de Maupassant)
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Guy de Maupassant
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Le premier empereur est appelĂ© l'Empereur du Ciel. Il a dĂ©terminĂ© l'ordre du temps qu'il a divisĂ© en dix troncs cĂ©lestes et douze branches terrestres, le tout formant un cycle. Cet empereur vĂ©cut dix-huit mille ans. Le second empereur est l'Empereur de la Terre ; il vĂ©cut aussi dix-huit mille ans : on lui attribue la division du mois en trente jours. Le troisiĂšme empereur est l'Empereur des Hommes. Sous son rĂšgne apparaissent les premiĂšres Ă©bauches de la vie sociale. Il partage son territoire en neuf parties, et Ă  chacune d'elles il donne pour chef un des membres de sa famille. L'histoire cĂ©lĂšbre pour la premiĂšre fois les beautĂ©s de la nature et la douceur du climat. Ce rĂšgne eut quarante-cinq mille cinq cents ans de durĂ©e. Pendant ces trois rĂšgnes qui embrassent une pĂ©riode de quatre-vingt-un mille ans, il n'est question ni de l'habitation, ni du vĂȘtement. L'histoire nous dit que les hommes vivaient dans des cavernes, sans crainte des animaux, et la notion de la pudeur n'existait pas parmi eux. A la suite de quels Ă©vĂ©nements cet Ă©tat de choses se transforma-t-il ? L'histoire n'en dit mot. Mais on remarquera les noms des trois premiers empereurs qui comprennent trois termes, le ciel, la terre, les hommes, gradation qui conduit Ă  l'hypothĂšse d'une dĂ©cadence progressive dans l'Ă©tat de l'humanitĂ©.
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Tcheng-Ki-Tong (Les Chinois peints par eux-mĂȘmes)
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Celui qui souffre d'un mal caractĂ©risĂ© n'a pas le droit de se plaindre : il a une occupation. Les grands souffrants ne s'ennuient jamais : la maladie les remplit, comme le remords nourrit les grands coupables. Car toute souffrance intense suscite un simulacre de plĂ©nitude et propose Ă  la conscience une rĂ©alitĂ© terrible, qu'elle ne saurait Ă©luder ; tandis que la souffrance sans matiĂšre dans ce deuil temporel qu'est l' ennui n'oppose Ă  la conscience rien qui l'oblige Ă  une dĂ©marche fructueuse. Comment guĂ©rir d'un mal non localisĂ© et suprĂȘmement imprĂ©cis, qui frappe le corps sans y laisser d'empreinte, qui s'insinue dans l'Ăąme sans y marquer de signe ? Il ressemble Ă  une maladie Ă  laquelle nous aurions survĂ©cu, mais qui aurait absorbĂ© nos possibilitĂ©s, nos rĂ©serves d' attention et nous aurait laissĂ©s impuissants Ă  combler le vide qui suit la disparition de nos affres et l'Ă©vanouissement de nos tourments. L'enfer est un havre auprĂšs de ce dĂ©paysement dans le temps, de cette langueur vide et prostrĂ©e oĂč rien ne nous arrĂȘte sinon le spectacle de l'univers qui se carie sous nos regard. Quelle thĂ©rapeutique employer contre une maladie dont nous ne nous souvenons plus et dont les suites empiĂštent sur nos jours ? Comment inventer un remĂšde Ă  l'existence, comment conclure cette guĂ©rison sans fin ? Et comment se remettre de sa naissance ? L'ennui, cette convalescence incurable ...
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Emil M. Cioran (Précis de décomposition (French Edition))
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Cette sociĂ©tĂ©, que j'ai remarquĂ©e la premiĂšre dans ma vie, est aussi la premiĂšre qui ait disparu Ă  mes yeux. J'ai vu la mort entrer sous ce toit de paix et de bĂ©nĂ©diction, le rendre peu Ă  peu solitaire, fermer une chambre et puis une autre qui ne se rouvrait plus. J'ai vu ma grand'mĂšre forcĂ©e de renoncer Ă  son quadrille, faute des partners accoutumĂ©s; j'ai vu diminuer le nombre de ces constantes amies, jusqu'au jour oĂč mon aĂŻeule tomba la derniĂšre. Elle et sa sƓur s'Ă©taient promis de s'entre-appeler aussitĂŽt que l'une aurait devancĂ© l'autre; elles se tinrent parole, et madame de BedĂ©e ne survĂ©cut que peu de mois Ă  mademoiselle de Boisteilleul. Je suis peut-ĂȘtre le seul homme au monde qui sache que ces personnes ont existĂ©. Vingt fois, depuis cette Ă©poque, j'ai fait la mĂȘme observation; vingt fois des sociĂ©tĂ©s se sont formĂ©es et dissoutes autour de moi. Cette impossibilitĂ© de durĂ©e et de longueur dans les liaisons humaines, cet oubli profond qui nous suit, cet invincible silence qui s'empare de notre tombe et s'Ă©tend de lĂ  sur notre maison, me ramĂšnent sans cesse Ă  la nĂ©cessitĂ© de l'isolement. Toute main est bonne pour nous donner le verre d'eau dont nous pouvons avoir besoin dans la fiĂšvre de la mort. Ah! qu'elle ne nous soit pas trop chĂšre! car comment abandonner sans dĂ©sespoir la main que l'on a couverte de baisers et que l'on voudrait tenir Ă©ternellement sur son cƓur? 
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François-René de Chateaubriand (Memoires D'Outre Tombe Lu Par Daniel Mesguich)
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[...] existe en AlgĂ©rie, dans une zone qui est historiquement marocaine, mais qui a Ă©tĂ© rattachĂ©e Ă  l’AlgĂ©rie par la France, existe les gisements des mines de Gara Djebilet et ces mines, exploitĂ©es en Ă©tant ouvertes vers la mĂ©diterranĂ©e, avec 1700km de voie ferrĂ©es, ne sont pas rentables, alors que l’AlgĂ©rie, avec une ouverture sur l'Atlantique, n'aurait que 300km a faire pour toucher les port d'Ifni ou LaĂąyoune, et le gouvernement Marocain a proposĂ© Ă  l'AlgĂ©rie un accord - "voila, nous proposons un port franc, une voie ferrĂ©e, un point de sortie pour les mines Gara Djebilet", et l'AlgĂ©rie a refusĂ©, parce qu'il y a un autre argument et c'est un argument dont il est difficile de parler quand on ne connait pas l'Ăąme profonde de ces deux peuples, lorsqu'on ne connait pas l'Ăąme profonde du peuple algĂ©rien, lorsqu'on ne connait pas l'Ăąme profonde du peuple marocain. Les algĂ©riens, font un complexe d'infĂ©rioritĂ© par rapport aux marocains. Ils font un complexe d’infĂ©rioritĂ© car ils ne sont au fait que des parvenus de l'histoire, je le dit sans aucune agressivitĂ©, je le dit en toute amitiĂ©, ce sont des parvenus de l'histoire, ce pays n'a jamais existĂ© - au mieux il fut une dĂ©pendance turque, une suite de beyliks, de beylikats. Il Ă©tait un monde d'anarchie, il n'y a pas d'histoire de l'AlgĂ©rie, d'ailleurs Ferhat Abbas l'avait dit "j'ai visitĂ© les cimetiĂšres et je n'ai pas trouvĂ© d'histoire de l'AlgĂ©rie" - et bien de l'autre cotĂ© de la Moulouya, existe un royaume qui a 12 siĂšcles d'histoire.
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Bernard Lugan
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Sept ans plus tĂŽt, elle m’avait expliquĂ© qu’elle n’avait jamais ressenti un tel sentiment avec personne, une telle Ă©motion, une telle vague de douce et chaude mĂ©lancolie qui l’avait envahie en me voyant faire ce geste si simple, si apparemment anodin, de rapprocher trĂšs lentement mon verre Ă  pied du sien pendant le repas, trĂšs prudemment, et de façon tout Ă  fait incongrue en mĂȘme temps pour deux personnes qui ne se connaissaient pas encore trĂšs bien, qui ne s’étaient rencontrĂ©es qu’une seule fois auparavant, de rapprocher mon verre Ă  pied du sien pour aller caresser le galbe de son verre, l’incliner pour le heurter dĂ©licatement dans un simulacre de trinquer sitĂŽt entamĂ© qu’interrompu, il Ă©tait impossible d’ĂȘtre Ă  la fois plus entreprenant, plus dĂ©licat et plus explicite, m’avait-elle expliquĂ©, un concentrĂ© d’intelligence, de douceur et de style. Elle m’avait souri, elle m’avait avouĂ© par la suite qu’elle Ă©tait tombĂ©e amoureuse de moi dĂšs cet instant. Ce n’était donc pas par des mots que j’étais parvenu Ă  lui communiquer ce sentiment de beautĂ© de la vie et d’adĂ©quation au monde qu’elle ressentait si intensĂ©ment en ma prĂ©sence, non plus par mes regards ou par mes actes, mais par l’élĂ©gance de ce simple geste de la main qui s’était lentement dirigĂ©e vers elle avec une telle dĂ©licatesse mĂ©taphorique qu’elle s’était sentie soudain Ă©troitement en accord avec le monde jusqu’à me dire quelques heures plus tard, avec la mĂȘme audace, la mĂȘme spontanĂ©itĂ© naĂŻve et culottĂ©e, que la vie Ă©tait belle, mon amour.
