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Paris at Night
Trois allumettes une à une allumées dans la nuit
La premiĂšre pour voir ton visage tout entier
La seconde pour voir tes yeux
La derniĂšre pour voir ta bouche
Et l'obscurité tout entiÚre pour me rappeler tout cela
En te serrant dans mes bras
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Jacques Prévert (Paroles)
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OĂč tu veux, Camille, chuchota-t-il. J'irai oĂč tu voudras. Je te suivrai partout, mĂȘme dans les Ă©toiles... Je veux juste que tu saches que vivre sans toi m'est impossible. Alors je t'en supplie, ne meurs plus, parce que sinon, moi, je vais mourir pour de bon... Parce que sans tes yeux, je suis aveugle. Sans tes mots, je me perds. Parce que sans toi, mon Ăąme est nue. Sans toi, je ne suis rien... Parce que... je t'aime...
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Pierre Bottero (Les FrontiĂšres de glace (La QuĂȘte d'Ewilan, #2))
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Le Chat
Viens, mon beau chat, sur mon coeur amoureux;
Retiens les griffes de ta patte,
Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,
MĂȘlĂ©s de mĂ©tal et d'agate.
Lorsque mes doigts caressent Ă loisir
Ta tĂȘte et ton dos Ă©lastique,
Et que ma main s'enivre du plaisir
De palper ton corps Ă©lectrique,
Je vois ma femme en esprit. Son regard,
Comme le tien, aimable bĂȘte,
Profond et froid, coupe et fend comme un dard,
Et, des pieds jusques Ă la tĂȘte,
Un air subtil, un dangereux parfum,
Nagent autour de son corps brun.
â
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Charles Baudelaire (Les Fleurs du Mal)
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Le serpent qui danse
Que j'aime voir, chĂšre indolente,
De ton corps si beau,
Comme une Ă©toffe vacillante,
Miroiter la peau!
Sur ta chevelure profonde
Aux acres parfums,
Mer odorante et vagabonde
Aux flots bleus et bruns,
Comme un navire qui s'Ă©veille
Au vent du matin,
Mon Ăąme rĂȘveuse appareille
Pour un ciel lointain.
Tes yeux oĂč rien ne se rĂ©vĂšle
De doux ni d'amer,
Sont deux bijoux froids oĂč se mĂȘlent
Lâor avec le fer.
A te voir marcher en cadence,
Belle d'abandon,
On dirait un serpent qui danse
Au bout d'un bĂąton.
Sous le fardeau de ta paresse
Ta tĂȘte d'enfant
Se balance avec la mollesse
Dâun jeune Ă©lĂ©phant,
Et ton corps se penche et s'allonge
Comme un fin vaisseau
Qui roule bord sur bord et plonge
Ses vergues dans l'eau.
Comme un flot grossi par la fonte
Des glaciers grondants,
Quand l'eau de ta bouche remonte
Au bord de tes dents,
Je crois boire un vin de bohĂȘme,
Amer et vainqueur,
Un ciel liquide qui parsĂšme
DâĂ©toiles mon coeur!
â
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Charles Baudelaire (Les Fleurs du Mal)
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Ta voix, tes yeux, tes mains, tes lĂšvres,
Nos silences, nos paroles,
La lumiĂšre qui sâen va, la lumiĂšre qui revient,
Un seul sourire pour nous deux,
Par besoin de savoir, jâai vu la nuit crĂ©er le jour sans que nous changions dâapparence,
Ă bien-aimĂ© de tous et bien-aimĂ© dâun seul,
En silence ta bouche a promis dâĂȘtre heureuse,
De loin en loin, ni la haine,
De proche en proche, ni lâamour,
Par la caresse nous sortons de notre enfance,
Je vois de mieux en mieux la forme humaine,
Comme un dialogue amoureux, le cĆur ne fait quâune seule bouche
Toutes les choses au hasard, tous les mots dits sans y penser,
Les sentiments à la dérive, les hommes tournent dans la ville,
Le regard, la parole et le fait que je tâaime,
Tout est en mouvement, il suffit dâavancer pour vivre,
Dâaller droit devant soi vers tout ce que lâon aime,
Jâallais vers toi, jâallais sans fin vers la lumiĂšre,
Si tu souris, câest pour mieux mâenvahir,
Les rayons de tes bras entrouvraient le brouillard.
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Paul Ăluard
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Tout ce temps, tous ces visages, tous ces cris de jouissance, ces Ă©treintes sans Ăąme au petit matin, quand la nuit n'est plus, le jour n'est pas encore, ton orgasme prend fin, et tes yeux se dessillent, ta chambre n'est qu'un bordel, Baudelaire est mort et, dans tes bras, il n'y a qu'une putain...
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Lolita Pille (Hell)
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Je t'ai vu en companie de cet homme, et le regard que tu lui portais Ă©tait celui que j'aurais rĂȘvĂ© voir dans tes yeux alors que tu me regardais. Il avait l'air si grand Ă tes cĂŽtĂ©s, et moi si petit dans cette allĂ©e. Si j'avais pu ĂȘtre cet homme, je t'aurais tout donnĂ©, mais je n'Ă©tais que moi, l'ombre de celui que tu avais aimĂ© alors que nous Ă©tions enfants, l'ombre de l'adulte que j'Ă©tais devenu.
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Marc Levy (Le Voleur d'ombres)
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La Courbe de tes yeux
La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu
C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.
Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumiĂšre,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs,
Parfums éclos d'une couvée d'aurores
Qui gĂźt toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l'innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.
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Paul Ăluard (Capital of Pain)
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Tes yeux sont revenus dâun pays arbitraire
OĂč nul nâa jamais su ce que câest quâun regard
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Paul Ăluard (Capital of Pain)
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Ah! si tu savais
Ce que tes yeux me disent
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Kate Chopin (The Awakening and Other Stories)
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Je prĂ©fĂšre au constance, Ă lâopium, au nuits,
LâĂ©lixir de ta bouche oĂč lâamour se pavane ;
Quand vers toi mes désirs partent en caravane,
Tes yeux sont la citerne oĂč boivent mes ennuis.
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Charles Baudelaire (Les Fleurs du Mal)
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Je ne vois rien, dit Josette, mais si je voyais, je haĂŻrais tout ce que je vois. Je haĂŻrais les hortensias rouges sur mon passage, et je haĂŻrais les pochettes de disques, je haĂŻrais les images de la tĂ©lĂ©vision, je haĂŻrais le visage de mon pĂšre et de ma mĂšre, je haĂŻrais le ciel et je haĂŻrais la nuit, je haĂŻrais la transparence des larmes, je nâaimerais aucune couleur que celle de tes yeux dĂ©colorĂ©s, je nâaimerais voir que toi.
â
â
Hervé Guibert
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Il pleut, c'est merveilleux. Je t'aime
Nous resterons Ă la maison
Rien ne nous plait plus ue nous-mĂȘmes
Par ce temps d'arriĂšre-saison
Il pleut. Les taxis vont et viennent
On voit rouler les autobus
Et les remorqueurs sur le Seine
Font un bruit ... qu'onne s'entend plus.
C'est merveilleux: il pleut. J'Ă©coute
La pluie dont le crépitement
Heurte la vitre goutte Ă goutte ...
Et tu me souris tendrement.
Je t'aime. Oh! ce bruit d'eau qui pleure,
Qui sanglote comme un adieu.
Tu vas me quitter tout Ă l'heure:
On dirait qu'il pleut dans tes yeux.
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Francis Carco
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Rien n'est jamais acquis Ă l'homme Ni sa force
Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix
Et quand il croit serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un Ă©trange et douloureux divorce
Il n'y a pas d'amour heureux
Sa vie Elle ressemble Ă ces soldats sans armes
Qu'on avait habillés pour un autre destin
A quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu'on retrouve au soir désoeuvrés incertains
Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes
Il n'y a pas d'amour heureux
Mon bel amour mon cher amour ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
Et ceux-lĂ sans savoir nous regardent passer
Répétant aprÚs moi les mots que j'ai tressés
Et qui pour tes grands yeux tout aussitĂŽt moururent
Il n'y a pas d'amour heureux
Le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard
Que pleurent dans la nuit nos coeurs Ă l'unisson
Ce qu'il faut de malheur pour la moindre chanson
Ce qu'il faut de regrets pour payer un frisson
Ce qu'il faut de sanglots pour un air de guitare
Il n'y a pas d'amour heureux
Il n'y a pas d'amour qui ne soit Ă douleur
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit meurtri
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit flétri
Et pas plus que de toi l'amour de la patrie
Il n'y a pas d'amour qui ne vive de pleurs
Il n'y a pas d'amour heureux
Mais c'est notre amour Ă tous les deux
â
â
Louis Aragon (La Diane française: En Ătrange Pays dans mon pays lui-mĂȘme)
â
Suis mon conseil : cesse de penser Ă elle.
ROMĂO : Oh ! apprends-moi comment je puis cesser de penser.
BENVOLIO : En rendant la libertĂ© Ă tes yeux : examine dâautres beautĂ©s.
â
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William Shakespeare (Romeo and Juliet)
â
un de ces jours tu ne reviendras pas, non
seulemetn "la mort viendra
et ell aura tes yeux".
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â
AlĂšxis TraĂŻanos
â
Et tes yeux â qui n'offrent pas
Leur regard Ă n'importe qui â
Et qui demandent raison
Pour un regard fortuit.
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Marina Tsvetaeva (Insomnie et autres poĂšmes)
â
Au lac de tes yeux trĂšs profond
Mon pauvre coeur se noie et fond
Là le défont
Dans l'eau d'amour et de folie
Souvenir et MĂ©lancolie
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â
Guillaume Apollinaire (PoĂšmes Ă Lou)
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Ton mensonge m'enivre, et mon Ăąme s'abreuve
Aux flots que la Douleur fait jaillir de tes yeux!
â
â
Charles Baudelaire (Les Fleurs du Mal)
â
Tu a tellement investi de temps avec cette rose que ces ce qu'elle la rend si unique a tes yeux.
â
â
Antoine de Saint-Exupéry (Le Petit Prince voyage)
â
C'Ă©tait la premiĂšre fois que je souffrais de ce sort de n'ĂȘtre pas reconnue de toi, ce sort qu'une vie entiĂšre j'ai subi et avec lequel je m'en vais; inconnue, toujours inconnue Ă tes yeux
â
â
Stefan Zweig (Letter from an Unknown Woman and Other Stories)
â
Dans tes yeux mon enfant
j'ai lu l'exil.
Toi? qui es né
Loin du pays,
Tes cheveux ont la couleur de l'olive
A laquelle nous n'avons plus
Le droit de toucher.
Dans l'éclat de tes dents serrées,
Mon enfant,
Je regarde
Des milliers d'étoiles calcinées,
Nos terres volées,
Nos maisons bombardées,
Des bouquets de poings
Tombants sous les orangers.
Dans le mercure de tes larmes,
Mon enfant,
J'ai lu lâexil,
L'exil d'un peuple.
â
â
Mokhtar El Amraoui
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Pourquoi? Tes yeux sont toujours tristes, Dora. Il faut ĂȘtre gaie, il faut ĂȘtre fiĂšre. La beautĂ© existe, la joie existe! « Aux lieux tranquilles oĂč mon coeur te souhaitait...
Dora: Je respirais un éternel été... »
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â
Albert Camus (Les Justes)
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Ferme tes yeux Ă demi, Croise tes bras sur ton sein, Et de ton cĆur endormi Chasse Ă jamais tout dessein." Â "Je chante la nature, Les Ă©toiles du soir, les larmes du matin, Les couchers de soleil Ă l'horizon lointain, Le ciel qui parle au cĆur d'existence future!
â
â
Robert W. Chambers (The King in Yellow)
â
Je dis  : c'est pour cette raison que tu as prĂ©cisĂ© que tu avais quelque chose d'Ă©tranger  ? Il dit  : oui, les yeux sombres, la peau brune. Et ce sentiment, qui sait, de ne pas ĂȘtre tout Ă fait Ă sa place, ici, d'ĂȘtre une sorte de dĂ©racinĂ©, comme si on pouvait avoir le dĂ©racinement en hĂ©ritage.
â
â
Philippe Besson (« ArrĂȘte avec tes mensonges »)
â
- Offre ton identité au Conseil, jeune apprentie.
La voix Ă©tait douce, lâordre sans appel.
- Je mâappelle Ellana Caldin.
- Ton Ăąge.
Ellana hĂ©sita une fraction de seconde. Elle ignorait son Ăąge exact, se demandait si elle nâavait pas intĂ©rĂȘt Ă se vieillir. Les apprentis quâelle avait discernĂ©s dans lâassemblĂ©e Ă©taient tous plus ĂągĂ©s quâelle, le Conseil ne risquait-il pas de la considĂ©rer comme une enfant ? Les yeux noirs dâEhrlime fixĂ©s sur elle la dissuadĂšrent de chercher Ă la tromper.
- Jâai quinze ans.
Des murmures Ă©tonnĂ©s sâĂ©levĂšrent dans son dos.
Imperturbable, Ehrlime poursuivit son interrogatoire.
- Offre-nous le nom de ton maĂźtre.
- Jilano AlhuĂŻn.
Les murmures, qui sâĂ©taient tus, reprirent. Plus marquĂ©s, Ehrlime leva une main pour exiger un silence quâelle obtint immĂ©diatement.
- Jeune Ellana, je vais te poser une sĂ©rie de questions. A ces questions, tu devras rĂ©pondre dans lâinstant, sans rĂ©flĂ©chir, en laissant les mots jaillir de toi comme une cascade vive. Les mots sont un cours dâeau, la source est ton Ăąme. Câest en remontant tes mots jusquâĂ ton Ăąme que je saurai discerner si tu peux avancer sur la voie des marchombres. Es-tu prĂȘte ?
- Oui.
Une esquisse de sourire traversa le visage ridĂ© dâEhrlime.
- Quây a-t-il au sommet de la montagne ?
- Le ciel.
- Que dit le loup quand il hurle ?
- Joie, force et solitude.
- Ă qui sâadresse-t-il ?
- Ă la lune.
- OĂč va la riviĂšre ?
