Que Veut Dire Quotes

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Et puis qu’est-ce que ça veut dire différents ? C’est de la foutaise ton histoire de torchons et de serviettes… Ce qui empêche les gens de vivre ensemble, c’est leur connerie, pas leurs différences…
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Anna Gavalda (Hunting and Gathering)
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Tu n'as rien appris, sinon que la solitude n'apprend rien, que l'indifférence n'apprend rien: c'était un leurre, une illusion fascinante et piégée. Tu étais seul et voilà tout et tu voulais te protéger: qu'entre le monde et toi les ponts soient à jamais coupés. Mais tu es si peu de chose et le monde est un si grand mot: tu n'as jamais fait qu'errer dans une grande ville, que longer sur quelques kilomètres des façades, des devantures, des parcs et des quais. L'indifférence est inutile. Tu peux vouloir ou ne pas vouloir, qu'importe! Faire ou ne pas faire une partie de billard électrique, quelqu'un, de toute façon, glissera une pièce de vingt centimes dans la fente de l'appareil. Tu peux croire qu'à manger chaque jour le même repas tu accomplis un geste décisif. Mais ton refus est inutile. Ta neutralité ne veut rien dire. Ton inertie est aussi vaine que ta colère.
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Georges Perec (Un Homme qui dort)
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Elle sortit subitement prendre l’air. Je pense souvent à cette expression “prendre l’air”. Cela veut dire que l’on va ailleurs, pour le trouver. Cela veut dire littéralement : où je suis, je m’asphyxie.
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David Foenkinos (Nos séparations)
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Je voulais te dire que cette nuit, mon coeur est plein d'amour, il va exploser. Partout on me dit que je t'aime trop; moi je ne sais pas ce que ça veut dire aimer trop.
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Wajdi Mouawad (Incendies)
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Aïe, aïe, aïe, je me suis dit, est-ce que ça veut dire que c'est comme ça qu'il faut mener sa vie ? Toujours en équilibre entre la beauté et la mort, le mouvement et sa disparition ? C'est peut-être ça, être vivant : traquer des instants qui meurent.
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Muriel Barbery
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L’homme gagne sa liberté non pas en travaillant, mais davantage en créant, et surtout en se confrontant à la pluralité, en ayant le courage de dire ce qu’il pense quelles que soient ses chances d’être véritablement entendu, comme le veut la fragilité des affaires humaines.
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Hannah Arendt
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je n'ai rien à dire à celui-là qui se proclame mon égal avec hargne et ne veut ni dépendre de moi en quelque chose ni que je dépende de lui. Je n'aime que celui-là dont la mort me serait déchirante. (chapitre CLII)
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Antoine de Saint-Exupéry (Citadelle)
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Comment on va faire maintenant qu'il fait tout le temps nuit sur toi? Qu'est-ce que ça veut dire la vie sans toi? Qu'est-ce qui se passe pour toi là? Dur Rien? Du vide? De la nuit, des choses de ciel, du réconfort?
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Mathias Malzieu (Maintenant qu'il fait tout le temps nuit sur toi)
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-Jesper, t'es grand, noir et tu passes pas inaperçu... -En résumé, irrésistible. -Ce qui veut dire que tu dois te montrer deux fois plus prudent. -C'est le prix de la majesté.
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Leigh Bardugo (Crooked Kingdom (Six of Crows, #2))
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...à propos des intellectuels justement... C'est facile de se foutre de leur gueule... Ouais, c'est vachement facile... Souvent, ils sont pas très musclés et en plus, ils n'aiment pas ça, se battre... Ça ne les excite pas plus que ça les bruits des bottes, les médailles et les grosses limousines, alors oui, c'est pas très dur... Il suffit de leur arracher leur livre des mains, leur guitare, leur crayon ou leur appareil photo et déjà ils ne sont plus bons à rien, ces empotés... D'ailleurs, les dictateurs, c'est souvent la première chose qu'ils font: casser les lunettes, brûler les livres ou interdire les concerts, ça leur coûte pas cher et ça peut leur éviter bien des contrariétés par la suite... Mais tu vois, si être intello ça veut dire aimer s'instruire, être curieux, attentif, admirer, s'émouvoir, essayer de comprendre comment tout ça tient debout et tenter de se coucher un peu moins con que la veille, alors oui, je le revendique totalement: non seulement je suis une intello, mais en plus je suis fière de l'être... Vachement fière, même...
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Anna Gavalda
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Moi ce qui m'a toujours paru bizarre, c'est que les larmes ont été prévues au programme. Ça veut dire qu'on a été prévu pour pleurer. Il fallait y penser. Il y a pas un constructeur qui se respecte qui aurait fait ça.
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Romain Gary (La Vie devant soi)
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...si être intello ça veut dire aimer s'instruire, être curieux, attentif, admirer, s'émouvoir, essayer de comprendre comment tout ça tient debout et tenter de se coucher un peu moins con que la veille, alors oui, je le revendique totalement : non seulement je suis une intello, mais en plus je suis fière de l'être... Vachement fière, même...
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Anna Gavalda (Hunting and Gathering)
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Je voulais te le dire. Je voulais te dire que cette nuit, mon cœur est plein d'amour, il va exploser. Partout on me dit que je t'aime trop ; moi, je ne sais pas ce que ça veut dire aimer trop, je ne sais pas ce que ça veut dire être loin de toi, je ne sais pas ce que ça veut dire quand tu n'es plus là. Je devrais réapprendre à vivre sans toi.
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Wajdi Mouawad (Incendies)
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Tu peux très bien être courageuse et avoir peur quand même, Starr, dit-elle. Etre courageuse, ça veut dire ne pas se laisser abattre par sa peur. Et c'est ce que tu fais.
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Angie Thomas (The Hate U Give (The Hate U Give, #1))
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étant ironique et chauve, il était le chef. Iron est un mot anglais qui veut dire fer. Serait-ce de là que viendrait ironie ?
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Victor Hugo (Les Misérables: Roman (French Edition))
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« Alors je prends mon stylo pour dire que je l'aime, qu'elle a les plus longs cheveux du monde et que ma vie s'y noie, et si tu trouves ça ridicule pauvre de toi, ses yeux sont pour moi, elle est moi, je suis elle, et quand elle crie je crie aussi et tout ce que je ferai jamais sera pour elle, toujours, toujours je lui donnerai tout et jusqu'à ma mort il n'y aura pas un mation où je me lèverai pour autre chose que pour elle et lui donner envie de m'aimer et m'embrasser encore et encore ses poignets, ses épaules, ses seins et alors je me suis rendu compte que quand on est amoureux on écrit des phrases qui n'ont pas de fin, on n'a plus le temps de mettre des points, il faut continuer à écrire, écrire, courir plus loin que son coeur, et la phrase ne veut pas s'arrêter, l'amour n'a pas de ponctuation, et de larmes de passion dégoulinent, quand on aime on finit toujours par écrire des choses interminables, quand on aime on finit toujours par se prendre pour Albert Cohen. »
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Frédéric Beigbeder
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Depuis quand l'être humain sait-il quoi que ce soit?! Et puis ça ne veut rien dire. Regarde-toi, par exemple, t'es complètement conne, tu le sais pas et pourtant t'es conne quand même, bim, fin de la conversation.
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Nora Hamzawi (30 ans (10 ans de thérapie))
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Parfois on se fait instrumentaliser, comme moi je me fait instrumentaliser aussi, tout le monde se fait instrumentaliser. Evidemment, on dit regardez comme la presse est libre - elle invite des individus qui critiquent la presse donc ça veut bien dire qu'on est libre, mais je suis pas dupe du fait que non, je suis la caution qui permet à la presse de dire qu'elle est libre alors qu'elle ne l'est pas. LCI M.Onfray 10/05/17 11m40
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Michel Onfray
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[...] il te faut seulement comprendre que te retrouver à la case départ n'est pas une régression. Te retrouver quelque part, c'est une déjà une bonne chose en soi - cela veut dire que tu as conscience de ce que tu fais.
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Jonathan Safran Foer (We Are the Weather: Saving the Planet Begins at Breakfast)
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J'écris, pour dire que la lâche sérénité des silencieux garantit la victoire des injustes. J'écris, pour dire que le despote n'a que la puissance et l'autorité qu'on veut bien lui reconnaître, car se soustraire à son emprise, c'est l'anéantir.
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Fatou Diome
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A mon sens, dans ma façon de « voir », de « comprendre », l’image, la vision que propose ma photo, ne veut surtout rien « garder », seulement proposer un sentiment de découverte, d’approfondissement soudain, de perception de ce que j’appelle ouverture, de clarté qu’on pourrait dire intuitive.
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Lorand Gaspar
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Il paraît qu'à soixante-dix ans, c'est le meilleur souvenir qu'il vous reste. Le sexe. C'est ma grand-mère qui m'a dit ça. Elle m'a dit, tu sais quand on a mon âge, les plus beaux souvenirs qu'il vous reste ce sont les nuits d'amour. C'est ses mots à elle, mais je sais bien ce que ça veut dire. Ça veut dire qu'il n'y a rien de tel, après avoir bien pris son pied, que de se coller contre un homme en lui tenant la bite encore toute chaude comme un petit écureuil endormi. Tricote-toi des souvenirs, elle me dit, ma grand-mère, alors moi, je fais comme elle me dit et je me tricote des souvenirs pour me faire des pulls et des pulls pour quand je serai vieille et que j'aurai toujours froid. Parce que les vieux, ils ont toujours froid. Ils ont froid de ne plus pouvoir vivre les choses. C'est ça, qui donne froid, c'est de plus pouvoir s'assouvir, de plus pouvoir se donner à fond à ce qu'on a envie de vivre.
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David Thomas (La Patience des buffles sous la pluie)
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Miracles: Œuvres surnaturelles, c’est-à-dire contraires aux lois sages que la divinité immuable a prescrites à la nature. Avec de la foi on fait des miracles tant qu’on veut, et avec de la foi on les croit tant qu’on peut. Quand la foi diminue on ne voit plus de miracles, et la nature pour lors va tout bonnement son petit train.
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Paul-Henri Thiry (La Théologie portative ou Dictionnaire abrégé de la religion chrétienne)
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A force de se dire à lui-même, à propos de ses ennemis, que le calme était la mort, et qu'à celui qui veut punir cruellement il faut d'autres moyens que la mort, il tomba dans l'immobilité morne des idées de suicide ; malheur à celui qui, sur la pente du malheur, s'arrête à ces sombres idées ! C'est une de ces mers mortes qui s'étendent comme l'azur des flots purs, mais dans lesquelles le nageur sent de plus en plus s'engluer ses pieds dans une vase bitumineuse qui l'attire à elle, l'aspire, l'engloutit. Une fois pris ainsi, si le secours divin ne vient point à son aide, tout est fini, et chaque effort qu'il tente l'enfonce plus avant dans la mort. (p. 144)
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Alexandre Dumas (The Count of Monte Cristo, V1 (The Count of Monte Cristo, part 1 of 2))
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Être élu est une notion théologique qui veut dire : sans aucun mérite, par un verdict surnaturel, par une volonté libre, sinon capricieuse, de Dieu, on est choisi pour quelque chose d'exceptionnel et d'extraordinaire. C'est dans cette conviction que les saints ont puisé la force de supporter les plus atroces supplices. Les notions théologiques se reflètent, telle leur propre parodie, dans la trivialité de nos vies ; chacun de nous souffre (plus ou moins) de la bassesse de sa vie trop ordinaire et désire y échapper et s'élever. Chacun de nous a connu l'illusion (plus ou moins forte) d'être digne de cette élévation, d'être prédestiné et choisi pour elle. (chapitre 15)
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Milan Kundera (Slowness)
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C’est fou comme la société nous rappelle à tout bout de champ le paradoxe de la liberté. S’agit-il seulement de dire ce que l’on veut, de faire ce que l’on veut, de se donner tous les droits, y compris celui de ne rien respecter ? Ou ne s’agirait-il pas plutôt d’autre chose ? La pensée libre fait de nous des humains en conscience. La solidarité fait de nous des humains en puissance. Le savoir et l’intelligence faisant le reste,
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Serge Bouchard (Un café avec Marie (French Edition))
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[...] Pierre de la Coste : Comme par exemple Stephen Hawking dans l'un de ces derniers livres dit "j'ai pas besoin de dieu pour expliquer l'univers, il me suffit des lois de la gravitation" Etienne Klein : Ne me faites pas rire... [...] Il a écrit un livre il y a quelques années qui s'appelle une brève histoire du temps, et c'est toujours le même truc, il fait 180 pages sur la théorie des cordes, puis dernière page, Dieu arrive, on sait pas pourquoi, il arrive comme ça. Dans le premier livre, c'était "bientôt grâce à la théorie des cordes, nous connaîtrons la pensée de Dieu" - On apprend là que Dieu pense... ce qui est en soit une information théologique de première importance..., et puis il y a une espèce de naïveté comme ça à parler de Dieu sans dire que quel Dieu on parle... Et puis là dans le dernier livre que vous citez, effectivement, pareil, 180 pages sur la théorie des cordes... puis dernière page, "finalement, on a pas besoin de Dieu pour créer l'univers, les lois de la gravitation ont suffit pour le faire" - mais vous voyez la naïveté du truc...? Et après ça fait la Une du Times, ça fait la Une de la presse française... Et prenons le au sérieux, imaginons qu'effectivement, au début entre guillemets, il n'y avait pas d'espace, pas de temps, pas de matière, pas d’énergie, pas de rayonnement, mais il y avait les lois de la gravitation...- Alors les lois de la gravitation sont là, transcendantes, et "pof" elle créent l'univers. ça veut dire que, si vous définissez Dieu comme étant celui qui a créé l'univers, vous devez admettre que les lois de la gravitation c'est Dieu... et à ce moment là, quand vous tombez dans les escaliers, sous l'effet de la gravitation, sans le savoir vous accomplissez une action de grâce... et donc, vous voyez cette naïveté là est quand même coupable [...] "Les Rendez-vous du futur Étienne Klein [20m45]"
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Étienne Klein
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Laissez-moi tranquille avec votre hideuse réalité ! Qu'est-ce que cela veut dire, la réalité ? Les uns voient noir, d'autres bleu, la multitude voit bête. Rien de moins naturel que Michel-Ange, rien de plus fort ! Le souci de la vérité extérieure dénote la bassesse contemporaine ; et l'art deviendra, si l'on continue, je ne sais quelle rocambole au-dessous de la religion comme poésie, et de la politique comme intérêt. Vous n'arriverez pas à son but, - oui, son but ! -
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Gustave Flaubert (L'éducation sentimentale)
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Accordons-lui une plus grande capacité à comprendre et à parler le patois jamaïquain, une tolérance accrue pour la flamme vive du rhum blanc, et davantage de respect pour les difficultés qu'on rencontre lorsqu'on veut comprendre quelqu'un d'une autre culture, d'une autre race, d'une autre géographie, d'une autre économie et d'une autre langue - et cela même alors que je me familiarisais tous les jours davantage avec les subtilités de cette culture, de cette race, de cette géographie, de cette économie et de cette langue. J'ai appris le nom des arbres, des fleurs et des aliments qui m'entouraient ; j'ai appris à jouer aux dominos avec autant de férocité qu'un Jamaïquain, et j'ai même appris à parler assez bien avec des Jamaïquaines pour qu'elles puissent oublier pendant de longs moments l'extraordinaire avantage financier que je représentais pour elles, et qu'il leur arrive brièvement d'arrêter de me raconter uniquement ce qu'elles croyaient que je voulais entendre. Ce qui ne veut pas dire que je comprenais alors ce qu'elles me disaient. (p.47)
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Russell Banks (Book of Jamaica)
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Tant qu'on va et vient dans la pays natal, on s'imagine que ces rues vous sont indifférentes, que ces fenêtres, ces toits et ces portes ne vous sont de rien, que ces murs vous sont étrangers, que ces arbres sont les premiers arbres venue, que ces maisons où l'on n'entre pas vous sont inutiles, que ces pavés où l'on marche sont des pierres. Plus tard, quand on n'y est plus, on s'aperçoit que ces rues vous sont chères, que ces toits, ces fenêtres et ces portes vous manquent, que ces murailles vous sont nécessaires, que ces arbres sont vos bien-aimées, que ces maisons où l'on n'entrait pas on y entrait tous les jours, qu'on a laissé de ses entrailles, de son sang et de son coeur dans ces pavés. Tous ces lieux qu'on ne voit plus, qu'on ne reverra jamais peut-être, et dont on a gardé l'image, prennent un charme douloureux, vous reviennent avec la mélancolie d'une apparition, vous font la terre sainte visible, et sont, pour ainsi dire, la forme même de la France et on les aime et on les évoque tels qu'ils sont, tels qu'ils étaient, et l'on s'y obstine, et l'on n'y veut rien changer, car on tient à la figure de la patrie comme au visage de sa mère.