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Jean-Philippe Toussaint (Making Love)
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J’ai remarquĂ© souvent que quand deux amis pĂ©tersbourgeois se rencontrent quelque part, aprĂšs s’ĂȘtre saluĂ©s, ils demandent en mĂȘme temps : Quoi de neuf ? il y a une tristesse particuliĂšre dans leurs voix, quelle qu’ait Ă©tĂ© l’intonation initiale de leur conversation. En effet, une dĂ©sespĂ©rance totale est liĂ©e Ă  cette question Ă  PĂ©tersbourg. Mais le plus agaçant c’est que, trĂšs souvent, l’homme qui la pose est tout Ă  fait indiffĂ©rent, un PĂ©tersbourgeois de naissance, qui connaĂźt trĂšs bien la coutume, sait d’avance qu’on ne lui rĂ©pondra rien, qu’il n’y a rien de nouveau, qu’il a posĂ© cette question peut-ĂȘtre mille fois sans aucun succĂšs ; cependant, il la pose, et il a l’air de s’y intĂ©resser, comme si les convenances l’obligeaient de participer lui aussi Ă  la vie publique, d’avoir des intĂ©rĂȘts publics. Mais les intĂ©rĂȘts publics... C’est-Ă -dire nous ne nions pas que nous ayons des intĂ©rĂȘts publics ; nous tous aimons ardemment la patrie, nous aimons notre cher PĂ©tersbourg, nous aimons jouer si l’occasion se prĂ©sente. En un mot il y a beaucoup d’intĂ©rĂȘts publics. Mais ce qu’il y a surtout chez nous, ce sont les groupes. On sait que PĂ©tersbourg n’est que la rĂ©union d’un nombre considĂ©rable de petits groupes dont chacun a ses statuts, ses conventions, ses lois, sa logique et son oracle. C’est en quelque sorte le produit de notre caractĂšre national qui a encore peur de la vie publique et tient plutĂŽt au foyer. En outre, la vie publique exige un certain art ; il faut s’y prĂ©parer ; il faut beaucoup de conditions. Aussi, l’on prĂ©fĂšre la maison. LĂ , tout est plus simple ; il ne faut aucun art ; on est plus tranquille. Dans le groupe, on vous rĂ©pondra bravement Ă  la question : Quoi de neuf ? La question reçoit tout de suite un sens particulier, et l’on vous rĂ©pond ou par un potin, ou par un bĂąillement, ou par quelque chose qui vous force vous-mĂȘme Ă  bĂąiller cyniquement, magistralement. Dans le groupe, on peut traĂźner de la façon la meilleure et la plus douce une vie utile entre le bĂąillement et le ragot, jusqu’au moment oĂč la grippe, ou bien la fiĂšvre chaude, visite votre demeure ; et vous quittez alors la vie stoĂŻquement, avec indiffĂ©rence, sans savoir comment et pourquoi tout cela Ă©tait avec vous jusqu’alors. Aujourd’hui, dans l’obscuritĂ©, au crĂ©puscule, aprĂšs une triste journĂ©e, plein d’étonnement que tout se soit arrangĂ© ainsi, il semble qu’on ait vĂ©cu, qu’on ait atteint quelque chose, et tout Ă  coup, on ne sait pas pourquoi, il faut quitter ce monde agrĂ©able et sans soucis pour Ă©migrer dans un monde meilleur. Dans certains groupes, d’ailleurs, on parle fortement de la cause. Quelques personnes instruites et bien intentionnĂ©es se rĂ©unissent. On bannit sĂ©vĂšrement tous les plaisirs innocents, comme les potins et la prĂ©fĂ©rence, et, avec un entrain incomprĂ©hensible, on parle de diffĂ©rents sujets trĂšs importants. Enfin, aprĂšs avoir bavardĂ©, parlĂ©, rĂ©solu quelques questions d’utilitĂ© gĂ©nĂ©rale, et aprĂšs avoir rĂ©ussi Ă  imposer aux uns et aux autres une opinion sur toutes choses, le groupe est saisi d’une irritation quelconque et commence Ă  s’affaiblir considĂ©rablement. Finalement, tous se fĂąchent les uns contre les autres. On se dit quelques dures vĂ©ritĂ©s. Quelques caractĂšres tranchants se font jour et tout se termine par la dislocation totale. Ensuite on se calme ; on fait provision de bon sens et, peu Ă  peu, l’on se rĂ©unit de nouveau dans le groupe dĂ©crit ci-dessus. Sans doute il est agrĂ©able de vivre ainsi. Mais Ă  la longue cela devient irritant ; cela irrite fortement.
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Fyodor Dostoevsky
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II L'Association bretonne. Il est une institution qui distingue la Bretagne des autres provinces et oĂč se rĂ©flĂšte son gĂ©nie, l'Association bretonne. Dans ce pays couvert encore de landes et de terres incultes, et oĂč il reste tant de ruines des anciens Ăąges, des hommes intelligents ont compris que ces deux intĂ©rĂȘts ne devaient pas ĂȘtre sĂ©parĂ©s, les progrĂšs de l'agriculture et l'Ă©tude des monuments de l'histoire locale. Les comices agricoles ne s'occupent que des travaux d'agriculture, les sociĂ©tĂ©s savantes que de l'esprit; l'Association bretonne les a rĂ©unis: elle est Ă  la fois une association agricole et une association littĂ©raire. Aux expĂ©riences de l'agriculture, aux recherches archĂ©ologiques, elle donne de la suite et de l'unitĂ©; les efforts ne sont plus isolĂ©s, ils se font avec ensemble; l'Association bretonne continue, au XIXe siĂšcle, l'oeuvre des moines des premiers temps du christianisme dans la Gaule, qui dĂ©frichaient le sol et Ă©clairaient les Ăąmes. Un appel a Ă©tĂ© fait dans les cinq dĂ©partements de la Bretagne Ă  tous ceux qui avaient Ă  coeur les intĂ©rĂȘts de leur patrie, aux Ă©crivains et aux propriĂ©taires, aux gentilshommes et aux simples paysans, et les adhĂ©sions sont arrivĂ©es de toutes parts. L'Association a deux moyens d'action: un bulletin mensuel, et un congrĂšs annuel. Le bulletin rend compte des travaux des associĂ©s, des expĂ©riences, des essais, des dĂ©couvertes scientifiques; le congrĂšs ouvre des concours, tient des sĂ©ances publiques, distribue des prix et des rĂ©compenses. Afin de faciliter les rĂ©unions et d'en faire profiter tout le pays, le congrĂšs se tient alternativement dans chaque dĂ©partement; une annĂ©e Ă  Rennes, une autre Ă  Saint-Brieuc, une autre fois Ă  VitrĂ© ou Ă  Redon; en 1858, il s'est rĂ©uni Ă  Quimper. A chaque congrĂšs, des questions nouvelles sont agitĂ©es, discutĂ©es, Ă©claircies[1]: ces savants modestes qui consacrent leurs veilles Ă  des recherches longues et pĂ©nibles, sont assurĂ©s que leurs travaux ne seront pas ignorĂ©s; tant d'intelligences vives et distinguĂ©es, qui demeureraient oisives dans le calme des petites villes, voient devant elles un but Ă  leurs efforts; la publicitĂ© en est assurĂ©e, ils seront connus et apprĂ©ciĂ©s. D'un bout de la province Ă  l'autre, de Rennes Ă  Brest, de Nantes Ă  Saint-Malo, on se communique ses oeuvres et ses plans; tel antiquaire, Ă  Saint-Brieuc, s'occupe des mĂȘmes recherches qu'un autre Ă  Quimper: il est un jour dans l'annĂ©e oĂč ils se retrouvent, oĂč se resserrent les liens d'Ă©tudes et d'amitiĂ©. [Note 1: Voir l'Appendice.] Le congrĂšs est un centre moral et intellectuel, bien plus, un centre national: ces congrĂšs sont de vĂ©ritables assises bretonnes; ils remplacent les anciens États: on y voit rĂ©unis, comme aux États, les trois ordres, le clergĂ©, la noblesse et le tiers-Ă©tat, le tiers-Ă©tat plus nombreux qu'avant la RĂ©volution, et de plus, mĂȘlĂ©s aux nobles et aux bourgeois, les paysans. La Bretagne est une des provinces de France oĂč les propriĂ©taires vivent le plus sur leurs terres; beaucoup y passent l'annĂ©e tout entiĂšre. De lĂ  une communautĂ© d'habitudes, un Ă©change de services, des relations plus familiĂšres et plus intimes, qui n'ĂŽtent rien au respect d'une part, Ă  la dignitĂ© de l'autre. PropriĂ©taires et fermiers, rĂ©unis au congrĂšs, sont soumis aux mĂȘmes conditions et jugĂ©s par les mĂȘmes lois; souvent le propriĂ©taire concourt avec son fermier. Dans ces mĂȘlĂ©es animĂ©es, oĂč l'on se communique ses procĂ©dĂ©s, oĂč l'on s'aide de ses conseils, oĂč l'on distribue des prix et des encouragements, les riches propriĂ©taires et les nobles traitent les paysans sur le pied de l'Ă©galitĂ©; ici, la supĂ©rioritĂ© est au plus habile: c'est un paysan, GuĂ©venoux, qui, en 1857, eut les honneurs du congrĂšs de Redon. Voici quatorze ans que l'Association bretonne existe; l'ardeur a toujours Ă©tĂ© en croissant; les congrĂšs sont devenus des solennitĂ©s: on y vient de tous les points
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Anonymous
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L'athazagoraphobie, selon le dictionnaire, c'est la crainte d'ĂȘtre oubliĂ©. Ce n'est qu'un mot de seize lettres. Pourtant, quand je suis tombĂ©e dessus par hasard, j'ai tout de suite Ă©tĂ© intriguĂ©e. Je crois qu'on souffre tous un peu de ce mal. Certaines personnes passent leur vie Ă  essayer d'y remĂ©dier et d'autres vivent avec. Je fais partie de la deuxiĂšme catĂ©gorie.
