Pu La Quotes

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P.L. Deshpande
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la vérité, c'est une agonie qui n'en finit pas. La vérité de ce monde, c'est la mort. Il faut choisir, mourir ou mentir. Je n'ai jamais pu me tuer moi
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Louis-Ferdinand CĂ©line (Journey to the End of the Night)
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En effet: je mourais dĂ©jĂ . Je venais d'apprendre cette nouvelle horrible que tout humain apprend un jour ou l'autre: ce que tu aimes, tu vas le perdre. "Ce qui t'a Ă©tĂ© donnĂ© te sera repris." Face Ă  la dĂ©couverte de cette spoliation future, il y a deux attitudes possibles: soit on dĂ©cide de ne pas s'attacher aux ĂȘtres et aux choses, afin de rendre l'amputation moins douloureuse; soit on dĂ©cide, au contraire, d'aimer d'autant plus les ĂȘtres et les choses, d'y mettre le paquet - "puisque nous n'aurons pas beaucoup de temps ensemble, je vais te donner en un an tout l'amour que j'aurais pu te donner en une vie.
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Amélie Nothomb (Métaphysique des tubes)
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Les roses de Saadi J'ai voulu ce matin te rapporter des roses ; Mais j'en avais tant pris dans mes ceintures closes Que les noeuds trop serrés n'ont pu les contenir. Les noeuds ont éclaté. Les roses envolées Dans le vent, à la mer s'en sont toutes allées. Elles ont suivi l'eau pour ne plus revenir ; La vague en a paru rouge et comme enflammée. Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée... Respires-en sur moi l'odorant souvenir.
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Marceline Desbordes-Valmore
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Pauvres créatures! Si c'est un tort de les aimer, c'est bien le moins qu'on les plaigne. Vous plaignez l'aveugle qui n'a jamais vu les rayons du jour, le sourd qui n'a jamais entendu les accords de la nature, le muet qui n'a jamais pu rendre la voix de son ùme, et, sous un faux prétexte de pudeur, vous ne voulez pas plaindre cette cécité du coeur, cette surdité de ùme, ce mutisme de la conscience qui rendent folle la malheureuse affligée et qui la font malgré elle incapable de voir le bien, d'entendre le Seigneur et de parler la langue pure de l'amour et de la foi.
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Alexandre Dumas fils (La Dame aux Camélias)
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Moi qui d'abord ne trouvais de goût qu'au passé, la subite saveur de l'instant m'a pu griser un jour, pensai-je, mais le futur désenchante l'heure présente, plus encore que le présent ne désenchanta le passé...
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André Gide (The Immoralist)
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Antoine n'avait pas pu ĂȘtre alcoolique. Il prit comme remĂšde de substitution la rĂ©solution de se suicider. Être alcoolique avait Ă©tĂ© sa derniĂšre ambition d'intĂ©gration sociale, se donner la mort Ă©tait l'ultime moyen qu'il voyait pour participer au monde. ("Comment devenir stupide", p41)
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Martin Page (Comment je suis devenu stupide (French Edition))
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Angélique Sookie, toi qui es la beauté et la grùce incarnées, pardonne-moi. Je suis accablé à l'idée que cette ménade malfaisante et démoniaque ait pu oser violenter ce corps parfait et voluptueux qui est le tien, dans l'intention de faire parvenir un message à mon indigne et misérable personne.
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Charlaine Harris (Living Dead in Dallas (Sookie Stackhouse, #2))
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L'humour ne sauve pas; l'humour ne sert en dĂ©finitive Ă  peu prĂšs Ă  rien. On peut envisager les Ă©vĂšnements de la vie avec humour pendant des annĂ©es, parfois de trĂšs longues annĂ©es, dans certains cas on peut adopter une attitude humoristique jusqu'Ă  la fin; mais en dĂ©finitive la vie vous brise le coeur. Quelles que soient les qualitĂ©s de courage, de sang froid et d'humour qu'on a pu dĂ©velopper tout au long de sa vie, on finit toujours par avoir le coeur brisĂ©. Alors on s'arrĂȘte de rire. Au bout du compte il n'y a plus que la solitude, le froid et le silence. Au bout du compte il n'y a plus que la mort.
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Michel Houellebecq (The Elementary Particles)
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Admettons que tu aies résolu l'énigme de la création. Quel est ton destin? Admettons que tu aies pu dépouiller de toutes ses robes la Vérité. Quel est ton destin? Admettons que tu aies vécu cent ans, heureux, et que tu vives cent ans encore. Quel est ton destin?
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Omar KhayyĂĄm (Rubaiyat of Omar Khayyam)
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J'ai Ă©coutĂ© le sermon du prĂȘtre qui officiait devant la tombe de ma mĂšre. On ne perd jamais ses parents, mĂȘme aprĂšs leur mort ils vivent encore en vous. Ceux qui vous ont conçu, qui vous ont donnĂ© tout cet amour afin que vous surviviez ne peuvent pas disparaĂźtre. Le prĂȘtre avait raison, mais l'idĂ©e de savoir qu'il n'est plus d'endroit dans le monde oĂč ils respirent, que vous n'entendrez plus leur voix, que les volets de votre maison d'enfance seront clos Ă  jamais, vous plonge dans une solitude que mĂȘme Dieu n'avait pu concevoir.
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Marc Levy (Le Voleur d'ombres)
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J'aurais pu adhérer au Front National, mais à quoi bon manger de la choucroute avec des cons?
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Michel Houellebecq (The Elementary Particles)
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J'aurais pu lutter contre la cocaĂŻne et lui rĂ©sister dans un seul cas: celui oĂč la sensation de bonheur aurait Ă©tĂ© dĂ©terminĂ©e chez moi moins par la rĂ©alisation de l'Ă©vĂ©nement extĂ©rieur que par le travail, la peine, les efforts qu'il aurait fallu fournir pour y arriver. Mais je n'avais pas cela dans ma vie.
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M. Agueev (Novel with Cocaine (European Classics))
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La littérature, il me semble, est tournée vers ce qui a disparu, ou bien ce qui aurait pu advenir et n'est pas advenu, voilà pourquoi les temps modernes, si épris d'un advenir sans mémoire, lui sont si hostiles.
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Olivier Rollin
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adore à genoux quand on n'a pas pu l'enterrer sous la boue. La corruption est en force, le talent est rare. Ainsi, la corrup- tion est l'arme de la médiocrité qui abonde, et vous en sentirez partout la pointe.
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Honoré de Balzac (PÚre Goriot)
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Oh! tout ce que nous n'avons point fait et que pourtant nous aurions pu faire...penseront-ils, sur le point de quitter la vie. - Tout ce que nous aurions dĂ» faire et que pourtant nous n'avons point fait! par souci des considĂ©rants, par temporisation, par paresse, et pour s'ĂȘtre trop dit: "Bah! nous aurons toujours le temps." Pour n'avoir pas saisi le chaque jour irremplaçable, l'irretrouvable chaque instant. Pour avoir remis Ă  plus tard la dĂ©cision, l'effort, l'Ă©treinte... L'heure qui passe est bien passĂ©e? -Oh! toi qui viendras, penseront-ils, sois plus habile: Saisis l'instant!
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André Gide
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Il y a des livres que l’on rate, comme certaines rencontres, on passe Ă  cĂŽtĂ© d’histoires et de gens qui auraient pu tout changer. À cause d’un malentendu, d’une couverture, ou d’un rĂ©sumĂ© passable, d’un a priori. Heureusement que parfois, la vie insiste.
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Valérie Perrin (Trois)
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Quelques crimes toujours prĂ©cĂšdent les grands crimes. Quiconque a pu franchir les bornes lĂ©gitimes Peut violer enfin les droits les plus sacrĂ©s; Ainsi que la vertu, le crime a ses degrĂ©s, Et jamais on n'a vu la timide innocence Passer subitement Ă  l'extrĂȘme licence.
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Jean Racine (PhĂšdre)
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L'homme lutte contre la peur mais, contrairement Ă  ce qu'on rĂ©pĂšte toujours, cette peur n'est pas celle de la mort, car la peur de la mort, tout le monde ne l'Ă©prouve pas, certains n'ayant aucune imagination, d'autres se croyant immortels, d'autres encore espĂ©rant des rencontres merveilleuses aprĂšs leur trĂ©pas ; la seule peur universelle, la peur unique, celle qui conduit toutes nos pensĂ©es, car la peur de n'ĂȘtre rien. Parce que chaque individu a Ă©prouvĂ© ceci, ne fĂ»t-ce qu'une seconde au cours d'une journĂ©e : se rendre compte que, par nature, ne lui appartient aucune des identitĂ©s qui le dĂ©finissent, qu'il aurait pu ne pas ĂȘtre dotĂ© de ce qui le caractĂ©rise, qu'il s'en est fallu d'un cheveu qu'il naisse ailleurs, apprenne une autre langue, reçoive une Ă©ducation religieuse diffĂ©rente, qu'on l'Ă©lĂšve dans une autre culture, qu'on l'instruise dans une autre idĂ©ologie, avec d'autres parents, d'autres tuteurs, d'autres modĂšles. Vertige !
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Éric-Emmanuel Schmitt
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Sascha era un arco iris dentro de Ă©l, una fontana resplandeciente de una belleza tal, que Lucas se sintiĂł bendecido por tener la posibilidad de verla. Por un instante sus mentes fueron una sola y vio cuĂĄn desesperada, salvaje e irracionalmente le amaba Sascha... lo suficiente como para romper su promesa, para elegir morir a fin de que Ă©l puÂŹdiera vivir. Sascha vio hasta quĂ© punto la pantera la adoraba, que su corazĂłn latĂ­a solo por ella y que la vida darĂ­a paso a la muerte despuĂ©s de que ella se hubiera ido. La bestia estaba furiosa con ella por intentar arrebatarle a su compañera y el hombre lo estaba aĂșn mĂĄs, pero bajo toda esa ira habĂ­a deseo, necesidad, amor. Un amor tan intenso y abrasador que no tenĂ­a principio ni fin.
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Nalini Singh (Slave to Sensation (Psy-Changeling, #1))
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Depuis que tu es partie, j’ai pu compter jusqu’au sept millions neuf cent quarante-huit mille cents. Tu as eu le temps d’aller te cacher loin. Je cherche partout. Je ne te trouve pas, je dĂ©sespĂšre. La partie de cache-cache dure trop longtemps. Allez, tu as gagnĂ©, tu peux sortir de ta cachette. Je t’en supplie. J’ai perdu. J’ai tout perdu.
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Jean-Louis Fournier (Veuf (La Bleue) (French Edition))
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Joseph Voilà c'que c'est, mon vieux Joseph Que d'avoir pris la plus jolie Parmi les filles de Galilée Celle qu'on appelait Marie Tu aurais pu, mon vieux Joseph Prendre Sarah ou Déborah Et rien ne serait arrivé Mais tu as préféré Marie Tu aurais pu, mon vieux Joseph Rester chez toi, tailler ton bois PlutÎt que d'aller t'exiler Et te cacher avec Marie Tu aurais pu, mon vieux Joseph Faire des petits avec Marie Et leur apprendre ton métier Comme ton pÚre te l'avait appris Pourquoi a-t-il fallu, Joseph Que ton enfant, cet innocent Ait eu ces étranges idées Qui ont tant fait pleurer Marie Parfois je pense à toi, Joseph Mon pauvre ami, lorsque l'on rit De toi qui n'avais demandé Qu'à vivre heureux avec Marie
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Georges Moustaki
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Dieu n'a pu créer qu'en se cachant. Autrement il n'y aurait que lui.
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Simone Weil (La pesanteur et la grace (annoté-illustré): Des citations fulgurantes (French Edition))
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Le Marteau des sorciĂšres (Malleus maleficarum), publiĂ© en 1487, a pu ĂȘtre comparĂ© Ă  Mein Kampf d’Adolf Hitler.
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Mona Chollet (SorciĂšres - La puissance invaincue des femmes)
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J'ai pu vivre dans la servitude; mais j'ai toujours été libre: j'ai réformé tes lois sur celles de la nature; et mon esprit s'est toujours tenu dans l'indépendance.
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Montesquieu
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Il semble, encore ajourd'hui, qu'elle n'aurait pu s'épanouir ailleurs que dans ce paysage étrange et fabuleux, hanté par les fantÎmes, mais protégé par les fées
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Dominique Demers (La oĂč la mer commence)
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L'homme ne s'avise de la réalité que quand il l'a représentée. Et rien, jamais, n'a pu mieux la représenter que le théùtre.
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Pier Paolo Pasolini (Affabulazione)
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Si que­da­ba al­gu­na es­pe­ran­za, debĂ­a estar en los pro­les, por­que solo en esas masas des­pre­cia­das, que cons­ti­tuĂ­an el ochen­ta y cinco por cien­to de la po­bla­ciĂłn de Ocea­nĂ­a, podĂ­a ge­ne­rar­se la fuer­za ne­ce­sa­ria para des­truir al Par­ti­do. Este no podĂ­a de­rro­car­se desde den­tro. Sus enemi­gos, si es que los habĂ­a, no te­nĂ­an forma de unir­se o si­quie­ra de re­co­no­cer­se mu­tua­men­te. In­clu­so en caso de que exis­tie­ra la le­gen­da­ria Her­man­dad —lo cual no era del todo im­po­si­ble— re­sul­ta­ba in­con­ce­bi­ble que sus miem­bros pu­die­ran re­unir­se en gru­pos de mĂĄs de dos o tres. La re­be­liĂłn se li­mi­ta­ba a un cruce de mi­ra­das, una in­fle­xiĂłn de la voz o, como mucho, una pa­la­bra su­su­rra­da oca­sio­nal­men­te. En cam­bio los pro­les, si pu­die­ran ser cons­cien­tes de su fuer­za, no ten­drĂ­an ne­ce­si­dad de cons­pi­rar. Bas­ta­rĂ­a con que se en­ca­bri­ta­ran como un ca­ba­llo que se sa­cu­de las mos­cas. Si qui­sie­ran, po­drĂ­an volar el Par­ti­do en pe­da­zos a la ma­ña­na si­guien­te. Tarde o tem­prano tenĂ­a que ocu­rrĂ­r­se­les. Y sin em­bar­go

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George Orwell (1984)
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Mais en fait les voix fĂ©minines se taisent lĂ  oĂč commence l'action concrĂšte; elles ont pu susciter des guerres, non suggĂ©rer la tactique d'une bataille; elles n'ont guĂšre orientĂ© la politique que dans la mesure oĂč la politique se rĂ©duisait Ă  l'intrigue: les vraies commandes du monde n'ont jamais Ă©tĂ© aux mains des femmes; elles n'ont pas agi sur les techniques ni sur l'Ă©conomie, elles n'ont pas fait ni dĂ©fait des États, elles n'ont pas dĂ©couvert des mondes. C'est par elles que certains Ă©vĂ©nements ont Ă©tĂ© dĂ©clenchĂ©s: mais elles ont Ă©tĂ© prĂ©textes beaucoup plus qu'agents.