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Victor Hugo (Les Misérables)
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Il n'existe pas une Histoire, entité mystérieuse écrite avec un h majuscule. Ce sont les hommes, tant qu'ils sont vraiment des hommes, qui font et défont l'histoire; l'historicisme est plus ou moins la même chose que ce que, dans les milieu de gauche, on appelle le progressisme et il ne veut, aujourd'hui, qu'une chose : fomenter la passivité face au courant qui grossit et nous mène toujours plus bas. Et, taxé de réactionnaires, vous leur répondez : Vous voudriez que pendant que vous agissez, détruisez et profanez, nous ne réagissions pas mais restions à regarder et même vous voudriez nous voire dire : Bravo, continuez ?
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Julius Evola (Orientamenti: undici punti)
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— Que m’as-tu apporté ? a-t-elle demandé d’une voix tout excitée. — Et toi, que m’as-tu apporté ? l’ai-je taquinée en souriant. Elle a souri à son tour et ouvert une main. Quelque chose a lui sous la clarté des étoiles. — Une clé, a-t-elle annoncé fièrement en me la tendant. Je l’ai prise. Elle pesait agréablement dans ma main. — C’est très gentil. Et qu’est-ce qu’elle ouvre ? — La lune, a-t-elle répondu d’un air grave. — Ça peut être utile. — C’est ce que je me suis dit. Comme ça, s’il y a une porte sur la lune, tu pourras l’ouvrir. Elle s’est assise en tailleur tout au bord du toit et m’a souri. — Ce qui ne veut pas dire que j’encouragerais une entreprise aussi périlleuse, a-t-elle ajouté.
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Patrick Rothfuss (The Name of the Wind (The Kingkiller Chronicle, #1))
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J'ai encore un vif souvenir de Freud me disant : "Mon cher Jung, promettez-moi de ne jamais abandonner la théorie sexuelle. C'est le plus essentiel ! Voyez-vous, nous devons en faire un dogme, un bastion inébranlable." Il me disait cela plein de passion et sur le ton d'un père disant : "Promets-moi une chose, mon cher fils : va tous les dimanches à l'église !" Quelque peu étonné, je lui demandai : "Un bastion -- contre quoi ?" Il me répondit : "Contre le flot de vase noire de…" Ici il hésita un moment pour ajouter : "… de l'occultisme !" Ce qui m'alarma d'abord, c'était le "bastion" et le "dogme" ; un dogme c'est-à-dire une profession de foi indiscutable, on ne l'impose que là où l'on veut une fois pour toutes écraser un doute. Cela n'a plus rien d'un jugement scientifique, mais relève uniquement d'une volonté personnelle de puissance. Ce choc frappa au cœur notre amitié. Je savais que je ne pourrais jamais faire mienne cette position. Freud semblait entendre par "occultisme" à peu près tout ce que la philosophie et la religion -- ainsi que la parapsychologie qui naissait vers cette époque -- pouvaient dire de l'âme. Pour moi, la théorie sexuelle était tout aussi "occulte" -- c'est-à-dire non démontrée, simple hypothèse possible, comme bien d'autres conceptions spéculatives. Une vérité scientifique était pour moi une hypothèse momentanément satisfaisante, mais non un article de foi éternellement valable. (p. 244)
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C.G. Jung (Memories, Dreams, Reflections)
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La pensée de la mort Vivre au milieu de ce dédale de ruelles, de besoins, de voix suscite en moi un bonheur mélancolique : que de jouissance, d'impatience, de désir, que de vie assoiffée et d'ivresse de vivre se révèle ici à chaque instant ! Et pourtant tous ces êtres bruyants, vivants, assoiffés de vie plongeront bientôt dans un tel silence ! Comme chacun est suivi par son ombre, le sombre compagnon qu'il emmène avec lui ! Il en est toujours comme à l'ultime moment avant le départ d'un navire d'émigrants : on a plus de choses à se dire que jamais, l'heure presse, l'océan et son mutisme désolé attend, impatient, derrière tout ce bruit–si avide, si sûr de tenir sa proie. Et tous, tous pensent que le temps écoulé jusqu'alors n'est rien ou peu de chose, que le proche avenir est tout : d'où cette hâte, ces cris, cet étourdissement de soi-même, cette duperie de soi-même ! Chacun veut être le premier dans cet avenir,–et pourtant c'est la mort et le silence de mort qui est l'unique certitude et le lot commun à tous dans cet avenir ! Qu'il est étrange que cette unique certitude et ce lot commun n'aient presque aucun pouvoir sur les hommes et qu'ils soient à mille lieues de se sentir comme une confrérie de la mort ! Cela me rend heureux de voir que les hommes ne veulent absolument pas penser la pensée de la mort ! J'aimerais contribuer en quelque manière à leur rendre la pensée de la vie encore cent fois plus digne d'être pensée.
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Friedrich Nietzsche (The Gay Science: With a Prelude in Rhymes and an Appendix of Songs)
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L'Art d’avoir toujours raison La dialectique 1 éristique est l’art de disputer, et ce de telle sorte que l’on ait toujours raison, donc per fas et nefas (c’est-à-dire par tous les moyens possibles)2. On peut en effet avoir objectivement raison quant au débat lui-même tout en ayant tort aux yeux des personnes présentes, et parfois même à ses propres yeux. En effet, quand mon adversaire réfute ma preuve et que cela équivaut à réfuter mon affirmation elle-même, qui peut cependant être étayée par d’autres preuves – auquel cas, bien entendu, le rapport est inversé en ce qui concerne mon adversaire : il a raison bien qu’il ait objectivement tort. Donc, la vérité objective d’une proposition et la validité de celle-ci au plan de l’approbation des opposants et des auditeurs sont deux choses bien distinctes. (C'est à cette dernière que se rapporte la dialectique.) D’où cela vient-il ? De la médiocrité naturelle de l’espèce humaine. Si ce n’était pas le cas, si nous étions foncièrement honnêtes, nous ne chercherions, dans tout débat, qu’à faire surgir la vérité, sans nous soucier de savoir si elle est conforme à l’opinion que nous avions d’abord défendue ou à celle de l’adversaire : ce qui n’aurait pas d’importance ou serait du moins tout à fait secondaire. Mais c’est désormais l’essentiel. La vanité innée, particulièrement irritable en ce qui concerne les facultés intellectuelles, ne veut pas accepter que notre affirmation se révèle fausse, ni que celle de l’adversaire soit juste. Par conséquent, chacun devrait simplement s’efforcer de n’exprimer que des jugements justes, ce qui devrait inciter à penser d’abord et à parler ensuite. Mais chez la plupart des hommes, la vanité innée s’accompagne d’un besoin de bavardage et d’une malhonnêteté innée. Ils parlent avant d’avoir réfléchi, et même s’ils se rendent compte après coup que leur affirmation est fausse et qu’ils ont tort, il faut que les apparences prouvent le contraire. Leur intérêt pour la vérité, qui doit sans doute être généralement l’unique motif les guidant lors de l’affirmation d’une thèse supposée vraie, s’efface complètement devant les intérêts de leur vanité : le vrai doit paraître faux et le faux vrai.
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Arthur Schopenhauer (L'art d'avoir toujours raison (La Petite Collection))
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[...] mais ici l'on atteint le point où l'être vrai est tout entier retenu et défini en sa fin, où la conscience , maîtresse d'elle-même, détruit joyeusement toute possibilité de fuite et d'hypocrisie. Réduite à elle seule, délivrée de tous les oripeaux fortuits qui la dissimulaient, la volonté intérieure se rassemble et resplendit dans l'imminence de mourir. Elle prend la mort pour complice, comme si elle ne pouvait se dévoiler à nos yeux que sur un fond de néant, dans le bref instant où le héros fait place aux ténèbres avant de se confondre en elles. Parce qu'il n'y a plus d'issue vers un futur – ce qui veut dire qu'il n'y a plus moyen de "penser ailleurs" – l'être s'établit sur un ici et un maintenant parfaitement pleins. Il exhibe et fixe toute sa puissance, que rien désormais ne pourra lui disputer.
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Jean Starobinski
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De ces deux choses combinées, puissance publique au dehors, bonheur individuel au dedans, résulte la prospérité sociale. Prospérité sociale, cela veut dire l’homme heureux, le citoyen libre, la nation grande. L’Angleterre résout le premier de ces deux problèmes. Elle crée admirablement la richesse ; elle la répartit mal. Cette solution qui n’est complète que d’un côté la mène fatalement à ces deux extrêmes : opulence monstrueuse, misère monstrueuse. Toutes les jouissances à quelques-uns, toutes les privations aux autres, c’est-à-dire au peuple ; le privilège, l’exception, le monopole, la féodalité, naissant du travail même. Situation fausse et dangereuse qui assoit la puissance publique sur la misère privée, qui enracine la grandeur de l’état dans les souffrances de l’individu. Grandeur mal composée où se combinent tous les éléments matériels et dans laquelle n’entre aucun élément moral.
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Victor Hugo (Les Misérables)
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De nos jours, tout le monde veut paraître intelligent ; on aimerait mieux être taxé de criminel que de naïf, si cela pouvait se faire sans risques. Mais comme l'intelligence ne se tire pas du vide, on a recours à des subterfuges : l'un des plus courants est la manie de la "démystification", qui permet d'avoir l'air intelligent à peu de frais, car il suffit de dire que la réaction normale vis-à-vis de tel phénomène est un "préjugé" et qu'il est grand temps de le présenter en dehors de la "légende" ; si on pouvait soutenir que l'océan est un étang et l'Himalaya une colline, on le ferait. Il est impossible à certains auteurs de se borner à constater, comme tout le monde l'a fait avant eux, que telle chose ou tel homme eut telles qualités et tel destin ; il faut toujours commencer par faire remarquer qu'"on a trop dit que..." et que la réalité est tout autre, et qu'on l'a enfin découverte, et qu'auparavant tout le monde était dans le "mensonge". On applique ce stratagème surtout à des choses évidentes et universellement connues ; ce serait par trop naïf sans doute de reconnaître en deux mots qu'un lion est un carnivore et qu'il n'est pas tout à fait sans danger.
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Frithjof Schuon (Light on the Ancient Worlds: A New Translation with Selected Letters (Library of Perennial Philosophy))
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Pourquoi n'allez vous pas à l'école? Tous les jours je vous vois en train de flâner. _ Oh, on se passe fort bien de moi! Je suis insociable, parait-il. Je ne m'intègre pas. C'est vraiment bizarre. Je suis très sociable, au contraire. Mais tout dépend de ce qu'on entend par sociable, n'est-ce pas? Pour moi ça veut dire parler de choses et d'autres, comme maintenant. (...) Mais je ne pense pas que ce soit favoriser la sociabilité que de réunir tout un tas de gens et de les empêcher ensuite de parler. (...) On ne pose jamais de question, en tout cas la plupart d'entre nous; les réponses arrivent toutes seules, bing, bing, bing, et on reste assis quatre heures de plus à écouter le téléprof. Ce n'est pas ma conception de la sociabilité. (...) On nous abrutit tellement qu'à la fin de la journée on a qu'une envie: se coucher ou aller dans un parc d'attraction bousculer les gens. (...) Au fond, je dois être ce qu'on m'accuse d'être. Je n'ai pas d'amis. C'est sensé prouver que je suis anormale. Mais tous les gens que je connais passent leur temps à brailler, à danser comme des sauvages ou à se taper dessus. Vous avez remarqué à quel point les gens se font du mal aujourd'hui?