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Emmie Wesline (Objectif Vancouver)
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L’homme est nĂ© sociable, c’est-Ă -dire qu’il cherche dans toutes ses relations l’égalitĂ© et la justice ; mais il aime l’indĂ©pendance et l’éloge : la difficultĂ© de satisfaire en mĂȘme temps Ă  ces besoins divers est la premiĂšre cause du despotisme de la volontĂ© et de l’appropriation qui en est la suite.
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Pierre-Joseph Proudhon
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As soon as you enter,” he said, “I know. Tout de suite I know. You are tigresse.” She smiled her slow smile. This was better; the man had something after all.
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Bel Kaufman (La Tigresse: And Other Short Stories)
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« Tout ce que nous sommes est le résultat de ce que nous avons pensé. Si un homme parle ou agit avec des pensées négatives, la souffrance suit. Si un homme parle ou agit avec des pensées pures, le bonheur le suit, comme une ombre qui ne le quitte jamais.
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Raja Vishupadi (Citations de Sagesse - 99 citations de Bouddha (French Edition))
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Une coutume remontant au moins à l'époque de Heian consistait pour les femmes à se tindre les dents en noir. A l'origine, elle concernait la plupart des nobles et beaucoup de guerriers. Pendant la guerre de Genpei, les combattants se reconnaissaient ainsi, les uns (Minamoto) gardaient leurs dents blanches, tandis que les autres (Taira) suivaient la coutume des gens de la cour et se les teignaient en noir. Par la suite, la pratique fut suivie seulement par les femmes de toutes les classes sociales. A l'époque Edo, elle signalait que celle-ci avaient atteint la maturité. Ensuite, elle finit par indiquer le statut de femme mariée.
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SamouraĂŻ, de la guerre Ă  la voie des arts
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L’extrait du Journal de Gide n’est peut-ĂȘtre pas mauvais au point de vue de mes livres, mais il est vraiment terrible pour Gide lui-mĂȘme, ou plus prĂ©cisĂ©ment pour son “intellectualitĂ©â€ ; du reste, malgrĂ© ce que semblait espĂ©rer SecrĂ©tant ! qui se trouvait Ă  ce moment-lĂ  chez P. Georges, j’aurais Ă©tĂ© bien Ă©tonnĂ© que le rĂ©sultat soit autre ; Gide paraĂźt ĂȘtre de ces gens pour qui la question de la vĂ©ritĂ© des idĂ©es ne se pose mĂȘme pas ! - Quant Ă  ce M. Étiemble, je n’en avais jamais entendu parler, et je ne sais pas du tout Ă  qui il a pu s’adresser pour tĂącher de me trouver. J’ai eu seulement connaissance, dans le mĂȘme ordre d’idĂ©es, des efforts qu’a faits F. Bonjean pour me rencontrer, d’abord en allant dans l’Inde, puis encore tout rĂ©cemment en retournant au Maroc... Pour en revenir Ă  Étiemble, je suis trĂšs heureux de ce que vous lui avez dit pour le dĂ©courager ; il faut en effet faire tout le possible pour empĂȘcher ces “intrusions”, surtout du cĂŽtĂ© des Ă©crivains et journalistes, indiscrets par profession, et qui au fond ne comprennent rien, ainsi que vous avez pu tout de suite vous en rendre compte dans ce cas ; vous pouvez penser comme je serais disposĂ© Ă  donner, Ă  quelque titre que ce soit, ma collaboration Ă  une “propagande” quelconque ! Si tout cela s’amplifie ces temps-ci comme vous le pensez, il va falloir que je prenne de mon cĂŽtĂ© plus de prĂ©cautions que jamais pour Ă©viter tout ce monde... lettre du 10 novembre 1945 Ă  un correspondant inconnu
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René Guénon
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On reproche Ă  la religion d'ĂȘtre incapable de rĂ©soudre les « problĂšmes de notre temps », mais on ne se rend pas compte, premiĂšrement que la religion n'a en vue que les problĂšmes de toujours, et deuxiĂšmement, que nul ne rĂ©soudra les problĂšmes nouveaux, et ne serait-ce que parce que chaque solution engendre, sur ce plan ou Ă  ce niveau, de nouveaux problĂšmes. Au XIXe siĂšcle, la machine — celle qui combine le « fer » et le « feu » — Ă©tait censĂ©e rĂ©soudre une fois pour toutes le problĂšme du travail ; les sĂ©rums devaient abolir la maladie, et ainsi de suite ; or les rĂ©sultats rĂ©els nous incitent Ă  faire remarquer qu'un faiseur de pluie ne doit ni ĂȘtre inefficace, ni provoquer une inondation. Il est du reste contradictoire de vouloir abolir le travail et ensuite de le glorifier au point d'en faire une religion.
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Frithjof Schuon (The Transfiguration of Man)
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Sous le rapport qui intĂ©resse l’Occident, le Cheikh Elish semble avoir eu aussi une certaine connaissance de la situation de la Maçonnerie et de son symbolisme initiatique. C'est ainsi que RenĂ© GuĂ©non nous Ă©crivait une fois que le Cheikh Elish « expliquait Ă  ce propos la correspondance des lettres du nom d’Allah par leurs formes respectives, avec la rĂšgle, le compas, l’équerre et le triangle ». Ce que disait ainsi le Cheikh Elish pourrait avoir un rapport avec l’une des modalitĂ©s possibles de la revivification initiatique de la Maçonnerie. En tout cas. par la suite, une bonne part des articles de son grand disciple a Ă©tĂ© consacrĂ©e au symbolisme et Ă  la doctrine initiatique maçonnique. et cet important travail apparaĂźtra de toutes façons comme une contribution de l’intellectualitĂ© et de l’universalitĂ© de l'Islam, car RenĂ© GuĂ©non s'appelait alors depuis longtemps Abdel-WĂ hid Yahya et Ă©tait lui-mĂȘme une autoritĂ© initiatique islamique.
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Michel Vùlsan (L'Islam et la fonction de René Guénon)
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Un journal Incarnat de penser d'amour L'esprit rougeĂątre d'un poison appelĂ©e sentiments. Mon encre diluĂ©e par deux moitiĂ©s encrĂ©es sur une Ăźle dĂ©labrĂ©e de penser pour se rĂ©conforter. Le coeur fauchĂ© comme le blĂ© lacĂ©rĂ© des deux cĂŽtĂ©s imprĂ©gnĂ© de stupiditĂ© par le mot aimĂ©. Marchant devant sans jamais avoir, trouver une femme de confiance, as qui susurre le verbe aimĂ©. DĂ©sert l'esprit sur terre, assis sur mon rocher je peux altĂ©rer ma pensĂ©e et continuĂ© as escaladĂ© la montagne créée. Par un flaut d'eau retentissant, rugissants par cent beaucoup de personnes comme des dehiscent sur leur tĂ©lĂ©phone. Blessants d'ĂȘtre vue comme inconvĂ©nient, mais ce qui blesse le plus de l'intĂ©rieur est de ne pas s'effondrer et l'extĂ©rieur est la façade qui sert de pillier.et ce que tu as soudĂ©, mes tout peut se fendre en une nuitĂ©e emplie d'obscuritĂ© et vil sournois ris marchent sans aucun dĂ©niĂ© ne prend par aucun raccourci la vie n'a aucun repris suit un ami mais ne te laisse aveugler prend garde ton esprit est la clĂ© ne sois jamais fourvoyĂ© par une histoire falsifiĂ©e qui peut ĂȘtre mensonger pour t'utiliser. . Garde ton coeur vrai, reste vrai reste magique. Stay True, Stay Magic.
