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13 juillet.
Non, je ne me trompe pas ; je lis dans ses yeux noirs un vĂ©ritable intĂ©rĂȘt pour ma personne et pour mon sort. Je le sens, et, lĂ -dessus, jâose me fier Ă mon cĆur, elleâŠ. Oh ! pourrai-je, oserai-je exprimer en ces mots le bonheur cĂ©leste ?⊠Je sens que je suis aimĂ©.
Je suis aimĂ© !⊠Et combien je me deviens cher Ă moi-mĂȘme, combienâŠ. Jâose te le dire, tu sauras me comprendre. Combien je suis relevĂ© Ă mes propres yeux.depuis que jâai son amour !âŠ.
Est-ce de la prĂ©somption ou le sentiment de ce que nous sommes rĂ©ellement lâun pour lâautre ?⊠Je ne connais pas dâhomme dont je craigne quelque chose dans le cĆur de Charlotte, et pourtant, lorsquâelle parle de son fiancĂ©, quâelle en parle avec tant de chaleur, tant dâamourâŠ. je suis comme le malheureux que lâon dĂ©pouille de tous ses honneurs et ses titres, et Ă qui lâon retire son Ă©pĂ©e.
16 juillet.
Ah ! quel frisson court dans toutes mes veines, quand, par mĂ©garde, mes doigts touchent les siens, quand nos pieds se rencontrent sous la table ! Je me retire comme du feu, et une force secrĂšte mâattire de nouveauâŠ. Le vertige sâempare de tous mes sens. Et son innocence, son Ăąme candide, ne sent pas combien ces petites familiaritĂ©s me font souffrir. Si, dans la conversation, elle pose sa main sur la mienne, et si, dans la chaleur de lâentretien, elle sâapproche de moi, en sorte que son haleine divine vienne effleurer mes lĂšvresâŠ. je crois mourir, comme frappĂ© de la foudreâŠ. Wilhelm, et ce ciel, cette confiance, si jâose jamaisâŠ. Tu mâentendsâŠ. Non, mon cĆur nâest pas si corrompu. Faible ! bien faible !âŠ. Et nâest-ce pas de la corruption ?
Elle est sacrĂ©e pour moi. Tout dĂ©sir sâĂ©vanouit en sa prĂ©sence. Je ne sais jamais ce que jâĂ©prouve, quand je suis auprĂšs dâelle. Je crois sentir mon Ăąme se rĂ©pandre dans tous mes nerfsâŠ. Elle a une mĂ©lodie, quâelle joue sur le clavecin avec lâexpression dâun ange, si simple et si charmante !⊠Câest son air favori : il chasse loin de moi troubles, peines, soucis, aussitĂŽt quâelle attaque la premiĂšre note.
De tout ce quâon rapporte sur lâantique magie de la musique, rien nâest invraisemblable pour moi. Comme ce simple chant me saisit ! et comme souvent elle sait le faire entendre, Ă lâinstant mĂȘme oĂč je mâenverrais volontiers une balle dans la tĂȘte !⊠le trouble et les tĂ©nĂšbres de mon Ăąme se dissipent, et je respire plus librement.
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