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Ray Bradbury (Fahrenheit 451)
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Il y a un curieux rapport - soit dit en passant - entre la fonction impériale et le rôle du fou de cour, et ce rapport semble d’ailleurs apparaître dans le fait que le costume des fous, comme celui de certains empereurs, était orné de clochettes, à l’instar de la robe sacrée du Grand Prêtre : le rôle du fou consistait à l’origine à dire publiquement ce que nul ne pouvait se permettre d’exprimer, et à introduire ainsi un élément de vérité dans un monde forcément gêné par d’inévitables conventions ; or cette fonction, qu’on le veuille ou non, fait penser à la sapience ou à l’ésotérisme du fait qu’elle brise à sa manière des « formes » au nom de « l’esprit qui souffle où il veut ». Mais seule la folie peut se permettre d’énoncer des vérités cruelles et de toucher aux idoles, précisément parce qu’elle reste à l’écart d’un certain engrenage humain, ce qui prouve que, dans ce monde de coulisses qu’est la société, la vérité pure et simple est démence. C’est sans doute pour cela que la fonction du fou de cour succomba en fin de compte au monde du formalisme et de l’hypocrisie : le fou intelligent finit par céder la place au bouffon, qui ne tarda pas à ennuyer et à disparaître.
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Frithjof Schuon (Light on the Ancient Worlds: A New Translation with Selected Letters (Library of Perennial Philosophy))
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On ne peut pas dire que le petit bourgeois n'a rien lu. Il a tout lu, tout dévoré au contraire. Seulement son cerveau fonctionne à la manière de certains appareils digestifs de type élémentaire. Il filtre. Et le filtre ne laisse passer que ce qui peut alimenter la couenne de la bonne conscience bourgeoise. Les Vietnamiens, avant l'arrivée des Français dans leur pays, étaient gens de culture vieille, exquise et raffinée. Ce rappel indispose la Banque d'Indochine. Faites fonctionner l'oublioir ! Ces Malgaches, que l'on torture aujourd'hui, étaient, il y a moins d'un siècle, des poètes, des artistes, des administrateurs ? Chut ! Bouche cousue ! Et le silence se fait profond comme un coffre-fort ! Heureusement qu'il reste les nègres. Ah ! les nègres ! parlons-en des nègres ! Eh bien, oui, parlons-en. Des empires soudanais ? Des bronzes du Bénin ? De la sculpture Shongo ? Je veux bien ; ça nous changera de tant de sensationnels navets qui adornent tant de capitales européennes. De la musique africaine. Pourquoi pas? Et de ce qu'ont dit, de ce qu'ont vu les premiers explorateurs... Pas de ceux qui mangent aux râteliers des Compagnies ! Mais des d'Elbée, des Marchais, des Pigafetta ! Et puis de Frobénius ! Hein, vous savez qui c'est, Frobénius ? Et nous lisons ensemble : « Civilisés jusqu'à la moelle des os ! L'idée du nègre barbare est une invention européenne. » Le petit bourgeois ne veut plus rien entendre. D'un battement d'oreilles, il chasse l'idée. L'idée, la mouche importune.
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Aimé Césaire (Discourse on Colonialism)
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La conséquence immédiate de ceci, c’est que connaître et être ne sont au fond qu’une seule et même chose ; ce sont, si l’on veut, deux aspects inséparables d’une réalité unique, aspects qui ne sauraient même plus être distingués vraiment là où tout est « sans dualité ». Cela suffit à rendre complètement vaines toutes les « théories de la connaissance » à prétentions pseudo-métaphysiques qui tiennent une si grande place dans la philosophie occidentale moderne, et qui tendent même parfois, comme chez Kant par exemple, à absorber tout le reste, ou tout au moins à se le subordonner ; la seule raison d’être de ce genre de théories est dans une attitude commune à presque tous les philosophes modernes, et d’ailleurs issue du dualisme cartésien, attitude qui consiste à opposer artificiellement le connaître à l’être, ce qui est la négation de toute métaphysique vraie. Cette philosophie en arrive ainsi à vouloir substituer la « théorie de la connaissance » à la connaissance elle-même, et c’est là, de sa part, un véritable aveu d’impuissance ; rien n’est plus caractéristique à cet égard que cette déclaration de Kant : « La plus grande et peut-être la seule utilité de toute philosophie de la raison pure est, après tout, exclusivement négative, puisqu’elle est, non un instrument pour étendre la connaissance, mais une discipline pour la limiter »1. De telles paroles ne reviennent-elles pas tout simplement à dire que l’unique prétention des philosophes doit être d’imposer à tous les bornes étroites de leur propre entendement ? C’est là, du reste, l’inévitable résultat de l’esprit de système, qui est, nous le répétons, antimétaphysique au plus haut point.
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René Guénon (Introduction to the Study of the Hindu Doctrines)
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Pour quiconque veut examiner les choses avec impartialité, il est manifeste que les Grecs ont bien véritablement, au point de vue intellectuel tout au moins, emprunté presque tout aux Orientaux, ainsi qu’eux-mêmes l’ont avoué assez souvent ; si menteurs qu’ils aient pu être, ils n’ont du moins pas menti sur ce point, et d’ailleurs ils n’y avaient aucun intérêt, tout au contraire. Leur seule originalité, disions-nous précédemment, réside dans la façon dont ils ont exposé les choses, suivant une faculté d’adaptation qu’on ne peut leur contester mais qui se trouve nécessairement limitée à la mesure de leur compréhension ; c’est donc là, en somme, une originalité d’ordre purement dialectique. En effet, les modes de raisonnement, qui dérivent des modes généraux de la pensée et servent à les formuler, sont autres chez les Grecs que chez les Orientaux ; il faut toujours y prendre garde lorsqu’on signale certaines analogies, d’ailleurs réelles, comme celle du syllogisme grec, par exemple, avec ce qu’on a appelé plus ou moins exactement le syllogisme hindou. On ne peut même pas dire que le raisonnement grec se distingue par une rigueur particulière ; il ne semble plus rigoureux que les autres qu’à ceux qui en ont l’habitude exclusive, et cette apparence provient uniquement de ce qu’il se renferme toujours dans un domaine plus restreint, plus limité, et mieux défini par là même. Ce qui est vraiment propre aux Grecs, par contre, mais peu à leur avantage, c’est une certaine subtilité dialectique dont les dialogues de Platon offrent de nombreux exemples, et où se voit le besoin d’examiner indéfiniment une même question sous toutes ses faces, en la prenant par les plus petits côtés, et pour aboutir à une conclusion plus ou moins insignifiante ; il faut croire que les modernes, en Occident, ne sont pas les premiers à être affligés de « myopie intellectuelle ».
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René Guénon (Introduction to the Study of the Hindu Doctrines)
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En ce qui concerne l’arabe et le berbère, je ne dirai qu’une chose : j’estime qu’un berbère qui ne connaît pas l’arabe, ne connaît pas le Maroc et l’arabe qui ne sait pas le berbère, non plus. Quant à l’origine des uns et des autres, et puisqu’on parle beaucoup ces derniers temps d’ADN, je voudrais déplorer le fait que chez nous, on a l’esprit insuffisamment scientifique pour remettre en cause des données historiques héritées, qu’on s’en tient à ce qui a été dit il y a mille ans. Or, je peux vous dire que les civilisations berbère et égyptienne ont une même origine, le centre du Grand Sahara. Quand je travaillais sur le dictionnaire berbère (j’y ai consacré 27 ans de ma vie), il y a eu une racine berbère qui m’a intriguée. Il s’agit d’un verbe, Sko, qui veut dire dans tous les dialectes berbères, « bâtir », sauf chez les touaregs où il veut dire « enterrer ». Or, c’est de notoriété publique, le touareg est un isolant linguistique, conservateur, qui peut porter les traces d’une signification originelle. Petit à petit, j’ai réuni suffisamment d’éléments pour affirmer qu’à l’époque des hordes dans le Grand Sahara, on a commencé à enterrer les morts. Puis, les gens n’étant pas sédentarisés, on a été obligés de construire un édifice reconnaissable sur chaque tombe. Par ce détail linguistique, je suis arrivé à l’hypothèse de l’origine historique commune, saharienne, des Berbères et des Egyptiens. Quand j’ai exposé ma thèse à l’Académie Royale du Maroc, elle a été accueillie très froidement. Mais une anthroplogue américaine qui menait une recherche sur les deux civilisations puis un livre paru en 2000 2 ont corroboré mon propos et montré qu’au moment de la désertification, les populations ont émigré vers l’Ouest (le Maghreb) et l’Est (l’Egypte) au plus proche des points d’eau 3, avec une particularité bovine du côté du Nil et une orientation pastoraliste ovine du côté du Maghreb. [Interview Economia, Octobre 2010]
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Mohammed Chafik
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L'objectivité, vécue dans ce rêve et dans ces visions, relève de l'individuation accomplie. Elle est détachement des jugements de valeur et de ce que nous désignons par attachement affectif. En général, l'homme attribue une grande importance à cet attachement affectif. Or, celui-ci renferme toujours des projections et ce sont celles-ci qu'il s'agit de retirer et de récupérer, pour parvenir à soi-même et à l'objectivité. Les relations affectives sont des relations de désir et d'exigences, alourdies par des contraintes et des servitudes : on attend quelque chose de l'autre, ce par quoi cet autre et soi-même perdent leur liberté. La connaissance objective se situe au-delà des intrications affectives, elle semble être le mystère central. Elle seule rend possible la véritable conjuctio*. * Ces pensée de Jung soulèvent beaucoup de problèmes et il faut éviter les malentendus, surtout de la part des lecteurs jeunes. La vie affective est d'importance ! Le fin du fin de la sagesse n'est pas du tout une manière d'indifférence, indifférence qui, à des phases plus juvéniles de la vie, caractérise au contraire certaines maladies mentales. C'est à force d'indifférence et d'inaffectivité que le malade schizophrène, par exemple, se trouve coupé de la vie et du monde. Ce que Jung veut dire, c'est qu'il s'agit, après avoir vécu les liens affectifs dans leur plénitude, de les laisser évoluer vers une sérénité, voire un détachement. Car les liens affectifs ayant rempli leurs bons offices d'insertion au monde, et ayant fait leurs temps, comportent pour tous les partenaires, par leur maturité même, d'être dépassés. Jung parle ici en tant qu'homme de grand âge, d'expérience, de sagesse humaine, qui, en tant que tel, s'est détaché de ce que l'affectivité comporte nécessairement de subjectif et de contraignant. Sand doute avait-il atteint, lorsqu'il écrivit ces pages, à travers son individuation à ce que nous appelons pour notre compte la "simplicité de retour". (Dr Roland Cahen) p. 467
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C.G. Jung (Memories, Dreams, Reflections)
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La différence entre la psychologie moderne et la psychologie sacrée apparaît déjà dans le fait que, pour la plupart des psychologues modernes, la morale n'a plus rien à faire avec la psychologie. Généralement, ils réduisent l'éthique à la morale sociale, plus ou moins forgée par de simples habitudes et la considèrent comme une sorte de barrage psychique, utile à l'occasion, mais le plus souvent contraignant, voire néfaste, pour l'épanouissement « normale » de la psychè individuelle. Cette conception a surtout été propagée par la psychanalyse freudienne, qui, comme on le sait, est devenu d'un usage courant dans certains pays, où elle joue pratiquement le rôle qui revient ailleurs au sacrement de la confession. Le psychiatre remplace le prêtre et l'éclatement des instincts refoulés sert d'absolution. Dans la confession sacramentelle, le prêtre n'est que le représentant impersonnel – et donc tenu au secret – de la Vérité divine, qui à la fois juge et pardonne ; en confessant ses fautes, le pécheur transforme les tendances qui les sous-tendent en quelque chose qui n'est plus « lui-même » ; il les « objectivise » ; en se repentant, il s'en détache, et en recevant l'absolution, son âme retrouve son équilibre initial, centré sur son axe divin. Dans le cas de la psychanalyse freudienne, en revanche (1), l'homme met à nu ses entrailles psychiques non pas devant Dieu, mais devant son prochain ; il ne prend pas de recul par rapport aux fonds chaotiques et obscurs de son âme que l'analyse lui dévoile, mais au contraire se les approprie, puisqu'il doit se dire à lui-même : « C'est ainsi que je suis fait en réalité ». Et s'il ne parvient pas à surmonter cette désillusion avilissante grâce à quelque influence salutaire, il en conserve comme une souillure intérieure. Dans la plupart des cas, il tente de se sauver en se plongeant dans la médiocrité psychique du plus grand nombre, car on supporte mieux son propre avilissement en le partageant avec autrui. Quelle que puisse être l'utilité occasionnelle et partielle d'une telle analyse, son résultat est généralement celui-là, étant donné les prémisses dont elle part.(2) (1) Cette précision est nécessaire dans la mesure où il existe également aujourd'hui des formes plus inoffensives de psychanalyse, ce qui ne veut pas dire que nous entendons par là justifier une forme quelconque de psychanalyse. (2) Il y a une règle selon laquelle quiconque pratique la psychanalyse doit auparavant avoir subi lui-même la psychanalyse. D'où la question de savoir qui a inauguré cette série, qui imite étrangement la « succession apostolique ».