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Marty Bisson milo
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Votre lettre au sujet de GuĂ©non me déçoit beaucoup. Je suis pour GuĂ©non gobeur contre tout le reste. GuĂ©non gobeur parce qu’il prend au pied de la lettre le contenu significatif et humain de toutes les fables et lĂ©gendes me paraĂźt moins enfantin que toute l’école scientifique, biologique et anthropologique moderne, qui, Ă  la suite d’Edmond Perrier pensait que l’homme marchait d’abord Ă  quatre pattes et qu’il est devenu droit Ă  force de chercher Ă  attraper des fruits dans les arbres et de se mettre sur son sĂ©ant pour cela. Pourquoi ne serait-il pas parvenu Ă  se faire pousser des ailes Ă  force de considĂ©rer la lune ? Je crois, moi, au Surnaturel. (Antonin ARTAUD Ă  Jean PAULHAN, 16 septembre 1930, ƒuvres complĂštes t.VI, p317-318)
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Antonin Artaud (Oeuvres)
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On fait la « psychanalyse » d’un scolastique par exemple, ou mĂȘme d’un ProphĂšte, afin de « situer » leur doctrine - inutile de souligner le monstrueux orgueil qu’implique une semblable attitude -, et on dĂ©cĂšle avec une logique toute machinale et parfaitement irrĂ©elle les « influences» que cette doctrine aurait subies ; on n’hĂ©site pas Ă  attribuer, ce faisant, Ă  des saints toutes sortes de procĂ©dĂ©s artificiels, voire frauduleux, mais on oublie Ă©videmment, avec une satanique inconsĂ©quence, d’appliquer ce principe Ă  soi-mĂȘme et d’expliquer sa propre position - prĂ©tendument « objective » - par des considĂ©rations psychanalytiques ; bref, on traite les sages comme des malades et on se prend pour un dieu. Dans le mĂȘme ordre d’idĂ©es, on affirme sans vergogne qu’il n’y a pas d’idĂ©es premiĂšres : qu’elles ne sont dues qu’à des prĂ©jugĂ©s d’ordre grammatical - donc Ă  la stupiditĂ© des sages qui en ont Ă©tĂ© dupes - et qu’elles n’ont eu pour effet que de stĂ©riliser « la pensĂ©e » durant des millĂ©naires, et ainsi de suite ; il s’agit d’énoncer un maximum d’absurditĂ©s avec un maximum de subtilitĂ©. Comme sentiment de plĂ©nitude, il n’y a rien de tel que la conviction d’avoir inventĂ© la poudre ou posĂ© sur la pointe l’oeuf de Christophe Colomb !
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Frithjof Schuon (Light on the Ancient Worlds: A New Translation with Selected Letters (Library of Perennial Philosophy))
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Encore aujourd'hui, il m'arrive d'entendre, le soir, une voix qui m'appelle par mon prénom, dans la rue. Une voix rauque. Elle traßne un peu sur les syllabes et je la reconnais tout de suite: la voix de Louki.
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Patrick Modiano (Dans le café de la jeunesse perdue)
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C'est lĂ  qu'il aurait dĂ» avoir un frĂšre plus ĂągĂ©, un pĂšre, une mĂšre, un meilleur ami, quelqu'un pour lui conseiller justement de « ne jamais donner tout son cƓur. » Parce que, lorsqu'on le fait, on prend le risque de ne plus jamais pouvoir aimer par la suite.
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Guillaume Musso (Que serais-je sans toi?)
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Ts’in (Qin n.n.) qui n’avait (d’abord) qu’un territoire fort restreint et qui n’avait qu’une puissance de mille chars’, fit venir Ă  lui les huit provinces et obtint l’hommage de ceux qui Ă©taient du mĂȘme rang que lui, et cela dura pendant plus de cent annĂ©es. Dans la suite cependant, quand tout l’espace compris dans les directions de l’univers Ă©tait sa demeure, quand Hiao et Hien Ă©taient son palais, il suffit qu’un simple particulier soulevĂąt des difficultĂ©s pour que les sept temples ancestraux fussent ruinĂ©s et pour que (le souverain) lui-mĂȘme pĂ©rit de la main des hommes, ce qui fut la risĂ©e de l’empire. Comment cela se produisit-il ? C’est parce que la bontĂ© et la justice ne furent pas rĂ©pandues (par Ts’in) et parce que les conditions pour conquĂ©rir et les conditions pour conserver sont diffĂ©rentes]
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Sima Qian (Mémoires historiques - DeuxiÚme Section (French Edition))
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Dans cette existence, tout nous est prĂȘtĂ©, les choses et les humains que l'on chĂ©rit. Nous ne sommes que des locataires. À nous de nous le rappeler aussi souvent que possible afin d'Ă©viter de tenir tout pour acquis. Et la mort rĂŽde autour de la vie, jusqu'au jour oĂč elle frappe Ă  notre porte pour nous emmener, sans que nous puissions la contredire. Nous laissons tout en plan, quelqu'un d'autre veillera Ă  la suite. Avant, il faut vivre. IntensĂ©ment.
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Josélito Michaud (Trois mois tout au plus (French Edition))
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Fort heureusement, mĂȘme si la volontĂ© accordĂ©e la naissance est faible, il est toujours possible de la renforcer. Il s'agit de la dĂ©velopper petit petit et cela peut prendre beaucoup de temps, ce qui est aussi le cas pour la force physique. Au dĂ©but, on peut avoir l'impression que rien ne change. Le doute, la paresse, l'envie de tout abandonner peuvent alors commencer Ă  se manifester. Mais il faut les combattre, serrer les dents et persĂ©vĂ©rer. Et au moment oĂč on se dit que rien ne changera jamais, il se produit un Ă©vĂ©nement qui nous fait dĂ©couvrir qu'on est diffĂ©rent de celui qu'on Ă©tait avant. On continue de faire des efforts, dans une succession de jours monotones, et soudain, on dĂ©couvre que celui qu'on est devenu est encore diffĂ©rent de celui qu'on Ă©tait jusqu'Ă  maintenant, et ainsi de suite. Grand-mĂšre s'interrompit quelques secondes. Mais la grande diffĂ©rence avec l'entraĂźnement physique ou le dĂ©veloppement d'autres compĂ©tences, c'est qu'il est plus facile d'Ă©chouer, car ce sont souvent ceux qui manquent de volontĂ© qui veulent relever le dĂ©fi, conclut-elle lentement.
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Nashiki (Un'estate con la Strega dell'Ovest)
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Celui-ci a Ă©tĂ© obligĂ© de le quitter Ă  la suite du scandale de Madame Gautreau ou Madame X comme on l’appelle maintenant (comme s’il suffisait de remplacer un nom par un X pour que tout le monde oublie de qui il s’agit).
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Michelle Gable (L'appartement oublié)
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Mais entre cuisiniers, vous parlez quand mĂȘme? Vous vous racontez vos expĂ©riences? - Pas tellement... On est pas trĂšs bavards, tu sais...On est trop crevĂ©s pour jacter. On se montre des trucs, des tours de mains, on Ă©change des idĂ©es, des morceaux de recettes qu'on a piquĂ©es ici ou lĂ , mais ça va rarement plus loin... - C'est dommage... - Si on savait s'exprimer, faire des belles phrases et tout ça, on ferait pas ce boulot-lĂ , c'est clair. Enfin moi en tout cas, j'arrĂȘterais tout de suite.