LâanxiĂ©tĂ© dâEllana sâĂ©tait dissipĂ©e. Les questions dâEhrlime Ă©taient trop imprĂ©vues, se succĂ©daient trop rapidement pour quâelle ait dâautre solution quây rĂ©pondre ainsi quâon le lui avait demandĂ©. Impossible de tricher. Cette Ă©vidence se transforma en une onde paisible dans laquelle elle sâimmergea, laissant Ehrlime remonter le cours de ses mots jusquâĂ son Ăąme, puisque câĂ©tait ce quâelle dĂ©sirait.
- Remplir la mer.
- Ă qui la nuit fait-elle peur ?
- Ă ceux qui attendent le jour pour voir.
- Combien dâhommes as-tu dĂ©jĂ tuĂ©s ?
- Deux.
- Es-tu vent ou nuage ?
- Je suis moi.
- Es-tu vent ou nuage ?
- Vent.
- MĂ©ritaient-ils la mort ?
- Je lâignore.
- Es-tu ombre ou lumiĂšre ?
- Je suis moi.
- Es-tu ombre ou lumiĂšre ?
- Les deux.
- OĂč se trouve la voie du marchombre ?
- En moi.
Ellana sâexprimait avec aisance, chaque rĂ©ponse jaillissant dâelle naturellement, comme une expiration aprĂšs une inspiration. FluiditĂ©. Le sourire sur le visage dâEhrlime Ă©tait revenu, plus marquĂ©, et une pointe de jubilation perçait dans sa voix ferme.
- Que devient une larme qui se brise ?
- Une poussiĂšre dâĂ©toiles.
- Que fais-tu devant une riviĂšre que tu ne peux pas traverser ?
- Je la traverse.
- Que devient une Ă©toile qui meurt ?
- Un rĂȘve qui vit.
- Offre-moi un mot.
- Silence.
- Un autre.
- Harmonie.
- Un dernier.
- Fluidité.
- Lâours et lâhomme se disputent un territoire. Qui a raison ?
- Le chat qui les observe.
- Marie tes trois mots.
- Marchombre.
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Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
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Viens, mon beau chat, sur mon coeur amoureux;
Retiens les griffes de ta patte,
Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,
MĂȘlĂ©s de mĂ©tal et d'agate.
â
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Charles Baudelaire
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Les yeux Ă©chappent Ă tout contrĂŽle. Nous devons rĂ©flĂ©chir oĂč et quand nous les posons. L'ensemble de notre vie s'Ă©coule Ă travers eux et ils peuvent aussi bien ĂȘtre des fusils que des notes de musique, un chant d'oiseau qu'un cri de guerre. Ils ont le pouvoir de nous dĂ©voiler, de te sauver, te perdre. J'ai aperçu tes yeux et ma vie a changĂ©. Ses yeux Ă elle m'effraient. Ses yeux Ă lui m'aspirent. Regarde-moi un peu, alors tout ira mieux et peut-ĂȘtre pourrai-je dormir. (p. 234)
â
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JĂłn Kalman StefĂĄnsson (HimnarĂki og helvĂti)
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Je le vis, je rougis, je pĂąlis Ă sa vue ;
Un trouble sâĂ©leva dans mon Ăąme Ă©perdue ;
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler;
Je sentis tout mon corps et transir et brûler :
Je reconnus VĂ©nus et ses feux redoutables,
Dâun sang quâelle poursuit tourments inĂ©vitables !
Par des vĆux assidus je crus les dĂ©tourner :
Je lui bĂątis un temple, et pris soin de lâorner ;
De victimes moi-mĂȘme Ă toute heure entourĂ©e,
Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée :
Dâun incurable amour remĂšdes impuissants !
En vain sur les autels ma main brĂ»lait lâencens !
Quand ma bouche implorait le nom de la déesse,
Jâadorais Hippolyte ; et, le voyant sans cesse,
MĂȘme au pied des autels que je faisais fumer,
Jâoffrais tout Ă ce dieu que je nâosais nommer.
Je lâĂ©vitais partout. Ă comble de misĂšre !
Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son pĂšre.
Contre moi-mĂȘme enfin jâosai me rĂ©volter :
Jâexcitai mon courage Ă le persĂ©cuter.
Pour bannir lâennemi dont jâĂ©tais idolĂątre,
Jâaffectai les chagrins dâune injuste marĂątre ;
Je pressai son exil ; et mes cris Ă©ternels
LâarrachĂšrent du sein et des bras paternels.
Je respirais, ĆNONE ; et, depuis son absence,
Mes jours moins agitĂ©s coulaient dans lâinnocence :
Soumise Ă mon Ă©poux, et cachant mes ennuis,
De son fatal hymen je cultivais les fruits.
Vaines précautions ! Cruelle destinée !
Par mon Ă©poux lui-mĂȘme Ă TrĂ©zĂšne amenĂ©e,
Jâai revu lâennemi que jâavais Ă©loignĂ© :
Ma blessure trop vive aussitÎt a saigné.
Ce nâest plus une ardeur dans mes veines cachĂ©e :
Câest VĂ©nus tout entiĂšre Ă sa proie attachĂ©e.
Jâai conçu pour mon crime une juste terreur ;
Jâai pris la vie en haine, et ma flamme en horreur ;
Je voulais en mourant prendre soin de ma gloire,
Et dérober au jour une flamme si noire :
Je nâai pu soutenir tes larmes, tes combats :
Je tâai tout avouĂ© ; je ne mâen repens pas.
Pourvu que, de ma mort respectant les approches,
Tu ne mâaffliges plus par dâinjustes reproches,
Et que tes vains secours cessent de rappeler
Un reste de chaleur tout prĂȘt Ă sâexhaler.
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Jean Racine (PhĂšdre)
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Il ajoute cette phrase, pour moi inoubliable  : parce que tu partiras et que nous resterons.
J'ai les larmes aux yeux en recopiant les mots. Je demeure fascinĂ© que cette phrase ait Ă©tĂ© prononcĂ©e un jour, qu'elle m'ait Ă©tĂ© adressĂ©e. Qu'on me comprenne  : ce n'est pas l'Ă©ventuelle prĂ©monition qu'elle contient qui me fascine, ni mĂȘme qu'elle ait Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e. Ce n'est pas non plus la maturitĂ© ou la fulgurance qu'elle suppose. Ce n'est pas davantage l'agencement des mots, mĂȘme si je prendrai conscience que je n'aurais sans doute pas pu les trouver alors, ni plus tard les Ă©crire. C'est la violence de ce qu'ils signifient, de ce qu'ils charrient  : l'infĂ©rioritĂ© qu'ils racontent en mĂȘme temps que l'amour sous-jacent dont ils tĂ©moignent, l'amour rendu nĂ©cessaire par la disparition prochaine, inĂ©vitable, l'amour rendu possible par elle aussi.
â
â
Philippe Besson (" ArrĂȘte avec tes mensonges ")
â
L'Amour qui n'est pas un mot
Mon Dieu jusqu'au dernier moment
Avec ce coeur dĂ©bile et blĂȘme
Quand on est l'ombre de soi-mĂȘme
Comment se pourrait-il comment
Comment se pourrait-il qu'on aime
Ou comment nommer ce tourment
Suffit-il donc que tu paraisses
De l'air que te fait rattachant
Tes cheveux ce geste touchant
Que je renaisse et reconnaisse
Un monde habité par le chant
Elsa mon amour ma jeunesse
O forte et douce comme un vin
Pareille au soleil des fenĂȘtres
Tu me rends la caresse d'ĂȘtre
Tu me rends la soif et la faim
De vivre encore et de connaĂźtre
Notre histoire jusqu'Ă la fin
C'est miracle que d'ĂȘtre ensemble
Que la lumiĂšre sur ta joue
Qu'autour de toi le vent se joue
Toujours si je te vois je tremble
Comme Ă son premier rendez-vous
Un jeune homme qui me ressemble
M'habituer m'habituer
Si je ne le puis qu'on m'en blĂąme
Peut-on s'habituer aux flammes
Elles vous ont avant tué
Ah crevez-moi les yeux de l'Ăąme
S'ils s'habituaient aux nuées
Pour la premiĂšre fois ta bouche
Pour la premiĂšre fois ta voix
D'une aile Ă la cime des bois
L'arbre frémit jusqu'à la souche
C'est toujours la premiĂšre fois
Quand ta robe en passant me touche
Prends ce fruit lourd et palpitant
Jettes-en la moitié véreuse
Tu peux mordre la part heureuse
Trente ans perdus et puis trente ans
Au moins que ta morsure creuse
C'est ma vie et je te la tends
Ma vie en vérité commence
Le jour que je t'ai rencontrée
Toi dont les bras ont su barrer
Sa route atroce à ma démence
Et qui m'as montré la contrée
Que la bonté seule ensemence
Tu vins au coeur du désarroi
Pour chasser les mauvaises fiĂšvres
Et j'ai flambé comme un geniÚvre
A la Noël entre tes doigts
Je suis né vraiment de ta lÚvre
Ma vie est Ă partir de toi
â
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Louis Aragon
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A un moment jâai mĂȘme laissĂ© Ă©chapper un son qui sâest prolongĂ© malgrĂ© moi en prenant de plus en plus de force, un son qui avait attendu ce jour prĂ©cis pour partir du fond de mes annĂ©es de tĂ©nĂšbres Ă mal aimer des hommes qui mâont mal aimĂ©e en retour et recouvrir ta poitrine comme une brĂ»lure ; câĂ©tait dâabord un son rauque et traĂźnant, une plainte animale qui nâavait rien du sanglot et qui en un vĂ©ritable appel Ă la mort. A ce moment tout sâest arrĂȘtĂ©, je me suis soudain rappelĂ© cette mĂȘme scĂšne vĂ©cu avec toi alors quâon venait de se rencontrer ; ce hurlement avait dĂ©jĂ eu lieu et sa rĂ©pĂ©tition implacable mâa fait taire une fois pour toute. A ce moment aussi tu tâes Ă©cartĂ© de moi, sans doute pour la mĂȘme raison, tu tâes levĂ© dans une brusquerie qui a dĂ©logĂ© OrĂ©o de la chaise de ton bureau. Ne voulant pas te regarder dans les yeux, jâai regardĂ© tes pieds. Mon hurlement avait tracĂ© une ligne infranchissable entre nous, en hurlant je venais de sonner le glas de notre histoire. Tu as dit des paroles que tu avais dĂ©jĂ prononcĂ©es en dâautres circonstances et je suis partie, je savais que plus jamais on ne se reparlerait.
â
â
Nelly Arcan (Folle)
â
Le MĂ©tĂšque
Avec ma gueule de métÚque, de juif errant, de pùtre grec
Et mes cheveux aux quatre vents
Avec mes yeux tout dĂ©lavĂ©s, qui me donnent l'air de rĂȘver
Moi qui ne rĂȘve plus souvent.
Avec mes mains de maraudeur, de musicien et de rĂŽdeur
Qui ont pillé tant de jardins
Avec ma bouche qui a bu, qui a embrassé et mordu
Sans jamais assouvir sa faim
Avec ma gueule de métÚque, de juif errant, de pùtre grec
De voleur et de vagabond
Avec ma peau qui s'est frottée au soleil de tous les étés
Et tout ce qui portait jupon
Avec mon coeur qui a su faire souffrir autant qu'il a souffert
Sans pour cela faire d'histoire
Avec mon Ăąme qui n'a plus la moindre chance de salut
Pour Ă©viter le purgatoire.
Avec ma gueule de métÚque, de juif errant, de pùtre grec
Et mes cheveux aux quatre vents
Je viendrai ma douce captive, mon Ăąme soeur, ma source vive
Je viendrai boire tes vingt ans
Et je serai prince de sang, rĂȘveur, ou bien adolescent
Comme il te plaira de choisir
Et nous ferons de chaque jour, toute une éternité d'amour
Que nous vivrons Ă en mourir.
Et nous ferons de chaque jour, toute une éternité d'amour
Que nous vivrons Ă en mourir.
â
â
Georges Moustaki
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Et qu'as-tu à donner, pauvre démon ? L'esprit d'un homme en ses hautes inspirations fut-il jamais conçu par tes pareils ? Tu n'as que des aliments qui ne rassasient pas ; de l'or pùle, qui sans cesse s'écoule des mains comme le vif-argent; un jeu auquel on ne gagne jamais ; une fille qui jusque dans mes bras fait les yeux doux à mon voisin ; l'honneur, belle divinité qui s'évanouit comme un météore.
â
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Johann Wolfgang von Goethe (Faust)
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Un aveu. Je fais autre chose encore, autre chose que visualiser la scÚne, autre chose que convoquer un souvenir, je me dis  : à quoi Thomas a-t-il pensé, quand ça a été le dernier moment  ? aprÚs avoir passé la corde autour de son cou  ? avant de renverser la chaise  ? et d'abord, combien de temps cela a-t-il duré  ? une poignée de secondes  ? puisqu'il ne servait à rien de perdre du temps, la décision avait été prise, il fallait la mettre à exécution, une minute  ? mais c'est interminable, une minute, dans ces circonstances, et alors comment l'a-t-il remplie  ? avec quelles pensées  ? et j'en reviens à ma question. A-t-il fermé les yeux et revu des épisodes de son passé, de la tendre enfance, par exemple son corps étendu en croix dans l'herbe fraßche, tourné vers le bleu du ciel, la sensation de chaleur sur sa joue et sur ses bras  ? de son adolescence  ? une chevauchée à moto, la résistance de l'air contre son torse  ? a-t-il été rattrapé par des détails auxquels il ne s'attendait pas  ? des choses qu'il croyait avoir oubliées  ? ou bien a-t-il fait défiler des visages ou des lieux, comme s'il s'agissait de les emporter avec lui  ? (à la fin, je suis convaincu qu'en tout cas, il n'a pas envisagé de renoncer, que sa détermination n'a pas fléchi, qu'aucun regret, s'il y en a eu, n'est venu contrarier sa volonté.) Je traque cette ultime image formée dans son esprit, surgie de sa mémoire, non pas pour escompter y avoir figuré mais pour croire qu'en la découvrant, je renouerais avec notre intimité, je serais à nouveau ce que nul autre n'a été pour lui.
â
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Philippe Besson (« ArrĂȘte avec tes mensonges »)
â
DeuxiĂšme conte
XIV
La mer est Ă nous
la mer est Ă boire
la mer tout entiĂšre se loge
dans le creux de la main.
Si tu te remplissais
te barbouillais d'azur ?
Si ton pied foulait la mer ?
