â
-Tu crois que c'est comme tes mines de crayon ? Tu crois que ça s'use quand on s'en sert ?
- De quoi ?
-Les sentiments.
â
â
Anna Gavalda (Hunting and Gathering)
â
On peut tout te prendre; tes biens, tes plus belles annĂ©es, l'ensemble de tes joies, et l'ensemble de tes mĂ©rites, jusqu'Ă ta derniĂšre chemise. Il te restera toujours tes rĂȘves pour rĂ©inventer le monde que l'on t'a confisquĂ©...
â
â
Yasmina Khadra (The Attack)
â
But Lila went to Kellâs side. She knelt beside his sleeping body, and whispered something in his ear, and if Tes had been standing farther back, sheâd never have heard it. But she did.
âThere is nowhere you go,â said the Antari to her prince, âthat I cannot follow.
â
â
Victoria E. Schwab (The Fragile Threads of Power (Threads of Power, #1))
â
Paris at Night
Trois allumettes une à une allumées dans la nuit
La premiĂšre pour voir ton visage tout entier
La seconde pour voir tes yeux
La derniĂšre pour voir ta bouche
Et l'obscurité tout entiÚre pour me rappeler tout cela
En te serrant dans mes bras
â
â
Jacques Prévert (Paroles)
â
OĂč tu veux, Camille, chuchota-t-il. J'irai oĂč tu voudras. Je te suivrai partout, mĂȘme dans les Ă©toiles... Je veux juste que tu saches que vivre sans toi m'est impossible. Alors je t'en supplie, ne meurs plus, parce que sinon, moi, je vais mourir pour de bon... Parce que sans tes yeux, je suis aveugle. Sans tes mots, je me perds. Parce que sans toi, mon Ăąme est nue. Sans toi, je ne suis rien... Parce que... je t'aime...
â
â
Pierre Bottero (Les FrontiĂšres de glace (La QuĂȘte d'Ewilan, #2))
â
Si je dois mourir dans cette belle vie, je veux que ça soit fait par tes belles mains.
â
â
Roman Payne (Rooftop Soliloquy)
â
Dans ta tĂȘte, tu avais donnĂ© un nom au maĂźtre. Tu nâosais lâemployer en sa prĂ©sence, bien entendu. Tu lâappelais «Mygale», en souvenir de tes terreurs passĂ©es. Mygale, un nom Ă consonance fĂ©minine, un nom dâanimal rĂ©pugnant qui ne cadrait pas Ă son sexe ni au raffinement extrĂȘme quâil savait montrer dans le choix de tes cadeauxâŠ
Mais Mygale car il Ă©tait telle lâaraignĂ©e, lente et secrĂšte, cruelle et fĂ©roce, avide et insaisissable dans ses desseins, cachĂ© quelque part dans cette demeure oĂč il te sĂ©questrait depuis des mois, une toile de luxe, un piĂšge dorĂ© dont il Ă©tait le geĂŽlier et toi le dĂ©tenu.
â
â
Thierry Jonquet (Mygale)
â
En fin de compte, l'amour n'a été possible que parce qu'il m'a vu non pas tel que j'étais, mais tel que j'allais devenir.
â
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Philippe Besson (« ArrĂȘte avec tes mensonges »)
â
Tu as tout à apprendre, tout ce qui ne s'apprend pas: la solitude, l'indifférence, la patience, le silence. Tu dois te déshabituer de tout: d'aller à la rencontre de ceux que si longtemps tu as cÎtoyés, de prendre tes repas, tes cafés à la place que chaque jour d'autres ont retenue pour toi, ont parfois défendue pour toi, de traßner dans la complicité fade des amitiés qui n'en finissent pas de se survivre, dans la rancoeur opportuniste et lùche des liaisons qui s'effilochent.
â
â
Georges Perec (Un Homme qui dort)
â
Il te restera toujours tes rÚves pour réinventer le monde que l'on t'a confisqué.
â
â
Yasmina Khadra
â
L'oubli puissant habite sur ta bouche,
Et le Léthé coule dans tes baisers.
â
â
Charles Baudelaire (Les Fleurs du Mal)
â
Mais la nature est lĂ qui t'invite et qui t'aime ;
Plonge-toi dans son sein qu'elle t'ouvre toujours
Quand tout change pour toi, la nature est la mĂȘme,
Et le mĂȘme soleil se lĂšve sur tes jours.
â
â
Alphonse de Lamartine (Ćuvres PoĂ©tiques ComplĂštes)
â
Le Chat
Viens, mon beau chat, sur mon coeur amoureux;
Retiens les griffes de ta patte,
Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,
MĂȘlĂ©s de mĂ©tal et d'agate.
Lorsque mes doigts caressent Ă loisir
Ta tĂȘte et ton dos Ă©lastique,
Et que ma main s'enivre du plaisir
De palper ton corps Ă©lectrique,
Je vois ma femme en esprit. Son regard,
Comme le tien, aimable bĂȘte,
Profond et froid, coupe et fend comme un dard,
Et, des pieds jusques Ă la tĂȘte,
Un air subtil, un dangereux parfum,
Nagent autour de son corps brun.
â
â
Charles Baudelaire (Les Fleurs du Mal)
â
Je me demande si la froideur des pĂšres fait l'extrĂȘme sensibilitĂ© des fils.
â
â
Philippe Besson (" ArrĂȘte avec tes mensonges ")
â
Tu seras aimĂ© le jour oĂč tu pourras montrer tes faiblesses sans que l'autre s'en serve pour augmenter sa force.
â
â
Cesare Pavese
â
Je dis : pourquoi moi ?
Il dit  : parce tu n'es pas du tout comme les autres, parce qu'on ne voit que toi sans que tu t'en rendes compte. Il ajoute cette phrase, pour moi inoubliable  : parce que tu partiras et que nous resterons.
â
â
Philippe Besson (« ArrĂȘte avec tes mensonges »)
â
Ne désire jamais, Nathanaël, regoûter les eaux du passé...Ne cherche pas, dans l'avenir, à retrouver jamais le passé. Saisis de chaque instant la nouveauté irressemblable et ne prépare pas tes joies, ou sache qu'en son lieu préparé te surprendra une joie autre.
â
â
André Gide
â
Mets tes peurs entre paranthĂšses et prends le risque d'ĂȘtre heureux.
â
â
Guillaume Musso (Que serais-je sans toi?)
â
Il me rend Ă la solitude. La plus profonde, celle qu'on ressent au cĆur d'une foule.
â
â
Philippe Besson (" ArrĂȘte avec tes mensonges ")
â
L'Ă©criture doit ĂȘtre une recherche de vĂ©ritĂ©, sinon elle n'est rien. Si Ă travers l'Ă©criture tu ne cherches pas Ă te connaitre, Ă fouiller ce qui t'habite, ce qui te constitue, Ă rouvrir tes blessures, Ă gratter, creuser avec les mains, si tu ne mets pas en question ta personne, ton origine, ton milieu, cela n'a pas de sens. Il n'y a d'Ă©criture que l'Ă©criture de soi. Le reste ne compte pas.
â
â
Delphine de Vigan (D'aprĂšs une histoire vraie)
â
Rien n'est tout noir, ni tout blanc, c'est le gris qui gangne. Les hommes et leurs Ăąmes, c'est pareil... T'es une Ăąme grise, joliment grise, comme nous tous...
â
â
Philippe Claudel (Grey Souls)
â
Consacre tes loisirs Ă essuyer la poussiĂšre qui ternit le miroir de ton cĆur.
â
â
Saadi (ŰšÙŰłŰȘŰ§Ù ŰłŰčŰŻÛ)
â
Tu ne souhaites pas réellement sa mort ai je pensé en m'étirant sur le siÚge arriÚre. Car si elle meurt tu perds tout espoir de la tuer de tes propres mains. Et ça ce serait vraiment dommage.
â
â
Lauren Weisberger (The Devil Wears Prada (The Devil Wears Prada, #1))
â
Le serpent qui danse
Que j'aime voir, chĂšre indolente,
De ton corps si beau,
Comme une Ă©toffe vacillante,
Miroiter la peau!
Sur ta chevelure profonde
Aux acres parfums,
Mer odorante et vagabonde
Aux flots bleus et bruns,
Comme un navire qui s'Ă©veille
Au vent du matin,
Mon Ăąme rĂȘveuse appareille
Pour un ciel lointain.
Tes yeux oĂč rien ne se rĂ©vĂšle
De doux ni d'amer,
Sont deux bijoux froids oĂč se mĂȘlent
Lâor avec le fer.
A te voir marcher en cadence,
Belle d'abandon,
On dirait un serpent qui danse
Au bout d'un bĂąton.
Sous le fardeau de ta paresse
Ta tĂȘte d'enfant
Se balance avec la mollesse
Dâun jeune Ă©lĂ©phant,
Et ton corps se penche et s'allonge
Comme un fin vaisseau
Qui roule bord sur bord et plonge
Ses vergues dans l'eau.
Comme un flot grossi par la fonte
Des glaciers grondants,
Quand l'eau de ta bouche remonte
Au bord de tes dents,
Je crois boire un vin de bohĂȘme,
Amer et vainqueur,
Un ciel liquide qui parsĂšme
DâĂ©toiles mon coeur!
â
â
Charles Baudelaire (Les Fleurs du Mal)
â
Ta voix, tes yeux, tes mains, tes lĂšvres,
Nos silences, nos paroles,
La lumiĂšre qui sâen va, la lumiĂšre qui revient,
Un seul sourire pour nous deux,
Par besoin de savoir, jâai vu la nuit crĂ©er le jour sans que nous changions dâapparence,
Ă bien-aimĂ© de tous et bien-aimĂ© dâun seul,
En silence ta bouche a promis dâĂȘtre heureuse,
De loin en loin, ni la haine,
De proche en proche, ni lâamour,
Par la caresse nous sortons de notre enfance,
Je vois de mieux en mieux la forme humaine,
Comme un dialogue amoureux, le cĆur ne fait quâune seule bouche
Toutes les choses au hasard, tous les mots dits sans y penser,
Les sentiments à la dérive, les hommes tournent dans la ville,
Le regard, la parole et le fait que je tâaime,
Tout est en mouvement, il suffit dâavancer pour vivre,
Dâaller droit devant soi vers tout ce que lâon aime,
Jâallais vers toi, jâallais sans fin vers la lumiĂšre,
Si tu souris, câest pour mieux mâenvahir,
Les rayons de tes bras entrouvraient le brouillard.
