“
În ce mă priveşte, când apune soarele mă gândesc: A mai trecut o zi. Încă o zi în care n-am făcut nimic. Iar când răsare soarele, nu ştiu încotro să apuc, pe ce drum trebuie să merg, unde vreau să ajung. Eram sigură că fericirea există undeva, dincolo de zidurile casei noastre. Că într-o zi voi pune mâna pe ea, aşa cum pui mâna pe o ceaşcă sau pe scoarţa unui copac. Că dragostea este supremul miracol…
”
”
Cella Serghi (Cartea Mironei)
“
Vous me compliquez la vie avec votre rancœur, nous devons impérativement nous réconcilier. Je n'ai pas le droit de pénétrer dans le gynécée : retrouvez-moi à l'intendance, insultez-moi, giflez-moi, cassez-moi une assiette sur la tête si ça vous chante, et puis n'en parlons plus.
”
”
Christelle Dabos (Les Disparus du Clairdelune (La Passe-Miroir, #2))
“
La vie est vaine. Un peu d’amour, Un peu de haine, Et puis bonjour. La vie est brève. Un peu d’espoir, Un peu de rêve, Et puis bonsoir.
”
”
Agatha Christie (Death on the Nile (Hercule Poirot, #18))
“
Et puis, tenez, monsieur Marius,je crois que j'étais un peu amoureuse de vous.
”
”
Victor Hugo (Les Misérables)
“
Et puis il le lui avait dit. Il lui avait dit que c’était comme avant, qu’il l’aimait encore, qu’il ne pourrait jamais cesser de l’aimer, qu’il l’aimerait jusqu’à sa mort.
”
”
Marguerite Duras (The Lover)
“
La vie est humiliante de simplicité : on fait tout pour échapper à ses parents, et puis on devient eux.
”
”
Frédéric Beigbeder (99 francs)
“
Fuir, toujours, et courir sans relâche. Et puis, un jour, s'arrêter pour dire à quelqu'un, en le regardant droit dans les yeux : c'est toi dont j'ai besoin, vraiment. Et le croire.
”
”
Frédéric Beigbeder (L'Égoïste romantique)
“
On rêve d'un idéal, on le prie, on l'appelle, on le guette, et puis le jour où il se dessine, on découvre la peur de le vivre, celle de ne pas être à la hauteur de ses propres rêves, celle encore de les marier à une réalité dont on devient responsable.
”
”
Marc Levy (Où es-tu ?)
“
Une vie! Quelques jours et puis plus rien! On naît, on grandit, on est heureux, on attend, puis on meurt.
”
”
Guy de Maupassant
“
Viața noastră e ca o călătorie pe pământ: prea ușoară și monotonă de-a lungul întinselor câmpii, prea dură și neplăcută pe pantele abrupte; dar pe înălțimile munților te bucuri de o priveliște minunată, te simți exaltat, ochii se umplu de lacrimi, ai vrea să cânți, ai vrea să ai aripi. Dar nu poți să rămâi acolo, trebuie să-ți continui călătoria și începi să cobori pe partea cealaltă, atât de preocupat să alegi locul în care să-ți pui piciorul încât uiți plăcerea încercată pe culmi
”
”
Lloyd C. Douglas (The Robe)
“
Ophélie se sentit déchirée entre la détresse et la fureur. Il n'avait pas le droit! Il n'avait pas le droit d'entrer dans son existence ainsi, de tout mettre sens dessus dessous, puis de s'en aller comme si de rien n'était.
”
”
Christelle Dabos (Les Disparus du Clairdelune (La Passe-Miroir, #2))
“
Longtemps, mon seul but dans la vie était de m'autodétruire. Puis, une fois, j'ai eu envie de bonheur. C'est terrible, j'ai honte, pardonnez-moi : un jour, j'ai eu cette vulgaire tentation d'être heureux. Ce que j'ai appris depuis, c'est que c'était la meilleure manière de me détruire.
”
”
Frédéric Beigbeder (L'amour dure trois ans (Marc Marronnier, #3))
“
Just remember, Pui, good luck comes at a price. Bad luck is free.
”
”
Ruta Sepetys (I Must Betray You)
“
Le malheur c'est comme le mariage.On croit qu'on choisit et puis on est choisi.
”
”
Albert Camus (Caligula)
“
Et puis qu’est-ce que ça veut dire différents ? C’est de la foutaise ton histoire de torchons et de serviettes… Ce qui empêche les gens de vivre ensemble, c’est leur connerie, pas leurs différences…
”
”
Anna Gavalda (Hunting and Gathering)
“
Si seulement je pouvais m'arrêter de penser, ça irait déjà mieux. Les pensées, c'est ce qu'il y a de plus fade. Plus fade encore que de la chair. Ça s'étire à n'en plus finir et ça laisse un drôle de goût. Et puis il y a les mots, au-dedans des pensées, les mots inachevés, les ébauches de phrases qui reviennent tout le temps.
”
”
Jean-Paul Sartre (Nausea)
“
Lucrurile nu sunt greu de făcut. Greu este să te pui în starea de a le face.
”
”
Constantin Brâncuși
“
Decalogul nesimtitului
1. Fii strident. Lupta cu toate mijloacele împotriva discretiei.
2. Nu te gândi la ceilalti. Fii egocentric.
3. Patrunde pretutindeni. Nu te lasa marginalizat.
4. Fa prozeliti. O sa vezi ca nu e foarte greu.
5. Batjocoreste lucrurile grave. Practica persiflarea mai ales când nu e
cazul.
6. Arata-te opac la argumentele celorlalti. Eventual refuza-le de plano.
7. Cauta mereu prim-planul. Încearca sa fii contaminant.
8. Evita sa-ti pui întrebari. Drumul tau e unul al certitudinilor.
9. Convinge lumea sa se plieze pe setul tau de non-valori. Nu accepta
compromisuri.
10. Nu uita ca marele tau dusman e bunul-simt. Combate-l cu fiecare
gest si cuvânt.
”
”
Radu Paraschivescu (Ghidul nesimţitului)
“
Am fost plămădiţi din lut şi un vas de lut nu o să devină niciodată un pocal de aur. Contează însă ce pui înăuntru, asta îi dă valoare. Poate fi porţelanul cel mai fin sau o oală de pământ; buchetul de flori pe care îl poartă îţi captează atenţia şi atunci vasul ţi se pare perfect. Ai grijă ca sufletul tău să fie mereu un buchet proaspăt!
”
”
Moise D. (Gol de timp)
“
Donc, il faudra que je meure et flotte comme écume sur la mer et n'entende jamais plus la musique des vagues, ne voit plus les fleurs ravissantes et le rouge soleil. Ne puis-je rien faire pour gagner une vie éternelle?
”
”
Hans Christian Andersen
“
Arăţi foarte bine, Elena. Totdeauna te îmbraci aşa cînd îi citeşti lui Ion?" am întrebat-o.
O clipă i s-au luminat ochii, apoi şi-a coborît privirile.
"Pentru Ion e totuna cum mă îmbrac, el tot nu vede. Dar o fac pentru cărţi."
"Nu înţeleg."
"Nu poţi să pui mîna pe asemenea cărţi cum pui mâna pe lopată. Trebuie să te speli pe mâini şi să te îmbraci curat.
”
”
Cătălin Dorian Florescu
“
…et puis on recommence encore le lendemain
avec seulement la même règle que la veille
et qui est d'éviter les grandes joies barbares
de même que les gr-andes douleurs
comme un crapaud contourne une pierre sur son chemin…
”
”
Charles Cros
“
Il y a l'amour...
Et puis il y a la vie,
son ennemie.
”
”
Jean Anouilh
“
Tu demandes d'où vient notre souffle de vie.
S'il fallait résumer une trop longue histoire,
Je dirais qu'il surgit du fond de l'océan,
Puis soudain l'océan l'engloutit à nouveau.
Omar Khayyam
”
”
Amin Maalouf (Samarkand)
“
Je crois que c'est moi qui ai changé: c'est la solution la plus simple. La plus désagréable aussi. Mais einfin je dois reconnaître que je suis sujet à ces transformations soudaines. Ce qu'il y a, c'est que je pense très rarement; alors une foule depetites métamorphoses s'accumulent en moi sans que j'y prenne garde et puis, un beau jour, il se produit une véritable révolution. C'est ce qui a donné à ma vie cet aspect huerté, incohérent.
”
”
Jean-Paul Sartre (Nausea)
“
Vezi tu , uneori Dumnezeu asteapta de la tine sa pui si tu umarul.Iti poti dori anumite lucruri.Poti visa.Poti spera.Dar trebuie sa si actionezi in directia acelor dorinte , visuri si sperante.Trebuie sa te intinzi dincolo de locul in care te afli ca sa poti ajunge acolo unde vrei sa fi.
”
”
Nick Vujicic (Life Without Limits: Inspiration for a Ridiculously Good Life)
“
Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
”
”
Victor Hugo (Les Contemplations)
“
Et puis, il faut bien commencer un jour, se lancer, couper les fils, avancer sans les petites roues, se casser la gueule, se relever et recommencer.
”
”
Jean-Michel Guenassia (Le Club des incorrigibles optimistes)
“
Et puis, c'est la vie; elle ne nous prend que ce qu'elle nous a donné. Ni plus ni moins. (p.190)
”
”
Yasmina Khadra (L'équation africaine)
“
L'homme naît, vit ce qu'il vit et puis meurt. Il faut être prêt pour la mort comme pour la naissance.
”
”
Driss Chraïbi
“
- Vous vous intéressez aux vins?
- Ça me donne une contenance; ça fait français. Et puis il faut s'intéresser à quelque chose, dans la vie, je trouve que ça aide.
”
”
Michel Houellebecq (La carte et le territoire)
“
Être de gauche c’est d’abord penser le monde, puis son pays, puis ses proches, puis soi ; être de droite c’est l’inverse.