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Simone de Beauvoir (Le deuxiĂšme sexe, I)
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– Eh bien, sans vouloir offenser plus encore votre magnanimitĂ© contrariĂ©e, je pense que vous n’auriez pas dĂ» assommer votre mĂšre et la sodomiser d’entrĂ©e de jeu. Elle aurait pu vous ĂȘtre utile.
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Antoine Buéno (Le Soupir de l'immortel)
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J'ai fait un art selon moi. Je l'ai fait avec les yeux ouverts sur les merveilles du monde visible, et, quoi qu'on en ait pu dire, avec le souci constant d'obéir aux lois du naturel et de la vie.
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Odilon Redon (À soi-mĂȘme : Journal (1867-1915))
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philosophes qui ont pu autrefois se soustraire de l'empire de la fortune, et, malgrĂ© les douleurs et la pauvretĂ©, disputer de la fĂ©licitĂ© avec leurs dieux. Car s'occupant sans cesse Ă  considĂ©rer les bornes qui leur Ă©taient prescrites par la nature, ils se persuadaient si parfaitement que rien n'Ă©tait en leur pouvoir que leurs pensĂ©es, que cela seul Ă©tait suffisant pour les empĂȘcher d'avoir aucune affection pour d'autres choses; et ils disposaient d'elles si absolument qu'ils avaient en cela quelque raison de s'estimer plus riches, et plus puissants, et plus libres, et plus heureux qu'aucun des autres hommes, qui, n'ayant point cette philosophie, tant favorisĂ©s de la nature et de la fortune qu'ils puissent ĂȘtre, ne disposent jamais ainsi de tout ce qu'ils veulent. (partie 3, para 4)
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René Descartes (Discours de la méthode: suivi des Méditations métaphysiques)
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Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai, J’ai compris qu'en toutes circonstances, J’étais Ă  la bonne place, au bon moment. Et alors, j'ai pu me relaxer. Aujourd'hui je sais que cela s'appelle... l'Estime de soi. Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai, J’ai pu percevoir que mon anxiĂ©tĂ© et ma souffrance Ă©motionnelle N’étaient rien d'autre qu'un signal Lorsque je vais Ă  l'encontre de mes convictions. Aujourd'hui je sais que cela s'appelle... l'AuthenticitĂ©. Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai, J'ai cessĂ© de vouloir une vie diffĂ©rente Et j'ai commencĂ© Ă  voir que tout ce qui m'arrive Contribue Ă  ma croissance personnelle. Aujourd'hui, je sais que cela s'appelle... la MaturitĂ©. Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai, J’ai commencĂ© Ă  percevoir l'abus Dans le fait de forcer une situation ou une personne, Dans le seul but d'obtenir ce que je veux, Sachant trĂšs bien que ni la personne ni moi-mĂȘme Ne sommes prĂȘts et que ce n'est pas le moment... Aujourd'hui, je sais que cela s'appelle... le Respect. Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai, J’ai commencĂ© Ă  me libĂ©rer de tout ce qui n'Ă©tait pas salutaire, personnes, situations, tout ce qui baissait mon Ă©nergie. Au dĂ©but, ma raison appelait cela de l'Ă©goĂŻsme. Aujourd'hui, je sais que cela s'appelle... l'Amour propre. Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai, J’ai cessĂ© d'avoir peur du temps libre Et j'ai arrĂȘtĂ© de faire de grands plans, J’ai abandonnĂ© les mĂ©ga-projets du futur. Aujourd'hui, je fais ce qui est correct, ce que j'aime Quand cela me plait et Ă  mon rythme. Aujourd'hui, je sais que cela s'appelle... la SimplicitĂ©. Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai, J’ai cessĂ© de chercher Ă  avoir toujours raison, Et je me suis rendu compte de toutes les fois oĂč je me suis trompĂ©. Aujourd'hui, j'ai dĂ©couvert ... l'HumilitĂ©. Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai, J’ai cessĂ© de revivre le passĂ© Et de me prĂ©occuper de l'avenir. Aujourd'hui, je vis au prĂ©sent, LĂ  oĂč toute la vie se passe. Aujourd'hui, je vis une seule journĂ©e Ă  la fois. Et cela s'appelle... la PlĂ©nitude. Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai, J’ai compris que ma tĂȘte pouvait me tromper et me dĂ©cevoir. Mais si je la mets au service de mon coeur, Elle devient une alliĂ©e trĂšs prĂ©cieuse ! Tout ceci, c'est... le Savoir vivre. Nous ne devons pas avoir peur de nous confronter. Du chaos naissent les Ă©toiles.
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Charlie Chaplin
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Spleen Je suis comme le roi d'un pays pluvieux, Riche, mais impuissant, jeune et pourtant trĂšs vieux, Qui, de ses prĂ©cepteurs mĂ©prisant les courbettes, S'ennuie avec ses chiens comme avec d'autres bĂȘtes. Rien ne peut l'Ă©gayer, ni gibier, ni faucon, Ni son peuple mourant en face du balcon. Du bouffon favori la grotesque ballade Ne distrait plus le front de ce cruel malade; Son lit fleurdelisĂ© se transforme en tombeau, Et les dames d'atour, pour qui tout prince est beau, Ne savent plus trouver d'impudique toilette Pour tirer un souris de ce jeune squelette. Le savant qui lui fait de l'or n'a jamais pu De son ĂȘtre extirper l'Ă©lĂ©ment corrompu, Et dans ces bains de sang qui des Romains nous viennent, Et dont sur leurs vieux jours les puissants se souviennent, II n'a su rĂ©chauffer ce cadavre hĂ©bĂ©tĂ© OĂč coule au lieu de sang l'eau verte du LĂ©thĂ© // I'm like the king of a rain-country, rich but sterile, young but with an old wolf's itch, one who escapes his tutor's monologues, and kills the day in boredom with his dogs; nothing cheers him, darts, tennis, falconry, his people dying by the balcony; the bawdry of the pet hermaphrodite no longer gets him through a single night; his bed of fleur-de-lys becomes a tomb; even the ladies of the court, for whom all kings are beautiful, cannot put on shameful enough dresses for this skeleton; the scholar who makes his gold cannot invent washes to cleanse the poisoned element; even in baths of blood, Rome's legacy, our tyrants' solace in senility, he cannot warm up his shot corpse, whose food is syrup-green Lethean ooze, not blood. — Robert Lowell, from Marthiel & Jackson Matthews, eds., The Flowers of Evil (NY: New Directions, 1963)
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Charles Baudelaire (Les Fleurs du Mal)
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Tant la rĂ©alitĂ© a d'Ă©vidence ... Tant cette Ă©vidence s'impose! ... DĂšs que les choses sont arrivĂ©es, nous ne pensons mĂȘme plus qu'elles auraient pu ne pas ĂȘtre ... Ou qu'elles auraient pu ĂȘtre toutes diffĂ©rentes.
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Roger Martin du Gard (Les Thibault, Tome III)
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Jusqu'à présent, tu n'avais jamais pu supporter la danse ni le jazz, ce n'était pas assez profond pour toi et maintenant tu vois que point n'est besoin de les prendre au sérieux pour les trouver délicieux et charmants.
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Hermann Hesse (Steppenwolf)
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C'est dans ma neuviĂšme annĂ©e que j'ai appris le hollandais. A cette Ă©poque-lĂ , j'avais un papa, un chic type dans mon genre, qui voulait que ses enfants rĂ©ussissent dans la vie. Lui n'avait pas beaucoup travaillĂ© Ă  l'Ă©cole ; ce qui ne l'empĂȘchait pas, tous les Ă©tĂ©s, de nous acheter Ă  ma sƓur Christine et Ă  moi des "cahiers de vacances". Le lundi soir, elle avait dĂ©jĂ  fait son cahier jusqu'au jeudi. Moi, je n'ai jamais pu terminer le mien.
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Marie-Aude Murail (Le hollandais sans peine)
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Oh ! S'il avait pu partir, tout de suite, n'importe oĂč, et ne jamais revenir, ne jamais Ă©crire, ne jamais laisser savoir ce qu'il Ă©tait devenu ! Mais non, il fallait rentrer, rentrer dans la maison paternelle et se coucher dans son lit
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Guy de Maupassant
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Lasse de ma lassitude, blanche lune derniĂšre, seul regret, mĂȘme pas. Être mort, avant elle, sur elle, avec elle, et tourner, mort sur morte, autour des pauvres hommes, et n’avoir plus jamais Ă  mourir, d’entre les mourants. MĂȘme pas, mĂȘme pas ça. Ma lune fut ici-bas, ici bien bas, le peu que j’aie su dĂ©sirer. Et un jour, bientĂŽt, une nuit de terre, bientĂŽt, sous la terre, un mourant dira, comme moi, au clair de terre, MĂȘme pas, mĂȘme pas ça, et mourra, sans avoir pu trouver un regret.
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Samuel Beckett (Malone Dies)
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Je le vis, je rougis, je pĂąlis Ă  sa vue ; Un trouble s’éleva dans mon Ăąme Ă©perdue ; Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler; Je sentis tout mon corps et transir et brĂ»ler : Je reconnus VĂ©nus et ses feux redoutables, D’un sang qu’elle poursuit tourments inĂ©vitables ! Par des vƓux assidus je crus les dĂ©tourner : Je lui bĂątis un temple, et pris soin de l’orner ; De victimes moi-mĂȘme Ă  toute heure entourĂ©e, Je cherchais dans leurs flancs ma raison Ă©garĂ©e : D’un incurable amour remĂšdes impuissants ! En vain sur les autels ma main brĂ»lait l’encens ! Quand ma bouche implorait le nom de la dĂ©esse, J’adorais Hippolyte ; et, le voyant sans cesse, MĂȘme au pied des autels que je faisais fumer, J’offrais tout Ă  ce dieu que je n’osais nommer. Je l’évitais partout. Ô comble de misĂšre ! Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son pĂšre. Contre moi-mĂȘme enfin j’osai me rĂ©volter : J’excitai mon courage Ă  le persĂ©cuter. Pour bannir l’ennemi dont j’étais idolĂątre, J’affectai les chagrins d’une injuste marĂątre ; Je pressai son exil ; et mes cris Ă©ternels L’arrachĂšrent du sein et des bras paternels. Je respirais, ƒNONE ; et, depuis son absence, Mes jours moins agitĂ©s coulaient dans l’innocence : Soumise Ă  mon Ă©poux, et cachant mes ennuis, De son fatal hymen je cultivais les fruits. Vaines prĂ©cautions ! Cruelle destinĂ©e ! Par mon Ă©poux lui-mĂȘme Ă  TrĂ©zĂšne amenĂ©e, J’ai revu l’ennemi que j’avais Ă©loignĂ© : Ma blessure trop vive aussitĂŽt a saignĂ©. Ce n’est plus une ardeur dans mes veines cachĂ©e : C’est VĂ©nus tout entiĂšre Ă  sa proie attachĂ©e. J’ai conçu pour mon crime une juste terreur ; J’ai pris la vie en haine, et ma flamme en horreur ; Je voulais en mourant prendre soin de ma gloire, Et dĂ©rober au jour une flamme si noire : Je n’ai pu soutenir tes larmes, tes combats : Je t’ai tout avouĂ© ; je ne m’en repens pas. Pourvu que, de ma mort respectant les approches, Tu ne m’affliges plus par d’injustes reproches, Et que tes vains secours cessent de rappeler Un reste de chaleur tout prĂȘt Ă  s’exhaler.
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Jean Racine (PhĂšdre)
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Un piĂšge. DressĂ© non pour Ellana mais pour lui. Jilano bondit vers la porte. VerrouillĂ©e, elle l'aurait Ă  peine ralenti. Elle s'ouvrit sans difficultĂ©. Sur un mur de pierre. Il leva les yeux. La mĂȘme substance huileuse qui l'avait fait glisser recouvrait tous les murs. La gouttiĂšre gisait au sol. Inutile de l'observer pour savoir qu'elle avait Ă©tĂ© sabotĂ©e. Du joli travail. Jilano inspira profondĂ©ment, ralentissant son rythme cardiaque jusqu'Ă  ce que son corps Ă©limine l'injonction de survie induite par le danger. Ce n'Ă©tait plus la peine. Il s'assit en tailleur contre un mur et attendit que la silhouette apparaisse au-dessus de lui. Elle ne tarda pas. Un sourire pĂąle erra sur les lĂšvres du maĂźtre marchombre lorsqu’il reconnut l'assassin. La guilde Ă©tait donc tombĂ©e si bas ? Il faillit parler, non pas pour tenter de convaincre, encore moins pour supplier, mais pour chercher Ă  comprendre. Il prĂ©fĂ©ra dĂ©tourner les yeux afin de se concentrer sur l'essentiel. Alors que l'assassin bandait son arc, les pensĂ©es de Jilano s'envolĂšrent vers Ellana. Bonheur. Gratitude. Amour. - Garde-toi, murmura-t-il, et que ta route soit belle. - Madame ! Que vous arrive-t-il ? Ellana Ă©tait brusquement devenue livide. Elle poussa un cri rauque, leva la main Ă  son cƓur et, avant qu'Aoro ait pu intervenir, elle s'effondra.
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Pierre Bottero (Ellana, l'Envol (Le Pacte des MarchOmbres, #2))
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Il faudrait avoir des regrets. Croire que j'aurais mieux fait de me rebeller, mais non, je n'y arrive pas. Si c'était à refaire, je ne changerais rien. Avec toi, quelle qu'aurait été la maniÚre, je n'aurais pu échapper à la souffrance, à la pureté éclatante de la souffrance.