â
â
Paul Ăluard
â
-En fait, tu te donnes des airs comme ça mais t'es un gentil, toi...
-Ta gueule.
â
â
Anna Gavalda (Hunting and Gathering)
â
Et que j'aime ĂŽ saison que j'aime tes rumeurs
Les fruits tombant sans qu'on les cueille
Le vent et la forĂȘt qui pleurent
Toutes leurs larmes en automne feuille Ă feuille
Les feuilles
Qu'on foule
Un train
Qui roule
La vie
S'Ă©coule
â
â
Guillaume Apollinaire (Alcools)
â
Je sentis frissonner sur mes lÚvres muettes la douceur et l'effroi de ton premier baiser. Sous tes pas, j'entendis les lyres se briser, en criant vers le ciel l'ennui fier des poÚtes, parmi des flots de sons languissamment décrus.
â
â
Renée Vivien (Poems De Renee Vivien)
â
Parfois, tu rĂȘves que le sommeil est une morte lente qui te gagne, une anestĂ©sie douce et terrible Ă la fois, une nĂ©crose heureuse : le froid monte le long de tes jambes, le long de tes bras, monte lentement, t'engourdit, t'annihile.
Ton orteil est une montagne lointaine, ta jambe un fleuve, ta joue est ton oreiller, tu loges tout entier dans ton pouce, tu fonds, tu coules comme du sable, comme du mercure.
â
â
Georges Perec (Un homme qui dort)
â
Tu peux marcher sur mon cĆur car mon cĆur est Ă tes pieds.
â
â
Sniper
â
Il n'est qu'un bien, c'est le tendre plaisir.
Quelle immortalité vaut une nuit heureuse ?
Pour tes baisers je vendrais l'avenir.
â
â
François-René de Chateaubriand
â
soudain ! tu découvert que tous tes relations sont qu'un mirage et que tous les gens ont deux visages
â
â
Younes
â
Parle, n'aie pas honte de ce que tu ressens, exprime tes doutes, tes peurs. Dis Ă ceux que tu aimes ce que tu as dans le cĆur, ils te seront Ă jamais reconnaissants.
â
â
Joris Chamblain (Le Livre d'Hector (Les Carnets de Cerise, #2))
â
LibĂšre la lumiĂšre captive de tes mains
Peut-ĂȘtre ton souci se dissipera-t-il
â
â
ŰŁŰłÙ
ۧۥ ۧÙŰŹÙۧ۔Ù
â
â Tu t'es beaucoup ennuyĂ©e?
â Soixante-quatre voitures sont passĂ©es dans ta rue, dont dix-neuf vertes!
â
â
Marc Levy (Seven Days for an Eternity)
â
Une Ă©criture qui ne fait pas rĂȘver, n'est pas une Ă©criture. Toi par example, avec tes mots, tu nous balances dans une vague de nuages bleus, roses et surtout violets.
â
â
Ùۧ۳ÙÙÙ Ű§ÙŰŁŰč۱ۏ (Ű·ÙÙ Ű§ÙÙۧ۳Ù
ÙÙ)
â
The question that imposed itself: Why me?
The image doesn't fit: my thick glasses, my stretched-out blue Nordic sweater, the student head slaps, the too-good grades, the feminine gestures. Why me?
He says: Because you are not like all the others, because I don't see anyone but you and you don't even realize it.
â
â
Philippe Besson (« ArrĂȘte avec tes mensonges »)
â
Certains ont lâair honnĂȘte, mais quand ils te serrent la main, tu as intĂ©rĂȘt Ă recompter tes doigts.
Some may look honest, but when you shake their hand, you had better count your fingers.
â
â
Coluche
â
Jâai rĂ©flĂ©chi, je ne me fais pas dâillusions, je tâaime mais je nâai pas confiance en toi. Puisque ce que nous vivons nâest pas rĂ©el, alors câest un jeu. Je nâai plus lâĂąge de jouer Ă chat. Ne cherche pas Ă mâappeler, ni Ă savoir oĂč je suis, ni comment je vis, je crois que ce nâest plus le problĂšme. Jâai rĂ©flĂ©chi, je pense que câest la meilleure solution, faire comme toi, vivre de mon cĂŽtĂ© en tâaimant bien mais de loin. Je ne veux pas attendre tes coups de tĂ©lĂ©phone, je ne veux pas mâempĂȘcher de tomber amoureuse. Jâai rĂ©flĂ©chi, je veux bien essayer. Câest Ă prendre ou Ă laisserâŠ
â
â
Anna Gavalda (Someone I Loved (Je l'aimais))
â
Cozy was a fun night by a fireplace with marshmallows. Cozy was a grandmother knitting Christmas sweaters. Cozy was new puppies in a litter. Cozy was not what he had in mind to do in that tent with Tes.
â
â
Susannah Scott (Stop Dragon My Heart Around (Las Vegas Dragons, #2))
â
Le temps n'existe plus pour moi, Niniane. Je t'attendais. Je t'attends. Je t'attendrai.OĂč que tu sois, je suis Ă tes cĂŽtĂ©s. Ma prison a un centre mais n'a pas de frontiĂšres. Tu es le centre de mon ETERNITE.
â
â
Valérie Guinot (Le sortilÚge du vent (Azilis, #3))
â
Elle se répÚte: "change de tactique, ma fille, cesse de souffrir, t'es pas obligée de ramasser autant." Mais rien n'y fait. Il y a des gens qui se torturent mieux que d'autres. Dans cette catégorie, au moins, elle se sent championne absolue.
â
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Virginie Despentes (Bye Bye Blondie)
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Emporte dans ta mémoire, pour le reste de ton existence, les choses positives qui ont surgi au milieu des difficultés. Elles seront une preuve de tes capacités et te redonneront confiance devant tous les obstacles.
â
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Paulo Coelho
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E.T., je comprends pourquoi tu t'es barré à vélo en plein ciel. A ta place j'aurais continué de pédaler jusqu'à Pluton sans me retourner.
â
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Mathias Malzieu (MĂ©tamorphose en bord de ciel)
â
De ton rĂȘve trop plein,
fleur en dedans nombreuse,
mouillée comme une pleureuse,
tu te penches sur le matin.
Tes douces forces qui dorment,
dans un désir incertain,
développent ces tendres formes
entre joues et seins.
â
â
Rainer Maria Rilke (The Complete French Poems of Rainer Maria Rilke)
â
Percy mangeait une Ă©norme pile de pancakes bleus (câĂ©tait quoi, son dĂ©lire de ne manger que des trucs bleus ?) et Annabeth lui reprochait de mettre trop de sirop.
â Tu les noies, lĂ , tes pauvres pancakes !
â HĂ©, je suis un enfant de PosĂ©idon, je peux pas me noyer, et mes pancakes non plus.
â
â
Rick Riordan (The Blood of Olympus (The Heroes of Olympus, #5))
â
Tout ce temps, tous ces visages, tous ces cris de jouissance, ces Ă©treintes sans Ăąme au petit matin, quand la nuit n'est plus, le jour n'est pas encore, ton orgasme prend fin, et tes yeux se dessillent, ta chambre n'est qu'un bordel, Baudelaire est mort et, dans tes bras, il n'y a qu'une putain...
â
â
Lolita Pille (Hell)
â
Tout ce qui nous Ă©meut, tu le partages.
Mais ce qui t'arrive, nous l'ignorons.
Il faudrait ĂȘtre cent papillons
pour lire toutes tes pages.
Il y en a d'entre vous qui sont comme des dictionnaires;
ceux qui les cueillent
ont envie de faire relier toutes ces feuilles.
Moi, j'aime les roses Ă©pistolaires.
â
â
Rainer Maria Rilke (The Complete French Poems of Rainer Maria Rilke)
â
Mais surtout, nous ne retrouverons pas ce qui nous a poussés l'un vers l'autre, un jour. Cette urgence trÚs pure. Ce moment unique. Il y a eu des circonstances, une conjonction de hasards, une somme de coïncidences, une simultanéité de désirs, quelque chose dans l'air, quelque chose aussi qui tenait à l'époque, à l'endroit, et ça a formé un moment, et ça a provoqué la rencontre, mais tout s'est distendu, tout est reparti dans des directions différentes, tout a éclaté, à la maniÚre d'un feu d'artifice dont les fusées explosent au ciel nocturne dans tous les sens et dont les éclats retombent en pluie, et meurent à mesure qu'ils chutent et disparaissent avant de pouvoir toucher le sol, pour que ça ne brûle personne, pour que ça ne blesse personne, et le moment est terminé, mort, il ne reviendra pas  ; c'est cela qui nous est arrivé.
â
â
Philippe Besson (" ArrĂȘte avec tes mensonges ")
â
J'ai connu moi aussi, plus d'une fois, la douleur de la perte. Je sais le voluptueux vertige qu'elle procure. Il faut te faire violence et déposer le masque de pleurs à tes pieds. Ne cÚde pas à l'orgueil de celui qui a tout perdu.