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Titus Burckhardt (Science moderne et Sagesse traditionnelle)
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Les hommes, disais-je, se plaignent souvent de compter peu de beaux jours et beaucoup de mauvais, et il me semble que, la plupart du temps, c’est mal à propos. Si nous avions sans cesse le cœur ouvert pour jouir des biens que Dieu nous dispense chaque jour, nous aurions assez de force pour supporter le mal quand il vient. — Mais nous ne sommes pas les maîtres de notre humeur, dit la mère ; combien de choses dépendent de l’état du corps ! Quand on n’est pas bien, on est mal partout. » J’en tombai d’accord et j’ajoutai : « Eh bien, considérons la chose comme une maladie, et demandons-nous s’il n’y a point de remède. — C’est parler sagement, dit Charlotte : pour moi, j’estime que nous y pouvons beaucoup. Je le sais par expérience. Si quelque chose me contrarie et veut me chagriner, je cours au jardin et me promène, en chantant quelques contredanses : cela se passe aussitôt. — C’est ce que je voulais dire, repris-je à l’instant : il en est de la mauvaise humeur absolument comme de la paresse ; car c’est une sorte de paresse. Par notre nature, nous y sommes fort enclins, et cependant, si nous avons une fois la force de nous surmonter, le travail nous devient facile, et nous trouvons dans l’activité un véritable plaisir. » Frédérique était fort attentive, et le jeune homme m’objecta qu’on n’était pas maître de soi, et surtout qu’on ne pouvait commander à ses sentiments. « II s’agit ici, répliquai-je, d’un sentiment désagréable, dont chacun est bien aise de se délivrer, et personne ne sait jusqu’où ses forces s’étendent avant de les avoir essayées. Assurément, celui qui est malade consultera tous les médecins, et il ne refusera pas les traitements les plus pénibles, les potions les plus amères, pour recouvrer la santé désirée. [...] Vous avez appelé la mauvaise humeur un vice : cela me semble exagéré. — Nullement, lui répondis-je, si une chose avec laquelle on nuit à son prochain et à soi-même mérite ce nom. N’est-ce pas assez que nous ne puissions nous rendre heureux les uns les autres ? faut-il encore nous ravir mutuellement le plaisir que chacun peut quelquefois se procurer ? Et nommez-moi l’homme de mauvaise humeur, qui soit en même temps assez ferme pour la dissimuler, la supporter seul, sans troubler la joie autour de lui ! N’est-ce pas plutôt un secret déplaisir de notre propre indignité, un mécontentement de nous-mêmes, qui se lie toujours avec une envie aiguillonnée par une folle vanité ? Nous voyons heureux des gens qui ne nous doivent pas leur bonheur, et cela nous est insupportable. » Charlotte me sourit, en voyant avec quelle émotion je parlais, et une larme dans les yeux de Frédérique m’excita à continuer. « Malheur, m’écriai-je, à ceux qui se servent de l’empire qu’ils ont sur un cœur, pour lui ravir les joies innocentes dont il est lui-même la source ! Tous les présents, toutes les prévenances du monde, ne peuvent compenser un moment de joie spontanée, que nous empoisonne une envieuse importunité de notre tyran. [...] Si seulement on se disait chaque jour : Tu ne peux rien pour tes amis que respecter leurs plaisirs et augmenter leur bonheur en le goûtant avec eux. Peux-tu, quand le fond de leur être est tourmenté par une passion inquiète, brisé par la souffrance, leur verser une goutte de baume consolateur ?… Et, quand la dernière, la plus douloureuse maladie surprendra la personne que tu auras tourmentée dans la fleur de ses jours, qu’elle sera couchée dans la plus déplorable langueur, que son œil éteint regardera le ciel, que la sueur de la mort passera sur son front livide, et que, debout devant le lit, comme un condamné, dans le sentiment profond qu’avec tout ton pouvoir tu ne peux rien, l’angoisse te saisira jusqu’au fond de l’âme, à la pensée que tu donnerais tout au monde pour faire passer dans le sein de la créature mourante une goutte de rafraîchissement, une étincelle de courage !…
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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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Du point de vue que je défends, la seule justification qui me paraît acceptable des interventions de l'État par la menace ou la force n'est pas la promotion de valeurs abstraites comme la non-domination, l'autonomie ou la dignité, mais la protection des individus à l'égard des souffrances injustes qu'on veut leur infliger: domination, persécution ou élimination. C'est pourquoi je me permets de dire que la conception de la liberté politique que je veux défendre est concrète: c'est celle des individus particuliers.
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Ruwen Ogien (L'État nous rend-il meilleurs ?)
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En fin de compte, aimer, cela ne veut pas dire grand-chose. Pour une femme de son âge, pour une femme adulte, peut-être n'est-ce pas autre chose que cette crainte inexplicable de faire du mal à quelqu'un, cette révélation étonnée de son existence, cette pitié, cette sollicitude, cette tolérance? Peut-être est-ce justement ce terme soudain mis aux revendications imaginaires, cette acceptation inconditionnelle et gratuite, qui fait que l'on n'a même plus l'idée de peser sur son partenaire, de vouloir lui imposer les normes de son idéal, mais qu'on se dit qu'il est ainsi, et qu'on s'en amuse, et qu'on s'en émeut? Une telle acceptation est un peu folle comme l'amour; et elle est un peu effrayante, comme l'inconnu. Elle naît du silence des espoirs juvéniles; elle naît du contact avec le réel. Où mène-t-elle? On ne sait pas.
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Jacqueline de Romilly (Rencontre)
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Mais la chair et le sang qui est en elle sont arrosés de lait, en retour de ce qu'ils le produisent, et lui doivent une nouvelle reproduction. Car la formation de l'enfant, dans le sein de sa mère, a lieu par suite du mélange de la semence de l'homme avec le sang de la femme, après la purification mensuelle. Cette semence a la faculté de réunir le sang en globules autour d'elle, comme la presure fait coaguler le lait, et forme enfin une substance, qui devient le corps de l'enfant, ni trop froide, ni trop ardente ; une nature bien tempérée est généralement productive ; les tempéraments dont les qualités sont extrêmes, sont une cause de stérilité. C'est ainsi que le grain pourrit dans une terre trop délayée par les eaux, et qu'il se flétrit dans une terre excessivement sèche. Au contraire, une terre où les sucs abondent, ni trop humide, ni trop ferme, conserve le grain et le fait pousser. Quelques naturalistes établissent que la semence des animaux est l'écume de leur sang. Aussi Diogène Apolloniate a appelé ces opérations aphrodisia, mot qui veut dire provenant de l'écume.
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Clement of Alexandria (Le Pédagogue, Tome 1)
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Il est à peine besoin de dire que beaucoup de choses que la science moderne prend pour des fantaisies sont — ou étaient — des réalités. Il est curieux de constater que certains procédés d’une science qui veut être « exacte » sont foncièrement illogiques : par exemple, prendre une improbabilité pour une impossibilité, ou conclure à l’inexistence d’une chose dont on ne possède pas de preuves positives.
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Frithjof Schuon (Spiritual Perspectives and Human Facts)
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Les sports accaparent 17% de l'espace médiatique et les faits divers, 12%. Ça veut dire que 29% des nouvelles parlent de sports et de faits divers. En revanche, la pauvreté occupe environ 0,16%. Pire, les nouvelles insolites occupent quatre fois plus de place dans les médias que la misère économique. La toaste brûlée en forme de face à Céline est plus importante médiatiquement que ceux qui ne font que survivre.
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Fred Dubé (Une pipée d’opium pour les enfants)
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[...] le renversement des rapports peut s’exprimer de la façon suivante : au lieu de regarder l’ordre social tout entier comme dérivant de la religion, comme y étant suspendu en quelque sorte et ayant en elle son principe, ainsi qu’il en était dans la « Chrétienté » du moyen âge, et ainsi qu’il en est également dans l’Islam qui lui est fort comparable à cet égard, on ne veut aujourd’hui voir tout au plus dans la religion qu’un des éléments de l’ordre social, un élément parmi les autres et au même titre que les autres ; c’est l’asservissement du spirituel au temporel, ou même l’absorption de celui-là dans celui-ci, en attendant la complète négation du spirituel qui en est l’aboutissement inévitable. En effet, envisager les choses de cette façon revient forcément à « humaniser » la religion, nous voulons dire à la traiter comme un fait purement humain, d’ordre social ou mieux « sociologique » pour les uns, d’ordre plutôt psychologique pour les autres ; et alors, à vrai dire, ce n’est plus la religion, car celle-ci comporte essentiellement quelque chose de « supra-humain », faute de quoi nous ne sommes plus dans le domine spirituel, le temporel et l’humain étant en réalité identiques au fond, suivant ce que nous avons expliqué précédemment ; c’est donc là une véritable négation implicite de la religion et du spirituel, quelles que puissent être les apparences, de telle sorte que la négation explicite et avérée sera moins l’instauration d’un nouvel état de choses que la reconnaissance d’un fait accompli.
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René Guénon (Spiritual Authority & Temporal Power)
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Il ne faut pas juger les livres un par un. Je veux dire : il ne faut pas les voir comme des choses indépendantes. Un livre n’est jamais complet en lui-même ; si on veut le comprendre, il faut le mettre en rapport avec d’autres livres, non seulement avec les livres du même auteur, mais aussi avec des livres écrits par d’autres personnes. Ce que l’on croit être un livre n’est la plupart du temps qu’une partie d’un autre livre plus vaste auquel plusieurs auteurs ont collaboré sans le savoir.
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Jacques Poulin (Volkswagen Blues)
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Aimer quelqu'un ne veut pas forcément dire l'aimer d'amour. Tu aimes tes amis comme des amis… mais aimer d'amour, c'est autre chose. Tu sais, il y a beaucoup de manières d'aimer. Parfois, l'amitié peut évoluer en amour parce que la frontière entre les deux est très floue.
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Peach-Pit (Shugo Chara!, Vol. 4: Character Swap!)
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« Mon sang, dit le Seigneur, est un véritable breuvage. » Lors donc que l'apôtre dit qu'il nous a donné à boire du lait, n'est-il pas clair qu'il veut parler de cette joie parfaite, c'est-à-dire la connaissance de la vérité qu'on trouve dans le Verbe, qui est notre lait, notre nourriture
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Clement of Alexandria (Le Pédagogue, Tome 1)
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Mon père suppliait du regard; il demandait encore une heur, encore quelques minutes, il avait encore quelque chose à me dire -je demande que ton pardon me soit accordé... Après celui qui possède mon ame pourra l'emporter ou il veut, dans ses jardin fleuris, dans ses rivières paisibles, ou la jeter dans le cratère d'un volcan. mais avant, accorde-moi la grâce de l'oublie. c'est cela le pardon, tu es libre à présent. va-t'en, quitte cette maison maudite, fais des voyages, vis!... vis! ... et ne retourne pas pour voir le désastre que je laisse. oublie et prends le temps de vivre... oublie cette ville... en cette nuit j'ai su que ton déstin serais meilleurs que celui de toutes les femmes de ce pays. je suis lucide, je n'invente rien. je vois ton visage auréollé d'une lumière extraordinaire. tu viens de naitre, cette nuit... tu es une femme... laisse ta beauté te guider. il n'y a plus rien à craindre. la nuit du destin te nome Zahra, enfant de l'éternité tu ees le temps qui se maintient dans le versant du silence... sur le sommet du feu ...parmi les arbres... c'est toi que je vois ma fille c'est toi qui me tend la main Mon père suppliait du regard; il demandait encore une heur, encore quelques minutes, il avait encore quelque chose à me dire -je demande que ton pardon me soit accordé... Après celui qui possède mon ame pourra l'emporter ou il veut, dans ses jardin fleuris, dans ses rivières paisibles, ou la jeter dans le cratère d'un volcan. mais avant, accorde-moi la grâce de l'oublie. c'est cela le pardon, tu es libre à présent. va-t'en, quitte cette maison maudite, fais des voyages, vis!... vis! ... et ne retourne pas pour voir le désastre que je laisse. oublie et prends le temps de vivre... oublie cette ville... en cette nuit j'ai su que ton déstin serais meilleurs que celui de toutes les femmes de ce pays. je suis lucide, je n'invente rien. je vois ton visage auréollé d'une lumière extraordinaire. tu viens de naitre, cette nuit... tu es une femme... laisse ta beauté te guider. il n'y a plus rien à craindre. la nuit du destin te nome Zahra, enfant de l'éternité tu ees le temps qui se maintient dans le versant du silence... sur le sommet du feu ...parmi les arbres... c'est toi que je vois ma fille c'est toi qui me tend la main
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Tahar Ben Jelloun
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Mon père suppliait du regard; il demandait encore une heur, encore quelques minutes, il avait encore quelque chose à me dire -je demande que ton pardon me soit accordé... Après celui qui possède mon ame pourra l'emporter ou il veut, dans ses jardin fleuris, dans ses rivières paisibles, ou la jeter dans le cratère d'un volcan. mais avant, accorde-moi la grâce de l'oublie. c'est cela le pardon, tu es libre à présent. va-t'en, quitte cette maison maudite, fais des voyages, vis!... vis! ... et ne retourne pas pour voir le désastre que je laisse. oublie et prends le temps de vivre... oublie cette ville... en cette nuit j'ai su que ton déstin serais meilleurs que celui de toutes les femmes de ce pays. je suis lucide, je n'invente rien. je vois ton visage auréollé d'une lumière extraordinaire. tu viens de naitre, cette nuit... tu es une femme... laisse ta beauté te guider. il n'y a plus rien à craindre. la nuit du destin te nome Zahra, enfant de l'éternité tu ees le temps qui se maintient dans le versant du silence... sur le sommet du feu ...parmi les arbres... c'est toi que je vois ma fille c'est toi qui me tend la main
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Tahar Ben Jelloun (L'enfant de sable / La nuit sacrée)
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Autre difficulté : prenons la croyance que la conscience n'est pas identique à un ensemble d'influx nerveux. D'après les déclarations précédentes, cette croyance est fausse. Mais si une croyance est une activité neuronale, comment pourrait elle être fausse ? La vérité ou la fausseté d'une proposition sont habituellement conçues comme adéquation ou inadéquation de la proposition avec le monde? Mais si la pensée est dans le monde, cela ne veut plus rien dire. (p246)
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Olivier Rey (Itinéraire de l'égarement: Du rôle de la science dans l'absurdité contemporaine)
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Ce type d'arrogance triomphale n'est pas un cas isolé chez les biologistes. Ainsi ces propos de Richard Dawkins, un des éminent représentants de la sociobiologie ; " Si on veut met vraiment au défit de réfléchir aux réponses fournis avant Darwin à des questions du type : "Qu'est-ce qu'un homme ?". "Est-ce que la vie à une signification ?", "Dans quel but sommes-nous là ?", pouvez-vous dire qu'une seule de ces réponses ne soit pas inutile, sauf d'un point de vue historique ? Une réponse être tout simplement fausse. C'est ce qui s'est passé pour toutes celles qui sont antérieures à 1859 [date de parution de l'ouvrage de Darwin, De l'Origine des espèces au moyen de la sélection naturelle]" (Le Gène égoïste, Odile Jacob, 1996, p357). Dawkins apprécierait probablement un changement de calendrier, qui ferait passer de l'ère chrétienne à l'ère darwinienne. A l'en croire, les hommes sont là pour accomplir les dessins de leur gènes - qui, en tant que morceaux de molécules, sont dépourvus de dessins? Autant dire que les réponses qu'il prétend apporter aux questions fondamentales sont absurdes. Les travaux des socio- et neurobiologistes ont leur intérêt. La catastrophe intellectuelle se produit quand la grenouille, non seulement veut se faire plus grosse que le bœuf, mais prétend avaler le monde entier.