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Philippe Besson (Se résoudre aux adieux)
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Il ajoute cette phrase, pour moi inoubliable  : parce que tu partiras et que nous resterons. J'ai les larmes aux yeux en recopiant les mots. Je demeure fascinĂ© que cette phrase ait Ă©tĂ© prononcĂ©e un jour, qu'elle m'ait Ă©tĂ© adressĂ©e. Qu'on me comprenne  : ce n'est pas l'Ă©ventuelle prĂ©monition qu'elle contient qui me fascine, ni mĂȘme qu'elle ait Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e. Ce n'est pas non plus la maturitĂ© ou la fulgurance qu'elle suppose. Ce n'est pas davantage l'agencement des mots, mĂȘme si je prendrai conscience que je n'aurais sans doute pas pu les trouver alors, ni plus tard les Ă©crire. C'est la violence de ce qu'ils signifient, de ce qu'ils charrient  : l'infĂ©rioritĂ© qu'ils racontent en mĂȘme temps que l'amour sous-jacent dont ils tĂ©moignent, l'amour rendu nĂ©cessaire par la disparition prochaine, inĂ©vitable, l'amour rendu possible par elle aussi.
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Philippe Besson (" ArrĂȘte avec tes mensonges ")
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J'ai essayé, vois-tu, d'entraßner GeneviÚve dans un monde à moi. Tout ce que je lui montrais devenait terne, gris. La premiÚre nuit était d'une épaisseur sans nom : nous n'avons pas pu la franchir. J'ai dû lui rendre sa maison, sa vie, son ùme. Un à un tous les peupliers de la route.
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Antoine de Saint-Exupéry
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Je ne mĂ©prise pas les hommes. Si je le faisais, je n'aurais aucun droit, ni aucune raison, d'essayer de les gouverner. Je les sais vains, ignorants, avides, inquiets, capables de presque tout pour rĂ©ussir, pour se faire valoir, mĂȘme Ă  leurs propres yeux, ou tout simplement pour Ă©viter de souffrir. Je le sais : je suis comme eux, du moins par moment, ou j'aurais pu l'ĂȘtre. Entre autrui et moi, les diffĂ©rences que j'aperçois sont trop nĂ©gligeables pour compter dans l'addition finale. Je m'efforce donc que mon attitude soit aussi Ă©loignĂ©e de la froide supĂ©rioritĂ© du philosophe que l'arrogance du CĂ©sar.
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Marguerite Yourcenar (Memoirs of Hadrian)
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Je suis un homme mort. Je me rĂ©veille chaque matin avec une insoutenable envie de dormir. Je m'habille de noir car je suis en deuil de moi-mĂȘme. Je porte le deuil de l'homme que j'aurais pu ĂȘtre. Je dĂ©ambule d'un pas fixe, rue des Beaux-Arts - la rue oĂč Oscar Wilde est mort, comme moi. Je vais au restaurant pour ne rien manger. Les maĂźtres d'hĂŽtel sont vexĂ©s que je ne touche pas Ă  leurs assiettes. Mais vous en connaissez beaucoup, vous, des morts qui finissent le plat de rĂ©sistance en se pourlĂ©chant les babines? Tout ce que je bois, c'est donc Ă  jeun. Avantage: l'ivresse rapide. InconvĂ©nient; l'ulcĂšre Ă  l'estomac.
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Frédéric Beigbeder (L'amour dure trois ans (Marc Marronnier, #3))
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- Viens t’agenouiller avec moi prĂšs de la fenĂȘtre, David, et prions pour que ta maman se sente bien demain, et que rien n’arrive Ă  ton papa ce soir, et que toi et moi
 que toi et moi ne souffrions pas trop, ni demain, ni jamais. Cela m’avait l’air d’une priĂšre magnifique, alors j’ai regardĂ© par la fenĂȘtre et j’ai commencĂ©, mais mes yeux sont tombĂ©s sur la Bible de nĂ©on, en dessous de nous, et je n’ai pas pu continuer. Et puis j’ai vu les Ă©toiles du ciel qui brillaient autant que la belle priĂšre et j’ai recommencĂ©, et la priĂšre est venue sans que j’aie Ă  rĂ©flĂ©chir, et je l’ai offerte aux Ă©toiles et au ciel de la nuit.
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John Kennedy Toole (The Neon Bible)
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La vie me fait moins peur.Vous pouvez m'attaquer, vous pouvez me juger, vous pouvez me ruiner. J'aurau toujours à portée de main un vieux bic mùchouillé et un bloc-notes froissé. Mes seules armes. A la fois dérisoires et puissantes. Les seules sur lesquelles j'ai toujours pu compter pour m'aider à traverser la nuit.
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Guillaume Musso (La jeune fille et la nuit)
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Mais quelle famille solitaire avais-je donc ! J'Ă©tais mĂȘme Ă©bahi que deux de ses membres avaient pu s'assembler pour engendrer les deux suivants. Seulement, des solitaires qui feignent de ne pas l'ĂȘtre... voilĂ  sans doute comment les familles se construisent, et comment la race des gens seuls est devenue si nombreuse.
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Benjamin Kunkel (Indecision)
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La vie est une loterie et ne tient qu'à un fil. Difficile de ne pas repenser à tous ces conducteurs, à travers le monde, qui tenaient ma vie entre leurs mains, conduisant parfois de façon complÚtement déraisonnée. Mille fois, ces camions, camionnettes ou voitures auraient pu s'écraser contre un mur ou dévaler une montagne.
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Ludovic Hubler (Le monde en stop: Cinq années à l'école de la vie)
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VoilĂ  comment ça se passait au cƓur du cƓur du Dieu : notre groupe de six, sept ou dix arrivait Ă  pied ou en chaise roulante, piochait dans un malheureux assortiment de biscuits et se servait un verre de limonade, avant de prendre place dans le cercle de la vĂ©ritĂ© et d'Ă©couter Patrick dĂ©biter pour la milliĂšme fois le rĂ©cit dĂ©primant de sa vie – comment il avait eu un cancer des testicules et aurait dĂ» en mourir, sauf qu'il n'Ă©tait pas mort et que maintenant il Ă©tait mĂȘme un adulte bien vivant qui se tenait devant nous dans la crypte d'une Ă©glise de la 137e ville d'AmĂ©rique la plus agrĂ©able Ă  vivre, divorcĂ©, accro aux jeux vidĂ©o, seul, vivotant du maigre revenu que lui rapportait l'exploitation de son passĂ© de super-cancĂ©reux, futur dĂ©tenteur d'un master ne risquant pas d'amĂ©liorer ses perspectives de carriĂšre, et qui attendait, comme nous tous, que l'Ă©pĂ©e de DamoclĂšs lui procure le soulagement auquel il avait Ă©chappĂ© des annĂ©es plus tĂŽt quand le cancer lui avait pris ses couilles, mais avait Ă©pargnĂ© ce que seule une Ăąme charitable aurait pu appeler « sa vie ».
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John Green (The Fault in Our Stars)
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La muraille de l’escalier oĂč je vis monter le reflet de sa bougie n’existe plus depuis longtemps. En moi aussi bien des choses ont Ă©tĂ© dĂ©truites que je croyais devoir durer toujours, et de nouvelles se sont Ă©difiĂ©es, donnant naissance Ă  des peines et Ă  des joies nouvelles que je n’aurais pu prĂ©voir alors, de mĂȘme que les anciennes me sont devenues difficiles Ă  comprendre.
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Marcel Proust (A la recherche du temps perdu)
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AmputĂ©e!
 O soleil, si c’est vrai que je viens de toi, pourquoi m’as-tu faite amputĂ©e? Pourquoi m’as-tu faite une fille? Pourquoi ces seins, cette faiblesse, cette plaie ouverte au milieu de moi? N’aurait-il pas Ă©tĂ© beau le garçon MĂ©dĂ©e? N’aurait-il pas Ă©tĂ© fort? Le corps dur comme la pierre, fait pour prendre et partir aprĂšs, ferme, intact, entier, lui! Ah! il aurait pu venir, alors, Jason, avec ses grandes mains redoutables, il aurait pu tenter de les poser sur moi! Un couteau, chacun dans la sienne -oui!- et le plus fort tue l’autre et s’en va dĂ©livrĂ©. Pas cette lutte oĂč je ne voulais que toucher les Ă©paules, cette blessure que j’implorais. Femme! Femme! Chienne! Chair faite d’un peu de boue de d’une cĂŽte d’homme! Morceau d’homme! Putain!
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Jean Anouilh (Médée)
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Je me mis dĂšs lors Ă  lire avec aviditĂ© et bientĂŽt la lecture fut ma passion. Tous mes nouveaux besoins, toutes mes aspirations rĂ©centes, tous les Ă©lans encore vagues de mon adolescence qui s’élevaient dans mon Ăąme d’une façon si troublante et qui Ă©taient provoquĂ©s par mon dĂ©veloppement si prĂ©coce, tout cela, soudainement, se prĂ©cipita dans une direction, parut se satisfaire complĂštement de ce nouvel aliment et trouver lĂ  son cours rĂ©gulier. BientĂŽt mon cƓur et ma tĂȘte se trouvĂšrent si charmĂ©s, bientĂŽt ma fantaisie se dĂ©veloppa si largement, que j’avais l’air d’oublier tout ce qui m’avait entourĂ©e jusqu’alors. Il semblait que le sort lui mĂȘme m’arrĂȘtĂąt sur le seuil de la nouvelle vie dans laquelle je me jetais, Ă  laquelle je pensais jour et nuit, et, avant de m’abandonner sur la route immense, me faisait gravir une hauteur d’oĂč je pouvais contempler l’avenir dans un merveilleux panorama, sous une perspective brillante, ensorcelante. Je me voyais destinĂ©e Ă  vivre tout cet avenir en l’apprenant d’abord par les livres ; de vivre dans les rĂȘves, les espoirs, la douce Ă©motion de mon esprit juvĂ©nile. Je commençai mes lectures sans aucun choix, par le premier livre qui me tomba sous la main. Mais, le destin veillait sur moi. Ce que j’avais appris et vĂ©cu jusqu’à ce jour Ă©tait si noble, si austĂšre, qu’une page impure ou mauvaise n’eĂ»t pu dĂ©sormais me sĂ©duire. Mon instinct d’enfant, ma prĂ©cocitĂ©, tout mon passĂ© veillaient sur moi ; et maintenant ma conscience m’éclairait toute ma vie passĂ©e. En effet, presque chacune des pages que je lisais m’était dĂ©jĂ  connue, semblait dĂ©jĂ  vĂ©cue, comme si toutes ces passions, toute cette vie qui se dressaient devant moi sous des formes inattendues, en des tableaux merveilleux, je les avais dĂ©jĂ  Ă©prouvĂ©es. Et comment pouvais-je ne pas ĂȘtre entraĂźnĂ©e jusqu’à l’oubli du prĂ©sent, jusqu’à l’oubli de la rĂ©alitĂ©, quand, devant moi dans chaque livre que je lisais, se dressaient les lois d’une mĂȘme destinĂ©e, le mĂȘme esprit d’aventure qui rĂšgnent sur la vie de l’homme, mais qui dĂ©coulent de la loi fondamentale de la vie humaine et sont la condition de son salut et de son bonheur ! C’est cette loi que je soupçonnais, que je tĂąchais de deviner par toutes mes forces, par tous mes instincts, puis presque par un sentiment de sauvegarde. On avait l’air de me prĂ©venir, comme s’il y avait en mon Ăąme quelque chose de prophĂ©tique, et chaque jour l’espoir grandissait, tandis qu’en mĂȘme temps croissait de plus en plus mon dĂ©sir de me jeter dans cet avenir, dans cette vie. Mais, comme je l’ai dĂ©jĂ  dit, ma fantaisie l’emportait sur mon impatience, et, en vĂ©ritĂ©, je n’étais trĂšs hardie qu’en rĂȘve ; dans la rĂ©alitĂ©, je demeurais instinctivement timide devant l’avenir.
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Fyodor Dostoevsky (Netochka Nezvanova)
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Huit heures de sommeil ! Nous perdons le tiers de notre vie humaine dans cet Ă©tat d’impuissance et de demi-mort. VoilĂ  ce qui me rĂ©voltait. Il faut libĂ©rer l’humanitĂ© de la charge du sommeil. Quelles extraordinaires perspectives, quelles possibilitĂ©s !... Combien de grandes Ɠuvres les grands penseurs nous auraient encore donnĂ©es, si toutes leurs nuits avaient pu ĂȘtre consacrĂ©es Ă  la crĂ©ation ! Combien de grandes Ɠuvres inachevĂ©es ne le seraient pas ! Comme le progrĂšs avancerait ! ! L’ouvrier ayant travaillĂ© aux heures fixĂ©es Ă  sa machine-outil consacrerait la nuit aux livres ou au travail social. Nous n’aurions pas d’illettrĂ©s. Mieux encore, tous recevraient la possibilitĂ© de devenir parfaitement instruits. De quels pas gigantesques avancerait le progrĂšs ! C’était Ă  cela que je pensais...
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Alexandre BeliaĂŻev (L'homme qui ne dormait pas)
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J'ai Ă©crit le mot  : amour. J'ai bien envisagĂ© d'en employer un autre. Au moins parce que c'est une notion curieuse, l'amour  ; difficile Ă  dĂ©finir, Ă  cerner, Ă  Ă©tablir. Il en existe tant de degrĂ©s, tant de variations. J'aurais pu me contenter d'affirmer que j'Ă©tais attendri (et il est exact que T.   savait Ă  merveille me faire faiblir, flĂ©chir), ou charmĂ© (il s'y entendait comme personne pour attirer Ă  lui, conquĂ©rir, flatter, et mĂȘme ensorceler), ou troublĂ© (il provoquait souvent un mĂ©lange de perplexitĂ© et d'Ă©moi, renversait les situations), ou sĂ©duit (il m'attirait dans ses filets, me bluffait, me gagnait Ă  ses causes), ou Ă©pris (j'Ă©tais bĂȘtement enjouĂ©, je pouvais m'enflammer pour un rien)  ; ou mĂȘme aveuglĂ© (je mettais de cĂŽtĂ© ce qui m'embarrassait, je minimisais ses dĂ©fauts, portais aux nues ses qualitĂ©s), perturbĂ© (je n'Ă©tais plus tout Ă  fait moi-mĂȘme), ce qui aurait un sens moins favorable. J'aurais pu expliquer qu'il ne s'agissait que d'affection, que je me contentais d'avoir le «  bĂ©guin  », une formulation suffisamment floue pour englober n'importe quoi. Mais ce serait me payer de mots. La vĂ©ritĂ©, la vĂ©ritĂ© toute nue, c'est que j'Ă©tais amoureux. Autant employer les mots prĂ©cis.