”
”
Gilles Deleuze
“
Et puis j'étais contrariée par tous ces actes sexuels publics. Que voulez-vous, je venais d'un pays traditionnaliste.
”
”
Marjane Satrapi (Persepolis, Volume 1)
“
J'ai grandi dans la mer et la pauvreté m'a été fastueuse, puis j'ai perdu la mer, tous les luxes alors m'ont paru gris, la misère intolérable.
”
”
Albert Camus (Noces suivi de L'été)
“
Et puis, surtout, c'est reposant, la tragédie, parce qu'on sait qu'il n'y a plus d'espoir, le sale espoir ; qu'on est pris, qu'on est enfin pris comme un rat, avec tout le ciel sur son dos, et qu'on n'a plus qu'à crier, - pas à gémir, non, pas à se plaindre,
à gueuler à pleine voix ce qu'on avait à dire, qu'on n'avait jamais dit et qu'on ne savait peut-être même pas encore. Et pour rien : pour se le dire à soi, pour l'apprendre, soi.
”
”
Jean Anouilh (Antigone)
“
La vie est comme un château de cartes. On met un temps infini à le construire, on essaie de poser des bases solides, on monte un étage après l'autre, et puis, un jour, tout s'effondre et quelqu'un les range dans une boîte.
”
”
Virginie Grimaldi (Tu comprendras quand tu seras plus grande)
“
Moi, je ne puis, chétif trouvère de Paris,
T’offrir que ce bouquet de strophes enfantines :
Sois bénin, et pour prix, sur les lèvres mutines
D’Une que je connais, Baiser, descends, et ris.
”
”
Paul Verlaine (Poèmes saturniens)
“
I’ll take it. I’ll keep it locked in the box. Maybe we can trade it for medicine for Bunu.” Cici looked at me, displeased. “A Coke and a dollar. What’s going on, Pui?” she whispered. “Nothing,” I assured her. “Just good luck and bad luck.” Cici nodded slowly, suspicious. “Just remember, Pui, good luck comes at a price. Bad luck is free.
”
”
Ruta Sepetys (I Must Betray You)
“
On ne peut pas tout avoir. Et puis d'abord où le mettrait-on?
”
”
Claude Chabrol
“
Je puis me persuader d'avoir été fait tel par la nature que je puisse aisément me tromper même dans les choses que je crois comprendre avec le plus d'évidence et de certitude.
”
”
René Descartes (Méditations Métaphysiques)
“
Te montrer à l'univers, le temps d'un éclair, puis m'enfermer avec toi, seul, et te regarder pendant l'éternité.
”
”
René Barjavel
“
Ophélie ne comprenait rien à ce jargon. Sur Anima, les téléphones se débrouillaient sagement entre eux, et puis voilà.
”
”
Christelle Dabos
“
Je puis nier une chose sans me croire obligé de la salir ou de retirer aux autres le droit d'y croire.
”
”
Albert Camus (Caligula)
“
Le plus important est ce en quoi vous croyez. Que ce soit la vérité ou pas. La croyance est parfois plus forte que la réalité. Et puis il faut prendre la vie telle qu'elle est. [...]
”
”
Romain Puértolas (La petite fille qui avait avalé un nuage grand comme la tour Eiffel)
“
Les liens se font et se défont, c'est la vie. Un matin, l'un reste et l'autre part, sans que l'on sache toujours pourquoi. Je ne peux pas tout donner à l'autre avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête. Je ne veux pas bâtir ma vie sur les sentiments parce que les sentiments changent. Ils sont fragiles et incertains. Tu les crois profonds et ils sont soumis à une jupe qui passe, à un sourire enjôleur. Je fais de la musique parce que la musique ne partira jamais de ma vie. J'aime les livres, parce que les livres seront toujours là. Et puis... des gens qui s'aiment pour la vie, moi, je n'en connais pas.
”
”
Guillaume Musso (La fille de papier)
“
le racisme est une maladie. Un vice. Une maladie honteuse. Qui se développe parfois dans le silence des maisons. On murmure puis on ferme les fenêtres. On crie pendant les repas de famille. Haïr l'autre, c'est l'imaginer contre soi. C'est se sentir possédé. Volé. Pénétré. Le racisme est un fantasme. C'est imaginer l'odeur de sa peau, la tension de son corps, la force de son sexe. Le racisme est une maladie. Une lèpre. Une nécrose.
”
”
Nina Bouraoui
“
Un moustique dure une journée, une rose trois jours. Un chat dure treize ans, l'amour trois. C'est comme ça. Il y a d'abord une année de passion, puis une année de tendresse et enfin une année d'ennui.
”
”
Frédéric Beigbeder
“
Et puis il y a l’été. L’été appartient à tous les souvenirs. Il est intemporel. C’est son odeur qui est la plus tenace. Qui s’accroche aux vêtements. Que l’on cherche toute sa vie. […] L’été appartient à tous les âges. Il n’a ni enfance ni adolescence. L’été est un ange.
”
”
Valérie Perrin (Trois)
“
C'est donc cela, la vie d'adulte ; construire des châteaux de sable puis sauter dessus à pieds joints, et recommencer l'action, encore et encore, alors qu'on sait bien que les océans les auraient effacées de toute façon ?
”
”
Frédéric Beigbeder (L'amour dure trois ans (Marc Marronnier, #3))
“
On ne sait pas ce qu'il faut faire pour se faire aimer: se montrer comme on est ou mentir. On balance entre les deux. On fait les deux d'ailleurs, au hasard un peu. On se fait comme on voudrait être, comme on croit qu'il faudrait paraître et puis on se dit "Ce n'est pas moi..." On cherche à se montrer à se montrer... à son pire... à déplaire...Qui sait si ce n'est pas le moyen de plaire?
”
”
Louis Aragon (Aurélien)
“
À une passante
La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet;
Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
Un éclair . . . puis la nuit! — Fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l'éternité?
Ailleurs, bien loin d'ici! trop tard! jamais peut-être!
Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais!
”
”
Charles Baudelaire (Les Fleurs du Mal)
“
Pour grandir, il faut porter loin de soi ses regards.Et puis ne regarder pas trop en arrière
”
”
André Gide (Œdipe)
“
Când eram mică, mă gândeam că te lipești de un om şi vezi dacă te potrivești la cusături. Că ar fi simplu să-ţi dai seama dacă ai fost luat sau nu din trupul ăla. Şi gata. Ce mare lucru? Dar nu e chiar aşa. Că tăieturile se mai și vindecă, iar vindecările nu sunt întotdeauna vreo binefacere. Uite, în cazul androginului, chiar nu sunt deloc. Te destabilizează. Dacă ar fi fost rana proaspătă, gustai din sânge, luai fâşii din carte, legai ligamente şi te uitai la albul osului. Dacă te potriveai, te lipeai la loc. Dar nu. Pui cicatrice lângă cicatrice şi ce să mai găseşti? Că nu există o lege a vindecărilor, un loc în care să fie scris clar cum ai voie să te faci bine. Poate de-aia te faci rău de mult prea multe ori înainte de bine. Poate. Nu mi-e foarte clar.
”
”
Ana Barton (Prospect de femeie)
“
Elle l'embrassait , et puis , après l'avoir lâché , le regardait et le reprenais pour l'embrasser encore une fois , comme si , ayant mesuré en elle-même tout l'amour qu'elle pouvait lui porter ou lui exprimer, elle avait décidé qu'une mesure manquait encore .
”
”
Albert Camus (The First Man)
“
Voyager, c'est bien utile, ça fait travailler l'imagination. Tout le reste n'est que déceptions et fatigues. Notre voyage à nous est entièrement imaginaire. Voilà sa force.
Il va de la vie à la mort. Hommes, bêtes, villes et choses, tout est imaginé. C'est un roman, rien qu'une histoire fictive. Littré le dit, qui ne se trompe jamais.
Et puis d'abord tout le monde peut en faire autant. Il suffit de fermer les yeux.
C'est de l'autre côté de la vie.
”
”
Louis-Ferdinand Céline (Voyage au bout de la nuit)
“
Tant que mes jambes me permettent de fuir, tant que mes bras me permettent de combattre, tant que l'expérience que j'ai du monde me permet de savoir ce que je peux craindre ou désirer, nulle crainte : je puis agir. Mais lorsque le monde des hommes me contraint à observer ses lois, lorsque mon désir brise son front contre le monde des interdits, lorsque mes mains et mes jambes se trouvent emprisonnées dans les fers implacables des préjugés et des cultures, alors je frissonne, je gémis et je pleure. Espace, je t'ai perdu et je rentre en moi-même. Je m'enferme au faite de mon clocher où, la tête dans les nuages, je fabrique l'art, la science et la folie.
”
”
Henri Laborit (Éloge de la fuite)
“
Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles,
Si c'est dans ton jardin à toi que tu les cueilles !
Puis, s'il advient d'un peu triompher, par hasard,
Ne pas être obligé d'en rien rendre à César,
Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,
Bref, dédaignant d'être le lierre parasite,
Lors même qu'on n'est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !
”
”
Edmond Rostand (Cyrano de Bergerac)
“
Si l’on ramène les 4,5 milliards d’années de notre planète à une seule journée terrestre, en supposant que celle-ci soit apparue à 0 heure, alors la vie naît vers 5 heures du matin et se développe pendant toute la journée. Vers 20 heures seulement viennent les premiers mollusques. Puis à 23 heures arrivent les dinosaures qui disparaîtront à 23h40. Quant à nos ancêtres, ils ne débarquent enfin que dans les 5 dernières minutes avant 24 heures et ne voient leur cerveau doubler de volume que dans la toute dernière minute. La révolution industrielle n’a commencé que depuis un centième de seconde.
”
”
Hubert Reeves (La Plus Belle Histoire du Monde)
“
C'est vrai, la vie est comme ça...
Tantôt un tourbillon qui nous émerveille, comme un tour de manège pendant l'enfance.