Si ta main apprenait les caresses océaniques ?
Si les vagues sur ton corps ?
Si les algues mĂȘlĂ©es Ă ton dĂ©sir ?
Si le sel sur tes blessures ?
Si la fureur de l'océan dans ton sang ?
Si soudain tu renaissais ?
Si soudain le rire ?
Soudain l'été ?
Soudain les plages de ton enfance et
les chansons ?
Si soudain tu voyais des deux yeux ?
Si tu entendais des deux oreilles le cri de toutes les bouches ?
Et si soudain tu te levais ?
Et si tout aussi soudain tu te mettais
Ă dire
Non ?
â
â
Rachida Madani (Tales of a Severed Head (The Margellos World Republic of Letters))
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JULIETTE. â A quelle heure enverrai-je vers toi, demain ?
ROMĂO. â Ă neuf heures.
JULIETTE. â Je nây manquerai pas. Dâici Ă ce moment, il va sâĂ©couler vingt ans. Jâai oubliĂ© pourquoi je tâavais rappelĂ©.
ROMĂO.â Permets-moi de rester ici jusquâĂ ce que tu te le rappelles.
JULIETTE. â Jâoublierai encore, afin de te faire rester, et ne me souviendrai que de lâamour que jâai pour ta compagnie.
ROMĂO. â Et moi je resterai, pour te faire oublier encore, oublieux moi-mĂȘme que jâai un autre logis que ce jardin
JULIETTE. â Il est presque matin ; je voudrais que tu fusses parti, et cependant pas plus loin que lâoiseau dâune jeune folle qui le laisse sâĂ©loigner un peu de sa main, pareil Ă un pauvre prisonnier dans ses entraves, et qui le ramĂšne avec un fil de soie, tant elle est amoureusement jalouse de sa libertĂ©.
ROMĂO. â Je voudrais ĂȘtre ton oiseau.
JULIETTE. â ChĂ©ri, je le voudrais aussi : cependant, je te tuerais par trop de caresses. Ronne nuit ! bonne nuit ! la sĂ©paration est une si dĂ©licieuse douleur que je dirais bonne nuit jusquâĂ demain. (Elle, se retire de la fenĂȘtre.)
ROMĂO. â Que le sommeil descende sur tes yeux et la paix dans ton sein ! Que ne suis-je le sommeil et la paix pour goĂ»ter un si doux repos ! Je vais dâici me rentre Ă la cellule de mon pieux confesseur, pour implorer son aide, et lui dire mon heureuse fortune. (Il sort.)
â
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William Shakespeare (Romeo & Juliet)
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Ă beaux cheveux d'argent mignonnement retors
Ă beaux cheveux d'argent mignonnement retors !
Ă front crĂȘpe et serein ! et vous, face dorĂ©e !
à beaux yeux de cristal ! Î grand bouche honorée,
Qui d'un large repli retrousses tes deux bords !
à belles dents d'ébÚne ! Î précieux trésors,
Qui faites d'un seul ris toute ùme enamourée !
à gorge damasquine en cent plis figurée !
Et vous, beaux grands tétins, dignes d'un si beau corps !
à beaux ongles dorés ! Î main courte et grassette !
à cuisse délicate ! et vous, jambe grossette,
Et ce que je ne puis honnĂȘtement nommer !
Ă beau corps transparent ! ĂŽ beaux membres de glace !
à divines beautés ! pardonnez-moi, de grùce,
Si, pour ĂȘtre mortel, je ne vous ose aimer.
â
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Joachim du Bellay (The Regrets)
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Le tunnel qui mĂšne au centre-ville, il a vraiment un truc. Quand il fait nuit, c'est splendide. Tout simplement splendide. D'abord, t'es de l'autre cĂŽtĂ© de la montagne et il fait sombre, et la radio est Ă fond. DĂšs que tu entres dans le tunnel, le vent disparaĂźt d'un coup et tu plisses les yeux Ă cause des lumiĂšres au-dessus de toi. Quand tu t'habitues Ă la lumiĂšre, tu peux voir le bout du tunnel au loin, et pendant ce temps, comme les ondes passent plus, le son de la radio faiblit. Alors tu te retrouves au milieu du tunnel au loin et tout devient trĂšs calme, comme un rĂȘve. Tu vois le bout qui se rapproche et t'as qu'une envie, c'est d'y arriver. Et finalement, juste au moment oĂč tu penses que tu l'atteindras jamais, tu vois la sortie devant toi. Et le vent t'attend. Et tu sors du tunnel Ă toute vitesse, pour te retrouver sur le pont. Et elle est lĂ . La ville. Un million de lumiĂšres et d'immeubles, et tout Ă l'air aussi excitant que la premiĂšre fois oĂč tu l'as vue. C'est vraiment une belle entrĂ©e en scĂšne.
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Stephen Chbosky (The Perks of Being a Wallflower)
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DĂšs que le brouhaha sâapaise, les premiĂšres mesures du morceau suivant sâĂ©lĂšvent, profondes et lentes. Les tintements du triangle et des grelots rĂ©sonnent, clairs Ă©chos du rythme grave des percussions. Alors, Anja se met Ă chanter.
Tes yeux secs cherchent de lâeau dans cette ville morte
Tes pieds en sang abreuvent la terre assoiffée
Tu tombes et ne peux plus te leverâŠ
Elle vibre, exaltĂ©e comme chaque fois par la foule et le chant, flot dâĂ©motions brutes, partagĂ©es, Ă©changĂ©es avec ses compagnons, avec le public.
Tressaillement soudain.
Sensation moite et glacée.
Un goĂ»t Ăącre envahit sa bouche, un goĂ»t de bile et de peur mĂȘlĂ©es. Quelquâun, au milieu de la foule, lâobserve. Un regard glisse lentement sur elle, insistant, insidieux, pareil Ă la langue dâune bĂȘte rĂ©pugnante sur sa peau. Celui qui la traque, lâĂ©pie depuis plusieurs semaines se trouve dans la foule ce soir, ombre sournoise et anonyme. La sirĂšne tente dâapercevoir un visage, de surprendre la fixitĂ© dâune expression, en vain. Dans la salle, les yeux des spectateurs sont pareilles Ă des billes de tĂ©nĂšbres opaques, angoissantes. « Qui est-ce ? » « Que veut-il ? » « Est-ce que je le connais ? » « Est-ce lui, le responsable des disparitions ? » « A-t-il un lien avec cette momie ? » « Suis-je sa prochaine cible ? » Ces questions angoissantes, obsĂ©dantes, tournent en boucle dans sa tĂȘte, brisant la magie du concert. Anja parvient Ă faire bonne figure, interprĂšte mĂȘme une mĂ©lodie rĂ©clamĂ©e par le public. Mais se sent terriblement soulagĂ©e quand le concert sâachĂšve.
Stein repousse ses percussions dans un coin, salue ses deux amies dâun rapide signe de main et quitte la scĂšne. Fast lâattend Ă lâautre bout de la salle bondĂ©e, accoudĂ© au bar. Celui-ci, une antiquitĂ© rescapĂ©e du Cataclysme, consolidĂ©e par des planches de bois peintes, des plaques de tĂŽles et dâĂ©pais morceaux de plastique, est la fiertĂ© de Senta, la propriĂ©taire des lieux. Il a rĂ©sistĂ© aux tempĂȘtes, aux pillards, aux siĂšcles et porte comme autant de cicatrices gravĂ©es dans sa surface, les traces de milliers de vies.
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Charlotte Bousquet (Les ChimĂšres de l'aube (La Peau des rĂȘves, #3))
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ROMĂO. â Elle parle : oh, parle encore, ange brillant ! car lĂ oĂč tu es, au-dessus de ma tĂȘte, tu me parais aussi splendide au sein de cette nuit que lâest un messager ailĂ© du ciel aux-regards Ă©tonnĂ©s des mortels ; lorsque rejetant leurs tĂȘtes en arriĂšre, on ne voit plus que le blanc de leurs yeux, tant leurs prunelles sont dirigĂ©es-en haut pour le contempler, pendant quâil chevauche sur les nuages Ă la marche indolente et navigue sur le sein de lâair.
JULIETTE. â Ă RomĂ©o, RomĂ©o ! pourquoi es-tu RomĂ©o ? Renie ton pĂšre, ou rejette ton nom ; ou si tu ne veux pas, lie-toi seulement par serment Ă mon amour, et je ne serai pas plus longtemps une Capulet.
ROMĂO, Ă part. â En entendrai-je davantage, ou rĂ©pondrai-je Ă ce quâelle rient de dire
JULIETTE. â Câest ton nom seul qui est mon ennemi. AprĂšs tout tu es toi-mĂȘme, et non un Montaigu. Quâest-ce quâun Montaigu ? Ce nâest ni une main, ni un pied, ni un bras, ni un, visage, ni toute autre partie du corps appartenant Ă un homme. Oh ! porte un autre nom ! Quây a-t-il dans un nom ? La fleur que nous nommons la rose, sentirait tout aussi bon sous un autre nom ; ainsi RomĂ©o, quand bien mĂȘme il ne serait pas appelĂ© RomĂ©o, nâen garderait pas moins la prĂ©cieuse perfection : quâil possĂšde. Renonce Ă ton nom RomĂ©o, et en place de ce nom qui ne fait pas partie de toi, prends-moi toute entiĂšre.
ROMĂO. â Je te prends au mot : appelle-moi seulement : ton amour, et je serai rebaptisĂ©, et dĂ©sormais je ne voudrai plus ĂȘtre RomĂ©o.
JULIETTE. â Qui es-tu, toi qui, protĂ©gĂ© par la nuit, viens ainsi surprendre les secrets de mon Ăąme ?
ROMĂO. â Je ne sais de quel nom me servir pour te dire qui je suis : mon nom, chĂšre sainte, mâest odieux Ă moi-mĂȘme, parce quâil tâest ennemi ; sâil Ă©tait Ă©crit, je dĂ©chirerais le mot quâil forme.
JULIETTE. â Mes oreilles nâont pas encore bu cent paroles de cette voix, et cependant jâen reconnais le son nâes-tu pas RomĂ©o, et un Montaigu ?
ROMĂO. â Ni lâun, ni lâautre, belle vierge, si lâun ou lâautre te dĂ©plaĂźt.
JULIETTE. â Comment es-tu venu ici, dis-le-moi, et pourquoi ? Les murs du jardin sont Ă©levĂ©s et difficiles Ă escalader, et considĂ©rant qui tu es, cette place est mortelle pour toi, si quelquâun de mes parents tây trouve.
ROMĂO. â Jâai franchi ces murailles avec les ailes lĂ©gĂšres de lâamour, car des limites de pierre ne peuvent arrĂȘter lâessor de lâamour ; et quelle chose lâamour peut-il oser quâil ne puisse aussi exĂ©cuter ? tes parents ne me, sont donc pas un obstacle.
JULIETTE. â Sâils te voient, ils tâassassineront.
ROMĂO. â HĂ©las ! il y a plus de pĂ©rils, dans tes yeux que dans vingt de leurs Ă©pĂ©es : veuille seulement abaisser un doux regard sĂ»r moi, et je suis cuirassĂ© contre leur inimitiĂ©.
JULIETTE. â Je ne voudrais pas, pour le monde entier, quâils te vissent ici.
ROMĂO. â Jâai le manteau de la nuit pour me dĂ©rober Ă leur vue et dâailleurs, Ă moins que tu ne mâaimes, ils peuvent me trouver, sâils veulent : mieux vaudrait que leur haine mĂźt fin Ă ma vie, que si ma mort Ă©tait retardĂ©e, sans que jâeusse ton amour ;
JULIETTE. â Quel est celui qui tâa enseignĂ© la direction de cette place ?
ROMĂO. â Câest lâAmour, qui mâa excitĂ© Ă la dĂ©couvrir ; il mâa prĂȘtĂ© ses conseils, et je lui ai prĂȘtĂ© mes yeux. Je ne suis pas pilote ; cependant fusses-tu aussi Ă©loignĂ©e que le vaste rivage baignĂ© par la plus lointaine nier, je mâaventurerais pour une marchandise telle que toi.
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William Shakespeare (Romeo and Juliet)
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26 octobre.
Oui, mon cher Wilhelm, je me persuade chaque jour davantage que lâexistence dâune crĂ©ature est peu de chose, bien peu de chose. Une amie de Charlotte Ă©tait venue la voir, et je passai dans la chambre voisine pour prendre un livre, et je ne pouvais lire : alors je pris une plume pour essayer dâĂ©crire. Je les entendais causer doucement : elles se racontaient lâune Ă lâautre des choses indiffĂ©rentes, des nouvelles de la ville ; que lâune se mariait, que lâautre Ă©tait malade, trĂšs-malade ; elle avait une toux sĂšche, la figure dĂ©charnĂ©e ; il lui prenait des faiblesses. « Je ne donnerais pas un sou de sa vie, » disait lâune. « N. N. est aussi fort mal, » dit Charlotte. « II est enflĂ©, » reprit lâamie Et mon imagination me transportait vivement au chevet de ces malheureux ; je voyais avec quelle rĂ©pugnance ils tournaient le dos Ă la vie ; avec quelâŠ. Wilhelm, et mes deux petites dames parlaient de cela prĂ©cisĂ©ment comme on parle dâun Ă©tranger qui meurtâŠ. Et quand je porte les yeux autour de moi, quand je regarde cette chambre et, tout alentour, les habits de.Charlotte et les papiers dâAlbert, et ces meubles auxquels je suis maintenant si accoutumĂ©, mĂȘme cet encrier, je me dis : « Vois ce que tu esâpour cette maison ! Tout pour tous. Tes amis te considĂšrent ; tu fais souvent leur joie, et il semble Ă ton cĆur, quâil ne pourrait vivre sans eux ; et pourtantâŠ, si tu venais Ă mourir, si tu disparaissais de ce cercle, sentiraient-ils, combien de temps sentiraient-ils, le vide que ta perte ferait dans leur existence ? combien de temps ?⊠» Ah ! lâhomme est si Ă©phĂ©mĂšre, quâaux lieux mĂȘmes oĂč il a lâentiĂšre certitude de son ĂȘtre, oĂč il grave la seule vĂ©ritable impression de sa prĂ©sence dans le souvenir, dans lâĂąme de ses amis, lĂ mĂȘme, il doit sâeffacer, disparaĂźtre, disparaĂźtre promptement !