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Philippe Besson (« ArrĂȘte avec tes mensonges »)
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Je me suis figurĂ© qu’une femme devait faire plus de cas de son Ăąme que de son corps, contre l’usage gĂ©nĂ©ral qui veut qu’elle permette qu’on l’aime avant d’avouer qu’elle aime, et qu’elle abandonne ainsi le trĂ©sor de son coeur avant de consentir Ă  la plus lĂ©gĂšre prise sur celui de sa beautĂ©. J’ai voulu, oui, voulu absolument tenter de renverser cette marche uniforme ; la nouveautĂ© est ma rage. Ma fantaisie et ma paresse, les seuls dieux dont j’aie jamais encensĂ© les autels, m’ont vainement laissĂ© parcourir le monde, poursuivi par ce bizarre dessein ; rien ne s’offrait Ă  moi. Peut-ĂȘtre je m’explique mal. J’ai eu la singuliĂšre idĂ©e d’ĂȘtre l’époux d’une femme avant d’ĂȘtre son amant. J’ai voulu voir si rĂ©ellement il existait une Ăąme assez orgueilleuse pour demeurer fermĂ©e lorsque les bras sont ouverts, et livrer la bouche Ă  des baisers muets ; vous concevez que je ne craignais que de trouver cette force Ă  la froideur. Dans toutes les contrĂ©es qu’aime le soleil, j’ai cherchĂ© les traits les plus capables de rĂ©vĂ©ler qu’une Ăąme ardente y Ă©tait enfermĂ©e : j’ai cherchĂ© la beautĂ© dans tout son Ă©clat, cet amour qu’un regard fait naĂźtre ; j’ai dĂ©sirĂ© un visage assez beau pour me faire oublier qu’il Ă©tait moins beau que l’ĂȘtre invisible qui l’anime ; insensible Ă  tout, j’ai rĂ©sistĂ© Ă  tout,... exceptĂ© Ă  une femme, – Ă  vous, Laurette, qui m’apprenez que je me suis un peu mĂ©pris dans mes idĂ©es orgueilleuses ; Ă  vous, devant qui je ne voulais soulever le masque qui couvre ici-bas les hommes qu’aprĂšs ĂȘtre devenu votre Ă©poux. – Vous me l’avez arrachĂ©, je vous supplie de me pardonner, si j’ai pu vous offenser. ( Le prince )
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Alfred de Musset (La nuit vénitienne)
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Que se serait-il passĂ© ? Lol ne va pas loin dans l'inconnu sur lequel s'ouvre cet instant. Elle ne dispose d'aucun souvenir mĂȘme imaginaire, elle n'a aucune idĂ©e sur cet inconnu. Mais ce qu'elle croit, c'est qu'elle devait y pĂ©nĂ©trer, que c'Ă©tait ce qu'il lui fallait faire, que ç'aurait Ă©tĂ© pour toujours, pour sa tĂȘte et pour son corps, leur plus grande douleur et leur plus grande joie confondues jusque dans leur dĂ©finition devenue unique mais innommable faute d'un mot. J'aime Ă  croire, comme je l'aime, que si Lol est silencieuse dans la vie c'est qu'elle a cru, l'espace d'un Ă©clair, que ce mot pouvait exister. Faute de son existence, elle se tait. Ç'aurait Ă©tĂ© un mot-absence, un mot-trou, creusĂ© en son centre d'un trou, de ce trou oĂč tous les autres mots auraient Ă©tĂ© enterrĂ©s. On n'aurait pas pu le dire mais on aurait pu le faire rĂ©sonner. Immense, sans fin, un gong vide, il aurait retenu ceux qui voulaient partir, il les aurait convaincus de l'impossible, il les aurait assourdis Ă  tout autre vocable que lui-mĂȘme, en une fois il les aurait nommĂ©s, eux, l'avenir et l'instant. Manquant, ce mot, il gĂąche tous les autres, les contamine, c'est aussi le chien mort de la plage en plein midi, ce trou de chair.
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Marguerite Duras (The Ravishing of Lol Stein)
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Car ce que les gens ont fait, ils le recommencent indĂ©finiment. Et qu’on aille voir chaque annĂ©e un ami qui les premiĂšres fois n’a pu venir Ă  votre rendez-vous, ou s’est enrhumĂ©, on le retrouvera avec un autre rhume qu’il aura pris, on le manquera Ă  un autre rendez-vous oĂč il ne sera pas venu, pour une mĂȘme raison permanente Ă  la place de laquelle il croit voir des raisons variĂ©es, tirĂ©es des circonstances.
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Marcel Proust (A la recherche du temps perdu)
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Car lĂ  encore ces hommes se livraient Ă  quelque chose de grotesque lorsqu'ils embĂȘtaient leur famille pour qu'elle leur achĂšte un costume tout neuf pour leur procĂšs. Les tribunaux ne prenaient jamais en considĂ©ration la tenue des inculpĂ©s. Ils auraient pu comparaĂźtre dans des sacs Ă  pommes de terre, les juges n'en avaient rien Ă  faire. La seule chose qui comptait Ă©tait la couleur de leur peau et les chefs d'accusation.
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Donald Goines (White Man's Justice, Black Man's Grief)
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J’ai arpentĂ© les galeries sans fin des grandes bibliothĂšque, les rues de cette ville qui fĂ»t la nĂŽtre, celle oĂč nous partagions presque tous nos souvenirs depuis l’enfance. Hier, j’ai marchĂ© le long des quais, sur les pavĂ©s du marchĂ© Ă  ciel ouvert que tu aimais tant. Je me suis arrĂȘtĂ© par-ci par-lĂ , il me semblait que tu m’accompagnais, et puis je suis revenu dans ce petit bar prĂšs du port, comme chaque vendredi. Te souviendras-tu ? Je ne sais pas oĂč tu es. Je ne sais pas si tout ce que nous avons vĂ©cu avait un sens, si la vĂ©ritĂ© existe, mais si tu trouves ce petit mot un jour, alors tu sauras que j’ai tenu ma promesse, celle que je t’ai faite. A mon tour de te demander quelque chose, tu me le dois bien. Oublie ce que je viens d’écrire, en amitiĂ© on ne doit rien. Mais voici nĂ©anmoins ma requĂȘte : Dis-lui, dis-lui que quelque part sur cette terre, loin de vous, de votre temps, j’ai arpentĂ© les mĂȘmes rues, ri avec toi autour des mĂȘmes tables, et puisque les pierres demeurent, dis-lui que chacune de celles oĂč nous avons posĂ© nos mais et nos regards contient Ă  jamais une part de notre histoire. Dis-lui, que j’étais ton ami, que tu Ă©tais mon frĂšre, peut-ĂȘtre mieux encore puisque nous nous Ă©tions choisis, dis-lui que rien n’a jamais pu nous sĂ©parer, mĂȘme votre dĂ©part si soudain.
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Marc Levy (La prochaine fois)
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Fut-ce le fruit de mon imagination? Il me sembla voir passer sur le visage de notre voisin une expression que j'aurais pu traduire en ces termes: "Pourquoi te donnes-tu tant de mal? J'ai gagné, tu ne peux pas ne pas le savoir. Le simple fait que j'assiÚge chaque jour ton salon pendant deux heures n'en est-il pas la preuve? Si brillants que soient tes discours, tu ne pourras rien contre cette évidence: je suis chez toi et je t'emmerde.
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Amélie Nothomb (Les Catilinaires)
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Géronte Monsieur, c'est là sa maladie. Elle est devenue muette, sans que jusques ici on en ait pu savoir la cause : et c'est un accident qui a fait reculer son mariage. Sganarelle Et pourquoi ? Géronte Celui qu'elle doit épouser veut attendre sa guérison pour conclure les choses. Sganarelle Et qui est ce sot-là, qui ne veut pas que sa femme soit muette ? Plût à Dieu que la mienne eût cette maladie ! je me garderais bien de la vouloir guérir.
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MoliĂšre (Oeuvres complĂštes)
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Elles disent, malheureuse, ils t'ont chassée du monde des signes, et cependant ils t'ont donné des noms, ils t'ont appelée esclave, toi malheureuse esclave. Comme des maßtres ils ont exercé leur droit de maßtre. Ils écrivent de ce droit de donner des noms qu'il va si loin que l'on peut considérer l'origine du langage comme un acte d'autorité émanant de ceux qui dominent. Ainsi ils disent qu'ils ont dit, ceci est telle ou telle chose, ils ont attaché à un objet et à un fait tel vocable et par là ils se le sont pour ainsi dire appropriés. Elles disent, ce faisant ils ont gueulé hurlé de toutes leurs forces pour te réduire au silence. Elles disent, le langage que tu parles t'empoisonne la glotte la langue le palais les lÚvres. Elles disent le langage que tu parles est fait de mots qui te tuent. Elles disent, le langage que tu parles est fait de signes qui à proprement parler désignent ce qu'ils se sont appropriés. Ce sur quoi ils n'ont pas mis la main, ce sur quoi ils n'ont pas fondu comme des rapaces aux yeux multiples, cela n'apparaßt pas dans le langage que tu parles. Cela se manifeste juste dans l'intervalle que les maßtres n'ont pas pu combler avec leurs mots de propriétaires et de possesseurs, cela peut se chercher dans la lacune, dans tout ce qui n'est pas la continuité de leurs discours, dans le zéro, le O, le cercle parfait que tu inventes pour les emprisonner et pour les vaincre.
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Monique Wittig (Les GuérillÚres)
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Depuis ce temps, je respecte le vƓu de la morte. Moi, comme les chiens, j’éprouve le besoin de l’infini
 Je ne puis, je ne puis contenter ce besoin ! Je suis fils de l’homme et de la femme, d’aprĂšs ce qu’on m’a dit. Ça m’étonne
 je croyais ĂȘtre davantage ! Au reste, que m’importe d’oĂč je viens ? Moi, si cela avait pu dĂ©pendre de ma volontĂ©, j’aurais voulu ĂȘtre plutĂŽt le fils de la femelle du requin, dont la faim est amie des tempĂȘtes, et du tigre, Ă  la cruautĂ© reconnue : je ne serais pas si mĂ©chant.
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Comte de Lautréamont (Les Chants de Maldoror)
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Je suis encore un homme jeune, et pourtant, quand je songe Ă  ma vie, c’est comme une bouteille dans laquelle on aurait voulu faire entrer plus qu’elle ne peut contenir. Est-ce le cas pour toute vie humaine, ou suis-je nĂ© dans une Ă©poque qui repousse toute limite et qui bat les existences comme les cartes d’un grand jeu de hasard ? Moi, je ne demandais pas grand-chose. J'aurais aimĂ© ne jamais quitter le village. Les montagnes, les bois, nos riviĂšres, tout cela m’aurait suffi. J’aurais aimĂ© ĂȘtre tenu loin de la rumeur du monde, mais autour de moi bien des peuples se sont entretuĂ©s. Bien des pays sont morts et ne sont plus que des noms dans les livres d’Histoire. Certains en ont dĂ©vorĂ© d’autres, les ont Ă©ventrĂ©s, violĂ©s, souillĂ©s. Et ce qui est juste n’a pas toujours triomphĂ© de ce qui est sale. Pourquoi ai-je dĂ», comme des milliers d’autres hommes, porter une croix que je n’avais pas choisie, endurer un calvaire qui n’était pas fait pour mes Ă©paules et qui ne me concernait pas? Qui a donc dĂ©cidĂ© de venir fouiller mon obscure existence, de dĂ©terrer ma maigre tranquillitĂ©, mon anonymat gris, pour me lancer comme une boule folle et minuscule dans un immense jeu de quilles? Dieu? Mais alors, s’Il existe, s’Il existe vraiment, qu’Il se cache. Qu’Il pose Ses deux mains sur Sa tĂȘte, et qu’Il la courbe. Peut-ĂȘtre, comme nous l'apprenait jadis Peiper, que beaucoup d’hommes ne sont pas dignes de Lui, mais aujourd’hui je sais aussi qu’Il n'est pas digne de la plupart d’entre nous, et que si la crĂ©ature a pu engendrer l’horreur c’est uniquement parce que son CrĂ©ateur lui en a soufflĂ© la recette.
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Philippe Claudel (Brodeck)
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Il est possible qu'Ă  des Ă©poques antĂ©rieures, oĂč les ours Ă©taient nombreux, la virilitĂ© ait pu jouer un rĂŽle spĂ©cifique et irremplaçable; mais depuis quelques siĂšcles, les hommes ne servaient visiblement Ă  peu prĂšs plus Ă  rien. Ils trompaient parfois leur ennui en faisant des parties de tennis, ce qui Ă©taient un moindre mal; mais parfois aussi ils estimaient utile de faire avancer l'histoire, c'est-Ă -dire essentiellement de provoquer des rĂ©volutions et des guerres. Outre les souffrances absurdes qu'elles provoquaient, les rĂ©volutions et les guerres dĂ©truisaient le meilleurs du passĂ©, obligeant Ă  chaque fois Ă  faire table rase pour rebĂątir. Non inscrite dans le cours rĂ©gulier d'une ascension progressive, l'Ă©volution humaine acquĂ©rait ainsi un tour chaotique, dĂ©structurĂ©, irrĂ©gulier et violent. Tout cela les hommes (avec leur goĂ»t du risque et du jeu, leur vanitĂ© grotesque, leur irresponsabilitĂ©, leur violence fonciĂšre) en Ă©taient directement et exclusivement responsables. Un monde composĂ© de femmes serait Ă  tous points de vue infiniment supĂ©rieur; il Ă©voluerait plus lentement, mais avec rĂ©gularitĂ©, sans retours en arriĂȘre et sans remises en cause nĂ©fastes, vers un Ă©tat de bonheur commun.
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Michel Houellebecq
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Pour ce qu’il avait pu en observer l’existence des hommes s’organisait autour du travail, qui occupait la plus grande partie de la vie, et s’accomplissait dans des organisations de dimension variable. A l’issue des annĂ©es de travail s’ouvrait une pĂ©riode plus brĂšve, marquĂ©e par le dĂ©veloppement de diffĂ©rentes pathologies. Certains ĂȘtres humains, pendant la pĂ©riode la plus active de leur vie, tentaient en outre de s’associer dans des micro-regroupements, qualifies de familles, ayant pour but la reproduction de l’espĂšce ; mais ces tentatives, le plus souvent, tournaient court, pour des raisons liĂ©es a la <>.