Tantôt un tourbillon d'amour et d'ivresse, lorsqu'on s'endort dans les bras l'un de l'autre dans un lit trop étroit puis qu'on prend son petit déjeuner à midi parce qu'on a fait l'amour longtemps.
Tantôt un tourbillon dévastateur, un typhon violent qui cherche à nous entraîner vers le fnd lorsque, pris par la tempête dans une coquille de noix, on comprend qu'on sera seul pour affronter la vague.
Et que l'on a peur.
”
”
Guillaume Musso (Que serais-je sans toi?)
“
Ma vie est monotone. Je chasse les poules, les hommes me chassent. Toutes les poules se ressemblent, et tous les hommes se ressemblent. Je m'ennuie donc un peu. Mais, si tu m'apprivoises, ma vie sera comme ensoleillée. Je connaîtrai un bruit de pas qui sera différent de tous les autres. Les autres pas me font rentrer sous terre. Le tien m'appellera hors du terrier, comme une musique. Et puis regarde ! Tu vois, là-bas, les champs de blé ? Je ne mange pas de pain. Le blé pour moi est inutile. Les champs de blé ne me rappellent rien. Et ça, c'est triste ! Mais tu as des cheveux couleur d'or. Alors ce sera merveilleux quand tu m'auras apprivoisé ! Le blé, qui est doré, me fera souvenir de toi. Et j'aimerai le bruit du vent dans le blé...
”
”
Antoine de Saint-Exupéry (The Little Prince)
“
Et puis le beau rayon s'arrêtait à la surface du fleuve, s'y réfléchissait, jouait un instant, sur des nénufars blancs, des campanules bleues, asiles parfumés et flottants d'une myriade d'insectes dont les corselets diaprés chatoyaient comme autant de rubis et d'émeraudes. Enfin il s'éteignait comme à regret, le beau rayon, en laissant sur la surface du fleuve une éblouissante auréole qui contrastait avec les ombres vertes et transparentes, projetées par l'épaisseur des arbres de la rive.
”
”
Eugène Sue (Atar-Gull)
“
La vie est vaine,
Un peu d’amour,
Un peu de haine,
Et puis—Bonjour!
La vie est brève:
Un peu d’espoir,
Un peu de rève
Et puis—Bon soir!
Ah, brief is Life,
Love’s short sweet way,
With dreamings rife,
And then—Good-day!
And Life is vain—
Hope’s vague delight,
Grief’s transient pain,
And then—Good-night.
”
”
George du Maurie
“
eu vreau să ştiu ce e acolo în întuneric, în ascunzişu care-l deosebeşte pe om de bou. Că omu iubeşte stânjeneii şi bou mănâncă iarbă. Fiecare om, camarade, şi fiecare femeie, părerea mea, are o cutie secretă. Acolo e sufletu şi moartea. Pui mereu pe fundu casetei sau între pereţii ei, care-s făcuţi din foiţă de carne, şi nu scoţi, pentru că ţi-e frică să dai la iveală. Eu am vrut să văd ce e înăuntru, ia să scot eu, zic, să pun pe masă, fapt cu fapt, să înşir toate porcăriile, să scuip pe ele şi să torn în locul lor lapte dulce. Nu s-a putut, nu-ţi dă mâna să scoţi. Fiinţa omului e cea mai prefăcută şi e un prost ăla care zice că se uită-n ochii tăi şi-ţi spune cu cine are de-a face. Numa copiii sunt curaţi, fiindcă n-au avut timp să se strice, da le vine rându şi lor...
”
”
Fănuș Neagu (Îngerul a strigat)
“
Je suis très content de mon bonheur, je puis encore le subir un bon moment. Seulement, quand il me donne une heure de répit pour prendre conscience, pour redevenir nostalgique, alors toute cette nostalgie tend non pas à garder toujours ce bonheur, mais à souffrir encore, en plus grand, en plus beau qu'autrefois. Je me consume du besoin d'une souffrance qui me rende prêt et désireux de mourir.
”
”
Hermann Hesse (Steppenwolf)
“
Je lis des vieux livres parce que les pages tournées de nombreuses fois et marquées par les doigts ont plus de poids pour les yeux, parce que chaque exemplaire d'un livre peut appartenir à plusieurs vies. Les livres devraient rester sans surveillance dans les endroits publics pour se déplacer avec les passants qui les apporteraient un moment avec eux, puis ils devraient mourir comme eux, usés par les malheurs, contaminés, noyés en tombant d'un pont avec les suicidés, fourrés dans un poêle l'hiver, déchirés par les enfants pour en faire des petits bateaux, bref ils devraient mourir n'importe comment sauf d'ennui et de propriété privée, condamnés à vie à l’étagère. (p.22)
”
”
Erri De Luca (Tre cavalli)
“
Dès qu’une image viendra te troubler l’esprit, pense à te dire : « Tu n’es qu’image, et non la réalité dont tu as l’apparence. » Puis, examine-la et soumets-la à l’épreuve des lois qui règlent ta vie : avant tout, vois si cette réalité dépend de nous ou n’en dépend pas ; et si elle ne dépend pas de nous, sois prêt à dire : « Cela ne me regarde pas. »
”
”
Epictetus (The Discourses)
“
Nous sommes deux, mon fils et moi, mais nous sommes plus forts que toutes les armées du monde. Je n’ai d’ailleurs pas plus de temps à vous consacrer, je dois rejoindre Melvil qui se réveille de sa sieste. Il a dix-sept mois à peine, il va manger son goûter comme tous les jours, puis nous allons jouer comme tous les jours, et toute sa vie ce petit garçon vous fera l’affront d’être heureux et libre. Car non, vous n’aurez pas sa haine non plus.
”
”
Antoine Leiris (Vous n'aurez pas ma haine)
“
– Les jours les plus sombres, on doit chercher un coin de clarté ; les jours les plus froids, on doit chercher un coin de chaleur ; les jours les plus lugubres, on doit laisser ses yeux s’émerveiller, et les jours les plus tristes, on doit garder les yeux ouverts pour laisser les larmes couler. Puis les laisser sécher. Leur donner l’occasion de dissiper la douleur pour y voir clair et y croire encore.
”
”
Tahereh Mafi (Unravel Me (Shatter Me, #2))
“
Elle aimait la vie, il aimait la mort,
Il aimait la mort, et ses sombres promesses,
Avenir incertain d'un garçon en détresse,
Il voulait mourir, laisser partir sa peine,
Oublier tous ces jours à la même rengaine...
Elle aimait la vie, heureuse d'exister,
Voulait aider les gens et puis grandir en paix,
C'était un don du ciel, toujours souriante,
Fleurs et nature, qu'il pleuve ou qu'il vente.
Mais un beau jour, la chute commença,
Ils tombèrent amoureux, mauvais choix,
Elle aimait la vie et il aimait la mort,
Qui d'entre les deux allait être plus fort?
Ils s'aimaient tellement, ils auraient tout sacrifié,
Amis et famille, capables de tout renier,
Tout donner pour s'aimer, tel était leur or,
Mais elle aimait la vie et il aimait la mort...
Si différents et pourtant plus proches que tout,
Se comprenant pour protéger un amour fou,
L'un ne rêvait que de mourir et de s'envoler,
L'autre d'une vie avec lui, loin des atrocités...
Fin de l'histoire : obligés de se séparer,
Ils s'étaient promis leur éternelle fidélité.
Aujourd'hui, le garçon torturé vit pour elle,
Puisque la fille, pour lui, a rendu ses ailes...
Il aimait la mort, elle aimait la vie,
Il vivait pour elle, elle est morte pour lui »
”
”
William Shakespeare
“
Stop. J'en suis sorti. Des souvenirs. Du passé. Mais tôt ou tard les choses que tu as laissé derrière toi te rattrapent. Et les choses les plus simples, quand tu es amoureux, te semblent les plus belles. Parce que leur simplicité n'a pas d'égal. Et j'ai envie de crier. Dans ce silence qui fait mal. Stop. Laisse tomber. Reprends-toi. Voilà. Fermé. A double tour. Au fond du cœur, bien au fond. Dans ce jardin. Quelques fleurs, un peu d'ombre et puis la douleur. Mets-les là, cache les bien surtout, là où personne ne peut les voir. Là où toi tu ne peux pas les voir.
”
”
Federico Moccia (Ho voglia di te)
“
Sonnet VIII
Je vis, je meurs : je me brûle et me noie,
J’ai chaud extrême en endurant froidure ;
La vie m’est et trop molle et trop dure,
J’ai grands ennuis entremêlés de joie.
Tout en un coup je ris et je larmoie,
Et en plaisir maint grief tourment j’endure,
Mon bien s’en va, et à jamais il dure,
Tout en un coup je sèche et je verdoie.
Ainsi Amour inconstamment me mène
Et, quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.
Puis, quand je crois ma joie être certaine,
Et être en haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.
”
”
Louise Labé (Œuvres complètes: Sonnets, Elegies, Débat de folie et d'amour)
“
INT. MINISTÈRE DES AFFAIRES MAGIQUES, RECORDS ROOM ATRIUM—NIGHT
MELUSINE: Puis-je vous aider?
NEWT: Er—yes, this is Leta Lestrange. And—I’m her—
TINA: Fiancé.
There is an increased awkwardness between them.
NEWT: Tina, about that fiancée business—
TINA (brittle): Sorry, yeah. I should have congratulated you—
The doors to the records office open. They enter briskly.
INT. MINISTÈRE DES AFFAIRES MAGIQUES, RECORDS ROOM—NIGHT
The doors close behind them, plunging them into darkness.
NEWT: No, that’s—
TINA: Lumos.
NEWT: Tina—about Leta—
TINA: Yes, I’ve just said, I am happy for you—
NEWT: Yeah, well, don’t.
She stops. Looks at him. What?
NEWT: Please don’t be happy.