â
â
Laurent Gaudé (La Mort du roi Tsongor)
â
Rien n'est jamais acquis Ă l'homme Ni sa force
Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix
Et quand il croit serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un Ă©trange et douloureux divorce
Il n'y a pas d'amour heureux
Sa vie Elle ressemble Ă ces soldats sans armes
Qu'on avait habillés pour un autre destin
A quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu'on retrouve au soir désoeuvrés incertains
Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes
Il n'y a pas d'amour heureux
Mon bel amour mon cher amour ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
Et ceux-lĂ sans savoir nous regardent passer
Répétant aprÚs moi les mots que j'ai tressés
Et qui pour tes grands yeux tout aussitĂŽt moururent
Il n'y a pas d'amour heureux
Le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard
Que pleurent dans la nuit nos coeurs Ă l'unisson
Ce qu'il faut de malheur pour la moindre chanson
Ce qu'il faut de regrets pour payer un frisson
Ce qu'il faut de sanglots pour un air de guitare
Il n'y a pas d'amour heureux
Il n'y a pas d'amour qui ne soit Ă douleur
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit meurtri
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit flétri
Et pas plus que de toi l'amour de la patrie
Il n'y a pas d'amour qui ne vive de pleurs
Il n'y a pas d'amour heureux
Mais c'est notre amour Ă tous les deux
â
â
Louis Aragon (La Diane française: En Ătrange Pays dans mon pays lui-mĂȘme)
â
Je t'ai vu en companie de cet homme, et le regard que tu lui portais Ă©tait celui que j'aurais rĂȘvĂ© voir dans tes yeux alors que tu me regardais. Il avait l'air si grand Ă tes cĂŽtĂ©s, et moi si petit dans cette allĂ©e. Si j'avais pu ĂȘtre cet homme, je t'aurais tout donnĂ©, mais je n'Ă©tais que moi, l'ombre de celui que tu avais aimĂ© alors que nous Ă©tions enfants, l'ombre de l'adulte que j'Ă©tais devenu.
â
â
Marc Levy (Le Voleur d'ombres)
â
La Courbe de tes yeux
La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu
C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.
Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumiĂšre,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs,
Parfums éclos d'une couvée d'aurores
Qui gĂźt toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l'innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.
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Paul Ăluard (Capital of Pain)
â
Ne pleure jamais pour quelqu'un qui ne mérite pas t'es larmes rappelle toi la vie est jolie tout comme toi.
â
â
Ariadna Athanasopulos
â
Tu agonises parce que tu as tout recouvert, tes Ă©motions, tes problĂšmes, ton histoire. Tu ne sais pas qui tu es, donc tu ne te construit pas Ă partir de toi
â
â
Ăric-Emmanuel Schmitt (Le Sumo qui ne pouvait pas grossir)
â
Avec tes veines chargĂ©es de nuits, tu nâas pas plus ta place parmi les hommes quâune Ă©pitaphe au milieu dâun cirque. / [Syllogismes de lâamertume]
â
â
Emil M. Cioran
â
Je sais que Thomas n'a consenti à cette unique photo que parce qu'il avait compris (décidé) que c'était notre dernier moment ensemble. Il sourit pour que j'emporte son sourire avec moi.
â
â
Philippe Besson (" ArrĂȘte avec tes mensonges ")
â
- Descendre, descendre... On va changer de verbe, histoire d'enrichir ton vocabulaire, annonça le garçon sur un ton presque joyeux. Toi, crĂąne dâĆuf, tu conjugues "pas bouger" et tes copines conjuguent "reculer jusqu'au bout du wagon". A la moindre erreur je vous explique "Ă©gorger" et "baigner dans son sang". ExĂ©cution !
Il se tourna vers Bruno Vignol alors que les boneheads obtempéraient en maugréant.
- Je m'appelle Salim, m'sieur, et je descends Ă la prochaine. Ăa vous dit ?
â
â
Pierre Bottero (La ForĂȘt des captifs (Les Mondes d'Ewilan, #1))
â
Si tu veux nous nous aimerons
Avec tes lĂšvres sans le dire
Cette rose ne l'interromps
Qu'Ă verser un silence pire
Jamais de chants ne lancent prompts
Le scintillement du sourire
Si tu veux nous nous aimerons
Avec tes lĂšvres sans le dire
Muet muet entre les ronds
Sylphe dans la pourpre d'empire
Un baiser flambant se déchire
Jusqu'aux pointe des ailerons
Si tu veux nous nous aimerons.
â
â
Stéphane Mallarmé
â
â J'ai du mal Ă comprendre tes raisonnements parfois. Mais si la solitude et l'inactivitĂ© te font du bien...
â Je ne suis pas toujours seule et loin d'ĂȘtre inactive.
â Tu ne comprends pas...
â Si. Tu penses qu'on est moins seul au milieu d'inconnus et qu'on est actif si on rapporte un revenu
â
â
MĂ©lissa Da Costa (Les Lendemains)
â
O grande ville! c' est dans ton sein palpitant que j'ai trouve ce que je cherchais; mineur patient, j'ai remue tes entrailles pour en faire sortir le mal; maintenant, mon oeuvre est accomplie, ma mission est terminee; maintenant tu ne peux plus m'ofrir ni joies ni douleurs. Adieu, Paris,! adieu!
â
â
Alexandre Dumas (Le Comte de Monte-Cristo: Tome 1)
â
J'ai dix-sept ans. Je ne sais pas que je n'aurai plus jamais dix-sept ans, je ne sais pas que la jeunesse, ça ne dure pas, que ça n'est qu'un instant, que ça disparaßt et quand on s'en rend compte il est trop tard, c'est fini, elle s'est volatilisée, on l'a perdue, certains autour de moi le pressentent et le disent pourtant, les adultes le répÚtent, mais je ne les écoute pas, leurs paroles roulent sur moi, ne s'accrochent pas, de l'eau sur les plumes d'un canard, je suis un idiot, un idiot insouciant.
â
â
Philippe Besson (« ArrĂȘte avec tes mensonges »)
â
Je ne vois rien, dit Josette, mais si je voyais, je haĂŻrais tout ce que je vois. Je haĂŻrais les hortensias rouges sur mon passage, et je haĂŻrais les pochettes de disques, je haĂŻrais les images de la tĂ©lĂ©vision, je haĂŻrais le visage de mon pĂšre et de ma mĂšre, je haĂŻrais le ciel et je haĂŻrais la nuit, je haĂŻrais la transparence des larmes, je nâaimerais aucune couleur que celle de tes yeux dĂ©colorĂ©s, je nâaimerais voir que toi.
â
â
Hervé Guibert
â
Ă l'horloge de tes baisers, le temps se ramollit. Le jour met son pyjama d'Ă©toiles en cachette et s'Ă©vapore. L'orchestre Ă moteur qui fulmine au feu rouge joue en sourdine. La lune te regarde Ă travers la fenĂȘtre. Elle va peindre ses reflets sur ta peau. Du bout de mes doigts, je m'efforcerai d'ĂȘtre un tout petit peu plus que son pinceau.
â
â
Mathias Malzieu (Le plus petit baiser jamais recensé)
â
je finirai bien par te rencontrer quelque part
bon dieu!
et contre tout ce qui me rend absent et douloureux
par le mince regard qui me reste au fond du froid
j'affirme ĂŽ mon amour que tu existes
je corrige notre vie
nous n'irons plus mourir de langueur
Ă des milles de distance dans nos rĂȘves bourrasques
des filets de sang dans la soif craquelée de nos lÚvres
les épaules baignées de vols de mouettes
non
j'irai te chercher nous vivrons sur la terre
la détresse n'est pas incurable qui fait de moi
une épave de dérision, un ballon d'indécence
un pitre aux larmes d'étincelles et de lésions profondes
frappe l'air et le feu de mes soifs
coule-moi dans tes mains de ciel de soie
la tĂȘte la premiĂšre pour ne plus revenir
â
â
Gaston Miron (L'Homme rapaillé)
â
Tout ça sentait les économies de bout de chandelle, pas la misÚre mais la médiocrité, ce qui est indéniablement beaucoup plus impardonnable.
â
â
Philippe Besson (« ArrĂȘte avec tes mensonges »)
â
Sophie, gare-toi et suis-le Ă pied. â Quoi ? Mais tâes malade ! â Si jây vais et quâil tombe sur moi, je suis fichue. â Alors que moi, au mieux, il va me prendre pour une prostituĂ©e de la cordillĂšre des Andes qui fait le tapin en attendant une Ă©clipse. Merci bien.
â
â
Gilles Legardinier (Demain j'arrĂȘte!)
â
Il pleut, c'est merveilleux. Je t'aime
Nous resterons Ă la maison
Rien ne nous plait plus ue nous-mĂȘmes
Par ce temps d'arriĂšre-saison
Il pleut. Les taxis vont et viennent
On voit rouler les autobus
Et les remorqueurs sur le Seine
Font un bruit ... qu'onne s'entend plus.
C'est merveilleux: il pleut. J'Ă©coute
La pluie dont le crépitement
Heurte la vitre goutte Ă goutte ...
Et tu me souris tendrement.
Je t'aime. Oh! ce bruit d'eau qui pleure,
Qui sanglote comme un adieu.
Tu vas me quitter tout Ă l'heure:
On dirait qu'il pleut dans tes yeux.
â
â
Francis Carco
â
Supprime donc en toi toute aversion pour ce qui ne dĂ©pend pas de nous et, cette aversion, reporte-la sur ce qui dĂ©pend de nous et nâest pas en accord avec la nature. Quant au dĂ©sir, pour le moment, supprime-le complĂštement. Car si tu dĂ©sires une chose qui ne dĂ©pend pas de nous, tu ne pourras quâĂ©chouer, sans compter que tu te mettras dans lâimpossibilitĂ© dâatteindre ce qui est Ă notre portĂ©e et quâil est plus sage de dĂ©sirer. Borne-toi Ă suivre tes impulsions, tes rĂ©pulsions, mais fais-le avec lĂ©gĂšretĂ©, de façon non systĂ©matique et sans effort excessif.
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Epictetus (The Discourses)
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...Hiver bouclé comme un bison, Hiver crispé
comme la mousse de crin blanc,
Hiver aux puits d'arsenic rouge, aux poches d'huile
et de bitume,
Hiver au goût de skunk et de carabe fumée de bois de hickory,
Hiver aux prismes et aux critaux dans les carrefours de diamant noir,
Hiver sans thyrses ni flambeaux, Hiver sans roses ni piscines,
Hiver ! Hiver! tes pommes de cĂšdre de vieux fer!
tes fruits de pierre! tes insectes de cuivre !