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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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Les hommes, disais-je, se plaignent souvent de compter peu de beaux jours et beaucoup de mauvais, et il me semble que, la plupart du temps, câest mal Ă propos. Si nous avions sans cesse le cĆur ouvert pour jouir des biens que Dieu nous dispense chaque jour, nous aurions assez de force pour supporter le mal quand il vient. â Mais nous ne sommes pas les maĂźtres de notre humeur, dit la mĂšre ; combien de choses dĂ©pendent de lâĂ©tat du corps ! Quand on nâest pas bien, on est mal partout. » Jâen tombai dâaccord et jâajoutai : « Eh bien, considĂ©rons la chose comme une maladie, et demandons-nous sâil nây a point de remĂšde. â Câest parler sagement, dit Charlotte : pour moi, jâestime que nous y pouvons beaucoup. Je le sais par expĂ©rience. Si quelque chose me contrarie et veut me chagriner, je cours au jardin et me promĂšne, en chantant quelques contredanses : cela se passe aussitĂŽt. â Câest ce que je voulais dire, repris-je Ă lâinstant : il en est de la mauvaise humeur absolument comme de la paresse ; car câest une sorte de paresse. Par notre nature, nous y sommes fort enclins, et cependant, si nous avons une fois la force de nous surmonter, le travail nous devient facile, et nous trouvons dans lâactivitĂ© un vĂ©ritable plaisir. » FrĂ©dĂ©rique Ă©tait fort attentive, et le jeune homme mâobjecta quâon nâĂ©tait pas maĂźtre de soi, et surtout quâon ne pouvait commander Ă ses sentiments. « II sâagit ici, rĂ©pliquai-je, dâun sentiment dĂ©sagrĂ©able, dont chacun est bien aise de se dĂ©livrer, et personne ne sait jusquâoĂč ses forces sâĂ©tendent avant de les avoir essayĂ©es. AssurĂ©ment, celui qui est malade consultera tous les mĂ©decins, et il ne refusera pas les traitements les plus pĂ©nibles, les potions les plus amĂšres, pour recouvrer la santĂ© dĂ©sirĂ©e. [...] Vous avez appelĂ© la mauvaise humeur un vice : cela me semble exagĂ©rĂ©. â Nullement, lui rĂ©pondis-je, si une chose avec laquelle on nuit Ă son prochain et Ă soi-mĂȘme mĂ©rite ce nom. Nâest-ce pas assez que nous ne puissions nous rendre heureux les uns les autres ? faut-il encore nous ravir mutuellement le plaisir que chacun peut quelquefois se procurer ? Et nommez-moi lâhomme de mauvaise humeur, qui soit en mĂȘme temps assez ferme pour la dissimuler, la supporter seul, sans troubler la joie autour de lui ! Nâest-ce pas plutĂŽt un secret dĂ©plaisir de notre propre indignitĂ©, un mĂ©contentement de nous-mĂȘmes, qui se lie toujours avec une envie aiguillonnĂ©e par une folle vanitĂ© ? Nous voyons heureux des gens qui ne nous doivent pas leur bonheur, et cela nous est insupportable. » Charlotte me sourit, en voyant avec quelle Ă©motion je parlais, et une larme dans les yeux de FrĂ©dĂ©rique mâexcita Ă continuer. « Malheur, mâĂ©criai-je, Ă ceux qui se servent de lâempire quâils ont sur un cĆur, pour lui ravir les joies innocentes dont il est lui-mĂȘme la source ! Tous les prĂ©sents, toutes les prĂ©venances du monde, ne peuvent compenser un moment de joie spontanĂ©e, que nous empoisonne une envieuse importunitĂ© de notre tyran. [...] Si seulement on se disait chaque jour : Tu ne peux rien pour tes amis que respecter leurs plaisirs et augmenter leur bonheur en le goĂ»tant avec eux. Peux-tu, quand le fond de leur ĂȘtre est tourmentĂ© par une passion inquiĂšte, brisĂ© par la souffrance, leur verser une goutte de baume consolateur ?⊠Et, quand la derniĂšre, la plus douloureuse maladie surprendra la personne que tu auras tourmentĂ©e dans la fleur de ses jours, quâelle sera couchĂ©e dans la plus dĂ©plorable langueur, que son Ćil Ă©teint regardera le ciel, que la sueur de la mort passera sur son front livide, et que, debout devant le lit, comme un condamnĂ©, dans le sentiment profond quâavec tout ton pouvoir tu ne peux rien, lâangoisse te saisira jusquâau fond de lâĂąme, Ă la pensĂ©e que tu donnerais tout au monde pour faire passer dans le sein de la crĂ©ature mourante une goutte de rafraĂźchissement, une Ă©tincelle de courage !âŠ
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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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Tu n'es pas un homme difficile! Tes femmes doivent ĂȘtres ravies!"
"Mes femmes?"
"Je voulais dire: tes femmes successives, pas simultanées."
"Toi, tu en as, des "simultanées"?"
"Non, une seule. Elle m'a prévenu, depuis le début: si j'en épouse une autre, elle m'arrache les yeux."
"Et tu t'es résigné!"
"C'est utile, les yeux!"
Il sourit, et c'Ă©tait le mĂȘme sourire que Bilal.
"Tu n'as pas tort", lui dis-je. "Si on aime la lecture, deux yeux sont plus utiles que deux Ă©pouses.
â
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Amin Maalouf (ۧÙŰȘۧۊÙÙÙ)
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les pattes dâaraignĂ©e autour de tes yeux se mettent en marche quand tu souris. Et
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Christiane Singer (La Mort viennoise)
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Tes yeux
sont des bracelets d'eau
qui m'attachent
Ă la terre sĂšche
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Luis MizĂłn (PoĂšme du sud et autres poĂšmes (Poema del sur))
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Ambrosius arrĂȘta son interlocuteur dâun geste agacĂ©.« As-tu dĂ©jĂ contemplĂ© Rome de tes propres yeux ? Lâun dâentre vous a-t-il mĂȘme jamais approchĂ© la Ville ? Dâici, Ă vous entendre, vous lâimaginez comme une citĂ© cĂ©leste toute de marbre, mais en rĂ©alitĂ© il nây a plus que des ruines lĂ -bas, tenant tout juste debout. Si par habitude lâon y entretient encore quelques palais, tant bien que mal, et quâon les empĂȘche de sâeffondrer une fois pour toutes, les grands Ă©difices du temps de sa splendeur blanchissent peu Ă peu tels des os laissĂ©s au soleil. Les maisons oĂč lâon vit encore sont comme les vĂŽtres, bĂąties de chaux et de torchis, ou de brique pour les plus luxueuses. Tout au plus plaque-t-on parfois un stuc sur leurs façades et leurs murs en espĂ©rant vainement faire illusion. Il ne subsiste de Rome quâun fantĂŽme sâaccrochant aux marais des miasmes desquels elle avait jailli plus dâun millĂ©naire auparavant.
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Alex Nikolavitch (Trois coracles cinglaient vers le couchant)
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La nuit
Caresse lâhorizon de la nuit, cherche le cĆur de jais que lâaube recouvre de chair. Il mettrait dans tes yeux des pensĂ©es innocentes, des flammes, des ailes et des verdures que le soleil nâinvente pas.
Ce nâest pas la nuit qui te manque, mais sa puissance.
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Paul Ăluard (Capital of Pain)
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Mon cĆur se serra douloureusement. Tu ne l'as probablement jamais su, mais j'aimais plus que tout t'observer dans cette posture. J'aurais pu y passer des heures, totalement hypnotisĂ© par le lent mouvement de tes mains... Tu avais cette façon unique de laisser retomber ta chevelure, le regard perdu au loin, tes yeux si clairs, si Ă©trangement mĂ©lancoliques...
Tes yeux mon amour, tes yeux....
La premiÚre fois qu'ils s'étaient posés sur moi, le monde entier avait disparu et je ne pouvais plus rien voir d'autre
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Atef Attia (Sang d'encre)
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Il Ă©tait passĂ© la voir le lendemain et avait bu une biĂšre sans mĂȘme s'asseoir, pire que froid, un Ă©tranger. Jenn avait compris. Elle Ă©tait de toute façon de ces femmes qui doivent toujours comprendre, les colĂšres et les lĂąchetĂ©s, se trimballer les gosses et torcher les vieux, ĂȘtre toujours moins bien payĂ©e et dire amen. De mĂšre en mĂšre, c'Ă©tait comme ça.
- Mais toi, t'as envie de quoi ? avait tout de mĂȘme demandĂ© Greg.
- Je sais pas.
Ce qui signifiait à l'évidence qu'elle envisageait moyennement de se débarrasser de l'avenir qui lui poussait dans le ventre.
Le pĂšre de Bilal s'Ă©tait cassĂ© depuis longtemps et elle en avait bavĂ© pour refaire sa vie, entre ses journĂ©es Ă rallonge et son gosse qui n'Ă©tait pas si facile. Elle avait tenu bon, farouche et souriante, sans jamais renoncer toutefois Ă la possibilitĂ© d'une vie Ă deux, la seule envisageable Ă ses yeux. Dans ce domaine, elle n'avait pas tellement de prĂ©tentions d'ailleurs, et sur l'amour, plus guĂšre d'illusions. Il n'Ă©tait plus question pour elle de coup de foudre ni de passion pied au plancher, le cĆur Ă cent Ă l'heure et les mains moites. LĂ -dessus, Hollywood et la collection Harlequin pouvaient aller se faire mettre.
Ă trente-deux ans, Jennifer ne se racontait plus d'histoire.
Elle avait eu dans sa vie des gentils garçons et des intérimaires fumeurs de pet', des allumés de la console, des brutaux ou des zombies comme le pÚre de Bilal qui pouvait passer des heures devant la télé sans dire un mot.
Elle avait eu des mecs qui la baisaient vite et mal Ă deux heures du mat sur le parking d'un quelconque Papagayo.
Elle avait été amoureuse et trompée. Elle avait trompé et s'en était voulu. Elle avait passé des heures à chialer comme une conne dans son oreiller pour des menteurs ou des jaloux. Elle avait eu quinze ans, et comme n'importe qui, sa dose de lettes et de flirts hésitants. On lui avait tenu la main, on l'avait emmenée au ciné. On lui avait dit je t'aime, je veux ton cul, par texto et à mi-voix dans l'intimité d'une chambre à coucher. à présent, Jenn était grande. Elle savait à quoi s'en tenir. L'amour n'était pas cette symphonie qu'on vous serinait partout, publicitaire et enchantée.
L'amour c'étaient des listes de courses sur le frigo, une pantoufle sous un lit, un rasoir rose et l'autre bleu dans la salle de bains. Des cartables ouverts et des jouets qui trainent, une belle-mÚre qu'on emmÚne chez le pédicure pendant que l'autre va porter de vieux meubles à la déchetterie, et tard le soir, dans le noir, deux voix qui se réchauffent, on les entend à peine, qui disent des choses simples et sans relief, il n'y a plus de pain pour le petit-déjeuner, tu sais j'ai peur quand t'es pas là . Mais justement, je suis là .
Jenn n'aurait pas su le dire avec des mots, mais tout cela, elle le savait de source sûre.
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Nicolas Mathieu (Connemara)
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Un grand poĂšte
Que fais-tu au juste voyons voir dit Mihaela
trois heures de tĂ©lĂ©vision tu tâaffaires
dans la bibliothĂšque trois heures tu lis et voilĂ
ton temps qui passe quand tu ne peux plus Ă©crire
tu as lâair dâune mite raidie par le froid sur le cadre
de la fenĂȘtre et tu nâes mĂȘme pas un grand poĂšte
tu as les yeux aqueux et vides tu as encore bu que vais-je
faire de toi que vais-je dire Ă tes parents
les pauvres ils sont si ĂągĂ©s personne nâen prend soin
dans cet Ă©tat personne ne leur demande
sâils ont mangĂ© un bout bientĂŽt ils mourront et toi
si indifférent tu ne vois pas que notre fille
a grandi tu ne vois pas quâelle porte une mini-jupe aujourdâhui
et voilĂ comme ta vie sâen va et tu nâes mĂȘme
pas un grand poĂšte comme Nichita StÄnescu
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Valentin Dolfi (Ma poésie comme biographie (French Edition))
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Na manhĂŁ seguinte, muito cedo, Fabrizio entrou numa igreja e, fixando o altar, disse humildemente:
«Pai: nĂŁo vim pedir-te perdĂŁo nem agradecer-te. SĂł posso pedir-te perdĂŁo dos erros cometidos e, quanto Ă s minhas opçÔes, sabes que nĂŁo tenho culpa. NĂŁo vim agradecer-te. Ă tal a felicidade que me invade, que Ă© como se me fosse dada por um destino: nascida comigo, ou para mim, pelos sĂ©culos dos sĂ©culos. Vim aqui, Pai, testemunhar-te que ouvi a tua voz e identifiquei o teu sinal. Vim pedir-te que nĂŁo me faças indigno dele. Vim dizer-te que, ao olhar Laurent, Ă© a ti que descubro: tu jĂĄ nĂŁo Ă©s invisĂvel, difuso, indiferente, mas vivo, concreto, actuante, confortante. Fonte de amor: amor. Ajuda-me por isso, tu que Ă©s amor, a amar. Ajuda-me a consumir-me no amor, a nĂŁo temer o seu fogo, a nĂŁo vacilar frente ao risco e ao medo do ridĂculo, a nĂŁo traficar, a nĂŁo aviltar, a nĂŁo degradar, a nĂŁo corromper. Ajuda-me a distinguir o verdadeiro amor do falso amor. Ajuda-me a nĂŁo ceder Ă s emboscadas dos inimigos do amor. Ajuda-me a suportar os ataques dos padres que, do amor, sĂł conhecem o nome. Dos juizes que, com leis adulteradas, dĂŁo sentenças sobre o amor. Dos poetas, que elogiam os atributos, nĂŁo a substĂąncia, do amor. Dos moralistas, que encarceram o amor numa prisĂŁo de dogmas. Ajuda-me, tu que Ă©s amor, agora que o teu tempo chegou.»
(...)