(in trouble) Uh, no, no. I’m sorry. I don’t . . . Uh, obviously, I—Obviously I want you to be. And I hear that you are now. Uh, which is wonderful. Sorry—
(a gesture of hopelessness) What I’m trying to say is, I want you to be happy, but don’t be happy that I’m happy, because I’m not.
(off her confusion) Happy.
(off her continued confusion) Or engaged.
TINA: What?
NEWT: It was a mistake in a stupid magazine. My brother’s marrying Leta, June the sixth. I’m supposed to be best man. Which is sort of mildly hilarious.
TINA: Does he think you’re here to win her back?
(beat)
Are you here to win her back?
NEWT: No! I’m here to—
A beat. He stares at her.
NEWT: —you know, your eyes really are—
TINA: Are what?
NEWT: I’m not supposed to say.
Pickett is climbing out of NEWT’S pocket onto the nearest shelf. NEWT doesn’t notice.
A beat. In a rush
TINA: Newt, I read your book, and did you—?
NEWT: I still have a picture of you—wait, did you read—?
NEWT pulls the picture of her from his breast pocket and unfolds it. She is inordinately touched. He looks from the picture to TINA.
NEWT: I got this—I mean, it’s just a picture of you from the paper, but it’s interesting because your eyes in newsprint . . . See, in reality they have this effect in them, Tina . . . It’s like fire in water, in dark water. I’ve only ever seen that—
(struggling) I’ve only ever seen that in—
TINA (whispers): Salamanders?
”
”
J.K. Rowling (Fantastic Beasts: The Crimes of Grindelwald: The Original Screenplay (Fantastic Beasts: The Original Screenplay, #2))
“
Elle aura donc menti jusqu'au bout! Où est-elle! Pas là... pas au ciel... pas anéantie...où? Oh! tu disais que tu n'avais pas souci de mes souffrances. Et moi, je fais une prière... je la répète jusqu'à ce que ma langue s'engourdisse : Catherine Earnshaw, puisses-tu ne pas trouver le repos tant que je vivrais! Tu dis que je t'ai tuée, hante-moi alors! Les victimes hantent leurs meurtrier, je crois. Je sais que des fantômes ont erré sur la terre. Sois toujours avec moi... prends n'importe quelle forme... rends-moi fou! mais ne me laisse pas dans cet abîme où je ne puis te trouver. Oh! Dieu! c'est indicible! je ne peux pas vivre sans ma vie! je ne peux pas vivre sans mon âme!
”
”
Emily Brontë (Wuthering Heights)
“
Je te rencontre.
Je me souviens de toi.
Cette ville était faite à la taille de l'amour.
Tu étais fait à la taille de mon corps même.
Qui es-tu ?
Tu me tues.
J'avais faim. Faim d'infidélités, d'adultères, de mensonges et de mourir.
Depuis toujours.
Je me doutais bien qu'un jour tu me tomberais dessus.
Je t'attendais dans une impatience sans borne, calme.
Dévore-moi. Déforme-moi à ton image afin qu'aucun autre, après toi, ne comprenne plus du tout le pourquoi de tant de désir.
Nous allons rester seuls, mon amour.
La nuit ne va pas finir.
Le jour ne se lèvera plus sur personne.
Jamais. Jamais plus. Enfin.
Tu me tues.
Tu me fais du bien.
Nous pleurerons le jour défunt avec conscience et bonne volonté.
Nous n'aurons plus rien d'autre à faire, plus rien que pleurer le jour défunt.
Du temps passera. Du temps seulement.
Et du temps va venir.
Du temps viendra. Où nous ne saurons plus du tout nommer ce qui nous unira. Le nom s'en effacera peu à peu de notre mémoire.
Puis, il disparaîtra, tout à fait.
”
”
Marguerite Duras (Hiroshima mon amour)
“
Paul l'a écoutée, sans ciller, sans répliquer ; son beau visage détruit est demeuré impassible. A la fin, il a seulement glissé : "Je me demandais quand tu te déciderais à me faire cet aveu. Je me demandais lequel de vous deux viendrait le faire. Ce que tu m'annonces, je le sais depuis longtemps. Je le sais depuis le jour de mon retour, depuis la seconde exacte où tu as posé ton regard sur moi. C'était sur toi, l'effroi, la honte, la gêne, et puis aussi la légèreté des femmes amoureuses. C'était immanquable.
”
”
Philippe Besson (La Trahison de Thomas Spencer)
“
Le petit prince était maintenant tout pâle de colère.
«Il y a des millions d'années que les fleurs fabriquent des épines. Il y a des millions d'années que les moutons mangent quand même les fleurs. Et ce n'est pas sérieux de chercher à comprendre pourquoi elles se donnent tant de mal pour se fabriquer des épines qui ne servent jamais à rien? Ce n'est pas important la guerre des moutons et des fleurs? Ce n'est pas sérieux et plus important que les additions d'un gros Monsieur rouge? Et si je connais, moi, une fleur unique au monde, qui n'existe nulle part, sauf dans ma planète, et qu'un petit mouton peut anéantir d'un seul coup, comme ça, un matin, sans se rendre compte de ce qu'il fait, ce n'est pas important ça?»
Il rougit, puis reprit:
«Si quelqu'un aime une fleur qui n'existe qu'à un exemplaire dans les millions d'étoiles, ça suffit pour qu'il soit heureux quand il les regarde. Il se dit: "Ma fleur est là quelque part..." Mais si le mouton mange la fleur, c'est pour lui comme si, brusquement, toutes les étoiles s'éteignaient! Et ce n'est pas important ça!»
”
”
Antoine de Saint-Exupéry (The Little Prince)
“
Notre génération est trop superficielle pour le mariage. On se marie comme on va au MacDo. Après, on zappe. Comment voudriez-vous qu'on reste toute sa vie avec la même personne dans la société du zapping généralisé?
Dans l'époque où les stars, les hommes politiques, les arts, les sexes, les religions n'ont jamais été aussi interchangeables? Pourquoi le sentiment amoureux ferait-il exception à la schizophrénie générale?
Et puis d'abord, d'où nous vient donc cette curieuse obsession: s'escrimer à tout prix pour être heureux avec une seule personne? Sur 558 types de sociétés humaines, 24 % seulement sont monogames. La plupart des espèces animales sont polygames. Quant aux extraterrestres, n'en parlons pas: il y a longtemps que la Charte Galactique X23 a interdit la monogamie dans toutes les planètes de type B#871.
Le mariage, c'est du caviar à tous les repas: une indigestion de ce que vous adorez, jusqu'à l'écœurement. “ Allez, vous en reprendrez bien un peu, non? Quoi? Vous n'en pouvez plus? Pourtant vous trouviez cela délicieux il y a
peu, qu'est-ce qui vous prend? Sale gosse, va!”
La puissance de l'amour, son incroyable pouvoir, devait franchement terrifier la société occidentale pour qu'elle en vienne à créer ce système destiné à vous dégoûter de ce que vous aimez.
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”
Frédéric Beigbeder (L'amour dure trois ans - Le roman suivi du scénario du film)
“
La tournée terminée, Tom et Roger pensèrent qu'après le succès de I Shot The Sheriff, ce serait bien de descendre dans les Caraïbes pour continuer sur le thème du reggae. Ils organisèrent un voyage en Jamaïque, où ils jugeaient qu'on pourrait fouiner un peu et puiser dans l'influence roots avant d'enregistrer. Tom croyait fermement au bienfait d'exploiter cette source, et je n'avais rien contre puisque ça voulait dire que Pattie et moi aurions une sorte de lune de miel. Kingston était une ville où il était fantastique de travailler. On entendant de la musique partout où on allait. Tout le monde chantait tout le temps, même les femmes de ménage à l'hotel. Ce rythme me rentrait vraiment dans le sang, mais enregistrer avec les Jamaïcains était une autre paire de manches.
Je ne pouvais vraiment pas tenir le rythme de leur consommation de ganja, qui était énorme. Si j'avais essayé de fumer autant ou aussi souvent, je serais tombé dans les pommes ou j'aurais eu des hallucinations. On travaillait aux Dynamic Sound Studios à Kingston. Des gens y entraient et sortaient sans arrêt, tirant sur d'énormes joints en forme de trompette, au point qu'il y avait tant de fumée dans la salle que je ne voyais pas qui était là ou pas. On composait deux chansons avec Peter Tosh qui, affalé sur une chaise, avait l'air inconscient la plupart du temps. Puis, soudain, il se levait et interprétait brillamment son rythme reggae à la pédale wah-wah, le temps d'une piste, puis retombait dans sa transe à la seconde où on s'arrêtait.
”
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Eric Clapton (The Autobiography)
“
Le rêve est le tuteur du pauvre, et son pourfendeur. Il nous tient par la main, puis il nous tient dans la sienne pour nous larguer quand il veut après nous avoir baladés à sa guise à travers mille promesses. C’est un gros malin, le rêve, un fin psychologue : il sait nous prendre à nos propres sentiments comme on prend au mot un fieffé menteur ; lorsque nous lui confions notre cœur et notre esprit, il nous fausse compagnie au beau milieu d’une déroute, et nous nous retrouvons avec du vent dans la tête et un trou dans la poitrine – il ne nous reste plus que les yeux pour pleurer.
”
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Yasmina Khadra (Les anges meurent de nos blessures)
“
Et que faudrait-il faire ?
Chercher un protecteur puissant, prendre un patron,
Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc
Et s'en fait un tuteur en lui léchant l'écorce,
Grimper par ruse au lieu de s'élever par force ?
Non, merci ! Dédier, comme tous ils le font,
Des vers aux financiers ? se changer en bouffon
Dans l'espoir vil de voir, aux lèvres d'un ministre,
Naître un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre ?
Non, merci ! Déjeuner, chaque jour, d'un crapaud ?
Avoir un ventre usé par la marche ? une peau
Qui plus vite, à l'endroit des genoux, devient sale ?