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Anna Gavalda (Ensemble, c'est tout Audiobook PACK [Book + 2 CD MP3 - Abridged text])
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RÉPONSES INTERROGATIVES À UNE QUESTION DE MARTIN HEIDEGGER La poĂ©sie ne rythmera plus l'action. Elle sera en avant. RIMBAUD. Divers sens Ă©troits pourraient ĂȘtre proposĂ©s, compte non tenu du sens qui se crĂ©e dans le mouvement mĂȘme de toute poĂ©sie objective, toujours en chemin vers le point qui signe sa justification et clĂŽt son existence, Ă  l'Ă©cart, en avant de l'existence du mot Dieu : -La poĂ©sie entraĂźnera Ă  vue l'action, se plaçant en avant d'elle. L'en-avant suppose toutefois un alignement d'angle de la poĂ©sie sur l'action, comme un vĂ©hicule pilote aspire Ă  courte distance par sa vitesse un second vĂ©hicule qui le suit. Il lui ouvre la voie, contient sa dispersion, le nourrit de sa lancĂ©e. -La poĂ©sie, sur-cerveau de l’action, telle la pensĂ©e qui commande au corps de l'univers, comme l'imagination visionnaire fournit l'image de ce qui sera Ă  l'esprit forgeur qui la sollicite. De lĂ , l'enavant. -La poĂ©sie sera « un chant de dĂ©part ». PoĂ©sie et action, vases obstinĂ©ment communicants. La poĂ©sie, pointe de flĂšche supposant l'arc action, l'objet sujet Ă©troitement dĂ©pendant, la flĂšche Ă©tant projetĂ©e au loin et ne retombant pas car l'arc qui la suit la ressaisira avant chute, les deux Ă©gaux bien qu'inĂ©gaux, dans un double et unique mouvement de rejonction. -L'action accompagnera la poĂ©sie par une admirable fatalitĂ©, la rĂ©fraction de la seconde dans le miroir brĂ»lant et brouillĂ© de la premiĂšre produisant une contradiction et communiquant le signe plus (+) Ă  la matiĂšre abrupte de l’action. -La poĂ©sie, du fait de la parole mĂȘme, est toujours mise par la pensĂ©e en avant de l'agir dont elle emmĂšne le contenu imparfait en une course perpĂ©tuelle vie-mort-vie. -L'action est aveugle, c'est la poĂ©sie qui voit. L'une est unie par un lien mĂšre-fils Ă  1'autre, le fils en avant de la mĂšre et la guidant par nĂ©cessitĂ© plus que par amour. -La libre dĂ©termination de la poĂ©sie semble lui confĂ©rer sa qualitĂ© conductrice. Elle serait un ĂȘtre action, en avant de Faction. -La poĂ©sie est la loi, l'action demeure le phĂ©nomĂšne. L'Ă©clair prĂ©cĂšde le tonnerre, illuminant de haut en bas son théùtre, lui donnant valeur instantanĂ©e. -La poĂ©sie est le mouvement pur ordonnant le mouvement gĂ©nĂ©ral. Elle enseigne le pays en se dĂ©calant. -La poĂ©sie ne rythme plus l'action, elle se porte en avant pour lui indiquer le chemin mobile. C'est pourquoi la poĂ©sie touche la premiĂšre. Elle songe l'action et, grĂące Ă  son matĂ©riau, construit la Maison, mais jamais une fois pour toutes. _ La poĂ©sie est le moi en avant de l'en soi, « le poĂšte Ă©tant chargĂ© de l'HumanitĂ© » (Rimbaud). - La poĂ©sie serait de « la pensĂ©e chantĂ©e ». Elle serait l'Ɠuvre en avant de Faction, serait sa consĂ©quence finale et dĂ©tachĂ©e. -La poĂ©sie est une tĂȘte chercheuse. L'action est son corps. Accomplissant une rĂ©volution ils font, au terme de celle-ci, coĂŻncider la fin et le commencement. Ainsi de suite selon le cercle. -Dans l'optique de Rimbaud et de la Commune, la poĂ©sie ne servira plus la bourgeoisie, ne la rythmera plus. Elle sera en avant, la bourgeoisie ici supposĂ©e action de conquĂȘte. La poĂ©sie sera alors sa propre maĂźtresse, Ă©tant maĂźtresse de sa rĂ©volution; le signal du dĂ©part donnĂ©, l'action en-vue-de se transformant sans cesse en action voyant.
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René Char (Recherche de la base et du sommet)
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11 heures. Il y eut tout. La jalousie, l'exclusion, la fin de l'histoire durant quelques secondes. Une jeune femme, grande, blonde et plate (entre vingt-cinq et trente ans, à cÎté d'elle la femme de S. paraissait fripée), qu'il voulait visiblement séduire. Elle était accompagnée de son mari, éditeur minuscule, du PC sans doute. Entre les deux couples formés, j'étais de trop. En plus, ma présence paraissait bizarre (à la femme de S. et à cette femme, qui a tout de suite repéré une connivence entre S. et moi). Puis je pars. Seule. Je revois ce tapis de l'ambassade, ces marches que je descends en pensant, « ça y est ».
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Annie Ernaux (Se perdre (French Edition))
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Les Ă©trangers pensent que les nouveaux Russes sont obsĂ©dĂ©s par l’argent. Mais ce n’est pas ça. Les Russes jouent avec l’argent. Ils le jettent en l’air comme des confettis. Il est arrivĂ© si vite et si abondamment. Hier il n’y en avait pas. Demain, qui sait ? Autant le claquer tout de suite. Chez vous, l’argent est essentiel, c’est la base de tout. Ici, je vous assure, ce n’est pas comme ça. Seul le privilĂšge compte en Russie, la proximitĂ© du pouvoir. Tout le reste est accessoire. C’était comme ça du temps du tsar et pendant les annĂ©es communistes encore plus.
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Giuliano da Empoli (Le Mage du Kremlin)
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« Regarde ça. Essaye de faire une expĂ©rience dans la rue avec un passant quelconque. Offre-lui le billet, ou sinon une chance de cinquante pour cent d’en avoir deux. Tu sais ce qu’il fera ? Je vais te le dire : il prendra le billet de cinq mille. Puis essaye de faire le contraire. Demande Ă  un passant de te donner cinq mille roubles ou sinon de jouer Ă  pile ou face pour savoir s’il devra te donner deux billets ou aucun. Tu sais ce que fera le type cette fois ? PlutĂŽt que dĂ©bourser tout de suite ses cinq mille roubles, il prĂ©fĂ©rera courir le risque de t’en donner le double. C’est absurde, non ? En thĂ©orie, celui qui gagne pourrait se permettre de courir un risque par rapport Ă  celui qui perd. Au lieu de ça, les gens font exactement le contraire. Ceux qui gagnent sont plus prudents dans leurs choix, tandis que les perdants jouent le tout pour
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Giuliano da Empoli (Le Mage du Kremlin)
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Mais cette fois-ci, je ne parvins pas à me détourner. Pas tout de suite. Parce que fermer les yeux n'effacerait pas ses cicatrices et la souffrance endurée.
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L.C. Blake (Princesse déchue : La reine sans couronne)
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Les Ă©tudes littĂ©raires bĂ©nĂ©ficiaient pour une part importante de l’évolution que nous venons de dĂ©crire. Cet Ă©lĂ©ment est particuliĂšrement visible en Tunisie, surtout pour les Ă©tudes d’arabe. Ces Ă©tudiants littĂ©raires se destinaient massivement Ă  la carriĂšre d’enseignant (ce qu’attestent plusieurs tĂ©moignages ainsi que la brochure de juillet 1953). C’est que l’enseignement de l’arabe avait acquis un prestige trĂšs important, aux yeux des Sadikiens tout au moins. Mahmoud Messaadi nous a affirmĂ© ĂȘtre sorti du collĂšge Sadiki avec l’idĂ©e de servir l’arabe et la culture arabe. À la suite de Mohammed Attia (premier agrĂ©gĂ© d’arabe tunisien en 1934 puis directeur du collĂšge) et de Ali Belhaouane, de nombreux jeunes collĂ©giens des annĂ©es trente et quarante se sentirent investis d’une mission vis-Ă -vis de leur langue et de leurs successeurs. C’est ainsi que certains s’engagĂšrent dans des Ă©tudes d’arabe Ă  l’universitĂ© française dĂšs les annĂ©es trente : Mahmoud Messaadi passa sa licence Ă  Paris de 1936 Ă  1939, et c’est la guerre qui a diffĂ©rĂ© son agrĂ©gation (il fut le 4ᔉ agrĂ©gĂ© d’arabe tunisien). Ahmed Adessalam lui aussi nous a dit ĂȘtre sorti de Sadiki avec l’ambition des former des jeunes, et certain d’ĂȘtre investi d’une « mission » : rendre l’enseignement de l’arabe aussi attrayant que celui du français. De ce fait, celui-ci a prĂ©parĂ© sa licence d’arabe auprĂšs de l’universitĂ© d’Alger pendant la guerre, a enseignĂ© Ă  Sadiki dĂšs 1944, puis est parti Ă  Paris prĂ©parer son agrĂ©gation en 1947-1948. C’est aussi en cette pĂ©riode que Mzali, Bakir, Ben Miled et quelques autres ont accompli un parcours identique. Certes, tous les Ă©tudiants d’arabe n’étaient pas destinĂ©s Ă  prĂ©parer l’agrĂ©gation (Ă  commencer par les Ă©tudiants prĂ©parant le diplĂŽme d’arabe de l’IHET qui n’étaient pas titulaires du baccalaurĂ©at). Mais ces Ă©tudiants sont lĂ  pour tĂ©moigner d’une sorte de mystique pour l’enseignement qui toucha nombre d’étudiants tunisiens. Les arabisants ne sont pas seuls dans ce mouvement comme en tĂ©moigne le succĂšs de la propĂ©deutique littĂ©raire de l’IHET (30 Ă©tudiants musulmans en 1951-1952). Il est important de souligner que la profession d’enseignant, qui ne donnait pas un revenu analogue Ă  celui des professions libĂ©rales (bien que le salaire soit correct), bĂ©nĂ©ficiait aussi d’un fort prestige social, et ce d’autant plus que l’enseignement Ă©tait une denrĂ©e rare dans la Tunisie de cette fin de protectorat. Le magistĂšre traditionnel de ulĂ©mas avait certainement rejailli en partie sur cette profession sĂ©cularisĂ©e. Pour conclure sur cette Ă©volution, il est aussi probable que la rĂ©forme de la fonction publique tunisienne, et l’ouverture plus grande de l’administration aux Tunisiens, aient favorisĂ© les Ă©tudes menant Ă  la licence, porte d’entrĂ©e la plus noble de l’administration. D’autre part, il ne faut pas sous-estimer les pressions de la DGIP en faveur d’études autres que celles des facultĂ©s de droit et de mĂ©decine. C’est sur un ton trĂšs satisfait que l’auteur de la brochure de juillet 1952 conclut ainsi : « Plus de 500 jeunes se destinent Ă  venir, demain, remplir dans la RĂ©gence des fonctions de premier plan dans les domaines les plus divers (mĂ©decins, avocats, professeurs, pharmaciens, ingĂ©nieurs, architectes