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Saint-John Perse (Vents suivi de Chronique)
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Je resterai assis à cÎté de toi tant que tu seras devant cette riviÚre. Et si tu vas dormir, je dormirai devant ta porte. Et si tu t'en vas loin, je suivrai tes pas. Jusqu'à ce que tu me dises: Va-t'en. Alors je m'en irai. Mais je ne pourrai cesser de t'aimer jusqu'à la fin de mes jours.
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Paulo Coelho
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Te t'es arrĂȘtĂ© Ă parler et seul le silence t'a rĂ©pondu. Mais ces mots, ces milliers, ces millions de mots qui se sont arrĂȘtĂ©s dans ta gorge, les mots sans suite, les cris de joie, les mots d'amour, les rires idiots, quand donc les retrouveras-tu?
Maintenant tu vis dans le terreur du silence. Mais n'es-tu pas le plus silencieux de tous?
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Georges Perec (Un homme qui dort)
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- Offre ton identité au Conseil, jeune apprentie.
La voix Ă©tait douce, lâordre sans appel.
- Je mâappelle Ellana Caldin.
- Ton Ăąge.
Ellana hĂ©sita une fraction de seconde. Elle ignorait son Ăąge exact, se demandait si elle nâavait pas intĂ©rĂȘt Ă se vieillir. Les apprentis quâelle avait discernĂ©s dans lâassemblĂ©e Ă©taient tous plus ĂągĂ©s quâelle, le Conseil ne risquait-il pas de la considĂ©rer comme une enfant ? Les yeux noirs dâEhrlime fixĂ©s sur elle la dissuadĂšrent de chercher Ă la tromper.
- Jâai quinze ans.
Des murmures Ă©tonnĂ©s sâĂ©levĂšrent dans son dos.
Imperturbable, Ehrlime poursuivit son interrogatoire.
- Offre-nous le nom de ton maĂźtre.
- Jilano AlhuĂŻn.
Les murmures, qui sâĂ©taient tus, reprirent. Plus marquĂ©s, Ehrlime leva une main pour exiger un silence quâelle obtint immĂ©diatement.
- Jeune Ellana, je vais te poser une sĂ©rie de questions. A ces questions, tu devras rĂ©pondre dans lâinstant, sans rĂ©flĂ©chir, en laissant les mots jaillir de toi comme une cascade vive. Les mots sont un cours dâeau, la source est ton Ăąme. Câest en remontant tes mots jusquâĂ ton Ăąme que je saurai discerner si tu peux avancer sur la voie des marchombres. Es-tu prĂȘte ?
- Oui.
Une esquisse de sourire traversa le visage ridĂ© dâEhrlime.
- Quây a-t-il au sommet de la montagne ?
- Le ciel.
- Que dit le loup quand il hurle ?
- Joie, force et solitude.
- Ă qui sâadresse-t-il ?
- Ă la lune.
- OĂč va la riviĂšre ?
LâanxiĂ©tĂ© dâEllana sâĂ©tait dissipĂ©e. Les questions dâEhrlime Ă©taient trop imprĂ©vues, se succĂ©daient trop rapidement pour quâelle ait dâautre solution quây rĂ©pondre ainsi quâon le lui avait demandĂ©. Impossible de tricher. Cette Ă©vidence se transforma en une onde paisible dans laquelle elle sâimmergea, laissant Ehrlime remonter le cours de ses mots jusquâĂ son Ăąme, puisque câĂ©tait ce quâelle dĂ©sirait.
- Remplir la mer.
- Ă qui la nuit fait-elle peur ?
- Ă ceux qui attendent le jour pour voir.
- Combien dâhommes as-tu dĂ©jĂ tuĂ©s ?
- Deux.
- Es-tu vent ou nuage ?
- Je suis moi.
- Es-tu vent ou nuage ?
- Vent.
- MĂ©ritaient-ils la mort ?
- Je lâignore.
- Es-tu ombre ou lumiĂšre ?
- Je suis moi.
- Es-tu ombre ou lumiĂšre ?
- Les deux.
- OĂč se trouve la voie du marchombre ?
- En moi.
Ellana sâexprimait avec aisance, chaque rĂ©ponse jaillissant dâelle naturellement, comme une expiration aprĂšs une inspiration. FluiditĂ©. Le sourire sur le visage dâEhrlime Ă©tait revenu, plus marquĂ©, et une pointe de jubilation perçait dans sa voix ferme.
- Que devient une larme qui se brise ?
- Une poussiĂšre dâĂ©toiles.
- Que fais-tu devant une riviĂšre que tu ne peux pas traverser ?
- Je la traverse.
- Que devient une Ă©toile qui meurt ?
- Un rĂȘve qui vit.
- Offre-moi un mot.
- Silence.
- Un autre.
- Harmonie.
- Un dernier.
- Fluidité.
- Lâours et lâhomme se disputent un territoire. Qui a raison ?
- Le chat qui les observe.
- Marie tes trois mots.
- Marchombre.
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Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
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- Qui aimes-tu le mieux, homme Ă©nigmatique, dis? ton pĂšre, ta mĂšre, ta soeur ou ton frĂšre?
- Je n'ai ni pĂšre, ni mĂšre, ni soeur, ni frĂšre.
- Tes amis?
- Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.
- Ta patrie?
- J'ignore sous quelle latitude elle est située.
- La beauté?
- Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle?
- L'or?
- Je le hais comme vous haĂŻssez Dieu.
- Eh! qu'aimes-tu donc, extraordinaire Ă©tranger?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... lĂ -bas... lĂ -bas... les merveilleux nuages!
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Charles Baudelaire
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Si queÂdaÂba alÂguÂna esÂpeÂranÂza, debĂa estar en los proÂles, porÂque solo en esas masas desÂpreÂciaÂdas, que consÂtiÂtuĂan el ochenÂta y cinco por cienÂto de la poÂblaÂciĂłn de OceaÂnĂa, podĂa geÂneÂrarÂse la fuerÂza neÂceÂsaÂria para desÂtruir al ParÂtiÂdo. Este no podĂa deÂrroÂcarÂse desde denÂtro. Sus enemiÂgos, si es que los habĂa, no teÂnĂan forma de unirÂse o siÂquieÂra de reÂcoÂnoÂcerÂse muÂtuaÂmenÂte. InÂcluÂso en caso de que exisÂtieÂra la leÂgenÂdaÂria HerÂmanÂdad âlo cual no era del todo imÂpoÂsiÂbleâ reÂsulÂtaÂba inÂconÂceÂbiÂble que sus miemÂbros puÂdieÂran reÂunirÂse en gruÂpos de mĂĄs de dos o tres. La reÂbeÂliĂłn se liÂmiÂtaÂba a un cruce de miÂraÂdas, una inÂfleÂxiĂłn de la voz o, como mucho, una paÂlaÂbra suÂsuÂrraÂda ocaÂsioÂnalÂmenÂte. En camÂbio los proÂles, si puÂdieÂran ser consÂcienÂtes de su fuerÂza, no tenÂdrĂan neÂceÂsiÂdad de consÂpiÂrar. BasÂtaÂrĂa con que se enÂcaÂbriÂtaÂran como un caÂbaÂllo que se saÂcuÂde las mosÂcas. Si quiÂsieÂran, poÂdrĂan volar el ParÂtiÂdo en peÂdaÂzos a la maÂñaÂna siÂguienÂte. Tarde o temÂprano tenĂa que ocuÂrrĂrÂseÂles. Y sin emÂbarÂgoâŠ
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George Orwell (1984)
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Un ami te déçoit ? Il cesse dâĂȘtre ton ami. Le pays te déçoit ? Il cesse dâĂȘtre ton pays. Et comme tu as la dĂ©ception facile, tu finiras par te retrouver sans amis, sans patrie. Jâaimerais tant que mes paroles aient un quelconque effet sur toi. Quâelles puissent te persuader de te montrer tolĂ©rant avec ce pays, de lâaccepter comme il est. Ce sera toujours un pays de factions, de dĂ©sordre, de passe-droits, de nĂ©potisme, de corruption. Mais câest aussi le pays de la douceur de vivre, de la chaleur humaine, de la gĂ©nĂ©rositĂ©. Et de tes amis les plus vrais.
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Amin Maalouf (ۧÙŰȘۧۊÙÙÙ)
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- Mais tu sais, l'alcool ne te guĂ©rira pas. Il ne faut pas que tu croies ça. Ăa apaisera tes blessures, mais cela t'en donnera d'autres, peut-ĂȘtre pires. Tu ne pourras plus te passer de l'alcool, et mĂȘme si, au dĂ©but, tu Ă©prouves une euphorie, un bonheur Ă boire, ça disparaĂźtra vite pour ne laisser place qu'Ă la tyrannie de la dĂ©pendance et du manque. Ta vie ne sera que brumes, Ă©tats de sĂ©mi-conscience, hallucinations, paranoĂŻa, crises de delirium tremens, violence contre ton entourage. Ta personnalitĂ© se dĂ©sagrĂ©gera...
- C'est ce que je veux ! martela Antoine en frappant le comptoir de son petit poing. Je n'ai plus la force d'ĂȘtre moi, plus le courage, plus l'envie d'avoir quelque chose comme une personnalitĂ©. Une personnalitĂ©, c'est un luxe qui me coĂ»te cher. Je veux ĂȘtre un spectre banal. J'en ai assez de ma libertĂ© de pensĂ©e, de toutes mes connaissances, de ma satanĂ©e conscience ! ("Comment je suis devenu stupide", p34)
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Martin Page (Comment je suis devenu stupide (French Edition))
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Dans le mot défection, il y a une autre idée  : son pÚre lui a manqué. Et le double sens de ce verbe convient absolument. D'abord, une faute, une infraction, une violation. Il s'est dérobé à ses obligations, écarté des routes droites, il a enfreint les rÚgles non écrites, péché contre l'ordre établi, joué contre son camp, piétiné la confiance placée en lui, offensé ses proches, ses amis, il a trahi. Ensuite, une morsure, une douleur, un chagrin. Il n'a pas été présent alors qu'on comptait sur lui, il a laissé un vide que nul n'est venu combler, des questions auxquelles nul n'a su répondre, une frustration irréductible, une demande affective que nul n'a été en mesure d'étancher.