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”
Michel Houellebecq
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Et puis, je me dédoublai. L'année précédente, quand je « faisais du cinéma », je jouais mon propre rôle, je me jetais à corps perdu dans l'imaginaire et j'ai pensé plus d'une fois m'y engouffrer tout entier. Auteur, le héros c'était encore moi, je projetais en lui mes rêves épiques. Nous étions deux, pourtant: il ne portait pas mon nom et je ne parlais de lui qu'à la troisième personne. Au lieu de lui prêter mes gestes, je lui façonnais par des mots un corps que je prétendis voir. Cette « distanciation » soudaine aurait pu m'effrayer: elle me charma; je me réjouis d'être lui sans qu'il fût tout à fait moi.
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Jean-Paul Sartre
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Ce dernier talent correspond proprement Ă  ce qu’on appelle l’ñme ; car exprimer et rendre universellement communicable ce qu’il y a d’indicible dans l’état d’esprit associĂ© Ă  une certaine reprĂ©sentation – et ce, que l’expression relĂšve du langage, de la peinture ou de la plastique -, cela requiert un pouvoir d’apprĂ©hender le jeu si fugace de l’imagination et de le synthĂ©tiser dans un concept qui se peut communiquer sans la contrainte de rĂšgles (un concept qui, prĂ©cisĂ©ment pour cette raison, est original et fait apparaĂźtre en mĂȘme temps une rĂšgle nouvelle qui n’a pu rĂ©sulter d’aucun principe ou d’aucun exemple qui l’eusse prĂ©cĂ©dĂ©e).
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Immanuel Kant (La Critique de la faculté de juger (Critique du jugement esthétique): Une oeuvre fondamentale de l'esthétique moderne (La troisiÚme grand ouvrage critique ... de la raison pratique))
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J’admire qu’on puisse trouver au bord de la MĂ©diterranĂ©e des certitudes et des rĂšgles de vie, qu’on y satisfasse sa raison et qu’on y justifie un optimisme et un sens social. Car enfin, ce qui me frappait alors ce n’était pas un monde fait Ă  la mesure de l’homme - mais qui se refer-mait sur l’homme. Non, si le langage de ces pays s’accordait Ă  ce qui rĂ©sonnait profondĂ©ment en moi, ce n’est pas parce qu’il rĂ©pondait Ă  mes questions, mais parce qu’il les rendait inutiles. Ce n’était pas des actions de grĂąces qui pouvaient me monter aux lĂšvres, mais ce Nada qui n’a pu naĂźtre que devant des paysages Ă©crasĂ©s de soleil. Il n’y a pas d’amour de vivre sans dĂ©sespoir de vivre.
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Albert Camus (L'envers et l'endroit)
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Quelles bizarreries ne trouve-t-on pas dans une ville, qund on sait se promener et regarder? La ville fourmille de monstres innocents. - Seigneur, mon Dieu! vous, le CrĂ©ateur, vous, le MaĂźtre; vous qui avez fait la Loit et la LibertĂ©; vous, le souverain qui laissez faire; vous, le juge qui pardonnez; vous qui ĂȘtes plein de motifs et de causes, et qui avez peut-ĂȘtre mis dans mon esprit le goĂ»t de l'horreur pour convertir mon coeur, comme la guĂ©rison au bout d'une lame; Seigneur, ayez pitiĂ©, ayez pitiĂ© des fous et des folles! Ô CrĂ©ateur! peut-il exister des monstres aux yeux de Celui-lĂ  seul qui sait pourquoi ils existent,comment ils se sont faits et comment ils auraient pu ne pas se faire?
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Charles Baudelaire
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Les donnĂ©es scientifiques et Ă©sotĂ©riques montrent lÂŽimportance du sommeil et des rĂȘves dans la vie de lÂŽindividu. Il est aisĂ© de comprendre pourquoi les rĂȘves ont jouĂ© et jouent un rĂŽle important pour guider les comportements de nombreuses civilisations anciennes. Il est aisĂ© de comprendre, Ă©galement, pourquoi des rites sont proposĂ©s avant lÂŽendormissement par les religions ou sur le chemin de lÂŽinitiation (rĂ©trospection, priĂšres, mĂ©ditations, exercices respiratoires, relaxation, etc...). Ils ont pour but de purifier les corps astral ou mental des substances grossiĂšres qui auraient pu les pĂ©nĂ©trer au cours de la journĂ©e et dÂŽorienter la conscience vers des plans vibratoires Ă©levĂ©s de lÂŽUnivers.
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Marie-France Bel (Corps Subtils, Science et MĂ©decine)
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Ce n'est pas par l'importation de l'or et de l'argent que la dĂ©couverte de l'AmĂ©rique a enrichi l'Europe. [...] En ouvrant Ă  toutes les marchandises de l'Europe un nouveau marchĂ© presque inĂ©puisable, elle a donnĂ© naissance Ă  de nouvelles divisions de travail, Ă  de nouveaux perfectionnements de l'industrie, qui n'auraient jamais pu avoir lieu dans le cercle Ă©troit oĂč le commerce Ă©tait anciennement resserrĂ©, cercle qui ne leur offrait pas de marchĂ© suffisant pour la plus grande partie de leur produit. Le travail se perfectionna, sa puissance productive augmenta, son produit s'accrut dans tous les divers pays de l'Europe, et en mĂȘme temps s'accrurent avec lui la richesse et le revenu rĂ©el des habitants.
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Adam Smith (An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations)
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MalgrĂ© leur nombre et un siĂšcle de recherches, l'Ă©criture libyque garde encore aujourd'hui une grande partie de ses secrets. En effet, ces inscriptions demeurent pour l'essentiel indĂ©chiffrĂ©s, mĂȘme si quelques-unes bilingues ont apportĂ© quelques lueurs. "Aussi, c'est sans surprise que l'on constate qu'il a pu rĂ©gner chez certains auteurs, un doute tenace quant Ă  la parentĂ© du libyque et du berbĂšre. ... C'est pourquoi L. Galand en arrivait Ă  se demander si ces inscriptions libyques (ou, du moins, un certain nombre d'entre elles) n'Ă©taient pas rĂ©digĂ©es dans une langue qui n'aurait pas de rapports directs avec le berbĂšre". Il faut espĂ©rer qu'un jour, les spĂ©cialistes en libyque pourront apporter une solution Ă  ce problĂšme.
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Ait Ali Yahia Samia (Les stĂšles Ă  inscriptions libyques de la Grande Kabylie)
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NaguĂšre Raymond s'Ă©tonnait de sentir Ă  sa portĂ©e la fameuse Maria Cross; il se rĂ©pĂ©tait : « Cette petite femme si simple, c'est Maria Cross. » Et il n'aurait eu qu'Ă  tendre la main : elle Ă©tait lĂ , soumise, inerte, il aurait pu la prendre, la laisser tomber, la ressaisir; — et tout Ă  coup le geste de ses bras tendus avait suffi pour Ă©loigner cette Maria vertigineusement. Ah! elle Ă©tait lĂ  encore; mais il savait d'une science sĂ»re que dĂ©sormais il ne la toucherait pas plus qu'une Ă©toile. Ce fut alors qu'il vit qu'elle Ă©tait belle : tout occupĂ© de savoir comment cueillir et manger le fruit, sans mettre une seconde en doute que ce fruit lui fĂ»t destinĂ©, il ne l'avait jamais regardĂ©e ; — cela te reste maintenant de la dĂ©vorer des yeux.
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François Mauriac (Le désert de l'amour (Littérature) (French Edition))
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Pourquoi devrais-je consacrer ce qui me reste de courage et d'Ă©nergie, sans parler de mon temps, Ă  Ă©crire sur les dĂ©prĂ©dations Ă©cologiques, alors qu'il suffit Ă  toute personne moyennement intelligente de se pencher par la fenĂȘtre pour constater, hormis en de trĂšs rares lieux, Ă  quel point nous avons souillĂ© notre nid ? Cette perception est parfois insupportable Ă  certains d'entre nous, comme si nous Ă©tions condamnĂ©s Ă  porter durant toute notre vie le pesant et rĂ©pugnant havresac de ce savoir. Cette prise de conscience peut trĂšs bien entamer notre bonheur, troubler notre sommeil et nos mariages, gĂącher nos promenades quotidiennes et jsuqu'Ă  la grace Ă©phĂ©mĂšre d'une rĂ©alitĂ© implacable. Ce savoir se rĂ©sume toujours dans la duretĂ© de "ce qui est" comparĂ© Ă  "ce qui aurait pu ĂȘtre".
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Jim Harrison (Off to the Side: A Memoir)
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S'il m'arrive de perdre une nuit qui aurait pu ĂȘtre consacrĂ©e au sommeil, au plaisir, ou tout simplement Ă  la solitude, Ă  causer sur la terrasse d'un cafĂ© avec des intellectuels atteints de dĂ©sespoir, je les Ă©tonne toujours en leur affirmant que j'ai connu le bonheur, le vrai, l'authentique, la piĂšce d'or inaltĂ©rable qu'on peut Ă©changer contre une poignĂ©e de gros sous ou contre une liasse de marks d'aprĂšs-guerre, mais qui n'en demeure pas moins semblable Ă  elle-mĂȘme, et qu'aucune dĂ©valuation n'atteint. Le souvenir d'un d'un tel Ă©tat de choses guĂ©rit de la philosophie allemande ; il aide Ă  simplifier la vie, et aussi son contraire. Et si ce bonheur Ă©manait de Conrad, ou seulement de ma jeunesse, c'est ce qui importe peu, puisque ma jeunesse et Conrad sont morts ensemble. (p. 145)
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Marguerite Yourcenar (Alexis ou le Traité du vain combat / Le Coup de grùce)
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L'affaire du couvent des PĂšres Blancs ne fut pas mauvaise. J'aurais pu faire main basse sur bien des choses prĂ©cieuses mais, pour ĂȘtre un indĂ©vot, je ne suis pas un incroyant et l'idĂ©e seule de m'emparer d'objets du culte, mĂȘme s'ils sont d'or et d'argent massifs, m'emplit d'horreur. Les bons moins pleureront leurs palimpsestes, incunables et antiphonaires disparus, mais ils loueront le Seigneur d'avoir dĂ©tournĂ© une main impie de leurs ciboires et de leurs ostensoirs. [...] La vente du buste du dieu Terme m'a rapportĂ© une fortune...oui, une fortune. Le quart m'a suffit pour racheter les parchemins, incunables et antiphonaires dĂ©robĂ©s aux bons PĂšres Blancs. Demain, je leur enverrai leur bien en leur demandant des priĂšres...et non pour moi seul. Mais j'ai gardĂ© le mĂ©moire. Ils me doivent bien cela.
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Jean Ray (Malpertuis: The Classic Modern Gothic Novel)
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Ni l’Inde ni les pythagoriciens n’ont pratiquĂ© la science actuelle, et isoler chez eux les Ă©lĂ©ments de technique rationnelle, qui rappellent notre science, des Ă©lĂ©ments mĂ©taphysiques, qui ne la rappellent point, c’est une opĂ©ration arbitraire et violente, contraire Ă  l’objectivitĂ© vĂ©ritable. Platon ainsi dĂ©cantĂ© n’a plus qu’un intĂ©rĂȘt anecdotique alors que toute sa doctrine est d’installer l’homme dans la vie supratemporelle et supradiscursive de la pensĂ©e, dont les mathĂ©matiques, comme le monde sensible, peuvent ĂȘtre les symboles. Si donc les peuples ont pu se passer de notre science autonome pendant des millĂ©naires et sous tous les climats, c’est que cette science n’est pas nĂ©cessaire; et si elle est apparue comme phĂ©nomĂšne de civilisation brusquement et en un seul lieu, c’est pour rĂ©vĂ©ler son essence contingente.
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Fernand Brunner (Science et réalité)
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Ce qui est tout Ă  fait extraordinaire, c’est la rapiditĂ© avec laquelle la civilisation du Moyen-Âge tomba dans le plus complet oubli ; les hommes du XVIIe siĂšcle n’en avaient plus la moindre notion, et les monuments qui en subsistaient ne reprĂ©sentaient plus rien Ă  leurs yeux, ni dans l’ordre intellectuel, ni mĂȘme dans l’ordre esthĂ©tique ; on peut juger par lĂ  combien la mentalitĂ© avait Ă©tĂ© changĂ©e dans l’intervalle. Nous n’entreprendrons pas de rechercher ici les facteurs, certainement fort complexes, qui concoururent Ă  ce changement, si radical qu’il semble difficile d’admettre qu’il ait pu s’opĂ©rer spontanĂ©ment et sans l’intervention d’une volontĂ© directrice dont la nature exacte demeure forcĂ©ment assez Ă©nigmatique ; il y a, Ă  cet Ă©gard, des circonstances bien Ă©tranges, comme la vulgarisation, Ă  un moment dĂ©terminĂ©, et en les prĂ©sentant comme des dĂ©couvertes nouvelles, de choses qui Ă©taient connues en rĂ©alitĂ© depuis fort longtemps, mais dont la connaissance, en raison de certains inconvĂ©nients qui risquaient d’en dĂ©passer les avantages, n’avait pas Ă©tĂ© rĂ©pandue jusque lĂ  dans le domaine public (1). Il est bien invraisemblable aussi que la lĂ©gende qui fit du moyen Ăąge une Ă©poque de « tĂ©nĂšbres », d’ignorance et de barbarie, ait pris naissance et se soit accrĂ©ditĂ©e d’elle-mĂȘme, et que la vĂ©ritable falsification de l’histoire Ă  laquelle les modernes se sont livrĂ©s ait Ă©tĂ© entreprise sans aucune idĂ©e prĂ©conçue ; mais nous n’irons pas plus avant dans l’examen de cette question, car, de quelque façon que ce travail se soit accompli, c’est, pour le moment, la constatation du rĂ©sultat qui, en somme, nous importe le plus. (1) Nous ne citerons que deux exemples, parmi les faits de ce genre qui devaient avoir les plus graves consĂ©quences : la prĂ©tendue invention de l’imprimerie, que les Chinois connaissaient antĂ©rieurement Ă  l’ùre chrĂ©tienne et la dĂ©couverte « officielle » de l’AmĂ©rique, avec laquelle des communications beaucoup plus suivies qu’on ne le pense avaient existĂ© durant tout le moyen Ăąge.