) ». (p175-176)
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Pierre Vermeren (La formation des élites marocaines et tunisiennes)
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La civilisation islamique est en effet, parmi les civilisations orientales, celle qui est la plus proche de l’Occident, et l’on pourrait mĂȘme dire que, par ses caractĂšres comme par sa situation gĂ©ographique, elle est, Ă  divers Ă©gards, intermĂ©diaire entre l’Orient et l’Occident ; aussi la tradition nous apparaĂźt-elle comme pouvant ĂȘtre envisagĂ©e sous deux modes profondĂ©ment distincts, dont l’un est purement oriental, mais dont l’autre, qui est le mode proprement religieux, lui est commun avec la civilisation occidentale. Du reste, JudaĂŻsme, Christianisme et Islamisme se prĂ©sentent comme les trois Ă©lĂ©ments d’un mĂȘme ensemble, en dehors duquel, disons-le dĂšs maintenant, il est le plus souvent difficile d’appliquer proprement le terme mĂȘme de « religion », pour peu qu’on tienne Ă  lui conserver un sens prĂ©cis et nettement dĂ©fini ; mais, dans l’Islamisme, ce cĂŽtĂ© strictement religieux n’est en rĂ©alitĂ© que l’aspect le plus extĂ©rieur (
) Cette sorte de double polarisation, extĂ©rieure et intĂ©rieure, Ă  laquelle nous avons fait allusion Ă  propos de la tradition musulmane, n’existe pas dans l’Inde, oĂč l’on ne peut pas, par suite, faire avec l’Occident les rapprochements que permettait encore tout au moins le cĂŽtĂ© extĂ©rieur de l’Islam ; il n’y a plus ici absolument rien qui soit analogue Ă  ce que sont les religions occidentales.
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René Guénon
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Des erreurs plus subtiles, et par suite plus redoutables, se produisent parfois lorsqu’on parle, Ă  propos de l’initiation, d’une « communication » avec des Ă©tats supĂ©rieurs ou des « mondes spirituels » ; et, avant tout, il y a lĂ  trop souvent l’illusion qui consiste Ă  prendre pour « supĂ©rieur » ce qui ne l’est pas vĂ©ritablement, simplement parce qu’il apparaĂźt comme plus ou moins extraordinaire ou « anormal ». Il nous faudrait en somme rĂ©pĂ©ter ici tout ce que nous avons dĂ©jĂ  dit ailleurs de la confusion du psychique et du spirituel (1), car c’est celle-lĂ  qui est le plus frĂ©quemment commise Ă  cet Ă©gard ; les Ă©tats psychiques n’ont, en fait, rien de « supĂ©rieur » ni de « transcendant », puisqu’ils font uniquement partie de l’état individuel humain (2) ; et, quand nous parlons d’états supĂ©rieurs de l’ĂȘtre, sans aucun abus de langage, nous entendons par lĂ  exclusivement les Ă©tats supra-individuels. Certains vont mĂȘme encore plus loin dans la confusion et font « spirituel » Ă  peu prĂšs synonyme d’« invisible », c’est-Ă -dire qu’ils prennent pour tel, indistinctement, tout ce qui ne tombe pas sous les sens ordinaires et « normaux » ; nous avons vu qualifier ainsi jusqu’au monde « Ă©thĂ©rique », c’est-Ă -dire, tout simplement, la partie la moins grossiĂšre du monde corporel ! Dans ces conditions, il est fort Ă  craindre que la « communication » dont il s’agit ne se rĂ©duise en dĂ©finitive Ă  la « clairvoyance », Ă  la « clairaudience », ou Ă  l’exercice de quelque autre facultĂ© psychique du mĂȘme genre et non moins insignifiante, mĂȘme quand elle est rĂ©elle.
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René Guénon (Perspectives on Initiation)
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La forme du langage est, par dĂ©finition mĂȘme, « discursive » comme la raison humaine dont il est l’instrument propre et dont il suit ou reproduit la marche aussi exactement que possible ; au contraire, le symbolisme proprement dit est vĂ©ritablement « intuitif », ce qui, tout naturellement, le rend incomparablement plus apte que le langage Ă  servir de point d’appui Ă  l’intuition intellectuelle et supra-rationnelle, et c’est prĂ©cisĂ©ment pourquoi il constitue le mode d’expression par excellence de tout enseignement initiatique. Quant Ă  la philosophie, elle reprĂ©sente en quelque sorte le type de la pensĂ©e discursive (ce qui, bien entendu, ne veut pas dire que toute pensĂ©e discursive ait un caractĂšre spĂ©cifiquement philosophique), et c’est ce qui lui impose des limitations dont elle ne saurait s’affranchir ; par contre, le symbolisme, en tant que support de l’intuition transcendante, ouvre des possibilitĂ©s vĂ©ritablement illimitĂ©es.
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René Guénon (Perspectives on Initiation)
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 Le Bouddha ne fut tout d’abord figurĂ© que par des empreintes de pieds, ou par des symboles tels que l’arbre ou la roue (et il est remarquable que, de la mĂȘme façon, le Christ aussi ne fut reprĂ©sentĂ© pendant plusieurs siĂšcles que par des figurations purement symboliques) ; comment et pourquoi en vint-on Ă  admettre par la suite une image anthropomorphique ? Il faut voir lĂ  comme une concession aux besoins d’une Ă©poque moins intellectuelle, oĂč la comprĂ©hension doctrinale Ă©tait dĂ©jĂ  affaiblie ; les « supports de contemplation », pour ĂȘtre aussi efficaces que possible, doivent en effet ĂȘtre adaptĂ©s aux conditions de chaque Ă©poque ; mais encore convient-il de remarquer que l’image humaine elle-mĂȘme, ici comme dans le cas des « dĂ©itĂ©s » hindoues, n’est rĂ©ellement « anthropomorphique » que dans une certaine mesure, en ce sens qu’elle n’est jamais « naturaliste » et qu’elle garde toujours, avant tout et dans tous ses dĂ©tails, un caractĂšre essentiellement symbolique. Cela ne veut d’ailleurs point dire qu’il s’agisse d’une reprĂ©sentation « conventionnelle » comme l’imaginent les modernes, car un symbole n’est nullement le produit d’une invention humaine ; « le symbolisme est un langage hiĂ©ratique et mĂ©taphysique, non un langage dĂ©terminĂ© par des catĂ©gories organiques ou psychologiques ; son fondement est dans la correspondance analogique de tous les ordres de rĂ©alitĂ©, Ă©tats d’ĂȘtre ou niveaux de rĂ©fĂ©rence ». La forme symbolique « est rĂ©vĂ©lĂ©e » et « vue » dans le mĂȘme sens que les incantations vĂȘdiques ont Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©es et « entendues », et il ne peut y avoir aucune distinction de principe entre vision et audition, car ce qui importe n’est pas le genre de support sensible qui est employĂ©, mais la signification qui y est en quelque sorte « incorporĂ©e ». L’élĂ©ment proprement « surnaturel » est partie intĂ©grante de l’image, comme il l’est des rĂ©cits ayant une valeur « mythique », au sens originel de ce mot ; dans les deux cas, il s’agit avant tout de moyens destinĂ©s, non Ă  communiquer, ce qui est impossible, mais Ă  permettre de rĂ©aliser le « mystĂšre », ce que ne saurait Ă©videmment faire ni un simple portrait ni un fait historique comme tel. C’est donc la nature mĂȘme de l’art symbolique en gĂ©nĂ©ral qui Ă©chappe inĂ©vitablement au point de vue « rationaliste » des modernes, comme lui Ă©chappe, pour les mĂȘmes raisons, le sens transcendant des « miracles » et le caractĂšre « thĂ©ophanique » du monde manifestĂ© lui-mĂȘme ; l’homme ne peut comprendre ces choses que s’il est Ă  la fois sensitif et spirituel, et s’il se rend compte que « l’accĂšs Ă  la rĂ©alitĂ© ne s’obtient pas en faisant un choix entre la matiĂšre et l’esprit supposĂ©s sans rapports entre eux, mais plutĂŽt en voyant dans les choses matĂ©rielles et sensibles une similitude formelle des prototypes spirituels que les sens ne peuvent atteindre directement » ; il s’agit lĂ  « d’une rĂ©alitĂ© envisagĂ©e Ă  diffĂ©rents niveaux de rĂ©fĂ©rence, ou, si l’on prĂ©fĂšre, de diffĂ©rents ordres de rĂ©alitĂ©, mais qui ne s’excluent pas mutuellement.