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Olivier Rey (Itinéraire de l'égarement: Du rôle de la science dans l'absurdité contemporaine)
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Je ne manquai pas de rappeler que notre "paradis" avait pour origine un vieux mot persan, "paradaeza", qui veut dire "jardin
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Amin Maalouf
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– Parce que tu crois que c’est mon ex-petit-ami ? Ou que j’ai envie de me le taper ? Est-ce que ça veut dire que maintenant que tu es un homme marié, tu vas arrêter de voir toutes tes anciennes maîtresses ? demanda Elianor avec une naïveté exagérée. Et avant même que Tristan n’ait le temps de répondre, elle repartit en fou rire. – Ah mais, suis-je bête ! enchaîna-t-elle en se frappant le front avec la paume de la main. Ce serait synonyme de ne plus adresser la parole à la totalité de la gent féminine, je me trompe ? – Est-ce une pointe de jalousie que je perçois dans ta voix ? se moqua-t-il. – Pas du tout, c’est de la fatalité.
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Elisia Blade (Séduire & Conquérir (Crush Story #5))
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C'est donc parce qu'un « personnage fantôme » hante l'homosexuel malgré lui et que « ce personnage » n'est autre « que lui-même sous le regard d'autre » ou, ce qui revient au même, lui-même tel qu'il est assigné à une place particulière et infériorisée dans l'ordre sexuel, que tout gay doit un jour « prendre parti », et se choisir lui-même ou bien renoncer à la liberté pour s'annihiler comme personne afin de se plier aux exigences de la société qui l'insulte en tant qu'homosexuel mais lui refuse le droit de se dire gay. Les « Juifs inauthentiques, dit Sartre, sont des hommes que les autres hommes tiennent pour Juifs et qui ont choisi de fuir devant cette situation insupportable ». L'« inauthenticité » est donc une soumission à l'ordre social et aux structures de l'oppression, et l'« authenticité », d'abord et avant tout un refus de cet ordre. Il ne s'agit pas - cela va sans dire - de juger les uns et les autres et d'établir une échelle morale ou politique pour évaluer les comportements : chacun fait ce qu'il peut ; ou ce qu'il veut ! Mais l'on comprend pourquoi, et c'est là l'important, Sartre peut dire que l'authenticité ne saurait se manifester que « dans la révolte ». (p. 170-171)
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Didier Eribon (Insult and the Making of the Gay Self (Series Q))
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« Capitant nous a réunis pour nous annoncer que Jean Guéhenno créait un service d’éducation des adultes — un “bureau de l’éducation populaire” — et a demandé qui voulait s’en charger. J’ai levé la main à la surprise générale. » Dégoûtée de l’éducation nationale, Mlle Faure ne veut plus enseigner aux enfants. « La “laïcité” [à prendre ici au sens de « neutralité politique »] imposée aux enseignants ne me convenait plus. Elle empêchait toute explication franche, directe, c’est-à-dire politique, avec la jeunesse. La laïcité devenait une religion qui isolait comme les autres. Dans un cadre d’éducation des adultes, il me semblait qu’on pourrait dire tout ce qu’on voudrait. D’où mon choix pour l’éducation populaire : cadre neuf, cadre libre, où pourrait se développer l’esprit critique. »
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Christiane Faure
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Toute la difficulté de "l'authenticité" pour un gay, c'est qu'il est bien difficile de savoir comment s'identifier à une "identité" qui est nécessairement plurielle, multiple : c'est une identité sans identité. Une identité toujours à créer. En effet, il n'y a pas de "moi" à "être", qui préexisterait à ce que l'on fait advenir à l'existence, dès lors qu'on veut s'arracher aux contenus psychologiques imposés par le discours social et culture (médical, psychanalytique, juridique…) sur l'homosexualité. C'est pourquoi Henning Bech peut dire que l'homosexuel est un "existentialiste-né" car l'existence précède et précédera (toujours) l'essence : l'identité gay, dès lors qu'elle est choisie et non plus subie, n'est jamais donnée. Mais pour se construire, elle se réfère nécessairement à des modèles déjà établis, déjà visibles (dans leur multiplicité), et l'on peut dire, par conséquent, qu'il s'agit de "se faire gay" non seulement au sens de se créer comme tel, mais aussi, peut-être, de le faire en s'inspirant d'exemples déjà disponibles dans la société et dans l'histoire, et en les retravaillant, en les transformant. Si "identité" il y a, c'est une identité personnelle qui se crée dans le rapport à une identité collective. Elle s'invente dans et par les "personnages sociaux", les "rôles" que l'on "joue" et qu'on porte à l'existence dans un horizon de recréation collective de la subjectivité. (p. 171-172)
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Didier Eribon (Insult and the Making of the Gay Self (Series Q))
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[…] la subversion est toujours partielle et localisée. Elle ne peut être pensée que relationnellement : liée à un contexte, à une situation, à une institution. La subversion subvertit quelque chose, à un moment donné, ou bien n'est rien du tout. Par conséquent, il faut se demander sur quel point opère une "subversion" et ce qu'elle déstabilise. Et chercher à savoir ce qui, dans chaque situation, est le plus "subversif". Il apparaît alors clairement que, dans certains cas, l'aspiration au "conformisme" est plus déstabilisatrice et peut se révéler bien plus subversive que toutes les proclamations révolutionnaires. L'on constate même aujourd'hui que ceux qui défendent l'ordre social (ou l'"ordre symbolique") contre les revendications du droit au mariage homosexuel peuvent, à l'inverse, parfaitement ignorer les comportements qui se croient subversifs, ou même, chez les plus "libéraux" d'entre eux, les apprécier et les encourager comme un ailleurs exotique dans lequel ils aimeraient cantonner les gays et les lesbiennes plutôt que les laisser revendiquer l'accès à l'égalité. La "subversion" est désormais concédée aux gays et aux lesbiennes, à condition qu'ils n'en sortent pas. Ce qui tendrait à montrer que ce qui est subversif aujourd'hui, c'est de refuser ce rôle assigné et attendu socialement. La dénonciation obsessionnelle, au début des années quatre-vingt-dix en France, du "communautarisme" (c'est-à-dire des "espaces de liberté" dont parlait Foucault) a bien vite cédé la place à la dénonciation acharnée, et de toute évidence bien plus décisive pour les défenseurs de l'ordre établi, des revendications, pourtant "universalistes", du droit au mariage, à la parenté, à la famille (cette demande d'être reconnus par les valeurs établies dont Foucault disait qu'elle était bien plus "folle"). Et l'on voit même les deux accusations coexister dans les mêmes discours, au détriment de toute cohérence ou de toute logique : ne restez pas dans les marges, n'entrez pas dans la norme ; ne soyez pas dehors, ne soyez pas dedans… Bref : disparaissez, on ne veut plus entendre parler de vous. (p. 194-195)
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Didier Eribon (Insult and the Making of the Gay Self (Series Q))
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Le langage quotidien (tout comme le langage des images) est de part en part traversé par des rapports de force, par des rapports sociaux (de classe, de sexe, d'âge, de race, etc.), et c'est dans et par le langage (et l'image) que se joue la domination symbolique, c'est-à-dire la définition - et l'imposition - des perceptions du monde et des représentations socialement légitimes. Le dominant, comme le dit Pierre Bourdieu, est celui qui réussit à imposer la manière dont il veut être perçu, et le dominé, celui qui est défini, pensé et parlé par le langage de l'autre et/ou celui qui ne parvient pas à imposer la perception qu'il à de lui-même. Seules les périodes de crise sociale, culturelle, ou au moins l'irruption de mobilisations politiques ou culturelles, peuvent permettre une mise en question de cet ordre symbolique des représentations et du langage dont al force principale est de se présenter comme ressortissant aux évidences d'un ordre naturel, immuable, et sur lequel on ne s'interroge pas ou sur lequel on s'interroge faussement pour mieux le réaffirmer dans son arbitraire en le présentant comme ayant toujours existé. La mobilisation politique, l'action politique, sont toujours des batailles pour la représentation, pour le langage et les mots. Ce sont des luttes autour de la perception du monde. La question qui s'y joue est de savoir qui définit la perception et la définition d'un groupe et la perception et la définition du monde en général. La mobilisation, l'action politique, consistent souvent, pour un groupe, à essayer de faire valoir, d'imposer la manière dont il se perçoit lui-même, et d'échapper ainsi à la violence symbolique exercée par la représentation dominante. Mais il convient de préciser qu'il n'y a pas, pour les gays, encore moins pour les « gays et lesbiennes », une manière d'être et de se penser soi-même qui préexisterait et qu'il conviendrait de découvrir et de manifester au grand jour, et encore moins une seule et unique manière d'être et de « se percevoir », ce qui constitue toute la complexité du mouvement gay et lesbien et explique le fait, si souvent souligné, que les définitions qu'il peut donner de lui-même ne sont que des constructions provisoires, fragiles et nécessairement contradictoires entre elles. (p. 117-118)
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Didier Eribon (Insult and the Making of the Gay Self (Series Q))
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Dans son rapport inaugural, le Forum, à propos de la mondialisation qu'il a symbolisée sous ses formes les plus conquérantes et sûres d'elles-mêmes, évoque avec un sens exquis de l'euphémisme "un risque de désillusion". Mais dans les conversations, c'est autre chose. Désillusion ? Crise ? Inégalités ? D'accord, si vous y tenez, mais enfin, comme nous le dit le très cordial et chaleureux PDG de la banque américaine Western Union, soyons clairs : si on ne paie pas les leaders comme ils le méritent, ils s'en iront voir ailleurs. Et puis, capitalisme, ça veut dire quoi ? Si vous avez 100 dollars d'économies et que vous les mettez à la banque en espérant en avoir bientôt 105, vous êtes un capitaliste, ni plus ni moins que moi. Et plus ces capitalistes comme vous et moi (il a réellement dit "comme vous et moi", et même si nous gagnons fort décemment notre vie, même si nous ne connaissons pas le salaire exact du PDG de la Western Union, pour ne rien dire de ses stock-options, ce "comme vous et moi" mérite à notre sens le pompon de la "brève de comptoir" version Davos), plus ces capitalistes comme vous et moi, donc, gagneront d'argent, plus ils en auront à donner, pardon à redistribuer, aux pauvres. L'idée ne semble pas effleurer cet homme enthousiaste, et à sa façon, généreux, que ce ne serait pas plus mal si les pauvres étaient en mesure d'en gagner eux-mêms et ne dépendaient pas des bonnes dispositions des riches. Faire le maximum d'argent, et ensuite le maximum de bien, ou pour les plus sophistiqués faire le maximum de bien en faisant le maximum d'argent, c'est le mantra du Forum, où on n'est pas grand-chose si on n'a pas sa fondation caritative, et c'est mieux que rien, sans doute "(vous voudriez quoi ? Le communisme ?"). Ce qui est moins bien que rien, en revanche, beaucoup moins bien, c'est l'effarante langue de bois dans laquelle ce mantra se décline. Ces mots dont tout le monde se gargarise : préoccupation sociétale, dimension humaine, conscience globale, changement de paradigme… De même que l'imagerie marxiste se représentait autrefois les capitalistes ventrus, en chapeau haut de forme et suçant avec volupté le sang du prolétariat, on a tendance à se représenter les super-riches et super-puissants réunis à Davos comme des cyniques, à l'image de ces traders de Chicago qui, en réponse à Occupy Wall Street, ont déployé au dernier étage de leur tour une banderole proclamant : "Nous sommes les 1%". Mais ces petits cyniques-là étaient des naïfs, alors que les grands fauves qu'on côtoie à Davos ne semblent, eux, pas cyniques du tout. Ils semblent sincèrement convaincus des bienfaits qu'ils apportent au monde, sincèrement convaincus que leur ingénierie financière et philanthropique (à les entendre, c'est pareil) est la seule façon de négocier en douceur le fameux changement de paradigme qui est l'autre nom de l'entrée dans l'âge d'or. Ça nous a étonnés dès le premier jour, le parfum de new age qui baigne ce jamboree de mâles dominants en costumes gris. Au second, il devient entêtant, et au troisième on n'en peut plus, on suffoque dans ce nuage de discours et de slogans tout droit sortis de manuels de développement personnel et de positive thinking. Alors, bien sûr, on n'avait pas besoin de venir jusqu'ici pour se douter que l'optimisme est d'une pratique plus aisée aux heureux du monde qu'à ses gueux, mais son inflation, sa déconnexion de toute expérience ordinaire sont ici tels que l'observateur le plus modéré se retrouve à osciller entre, sur le versant idéaliste, une indignation révolutionnaire, et, sur le versant misanthrope, le sarcasme le plus noir. (p. 439-441)
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Emmanuel Carrère (Il est avantageux d'avoir où aller)
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Quant à la religion proprement dite, ou plus généralement à la partie extérieure de toute tradition, elle doit assurément être telle que chacun puisse en comprendre quelque chose, suivant la mesure de ses capacités, et c’est en ce sens qu’elle s’adresse à tous ; mais ce n’est pas à dire pour cela qu’elle doive se réduire à ce minimum que le plus ignorant (nous ne l’entendons pas sous le rapport de l’instruction profane, qui n’importe aucunement ici) ou le moins intelligent peut en saisir ; bien au contraire, il doit y avoir en elle quelque chose qui soit pour ainsi dire au niveau des possibilités de tous les individus, si élevées qu’elles soient, et ce n’est d’ailleurs que par là qu’elle peut fournir un « support » approprié à l’aspect intérieur qui, dans toute tradition non mutilée, en est le complément nécessaire, et qui relève de l’ordre proprement initiatique. Mais les « modernistes », rejetant précisément l’ésotérisme et l’initiation, nient par là même que les doctrines religieuses portent en elles-mêmes aucune signification profonde ; et ainsi, tout en prétendant « spiritualiser » la religion, ils tombent au contraire dans le « littéralisme » le plus étroit et le plus grossier, dans celui dont l’esprit est le plus complètement absent, montrant ainsi, par un exemple frappant, qu’il n’est souvent que trop vrai que, comme le disait Pascal, « qui veut faire l’ange fait la bête » !