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René Guénon (The Crisis of the Modern World)
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La Grande Terreur ne fut ni la premiĂšre vague d’arrestations en Union soviĂ©tique, ni la plus grande : les prĂ©cĂ©dents accĂšs de terreur avaient Ă©tĂ© largement dirigĂ©s contre les paysants et les minoritĂ©s ethniques, notamment ceux qui vivaient Ă  proximitĂ© de la frontiĂšre soviĂ©tique. Mais elle fut la premiĂšre Ă  viser la haute direction du Parti, et suscita un profond malaise chez les communistes, au pays comme Ă  l’étranger. Le moment venu, la Grande Terreur aurait pu conduire Ă  une vĂ©ritable dĂ©sillusion. Mais, par un effet du hasard, la Seconde Guerre mondiale sauva le stalinisme – et Staline. MalgrĂ© le chaos et les erreurs, malgrĂ© les morts en masse et l’immensitĂ© des destructions, la victoire conforta la lĂ©gitimitĂ© du sytĂšme et de son dirigeant, en « prouvant » la valeur. Au lendemain de la victoire, le culte quasi religieux de Staline atteignit de nouveaux sommets. La propagande soviĂ©tique dĂ©crivit le leader soviĂ©tique comme « l’incarnation de leur hĂ©roĂŻsme, de leur patriotisme et de leur dĂ©vouement Ă  la Patrie socialiste »
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Anne Applebaum (Iron Curtain: The Crushing of Eastern Europe 1944-1956)
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J'aurais voulu lui dire que je me sentais comme abimĂ©. Que j'existais sans vivre vraiment. Que des fois j'Ă©tais vide et des je fois je bouillonnais a l’intĂ©rieur, que j'Ă©tais sous pression, prĂȘt a Ă©clater. Que je ressentais plusieurs choses a la fois, comment dire? Que ça grouillait de pensĂ©es dans mon cerveau. Qu'il y avait une sorte d'impatience, comme l'envie de passer Ă  autre chose, quelque chose qui serait bien bien mieux que maintenant, sans savoir ce qui allait mal ni ce qui serait mieux. Que j'avais peur de pas y arriver, peur de pas pouvoir tenir jusque lĂ . De ne jamais ĂȘtre assez fort pour survivre Ă  ça, et que quand je disais "ça", je ne savais mĂȘme pas de quoi je parlais. Que j'arrivais pas Ă  gĂ©rer tout ce qu'il y avait dans ma tĂȘte. Que j'avais toujours l'impression d'ĂȘtre en danger, un danger permanent, de tous les cotĂ©s oĂč je regardais, d'ĂȘtre sur le point de me noyer. Comme si Ă  l'intĂ©rieur de moi le niveau montait et que j'allais ĂȘtre submergĂ©. Mais j'ai pas pu lui dire. J'ai dĂ©gluti et j'ai dit ça va aller, merci. C'Ă©tait plus facile.
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Claire-Lise Marguier (Le faire ou mourir)
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Esther n'Ă©tait certainement pas bien Ă©duquĂ©e au sens habituel du terme, jamais l'idĂ©e ne lui serait venue de vider un cendrier ou de dĂ©barrasser le relief de ses repas, et c'est sans la moindre gĂȘne qu'elle laissait la lumiĂšre allumĂ©e derriĂšre elle dans les piĂšces qu'elle venait de quitter (il m'est arrivĂ©, suivant pas Ă  pas son parcours dans ma rĂ©sidence de San Jose, d'avoir Ă  actionner dix-sept commutateurs); il n'Ă©tait pas davantage question de lui demander de penser Ă  faire un achat, de ramener d'un magasin oĂč elle se rendait une course non destinĂ©e Ă  son propre usage, ou plus gĂ©nĂ©ralement de rendre un service quelconque. Comme toutes les trĂšs jolies jeunes filles elle n'Ă©tait au fond bonne qu'Ă  baiser, et il aurait Ă©tĂ© stupide de l'employer Ă  autre chose, de la voir autrement que comme un animal de luxe, en tout choyĂ© et gĂ„tĂ©, protĂ©gĂ© de tout souci comme de toute tĂąche ennuyeuse ou pĂ©nible afin de mieux pouvoir se consacrer Ă  son service exclusivement sexuel. Elle n'en Ă©tait pas moins trĂšs loin d'ĂȘtre ce monstre d'arrogance, d'Ă©goĂŻsme absolu et froid, au, pour parler en termes plus baudelairiens, cette infernale petite salope que sont la plupart des trĂšs jolies jeunes filles; il y avait en elle la conscience de la maladie, de la faiblesse et de la mort. Quoique belle, trĂšs belle, infiniment Ă©rotique et dĂ©sirable, Esther n'en Ă©tait pas moins sensible aux infirmitĂ©s animales, parce qu'elle les connaissait ; c'est ce soir-lĂ  que j'en pris conscience, et que je me mis vĂ©ritablement Ă  l'aimer. Le dĂ©sir physique, si violent soit-il, n'avait jamais suffi chez moi Ă  conduire Ă  l'amour, il n'avait pu atteindre ce stade ultime que lorsqu'il s'accompagnait, par une juxtaposition Ă©trange, d'une compassion pour l'ĂȘtre dĂ©sirĂ© ; tout ĂȘtre vivant, Ă©videmment, mĂ©rite la compassion du simple fait qu'il est en vie et se trouve par lĂ -mĂȘme exposĂ© Ă  des souffrances sans nombre, mais face Ă  un ĂȘtre jeune et en pleine santĂ© c'est une considĂ©ration qui paraĂźt bien thĂ©orique. Par sa maladie de reins, par sa faiblesse physique insoupçonnable mais rĂ©elle, Esther pouvait susciter en moi une compassion non feinte, chaque fois que l'envie me prendrait d'Ă©prouver ce sentiment Ă  son Ă©gard. Étant elle-mĂȘme compatissante, ayant mĂȘme des aspirations occasionnelles Ă  la bontĂ©, elle pouvait Ă©galement susciter en moi l'estime, ce qui parachevait l'Ă©difice, car je n'Ă©tais pas un ĂȘtre de passion, pas essentiellement, et si je pouvais dĂ©sirer quelqu'un de parfaitement mĂ©prisable, s'il m'Ă©tait arrivĂ© Ă  plusieurs reprises de baiser des filles dans l'unique but d'assurer mon emprise sur elles et au fond de les dominer, si j'Ă©tais mĂȘme allĂ© jusqu'Ă  utiliser ce peu louable sentiment dans des sketches, jusqu'Ă  manifester une comprĂ©hension troublante pour ces violeurs qui sacrifient leur victime immĂ©diatement aprĂšs avoir disposĂ© de son corps, j'avais par contre toujours eu besoin d'estimer pour aimer, jamais au fond je ne m'Ă©tais senti parfaitement Ă  l'aise dans une relation sexuelle basĂ©e sur la pure attirance Ă©rotique et l'indiffĂ©rence Ă  l'autre, j'avais toujours eu besoin, pour me sentir sexuellement heureux, d'un minimum - Ă  dĂ©faut d'amour - de sympathie, d'estime, de comprĂ©hension mutuelle; l'humanitĂ© non, je n'y avais pas renoncĂ©. (La possibilitĂ© d'une Ăźle, Daniel 1,15)
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Michel Houellebecq
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Mais maintenant je dirai tout, afin que tu saches qui tu quittes, de quel homme tu te sĂ©pares. Sais-tu comment d’abord je t’ai comprise ? La passion m’a saisi comme le feu, elle s’est infiltrĂ©e dans mon sang comme le poison et a troublĂ© toutes mes pensĂ©es, tous mes sentiments. J’étais enivrĂ©. J’étais comme Ă©tourdi, et Ă  ton amour pur, misĂ©ricordieux, j’ai rĂ©pondu non d’égal Ă  Ă©gal, non comme si j’étais digne de ton amour, mais sans comprendre ni sentir. Je ne t’ai pas comprise. Je t’ai rĂ©pondu comme Ă  la femme qui, Ă  mon point de vue, s’oubliait jusqu’à moi et non comme Ă  celle qui voulait m’élever jusqu’à elle. « Sais-tu de quoi je t’ai soupçonnĂ©e, ce que signifiait, s’oublier jusqu’à moi » ? Mais non, je ne t’offenserai pas par mon aveu. Je te dirai seulement que tu t’es profondĂ©ment trompĂ©e sur moi ! Jamais jamais, je n’aurais pu m’élever jusqu’à toi. Je ne pouvais que te contempler dans ton amour illimitĂ©, une fois que je t’eus comprise. Mais cela n’efface pas ma faute. Ma passion rehaussĂ©e par toi n’était pas l’amour. L’amour, je ne le craignais pas. Je n’osais pas t’aimer. Dans l’amour il y a rĂ©ciprocitĂ©, Ă©galité ; et j’en Ă©tais indigne. Je ne savais pas ce qui Ă©tait en moi !
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Fyodor Dostoevsky (Netochka Nezvanova)
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Comment se fait-il que l'humanitĂ©, en dĂ©pit de ressources planĂ©taires suffisantes et de ses prouesses technologiques sans prĂ©cĂ©dent, ne parvienne pas Ă  faire en sorte que chaque ĂȘtre humain puisse se nourrir, se vĂȘtir, s'abriter, se soigner et dĂ©velopper les potentiels nĂ©cessaires Ă  son accomplissement? Comment se fait-il que la moitiĂ© du genre humain, constituĂ©e par le monde fĂ©minin, soit toujours subordonnĂ©e Ă  l'arbitraire d'un masculin outrancier et violent? Comment se fait-il que le monde animal, Ă  savoir les crĂ©atures compagnes de notre destin et auxquelles nous devons mĂȘme notre propre survie Ă  travers l'histoire, soit ravalĂ© dans notre sociĂ©tĂ© d'hyperconsommation Ă  des masses ou Ă  des fabriques de protĂ©ines. Comment les mammifĂšres bipĂšdes auxquels j'appartiens ont-ils pu se croire le droit d'exercer d’innombrables exactions sur le monde animal, domestique ou sauvage? Comment se fait-il que nous n'ayons pas pris conscience de la valeur inestimable de notre petite planĂšte, seule oasis de vie au sein d'un dĂ©sert sidĂ©ral infini, et que nous ne cessions de la piller, de la polluer, de la dĂ©truire aveuglĂ©ment au lieu d'en prendre soin et d'y construire la paix et la concorde entre les peuples?
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Pierre Rabhi (La part du colibri: L'EspĂšce humaine face Ă  son devenir)
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Quand le soir, aprĂšs avoir conduit ma grand'mĂšre et ĂȘtre restĂ© quelques heures chez son amie, j'eus repris seul le train, du moins je ne trouvai pas pĂ©nible la nuit qui vint ; c'est que je n'avais pas Ă  la passer dans la prison d'une chambre dont l'ensommeillement me tiendrait Ă©veillĂ© ; j'Ă©tais entourĂ© par la calmante activitĂ© de tous ces mouvements du train qui me tenaient compagnie, s'offraient Ă  causer avec moi si je ne trouvais pas le sommeil, me berçaient de leurs bruits que j'accouplais comme le son des cloches Ă  Combray tantĂŽt sur un rythme, tantĂŽt sur un autre (entendant selon ma fantaisie d'abord quatre doubles croches Ă©gales, puis une double croche furieusement prĂ©cipitĂ©e contre une noire) ; ils neutralisaient la force centrifuge de mon insomnie en exerçant sur elle des pressions contraires qui me maintenaient en Ă©quilibre et sur lesquelles mon immobilitĂ© et bientĂŽt mon sommeil se sentirent portĂ©s avec la mĂȘme impression rafraĂźchissante que m'aurait donnĂ©e le repos dĂ» Ă  la vigilance de forces puissantes au sein de la nature et de la vie, si j'avais pu pour un moment m'incarner en quelque poisson qui dort dans la mer, promenĂ© dans son assoupissement par les courants et la vague, ou en quelque aigle Ă©tendu sur le seul appui de la tempĂȘte.
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Marcel Proust (A l'ombre des jeunes filles en fleurs TroisiĂšme partie)
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Il y a quelque chose d’ineffablement touchant dans notre campagne pĂ©tersbourgeoise, quand, au printemps, elle dĂ©ploie soudain toute sa force, s’épanouit, se pare, s’enguirlande de fleurs. Elle me fait songer Ă  ces jeunes filles languissantes, anĂ©miĂ©es, qui n’excitent que la pitiĂ©, parfois l’indiffĂ©rence, et brusquement, du jour au lendemain, deviennent inexprimablement merveilleuses de beautĂ©: vous demeurez stupĂ©faits devant elles, vous demandant quelle puissance a mis ce feu inattendu dans ces yeux tristes et pensifs, qui a colorĂ© d’un sang rose ces joues pĂąles naguĂšre, qui a rĂ©pandu cette passion sur ces traits qui n’avaient pas d’expression, pourquoi s’élĂšvent et s’abaissent si profondĂ©ment ces jeunes seins ? Mon Dieu ! qui a pu donner Ă  la pauvre fille cette force, cette soudaine plĂ©nitude de vie, cette beautĂ© ? Qui a jetĂ© cet Ă©clair dans ce sourire ? Qui donc fait ainsi Ă©tinceler cette gaietĂ© ? Vous regardez autour de vous, vous cherchez quelqu’un, vous devinez... Mais que les heures passent et peut-ĂȘtre demain retrouverezvous le regard triste et pensif d’autrefois, le mĂȘme visage pĂąle, les mĂȘmes allures timides, effacĂ©es : c’est le sceau du chagrin, du repentir, c’est aussi le regret de l’épanouissement Ă©phĂ©mĂšre... et vous dĂ©plorez que cette beautĂ© se soit fanĂ©e si vite : quoi ! vous n’avez pas mĂȘme eu le temps de l’aimer !...