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René Guénon (Studies in Hinduism: Collected Works)
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Il trouva ce qu’il allait faire. Il se dirigea vers sa pile de disques et choisit L’Art de la fugue. « Si son gĂ©nie ne me donne pas de courage, autant abandonner tout de suite. » Il resta assis, immobile, Ă©coutant Bach construire un monde, le peupler, l’organiser et finalement le combattre et ĂȘtre dĂ©truit par lui. Lorsque la musique s’arrĂȘta, comme l’homme s’était arrĂȘtĂ© lorsque la mort Ă©tait venue, Doc avait retrouvĂ© son courage. « Bach s’est battu, dit-il, il n’a pas Ă©tĂ© vaincu. S’il avait vĂ©cu, il aurait continuĂ© Ă  se battre. Donnez-moi un peu de temps ! Je veux rĂ©flĂ©chir. Qu’avait donc Bach que je n’aie pas ? N’est-ce pas la vaillance ? Est-ce que la vaillance n’est pas la plus belle qualitĂ© de l’ñme ? » Il s’arrĂȘta et eut soudain l’impression qu’il allait fondre en larmes. « Pourquoi ne l’ai-je pas compris tout de suite ? Moi qui l’admire tant, je ne l’ai pas dĂ©celĂ© quand je l’ai vue. Bach avait son talent, sa famille, ses amis. Chacun a quelque chose. Et Suzy, qu’a-t-elle ? Rien, sinon la vaillance. Elle se bat et elle gagnera. Si elle ne gagne pas, la vie ne vaut pas la peine d’ĂȘtre vĂ©cue. Qu’est-ce que j’entends par gagner ? se demanda Doc. Je sais. Pour gagner, il suffit de ne pas ĂȘtre vaincu." Tendre Jeudi, John Steinbeck.
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John Steinbeck
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Les orientalistes qui soutiennent l’hypothĂšse d’une origine non musulmane du Soufisme soulignent gĂ©nĂ©ralement le fait que la doctrine soufique n’apparaĂźt pas, dans les premiers siĂšcles de l’Islam, avec tous les dĂ©veloppements mĂ©taphysiques qu’elle comportera par la suite. Mais cette remarque, pour autant qu’elle est valable Ă  l’égard d’une tradition Ă©sotĂ©rique – donc se transmettant surtout par un enseignement oral –, prouve le contraire de ce qu’ils prĂ©tendent, car les premiers Soufis s’expriment dans un langage trĂšs proche du Coran, et leurs expressions concises et synthĂ©tiques impliquent dĂ©jĂ  tout l’essentiel de la doctrine. Si celle-ci devient, par la suite, plus explicite et plus Ă©laborĂ©e, il n’y a lĂ  qu’un fait normal et propre Ă  toute tradition spirituelle : la littĂ©rature doctrinale augmente, non pas tant par l’apport de nouvelles connaissances que par la nĂ©cessitĂ© d’endiguer les erreurs et de ranimer une intuition faiblissante.
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Titus Burckhardt (Introduction to Sufi Doctrine (Spiritual Classics))
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On ne peut s'empĂȘcher de constater [que l'Occidental religieux] perd en pratique volontiers de vue les tendances fondamentales de sa foi, c'est-Ă -dire qu'il se retranche derriĂšre les alternatives simples de la morale et des exigences de la pratique religieuse tout en trahissant, en sa qualitĂ© de « civilisĂ© », les tendances mĂȘmes qui sont Ă  la base et de ces alternatives et de cette pratique. La machine est une bonne chose, pourvu qu'on aime Dieu ; la rĂ©publique est un bien, pourvu qu'elle favorise la religion ; que la machine tue de facto l'amour de Dieu, et que la rĂ©publique Ă©touffe de facto la religion, ne semble pas effleurer l'esprit de l'immense majoritĂ© des croyants. Si on est finalement obligĂ© de constater ces effets nĂ©fastes, on accusera d'abord la nature humaine et ensuite quelque dĂ©chĂ©ance imaginaire de la religion ; on accusera jamais les causes rĂ©elles, considĂ©rĂ©es a priori comme neutre parce que situĂ©es en dehors des alternatives morales simplistes et des rĂšgles pratiques auxquelles on a rĂ©duit la religion, et en dehors aussi de la pure thĂ©ologie. Et comme le monde de la machine – « chrĂ©tien » selon certains puisque la machine ne commet point d'adultĂšre et puisque toute chose efficace doit provenir du Christianisme –, comme ce monde s'impose partout pour des raisons matĂ©rielles irrĂ©versibles, il favorise partout sur le globe terrestre l'Ă©lĂ©ment mondain et la mondanitĂ© technocratique, laquelle est de tout Ă©vidence l'antipode de tout amour de Dieu. Cette mondanitĂ© utilitaire – franchement impie ou trompeusement chrĂ©tienne – ne saurait s'affirmer par une dialectique normale, elle a besoin d'arguments qui remplacent la rĂ©alitĂ© par des suggestions imaginatives des plus arbitraires. Au moins aussi dĂ©plaisant qu'un hyperbolisme inconsidĂ©rĂ©, et bien davantage suivant les cas, est le biais faussement moralisant si commun au langage moderne : il consiste Ă  vouloir justifier une erreur ou un mal quelconque par des Ă©tiquettes flatteuses et Ă  vouloir compromettre une vĂ©ritĂ© ou un fait positif par des Ă©tiquettes infamantes, souvent en utilisant de fausses valeurs telles que la « jeunesse » et sans que les suggestions avancĂ©es aient le moindre rapport avec les choses auxquelles on les applique (18). Un autre vice de dialectique, ou un autre abus de pensĂ©e, est l'inversion du rapport causal et logique : on dira qu'il est temps d'inventer un idĂ©al nouveau qui puisse enflammer les hommes, ou qu'il faut forger une mentalitĂ© capable de trouver beau le monde des machines et laid celui des sanctuaires, ou une mentalitĂ© capable de prĂ©fĂ©rer la nouvelle messe ou la nouvelle religion Ă  l'ancienne messe ou Ă  la religion de toujours, et ainsi de suite. Comme le biais moralisant, le raisonnement inversant est totalement Ă©tranger Ă  la dialectique orientale et Ă  la dialectique traditionnelle tout court, et pour cause. Nous pourrions signaler Ă©galement, en passant, le raisonnement dynamiste qui subordonne la constatation d'un fait Ă  la proposition d'une solution pratique – comme si la vĂ©ritĂ© n'avait pas sa raison d'ĂȘtre ou sa valeur en elle-mĂȘme – ou le raisonnement utilitariste qui subordonne la vĂ©ritĂ© comme telle aux intĂ©rĂȘts matĂ©riels des hommes physiques. Tout ceci n'est pas incompatible en fait avec un certains sens critique sur quelques plans extĂ©rieurs ; s'il en est ainsi, l'inverse doit ĂȘtre possible Ă©galement, Ă  savoir la disproportion entre un discernement spirituel et un langage inconsidĂ©rĂ©ment impulsif et hyperbolique.[...] (18) La propagande pour les innovations liturgiques et thĂ©ologiques – et contre ceux qui n'en sont pas dupes – est un exemple particuliĂšrement Ă©cƓurant de ce procĂ©dĂ©.