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Philippe Besson (" ArrĂȘte avec tes mensonges ")
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La LoÂteÂrĂa, con su reÂparÂto seÂmaÂnal de enorÂmes preÂmios, era el Ășnico aconÂteÂciÂmienÂto pĂșÂbliÂco al que los proÂles presÂtaÂban verÂdaÂdeÂra atenÂciĂłn. Era proÂbaÂble que huÂbieÂse miÂlloÂnes de proÂles para quieÂnes la LoÂteÂrĂa fuese la razĂłn prinÂciÂpal, si no la Ășnica, para seÂguir con vida. Era su deÂleiÂte, su loÂcuÂra, su analÂgĂ©ÂsiÂco, su esÂtiÂmuÂlanÂte inÂteÂlecÂtual. En lo que se reÂfeÂrĂa a la LoÂteÂrĂa, hasta quieÂnes apeÂnas saÂbĂan leer y esÂcriÂbir eran caÂpaÂces de lleÂvar a cabo inÂtrinÂcaÂdos cĂĄlcuÂlos y sorÂprenÂdenÂtes loÂgros meÂmoÂrĂsÂtiÂcos. HabĂa toda una tribu de inÂdiÂviÂduos que se gaÂnaÂban la vida venÂdienÂdo sisÂteÂmas, preÂdicÂcioÂnes y amuÂleÂtos de la suerÂte. WinsÂton no tenĂa nada que ver con la LoÂteÂrĂa, que se gesÂtioÂnaÂba desde el MiÂnisÂteÂrio de la AbunÂdanÂcia, pero sabĂa (como cualÂquier otro miemÂbro del ParÂtiÂdo) que los preÂmios eran casi todos imaÂgiÂnaÂrios. Solo se paÂgaÂban peÂqueÂñas sumas y los gaÂnaÂdoÂres de los preÂmios gorÂdos en realiÂdad no exisÂtĂan. En auÂsenÂcia de verÂdaÂdeÂra coÂmuÂniÂcaÂciĂłn entre una parte de OceaÂnĂa y otra, no reÂsulÂtaÂba diÂfĂÂcil amaÂñarÂlo.
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George Orwell (1984)
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Page 41
- Alors qu'est ce que tu décides? Tu me suis ou pas?
Pitié accepte, ne me force pas à te tuer...
- Par simple curiosité, que ferais-tu si je refusais?
J'hésitais un instant à répondre mais optai pour la franchise. Clarence n'était pas un mauvais bougre, il avait le droit de savoir ce qui l'attendait.
- Je devrais te liquidier, répondis-je d'un ton glacial.
Une vie contre des milliers d'autres, le choix n'était pas trÚs compliqué.
- Tu sais que tu es pire partenaire que j'aie jamais eue? fit-il non sans humour.
Je haussais les Ă©paules.
- Pourquoi? Parce que je veux préserver la paix?
- Non, parce que tu as une maniĂšre trĂšs personnelle d'argumenter.
- Le moyen le plus efficace de défendre une opinion est de tuer ceux qui ne la partagent pas.
- C'est quoi ca? Un extrait du guide du parfait dictateur?
- Non, un vieil adage familial, fis je en lui tendant la main pour l'aider Ă se relever.
- Eh ben désolé de te dire ca, mais ta famille craint! fit-il en se redressant.
- Oui et encore, t'es trÚs en dessous de la vérité, soupirai-je...
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Cassandra O'Donnell (Potion macabre (Rebecca Kean, #3))
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Je le vis, je rougis, je pĂąlis Ă sa vue ;
Un trouble sâĂ©leva dans mon Ăąme Ă©perdue ;
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler;
Je sentis tout mon corps et transir et brûler :
Je reconnus VĂ©nus et ses feux redoutables,
Dâun sang quâelle poursuit tourments inĂ©vitables !
Par des vĆux assidus je crus les dĂ©tourner :
Je lui bĂątis un temple, et pris soin de lâorner ;
De victimes moi-mĂȘme Ă toute heure entourĂ©e,
Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée :
Dâun incurable amour remĂšdes impuissants !
En vain sur les autels ma main brĂ»lait lâencens !
Quand ma bouche implorait le nom de la déesse,
Jâadorais Hippolyte ; et, le voyant sans cesse,
MĂȘme au pied des autels que je faisais fumer,
Jâoffrais tout Ă ce dieu que je nâosais nommer.
Je lâĂ©vitais partout. Ă comble de misĂšre !
Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son pĂšre.
Contre moi-mĂȘme enfin jâosai me rĂ©volter :
Jâexcitai mon courage Ă le persĂ©cuter.
Pour bannir lâennemi dont jâĂ©tais idolĂątre,
Jâaffectai les chagrins dâune injuste marĂątre ;
Je pressai son exil ; et mes cris Ă©ternels
LâarrachĂšrent du sein et des bras paternels.
Je respirais, ĆNONE ; et, depuis son absence,
Mes jours moins agitĂ©s coulaient dans lâinnocence :
Soumise Ă mon Ă©poux, et cachant mes ennuis,
De son fatal hymen je cultivais les fruits.
Vaines précautions ! Cruelle destinée !
Par mon Ă©poux lui-mĂȘme Ă TrĂ©zĂšne amenĂ©e,
Jâai revu lâennemi que jâavais Ă©loignĂ© :
Ma blessure trop vive aussitÎt a saigné.
Ce nâest plus une ardeur dans mes veines cachĂ©e :
Câest VĂ©nus tout entiĂšre Ă sa proie attachĂ©e.
Jâai conçu pour mon crime une juste terreur ;
Jâai pris la vie en haine, et ma flamme en horreur ;
Je voulais en mourant prendre soin de ma gloire,
Et dérober au jour une flamme si noire :
Je nâai pu soutenir tes larmes, tes combats :
Je tâai tout avouĂ© ; je ne mâen repens pas.
Pourvu que, de ma mort respectant les approches,
Tu ne mâaffliges plus par dâinjustes reproches,
Et que tes vains secours cessent de rappeler
Un reste de chaleur tout prĂȘt Ă sâexhaler.
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Jean Racine (PhĂšdre)
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PlĂ»t au ciel que le lecteur, enhardi et devenu momentanĂ©ment fĂ©roce comme ce quâil lit, trouve, sans se dĂ©sorienter, son chemin abrupt et sauvage, Ă travers les marĂ©cages dĂ©solĂ©s de ces pages sombres et pleines de poison ; car, Ă moins qu'il nâapporte dans sa lecture une logique rigoureuse et une tension dâesprit Ă©gale au moins Ă sa dĂ©fiance, les Ă©manations mortelles de ce livre imbiberont son Ăąme comme lâeau le sucre. Il nâest pas bon que tout le monde lise les pages qui vont suivre ; quelques-uns seuls savoureront ce fruit amer sans danger. Par consĂ©quent, Ăąme timide, avant de pĂ©nĂ©trer plus loin dans de pareilles landes inexplorĂ©es, dirige tes talons en arriĂšre et non en avant. Ăcoute bien ce que je te dis : dirige tes talons en arriĂšre et non en avant.
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Comte de Lautréamont (Les Chants de Maldoror)
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- Qu'y-a-t-il au sommet de la montagne ?
- Le ciel.
- Que dit le loup quand il hurle ?
- Joie, force et solitude.
- A qui s'adresse-t-il ?
- A la lune.
- OĂč va la riviĂšre ?
- Remplir la mer.
- A qui la nuit fait-elle peur ?
- A ceux qui attendent le jour pour voir.
- Es-tu vent ou nuage ?
- Je suis moi.
- Es-tu vent ou nuage ?
- Vent.
- Es-tu ombre ou lumiĂšre ?
- Je suis moi.
- Es-tu ombre ou lumiĂšre ?
- Les deux.
- Que devient une lame qui se brise ?
- Une poussiĂšre d'Ă©toile.
- Que fais-tu devant une riviĂšre que tu ne peux pas traverser ?
- Je le traverse.
- Que devient une Ă©toile qui meurt ?
- Un rĂȘve qui vit.
- Offre moi un mot.
- Silence.
- Un autre.
- Harmonie.
- Un dernier.
- Fluidité.
- L'ours et le chien se disputent un territoire, qui a raison ?
- Le chat qui les observe.
- Marie tes trois mots.
- Marchombre.
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Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
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Cela pose un problĂšme que...?"
"Que tu ne sois pas juif? Pas le moins du tout, dit maman en riant. Ni mon mari ni moi n'accordons d'importance à la différence de l'autre. Bien au contraire, nous avons toujours pensé que'elle était passionnante et source de multiples bonheurs. Le plus important, quand on veut vivre à deux toute une vie, est d'etre sur que l'on ne s'ennuiera pas ensemble. L'ennui dans un couple, c'est lui qui tue l'amour. Tant que tu feras rire Alice, tant que tu lui donneras l'envie de te retrouver, alors que tu viens à peine de la quitter pour aller travailler, tant que tu seras celui dont elle partage les confidences et à qui elle aime aussi se confier, tant que tu vivras tes reves avec elle, meme ceux que tu ne pourras pas réaliser, alors je suis certaine que quelles que soient tes origines, la seule chose qui sera étrangÚre à votre couple sera le monde et ses jaloux.
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Marc Levy (Les Enfants de la liberté)
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But, you will say, what a dreadful person you are, with your impossible religious notions and idiotic scruples. If my ideas are impossible or idiotic then I would like nothing better than to be rid of them. But this is roughly the way I actually see things. In Le philosophe sous les toits by Souvestre you can read what a man of the people, a simple craftsman, pitiful if you will, thinks of his country: âTu nâas peut-ĂȘtre jamais pensĂ© ĂĄ ce que câest la patrie, reprit-il, en me posant une main sur lâĂ©paule; câest tout ce qui tâentoure, tout ce qui tâa Ă©levĂ© et nourri, tout ce que tu as aimĂ©. Cette campagne que tu vois, ces maisons, ces arbres, ces jeunes filles qui passent lĂĄ en riant, câest la patrie! Les lois qui te protĂ©gent, le pain qui paye ton travail, les paroles que tu Ă©changes, la joie et la tristesse qui te viennent des hommes et des choses parmi lesquels tu vis, câest la patrie! La petite chambre oĂș tu as autrefois vu ta mere, les souvenirs quâelle tâa laisses, la terre oĂș elle repose, câest la patrie! Tu la vois, tu la respires partout! Figure toi, tes droits et tes devoirs, tes affections et tes besoins, tes souvenirs et ta reconnaissance, rĂ©unis tout ça sous un seul nom et ce nom sera la patrie.