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Fyodor Dostoevsky
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Donner un avis n’est pas compliquĂ©. On peut donner un avis au Maroc. On peut donner un avis sur la monarchie. Et d’ailleurs, on peut le voir, le Maroc applique une relative libertĂ© oĂč tout est accessible en termes de mĂ©dias. Tous les sites internet sont accessibles Ă  partir du Maroc et aucun site n’est bloquĂ©. Il y a peu de pays identiques. Il n’y a pas de sites bloquĂ©s. Vous allez en Turquie, c’est diffĂ©rent. Vous allez en ThaĂŻlande, ce n’est pas la mĂȘme chose. Vous pouvez aller dans beaucoup de pays oĂč j’ai pu voyager, il y a beaucoup de sites, parfois Facebook, parfois Twitter, qui sont soumis Ă  des restrictions. Au Maroc, il y a eu le blocage de la VoIP pour les communications Whatsapp, ça a Ă©tĂ© un scandale et ça a Ă©tĂ© rĂ©tabli. Il y a, surtout sur les rĂ©seaux sociaux et sur internet, une libertĂ© absolue. LibertĂ© ne rime pas avec qualitĂ©. Parce qu’il y a toutes sortes de choses dans cette libertĂ©. Il y a des sites qui sont orduriers. Ce n’est pas non plus la panacĂ©e, la libertĂ© absolue. Encore faut-il qu’il y ait un peu de rĂ©gulation. Il nous manque peut-ĂȘtre au Maroc un peu de rĂ©gulation
 Cela ne signifie pas qu’il faudrait interdire, loin de lĂ , mais peut-ĂȘtre essayer de sĂ©vir aussi et de faire respecter la loi
 Il ne faut pas non plus que ça soit l’anarchie, la diffamation, des maĂźtres chanteurs
 C’est quelque chose qui peut influer nĂ©gativement sur les mĂ©dias marocains qui sont sur le net. Entretien avec SouleĂŻman Bencheikh : « C’est quand mĂȘme mieux ici qu’en Turquie
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SouleĂŻman Bencheikh
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Comment des sociĂ©tĂ©s contemporaines, restĂ©es ignorantes de l'Ă©lectricitĂ© et de la machine Ă  vapeur, n'Ă©voqueraient-elles pas la phase correspondante du dĂ©veloppement de la civilisation occidentale ? Comment ne pas comparer les tribus indigĂšnes, sans Ă©criture et sans mĂ©tallurgie, mais traçant des figures sur les parois rocheuses et fabriquant des outils de pierre, avec les formes archaĂŻques de cette mĂȘme civilisation, dont les vestiges trouvĂ©s dans les grottes de France et d'Espagne attestent la similaritĂ© ? C'est lĂ  surtout que le faux Ă©volutionnisme s'est donnĂ© libre cours. Et pourtant ce jeu sĂ©duisant, auquel nous nous abandonnons presque irrĂ©sistiblement chaque fois que nous en avons l'occasion (le voyageur occidental ne se complaĂźt-il pas Ă  retrouver le "moyen Ăąge" en Orient, le "siĂšcle de Louis XIV" dans le PĂ©kin d'avant la PremiĂšre Guerre mondiale, l'"Ăąge de la pierre" parmi les indigĂšnes d'Australie ou de la Nouvelle-GuinĂ©e ?), est extraordinairement pernicieux. Des civilisations disparues, nous ne connaissons que certains aspects, et ceux-ci sont d'autant moins nombreux que la civilisation considĂ©rĂ©e est plus ancienne, puisque les aspects connus sont ceux-lĂ  seuls qui ont pu survivre aux destructions du temps. Le procĂ©dĂ© consiste donc Ă  prendre la partie pour le tout, Ă  conclure, du fait que certains aspects de deux civilisations (l'une actuelle, l'autre disparue) offrent des ressemblances, Ă  l'analogie de tous les aspects. Or non seulement cette façon de raisonner est logiquement insoutenable, mais dans bon nombre de cas elle est dĂ©mentie par les faits.
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Claude LĂ©vi-Strauss (Race et histoire)
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Un jour, avec des yeux vitreux, ma mĂšre me dit: « Lorsque tu seras dans ton lit, que tu entendras les aboiements des chiens dans la campagne, cache-toi dans ta couverture, ne tourne pas en dĂ©rision ce qu'ils font: ils ont soif insatiable de l'infini, comme toi, comme moi, comme le reste des humains, Ă  la figure pĂąle et longue. MĂȘme, je te permets de te mettre devant la fenĂȘtre pour contempler ce spectacle, qui est assez sublime » Depuis ce temps, je respecte le voeu de la morte. Moi, comme les chiens, j'Ă©prouve le besoin de l'infini... Je ne puis, je ne puis contenter ce besoin! Je suis fils de l'homme et de la femme, d'aprĂšs ce qu'on m'a dit. Ça m'Ă©tonne... je croyais ĂȘtre davantage! Au reste, que m'importe d'oĂč je viens? Moi, si cela avait pu dĂ©pendre de ma volontĂ©, j'aurais voulu ĂȘtre plutĂŽt le fils de la femelle du requin, dont la faim est amie des tempĂȘtes, et du tigre, Ă  la cruautĂ© reconnue: je ne serais pas si mĂ©chant. Vous, qui me regardez, Ă©loignez-vous de moi, car mon haleine exhale un souffle empoisonnĂ©. Nul n'a encore vu les rides vertes de mon front; ni les os en saillie de ma figure maigre, pareils aux arĂȘtes de quelque grand poisson, ou aux rochers couvrant les rivages de la mer, ou aux abruptes montagnes alpestres, que je parcourus souvent, quand j'avais sur ma tĂȘte des cheveux d'une autre couleur. Et, quand je rĂŽde autour des habitations des hommes, pendant les nuits orageuses, les yeux ardents, les cheveux flagellĂ©s par le vent des tempĂȘtes, isolĂ© comme une pierre au milieu du chemin, je couvre ma face flĂ©trie, avec un morceau de velours, noir comme la suie qui remplit l'intĂ©rieur des cheminĂ©es : il ne faut pas que les yeux soient tĂ©moins de la laideur que l'Etre suprĂȘme, avec un sourire de haine puissante, a mise sur moi.
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Comte de Lautréamont (Les Chants de Maldoror)
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Pour quiconque veut examiner les choses avec impartialitĂ©, il est manifeste que les Grecs ont bien vĂ©ritablement, au point de vue intellectuel tout au moins, empruntĂ© presque tout aux Orientaux, ainsi qu’eux-mĂȘmes l’ont avouĂ© assez souvent ; si menteurs qu’ils aient pu ĂȘtre, ils n’ont du moins pas menti sur ce point, et d’ailleurs ils n’y avaient aucun intĂ©rĂȘt, tout au contraire. Leur seule originalitĂ©, disions-nous prĂ©cĂ©demment, rĂ©side dans la façon dont ils ont exposĂ© les choses, suivant une facultĂ© d’adaptation qu’on ne peut leur contester mais qui se trouve nĂ©cessairement limitĂ©e Ă  la mesure de leur comprĂ©hension ; c’est donc lĂ , en somme, une originalitĂ© d’ordre purement dialectique. En effet, les modes de raisonnement, qui dĂ©rivent des modes gĂ©nĂ©raux de la pensĂ©e et servent Ă  les formuler, sont autres chez les Grecs que chez les Orientaux ; il faut toujours y prendre garde lorsqu’on signale certaines analogies, d’ailleurs rĂ©elles, comme celle du syllogisme grec, par exemple, avec ce qu’on a appelĂ© plus ou moins exactement le syllogisme hindou. On ne peut mĂȘme pas dire que le raisonnement grec se distingue par une rigueur particuliĂšre ; il ne semble plus rigoureux que les autres qu’à ceux qui en ont l’habitude exclusive, et cette apparence provient uniquement de ce qu’il se renferme toujours dans un domaine plus restreint, plus limitĂ©, et mieux dĂ©fini par lĂ  mĂȘme. Ce qui est vraiment propre aux Grecs, par contre, mais peu Ă  leur avantage, c’est une certaine subtilitĂ© dialectique dont les dialogues de Platon offrent de nombreux exemples, et oĂč se voit le besoin d’examiner indĂ©finiment une mĂȘme question sous toutes ses faces, en la prenant par les plus petits cĂŽtĂ©s, et pour aboutir Ă  une conclusion plus ou moins insignifiante ; il faut croire que les modernes, en Occident, ne sont pas les premiers Ă  ĂȘtre affligĂ©s de « myopie intellectuelle ».
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René Guénon (Introduction to the Study of the Hindu Doctrines)
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A ce discours, Candide s’évanouit encore; mais revenue Ă  soi, et ayant dit tout ce qu’il devait dire, il s’enquit de la cause et de l’effet, et de la raison suffisante qui avait mis Pangloss dans un si piteux Ă©tat. HĂ©las! dit l’autre, c’est l’amour: l’amour, le consolateur du genre humain, le conservateur de l’univers, l’ñme de tous les ĂȘtres sensibles, le tender amour. HĂ©las! dit Candide, je l’ai connu cet amour, ce souverain des coeurs, cette Ăąme de notre Ăąme, il ne m’a jamais valu qu’un baiser et vingt coups de pied au cul. Comment cette belle cause a-t-elle pu produire en vous un effet si abominable? Pangloss rĂ©pondit en ces termes: O mon cher Candide! vous avez connu Paquette, cette jolie suivante de notre auguste baronne: j’ai goĂ»tĂ© dans ses bras les dĂ©lices du paradis, qui ont produit ces tourments d’enfer dont vous me voyez dĂ©vorĂ©; elle en Ă©tait infectĂ©e, elle en est peut-ĂȘtre morte. Paquette tenait ce present d’un Cordelier trĂšs savant qui avait remontĂ© Ă  la source, car il l’avait eu d’une vieille comtesse, qui l’avait reçu d’un capitaine de cavalerie, qui le devait Ă  une marquise, qui le tenait d’un page, qui l’avait reçu d’un jĂ©suite, qui, Ă©tant novice, l’avait eu en droite ligne d’un des compagnons de Christophe Colomb. Pour moi, je ne le donnerai Ă  personne, car je me meurs. O Pangloss! s’écria Candide, voilĂ  une Ă©trange gĂ©nĂ©alogie! n’est-ce pas le diable qui en fut la souche? Point du tout, rĂ©pliqua ce grand home; c’était une chose indispensable dans le meilleur des mondes, un ingredient nĂ©cessaire; car si Colomb n’avait pas attrapĂ© dans une Ăźle de l'AmĂ©rique cette maladie qui empoisonne la source de la generation, qui souvent meme empĂȘche la generation, et qui est Ă©videmment l’opposĂ© du grand but de la nature, nous n’aurions ni le chocolat ni la cochenille; il faut encore observer que jusqu’aujourd’hui, dans notre continent, cette maladie nous est particuliĂšre, comme la controverse.
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Voltaire (Candide)
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Les brumes s’épaississent sur les cimes du Ć ar. Les versants se dressent face Ă  Emina, implacables dans le jour dĂ©clinant. Les paroles de Feti ricochent en elle, par-dessus la musique qu’il met plus fort dans la voiture. Elles traversent le scherzo du violon dont les volutes tournoient entre eux, alors qu’ils arrivent Ă  Tetovo. Elles dissipent le sourd espoir qui l’a menĂ©e ici, au-delĂ  du dĂ©sir de renouer avec le frĂšre d’Yllka. Elle mesure l’ampleur de son rĂȘve, de ce qu’elle n’a dit Ă  personne lĂ -bas en Allemagne. Ils auraient passĂ© leur bras autour de ses Ă©paules. Ils l’auraient entourĂ©e d’une affection mĂȘlĂ©e de pitié  Oui, dans l’outremer des montagnes, elle croit apercevoir la trace d’Yllka. Les empreintes fines d’un oiseau sur un sentier couvert de sable. Elles conduiraient Ă  une maison de montagne qui sentirait le bois et le foin Ă  la fin de l’étĂ©. Parce qu’Yllka se serait rĂ©fugiĂ©e quelque part ici. Elle y attendrait Emina, sa fille, Alija, son fils, depuis toutes ces annĂ©es. Elle-mĂȘme mue par la conviction que ses enfants finiront par la rejoindre. Car comment pourrait-elle savoir oĂč ils vivent aujourd’hui, si mĂȘme ils vivent encore ? Comment ? Et c’est la raison de son silence. Il ne peut en ĂȘtre autrement. Preuve de vie ou de mort, Emina ne s’en ira pas d’ici sans l’avoir obtenue. « Je peux juste te parler d’elle. Celle qu’elle fut ici. Ma sƓur, ta mĂšre
 » Des mots qui lacĂšrent le ciel trĂšs loin au-dessus d’elle. Feti gare sa voiture le long de la rue bordĂ©e d’immeubles. S’il se trompait
 Si Yllka n’avait pas pu le retrouver lui non plus ? Les feuillages des arbres flamboient sur les trottoirs. Des traĂźnĂ©es couleur de fer assombrissent les nuages au-dessus des immeubles. Ils se creusent d’un vaste cratĂšre noirĂątre. Des choucas Ă©voluent par centaines sur la ville, alors que le soleil descend Ă  l’horizon. Ils s’insinuent dans les invisibles couloirs ouverts par de secrĂštes turbulences. Leur vacarme secoue les airs, assourdit Emina. Elle est sur le point de flancher, rattrapĂ©e par le lieu et les cris des oiseaux.
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Cécile Oumhani (Le café d'Yllka)
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Si l’humanitĂ© s’est Ă©cartĂ©e des conditions initiales dont je parlais, si elle a renoncĂ©, sans le savoir et sans le vouloir, Ă  la stabilitĂ© Ă  laquelle elle pouvait tendre, on pouvait supposer qu’étant arrivĂ©e Ă  un certain niveau, elle s’y serait stabilisĂ©e, comme les abeilles ont pu se stabiliser (elles ont trouvĂ© certains procĂ©dĂ©s de construction, d’accumulation des rĂ©serves), et demeurer en cet Ă©tat indĂ©finiment, comme il semble que les abeilles y soient demeurĂ©es, nous aurions pu arriver Ă  concevoir une humanitĂ© comme une fourmiliĂšre ou une ruche d’abeilles. Pas du tout. Elle n’a cessĂ© de s’écarter de son bien-ĂȘtre, le bien-ĂȘtre n’a pas suffi Ă  l’humanitĂ©. HĂ©las ! dans bien des cas on pourrait se lamenter Ă  ce sujet et pleurer, mais il s’est trouvĂ© toujours que les hommes se soient Ă©cartĂ©s de la norme dĂ©jĂ  Ă©tablie, que des hommes, des penseurs par exemple aient spĂ©culĂ© assez pour trouver que la stabilitĂ© acquise Ă©tait une stabilitĂ© insuffisante, trĂšs insuffisante. C’est pourquoi j’ai pu prononcer dans ma derniĂšre leçon ce mot de l’aventure qui m’a paru rĂ©sumer la vie humaine dans son ensemble. L’aventure... c’est-Ă -dire ce fait qu’il y a eu un changement qui a toujours etendu Ă  repousser, Ă  nier, Ă  ruiner les conditions d’existence, mĂȘme favorables, mĂȘme satisfaisantes pour la majoritĂ© des individus, et qui a tendu Ă  dĂ©truire cet ordre-lĂ , Ă  le renverser. J’avais associĂ© Ă  ce mot-lĂ  le mot le plus connu de progrĂšs, mais je prĂ©fĂšre celui d’aventure, et je vais vous dire pourquoi le terme de progrĂšs, que j’ai essayĂ© de prĂ©ciser en le ramenant Ă  ce qui est observable, progrĂšs que j’ai dĂ©fini par l’accroissement de prĂ©cision dans les mesures marquĂ©es par les dĂ©cimales qu’on peut calculer et observer : progrĂšs dans l’acquisition des moyens d’action, progrĂšs de puissance mĂ©canique, nombre de chevaux-vapeur par tĂȘte Ă  telle Ă©poque, progrĂšs dans les automatismes sociaux, par consĂ©quent progrĂšs qui permet de commander beaucoup plus d’élĂ©ments humains ou matĂ©riels Ă  l’aide d’un plus petit effort, diminution de l’effort Ă  accomplir. Tout ceci est parfaitement observable, ce ne sont pas des chimĂšres. On a ajoutĂ© Ă  cela une vĂ©ritable religion du progrĂšs, qui fait croire que, quoi qu’il en soit aprĂšs bien des aventures, beaucoup d’expĂ©riences, l’humanitĂ© marche toujours vers une amĂ©lioration de son sort.