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Frithjof Schuon (Logic & Transcendence)
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Votre dĂ©sir sera toujours plus fort que votre intelligence et votre instinctive prudence. Vous ĂȘtes une enfant gĂątĂ©e qui n'hĂ©site pas Ă  prendre le jouet d'une autre mĂȘme si, une fois en votre possession, le jouet vous semble moins beau. Vous voulez tout, LĂ©a, et tout de suite
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Régine Deforges (La bicyclette bleue, 1939-1942 (La bicyclette bleue, #1))
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Il est arrivĂ© que des EuropĂ©ens reviennent Ă  la foi chrĂ©tienne grĂące Ă  la lecture de GuĂ©non, en quoi ils ne paraissent pas avoir Ă©tĂ© dĂ©rangĂ©s par le fait que lui-mĂȘme avait adhĂ©rĂ© Ă  l’Islam et, au Caire oĂč il passa la fin de sa vie, Ă©tait devenu le cheikh Abd el-Wahid Yahya. D’autres de ses lecteurs occidentaux, attirĂ©s par la spiritualitĂ© soufique, devaient accomplir un cheminement semblable, ce qui ne pouvait manquer de leur faire approfondir les valeurs les plus authentiques de l’Islam et le sens de sa mission particuliĂšre Ă  la fin du prĂ©sent cycle cosmique en tant que derniĂšre RĂ©vĂ©lation venue conclure la tradition procĂ©dant d’Abraham (Ibrahim). Car l’un des thĂšmes majeurs traitĂ©s par GuĂ©non se rapporte Ă  l’interprĂ©tation des « signes des temps » dont il souligne la gravitĂ©, ce qui accentue son dĂ©saccord avec la mentalitĂ© moderne et sa croyance au progrĂšs. AprĂšs GuĂ©non, il est devenu plus difficile, mĂȘme en dehors du cercle de ses lecteurs, de regarder l’Islam comme un monde d’obscurantisme et d’arriĂ©ration. D’autres publications se rangeant, malgrĂ© certaines diffĂ©rences d’accentuation et d’interprĂ©tation, dans la mĂȘme perspective « traditionnelle » sont venues en complĂ©ter et en approfondir la comprĂ©hension. De celles-ci, la premiĂšre Ă  citer est Comprendre l’Islam, de Frithjof Schuon, interprĂšte incomparable en notre siĂšcle de la sagesse traditionnelle et des doctrines sacrĂ©es d’Orient et d'Occident. Cet ouvrage, souvent accueilli par les musulmans comme un dĂ©voilement, inattendu venant de l’Ouest, des vĂ©ritables dimensions spirituelles de leur propre religion, aura, plus gĂ©nĂ©ralement, apportĂ© la dĂ©monstration Ă©vidente que l’Islam, en notre temps et Ă  la suite des autres grandes religions rĂ©vĂ©lĂ©es, est expression providentielle de la vĂ©ritĂ© intemporelle et universelle. Cela Ă©tant Ă©tabli, Frithjof Schuon, dans plusieurs de ses autres livres, met en lumiĂšre les divers aspects de la piĂ©tĂ© et de la spiritualitĂ© musulmanes et soufiques, mais relĂšve aussi Ă  l’occasion que l’Islam, en face d’un Occident de plus en plus sĂ©cularisĂ© et promĂ©thĂ©en, n’échappe pas Ă  la dĂ©cadence spirituelle qui a envahi le monde entier et fait dĂ©gĂ©nĂ©rer toutes les religions, mĂȘme s’il en a retardĂ© l’expansion et amorti les effets. Il fournit dĂšs lors des critĂšres dĂ©cisifs pour juger de la vĂ©ritable situation de l’Islam dans le monde actuel et de la rĂ©alitĂ© de ce qui est couramment dĂ©signĂ© comme son « rĂ©veil ». La connaissance de l’Islam en Occident a encore bĂ©nĂ©ficiĂ©, depuis le milieu du siĂšcle, des contributions remarquables, particuliĂšrement en ce qui concerne la civilisation, les arts et le soufisme, de quelques auteurs se rattachant Ă  la mĂȘme « Ă©cole », comme le Suisse Titus Burckhardt, le Britannique Martin Lings ou mĂȘme l’Iranien Seyyed Hossein Nasr, Ă©minent spĂ©cialiste de l’histoire des sciences, dont l’Ɠuvre est largement disponible en langues europĂ©ennes. Plus proches de la perspective ouverte par Massignon se situent les ouvrages d’écrivains comme Louis Gardet, Henry Corbin ou Vincent Mansour Monteil, fort utiles Ă©galement Ă  qui souhaite se faire une idĂ©e objective de l’Islam et du monde musulman. Tout cela ne pouvait manquer d’exercer, bon grĂ© mal grĂ©, quelque influence sur l’islamologie relevant de l’orientalisme officiel et universitaire qui, depuis une trentaine d’annĂ©es, semble s’ĂȘtre un peu aĂ©rĂ©e et dĂ©barrassĂ©e d’un certain nombre de prĂ©jugĂ©s et d’idĂ©es fixes. En tout cas l’EuropĂ©en cultivĂ© d’aujourd’hui a incontestablement moins d’excuses que celui des gĂ©nĂ©rations prĂ©cĂ©dentes s’il persiste Ă  porter sur tout ce que recouvrent les mots « Islam » et « musulman » des jugements systĂ©matiquement dĂ©prĂ©ciatifs et procĂ©dant d’anciens prĂ©jugĂ©s. [...]
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Roger Du Pasquier (L'Islam entre tradition et révolution)
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Si trop de points restent imprĂ©cis, c’est qu’il ne nous est pas possible de faire autrement, et que les circonstances seules permettront par la suite de les Ă©lucider peu Ă  peu. Dans tout ce qui n’est pas purement et strictement doctrinal, les contingences interviennent forcĂ©ment, et c’est d’elles que peuvent ĂȘtre tirĂ©s les moyens secondaires de toute rĂ©alisation qui suppose une adaptation prĂ©alable... Si nous avons dans des questions comme celle-lĂ , le souci de n’en dire trop, ni trop peu, c’est que, d’une part, nous tenons Ă  nous faire comprendre aussi clairement que possible, et que cependant, d’autre part, nous devons toujours rĂ©server des possibilitĂ©s, actuellement imprĂ©vues, que les circonstances peuvent faire apparaĂźtre ultĂ©rieurement..
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Michel Vùlsan (L'Islam et la fonction de René Guénon)
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Le sage parfait, selon la doctrine taoĂŻste, est celui qui est parvenu au point central et qui y demeure en union indissoluble avec le Principe, participant de son immutabilitĂ© et imitant son « activitĂ© non-agissante » : « Celui qui est arrivĂ© au maximum du vide, dit Lao-tseu, celui-lĂ  sera fixĂ© solidement dans le repos
 Retourner Ă  sa racine (c’est-Ă -dire au Principe, Ă  la fois origine premiĂšre et fin derniĂšre de tous les ĂȘtres) (4), c’est entrer dans l’état de repos » (5). Le « vide » dont il s’agit ici, c’est le dĂ©tachement complet Ă  l’égard de toutes les choses manifestĂ©es, transitoires et contingentes, dĂ©tachement par lequel l’ĂȘtre Ă©chappe aux vicissitudes du « courant des formes », Ă  l’alternance des Ă©tats de « vie » et de « mort », de « condensation » et de « dissipation » (Aristote, dans un sens semblable, dit « gĂ©nĂ©ration » et « corruption »), passant de la circonfĂ©rence de la « roue cosmique » Ă  son centre, qui est dĂ©signĂ© lui-mĂȘme comme « le vide (le non-manifestĂ©) qui unit les rayons et en fait une roue » (6). « La paix dans le vide, dit Lie-tseu, est un Ă©tat indĂ©finissable ; on ne la prend ni ne la donne; on arrive Ă  s’y Ă©tablir » (7). « À celui qui demeure dans le non-manifestĂ©, tous les ĂȘtres se manifestent
 Uni au Principe, il est en harmonie, par lui, avec tous les ĂȘtres. Uni au Principe, il connaĂźt tout par les raisons gĂ©nĂ©rales supĂ©rieures, et n’use plus, par suite, de ses divers sens, pour connaĂźtre en particulier et en dĂ©tail. La vraie raison des choses est invisible, insaisissable, indĂ©finissable, indĂ©terminable. Seul l’esprit rĂ©tabli dans l’état de simplicitĂ© parfaite, peut l’atteindre dans la contemplation profonde » (8). On voit ici la diffĂ©rence qui sĂ©pare la connaissance transcendante du sage du savoir ordinaire ou « profane » ; et la derniĂšre phrase doit tout naturellement rappeler cette parole de l’Évangile : « Quiconque ne recevra point le Royaume de Dieu comme un enfant, n’y entrera point » (9). Du reste, les allusions Ă  cette « simplicitĂ© », regardĂ©e comme caractĂ©ristique de l’« Ă©tat primordial », ne sont pas rares dans le TaoĂŻsme ; et de mĂȘme, dans les doctrines hindoues, l’état d’« enfance » (en sanscrit bĂąlya), entendu au sens spirituel, est considĂ©rĂ© comme une condition prĂ©alable pour l’acquisition de la connaissance par excellence. [Le Centre du Monde dans les doctrines extrĂȘme-orientales. - Regnabit, mai 1927]
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René Guénon