A carta era esta:
«Je tâai parlĂ© de plĂ©nitude: je veux te dire maintenant ce que je vois dans tes yeux. Chacun de nous possĂ©dait un paradis quâun jour nous avons perdu ; la nostalgie de ce paradis nous fait vivre et quelquesfois nous fait mourir. Cela, si tu veux, Laurent, câest de la litĂ©rature ; mais, quand je te regarde dans les yeux, et que tu me regardes un instant, ce nâest pas de la litĂ©rature : Câest le temp de Dieu. En toi, je le retrouve. Et je me retrouve mois-mĂȘme. Je regardais hier soir (nous Ă©tions dans le metro) ta peau ; et je me disais : Câest ma peau. De tes mains, je disais : Ce sont mes mains. Je me sens si exaltĂ© devant cette dĂ©couverte ! Je tâaime. Je nâai plus peur. Tu es grand et beau comme le soleil ; quand tu ris, câest un rayon de soleil qui sort de toi. Je tâaime.»
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Carlo Coccioli (Fabrizio Lupo)
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j'ai pensĂ© Ă tes gestes qui se rĂ©pĂštent depuis des millions d'annĂ©es, Ă tes yeux intraduisibles, Ă une piĂšce inhabitĂ©e pour ĂȘtre Ă nouveau seul avec toi
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François Charron (La beauté des visages ne pÚse pas sur la terre)
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â Bah alors, câest ce que je dis, avec la dotation quâon a, ajouta FÄneaÈÄ puis il se leva pour prendre le livre le plus Ă©pais de la pile la plus proche.
Il se trouva que câĂ©tait La Montagne magique.
â Ăa fera lâaffaire, dit-il le travailleur en se rasseyant Ă table. Il a suffisamment de pages pour que personne ne remarque que nous en avons dĂ©chirĂ© quelques-unes.
â Mon frĂšre, tâes vraiment mortel. Laisse donc ce livre en paix, nom de DieuâŠ
Nicu sâopposa pour la derniĂšre fois, lâimage de son camarade en cerbĂšre le fit Ă©clater de rire. Une considĂ©ration de folie.
â Tiens, avant de le dĂ©plumer, lis au moins ce quâil y a dâĂ©crit, quâon entende nous aussi.
FÄneaÈÄ fourra son doigt Ă©pais au cĆur du livre et lut lĂ oĂč ses yeux se posĂšrent :
â Quâest-ce que le corps ! Ă©clata-t-il avec une impĂ©tositĂ© soudaine. Quâest-ce que la chair ! Quâest-ce que le corps humain ! De quoi est-il constituĂ©Â ! Monsieur le conchilier aulique, dites-le nous tout de suite, cet aprĂšs-midi mĂȘme. Dites-le-nous une fois pour tourtes et le plus Ă©chactement, pour que nous le sachions.
ĂcĆurĂ© par la lecture, il sâarrĂȘta, et ne cacha pas son Ă©tonnement : certains sont prĂȘts Ă jeter leur argent par les fenĂȘtres pour nâimporte quoi.
â Mon petit Nicu, câest ainsi quand lâhomme a trop de temps libre, quâil ne travaille mĂȘme pas. Il est lĂ Ă se faire des idĂ©es, et ceux qui se font passer pour cultivĂ©s font la file dâattente pour acheter quelque livre comme celui-lĂ . Chiche quâon va montrer Ă mâsieur lâĂ©crivain â il fit une pause pour lire le nom de celui-ci sur la couverture â ce que câest-ce que la viande, car je vois que lâhonorable dit ne pas le savoir. Passe-moi les saucisses, va !
Puis il arracha soigneusement quelques pages sur lesquelles il dĂ©posa fromage et lĂ©gumes en se vantant auprĂšs de Nicu que lui Ă©tait un garçon de salon et que lâon nâaurait dĂ©chirĂ© des feuilles que de lĂ -bas, de lâintroduction, partie que personne ne lit.
â De la critique.
â
â
CÄlin Torsan (Brocs en stock (French Edition))
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Ta voix, tes yeux, tes mains, tes lĂšvres,
Nos silences, nos paroles,
La lumiĂšre qui s'en va, la lumiĂšre qui revient,
Un seul sourire pour nous deux,
Par besoin de savoir, j'ai vu la nuit créer le jour sans que nous changions d'apparence,
à bien-aimé de tous et bien-aimé d'un seul,
En silence ta bouche a promis d'ĂȘtre heureuse,
De loin en loin, ni la haine,
De proche en proche, ni l'amour,
Par la caresse nous sortons de notre enfance,
Je vois de mieux en mieux la forme humaine,
Comme un dialogue amoureux, le cĆur ne fait qu'une seule bouche
Toutes les choses au hasard, tous les mots dits sans y penser,
Les sentiments à la dérive, les hommes tournent dans la ville,
Le regard, la parole et le fait que je t'aime,
Tout est en mouvement, il suffit d'avancer pour vivre,
D'aller droit devant soi vers tout ce que l'on aime,
J'allais vers toi, j'allais sans fin vers la lumiĂšre,
Si tu souris, c'est pour mieux m'envahir,
Les rayons de tes bras entrouvraient le brouillard.
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Paul Ăluard
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Puis Ă un moment tu arrĂȘtes de chercher le bonheur, tout simplement parce-que tu te rends compte qu'il Ă©tait juste sous tes yeux depuis le dĂ©but
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Anonymous
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- Sentir Ă nouveau chacune de tes actions... murmura-t-il aprĂšs le passage Ă©troit. C'est fou de voir Ă quel point tu te sers de ton inha pour te guider et nous guider par la mĂȘme occasion.
- Je ne fais que mon devoir. Les Terres sont le premier élément que j'ai maßtrisé, j'ai l'impression d'avoir un lien particulier avec elles.
- Je confirme.
Elle rougit en réalisant qu'il pouvait de nouveau lire en elle. Avoir partagé cette intimité avec Eko et Erkam ne l'avait pas autant bouleversée.
- Le reflet ? lança-t-elle.
- Exactement. C'est un tel soulagement.
Un soupir, bien rĂ©el, accompagna la pensĂ©e de Setrian et une multitude d'images passĂšrent devant les yeux d'Ăriana. DĂ©libĂ©rĂ©ment ou non, il avait laissĂ© s'Ă©chapper des souvenirs dans le inha'roh et elle les avait captĂ©s.
- Le soulagement est partagé, dit-elle doucement.
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Clélie Avit (Gardiens des Feux (Les Messagers des Vents, #3))
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N'aie pas peur. Ferme Tes yeux, donne-moi Ta main et viens, je vais Te montrer tous les sentiers de l'amour que je connais, des sentiers jamais foulĂ©s. Sauvage, le pollen des nuits passera au-dessus de nous et de nos reins monteront les baisers. Viens, dĂ©pĂȘchons-nous.
Quelqu'un guette au coin du lit. Un pressentiment s'Ă©parpille sur les draps qui ont l'air de linceuls. Oh, oĂč fuir, dans quelle courbure de Ton corps m'enfouir et comment T'Ă©treindre pour ne pas mourir - pour ne pas mourir avant d'avoir joui de Toi tout entiĂšre.
~ P 52 - 53
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Nikos Kazantzakis (Le lys et le serpent)
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Quand ma bouche défaille sur Ton corps, j'ai pitié de Tes pauvres lÚvres et de Tes yeux purs et de Ton front blanc et de Ta poitrine qui ne renferme que de l'amour. J'ai pitié de Toi, parce que je Te salis tout entiÚre parce que je sens que mes lÚvres sont souillées et ne sont pas lavées de tous les livres qu'elles ont lus et qu'elles ressemblent à des chenilles qui tachent de leurs baisers, les feuilles des lys.
~ P 55 - 56
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Nikos Kazantzakis
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Je suis debout et Te regarde et je hais la blancheur de Ton front et l'innocence incommensurable de Tes yeux. Tu es blanche et Tu aveugles mes yeux. Je veux me pencher impitoyablement et laisser mon ùme passer au-dessus de Toi et graver des rides dans Ton ùme. Je veux ensanglanter Ton coeur avec le sang des espoirs blessés et inconsolables et avec la déchirure inguérissable des pensées désespérées.
Tu es blanche et tu aveugles mes yeux !
Et je veux Te serrer des nuits entiĂšres entre mes
bras et qu'au matin tu t'en ailles, inconnue et dĂ©sespĂ©rĂ©e avec une blessure inguĂ©rissable dans un coin de Ton coeur et un dĂ©sir infini de mort dans Tes grands yeux si beaux. Façonner Ta pensĂ©e et souiller Ton coeur et jeter Ton Ăąme dans la matrice corrompue oĂč mon Ăąme s'est jetĂ©e. Je me sens la puissance, une nuit, de le corrompre tout entiĂšre. Que tu deviennes un Ă©cho de ma souffrance, une crĂ©ation de la corruption de mon Ăąme, un lys au parfum perdu, au duvet souillĂ© et aux feuilles dĂ©chirĂ©es comme si, toute la nuit, Ă©tait passĂ© sur lui un ouragan sans fin.
~ P 56
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Nikos Kazantzakis (Le lys et le serpent)
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Un dĂ©sir visqueux se traĂźne en moi et cherche Ă
savoir tous les mots obscÚnes que Tu connais. Je veux voir les pudiques lÚvres se profaner sans du tout que lu rougis sans que Tu hésites avec une bouche savante, un regard effronté et un
maintien obscĂšne. Que toutes Tes pensĂ©es impures et Tes courbes lascives et luxurieuses montent en une litanie impudente devant la statue d'Astaroth. Nous cĂ©lĂ©brerons les PriapĂ©es de notre amour, ĂŽ Malheureuse. Je serai immobile devant Toi et je Te regarderai dans les yeux. Ne me cache rien. Ne me cache rien, crache-moi tous les mots obscĂšnes que tu connais. Peut-ĂȘtre mĂȘme pourras-Tu me faire sentir quelque plaisir nouveau et inconnu. Le plaisir du mĂ©pris et du dĂ©goĂ»t et de la profanation d'un amour. Je Te serrerais alors avec l'Ă©treinte des bĂȘtes dans la nuit de leurs ruts. Et je sentirai frĂ©tiller entre mes mains quelque chose de moi, une crĂ©ation de ma souffrance, un corps que j'ai façonnĂ©, moi, et que j'ai corrompu, moi, instrument charnel infonde de mon chagrin et de la corruption profonde et inguerissable de mon esprit. Je Te serrerai enfin toute entiĂšre parce que tu es toute Ă moi et j'Ă©prouvrtai enfin sur Toi ce grand sentiment de triomphe qu'Ă©prouvent les grands ConquĂ©rants et les grands Destructeurs et les CrĂ©ateurs !
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Nikos Kazantzakis (Le lys et le serpent)
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« Si pour un instant Dieu oubliait que je suis une marionnette de chiffon et m'offrait un morceau de vie, je profiterais de ce temps du mieux que je pourrais.
Sans doute je ne dirais pas tout ce que je pense, mais je penserais tout ce que je dirais.
Je donnerais du prix aux choses, non pour ce qu'elles valent, mais pour ce qu'elles représentent.
Je dormirais peu, je rĂȘverais plus, sachant qu'en fermant les yeux, Ă chaque minute nous perdons 60 secondes de lumiĂšre.
Je marcherais quand les autres s'arrĂȘteraient, je me rĂ©veillerais quand les autres dormiraient.
Si Dieu me faisait cadeau d'un morceau de vie, je m'habillerai simplement, je me coucherais à plat ventre au soleil, laissant à découvert pas seulement mon corps, mais aussi mon ùme.
Aux hommes, je montrerais comment ils se trompent, quand ils pensent qu'ils cessent d'ĂȘtre amoureux parce qu'ils vieillissent, sans savoir qu'ils vieillissent quand ils cessent d'ĂȘtre amoureux ! A l'enfant je donnerais des ailes mais je le laisserais apprendre Ă voler tout seul.
Au vieillard je dirais que la mort ne vient pas avec la vieillesse mais seulement avec l'oubli.
J'ai appris tant de choses de vous les hommes⊠J'ai appris que tout le monde veut vivre en haut de la montagne, sans savoir que le vrai bonheur se trouve dans la maniÚre d'y arriver.
J'ai appris que lorsqu'un nouveau-né serre pour la premiÚre fois, le doigt de son pÚre, avec son petit poing, il le tient pour toujours.
J'ai appris qu'un homme doit uniquement baisser le regard pour aider un de ses semblables Ă se relever.
J'ai appris tant de choses de vous, mais à la vérité cela ne me servira pas à grand chose, si cela devait rester en moi, c'est que malheureusement je serais en train de mourir.
Dis toujours ce que tu ressens et fais toujours ce que tu penses.
Si je savais que c'est peut ĂȘtre aujourd'hui la derniĂšre fois que je te vois dormir, je t'embrasserais trĂšs fort et je prierais pour pouvoir ĂȘtre le gardien de ton Ăąme.
Si je savais que ce sont les derniers moments oĂč je te vois, je te dirais 'je t'aime' sans stupidement penser que tu le sais dĂ©jĂ .
Il y a toujours un lendemain et la vie nous donne souvent une autre possibilitĂ© pour faire les choses bien, mais au cas oĂč elle se tromperait et c'est, si c'est tout ce qui nous reste, je voudrais te dire combien je t'aime, que jamais je ne t'oublierais.
Le lendemain n'est sûr pour personne, ni pour les jeunes ni pour les vieux.
C'est peut ĂȘtre aujourd'hui que tu vois pour la derniĂšre fois ceux que tu aimes. Pour cela, n'attends pas, ne perds pas de temps, fais-le aujourd'hui, car peut ĂȘtre demain ne viendra jamais, tu regretteras toujours de n'avoir pas pris le temps pour un sourire, une embrassade, un baiser parce que tu Ă©tais trop occupĂ© pour accĂ©der Ă un de leur dernier dĂ©sir.
Garde ceux que tu aimes prĂšs de toi, dis-leur Ă l'oreille combien tu as besoin d'eux, aime les et traite les bien, prends le temps pour leur dire 'je regrette' 'pardonne-moi' 's'il te plait' 'merci' et tous les mots d'amour que tu connais.
Personne ne se souviendra de toi pour tes pensées secrÚtes. Demande la force et la sagesse pour les exprimer.
Dis Ă tes amis et Ă ceux que tu aimes combien ils sont importants pour toi.
Monsieur Mårquez a terminé, disant : Envoie cette lettre à tous ceux que tu aimes, si tu ne le fais pas, demain sera comme aujourd'hui. Et si tu ne le fais pas cela n'a pas d'importance. Le moment sera passé.