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Vincent van Gogh
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Sagesse (I,X)
Non. Il fut gallican, ce siÚcle, et janséniste !
C'est vers le Moyen Age énorme et délicat
Qu'il faudrait que mon cĆur en panne naviguĂąt,
Loin de nos jours d'esprit charnel et de chair triste.
Roi, politicien, moine, artisan, chimiste,
Architecte, soldat, médecin, avocat,
Quel temps ! Oui, que mon cĆur naufragĂ© rembarquĂąt
Pour toute cette force ardente, souple, artiste !
Et lĂ que j'eusse part - quelconque, chez les rois
Ou bien ailleurs, n'importe, - Ă la chose vitale,
Et que je fusse un saint, actes bons, pensers droits,
Haute théologie et solide morale,
Guidé par la folie unique de la Croix
Sur tes ailes de pierre, Î folle Cathédrale !
â
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Paul Verlaine (Sagesse / Amour / Bonheur)
â
Je dĂ©couvre la morsure de l'attente. Parce qu'il y a ce refus de s'avouer vaincu, de croire que c'est sans lendemain, que ça ne se reproduira pas. Je me persuade qu'il accomplira un geste dans ma direction, que c'est impossible autrement, que la mĂ©moire des corps emmĂȘlĂ©s vaincra sa rĂ©sistance. Je me dis que ce n'Ă©tait pas seulement une histoire de corps, mais de nĂ©cessitĂ©. Qu'on ne lutte pas contre la nĂ©cessitĂ©. Ou, si on lutte, elle finit par avoir raison de nous.
Je découvre la morsure du manque.
â
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Philippe Besson (" ArrĂȘte avec tes mensonges ")
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L'Amour qui n'est pas un mot
Mon Dieu jusqu'au dernier moment
Avec ce coeur dĂ©bile et blĂȘme
Quand on est l'ombre de soi-mĂȘme
Comment se pourrait-il comment
Comment se pourrait-il qu'on aime
Ou comment nommer ce tourment
Suffit-il donc que tu paraisses
De l'air que te fait rattachant
Tes cheveux ce geste touchant
Que je renaisse et reconnaisse
Un monde habité par le chant
Elsa mon amour ma jeunesse
O forte et douce comme un vin
Pareille au soleil des fenĂȘtres
Tu me rends la caresse d'ĂȘtre
Tu me rends la soif et la faim
De vivre encore et de connaĂźtre
Notre histoire jusqu'Ă la fin
C'est miracle que d'ĂȘtre ensemble
Que la lumiĂšre sur ta joue
Qu'autour de toi le vent se joue
Toujours si je te vois je tremble
Comme Ă son premier rendez-vous
Un jeune homme qui me ressemble
M'habituer m'habituer
Si je ne le puis qu'on m'en blĂąme
Peut-on s'habituer aux flammes
Elles vous ont avant tué
Ah crevez-moi les yeux de l'Ăąme
S'ils s'habituaient aux nuées
Pour la premiĂšre fois ta bouche
Pour la premiĂšre fois ta voix
D'une aile Ă la cime des bois
L'arbre frémit jusqu'à la souche
C'est toujours la premiĂšre fois
Quand ta robe en passant me touche
Prends ce fruit lourd et palpitant
Jettes-en la moitié véreuse
Tu peux mordre la part heureuse
Trente ans perdus et puis trente ans
Au moins que ta morsure creuse
C'est ma vie et je te la tends
Ma vie en vérité commence
Le jour que je t'ai rencontrée
Toi dont les bras ont su barrer
Sa route atroce à ma démence
Et qui m'as montré la contrée
Que la bonté seule ensemence
Tu vins au coeur du désarroi
Pour chasser les mauvaises fiĂšvres
Et j'ai flambé comme un geniÚvre
A la Noël entre tes doigts
Je suis né vraiment de ta lÚvre
Ma vie est Ă partir de toi
â
â
Louis Aragon
â
Ma liberté
Longtemps je t'ai gardée
Comme une perle rare
Ma liberté
c'est toi qui m'as aidé
A larguer les amarres
Pour aller n'importe oĂč
Pour aller jusqu'au bout
Des chemins de fortune
Pour cueillir en rĂȘvant
Une rose des vents
Sur un rayon de lune
Ma liberté
Devant tes volontés
Mon Ăąme Ă©tait soumise
Ma liberté
je t'avais tout donné
Ma derniĂšre chemise
Et combien j'ai souffert
Pour pouvoir satisfaire
Tes moindres exigences
J'ai changé de pays
J'ai perdu mes amis
Pour gagner ta confiance
Ma liberté
Tu as su désarmer
Toutes mes habitudes
Ma liberté
toi qui m'as fait aimer
MĂȘme la solitude
Toi qui m'as fait sourire
Quand je voyais finir
Une belle aventure
Toi qui m'as protégé
Quand j'allais me cacher
Pour soigner mes blessures
Ma liberté
Pourtant je t'ai quittée
Une nuit de décembre
J'ai déserté les chemins écartés
Que nous suivions ensemble
Lorsque sans me méfier
Les pieds et poings liés
Je me suis laissé faire
Et je t'ai trahie pour
Une prison d'amour
Et sa belle geĂŽliĂšre
Et je t'ai trahie pour
Une prison d'amour
Et sa belle geĂŽliĂšre
â
â
Georges Moustaki
â
A un moment jâai mĂȘme laissĂ© Ă©chapper un son qui sâest prolongĂ© malgrĂ© moi en prenant de plus en plus de force, un son qui avait attendu ce jour prĂ©cis pour partir du fond de mes annĂ©es de tĂ©nĂšbres Ă mal aimer des hommes qui mâont mal aimĂ©e en retour et recouvrir ta poitrine comme une brĂ»lure ; câĂ©tait dâabord un son rauque et traĂźnant, une plainte animale qui nâavait rien du sanglot et qui en un vĂ©ritable appel Ă la mort. A ce moment tout sâest arrĂȘtĂ©, je me suis soudain rappelĂ© cette mĂȘme scĂšne vĂ©cu avec toi alors quâon venait de se rencontrer ; ce hurlement avait dĂ©jĂ eu lieu et sa rĂ©pĂ©tition implacable mâa fait taire une fois pour toute. A ce moment aussi tu tâes Ă©cartĂ© de moi, sans doute pour la mĂȘme raison, tu tâes levĂ© dans une brusquerie qui a dĂ©logĂ© OrĂ©o de la chaise de ton bureau. Ne voulant pas te regarder dans les yeux, jâai regardĂ© tes pieds. Mon hurlement avait tracĂ© une ligne infranchissable entre nous, en hurlant je venais de sonner le glas de notre histoire. Tu as dit des paroles que tu avais dĂ©jĂ prononcĂ©es en dâautres circonstances et je suis partie, je savais que plus jamais on ne se reparlerait.
â
â
Nelly Arcan (Folle)
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Le MĂ©tĂšque
Avec ma gueule de métÚque, de juif errant, de pùtre grec
Et mes cheveux aux quatre vents
Avec mes yeux tout dĂ©lavĂ©s, qui me donnent l'air de rĂȘver
Moi qui ne rĂȘve plus souvent.
Avec mes mains de maraudeur, de musicien et de rĂŽdeur
Qui ont pillé tant de jardins
Avec ma bouche qui a bu, qui a embrassé et mordu
Sans jamais assouvir sa faim
Avec ma gueule de métÚque, de juif errant, de pùtre grec
De voleur et de vagabond
Avec ma peau qui s'est frottée au soleil de tous les étés
Et tout ce qui portait jupon
Avec mon coeur qui a su faire souffrir autant qu'il a souffert
Sans pour cela faire d'histoire
Avec mon Ăąme qui n'a plus la moindre chance de salut
Pour Ă©viter le purgatoire.
Avec ma gueule de métÚque, de juif errant, de pùtre grec
Et mes cheveux aux quatre vents
Je viendrai ma douce captive, mon Ăąme soeur, ma source vive
Je viendrai boire tes vingt ans
Et je serai prince de sang, rĂȘveur, ou bien adolescent
Comme il te plaira de choisir
Et nous ferons de chaque jour, toute une éternité d'amour
Que nous vivrons Ă en mourir.
Et nous ferons de chaque jour, toute une éternité d'amour
Que nous vivrons Ă en mourir.
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Georges Moustaki
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Elle devait partir, suivre son propre chemin. Grandir. Mais auparavant, elle voulait lui parler. Lui dire. Ces phrases qu'elle avait si souvent étouffées :
« Tu m'as sauvĂ©e, Jilano AlhuĂŻn. Tu m'as tirĂ©e de la nuit, tu m'as offert un toit, une protection, une prĂ©sence. Tu m'as rĂ©conciliĂ©e avec la vie, avec les hommes, avec moi-mĂȘme et, lorsque j'ai Ă©tĂ© guĂ©rie, tu t'es ouvert pour que je puise en toi, pour que je comble mes vides, pour que j'avance. Toujours plus loin. Ce que je sais, ce que je suis, je te le dois. Non, c'est plus que cela. Je te dois tout, Jilano AlhuĂŻn. Tout. »
Il lui barra les lÚvres d'un doigt avant qu'elle ait prononcé le moindre mot.
â C'est moi qui te remercie, Ellana. Pour la lumiĂšre et le sens dont tu as parĂ© ma vie. Le reste n'a aucune importance.
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Pierre Bottero (Ellana, l'Envol (Le Pacte des MarchOmbres, #2))
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Tu viens d'incendier la BibliothĂšque ?
- Oui.
J'ai mis le feu lĂ .
- Mais c'est un crime inouĂŻ !