Exécuter des tours de souplesse dorsale ?...
Non, merci ! D'une main flatter la chèvre au cou
Cependant que, de l'autre, on arrose le chou,
Et donneur de séné par désir de rhubarbe,
Avoir son encensoir, toujours, dans quelque barbe ?
Non, merci ! Se pousser de giron en giron,
Devenir un petit grand homme dans un rond,
Et naviguer, avec des madrigaux pour rames,
Et dans ses voiles des soupirs de vieilles dames ?
Non, merci ! Chez le bon éditeur de Sercy
Faire éditer ses vers en payant ? Non, merci !
S'aller faire nommer pape par les conciles
Que dans des cabarets tiennent des imbéciles ?
Non, merci ! Travailler à se construire un nom
Sur un sonnet, au lieu d'en faire d'autres ? Non,
Merci ! Ne découvrir du talent qu'aux mazettes ?
Être terrorisé par de vagues gazettes,
Et se dire sans cesse : "Oh ! pourvu que je sois
Dans les petits papiers du Mercure François" ?...
Non, merci ! Calculer, avoir peur, être blême,
Préférer faire une visite qu'un poème,
Rédiger des placets, se faire présenter ?
Non, merci ! non, merci ! non, merci ! Mais... chanter,
Rêver, rire, passer, être seul, être libre,
Avoir l'œil qui regarde bien, la voix qui vibre,
Mettre, quand il vous plaît, son feutre de travers,
Pour un oui, pour un non, se battre, - ou faire un vers !
Travailler sans souci de gloire ou de fortune,
À tel voyage, auquel on pense, dans la lune !
N'écrire jamais rien qui de soi ne sortît,
Et modeste d'ailleurs, se dire : mon petit,
Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles,
Si c'est dans ton jardin à toi que tu les cueilles !
Puis, s'il advient d'un peu triompher, par hasard,
Ne pas être obligé d'en rien rendre à César,
Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,
Bref, dédaignant d'être le lierre parasite,
Lors même qu'on n'est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !
”
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Edmond Rostand (Cyrano de Bergerac)
“
La raison qui m’a conduit à proférer de la poésie (shi‘r) est que j’ai vu en songe un ange qui m’apportait un morceau de lumière blanche ; on eût dit qu’il provenait du soleil. « Qu’est-ce que cela ? », Demandai-je. « C’est la sourate al-shu‘arâ (Les Poètes) » me fut-il répondu. Je l’avalai et je sentis un cheveu (sha‘ra) qui remontait de ma poitrine à ma gorge, puis à ma bouche. C’était un animal avec une tête, une langue, des yeux et des lèvres. Il s’étendit jusqu’à ce que sa tête atteigne les deux horizons, celui d’Orient et celui d’Occident. Puis il se contracta et revint dans ma poitrine ; je sus alors que ma parole atteindrait l’Orient et l’Occident. Quand je revins à moi, je déclamai des vers qui ne procédaient d’aucune réflexion ni d’aucune intellection. Depuis lors cette inspiration n’a jamais cessé.
”
”
Ibn ʿArabi
“
Notre génération est trop superficielle pour le mariage. On se marie comme on va au MacDo. Après, on zappe. Comment voudriez-vous qu'on reste toute sa vie avec la même personne dans la société du zapping généralisé?
Dans l'époque où les stars, les hommes politiques, les arts, les sexes, les religions n'ont jamais été aussi interchangeables? Pourquoi le sentiment amoureux ferait-il exception à la schizophrénie générale?
Et puis d'abord, d'où nous vient donc cette curieuse obsession: s'escrimer à tout prix pour être heureux avec une seule personne? Sur 558 types de sociétés humaines, 24 % seulement sont monogames. La plupart des espèces animales sont polygames. Quant aux extraterrestres, n'en parlons pas: il y a longtemps que la Charte Galactique X23 a interdit la monogamie dans toutes les planètes de type B#871.
”
”
Frédéric Beigbeder (L'amour dure trois ans - Le roman suivi du scénario du film)
“
Lorsque j’ai commencé à voyager en Gwendalavir aux côtés d'Ewìlan et de Salim, je savais que, au fil de mon écriture, ma route croiserait celle d'une multitude de personnages. Personnages attachants ou irritants, discrets ou hauts en couleurs, pertinents ou impertinents, sympathiques ou maléfiques... Je savais cela et je m'en réjouissais.
Rien, en revanche, ne m'avait préparé à une rencontre qui allait bouleverser ma vie.
Rien ne m'avait préparé à Ellana.
Elle est arrivée dans la Quête à sa manière, tout en finesse tonitruante, en délicatesse remarquable, en discrétion étincelante. Elle est arrivée à un moment clef, elle qui se moque des serrures, à un moment charnière, elle qui se rit des portes, au sein d’un groupe constitué, elle pourtant pétrie d’indépendance, son caractère forgé au feu de la solitude.
Elle est arrivée, s'est glissée dans la confiance d'Ewilan avec l'aisance d'un songe, a capté le regard d’Edwin et son respect, a séduit Salim, conquis maître Duom... Je l’ai regardée agir, admiratif ; sans me douter un instant de la toile que sa présence, son charisme, sa beauté tissaient autour de moi.
Aucun calcul de sa part. Ellana vit, elle ne calcule pas. Elle s'est contentée d'être et, ce faisant, elle a tranquillement troqué son statut de personnage secondaire pour celui de figure emblématique d'une double trilogie qui ne portait pourtant pas son nom. Convaincue du pouvoir de l'ombre, elle n'a pas cherché la lumière, a épaulé Ewilan dans sa quête d'identité puis dans sa recherche d'une parade au danger qui menaçait l'Empire.
Sans elle, Ewilan n'aurait pas retrouvé ses parents, sans elle, l'Empire aurait succombé à la soif de pouvoir des Valinguites, mais elle n’en a tiré aucune gloire, trop équilibrée pour ignorer que la victoire s'appuyait sur les épaules d'un groupe de compagnons soudés par une indéfectible amitié.
Lorsque j'ai posé le dernier mot du dernier tome de la saga d'Ewilan, je pensais que chacun de ses compagnons avait mérité le repos. Que chacun d'eux allait suivre son chemin, chercher son bonheur, vivre sa vie de personnage libéré par l'auteur après une éprouvante aventure littéraire.
Chacun ?
Pas Ellana.
Impossible de la quitter. Elle hante mes rêves, se promène dans mon quotidien, fluide et insaisissable, transforme ma vision des choses et ma perception des autres, crochète mes pensées intimes, escalade mes désirs secrets...
Un auteur peut-il tomber amoureux de l'un de ses personnages ?
Est-ce moi qui ai créé Ellana ou n'ai-je vraiment commencé à exister que le jour où elle est apparue ? Nos routes sont-elles liées à jamais ?
— Il y a deux réponses à ces questions, souffle le vent à mon oreille. Comme à toutes les questions. Celle du savant et celle du poète.
— Celle du savant ? Celle du poète ? Qu'est-ce que...
— Chut... Écris.
”
”
Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
“
Les amants, en effet, regrettent le bien qu’ils
ont fait, une fois que leur désir est éteint. Ceux qui n’ont pas d’amour, au contraire, n’ont
jamais occasion seyante au repentir, car ce n’est point par contrainte, mais librement, comme
s’ils s’occupaient excellemment des biens de leurs demeures, qu’ils font, dans la mesure de
leurs moyens, du bien à leurs amis. Les amants considèrent en outre, et les dommages que
leur amour fit à leurs intérêts et les largesses qu’ils ont dû consentir ; puis, en y ajoutant la
peine qu’ils ont eue, ils pensent depuis longtemps avoir déjà payé à leurs aimés le juste prix
des faveurs obtenues. Par contre, ceux qui ne sont pas épris ne peuvent, ni prétexter les
affaires négligées par amour, ni mettre en ligne de compte les souffrances passées, ni alléguer
les différends familiaux qu’ils ont eus. Exempts de tous ces maux, il ne leur reste plus qu’à
s’empresser de mettre en acte tout ce qu’ils croient devoir leur donner du plaisir.
”
”
Plato (Phaedrus (Hackett Classics))
“
Je la pris près de la rivière
Car je la croyais sans mari
Tandis qu'elle était adultère
Ce fut la Saint Jacques la nuit
Par rendez vous et compromis
Quand s'éteignirent les lumiéres
Et s'allumèrent les cri-cri
Au coin des dernières enceintes
Je touchai ses seins endormis
Sa poitrine pour moi s'ouvrit
Comme des branches de jacinthes
Et dans mes oreilles l'empois
De ses jupes amidonnées
Crissait comme soie arrachée
Par dix couteaux à la fois
Les cimes d'arbres sans lumière
Grandissaient au bord du chemin
Et tout un horizon de chiens
Aboyaient loin de la rivière
Quand nous avons franchi les ronces
Les épines et les ajoncs
Sous elle son chignon s'enfonce
Et fait untrou dans le limon
Quand ma cravate fut otée
Elle retira son jupon
Puis quand j'otai mon ceinturon
Quatre corsages d'affilée
Ni le nard ni les escargots
N'eurent jamais la peau si fine
Ni sous la lune les cristaux
N'ont de lueur plus cristalline
Ses cuisses s'enfuyaient sous moi
Comme des truites effrayées
L'une moitié toute embrasée
L'autre moitié pleine de froid
Cette nuit me vit galoper
De ma plus belle chevauchée
Sur une pouliche nacrée
Sans bride et sans étriers ......