Je vous dis au revoir avec beaucoup de tendresse »
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Gabriel GarcĂa MĂĄrquez
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Your eyes stole at dawn its light. (Tes yeux ont volé - A l'aube sa clarté)
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Charles de Leusse
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No one has seen God, but I have seen your eyes. (Personne n'a vu Dieu, - Mais j'ai vu tes yeux.)
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Charles de Leusse
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Si tu as été aimé, si tu as donné du bonheur ou de l'espérance, il se trouvera forcément quelqu'un, au jour de ta mort, pour te fermer les yeux, quelqu'un pour rassembler tes amis, organiser une veillée et t'entourer de tes souvenirs les plus chers.
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Jacques Attali (Le premier jour aprĂšs moi)
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MĂ©tamorphoses
la nuit je veux l'enrouler autour de moi comme un drap chaud
elle avec ses étoiles blanches, avec sa malédiction grise
avec ses bouts ondoyants, qui traquent les coqs des jours,
je pends dans les charpentes aussi raide qu'une chauve-souris,
je me laisse tomber dans l'air et je pars en chasse.
Homme, j'ai rĂȘvĂ© de ton sang, je te mords jusqu'Ă la blessure,
je me love dans tes cheveux et j'aspire ta bouche.
Au-dessus des tours émondées les cimes du ciel sont noires.
De leurs troncs dénudés suinte de la résine vitreuse
vers des coupes invisibles de porto.
Dans mes yeux marron demeure le reflet,
Avec mes yeux marron doré je pars chercher ma proie,
je capture poisson dans les tombes, celles qui se tiennent entre les maisons
je capture poisson dans la mer : et la mer est une place plus loin
avec des mats brisés, des amours noyés.
Les lourdes cloches du navire sonnent venant de la forĂȘt des algues.
Sous la forme du navire se fige une forme d'enfant,
dans ses mains du limon, au front une lumiĂšre.
Entre nous les eaux voyagent, je ne te garde pas.
DerriÚre des vitres gelées luisent des lampes bariolées et blanches,
des cuillĂšres livides coulent dans le bol, glace multicolore ;
je vous appĂąte avec des fruits rouges, faits avec mes lĂšvres
je suis un petit en-cas dans le gobelet de la nuit.
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Gertrud Kolmar
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Si tu ne crois pas les Ă©crits, va voir le monde de tes propres yeux.
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07Ghosts
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Alongside him, Benedikta was humming a little French song. Belle qui tiens ma vie, captive dans tes yeux⊠Simon noticed how hearing her voice warmed the cockles of his heart. True, he understood only half the words, but the mere sound of the foreign tongue was enough to overwhelm him with wanderlust.
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Oliver Pötzsch (The Dark Monk (The Hangman's Daughter, #2))
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ChĂšre Amy Winehouse,
[...] Quand ton premier album est sorti, tu avais encore l'air innocente, tu Ă©tais une jolie fille qui, dans les interviews, disait se trouver laide. Mais, Ă ton deuxiĂšme disque, on aurait dit que tu t'Ă©tais inventĂ©e un nouveau personnage. Tu montais sur scĂšne dans ta petite robe, en sirotant un verre, avec ta grosse choucroute sur la tĂȘte et tes yeux maquillĂ©s Ă la ClĂ©opĂątre, et tu chantais d'une voix qui tombait comme un torrent de ton corps frĂȘle. Tu portais tes vĂȘtements comme une armure, mais, dans tes chansons, tu te livrais totalement.
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Ava Dellaira (Love Letters to the Dead)
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En haut, au cĆur de la montagne, la Couleuvre rampa et se blottit. LovĂ©e au sein dâune crevasse humide, elle regardait la mer.
Le soleil brillait haut dans le ciel. Dans le ciel les sommets exhalaient leur chaleur. A leurs pieds les vagues venaient se briser...
Au fond dâune gorge noyĂ©e dâobscuritĂ© et dâembruns, dans un tonnerre de pierres, un torrent se prĂ©cipitait vers la merâŠ
Tout en Ă©cume blanche, puissant et grisonnant, il fendait la roche et, hurlant de colĂšre, se jetait dans les flots.
Soudain du ciel, dans la crevasse oĂč la Couleuvre se blottissait, tomba le Faucon, la poitrine dĂ©chirĂ©e, les plumes ensanglantĂ©es...
Dans un cri bref, il sâĂ©tait Ă©crasĂ©, et, plein de colĂšre impuissante, frappait de sa poitrine lâĂąpretĂ© de la pierre...
D'abord, la Couleuvre effrayĂ©e recula, mais bientĂŽt elle comprit que lâoiseau blessĂ© nâavait plus longtemps Ă vivreâŠ
Elle rampa et, fixant le Faucon droit dans les yeux, lui siffla :
- Quoi, voilĂ donc que tu meurs ?
- Oui, je meurs ! lui rĂ©pondit lâoiseau dans un profond soupir. Je meurs mais jâai vĂ©cu dans la gloire !... J'ai connu la fĂ©licitĂ© !⊠Jâai combattu vaillamment !⊠J'ai vu le ciel comme jamais tu ne sauras tâen approcher !... Pauvre crĂ©ature !
- Le ciel !?⊠Qu'est-ce le ciel pour moi ? Un espace vide oĂč je ne puis ramper. Ici je me sens bien : il y fait si douillettement chaud et humide !
Ainsi rĂ©pondit la Couleuvre Ă l'oiseau Ă©pris de libertĂ©, gloussant au fond dâelle-mĂȘme de devoir Ă©couter de pareilles sornettes.
Ainsi pensait lâophidien : "Quâon vole ou bien quâon rampe, chacun connaĂźt ici la fin : tous nous reposerons sous terre et tout finira en poussiĂšre..."
Mais le Faucon tenta de se soulever, dressa la tĂȘte et porta son regard alentour.
Au fond de cette gorge, dans cette obscuritĂ©, l'eau suintait entre les pierres grises, lâair Ă©tait suffocant et puait la charogne.
Alors le Faucon rassemblant toutes ses forces laissa Ă©chapper un cri de douleur et de chagrin :
- Oh, que ne puis-je une derniĂšre fois mâenvoler et rejoindre le ciel ! LĂ , jâĂ©treindrais mon ennemi⊠contre ma poitrine et... il sâĂ©toufferait de mon sang ! Ă, Ivresse de la bataille !...
Lâentendant ainsi gĂ©mir la Couleuvre se dit : "Comme il doit ĂȘtre bon de vivre dans le ciel !"
Elle proposa Ă lâoiseau Ă©pris de libertĂ© : "Va, approche-toi du gouffre et prĂ©cipite-toi dans le vide. Et qui sait ? tes ailes te porteront. Ainsi te sera-t-il donnĂ© de vivre encore un instant dans ce monde qui est le tien."
Le Faucon frĂ©mit et fiĂšrement dans un cri s'approcha de lâabĂźme, sâagrippant de ses griffes, rampant sur la pierre glissante.
Arrivé au bord du précipice, il déploya ses ailes, prit une profonde inspiration ; ses yeux clignÚrent plusieurs fois et il se jeta dans le vide.
Il tomba plus vite quâune pierre et se brisa les ailes, dĂ©valant et roulant sur les roches, y laissant ses plumesâŠ
Le flot du ruisseau le saisit, le lava de son sang et lâinondant dâĂ©cume lâemporta vers la mer.
Dans un rugissement de douleur, les vagues amĂšres battaient contre les pierres... Le corps de lâoiseau Ă tout jamais disparut dans le vaste ocĂ©an⊠»
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Maxime Gorki (Le bourg d'Okourov)
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En haut, au cĆur de la montagne, la Couleuvre rampa et se blottit. LovĂ©e au sein dâune crevasse humide, elle regardait la mer.
Le soleil brillait haut dans le ciel. Dans le ciel les sommets exhalaient leur chaleur. A leurs pieds les vagues venaient se briser...
Au fond dâune gorge noyĂ©e dâobscuritĂ© et dâembruns, dans un tonnerre de pierres, un torrent se prĂ©cipitait vers la merâŠ
Tout en Ă©cume blanche, puissant et grisonnant, il fendait la roche et, hurlant de colĂšre, se jetait dans les flots.
Soudain du ciel, dans la crevasse oĂč la Couleuvre se blottissait, tomba le Faucon, la poitrine dĂ©chirĂ©e, les plumes ensanglantĂ©es...
Dans un cri bref, il sâĂ©tait Ă©crasĂ©, et, plein de colĂšre impuissante, frappait de sa poitrine lâĂąpretĂ© de la pierre...
D'abord, la Couleuvre effrayĂ©e recula, mais bientĂŽt elle comprit que lâoiseau blessĂ© nâavait plus longtemps Ă vivreâŠ
Elle rampa et, fixant le Faucon droit dans les yeux, lui siffla :
- Quoi, voilĂ donc que tu meurs ?
- Oui, je meurs ! lui rĂ©pondit lâoiseau dans un profond soupir. Je meurs mais jâai vĂ©cu dans la gloire !... J'ai connu la fĂ©licitĂ© !⊠Jâai combattu vaillamment !⊠J'ai vu le ciel comme jamais tu ne sauras tâen approcher !... Pauvre crĂ©ature !
- Le ciel !?⊠Qu'est-ce le ciel pour moi ? Un espace vide oĂč je ne puis ramper. Ici je me sens bien : il y fait si douillettement chaud et humide !
Ainsi rĂ©pondit la Couleuvre Ă l'oiseau Ă©pris de libertĂ©, gloussant au fond dâelle-mĂȘme de devoir Ă©couter de pareilles sornettes.
Ainsi pensait lâophidien : "Quâon vole ou bien quâon rampe, chacun connaĂźt ici la fin : tous nous reposerons sous terre et tout finira en poussiĂšre..."
Mais le Faucon tenta de se soulever, dressa la tĂȘte et porta son regard alentour.
Au fond de cette gorge, dans cette obscuritĂ©, l'eau suintait entre les pierres grises, lâair Ă©tait suffocant et puait la charogne.
Alors le Faucon rassemblant toutes ses forces laissa Ă©chapper un cri de douleur et de chagrin :
- Oh, que ne puis-je une derniĂšre fois mâenvoler et rejoindre le ciel ! LĂ , jâĂ©treindrais mon ennemi⊠contre ma poitrine et... il sâĂ©toufferait de mon sang ! Ă, Ivresse de la bataille !...
Lâentendant ainsi gĂ©mir la Couleuvre se dit : "Comme il doit ĂȘtre bon de vivre dans le ciel !"
Elle proposa Ă lâoiseau Ă©pris de libertĂ© : "Va, approche-toi du gouffre et prĂ©cipite-toi dans le vide. Et qui sait ? tes ailes te porteront. Ainsi te sera-t-il donnĂ© de vivre encore un instant dans ce monde qui est le tien."
Le Faucon frĂ©mit et fiĂšrement dans un cri s'approcha de lâabĂźme, sâagrippant de ses griffes, rampant sur la pierre glissante.
Arrivé au bord du précipice, il déploya ses ailes, prit une profonde inspiration ; ses yeux clignÚrent plusieurs fois et il se jeta dans le vide.
Il tomba plus vite quâune pierre et se brisa les ailes, dĂ©valant et roulant sur les roches, y laissant ses plumesâŠ
Le flot du ruisseau le saisit, le lava de son sang et lâinondant dâĂ©cume lâemporta vers la mer.
Dans un rugissement de douleur, les vagues amĂšres battaient contre les pierres... Le corps de lâoiseau Ă tout jamais disparut dans le vaste ocĂ©anâŠ
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Maxime Gorki
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Si tu veux voir clairement la part de victoire dans ton Ă©chec n'embrume pas tes yeux
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Arnaud Segla (Le Cri de la Calebasse: I. ArĂŽme antique (French Edition))
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[The curve of your eyes]
La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que jâai vĂ©cu
Câest que tes yeux ne mâont pas toujours vu.
Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumiĂšre,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs,
Parfums Ă©clos dâune couvĂ©e dâaurores
Qui gĂźt toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dĂ©pend de lâinnocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.
***
The curve of your eyes goes around my heart,
A round of dance and sweetness,
Halo of time, nocturnal and safe cradle,
And if I donât know any more all that Iâve lived through
Itâs because I havenât always been seen by you.
Leaves of day and scum of dew,
Reeds of the wind, perfumed smiles,
Wings covering the world with light,
Ships filled with the sky and the sea,
Hunters of noises and sources of colours,
Perfumes bloomed from a brood of dawns
That always lies on the straw of the stars,
As the day depends on innocence
The whole world depends on your pure eyes
And all my blood flows in their looks.
Paul Ăluard , LâAmour la poĂ©sie (1929) Translated by Anne-Charlotte Husson
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Paul Ăluard
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Cendrillon
Ă mon intime amour, timide Cendrillon
Qui chante dans mon Ăąme au cri-cri du grillon,
Seule prÚs du foyer désert ! quand par le monde
Les passions, tes sĆurs, mĂšnent leur folle ronde,
J'entends fluer le bruit tournant de ton fuseau
Comme un gazouillement d'onde autour du roseau.
Dans l'ombre que ta robe en haillons illumine,
Ta quenouille s'appuie au creux de ta poitrine,
Tu prends la cendre et l'or Ă©pars dans tes cheveux
Pour les mĂȘler au fil de ton travail frileux ;
Le froid ne te fait rien ni l'obscure demeure,
Car, lorsque le clocher s'Ă©meut et te dit l'heure,
Ta marraine la fée apparaßt sur le seuil ;
Tu dĂ©pouilles alors tes vĂȘtements de deuil,
Et par ton doux désir tendrement poursuivie
Tu marches dans la fĂȘte et l'ardeur de la Vie.
Mignonne ! Il est minuit, de grĂące, hĂąte-toi !
Car il t'attend lĂ -bas, le pĂąle fils du roi,
Il s'accoude au balcon de son palais de songe
Pour voir venir vers lui le radieux mensonge,
Ton char aĂ©rien et tes frĂȘles coursiers,
Et, tel un rais de lune au front bleu des glaciers,
Le frisson de ta robe oĂč la neige se joue.
L'attente de l'aurore attriste un peu ta joue,
Et, comme un noble amour qui souffre d'ĂȘtre humain,
Ta grĂące sait cacher la crainte du destin.