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René Guénon (The Reign of Quantity & the Signs of the Times)
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Mais les tyrans potentiels… ceux qui disposent d’une panoplie de méthodes éprouvées depuis des siècles pour manipuler l’homme du commun, pour lui mentir, pour lui ôter toute confiance en soi. On dit que « tout pouvoir corrompt », mais il serait plus proche de la vérité de dire que le pouvoir attire ceux qui sont susceptibles d’être corrompus. Les gens sains d’esprit sont, d’ordinaire, attirés par autre chose que par le pouvoir. Lorsqu’il leur faut agir, ils conçoivent leur action comme un service rendu, ce qui impose des limites à leur entreprise même. Le tyran, lui, veut dominer par tous les moyens ; il est insatiable dans la poursuite de son but.
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David Brin (Le Facteur)
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Je sais que les gens ont tendance à croire que ça ne veut rien dire, mais j’aime penser que l’amour physique n’est pas anodin et que nos bagatelles n’ont pas eu lieu en vain.
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Elizabeth Lemay (Daddy Issues (French Edition))
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[...] L'hindouisme conçoit bien un Absolu abstrait, non anthropomorphique. Mais cet Absolu familier, aux visions véhiculées par les hymnes védiques, se distingue nettement du Dieu Un, Créateur de la Révélation. Cela ne veut pas dire que l'absolu intellectuel, spéculatif, moralement positif, n'a pas d'intérêt. [...]" p226
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Hassan II (Le génie de la modération, réflexions sur les vérités de l’Islam)
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Moi ce qui m'a toujours paru bizarre, c'est que les larmes ont été prévues au programme. Ça veut dire qu'on a été prévu pour pleurer. Il fallait y penser. Il y a pas un constructeur qui se respecte qui aurait fait ça.
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Romain Gary
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- Tu ferais quoi, Ach, si tu étais le bon Dieu? - J'suis pas le bon Dieu. - D'accord, mais admettons. Tu ferais quoi? - Que veux-tu que je fasse? - C'est pour ça que je te le demande. (...) - M'est avis qu'il a claqué la porte il y a des lustres. - C'est à dire? - Ben, il veut plus entendre parler de nos foutaises. (...) Forcément, il jette l'éponge.
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Yasmina Khadra (L'Olympe des Infortunes)
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Le paradoxe est que ces Français de culture à première vue peu française qui sont si prompts à user à mon égard de cette arme absolue de langage : "Je suis aussi français que vous", ils sont souvent très bien calés d’autre part, eux, dans une autre identité, arabe par exemple, dont ils ne remettent pas en cause un seul instant la solidité, la pertinence et la profondeur tout en récusant radicalement la légitimité et l’existence même de la mienne — car s’ils sont aussi français que moi, je le répète, français ne veut pas dire grand chose. [...] Cette appartenance française, réduite au statut d’auberge espagnole masochiste, devient quelque chose de si faible, de si désaffiliée, d’exclusivement volontariste. [...] Les autres appartenances, les appartenances des autres, veux-je dire, qu’elles soient, nationales, religieuses ou ethniques, ne semblent, elles, pas le moins du monde ébranlées, bien au contraire. Leur type demeure même infiniment majoritaire, de par le monde. Être français, être anglais, être “britannique” a fortiori, être américain ou étatsunien, sont sommés d’avoir de moins en moins de sens et de se contenter d’une signification toute formelle ; mais être arabe, être tchétchène, être musulman, être juif, coréen, wolof ou arménien demeure ce que cela a toujours été, un type d’identité intangible, devenu naturel à force d’avoir été longuement culturel.
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Renaud Camus (Le grand remplacement)
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Mais, grand-frère, nous le savons tous les deux que ça ne veut rien dire, faire son deuil, que c'est une expression pour les magazines, on continue à marcher avec nos morts sur les épaules, avec nos ombres, et rien d'autre. Nous le savons que, chaque matin, il faut se rassembler, se lever, se mettre en marche, quoi qu'il en coûte. Que la douleur est un archipel dont on n'a jamais fini d'explorer les passes et les courants. Qu'elle est inépuisable. Lente, féroce et patiente comme un fauve.
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Gaëlle Josse (La nuit des pères)
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dernier recours : la possession. Ce qui était autrefois le fait religieux dans sa simplicité, une certaine communication du fidèle avec le sacré, ils en font une arme contre le désespoir et l'humiliation : les zars, les loas, les Saints de la Sainterie descendent en eux, gouvernent leur violence et la gaspillent en transes jusqu'à l'épuisement. En même temps ces hauts personnages les protègent : cela veut dire que les colonisés se défendent de l'aliénation coloniale en renchérissant sur l'aliénation religieuse. Avec cet unique résultat, au bout du compte, qu'ils cumulent les deux aliénations et que chacune se renforce par l'autre.
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Frantz Fanon (Les damnés de la terre (Annoté) (Les œuvres de Frantz FANON t. 2) (French Edition))
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je crois, de ce que la France a été providentiellement créée pour la recherche du Vrai préférablement à celle du Beau, mais aussi de ce que le caractère utopique, communiste, alchimique, de tous ses cerveaux, ne lui permet qu’une passion exclusive, celle des formules sociales. Ici, chacun veut ressembler à tout le monde, mais à condition que tout le monde lui ressemble. De cette tyrannie contradictoire résulte une lutte qui ne s’applique qu’aux formes sociales, enfin un niveau, une similarité générale. De là, la ruine et l’oppression de tout caractère original. Aussi ce n’est pas seulement dans l’ordre littéraire que les vrais poètes apparaissent comme des êtres fabuleux et étrangers ; mais on peut dire que dans tous les genres d’invention le grand homme ici est un monstre. Tout au contraire, dans d’autres pays, l’originalité se produit touffue, abondante, comme le gazon sauvage. Là les mœurs le lui permettent.
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Charles Baudelaire (Oeuvres complètes et annexes)
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Souvent il arrivait que papa et Jacky martèlent de concert. Pas un mot, pas un cri, juste des souffles mêlés comme font les amants. De lourds coups sur l’acier, de petits sur l’enclume, en rythme cadencé, sorte de concerto pour enclume et marteaux où la basse continue n’était autre que celle de leurs respirations. Et puis ces escarbilles, toujours ces escarbilles, petites étoiles filantes que chacun d’eux apprivoisait pour qu’elles n’aillent pas, comme des baisers voraces, mordre le corps de l’autre. Et assis sur un banc ou sur un tas de ferraille, un enfant de cinq ans regarde leurs poitrails, écoute leurs silences dans cet orage d’acier et ne croit plus à rien, ni à Dieu, ni à Diable, ni à tous ces héros que déjà il pressent puisqu’il sent bien, ce gosse, qu’il arrive à la vie de parfois défaillir, ou simplement faillir, et qu’il faut certains soirs, pour supporter son poids, accepter les légendes et les mythes qu’ont inventés les hommes afin de s’endormir un petit peu plus grand et à peine moins mortel. Heureusement pour lui, foin d’Ulysse, de Titans, de dragons flamboyants et de dieux en jupette plus ou moins ridicules, il les a sous les yeux ces lares de pleine chair qui dressent des éclairs et créent des épopées avec chaque barre de fer. L’odeur de la limaille, du fer chauffé à rouge, du fer chauffé à blanc, l’odeur des corps en sueur qui parfois s’effaçaient derrière la fumée blanche, l’odeur des grains d’acier en gerbes braisillantes, l’odeur même des marteaux, masses, pinces, massettes, et l’odeur de l’enclume qui les recueillait tous. Papa et Jacky, ferronniers d’art ; ils maîtrisaient le feu mais ignoraient Vulcain, Prométhée et Wotan, Zeus ou Héphaïstos. Les dieux du Walhalla, d’Olympe ou de l’Iliade leur étaient inconnus. Même saint Éloi, patron des forgerons, ne les concernait pas. Ils étaient incultes, c’est-à-dire intelligents mais sans les livres capables de leur nommer, soit cette intelligence, soit cette inculture. Ils s’en moquaient, de tout cela, des trois divinités, des quatre horizons, des douze travaux d’Hercule ou des Mille et Une Nuits. À quoi bon s’inventer des dieux de pacotille quand on en a sous la main et que l’on parvient, à coups brefs et précis, à leur donner la forme que l’on veut. Pas besoin de légende, ils se créaient la leur, façonnant dans l’acier les mots pour la chanter. Et l’enfant de cinq ans lorsqu’il lui adviendra, plus tard, beaucoup plus tard, d’apercevoir Tarzan sautant de liane en liane en se frappant le torse à grands coups de battoir pour ne rien forger d’autre qu’un long cri ridicule, rira comme un beau diable s’il est vrai qu’il s’avère, dans l’Hadès ou ailleurs, qu’un diable puisse être beau.
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Guy Boley (Fils du feu)
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Ça m’a fait peur, tout ça. À partir du moment où j’ai compris que je ressentais quelque chose pour elle, mon cerveau s’est empli d’un millier de questions, pour la plupart anxiogènes : mais du coup, est-ce que j’aime les filles ? Ça veut dire que je suis lesbienne ? Bi ? Comment vont réagir les autres ? Ma famille ? Ma mère ? Léo ? La fille en question ? Est-ce que je vais lui dire ? Est-ce que l’on va me repousser ? Me rejeter ? Est-ce que l’on va se moquer de moi à nouveau ? Est-ce que l’on va me résumer à ça dorénavant ? Est-ce que l’on va m’insulter ? Me frapper ? Est-ce que je vais être jetée de chez moi ? Pourquoi je ne pouvais pas être normale ? Pourquoi il a fallu que je ressente quelque chose pour elle ? Pourquoi je ne peux pas juste le renier ? Pourquoi je suis née dans ce corps ? Pourquoi je suis… comme ça ?
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Charlie (Les couleurs du changement (French Edition))
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Mais ça veut dire quoi d'abord "mon livre", ton livre ? Que tu l'as acheté ? Qu'on te l'a donné ? Prêté ? Que tu l'as lu ?
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Mélissandre L. (Table des Matières (Atlas, #1))
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Enfin, nous tenons à dire que nous ne sommes pas de ceux qui croient que la réalité doive se conformer à leur désir de simplification; les vérités complexes - « compliquées » si l’on veut — existent, et il ne suffit pas de les nier pour leur enlever la réalité qu’elles possèdent, eu elles-mêmes et en dehors de nous. La « simplicité » d’une idée n’est nullement un gage de sa vérité, contrairement à ce que semblent croire les penseurs les plus modernes, et s'il est incontestable que tout peut être dit simplement, il n’en est pas moins vrai qu’un langage simple, lorsqu’il est destiné à rendre des vérités d’ordre métaphysique ou généralement ésotérique, constituera un symbolisme d’autant plus difficilement pénétrable, pour le lecteur profane tout au moins, que son contenu sera d’un ordre plus élevé; un tel langage, qui est d’ailleurs celui des Écritures sacrées, risquera d’être encore beaucoup moins accessible que la démonstration la plus subtile.