Crime commis par toi contre toi-mĂȘme, infĂąme !
Mais tu viens de tuer le rayon de ton Ăąme !
C'est ton propre flambeau que tu viens de souffler !
Ce que ta rage impie et folle ose brûler,
C'est ton bien, ton trésor, ta dot, ton héritage
Le livre, hostile au maĂźtre, est Ă ton avantage.
Le livre a toujours pris fait et cause pour toi.
Une bibliothĂšque est un acte de foi
Des générations ténébreuses encore
Qui rendent dans la nuit témoignage à l'aurore.
Quoi! dans ce vénérable amas des vérités,
Dans ces chefs-d'oeuvre pleins de foudre et de clartés,
Dans ce tombeau des temps devenu répertoire,
Dans les siĂšcles, dans l'homme antique, dans l'histoire,
Dans le passé, leçon qu'épelle l'avenir,
Dans ce qui commença pour ne jamais finir,
Dans les poĂštes! quoi, dans ce gouffre des bibles,
Dans le divin monceau des Eschyles terribles,
Des HomĂšres, des jobs, debout sur l'horizon,
Dans MoliĂšre, Voltaire et Kant, dans la raison,
Tu jettes, misérable, une torche enflammée !
De tout l'esprit humain tu fais de la fumée !
As-tu donc oublié que ton libérateur,
C'est le livre ? Le livre est lĂ sur la hauteur;
Il luit; parce qu'il brille et qu'il les illumine,
Il détruit l'échafaud, la guerre, la famine
Il parle, plus d'esclave et plus de paria.
Ouvre un livre. Platon, Milton, Beccaria.
Lis ces prophĂštes, Dante, ou Shakespeare, ou Corneille
L'Ăąme immense qu'ils ont en eux, en toi s'Ă©veille ;
Ăbloui, tu te sens le mĂȘme homme qu'eux tous ;
Tu deviens en lisant grave, pensif et doux ;
Tu sens dans ton esprit tous ces grands hommes croĂźtre,
Ils t'enseignent ainsi que l'aube Ă©claire un cloĂźtre
Ă mesure qu'il plonge en ton coeur plus avant,
Leur chaud rayon t'apaise et te fait plus vivant ;
Ton Ăąme interrogĂ©e est prĂȘte Ă leur rĂ©pondre ;
Tu te reconnais bon, puis meilleur; tu sens fondre,
Comme la neige au feu, ton orgueil, tes fureurs,
Le mal, les préjugés, les rois, les empereurs !
Car la science en l'homme arrive la premiĂšre.
Puis vient la liberté. Toute cette lumiÚre,
C'est Ă toi comprends donc, et c'est toi qui l'Ă©teins !
Les buts rĂȘvĂ©s par toi sont par le livre atteints.
Le livre en ta pensée entre, il défait en elle
Les liens que l'erreur Ă la vĂ©ritĂ© mĂȘle,
Car toute conscience est un noeud gordien.
Il est ton médecin, ton guide, ton gardien.
Ta haine, il la guérit ; ta démence, il te l'Îte.
Voilà ce que tu perds, hélas, et par ta faute !
Le livre est ta richesse Ă toi ! c'est le savoir,
Le droit, la vérité, la vertu, le devoir,
Le progrÚs, la raison dissipant tout délire.
Et tu détruis cela, toi !
- Je ne sais pas lire.
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Victor Hugo
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Il ajoute cette phrase, pour moi inoubliable  : parce que tu partiras et que nous resterons.
J'ai les larmes aux yeux en recopiant les mots. Je demeure fascinĂ© que cette phrase ait Ă©tĂ© prononcĂ©e un jour, qu'elle m'ait Ă©tĂ© adressĂ©e. Qu'on me comprenne  : ce n'est pas l'Ă©ventuelle prĂ©monition qu'elle contient qui me fascine, ni mĂȘme qu'elle ait Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e. Ce n'est pas non plus la maturitĂ© ou la fulgurance qu'elle suppose. Ce n'est pas davantage l'agencement des mots, mĂȘme si je prendrai conscience que je n'aurais sans doute pas pu les trouver alors, ni plus tard les Ă©crire. C'est la violence de ce qu'ils signifient, de ce qu'ils charrient  : l'infĂ©rioritĂ© qu'ils racontent en mĂȘme temps que l'amour sous-jacent dont ils tĂ©moignent, l'amour rendu nĂ©cessaire par la disparition prochaine, inĂ©vitable, l'amour rendu possible par elle aussi.
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Philippe Besson (" ArrĂȘte avec tes mensonges ")
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Il y a quelqu'un que je n'ai encore jamais eu envie de tuer.
C'est toi.
Tu peux marcher dans les rues, tu peux boire et marcher dans les rues, je ne te tuerai pas.
N'aie pas peur. La ville est sans danger. Le seul danger dans la ville, c'est moi.
Je marche, je marche dans les rues, je tue.
Mais toi, tu n'as rien Ă craindre.
Si je te suis, c'est parce que j'aime le rythme de tes pas. Tu titubes. C'est beau. On pourrait dire que tu boites. Et que tu es bossu. Tu ne l'es pas vraiment. De temps en temps tu te redresses, et tu marches droit. Mais moi, je t'aime dans les heures avancées de la nuit, quand tu es faible, quand tu trébuches, quand tu te voûtes.
Je te suis, tu trembles. De froid ou de peur. Il fait chaud pourtant.
Jamais, presque jamais, peut-ĂȘtre jamais il n'avait fait si chaud dans notre ville.
Et de quoi pourrais-tu avoir peur?
De moi?
Je ne suis pas ton ennemi. Je t'aime.
Et personne d'autre ne pourrait te faire du mal.
N'aie pas peur. je suis lĂ . Je te protĂšge.
Pourtant, je souffre aussi.
Mes larmes - grosses gouttes de pluie - me coulent sur le visage. La nuit me voile. La lune m'éclaire. Les nuages me cachent. Le vent me déchire. J'ai une sorte de tendresse pour toi. Cela m'arrive parfois. Tres rarement.
Pourquoi pour toi? Je n'en sais rien.
Je veux te suivre trĂšs loin, partout, longtemps.
Je veux te voir souffrir encore plus.
Je veux que tu en aies assez de tout le reste.
Je veux que tu viennes me supplier de te prendre.
Je veux que tu me désires. Que tu aies envie de moi, que tu m'aimes, que tu m'appelles.
Alors, je te prendrai dans mes bras, je te serrerai sur mon coeur, tu seras mon enfant, mon amant, mon amour.
Je t'emporterai.
Tu avais peur de naĂźtre, et maintenant tu as peur de mourir.
Tu as peur de tout.
Il ne faut pas avoir peur.
Il y a simplement une grande roue qui tourne. Elle s'appelle ĂternitĂ©.
C'est moi qui fais tourner la grande roue.
Tu ne dois pas avoir peur de moi.
Ni de la grande roue.
La seule chose qui puisse faire peur, qui puisse faire mal, c'est la vie, et tu la connais déjà .
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Ăgota KristĂłf
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I will say this about the upper echelon in France: they know how to spend money. From what I saw living in America, wealth is dedicated to elevating the individual experience. If youâre a well-off child, you get a car, or a horse. You go to summer camps that cost as much as college. And everything is monogrammed, personalized, and stamped, to make it that much easier for other people to recognize your net worth.
âŠThe French bourgeois donât pine for yachts or garages with multiple cars. They donât build homes with bowling alleys or spend their weekends trying to meet the quarterly food and beverage limit at their country clubs: they put their savings into a vacation home that all their family can enjoy, and usually itâs in France. They buy nice food, they serve nice wine, and they wear the same cashmere sweaters over and over for years. I think the wealthy French feel comfortable with their money because they do not fear it. Itâs the fearful who put money into houses with even bedrooms and fifteen baths. Itâs the fearful who drive around in yellow Hummers during high-gas-price months becasue if theyâre going to lose their money tomorrow, at least other people will know that they are rich today. The French, as with almost all things, privilege privacy and subtlety and they donât feel comfortable with excess. This is why one of their favorite admonishments is tu tâes laisse aller. Youâve lost control of yourself. Youâve let yourself go.
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Courtney Maum (I Am Having So Much Fun Here Without You)
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J'ai Ă©crit le mot  : amour. J'ai bien envisagĂ© d'en employer un autre. Au moins parce que c'est une notion curieuse, l'amour  ; difficile Ă dĂ©finir, Ă cerner, Ă Ă©tablir. Il en existe tant de degrĂ©s, tant de variations. J'aurais pu me contenter d'affirmer que j'Ă©tais attendri (et il est exact que T.  savait Ă merveille me faire faiblir, flĂ©chir), ou charmĂ© (il s'y entendait comme personne pour attirer Ă lui, conquĂ©rir, flatter, et mĂȘme ensorceler), ou troublĂ© (il provoquait souvent un mĂ©lange de perplexitĂ© et d'Ă©moi, renversait les situations), ou sĂ©duit (il m'attirait dans ses filets, me bluffait, me gagnait Ă ses causes), ou Ă©pris (j'Ă©tais bĂȘtement enjouĂ©, je pouvais m'enflammer pour un rien)  ; ou mĂȘme aveuglĂ© (je mettais de cĂŽtĂ© ce qui m'embarrassait, je minimisais ses dĂ©fauts, portais aux nues ses qualitĂ©s), perturbĂ© (je n'Ă©tais plus tout Ă fait moi-mĂȘme), ce qui aurait un sens moins favorable. J'aurais pu expliquer qu'il ne s'agissait que d'affection, que je me contentais d'avoir le « bĂ©guin  », une formulation suffisamment floue pour englober n'importe quoi. Mais ce serait me payer de mots. La vĂ©ritĂ©, la vĂ©ritĂ© toute nue, c'est que j'Ă©tais amoureux. Autant employer les mots prĂ©cis.