”
”
Federico García Lorca
“
Puis il réfléchit: la réalité ne coïncide habituellement pas avec les prévisions; avec une logique perverse, il en déduisit que prévoir un détail circonstanciel, c'est empêcher que celui-ci se réalise. Fidèle à cette faible magie, il inventait, pour les empêcher de se réaliser, des péripéties atroces; naturellement, il finit par craindre que ces péripéties ne fussent prophétiques. Misérable dans la nuit, il essayait de s'affirmer en quelque sorte dans la substance fugitive du temps. Il savait que celui-ci se précipitait vers l'aube du 29; il raisonnait à haute voix; je suis maintenant dans la nuit du 22; tant que durera cette nuit (et six nuits de plus) je suis invulnérable, immortel. Il pensait que les nuits de sommeil étaient des piscines profondes et sombres dans lesquels il pouvait se plonger. Il souhaitait parfois avec impatience la décharge définitive qui le libérerait tant bien que mal de son vain travail d'imagination.
”
”
Jorge Luis Borges (Ficciones)
“
Mais à cette heure, où suis-je ? Et comment séparer ce café désert de cette chambre du passé. Je ne sais plus si je vis ou si je me souviens. Les lumières des phares sont là. Et l’Arabe qui se dresse devant moi me dit qu’il va fermer. Il faut sortir. Je ne veux plus descendre cette pente si dangereuse. Il est vrai que je regarde une dernière fois la baie et ses lumières, que ce qui monte alors vers moi n’est pas l’espoir de jours meilleurs, mais une indifférence sereine et primitive à tout et à moi-même. Mais il faut briser cette courbe trop molle et trop facile. Et j’ai besoin de ma lucidité. Oui, tout est simple. Ce sont les hommes qui compliquent les choses. Qu’on ne nous raconte pas d’histoires. Qu’on ne nous dise pas du condamné à mort : « Il va payer sa dette à la société », mais : « On va lui couper le cou. » Ça n’a l’air de rien. Mais ça fait une petite différence. Et puis, il y a des gens qui préfèrent regarder leur destin dans les yeux.
”
”
Albert Camus (L'envers et l'endroit)
“
si tu examines mon empire tu t'en iras voir les forgerons et les trouveras forgeant des clous et se passionnant pour les clous et te chantant les cantiques de la clouterie. Puis tu t'en iras voir les bucherons et tu les trouveras abattant arbres et se passionnant pour l'abattage d'arbres, et se remplissant d'une intense jubilation à l'heure de la fête du bucheron, qui est du premier craquement, lorsque la majesté de l'arbre commence de se prosterner. Et si tu vas voir les astronaumes, tu les verras se passionnant pour les étoiles et n'écoutant plus que leur silence. Et en effet chacun s'imagine être tel. Maintenant si je te demande: "Que se passe-t-il dans mon empire, que naîtra-t-il demain chez moi?" tu me diras: "On forgera des clous, on abattra des arbres, on observera les étoiles et il y aura donc des réserves de clous, des réserves de bois et des observations d'étoiles." Car myope et le nez contre, tu n'as point reconnu la construction d'un navire.
(chapitre CXVII)
”
”
Antoine de Saint-Exupéry (Citadelle)
“
L'Amour qui n'est pas un mot
Mon Dieu jusqu'au dernier moment
Avec ce coeur débile et blême
Quand on est l'ombre de soi-même
Comment se pourrait-il comment
Comment se pourrait-il qu'on aime
Ou comment nommer ce tourment
Suffit-il donc que tu paraisses
De l'air que te fait rattachant
Tes cheveux ce geste touchant
Que je renaisse et reconnaisse
Un monde habité par le chant
Elsa mon amour ma jeunesse
O forte et douce comme un vin
Pareille au soleil des fenêtres
Tu me rends la caresse d'être
Tu me rends la soif et la faim
De vivre encore et de connaître
Notre histoire jusqu'à la fin
C'est miracle que d'être ensemble
Que la lumière sur ta joue
Qu'autour de toi le vent se joue
Toujours si je te vois je tremble
Comme à son premier rendez-vous
Un jeune homme qui me ressemble
M'habituer m'habituer
Si je ne le puis qu'on m'en blâme
Peut-on s'habituer aux flammes
Elles vous ont avant tué
Ah crevez-moi les yeux de l'âme
S'ils s'habituaient aux nuées
Pour la première fois ta bouche
Pour la première fois ta voix
D'une aile à la cime des bois
L'arbre frémit jusqu'à la souche
C'est toujours la première fois
Quand ta robe en passant me touche
Prends ce fruit lourd et palpitant
Jettes-en la moitié véreuse
Tu peux mordre la part heureuse
Trente ans perdus et puis trente ans
Au moins que ta morsure creuse
C'est ma vie et je te la tends
Ma vie en vérité commence
Le jour que je t'ai rencontrée
Toi dont les bras ont su barrer
Sa route atroce à ma démence
Et qui m'as montré la contrée
Que la bonté seule ensemence
Tu vins au coeur du désarroi
Pour chasser les mauvaises fièvres
Et j'ai flambé comme un genièvre
A la Noël entre tes doigts
Je suis né vraiment de ta lèvre
Ma vie est à partir de toi
”
”
Louis Aragon
“
J’aime beaucoup les cimetières, moi, ça me repose et me mélancolise j’en ai besoin. Et puis, il y a aussi de bons amis là dedans, de ceux qu’on ne va plus voir ; et j’y vais encore, moi, de temps en temps.
Justement, dans ce cimetière Montmartre, j’ai une histoire de cœur, une maîtresse qui m’avait beaucoup pincé, très ému, une charmante petite femme dont le souvenir, en même temps qu’il me peine énormément, me donne des regrets… des regrets de toute nature. Et je vais rêver sur sa tombe… C’est fini pour elle.
Et puis, j’aime aussi les cimetières, parce que ce sont des villes monstrueuses, prodigieusement habitées. Songez donc à ce qu’il y a de morts dans ce petit espace, à toutes les générations de Parisiens qui sont logés là, pour toujours, troglodytes définitifs enfermés dans leurs petits caveaux, dans leurs petits trous couverts d’une pierre ou marqués d’une croix, tandis que les vivants occupent tant de place et font tant de bruit, ces imbéciles.
Me voici donc entrant dans le cimetière Montmartre, et tout à coup imprégné de tristesse, d’une tristesse qui ne faisait pas trop, de mal, d’ailleurs, une de ces tristesses qui vous font penser, quand on se porte bien : « Ça n’est pas drôle, cet endroit-là, mais le moment n’en est pas encore venu pour moi… »
L’impression de l’automne, de cette humidité tiède qui sent la mort des feuilles et le soleil affaibli, fatigué, anémique, aggravait en la poétisant la sensation de solitude et de fin définitive flottant sur ce lieu, qui sent la mort des hommes.
”
”
Guy de Maupassant (La Maison Tellier)
“
Je me mis dès lors à lire avec avidité et bientôt la lecture fut ma passion. Tous mes nouveaux besoins, toutes mes aspirations récentes, tous les élans encore vagues de mon adolescence qui s’élevaient dans mon âme d’une façon si troublante et qui étaient provoqués par mon développement si précoce, tout cela, soudainement, se précipita dans une direction, parut se satisfaire complètement de ce nouvel aliment et trouver là son cours régulier. Bientôt mon cœur et ma tête se trouvèrent si charmés, bientôt ma fantaisie se développa si largement, que j’avais l’air d’oublier tout ce qui m’avait entourée jusqu’alors. Il semblait que le sort lui même m’arrêtât sur le seuil de la nouvelle vie dans laquelle je me jetais, à laquelle je pensais jour et nuit, et, avant de m’abandonner sur la route immense, me faisait gravir une hauteur d’où je pouvais contempler l’avenir dans un merveilleux panorama, sous une perspective brillante, ensorcelante. Je me voyais destinée à vivre tout cet avenir en l’apprenant d’abord par les livres ; de vivre dans les rêves, les espoirs, la douce émotion de mon esprit juvénile. Je commençai mes lectures sans aucun choix, par le premier livre qui me tomba sous la main. Mais, le destin veillait sur moi. Ce que j’avais appris et vécu jusqu’à ce jour était si noble, si austère, qu’une page impure ou mauvaise n’eût pu désormais me séduire. Mon instinct d’enfant, ma précocité, tout mon passé veillaient sur moi ; et maintenant ma conscience m’éclairait toute ma vie passée.
En effet, presque chacune des pages que je lisais m’était déjà connue, semblait déjà vécue, comme si toutes ces passions, toute cette vie qui se dressaient devant moi sous des formes inattendues, en des tableaux merveilleux, je les avais déjà éprouvées.
Et comment pouvais-je ne pas être entraînée jusqu’à l’oubli du présent, jusqu’à l’oubli de la réalité, quand, devant moi dans chaque livre que je lisais, se dressaient les lois d’une même destinée, le même esprit d’aventure qui règnent sur la vie de l’homme, mais qui découlent de la loi fondamentale de la vie humaine et sont la condition de son salut et de son bonheur ! C’est cette loi que je soupçonnais, que je tâchais de deviner par toutes mes forces, par tous mes instincts, puis presque par un sentiment de sauvegarde. On avait l’air de me prévenir, comme s’il y avait en mon âme quelque chose de prophétique, et chaque jour l’espoir grandissait, tandis qu’en même temps croissait de plus en plus mon désir de me jeter dans cet avenir, dans cette vie. Mais, comme je l’ai déjà dit, ma fantaisie l’emportait sur mon impatience, et, en vérité, je n’étais très hardie qu’en rêve ; dans la réalité, je demeurais instinctivement timide devant l’avenir.