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Frithjof Schuon (The Transcendent Unity of Religions)
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Dès que je manie la critique, je sens s'aggraver l'irritation, et en même temps j'ai conscience que c'est cette irritation même qui crée l'adversaire ! Les deux vont ensemble. Cette indignation que je laisse monter en moi donne une énergie colossale au Léviathan qui se tient devant moi. Ainsi me place-t-il où il veut m'avoir : dans la réaction - c'est-à-dire dans la guerre. (p. 100)
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Christiane Singer (N'oublie pas les chevaux écumants du passé)
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« L’ouvrage de Rama P. Coomaraswamy, The Destruction of the Christian Tradition (...) est un exposé brillamment écrit et bien documenté sur ce qui s’est déroulé immédiatement avant, pendant et après le concile Vatican II. L’auteur s’intéresse avant tout à ce qui est orthodoxe et à ce qui est hérétique, et la manière tout à fait claire, directe et simple dont il traite son sujet est basée sur les décisions des précédents conciles et les déclarations des plus hautes autorités de l’Église à travers les siècles. Ce qu’il a écrit est suffisant et n’a pas besoin d’additifs. Mais, à partir d’un angle légèrement différent et en quelque sorte pour affronter les modernistes sur leur propre terrain, qui est celui de l’opportunisme psychique, nous voudrions néanmoins ajouter les remarques suivantes. Les responsables des changements en question ont fait valoir qu’une religion doit se conformer aux temps, à quoi on doit répondre : non, si se conformer veut dire cesser d’être soi-même et devenir complice des temps. La véritable conformité est différente : la médecine, par exemple, afin de se conformer à une époque, doit être capable de fournir des antidotes à tout ce qui se présente comme maladies. De même, il ne serait pas déraisonnable de maintenir qu’afin de se conformer à un âge caractérisé par de violents changements et des troubles désordonnés, la religion doit être plus préparée que jamais à manifester, et même à proclamer, son inébranlable stabilité sans laquelle, en tant que véhicule de la Vérité Éternelle, elle ne peut jamais être, en tout état de cause, fidèle à elle-même. Il ne fait guère de doute que l’âme humaine a profondément besoin dans son existence de quelque chose qui resterait toujours identique, et elle a le droit d’attendre de la religion qu’elle soit la constante infaillible qui satisfasse ce besoin. De telles considérations furent disséminées aux quatre vents par le concile Vatican II. Il n’est donc pas surprenant que celui-ci ait précipité une crise sans précédent. La gravité de la situation peut être mesurée, jusqu’à un certain point, par les chiffres suivants : de 1914 à 1963, il n’y eut que 810 prêtres qui demandèrent à l’Église Catholique la permission d’abandonner le sacerdoce, et parmi ces demandes 355 seulement furent acceptées. Depuis le concile, il y a eu plus de 32 000 défections au sein du clergé. Il faut considérer que ces chiffres se rapportent en partie à ceux qui sont coupables de la crise et en partie à ceux qui en sont les victimes ; en ce qui concerne ces dernières, qui sont des membres du clergé ou des laïques, il est significatif que non seulement l’usage de la liturgie traditionnelle a été découragé mais qu’il a même été expressément interdit. Cette stratégie aurait totalement échoué s’il n’y avait eu le fait que l’immense majorité des laïques — et ceci s’applique également dans une certaine mesure aux membres du clergé eux-mêmes — s’imaginent que l’obéissance due à la hiérarchie cléricale est absolue. L’un des grands mérites de l’ouvrage de Rama Coomaraswamy est de montrer à quel moment, selon la doctrine catholique strictement traditionnelle, l’obéissance devient un péché et à quel moment l’autorité, même celle d’un pape, devient nulle et non avenue. » [recension dans "Croyances anciennes et Superstitions modernes", Appendice II.]
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Martin Lings (Ancient Beliefs and Modern Superstitions)
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La forme du langage est, par définition même, « discursive » comme la raison humaine dont il est l’instrument propre et dont il suit ou reproduit la marche aussi exactement que possible ; au contraire, le symbolisme proprement dit est véritablement « intuitif », ce qui, tout naturellement, le rend incomparablement plus apte que le langage à servir de point d’appui à l’intuition intellectuelle et supra-rationnelle, et c’est précisément pourquoi il constitue le mode d’expression par excellence de tout enseignement initiatique. Quant à la philosophie, elle représente en quelque sorte le type de la pensée discursive (ce qui, bien entendu, ne veut pas dire que toute pensée discursive ait un caractère spécifiquement philosophique), et c’est ce qui lui impose des limitations dont elle ne saurait s’affranchir ; par contre, le symbolisme, en tant que support de l’intuition transcendante, ouvre des possibilités véritablement illimitées.
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René Guénon (Perspectives on Initiation)
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… Le Bouddha ne fut tout d’abord figuré que par des empreintes de pieds, ou par des symboles tels que l’arbre ou la roue (et il est remarquable que, de la même façon, le Christ aussi ne fut représenté pendant plusieurs siècles que par des figurations purement symboliques) ; comment et pourquoi en vint-on à admettre par la suite une image anthropomorphique ? Il faut voir là comme une concession aux besoins d’une époque moins intellectuelle, où la compréhension doctrinale était déjà affaiblie ; les « supports de contemplation », pour être aussi efficaces que possible, doivent en effet être adaptés aux conditions de chaque époque ; mais encore convient-il de remarquer que l’image humaine elle-même, ici comme dans le cas des « déités » hindoues, n’est réellement « anthropomorphique » que dans une certaine mesure, en ce sens qu’elle n’est jamais « naturaliste » et qu’elle garde toujours, avant tout et dans tous ses détails, un caractère essentiellement symbolique. Cela ne veut d’ailleurs point dire qu’il s’agisse d’une représentation « conventionnelle » comme l’imaginent les modernes, car un symbole n’est nullement le produit d’une invention humaine ; « le symbolisme est un langage hiératique et métaphysique, non un langage déterminé par des catégories organiques ou psychologiques ; son fondement est dans la correspondance analogique de tous les ordres de réalité, états d’être ou niveaux de référence ». La forme symbolique « est révélée » et « vue » dans le même sens que les incantations vêdiques ont été révélées et « entendues », et il ne peut y avoir aucune distinction de principe entre vision et audition, car ce qui importe n’est pas le genre de support sensible qui est employé, mais la signification qui y est en quelque sorte « incorporée ». L’élément proprement « surnaturel » est partie intégrante de l’image, comme il l’est des récits ayant une valeur « mythique », au sens originel de ce mot ; dans les deux cas, il s’agit avant tout de moyens destinés, non à communiquer, ce qui est impossible, mais à permettre de réaliser le « mystère », ce que ne saurait évidemment faire ni un simple portrait ni un fait historique comme tel. C’est donc la nature même de l’art symbolique en général qui échappe inévitablement au point de vue « rationaliste » des modernes, comme lui échappe, pour les mêmes raisons, le sens transcendant des « miracles » et le caractère « théophanique » du monde manifesté lui-même ; l’homme ne peut comprendre ces choses que s’il est à la fois sensitif et spirituel, et s’il se rend compte que « l’accès à la réalité ne s’obtient pas en faisant un choix entre la matière et l’esprit supposés sans rapports entre eux, mais plutôt en voyant dans les choses matérielles et sensibles une similitude formelle des prototypes spirituels que les sens ne peuvent atteindre directement » ; il s’agit là « d’une réalité envisagée à différents niveaux de référence, ou, si l’on préfère, de différents ordres de réalité, mais qui ne s’excluent pas mutuellement.
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René Guénon (Studies in Hinduism: Collected Works)
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Nous avons fait remarquer, en de précédentes occasions, que les déformations les plus grossières, parmi celles qui ont cours en Occident, par exemple celle qui veut voir dans les méthodes du Yoga une sorte de « culture physique » ou de thérapeutique d’ordre simplement physiologique, sont, par leur grossièreté même, moins dangereuses que celles qui se présentent sous des aspects plus subtils. La raison n’en est pas seulement que ces dernières risquent de séduire des esprits sur lesquels les autres ne sauraient avoir aucune prise ; cette raison existe assurément, mais il y en a une autre, d’une portée beaucoup plus générale, qui est celle même pour laquelle les conceptions matérialistes, comme nous l’avons expliqué, sont moins dangereuses que celles qui font appel au psychisme inférieur. Or il n’est pas contestable que, dans les déformations où intervient le plus bas psychisme, il faut ranger celles qui prétendent établir une comparaison et même une assimilation plus ou moins complète entre les mêmes méthodes du Yoga et les plus récentes techniques de la psychologie occidentale, nous voulons dire celles qui relèvent des diverses variétés de la « psychanalyse ». [L’erreur du « psychologisme »]
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René Guénon (Articles Et Comptes Rendus: Tome I,[Parus Dans] Le "Voile D'isis" [Puis Dans Les] Études Traditionnelles])
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La liberté étant partout ce qu'elle est, c'est-à-dire sans contrainte interne, on peut dire que l'homme est libre de se damner, de même qu'il est libre de se jeter dans un abîme, s'il le veut ; cependant, dès que l'homme passe à l'action, la liberté devient illusoire dans la mesure où elle va contre la vérité : celui qui se jette volontairement dans un abîme se prive par là même de sa liberté d'agir. Il en va de même pour l'homme à tendance infernale : il devient l'esclave de son choix, tandis que l'homme à tendance spirituelle s'élève vers une plus grande liberté. d'autre part, puisque la réalité de l'enfer est faites d'illusion, - car l'éloignement de Dieu ne peut être qu'illusoire -, l'enfer ne saurait exister éternellement à coté de la Béatitude, bien que, selon sa propre vision, sa fin ne puisse pas se concevoir ; c'est là l'éternité à rebours des états de damnation. Ce n'est donc pas sans raison que les Soufis insistent sur la relativité de toute chose créée, et affirment que le feu de l'enfer se refroidira après une durée indéfinie ; tous les êtres seront finalement résorbés en Dieu. Quoi qu'en pensent certains philosophes modernes, la liberté et l'arbitraire se contredisent ; l'homme est libre de choisir l'absurde, mais il n'est pas libre en tant qu'il le choisit ; la liberté (dans ce cas là) et l'acte ne coïncident pas dans la Créature
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Titus Burckhardt (An Introduction to Sufism: The Mystical Dimensions of Islam)
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Plus d’État mais seulement la société, plus de principe mais seulement une gestion des pulsions sociales, et au centre un gentil organisateur, un plancton dont les obsessions quantitativo-statistiques abolissent la sphère de la politique et la remplacent par le néant d’un babillage démagogique non si­gnifiant, purement phonique, phatique, autour duquel la presse s’onanise et le public bée. La vocation intellectuelle, ar­tistique et spirituelle de l’homme disparaît sous les coups du nivellement de masse, car l’homme n’est ici qu'un travailleur, le rouage d’une énergie productrice qu’il faut rendre opéra­tionnel le plus rapidement possible ; on lui invente un collège unique dont disparaît progressivement toute connaissance vé­ritable, un lieu d’abrutissement intellectuellement définalisé, d’éducation technique de groupe, afin que toutes les espèces et catégories du troupeau puissent parvenir plus largement au degré de qualification qui les asservira au quantitatif, tandis que le monde entier afflue à Microcéphalopolis afin de rem­plir les cases laissées vides. Les chiffres broient l’homme, la matière est placée au-dessus de l’esprit, la technique au-dessus du savoir, l’intérêt au-dessus de toute gratuité ; plus d’hon­neur, de civilité, de générosité, plus de famille, plus d’amitié. Dans ce contexte le mélange culturel s’inscrit non comme une louable ouverture mais comme la colonisation d’un espace in­tellectuel vide parce que volontairement déserté. Microcéphalopolis s'identifie à ce désert pour devenir jungle, elle veut n’être que friche et fiche, elle veut n’être rien, elle vénère les raclées, elle nie ses origines sauf pour s’inventer de mythologiques fautes où peut ainsi s’exercer sa haine de soi, c’est-à-dire de la spiritualité dont elle devrait être porteuse. Elle est cette nation devenue elle-même femelle et que ses attitudes de mo­rue exposent continuellement au viol. Refusant de porter un quelque regard sur sa situation, se félicitant de tout ce qui n'est pas sa nature et dont elle se remplit, elle tend sa croupe à tout vent et enfonce la tête dans le sable en des manières d'autruche dénégatrice et nymphomane.
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Maxence Caron
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On raconte que Til Ulespiègle, ayant été engagé comme peintre à la cour d’un prince, présente à l’assistance une toile vide en déclarant : «Qui n’est pas l’enfant de parents honnêtes, ne verra rien sur cette toile.» Or, aucun des seigneurs rassemblés ne voulut avouer qu’il ne voyait rien : chacun feignit d’admirer la toile vide. Il fut un temps où cette histoire pouvait passer pour une plaisanterie; nul n’osait prévoir qu’elle entrerait un jour dans les mœurs du «monde civilisé». De nos jours, n’importe qui peut nous montrer n’importe quoi au nom de «l’art pour l’art», et si nous protestons au nom de la vérité et de l’intelligence, on nous répond que nous ne comprenons rien, comme si nous avions une lacune mystérieuse nous empêchant de comprendre, non l’art chinois ou aztèque sans doute, mais le gribouillage quelconque d’un Européen qui vit à côté de nous. Selon un abus de langage fort répandu de nos jours, «comprendre» veut dire «accepter»; refuser, c’est ne pas comprendre; comme s’il n’arrivait jamais qu’on refuse une chose précisément parce qu’on la comprend, ou au contraire qu’on l’accepte parce qu’on ne la comprend pas !
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Frithjof Schuon (Caste e Razze)
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Josué veut dire Dieu Sauve. C’est le même nom que Jésus. En grec comme en hébreu, le sens est identique. C’est le traducteur de la Bible en latin (la Vulgate) qui a distingué les deux noms pour éviter la confusion.