Ă ma Cendrillon, cours vers la fĂȘte rapide,
Ris de voir scintiller ta parure Ă©vanide,
Et tourne sous les yeux des passions, tes sĆurs !
Toi qui flottes en moi par les soirs oppresseurs,
Belle création de mon ùme enfantine,
Symbole dont le sens Ă m'enivrer s'obstine,
Rien ne t'empĂȘchera d'ĂȘtre reine et d'aimer.
Quand les étoiles sont au céleste verger
Comme des fruits pendus Ă d'invisibles branches,
Tu passes dans l'air noir avec des robes blanches.
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Elena VÄcÄrescu (CĂźntec RomĂąnesc)
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Le poĂšme flottant
Je me tiens devant la baraque bleue.
Moi, lâadroit, lâhabile, le rusĂ©,
j'ai fini le poĂšme ainsi :
« Sous la calotte du fou grande comme le pré de la mer
grésille et ronronne doucement le mécanisme du destin. »
Et je ne le regrette pas maintenant
quand tes yeux, presque sauvés de l'aveuglement,
sautent comme deux petites grenouilles
d'un mot Ă l'autre
d'une strophe Ă l'autre
dans ce poĂšme flottant.
(p. 19)
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Ion MureĆan (Le mouvement sans coeur de l'image)
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Si fraĂźcheâŠ
Si fraßche, en moi réveilles
Le blanc des fleurs du cerisier,
Et sur la terre, aux anges pareille,
Devant moi tu apparais.
Tapis que tu effleures Ă peine,
Ă tes pieds frissonne la soie,
Et de la tĂȘte jusqu'Ă la traĂźne
D'un simple rĂȘve, tu as le poids.
Issue des plis de ton vĂȘtement,
D'un marbre tu prendrais la place,
Dans tes yeux, dont je dépends,
Les larmes amplifiaient la grĂące.
Ă, rĂȘve heureux de mon amour,
Ma fiancée venue des contes,
ArrĂȘte ! Si tu souris toujours,
De ta douceur, je me rends compte,
Et combien forte tu serais
Ă m'ombrager toujours la vue,
Par des paroles murmurées,
Par les Ă©treintes des bras nus.
Et brusquement, une pensée sage
Voile la braise de tes regards :
C'est le désir qui les ombrage,
C'est le renoncement noir.
Et tu t'en vas⊠je comprends :
Ne pas suivre mon bonheur,
Et je te perds Ă©ternellement,
Ma douce fiancĂ©e du cĆur !
C'est mon péché de t'avoir vu,
Je ne pourrais jamais m'absoudre,
Je veux l'expier, la main tendue,
En vain, dans le désert de poudre.
Et tu m'apparaĂźtras, icĂŽne,
De la Vierge de tous les temps,
Et sur ton front portant couronne ;
Pourquoi partir ? Et tu viens quand ?
(traduit par Elisabeta Isanos)
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Mihai Eminescu
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Terrorisme
au-delĂ de tes forces
aprÚs avoir écouté les nouvelles,
retrouve ton Ă©quilibre
regardant les soldats-enfants
tout droit dans les yeux
et priantâŠ
en roumain, en hébreu
te disant sans cesse que
DIEU CHOISIRA POUR NOUS !
les paroles justes
de chacune des langues
qui les comprendra
et nous les rendra sur terre
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Bianca Marcovici
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SUR LA ROUTE UN ARBRE
Sur la route il est un arbre
Qui reste ployé
Et tous les oiseaux de l'arbre
Se sont égaillés.
Trois vers l'ouest et trois vers l'est
Et le reste au sud
Laissant l'arbre Ă la tempĂȘte
Ă la solitude.
Je dis Ă ma mĂšre : Ă©coute
Si tu n'y fais rien,
Ni une ni deux, ma mĂšre
Oiseaux je deviens !
Je veux m'asseoir sur cet arbre
Je le bercerai,
L'hiver de belles complaintes
Le consolerai.
MĂšre dit : nenni, mon fils !
Et ses pleurs ruissellent
Tu pourrais, hélas, sur l'arbre
Prendre froid mortel !
Je dis : MĂšre, c'est dommage
Pour tes yeux si beaux
Et avant qu'on s'en avise
Je suis un oiseau.
Geint la mĂšre : Itsik, mon Ăąme,
Au nom de Dieu, tiens,
Prends au moins ce petit chĂąle
Et couvre-t'en bien,
Emporte avec toi tes bottes
Rude, l'hiver vient,
Mets ton bonnet de fourrure
Quel malheur est mien !
Emporte aussi ton chandail
Et mets-le, vaurien,
Si tu ne veux ĂȘtre l'hĂŽte
De tous les défunts !
Qu'il est dur de lever mes ailes,
Trop de choses, trop
Tu mis sur le corps, ma mĂšre,
Du fragile oiseau.
Et tristement je regarde
En ses yeux si beaux,
Son amour mĂȘme m'empĂȘche
De devenir oiseau.
(p. 418-419 de L'Anthologie de la poésie yiddish de Charles Dobzynski)
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Itzik Manger
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à que cet instant soit l'éternité immuable
toujours, toujours devant moi ton corps tellement beau,
comme des musiques lointaines qui s'élÚvent exaltées
entre lumiÚres fluides et vapeurs irisées.
Je veux incliner mon front et tâembrasser les mains
tandis que dans tes yeux passe un jardin inouĂŻ,
un lieu de volupté dans lequel la pensée
sombre dans des eaux trĂšs douces et dans un rĂȘve.
Et m'approcher de tes lĂšvres et connaĂźtre la mort,
un espace dâanges, l'oubli.
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Juan Rodolfo Wilcock
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Maman, jâai tout acceptĂ©, jâai toujours Ă©tĂ© de ton cĂŽtĂ©, je tâai donnĂ© raison jusque dans tes injustices les plus flagrantes, jâai supportĂ© ta jalousie parce que je comprenais que tu attendais davantage de lâexistence, jâai endurĂ© que tu mâen veuilles des compliments des autres et que tu me le fasses payer, jâai tolĂ©rĂ© que tu montres ta tendresse Ă mon frĂšre alors que tu ne mâen as jamais tĂ©moignĂ© une miette, mais lĂ , ce que tu fais devant moi, câest mal. Une seule fois, tu mâas aimĂ©e, et jâai su quâil nây avait rien de meilleur en ce monde. Je pensais que ce qui tâempĂȘchait de me manifester ton amour, câĂ©tait que je sois une fille. Or, Ă prĂ©sent, sous mes yeux, lâĂȘtre que tu arroses de lâamour le plus profond que tu aies jamais manifestĂ©, câest une fille. Mon explication de lâunivers sâĂ©croule. Et je comprends que, tout simplement, tu mâaimes Ă peine, tu mâaimes si peu que tu ne penses mĂȘme pas Ă dissimuler un rien ta passion folle pour ce bĂ©bĂ©. La vĂ©ritĂ©, maman, câest que sâil est une vertu qui te manque, câest le tact.
â
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AmĂ©lie Nothomb (Frappe-toi le cĆur)
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Dialogue
Tandis que je te parlais, avec ma pensĂ©e jâĂ©tais,
Bien loin, dans une forĂȘt de pins,
Tandis que je te parlais, mes mots se perdaient
Dans la profondeur de tes yeux trop bruns.
Leur ombre Ă©tait pareille Ă la forĂȘt au coucher
Surpris et Ă©tonnĂ©s quâils Ă©taient de recevoir une veste,
Réchauffés par la jeunesse du printemps qui les enveloppait,
Profonds, tels le zĂ©nith vu du haut des crĂȘtes !
Tandis que je te parlais miroirs magiques
Tes regards me semblaient
Porteurs dâimages dans les lĂ©gendes dĂ©robĂ©es,
Humaine attention, surprises songeant,
luttant,
aimant
ou bien priant.
(1961)
*
Dialog
ĂÈi vorbeam Èi cu gĂąndul eram mai
departeântrâo pÄdure de cedrii,
ĂÈi vorbeam Èi cuvintele mi se pierdeau
Ăźn ochii tÄi mult prea negrii,
UmbroÈi ca pÄdureaân amurgul ĂźnserÄrii,
SurprinÈi Èi miraÈi parcÄ de primirea unei veste,
Calzi de-nvÄluirea tinereascÄ a primÄverii,
AdĂąnci, aidoma zenitului vÄzut din Ăźnaltul de creste!
ĂÈi vorbeam Èi privirile tale
Ămi pÄreau oglinzi fermecate
Ce-aduc imagini furate din legende,
Priviri umane , surprinse gĂąndind,
luptĂąnd,
iubind,
sau rugĂąndu-se.
â
â
Serge Almajeanu
â
[âŠ] quand tu lis un livre, de temps en temps, arrĂȘte ta lecture et ferme tes yeux. Passe du temps Ă rĂ©flĂ©chir, Ă rĂȘver entre les lignes. Avec une seule page, tu as de quoi tâĂ©vader pendant longtemps. Tu verras que les mots que tu viens de dĂ©couvrir seront encore plus beaux, quâils parleront davantage Ă ton cĆur.
Jâai fermĂ© les yeux pour mieux Ă©couter ce quâil me disait.
â Si tu fermes les yeux un matin de printemps, tu entendras les bourgeons qui Ă©clatent au soleil.
Avec sa grosse main, papa me caressait doucement les cheveux.
â Quand tu manges quelque chose de bon, ferme les yeux et tu en apprĂ©cieras encore mieux la saveur.
â
â
Yves Montmartin (Brindille)
â
Aveuglé par ta lumiÚre,
Submergé par mes ténÚbres,
Quelle Ă©trange atmosphĂšre..
Pour mes désirs funÚbres.
Prends-la, prends-la, prends-la.
Quand nous Ă©tions enfants,
Ta beauté me faisait déjà pleurer,
Tes yeux me faisaient déjà saigner,
Tu flottais comme une plume,
Dans un monde merveilleux.
Et je tombais comme une enclume,
Dans un univers dangereux.
Soumets-la, soumets-la, soumets-la.
Rasoir, couteau et corde,
Pour te saigner jusqu'Ă veine.
Ătrangler, brise et mordre,
Je t'aurai quoiqu'il advienne...
Tue-la, tue-la, tue-la.
Ăa m'est Ă©gale si ça fait mal,
Je veux prendre le contrĂŽle,
De ton corps affamé,
De ton cĆur cadenassĂ©,
De ton ùme déchirée,
Et surtout, je veux que tu me remarques,
Que mon absence te marque.
Ătre spĂ©cial pour toi,
Comme tu l'es pour moi.
Rose de toute clarté, fanée par mes péchés.
Pour te voler ton souffle,
Mes mains te serrent le cou.
Pour te dérober ton éternité,
Mes doigts t'Ă©crasent la gorge.
GĂ©mir, prier, supplier.
Je n'ai pas de pitié,
L'abandon dans la perte,
La soif dans le sang,
Ton nom sur une tombe...
C'est l'Ă©pitaphe de mon amour.
Avec ta mort,
Mon fantasme devient réalité.
Et moi, j'en veux encore...
Plus personne ne peut m'arrĂȘter.
â
â
Océane Ghanem (Serial Fucker)
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Il baissa les yeux sur ses gants noirs.
â Si nos places Ă©taient inversĂ©es, tu saurais dĂ©jĂ tout. Je tâai soutirĂ© tes secrets. Alors, de quel droit garderais-je les miens ?
â Câest ton droit, insista Lily sur un ton impassible.
Il Ă©clata dâun rire qui frĂŽlait le sanglot, et elle le rejoignit de lâautre cĂŽtĂ© de lâhabitacle.
Il posa la tĂȘte contre sa poitrine et elle enfouit les doigts dans ses cheveux de velours.
â Je ne te mĂ©rite pas, dit-il, son souffle chaud contre sa clavicule.
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Jacquelyn Benson (The Shadow of Water (The Charismatics, #2))
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C'est vraiment tout ce que ce prince représente à tes yeux ? Un trophée à décrocher ? Un baume pour apaiser ton orgueil blessé ? L'occasion de prouver ta force, de montrer combien de spectres tu es capable de vaincre sans l'aide de personne ?
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Nicki Pau Preto (Bonesmith (House of the Dead, #1))
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â Ă Lune Noire, sache que je tâai attendue. Non, mon attente nâa pas Ă©tĂ© pieuse et bercĂ©e dâune fĂ©licitĂ©e bĂ©ate. Mes espoirs, je les ai conservĂ©s contre moi en affrontant les tempĂȘtes de la nature. Mes craintes, je les ai endossĂ©es avec peine et, souvent, elles mâont valu dâĂ©pouvantables souffrances. Quant Ă mes croyances, elles chancĂšlent chaque jour, avançant fĂ©brilement sur la crĂȘte dâune montagne acĂ©rĂ©e. Non, belle Lune Noire, je nâai pas Ă©tĂ© le dĂ©vot infaillible. Jâai encaissĂ© les douleurs et jâen ai souvent questionnĂ© la cause, me demandant si les dieux veillaient vraiment sur lâindigent que je suis... Jâai interrogĂ© lâOcĂ©an CĂ©leste, jâai invoquĂ© le Grand PĂȘcheur dans les moments de dĂ©tresse, et jâai remerciĂ© les Constellations Silencieuses lorsque le sort mâĂ©tait propice. Mais jamais, jamais je nâai obtenu de rĂ©ponse. Pas un signe. Pas une faveur, pas une mise en garde. Rien ! Alors jâai continuĂ© Ă croire et jâai contemplĂ© chacun de tes croissants. Jâai chĂ©ri chaque pas sous lâĂ©clat argentĂ© de ta lumiĂšre. Mais, peu Ă peu, je suis forcĂ© dâadmettre que mon regard est tombĂ© et que jâai plus souvent observĂ© mes pieds que ta robe. Nuit aprĂšs nuit, ma foi sâest faite tĂ©nue⊠Et je regrette, aujourdâhui, dâavoir parfois pensĂ© que lâinterposition ne viendrait pas. Que lâĂ©clipse nâĂ©tait quâune fable, quâun rĂȘve mal placĂ© dans mon esprit puĂ©ril. Un rĂȘve idiot qui avait induit les sages en erreurâŠ
Comme je regrette ! Comme je suis confus et contrit de dĂ©couvrir, Ă prĂ©sent, que le tort sâĂ©tait saisi de moi⊠La puissance de ton ombre est manifeste : FeâRah Grundt ne peut que sâincliner ! Quant Ă ton aura⊠Quelle⊠Quelle splendeur ! Jâai devant mes yeux la plus magnifique fantasmagorie quâil mâait Ă©tĂ© donnĂ© de voir. Câest tellement plus grandiose que dans mon rĂȘve. Et, plus sublime encore que dans mes tentatives dâimagination Ă©veillĂ©e ! LâĂ©clipse⊠LâĂ©clipse est assurĂ©ment le tournant de mon existence, jâen suis convaincu. Car mĂȘme si tu me rĂ©pudies, mĂȘme si tu mâignores, mĂȘme si tu te contraries de mes paroles et choisis de mâen punir, je serai â Ă superbe Lune Noire â Ă jamais changĂ©, en mon ĂȘtre tout entier, de tâavoir pu observer.