”
”
Fyodor Dostoevsky (Netochka Nezvanova)
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Je découvris qu'en bluffant les psychiatres on pouvait tirer des trésors inépuisables de divertissement gratifiants: vous les menez habilement en bateau, leur cachez soigneusement que vous connaissez toutes les ficelles du métier; vous inventez à leur intention des rêves élaborés, de purs classiques du genre qui provoquent chez eux, ces extorqueurs de rêves, de tels cauchemars qu'ils se réveillent en hurlant; vous les affriolez avec des "scènes primitives" apocryphes; le tout sans jamais leur permettre d'entrevoir si peu que ce soit le véritable état de votre sexualité. En soudoyant une infirmière, j'eus accès à quelques dossiers et découvris, avec jubilation, des fiches me qualifiant d' "homosexuel en puissance" et d' "impuissant invétéré". Ce sport était si merveilleux, et ses résultats - dans mon cas - si mirifiques, que je restai un bon mois supplémentaire après ma guérison complète (dormant admirablement et mangeant comme une écolière). Puis j'ajoutai encore une semaine rien que pour le plaisir de me mesurer à un nouveau venu redoutable, une célébrité déplacée (et manifestement égarée) comme pour son habileté à persuader ses patients qu'ils avaient été témoins de leur propre conception.
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Vladimir Nabokov (Lolita)
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Eh bien, c'est l'histoire d'un petit ourson qui s'appelle… Arthur. Et y'a une fée, un jour, qui vient voir le petit ourson et qui lui dit : Arthur tu vas partir à la recherche du Vase Magique. Et elle lui donne une épée hmm… magique (ouais, parce qu'y a plein de trucs magiques dans l'histoire, bref) alors le petit ourson il se dit : "Heu, chercher le Vase Magique ça doit être drôlement difficile, alors il faut que je parte dans la forêt pour trouver des amis pour m'aider." Alors il va voir son ami Lancelot… le cerf (parce que le cerf c'est majestueux comme ça), heu, Bohort le faisan et puis Léodagan… heu… l'ours, ouais c'est un ours aussi, c'est pas tout à fait le même ours mais bon. Donc Léodagan qui est le père de la femme du petit ourson, qui s'appelle Guenièvre la truite… non, non, parce que c'est la fille de… non c'est un ours aussi puisque c'est la fille de l'autre ours, non parce qu'après ça fait des machins mixtes, en fait un ours et une truite… non en fait ça va pas. Bref, sinon y'a Gauvain le neveu du petit ourson qui est le fils de sa sœur Anna, qui est restée à Tintagel avec sa mère Igerne la… bah non, ouais du coup je suis obligé de foutre des ours de partout sinon on pige plus rien dans la famille… Donc c'est des ours, en gros, enfin bref… Ils sont tous là et donc Petit Ourson il part avec sa troupe à la recherche du Vase Magique. Mais il le trouve pas, il le trouve pas parce qu'en fait pour la plupart d'entre eux c'est… c'est des nazes : ils sont hyper mous, ils sont bêtes, en plus y'en a qu'ont la trouille. Donc il décide de les faire bruler dans une grange pour s'en débarrasser… Donc la fée revient pour lui dire : "Attention petit ourson, il faut être gentil avec ses amis de la forêt" quand même c'est vrai, et du coup Petit Ourson il lui met un taquet dans la tête à la fée, comme ça : "BAH !". Alors la fée elle est comme ça et elle s'en va… et voilà et en fait il trouve pas le vase. En fait il est… il trouve pas… et Petit Ourson il fait de la dépression et tous les jours il se demande s'il va se tuer ou… pas…
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Alexandre Astier (Kaamelott, livre 3, première partie : Épisodes 1 à 50)
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J’ai arpenté les galeries sans fin des grandes bibliothèque, les rues de cette ville qui fût la nôtre, celle où nous partagions presque tous nos souvenirs depuis l’enfance. Hier, j’ai marché le long des quais, sur les pavés du marché à ciel ouvert que tu aimais tant. Je me suis arrêté par-ci par-là, il me semblait que tu m’accompagnais, et puis je suis revenu dans ce petit bar près du port, comme chaque vendredi. Te souviendras-tu ?
Je ne sais pas où tu es. Je ne sais pas si tout ce que nous avons vécu avait un sens, si la vérité existe, mais si tu trouves ce petit mot un jour, alors tu sauras que j’ai tenu ma promesse, celle que je t’ai faite.
A mon tour de te demander quelque chose, tu me le dois bien. Oublie ce que je viens d’écrire, en amitié on ne doit rien. Mais voici néanmoins ma requête : Dis-lui, dis-lui que quelque part sur cette terre, loin de vous, de votre temps, j’ai arpenté les mêmes rues, ri avec toi autour des mêmes tables, et puisque les pierres demeurent, dis-lui que chacune de celles où nous avons posé nos mais et nos regards contient à jamais une part de notre histoire. Dis-lui, que j’étais ton ami, que tu étais mon frère, peut-être mieux encore puisque nous nous étions choisis, dis-lui que rien n’a jamais pu nous séparer, même votre départ si soudain.
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Marc Levy (La prochaine fois)
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Voilà bien la famille : même celui qui n'a pas sa place dans le monde, qui n'est ni célèbre ni riche, à qui il n'est venu ni enfants ni idées, et dont le public ne lira le nom que dans sa notice nécrologique, celui-là, en famille, a pourtant sa place attitrée. En famille, on est quelqu'un. Vous n'imaginez pas comme Caroline imite bien Chaplin, ni comme Rudi est irritable. Et quel sens de l'humour, dans toute la famille ! Ce qui, partout ailleurs, n'aurait rien d'humoristique déclenche ici des rires retentissants, on ne saurait dire pourquoi ; c'est drôle, voilà tout, n'est-ce pas l'essentiel en matière d'humour ? Et puis, tous ceux qui ne sont pas de la famille sont bien plus ridicules qu'ils ne s'en doutent. Dieu les a voués à la caricature ; si vous êtes seul au monde, sans attaches, vous pouvez être sûr d'être le summum du ridicule pour les diverses familles qui vous observent. Il est vrai que ces qualités, comme tout, peuvent être vues sous leur angle négatif : la famille a l'esprit plus petit qu'une petite ville. Plus elle est chaleureuse, plus elle se montre dure pour tout ce qui n'est est pas elle, et elle est toujours plus cruelle qu'un être confronté seul à la souffrance du monde. En cantonnant la gloire dans son cercle restreint, où elle est faceil à atteindre (« gloire de la famille »), elle endort l'ambition. Et parce que tous les événements familiaux suscitent une tristesse plus profonde ou une joie plus éclatante qu'ils ne le méritent réellement, parce qu'en famille ce qui n'a rien d'humoristique devient de l'humour, et des peines insignifiantes à l'échelle collective, un malheur personnel, elle est le berceau de toute l'ineptie qui imprègne notre vie publique. Il y aurait encore long à en dire et on l'a dit parfois, mais jamais en des jours comme celui-ci.
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Robert Musil (La maison enchantée)
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[...] Pierre de la Coste : Comme par exemple Stephen Hawking dans l'un de ces derniers livres dit "j'ai pas besoin de dieu pour expliquer l'univers, il me suffit des lois de la gravitation"
Etienne Klein : Ne me faites pas rire... [...] Il a écrit un livre il y a quelques années qui s'appelle une brève histoire du temps, et c'est toujours le même truc, il fait 180 pages sur la théorie des cordes, puis dernière page, Dieu arrive, on sait pas pourquoi, il arrive comme ça. Dans le premier livre, c'était "bientôt grâce à la théorie des cordes, nous connaîtrons la pensée de Dieu" - On apprend là que Dieu pense... ce qui est en soit une information théologique de première importance..., et puis il y a une espèce de naïveté comme ça à parler de Dieu sans dire que quel Dieu on parle... Et puis là dans le dernier livre que vous citez, effectivement, pareil, 180 pages sur la théorie des cordes... puis dernière page, "finalement, on a pas besoin de Dieu pour créer l'univers, les lois de la gravitation ont suffit pour le faire" - mais vous voyez la naïveté du truc...? Et après ça fait la Une du Times, ça fait la Une de la presse française...
Et prenons le au sérieux, imaginons qu'effectivement, au début entre guillemets, il n'y avait pas d'espace, pas de temps, pas de matière, pas d’énergie, pas de rayonnement, mais il y avait les lois de la gravitation...- Alors les lois de la gravitation sont là, transcendantes, et "pof" elle créent l'univers. ça veut dire que, si vous définissez Dieu comme étant celui qui a créé l'univers, vous devez admettre que les lois de la gravitation c'est Dieu... et à ce moment là, quand vous tombez dans les escaliers, sous l'effet de la gravitation, sans le savoir vous accomplissez une action de grâce... et donc, vous voyez cette naïveté là est quand même coupable [...]
"Les Rendez-vous du futur Étienne Klein [20m45]"
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Étienne Klein
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Tu viens d'incendier la Bibliothèque ?
- Oui.
J'ai mis le feu là.
- Mais c'est un crime inouï !
Crime commis par toi contre toi-même, infâme !
Mais tu viens de tuer le rayon de ton âme !
C'est ton propre flambeau que tu viens de souffler !
Ce que ta rage impie et folle ose brûler,
C'est ton bien, ton trésor, ta dot, ton héritage
Le livre, hostile au maître, est à ton avantage.
Le livre a toujours pris fait et cause pour toi.
Une bibliothèque est un acte de foi
Des générations ténébreuses encore
Qui rendent dans la nuit témoignage à l'aurore.
Quoi! dans ce vénérable amas des vérités,
Dans ces chefs-d'oeuvre pleins de foudre et de clartés,
Dans ce tombeau des temps devenu répertoire,
Dans les siècles, dans l'homme antique, dans l'histoire,
Dans le passé, leçon qu'épelle l'avenir,
Dans ce qui commença pour ne jamais finir,
Dans les poètes! quoi, dans ce gouffre des bibles,
Dans le divin monceau des Eschyles terribles,
Des Homères, des jobs, debout sur l'horizon,
Dans Molière, Voltaire et Kant, dans la raison,
Tu jettes, misérable, une torche enflammée !
De tout l'esprit humain tu fais de la fumée !
As-tu donc oublié que ton libérateur,
C'est le livre ? Le livre est là sur la hauteur;
Il luit; parce qu'il brille et qu'il les illumine,
Il détruit l'échafaud, la guerre, la famine
Il parle, plus d'esclave et plus de paria.