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Eric Denimal (La Bible pour les Nuls (French Edition))
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Le mariage, Jacopo, est un contrat absurde qui humilie à la fois l'homme et la femme. Pour moi, si on rencontre un homme qui vous plaît, on l'aime jusqu'à ce que, eh bien, tant que ça dure… Et puis on se laisse, si possible, en bons amis. Oh, Jacopo, parler avec toi est une fontaine d'intuitions pour ta putain de mère ! Tu sais que m'est venue une idée sur l'amour ? - Quelle idée, maman, dis-moi ? - Si tu étais obligé de rester toujours seul en ta propre compagnie, comment t'en trouverais-tu ? - Oh là, je préfère ne pas y penser ! Je deviendrais fou, je m'ennuierais. - Voilà ! Je crois que, à part l'attraction des sens qui est une chose encore plus obscure que tout ce qu'on a pu en dire… Schopenhauer, aussi… - Ah oui, que dit-il ? - Tu verras toi-même, je n'ai pas envie d'en parler maintenant… À part… non ! pas à part, parce que les sens suivant l'intelligence et inversement, il me semble qu'on tombe amoureux parce qu'avec le temps on se lasse de soi-même et on veut entrer en un autre. Mais pas pour cette idée magnifique mais trop fatale de la pomme de Platon, tu sais, non ? - Oui, oui. - On veut entrer en un "autre" inconnu pour le connaître, le faire sien, comme un livre, un paysage. Et puis, quand on l'a absorbé, qu'on s'est nourri de lui jusqu'à ce qu'il soit devenu une part de nous-même, on recommence à s'ennuyer. Tu lirais toujours le même livre, toi ? (p. 479)
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Goliarda Sapienza (L'arte della gioia)
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« Si pour un instant Dieu oubliait que je suis une marionnette de chiffon et m'offrait un morceau de vie, je profiterais de ce temps du mieux que je pourrais. Sans doute je ne dirais pas tout ce que je pense, mais je penserais tout ce que je dirais. Je donnerais du prix aux choses, non pour ce qu'elles valent, mais pour ce qu'elles représentent. Je dormirais peu, je rêverais plus, sachant qu'en fermant les yeux, à chaque minute nous perdons 60 secondes de lumière. Je marcherais quand les autres s'arrêteraient, je me réveillerais quand les autres dormiraient. Si Dieu me faisait cadeau d'un morceau de vie, je m'habillerai simplement, je me coucherais à plat ventre au soleil, laissant à découvert pas seulement mon corps, mais aussi mon âme. Aux hommes, je montrerais comment ils se trompent, quand ils pensent qu'ils cessent d'être amoureux parce qu'ils vieillissent, sans savoir qu'ils vieillissent quand ils cessent d'être amoureux ! A l'enfant je donnerais des ailes mais je le laisserais apprendre à voler tout seul. Au vieillard je dirais que la mort ne vient pas avec la vieillesse mais seulement avec l'oubli. J'ai appris tant de choses de vous les hommes… J'ai appris que tout le monde veut vivre en haut de la montagne, sans savoir que le vrai bonheur se trouve dans la manière d'y arriver. J'ai appris que lorsqu'un nouveau-né serre pour la première fois, le doigt de son père, avec son petit poing, il le tient pour toujours. J'ai appris qu'un homme doit uniquement baisser le regard pour aider un de ses semblables à se relever. J'ai appris tant de choses de vous, mais à la vérité cela ne me servira pas à grand chose, si cela devait rester en moi, c'est que malheureusement je serais en train de mourir. Dis toujours ce que tu ressens et fais toujours ce que tu penses. Si je savais que c'est peut être aujourd'hui la dernière fois que je te vois dormir, je t'embrasserais très fort et je prierais pour pouvoir être le gardien de ton âme. Si je savais que ce sont les derniers moments où je te vois, je te dirais 'je t'aime' sans stupidement penser que tu le sais déjà. Il y a toujours un lendemain et la vie nous donne souvent une autre possibilité pour faire les choses bien, mais au cas où elle se tromperait et c'est, si c'est tout ce qui nous reste, je voudrais te dire combien je t'aime, que jamais je ne t'oublierais. Le lendemain n'est sûr pour personne, ni pour les jeunes ni pour les vieux. C'est peut être aujourd'hui que tu vois pour la dernière fois ceux que tu aimes. Pour cela, n'attends pas, ne perds pas de temps, fais-le aujourd'hui, car peut être demain ne viendra jamais, tu regretteras toujours de n'avoir pas pris le temps pour un sourire, une embrassade, un baiser parce que tu étais trop occupé pour accéder à un de leur dernier désir. Garde ceux que tu aimes près de toi, dis-leur à l'oreille combien tu as besoin d'eux, aime les et traite les bien, prends le temps pour leur dire 'je regrette' 'pardonne-moi' 's'il te plait' 'merci' et tous les mots d'amour que tu connais. Personne ne se souviendra de toi pour tes pensées secrètes. Demande la force et la sagesse pour les exprimer. Dis à tes amis et à ceux que tu aimes combien ils sont importants pour toi. Monsieur Márquez a terminé, disant : Envoie cette lettre à tous ceux que tu aimes, si tu ne le fais pas, demain sera comme aujourd'hui. Et si tu ne le fais pas cela n'a pas d'importance. Le moment sera passé. Je vous dis au revoir avec beaucoup de tendresse »
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Gabriel García Márquez
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Selon Gilles Deleuze et Félix Guattari: [...] "C'est une véritable haine qui anime la logique, dans sa rivalité ou sa volonté de supplanter la philosophie. Elle tue le concept deux fois. Pourtant le concept renaît, parce qu'il n'est pas une fonction spécifique, et parce qu'il n'est pas une proposition logique : il n'appartient à aucun système discursif, il n'a pas de référence. Le concept se montre, et ne fait que se montrer. Les concepts sont des monstres qui renaissent de leurs débris." Il serait malaisé pour moi d'expliquer ce que ce passage veut dire [...]. Renaître de ses débris, pour un monstre, est une opération dont personne ne sait grand-chose. Ne pourrait-on pas aussi bien affirmer, avec autant de raisons, qu'un concept est une machine à laver ou un chameau ?
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Roger Pouivet
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L'occupation principale d'un malade mental consiste à fuir. Il veut, doit, constamment partir. À cet effet, il y a, dans le jardin du home Lumière d'Hiver, un arrêt de bus. Tout à fait fictif naturellement. Je veux dire: jamais un bus ne s'arrêtera ou ne démarrera dans ce jardin. Mais il s'agit d'un arrêt de bus parfaitement imité, avec un abri et un banc, des horaires clairement affichés, et diverses "informations aux voyageurs" auxquelles pas un seul patient ne s'intéresse, mais qui rendent tout particulièrement crédible: "Travaux rue Haute, veuillez tenir compte de probable retards. Nous vous remercions pour votre compréhension." On a même construit un petit morceau de route, six ou sept mètres au total, coulé dans ce bel asphalte lisse que le cycliste aime sentir sous ses roues, avec une plaque indiquant une ville qui n'existe pas et où doit se rendre le bus. Ligne 77. ("Comment ma femme m'a rendu fou", p.62)
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Dimitri Verhulst (De laatkomer)
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si les sciences qui intéressent tant les Occidentaux n’avaient jamais acquis antérieurement un développement comparable à celui qu’ils leur ont donné, c’est qu’on n’y attachait pas une importance suffisante pour y consacrer de tels efforts. Mais, si les résultats sont valables lorsqu’on les prend chacun à part (ce qui concorde bien avec le caractère tout analytique de la science moderne), l’ensemble ne peut produire qu’une impression de désordre et d’anarchie ; on ne s’occupe pas de la qualité des connaissances qu’on accumule, mais seulement de leur quantité ; c’est la dispersion dans le détail indéfini. De plus, il n’y a rien au-dessus de ces sciences analytiques : elles ne se rattachent à rien et, intellectuellement, ne conduisent à rien ; l’esprit moderne se renferme dans une relativité de plus en plus réduite, et, dans ce domaine si peu étendu en réalité, bien qu’il le trouve immense, il confond tout, assimile les objet les plus distincts, veut appliquer à l’un les méthodes qui conviennent exclusivement à l’autre, transporte dans une science les conditions qui définissent une science différente, et finalement s’y perd et ne peut plus s’y reconnaître, parce qu’il lui manque les principes directeurs. De là le chaos des théories innombrables, des hypothèses qui se heurtent, s’entrechoquent, se contredisent, se détruisent et se remplacent les unes les autres, jusqu’à ce que, renonçant à savoir, on en arrive à déclarer qu’il ne faut chercher que pour chercher, que la vérité est inaccessible à l’homme, que peut-être même elle n’existe pas, qu’il n’y a lieu de se préoccuper que de ce qui est utile ou avantageux, et que, après tout, si l’on trouve bon de l’appeler vrai, il n’y a à cela aucun inconvénient. L’intelligence qui nie ainsi la vérité nie sa propre raison d’être, c’est-à-dire qu’elle se nie elle-même ; le dernier mot de la science et de la philosophie occidentales, c’est le suicide de l’intelligence ;
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René Guénon (East and West)
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L’homme est le seul être, dans le monde terrestre, à pouvoir se purifier consciemment des taches de son existence, et c’est pour cela qu’il est dit que « l’homme est le seul animal qui sacrifie » (Shatapatha-Brâhmana, VII, 5) ; en d’autres termes, la vie étant un don du Créateur, les êtres conscients et responsables doivent, afin de réaliser spirituellement le sens de ce don en se référant à sa qualité symbolique, et afin de rendre ce don, par là même, plus prospère et plus durable, sacrifier au Créateur une partie de ce qu’il a donné. Ce sacrifice peut avoir des formes soit sanglantes, soit non sanglantes : ainsi, pour ne citer que ces exemples parmi une multitude d’autres, les Hindous, comme beaucoup de peuples, ne mangent qu’après avoir offert une part aux divinités, de sorte qu’ils ne se nourrissent au fond que de restes sacrificiels ; de même encore, les Musulmans et les Juifs versent tout le sang de la viande destinée à la consommation. Dans un sens analogue, les guerriers de certaines tribus de l’Amérique du Nord sacrifiaient, au moment de leur initiation guerrière, un doigt au « Grand- Esprit » ; il est à retenir que les doigts sont sous un certain rapport ce qu’il y a de plus précieux pour le guerrier, homme d’action, et d’autre part, le fait que l’on possède dix doigts et que l’on en sacrifie un, c’est-à-dire un dixième de ce qui représente notre activité, est fort significatif, d’abord parce que le nombre dix est celui du cycle accompli ou entièrement réalisé, et ensuite à cause de l’analogie qui existe entre le sacrifice dont nous venons de parler et la dîme (décima, dixième). Celle-ci est du reste l’équivalent exact de la zakkât musulmane, l’aumône ordonnée par la Loi qoranique : afin de conserver et d’augmenter les biens, on empêche le cycle de prospérité de se fermer et cela en sacrifiant le dixième, c’est-à-dire la partie qui constituerait précisément l’achèvement et la fin du cycle. Le mot zakkât a le double sens de « purification » et de « croissance », termes dont le rapport étroit apparaît très nettement dans l’exemple de la taille des plantes ; ce mot zakkât vient étymologiquement du verbe zakâ qui veut dire « prospérer » ou « purifier », ou encore, dans une autre acception, « lever » ou « payer » la contribution sacrée, ou encore « augmenter ». Rappelons aussi, dans cet ordre d’idées, l’expression arabe dîn, qui signifie non seulement « tradition », selon l’acception la plus courante, mais aussi « jugement », et, avec une voyellisation un peu différente qui fait que le mot se prononce alors dayn, « dette » ; ici encore, les sens respectifs du mot se tiennent, la tradition étant considérée comme la dette de l’homme vis-à-vis de Dieu ; et le « Jour du Jugement » (Yawm ed-Dîn) — « Jour » dont Allâh est appelé le « Roi » (Mâlik) — n’est autre que le jour du « paiement de la dette » de l’individu envers Celui à qui il doit tout et qui est son ultime raison suffisante.
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Frithjof Schuon (The Eye of the Heart: Metaphysics, Cosmology, Spiritual Life (Library of Traditional Wisdom))
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Il est convenu qu’on ne peut parler du diable sans provoquer, de la part de tous ceux qui se piquent d’être plus ou moins « modernes », c’est-à-dire de l’immense majorité de nos contemporains, des sourires dédaigneux ou des haussements d’épaules plus méprisants encore ; et il est des gens qui, tout en ayant certaines convictions religieuses, ne sont pas les derniers à prendre une semblable attitude, peut-être par simple crainte de passer pour « arriérés », peut-être aussi d’une façon plus sincère. Ceux-là, en effet, sont bien obligés d’admettre en principe l’existence du démon, mais ils seraient fort embarrassés d’avoir à constater son action effective ; cela dérangerait par trop le cercle restreint d’idées toutes faites dans lequel ils ont coutume de se mouvoir. C’est là un exemple de ce « positivisme pratique » auquel nous avons fait allusion précédemment : les conceptions religieuses sont une chose, la « vie ordinaire » en est une autre, et, entre les deux, on a bien soin d’établir une cloison aussi étanche que possible ; autant dire qu’on se comportera en fait comme un véritable incroyant, avec la logique en moins ; mais quel moyen de faire autrement, dans une société aussi « éclairée » et aussi « tolérante » que la nôtre, sans se faire traiter à tout le moins d’« halluciné » ? Sans doute, une certaine prudence est souvent nécessaire, mais prudence ne veut pas dire négation « a priori » et sans discernement ;
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René Guénon (The Spiritist Fallacy (Collected Works of Rene Guenon))
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C'est une belle allégorie, dans la Bible, que cet arbre de la science du bien et du mal qui produit la mort. Cet emblème ne veut-il pas dire que lorsqu'on a pénétré le fond des choses, la pert des illusions amène la mort de l'âme, c'est-à-dire un désintéressement complet sur tout ce qui touches les autres hommes?
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Nicolas Chamfort (Maximes et Pensées: Caractères et Anecdotes)
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J'admire Shakespeare. Son théâtre est à l'image de la vie, qui juxtapose sans fausse honte le rire et les larmes, l'amour et la haine, la religion et le sexe. Les tragédies les plus émouvantes de Shakespeare comportent des scènes drôles et salaces. Ce livre-ci s'inscrit dans la même recherche d'authenticité que les pièces de Shakespeare, mais à la différence de Roméo et Juliette ou de La Tempête, ce n’est absolument pas une fiction. Il est très difficile à écrire parce que je n'édulcore rien, je ne déguise rien, et pour une musulmane c'est une démarche inédite, un effort à contre-courant. Les musulmanes sont censées choisir entre deux options opposées mais également insatisfaisantes : soit se taire comme des saintes-nitouches en plâtre, soit clamer haut et fort leur allégeance sans faille à République. Entre le destin de la potiche voilée et celui d'Henda Ayari, il n'y aurait rien à vivre. Je m'insurge contre cette dichotomie. Avec ou sans voile, une musulmane a le droit de dire tout ce qu'elle pense et de parler d'absolument tout ce dont elle veut parler, de la même manière qu'un homme lambda a ces droits-là. Elle a même le droit de parler de ses pulsions.
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Adeline Aragon (Le quatrième secret de Fatima: Mâamar et moi (French Edition))