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Philippe Besson (« ArrĂȘte avec tes mensonges »)
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« Ăcoute, Egor PĂ©trovitch, lui dit-il. Quâest ce que tu fais de toi ? Tu te perds seulement avec ton dĂ©sespoir. Tu nâas ni patience ni courage. Maintenant, dans un accĂšs de tristesse, tu dis que
tu nâas pas de talent. Ce nâest pas vrai. Tu as du talent ; je tâassure que tu en as. Je le vois rien quâĂ la façon dont tu sens et comprends lâart. Je te le prouverai par toute ta vie. Tu mâas racontĂ© ta vie dâautrefois. Ă cette Ă©poque aussi le dĂ©sespoirte visitait sans que tu tâen rendisses compte. Ă cette Ă©poque aussi, ton premier maĂźtre, cet homme Ă©trange, dont tu mâas tant parlĂ©, a Ă©veillĂ© en toi, pour la premiĂšre fois, lâamour de lâart et a devinĂ© ton talent. Tu lâas senti alors aussi fortement que maintenant. Mais tu ne savais pas ce qui se passait en toi. Tu ne pouvais pas vivre dans la maison du propriĂ©taire, et tu ne savais toi-mĂȘme ce que tu dĂ©sirais. Ton maĂźtre est mort trop tĂŽt. Il tâa laissĂ© seulement avec des aspirations vagues et, surtout, il ne tâa pas expliquĂ© toimĂȘme. Tu sentais le besoin dâune autre route plus large, tu pressentais que dâautres buts tâĂ©taient destinĂ©s, mais tu ne comprenais pas comment tout cela se ferait et, dans ton angoisse, tu as haĂŻ tout ce qui tâentourait alors. Tes six annĂ©es de misĂšre ne sont pas perdues. Tu as travaillĂ©, pensĂ©, tu as reconnu et toi-mĂȘme et tes forces ; tu comprends maintenant lâart et ta destination. Mon ami, il faut avoir de la patience et du courage. Un sort plus enviĂ© que le mien tâest rĂ©servĂ©. Tu es cent fois plus artiste que moi, mais que Dieu te donne mĂȘme la dixiĂšme partie de ma patience. Travaille, ne bois pas, comme te le disait ton bonpropriĂ©taire, et, principalement, commence par lâa, b, c.
« Quâest-ce qui te tourmente ? La pauvretĂ©, la misĂšre ? Mais la pauvretĂ© et la misĂšre forment lâartiste. Elles sont insĂ©parables des dĂ©buts. Maintenant personne nâa encore besoin de toi ; personne ne veut te connaĂźtre. Ainsi va le monde. Attends, ce sera autre chose quand on saura que tu as du talent. Lâenvie, la malignitĂ©, et surtout la bĂȘtise tâopprimeront plus fortement que la misĂšre. Le talent a besoin de sympathie ; il faut quâon le comprenne. Et toi, tu verras quelles gens tâentoureront quand tu approcheras du but. Ils tĂącheront de regarder avec mĂ©pris ce qui sâest Ă©laborĂ© en toi au prix dâun pĂ©nible travail, des privations, des nuits sans sommeil. Tes futurs camarades ne tâencourageront pas, ne te consoleront pas. Ils ne tâindiqueront pas ce qui en toi est bon et vrai. Avec une joie maligne ils relĂšveront chacune de tes fautes. Ils te montreront prĂ©cisĂ©ment ce quâil y a de mauvais en toi, ce en quoi tu te trompes, et dâun air calme et mĂ©prisant ils fĂȘteront joyeusement chacune de tes erreurs. Toi, tu esorgueilleux et souvent Ă tort. Il tâarrivera dâoffenser une nullitĂ© qui a de lâamour-propre, et alors malheur Ă toi : tu seras seul et ils seront plusieurs. Ils te tueront Ă coups dâĂ©pingles. Moi mĂȘme, je commence Ă Ă©prouver tout cela. Prends donc des forces dĂšs maintenant. Tu nâes pas encore si pauvre. Tu peux encore vivre ; ne nĂ©glige pas les besognes grossiĂšres, fends du bois, comme je lâai fait un soir chez de pauvres gens. Mais tu es impatient ; lâimpatience est ta maladie. Tu nâas pas assez de simplicitĂ© ; tu ruses trop, tu rĂ©flĂ©chis trop, tu fais trop travailler ta tĂȘte. Tu es audacieux en paroles et lĂąche quand il faut prendra lâarchet en main. Tu as beaucoup dâamour-propre et peu de hardiesse. Sois plus hardi, attends, apprends, et si tu ne comptes pas sur tes forces, alors va au hasard ; tu as de la chaleur, du sentiment, peut-ĂȘtre arriveras-tu au but. Sinon, va quand mĂȘme au hasard. En tout cas tu ne perdras rien, si le gain est trop grand. Vois-tu, aussi, le hasard pour nous est une grande chose. »
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Fyodor Dostoevsky (Netochka Nezvanova)
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Un aveu. Je fais autre chose encore, autre chose que visualiser la scÚne, autre chose que convoquer un souvenir, je me dis  : à quoi Thomas a-t-il pensé, quand ça a été le dernier moment  ? aprÚs avoir passé la corde autour de son cou  ? avant de renverser la chaise  ? et d'abord, combien de temps cela a-t-il duré  ? une poignée de secondes  ? puisqu'il ne servait à rien de perdre du temps, la décision avait été prise, il fallait la mettre à exécution, une minute  ? mais c'est interminable, une minute, dans ces circonstances, et alors comment l'a-t-il remplie  ? avec quelles pensées  ? et j'en reviens à ma question. A-t-il fermé les yeux et revu des épisodes de son passé, de la tendre enfance, par exemple son corps étendu en croix dans l'herbe fraßche, tourné vers le bleu du ciel, la sensation de chaleur sur sa joue et sur ses bras  ? de son adolescence  ? une chevauchée à moto, la résistance de l'air contre son torse  ? a-t-il été rattrapé par des détails auxquels il ne s'attendait pas  ? des choses qu'il croyait avoir oubliées  ? ou bien a-t-il fait défiler des visages ou des lieux, comme s'il s'agissait de les emporter avec lui  ? (à la fin, je suis convaincu qu'en tout cas, il n'a pas envisagé de renoncer, que sa détermination n'a pas fléchi, qu'aucun regret, s'il y en a eu, n'est venu contrarier sa volonté.) Je traque cette ultime image formée dans son esprit, surgie de sa mémoire, non pas pour escompter y avoir figuré mais pour croire qu'en la découvrant, je renouerais avec notre intimité, je serais à nouveau ce que nul autre n'a été pour lui.
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Philippe Besson (« ArrĂȘte avec tes mensonges »)
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Mais les signes de ce qui m'attendait rĂ©ellement, je les ai tous nĂ©gligĂ©s. Je travaille mon diplĂŽme sur le surrĂ©alisme Ă la bibliothĂšque de Rouen, je sors, je traverse le square Verdrel, il fait doux, les cygnes du bassin ont reparu, et d'un seul coup j'ai conscience que je suis en train de vivre peut-ĂȘtre mes derniĂšres semaines de fille seule, libre d'aller oĂč je veux, de ne pas manger ce midi, de travailler dans ma chambre sans ĂȘtre dĂ©rangĂ©e. Je vais perdre dĂ©finitivement la solitude. Peut-on s'isoler facilement dans un petit meublĂ©, Ă deux. Et il voudra manger ses deux repas par jour. Toutes sortes d'images me traversent. Une vie pas drĂŽle finalement. Mais je refoule, j'ai honte, ce sont des idĂ©es de fille unique, Ă©gocentrique, soucieuse de sa petite personne, mal Ă©levĂ©e au fond. Un jour, il a du travail, il est fatiguĂ©, si on mangeait dans la chambre au lieu d'aller au restau. Six heures du soir cours Victor-Hugo, des femmes se prĂ©cipitent aux Docks, en face du Montaigne, prennent ci et ça sans hĂ©sitation, comme si elles avaient dans la tĂȘte toute la programmation du repas de ce soir, de demain peut-ĂȘtre, pour quatre personnes ou plus aux goĂ»ts diffĂ©rents. Comment font-elles ? [...] Je n'y arriverai jamais. Je n'en veux pas de cette vie rythmĂ©e par les achats, la cuisine. Pourquoi n'est-il pas venu avec moi au supermarchĂ©. J'ai fini par acheter des quiches lorraines, du fromage, des poires. Il Ă©tait en train d'Ă©couter de la musique. Il a tout dĂ©ballĂ© avec un plaisir de gamin. Les poires Ă©taient blettes au coeur, "tu t'es fait entuber". Je le hais. Je ne me marierai pas. Le lendemain, nous sommes retournĂ©s au restau universitaire, j'ai oubliĂ©. Toutes les craintes, les pressentiments, je les ai Ă©touffĂ©s. SublimĂ©s. D'accord, quand on vivra ensemble, je n'aurai plus autant de libertĂ©, de loisirs, il y aura des courses, de la cuisine, du mĂ©nage, un peu. Et alors, tu renĂącles petit cheval tu n'es pas courageuse, des tas de filles rĂ©ussissent Ă tout "concilier", sourire aux lĂšvres, n'en font pas un drame comme toi. Au contraire, elles existent vraiment. Je me persuade qu'en me mariant je serai libĂ©rĂ©e de ce moi qui tourne en rond, se pose des questions, un moi inutile. Que j'atteindrai l'Ă©quilibre. L'homme, l'Ă©paule solide, anti-mĂ©taphysique, dissipateur d'idĂ©es tourmentantes, qu'elle se marie donc ça la calmera, tes boutons mĂȘme disparaĂźtront, je ris forcĂ©ment, obscurĂ©ment j'y crois. Mariage, "accomplissement", je marche. Quelquefois je songe qu'il est Ă©goĂŻste et qu'il ne s'intĂ©resse guĂšre Ă ce que je fais, moi je lis ses livres de sociologie, jamais il n'ouvre les miens, Breton ou Aragon. Alors la sagesse des femmes vient Ă mon secours : "Tous les hommes sont Ă©goĂŻstes." Mais aussi les principes moraux : "Accepter l'autre dans son altĂ©ritĂ©", tous les langages peuvent se rejoindre quand on veut.
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Annie Ernaux (A Frozen Woman)