Ouvre un livre. Platon, Milton, Beccaria.
Lis ces prophètes, Dante, ou Shakespeare, ou Corneille
L'âme immense qu'ils ont en eux, en toi s'éveille ;
Ébloui, tu te sens le même homme qu'eux tous ;
Tu deviens en lisant grave, pensif et doux ;
Tu sens dans ton esprit tous ces grands hommes croître,
Ils t'enseignent ainsi que l'aube éclaire un cloître
À mesure qu'il plonge en ton coeur plus avant,
Leur chaud rayon t'apaise et te fait plus vivant ;
Ton âme interrogée est prête à leur répondre ;
Tu te reconnais bon, puis meilleur; tu sens fondre,
Comme la neige au feu, ton orgueil, tes fureurs,
Le mal, les préjugés, les rois, les empereurs !
Car la science en l'homme arrive la première.
Puis vient la liberté. Toute cette lumière,
C'est à toi comprends donc, et c'est toi qui l'éteins !
Les buts rêvés par toi sont par le livre atteints.
Le livre en ta pensée entre, il défait en elle
Les liens que l'erreur à la vérité mêle,
Car toute conscience est un noeud gordien.
Il est ton médecin, ton guide, ton gardien.
Ta haine, il la guérit ; ta démence, il te l'ôte.
Voilà ce que tu perds, hélas, et par ta faute !
Le livre est ta richesse à toi ! c'est le savoir,
Le droit, la vérité, la vertu, le devoir,
Le progrès, la raison dissipant tout délire.
Et tu détruis cela, toi !
- Je ne sais pas lire.
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Victor Hugo
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finalement, éperdu d'amour et au comble de la frénésie érotique, je m'assis dans l'herbe et j'enlevai un de mes souliers en caoutchouc.
— Je vais le manger pour toi, si tu veux. Si elle le voulait I Ha! Mais bien sûr qu'elle le voulait, voyons! C'était une vraie petite femme. --- Elle posa son cerceau par terre et s'assit sur ses ta-lons. Je crus voir dans ses yeux une lueur d'estime. Je n'en demandais pas plus. Je pris mon canif et enta-mai le caoutchouc. Elle me regardait faire.
— Tu vas le manger cru ?
— Oui.
J'avalai un morceau, puis un autre. Sous son regard enfin admiratif, je me sentais devenir vraiment un homme. Et j'avais raison. Je venais de faire mon apprentissage. J'entamai le caoutchouc encore plus profondément, soufflant un peu, entre les bouchées, et je continuai ainsi un bon moment, jusqu'à ce qu'une sueur froide me montât au front. Je continuai même un peu au-delà, serrant les dents, luttant contre la nausée, ramassant toutes mes forces pour demeurer sur le terrain, comme il me fallut le faire tant de fois, depuis, dans mon métier d'homme.
Je fus très malade, on me transporta à l'hôpital, ma mère sanglotait, Aniela hurlait, les filles de l'atelier geignaient, pendant qu'on me mettait sur un brancard dans l'ambulance. J'étais très fier de moi.
Mon amour d'enfant m'inspira vingt ans plus tard mon premier roman Éducation européenne, et aussi certains passages du Grand Vestiaire.
Pendant longtemps, à travers mes pérégrinations, j'ai transporté avec moi un soulier d'enfant en caoutchouc, entamé au couteau. J'avais vingt-cinq ans, puis trente, puis quarante, mais le soulier était toujours là, à portée de la main. J'étais toujours prêt à m'y attabler, à donner, une fois de plus, le meilleur de moi-même. Ça ne s'est pas trouvé. Finalement, j'ai abandonné le soulier quelque part derrière moi. On ne vit pas deux fois.
(La promesse de l'aube, ch. XI)
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Romain Gary (Promise at Dawn)
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Seigneur je suis très fatigué.
Je suis né fatigué.
Et j'ai beaucoup marché depuis le chant du coq
Et le morne est bien haut qui mène à leur école.
Seigneur, je ne veux plus aller à leur école,
Faites, je vous en prie, que je n'y aille plus.
Je veux suivre mon père dans les ravines fraîches
Quand la nuit flotte encore dans le mystère des bois
Où glissent les esprits que l'aube vient chasser.
Je veux aller pieds nus par les rouges sentiers
Que cuisent les flammes de midi,
Je veux dormir ma sieste au pied des lourds manguiers,
Je veux me réveiller
Lorsque là-bas mugit la sirène des blancs
Et que l'Usine
Sur l'océan des cannes
Comme un bateau ancré
Vomit dans la campagne son équipage nègre...
Seigneur, je ne veux plus aller à leur école,
Faites, je vous en prie, que je n'y aille plus.
Ils racontent qu'il faut qu'un petit nègre y aille
Pour qu'il devienne pareil
Aux messieurs de la ville
Aux messieurs comme il faut
Mais moi je ne veux pas
Devenir, comme ils disent,
Un monsieur de la ville,
Un monsieur comme il faut.
Je préfère flâner le long des sucreries
Où sont les sacs repus
Que gonfle un sucre brun autant que ma peau brune.
Je préfère vers l'heure où la lune amoureuse
Parle bas à l'oreille des cocotiers penchés
Ecouter ce que dit dans la nuit
La voix cassée d'un vieux qui raconte en fumant
Les histoires de Zamba et de compère Lapin
Et bien d'autres choses encore
Qui ne sont pas dans les livres.
Les nègres, vous le savez, n'ont que trop travaillé.
Pourquoi faut-il de plus apprendre dans les livres
Qui nous parlent de choses qui ne sont point d'ici ?
Et puis elle est vraiment trop triste leur école,
Triste comme
Ces messieurs de la ville,
Ces messieurs comme il faut
Qui ne savent plus danser le soir au clair de lune
Qui ne savent plus marcher sur la chair de leurs pieds
Qui ne savent plus conter les contes aux veillées.
Seigneur, je ne veux plus aller à leur école.
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Guy Tirolien (Balles d'or: Poèmes (Poésie) (French Edition))
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Cette qualité de la joie n’est-elle pas le fruit le plus précieux de la civilisation qui est nôtre ? Une tyrannie totalitaire pourrait nous satisfaire, elle aussi, dans nos besoins matériels. Mais nous ne sommes pas un bétail à l’engrais. La prospérité et le confort ne sauraient suffire à nous combler. Pour nous qui fûmes élevés dans le culte du respect de l’homme, pèsent lourd les simples rencontres qui se changent parfois en fêtes merveilleuses…
Respect de l’homme ! Respect de l’homme !… Là est la pierre de touche ! Quand le Naziste respecte exclusivement qui lui ressemble, il ne respecte rien que soi-même ; il refuse les contradictions créatrices, ruine tout espoir d’ascension, et fonde pour mille ans, en place d’un homme, le robot d’une termitière. L’ordre pour l’ordre châtre l’homme de son pouvoir essentiel, qui est de transformer et le monde et soi-même. La vie crée l’ordre, mais l’ordre ne crée pas la vie.
Il nous semble, à nous, bien au contraire, que notre ascension n’est pas achevée, que la vérité de demain se nourrit de l’erreur d’hier, et que les contradictions à surmonter sont le terreau même de notre croissance. Nous reconnaissons comme nôtres ceux mêmes qui diffèrent de nous. Mais quelle étrange parenté ! elle se fonde sur l’avenir, non sur le passé. Sur le but, non sur l’origine. Nous sommes l’un pour l’autre des pèlerins qui, le long de chemins divers, peinons vers le même rendez-vous.
Mais voici qu’aujourd’hui le respect de l’homme, condition de notre ascension, est en péril. Les craquements du monde moderne nous ont engagés dans les ténèbres. Les problèmes sont incohérents, les solutions contradictoires. La vérité d’hier est morte, celle de demain est encore à bâtir. Aucune synthèse valable n’est entrevue, et chacun d’entre nous ne détient qu’une parcelle de la vérité. Faute d’évidence qui les impose, les religions politiques font appel à la violence. Et voici qu’à nous diviser sur les méthodes, nous risquons de ne plus reconnaître que nous nous hâtons vers le même but.
Le voyageur qui franchit sa montagne dans la direction d’une étoile, s’il se laisse trop absorber par ses problèmes d’escalade, risque d’oublier quelle étoile le guide. S’il n’agit plus que pour agir, il n’ira nulle part. La chaisière de cathédrale, à se préoccuper trop âprement de la location de ses chaises, risque d’oublier qu’elle sert un dieu. Ainsi, à m’enfermer dans quelque passion partisane, je risque d’oublier qu’une politique n’a de sens qu’à condition d’être au service d’une évidence spirituelle. Nous avons goûté, aux heures de miracle, une certaine qualité des relations humaines : là est pour nous la vérité.
Quelle que soit l’urgence de l’action, il nous est interdit d’oublier, faute de quoi cette action demeurera stérile, la vocation qui doit la commander. Nous voulons fonder le respect de l’homme. Pourquoi nous haïrions-nous à l’intérieur d’un même camp ? Aucun d’entre nous ne détient le monopole de la pureté d’intention. Je puis combattre, au nom de ma route, telle route qu’un autre a choisie. Je puis critiquer les démarches de sa raison. Les démarches de la raison sont incertaines. Mais je dois respecter cet homme, sur le plan de l’Esprit, s’il peine vers la même étoile.
Respect de l’Homme ! Respect de l’Homme !… Si le respect de l’homme est fondé dans le cœur des hommes, les hommes finiront bien par fonder en retour le système social, politique ou économique qui consacrera ce respect. Une civilisation se fonde d’abord dans la substance. Elle est d’abord, dans l’homme, désir aveugle d’une certaine chaleur. L’homme ensuite, d’erreur en erreur, trouve le chemin qui conduit au feu.
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Antoine de Saint-Exupéry (Lettre à un otage)