Sur ces paroles fiĂ©vreuses et enflammĂ©es dâun amour sincĂšre dont il sâignorait capable, Welihann se tait puis pose un genou Ă terre. Les yeux brillants, il plonge dans la noirceur du cercle magique et cligne le moins possible des paupiĂšres, bien dĂ©cidĂ© Ă ne pas en perdre la moindre miette. Le spectacle, dâune beautĂ© enivrante, le transporte et ranime toute sa foi. Il se sent transpercĂ© de lĂ©gendes, envahi de gloire, portĂ© en avant par les chants des AncĂȘtres, pĂ©nĂ©trĂ© par les mille gĂ©nĂ©rations lâayant prĂ©cĂ©dĂ©, ayant foulĂ© ces steppes, ayant grimpĂ© ces concrĂ©tions, sâĂ©tant faufilĂ©s entre les prĂ©dĂ©cesseurs de ces arbres⊠Il est Welihann, il est les Anciens, il est le PassĂ© et lâAvenir de son peuple. Il convoie en son ĂȘtre la culture dâune tribu et voyage Ă dos de rĂȘves sur les Ă©paules du monde. Il nâest plus quâun avec la Nature et devient, loin, au fond de lui, le messager des MĂŒkâAtah. Le pourvoyeur de Vie, façonnĂ© dâAmour et disposĂ© Ă embrasser la Mort. Il est Welihann, lâenfant au destin diffĂ©rent, lâenfant libre et sans chemin tracĂ©, capable dâouvrir sous chacun de ses pas, les pages de chapitres interdits, inconnus, impossibles ou dĂ©sirĂ©s. Il est Welihann, lâenfant-homme, lâenfant-frĂšre, le frĂšre-homme que personne nâattend et que tout le monde espĂšre, le prophĂšte malvenu, le maudit habitĂ© par la fortune.
Il est Welihann et il sait, Ă prĂ©sent, combien son destin compte, combien lâĂ©clipse importe. Il est Welihann et il sait que son nom promet et devine que son sort ne sera rien de moins quâexceptionnel.
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Alexandre Jarry (Sous les constellations silencieuses (Les Apothéoses))
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The leisurely train journey down through the center of la belle France in spring had invigorated her, the food was heavenly, and her buoyancy at their arrival in Nice, storm or no storm, was catching. EsmĂ© burst into song: âSi mystĂ©rieux / De tes traĂźtres yeux / Brillant Ă travers leurs larmes.
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Tessa Arlen (A Dress of Violet Taffeta)
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Alors, elle cherche comment aller plus loin, et si tu ne fais pas trĂšs attention
elle finit par atteindre son but, elle se glisse dans ta tĂȘte pour te noyer, et quand
elle a rĂ©ussi, elle sâenfuit par tes yeux pour aller noyer quelquâun dâautre. Ne
mens pas, je lâai vue la pluie dans tes yeux, tu as eu beau essayer de la retenir en
toi, câĂ©tait trop tard, tu lâas laissĂ©e entrer, tu as perdu !
[...]
â Elle est dangereuse cette pluie-lĂ , parce que dans ta tĂȘte elle enlĂšve des bouts
du cerveau, tu finis par renoncer et câest comme ça que tu meurs.
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Marc Levy (OĂč es-tu ?)
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CâĂ©tait comme si tout Ă coup une vanne sâĂ©tait ouverte en toi pour libĂ©rer les eaux noires de la dĂ©mence. Ce matin-lĂ , tu avais failli pour de bon perdre pied et tes yeux Ă©taient ceux dâun oiseau aveugle et sourd qui se cogne avec rage contre les barreaux de sa cage
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Abdelkader DjemaĂŻ (Un moment d'oubli (CADRE ROUGE) (French Edition))
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Lâamour chante, silencieux,
Les ténÚbres ouvrent tes yeux.
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Henri Barbusse (Pleureuses: Poésies)
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Le plus terrifiant dans la mort, ce nâest pas lâincertitude, câest de savoir quâon disparaĂźt aux yeux du monde. Alors, permets-moi dâexister aux tiens : ne mâoublie pas. MalgrĂ© toutes tes existences passĂ©es et tes vies futures, malgrĂ© les alĂ©as de tes incroyables aventures, de ton passĂ© tragique et de ton avenir secret, de tes tribulations entre ici et lĂ -bas, malgrĂ© tous les destins croisĂ©s et les personnalitĂ©s qui auront marquĂ©es ton quotidien, rappelle-toi de la fillette que tu fascinais tant et de la femme qui a Ă©tĂ© ton alliĂ©e, ta confidente et ton amie durant ces derniers jours.
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Cameron Valciano (Tant que vole la poussiĂšre)
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Jâobserve les mouvements de mon esprit, lâattachement, la peine, la colĂšre et la frustration. Mes Ă©motions dĂ©filent devant les yeux de ma conscience et une effrayante rĂ©alitĂ© se confirme en cet instant, le Bouddha avait raison ! Il est possible de ne plus souffrir, il est possible de ne pas ĂȘtre bouleversĂ© par les Ă©vĂ©nements qui se dĂ©roulent dans notre vie. Je reconnais lâaspect Ă©phĂ©mĂšre de mes pensĂ©es et de mes Ă©motions, je reconnais ma responsabilitĂ© face aux choix qui sâoffrent Ă moi. Je peux choisir de souffrir et dâĂȘtre attachĂ© Ă ces pensĂ©es nĂ©gatives et destructrices ou je peux choisir dâaccepter cette situation et laisser se dissoudre ces nuages qui assombrissent mon esprit.
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FrĂ©dĂ©ric Deltour (Ecoute ton coeur et vis tes rĂȘves!!! SantĂ©, SĂ©rĂ©nitĂ©, SuccĂšs: Guide pratique de SantĂ© et Bien-ĂȘtre, Forme et DĂ©tente, Confiance en soi et Estime de soi, ... Psychologie. t. 2) (French Edition))
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E tu pur volgi
Dai miseri lo sguardo ; e tu, sdegnando
Le sciagure e gli affani, alla reina
Felicita servi, o natura. In cielo,
In terra amico agl'infelici alcuno
E rifugio non resta altro che il ferro.
Mais toi aussi tu détournes
Tes yeux des malheureux, ĂŽ nature, MĂ©prisant les disgrĂąces, les peines,
Tu ne sers que le bonheur, ce souverain.
Dans le ciel, sur la terre, il n'est au malheureux
D'autre ami, d'autre refuge, que le fer.
(La vita solitaria, la vie solitaire)
â
â
Giacomo Leopardi (Canti)
â
Combien dâamours ont fait crier ton lit ?
Combien dâannĂ©es ont ridĂ© tes yeux ?
Qui a vidé tes seins épuisés ?
Je tâai regardĂ© avec mes yeux de plomb
Et mes illusions ont éclaté
Laissant derriĂšre elles
Ta vieillesse
Qui ne peut répondre à mes questions.
â
â
Joyce Mansour
â
Que mes seins te provoquent
Je veux ta rage.
Je veux voir tes yeux sâĂ©paissir
Tes joues blanchir en se creusant.
Je veux tes frissons.
Que tu Ă©clates entre mes cuisses
Que mes désirs soient exaucés sur le sol fertile
De ton corps sans pudeur.
â
â
Joyce Mansour
â
Je lui jetai un regard dédaigneux.
- Est-ce que tu réalises que tu n'es pas dans ton état normal ? Que des émotions, des sentiments submergent ton esprit et te rendent complÚtement irrationnel ?
- Pourquoi ? Parce que je veux chĂątier un parjure et un traĂźtre ? cracha-t-il.
- Non. Parce que tu es sous l'emprise de la jalousie.
- c'est ridicule, un vampire de mon Ăąge ne ...
Je levai la main pour l'interrompre.
- Ah non ? Alors comment expliques-tu l'insanité de ton comportement ? Réfléchis une seconde, Raphaël. Tu m'as dit qu'à mon contact, tu retrouverais petit à petit tes émotions humaines, tes sentiments... pourquoi la jalousie n'en ferait-elle pas partie ?
Puis soudain il se tut et ses yeux s'écarquillÚrent comme s'il venait d'avoir une révélation.
- Non, ce n'est pas possible, je ne peux pas... ce n'est pas... enfin je ne ressens pas...
Il respira profondément, planta ses yeux de nacre dans les miens et les tremblements qui me secouaient un peu plus tÎt cessÚrent brutalement.
- C'est douloureux, dit-il.
Je hochai la tĂȘte.
- Oui. Les émotions sont douloureuses. C'est pour cette raison qu'on apprend trÚs tÎt aux Vikaris à ne rien ressentir. On ne peut posséder un pouvoir comme le nÎtre en se laissant guider par elles ou par ses impulsions, c'est trop dangereux.
- Je suis un maßtre en matiÚre de contrÎle, toutes mes décisions sont rationnelles et réfléchies, fit-il d'un ton aigre.
Je levai les yeux au ciel.
- Comment Ă©tais-tu quand tu Ă©tait humain ? Je veux dire, Ă©tais-tu impulsif, possessif, violent... ?
Ses pupilles blanches reprirent leur couleur bleutée.
- Le vampire a effacé l'homme depuis trop longtemps pour que je puisse m'en souvenir, Rebecca.
- Eh bien je t'annonce que "l'homme" comme tu dis, est en train de pointer son nez Ă nouveau, qu'il a un caractĂšre Ă©pouvantable, des tendances homicides et qu'il ne supporte pas que quelqu'un essaie de piquer sa petite amie, raillai-je.
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Cassandra O'Donnell (Pacte de sang (Rebecca Kean, #2))
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Extraits du poĂšme: A mon Ăąge si ancien...
...Le sel de tes yeux ne peut quâassĂ©cher les vaines moissons
De labours dont ne germera pas la graine
Que ton Ăąge ancien nây changera rien.
Rien !
Rien !
Rien !
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Abdou Karim GUEYE Poésie Comme un amas de pyramides inversées
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Est-ce qu'il t'aime, lui? A-t-il jurĂ© de passer sa vie avec toi? [...] Te tient-il la main trĂšs trĂšs fort en traversant les carrefours? A-t-il l'air sĂ©rieux et attentif quand tu lui racontes les milles petits Ă©vĂ©nements de ta vie? Ses yeux se mouillent-ils en Ă©coutant l'histoire de ton enfance qui, comme toutes les enfances, est parsemĂ©e de joies et d'angoisses? Est-ce que tes larmes qui fatiguaient les tiens par leur frĂ©quence et leur abondance ont par contre beaucoup de pouvoir sur lui? Dans tes moments de tristesse, te serre-t-il dans ses bras, en poussant des soupirs lourds, comme s'il souffrait plus que toi-mĂȘme? Bondit-il comme un enfant en apprenant tes succĂšs? Est-ce qu'il s'empresse de te faire connaĂźtre Ă ses meilleurs amis et Ă ses parents? ExagĂšre-t-il quelquefois, poussĂ© par une faiblesse d'amoureux, tes qualitĂ©s devant les autres? Peux-tu lui montrer tous tes caprices et tes dĂ©fauts sans crainte de le faire reculer? [...] Je ne crois pas qu'il existe des amours plus vraies et plus touchantes que le nĂŽtre.
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Ying Chen (Les Lettres Chinoises)
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Quasi sonnet
Pourquoi, à chaque fois que je le vois devant moi dans la rue ou qu'il me semble percevoir son dos dans la foule parmi les épaules, les sacs à main et les vitrines un effroi atroce m'envahit une chaleur étrange, une nausée et contre mon gré je traverse la rue comme un éclair ?
LÚs sphÚres de mes yeux s'assombrissent ; les pupilles tremblent et s'éteignent ; un tunnel froid ouvre en moi son entonnoir qui mÚne au chaos. Comme si l'approche de son visage, tellement désirée signifiait la fin, la destruction.
Qui a peur de toi en moi ? Et de quoi aurait-il peur au juste ? Et pourquoi, s'il a peur, te désire-t-il si fort ?
Mes pupilles s'assombrissent ; un chaos froid m'absorbe ; une sorte de vide ; un tourbillon brûlant fait fondre ma chair et mes habits ; et soudain, contre mon désir, je traverse la rue.
Comme si l'approche de mon corps, tant rĂȘvĂ©e Ă©tait semblable Ă la chute du petit Ă©lectron dans son noyau ou Ă la chute d'une planĂšte trop lourde sur son astre brusquement avalĂ©e par une immense obscuritĂ©.
De quelle antimatiÚre est fait ton regard ? Et quel signe à moi opposé portent tes mains ? Quelle négation vibrante ressent la négation que je suis ?
Comme si en nous touchant j'arrivais au bout de mon Ă©volution. Comme si en nous unissant l'univers s'arrĂȘta brusquement en sa lente dĂ©figuration ; son orchidĂ©e Ă©parpillĂ©e se rĂ©sorberait instantanĂ©ment en un point le point mourait tout heureux.
Mes yeux les sphĂšres pensives s'assombrissent ; un chaos lumineux m'absorbe une sorte de vide et je traverse la rue.
Qui veut se détruire à travers toi en moi ? Qui veut s'unir à qui et à quoi ? Et qui de nous deux voudrait faire irruption dans ce monde ?
OrchidĂ©e destructrice dĂ©sintĂ©gration qui rĂ©intĂšgre. Annihilation douce dont j'ai peur tellement je la dĂ©sire. La seule qui en me tuant pourrait peut-ĂȘtre me ressusciter.
(pp. 39-41)
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Magda CĂąrneci (Chaosmos)