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Paul Valéry (Cours de poétique (Tome 1) - Le corps et l'esprit (1937-1940) (French Edition))
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en vĂ©ritĂ© il est trĂšs agrĂ©able de se rĂ©unir, de s’asseoir et de bavarder des intĂ©rĂȘts publics. Parfois mĂȘme je suis prĂȘt Ă  chanter de joie, quand je rentre dans la sociĂ©tĂ© et vois des hommes solides, sĂ©rieux, trĂšs bien Ă©levĂ©s, qui se sont rĂ©unis, parlent de quelque chose sans rien perdre de leur dignitĂ©. De quoi parlent-ils ? ça c’est une autre question. J’oublie mĂȘme, parfois, de pĂ©nĂ©trer le sens de la conversation, me contentant du tableau seul. Mais jusqu’ici, je n’ai jamais pu pĂ©nĂ©trer le sens de ce dont s’entretiennent chez nous les gens du monde qui n’appartiennent pas Ă  un certain groupe. Dieu sait ce que c’est. Sans doute quelque chose de charmant, puisque ce sont des gens charmants. Mais tout cela paraĂźt incomprĂ©hensible. On dirait toujours que la conversation vient de commencer ; comme si l’on accordait les instruments. On reste assis pendant deux heures et, tout ce temps, on ne fait que commencer la conversation. Parfois tous ont l’air de parler de choses sĂ©rieuses, de choses qui provoquent la rĂ©flexion. Mais ensuite, quand vous vous demandez de quoi ils ont parlĂ©, vous ĂȘtes incapable de le dire : de gants, d’agriculture, ou de la constance de l’amour fĂ©minin ? De sorte que, parfois, je l’avoue, l’ennui me gagne. On a l’impression de rentrer par une nuit sombre Ă  la maison en regardant tristement de cĂŽtĂ© et d’entendre soudain de la musique. C’est un bal, un vrai bal. Dans les fenĂȘtres brillamment Ă©clairĂ©es passent des ombres ; on entend des murmures de voix, des glissements de pas ; sur le perron se tiennent des agents. Vous passez devant, distrait, Ă©mu ; le dĂ©sir de quelque chose s’est Ă©veillĂ© en vous. Il vous semble avoir entendu le battement de la vie, et, cependant, vous n’emportez avec vous que son pĂąle motif, l’idĂ©e, l’ombre, presque rien. Et l’on passe comme si l’on n’avait pas confiance. On entend autre chose. On entend, Ă  travers les motifs incolores de notre vie courante, un autre motif, pĂ©nĂ©trant et triste, comme dans le bal des Capulet de Berlioz. L’angoisse et le doute rongent votre coeur, comme cette angoisse qui est au fond du motif lent de la triste chanson russe : Écoutez... d’autres sons rĂ©sonnent. Tristesse et orgie dĂ©sespĂ©rĂ©es... Est-ce un brigand qui a entonnĂ©, lĂ -bas, la chanson ? Ou une jeune fille qui pleure Ă  l’heure triste des adieux ? Non ; ce sont les faucheurs qui rentrent de leur travail... Autour sont les forĂȘts et les steppes de Saratov.
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Fyodor Dostoevsky
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On apprit qu’il avait Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©, en dehors de la ville, en proie Ă  un accĂšs de folie furieuse. On l’avait conduit Ă  l’hĂŽpital oĂč il Ă©tait mort deux jours aprĂšs. Une mort pareille Ă©tait la consĂ©quence nĂ©cessaire, naturelle, de toute sa vie. Il devait mourir ainsi, quand tout ce qui le soutenait dans la vie disparaissait d’un coup comme une vision, comme un rĂȘve vide. Il mourut aprĂšs avoir perdu son dernier espoir, aprĂšs avoir eu la vision nette de tout ce qui avait leurrĂ© et soutenu sa vie. La vĂ©ritĂ© l’aveugla de son Ă©clat insoutenabe . et ce qui Ă©tait le mensonge lui apparut tel Ă  lui-mĂȘme. Pendant la derniĂšre heure de sa vie, il avait entendu un gĂ©nie merveilleux qui lui avait contĂ© sa propre existence et l’avait condamnĂ© pour toujours. Avec le dernier son jailli du violon du gĂ©nial S... s’était dĂ©voilĂ© Ă  ses yeux tout le mystĂšre de l’art, et le gĂ©nie, Ă©ternellement jeune, puissant et vrai, l’avait Ă©crasĂ© de sa vĂ©ritĂ©. Il semblait que tout ce qui l’avait tourmentĂ© durant toute sa vie, par des souffrances mystĂ©rieuses, indicibles, tout ce qu’il n’avait vu jusqu’à ce jour que dans un rĂȘve et qu’il fuyait avec horreur et se masquait par le mensonge de toute sa vie, tout ce qu’il pressentait et redoutait, tout cela, tout d’un coup, brillait Ă  ses yeux qui, obstinĂ©ment, ne voulaient par reconnaĂźtre que la lumiĂšre est la lumiĂšre, et que les tĂ©nĂšbres sont les tĂ©nĂšbres. La vĂ©ritĂ© Ă©tait intolĂ©rable pour ces yeux qui voyaient clair pour la premiĂšre fois ; elle l’aveugla et dĂ©truisit sa raison. Elle l’avait frappĂ© brusquement, comme la foudre. Soudain s’était rĂ©alisĂ© ce qu’il avait attendu toute sa vie avec un tremblement de terreur. Il semblait que durant toute sa vie une hache avait Ă©tĂ© suspendue au-dessus de sa tĂȘte ; que toute sa vie il avait attendu Ă  chaque instant, dans des souffrance indicibles, que cette hache le frappĂąt. Enfin elle l’avait frappĂ©. Le coup Ă©tait mortel. Il voulait s’enfuir, mais il ne savait oĂč aller. Le dernier espoir s’était Ă©vanoui, le dernier prĂ©texte anĂ©anti. Celle dont la vie lui avait Ă©tĂ© un fardeau pendant de longues annĂ©es, celle dont la mort, ainsi qu’il le croyait dans son aveuglement, devait amener sa rĂ©surrection Ă  lui, Ă©tait morte. Enfin il Ă©tait seul ; rien ne le gĂȘnait. Il Ă©tait enfin libre ! Pour la derniĂšre fois, dans un accĂšs de dĂ©sespoir, il avait voulu se juger soi-mĂȘme, se condamner impitoyablement comme un juge Ă©quitable ; mais son archet avait faibli et n’avait pu que rĂ©pĂ©ter faiblement la derniĂšre phrase musicale du gĂ©nie. À ce moment, la folie, qui le guettait depuis dix ans, l’avait frappĂ© irrĂ©missiblement
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Fyodor Dostoevsky (Netochka Nezvanova)
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Comme l'impĂŽt est obligatoire pour tous, qu'ils votent ou non, une large proportion de ceux qui votent le font sans aucun doute pour Ă©viter que leur propre argent ne soit utilisĂ© contre eux; alors que, en fait, ils se fussent volontiers abstenus de voter, si par lĂ  ils avaient pu Ă©chapper ne serait-ce qu'Ă  l'impĂŽt, sans parler de toutes les autres usurpations et tyrannies du gouvernement. Prendre le bien d'un homme sans son accord, puis conclure Ă  son consentement parce qu'il tente, en votant, d'empĂȘcher que son bien ne soit utilisĂ© pour lui faire tort, voilĂ  une preuve bien insuffisante de son consentement Ă  soutenir la Constitution. Ce n'est en rĂ©alitĂ© aucunement une preuve. Puisque tous les hommes qui soutiennent la Constitution en votant (pour autant qu'il existe de tels hommes) le font secrĂštement (par scrutin secret), et de maniĂšre Ă  Ă©viter toute responsabilitĂ© personnelle pour l'action de leurs agents ou reprĂ©sentants, on ne saurait dire en droit ou en raison qu'il existe un seul homme qui soutienne la Constitution en votant. Puisque tout vote est secret (par scrutin secret), et puisque tout gouvernement secret est par nĂ©cessitĂ© une association secrĂšte de voleurs, tyrans et assassins, le fait gĂ©nĂ©ral que notre gouvernement, dans la pratique, opĂšre par le moyen d'un tel vote prouve seulement qu'il y a parmi nous une association secrĂšte de voleurs, tyrans et assassins, dont le but est de voler, asservir et -- s'il le faut pour accomplir leurs desseins -- assassiner le reste de la population. Le simple fait qu'une telle association existe ne prouve en rien que "le peuple des Etats-Unis", ni aucun individu parmi ce peuple, soutienne volontairement la Constitution. Les partisans visibles de la Constitution, comme les partisans visibles de la plupart des autres gouvernements, se rangent dans trois catĂ©gories, Ă  savoir: 1. Les scĂ©lĂ©rats, classe nombreuse et active; le gouvernement est pour eux un instrument qu'ils utiliseront pour s'agrandir ou s'enrichir; 2. Les dupes -- vaste catĂ©gorie, sans nul doute, dont chaque membre, parce qu'on lui attribue une voix sur des millions pour dĂ©cider ce qu'il peut faire de sa personne et de ses biens, et parce qu'on l'autorise Ă  avoir, pour voler, asservir et assassiner autrui, cette mĂȘme voix que d'autres ont pour le voler, l'asservir et l'assassiner, est assez sot pour imaginer qu'il est "un homme libre", un "souverain"; assez sot pour imaginer que ce gouvernement est "un gouvernement libre", "un gouvernement de l'Ă©galitĂ© des droits", "le meilleur gouvernement qu'il y ait sur terre", et autres absurditĂ©s de ce genre; 3. Une catĂ©gorie qui a quelque intelligence des vices du gouvernement, mais qui ou bien ne sait comment s'en dĂ©barrasser, ou bien ne choisit pas de sacrifier ses intĂ©rĂȘts privĂ©s au point de se dĂ©vouer sĂ©rieusement et gravement Ă  la tĂąche de promouvoir un changement. Le fait est que le gouvernement, comme un bandit de grand chemin, dit Ă  un individu: "La bourse ou la vie." QuantitĂ© de taxes, ou mĂȘme la plupart, sont payĂ©es sous la contrainte d'une telle menace.
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Lysander Spooner (Outrage À Chefs D'Ă©tat ;Suivi De Le Droit Naturel)
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je lui tendis les trois pommes vertes que je venais de voler dans le verger. Elle les accepta et m'annonça, comme en passant : — Janek a mangĂ© pour moi toute sa collection de timbres-poste. C'est ainsi que mon martyre commença. Au cours des jours qui suivirent, je mangeai pour Valentine plusieurs poignĂ©es de vers de terre, un grand nombre de papillons, un kilo de cerises avec les noyaux, une souris, et, pour finir, je peux dire qu'Ă  neuf ans, c'est-Ă -dire bien plus jeune que Casanova, je pris place parmi les plus grands amants de tous les temps, en accomplissant une prouesse amoureuse que personne, Ă  ma connaissance, n'est jamais venu Ă©galer. Je mangeai pour ma bien-aimĂ©e un soulier en caoutchouc. Ici, je dois ouvrir une parenthĂšse. Je sais bien que, lorsqu'il s'agit de leurs exploits amoureux, les hommes ne sont que trop portĂ©s Ă  la vantardise. A les entendre, leurs prouesses viriles ne connaissent pas de limite, et ils ne vous font grĂące d'aucun dĂ©tail. Je ne demande donc Ă  personne de me croire lorsque j'affirme que, pour ma bien-aimĂ©e, je consommai encore un Ă©ventail japonais, dix mĂštres de fil de coton, un kilo de noyaux de cerises — Valentine me mĂąchait, pour ainsi dire, la besogne, en mangeant la chair et en me tendant les noyaux — et trois poissons rouges, que nous Ă©tions allĂ©s pĂȘcher dans l'aquarium de son professeur de musique. Dieu sait ce que les femmes m'ont fait avaler dans ma vie, mais je n'ai jamais connu une nature aussi insatiable. C'Ă©tait une Messaline doublĂ©e d'une ThĂ©odora de Byzance. AprĂšs cette expĂ©rience, on peut dire que je connaissais tout de l'amour. Mon Ă©ducation Ă©tait faite. Je n'ai fait, depuis, que continuer sur ma lancĂ©e. Mon adorable Messaline n'avait que huit ans, mais son exigence physique dĂ©passait tout ce qu'il me fut donnĂ© de connaĂźtre au cours de mon existence. Elle courait devant moi, dans la cour, me dĂ©signait du doigt tantĂŽt un tas de feuilles, tantĂŽt du sable, ou un vieux bouchon, et je m'exĂ©cutais sans murmurer. Encore bougrement heureux d'avoir pu ĂȘtre utile. A un moment, elle s'Ă©tait mise Ă  cueillir un bouquet de marguerites, que je voyais grandir dans sa main avec apprĂ©hension — mais je mangeai les marguerites aussi, sous son oeil attentif — elle savait dĂ©jĂ  que les hommes essayent toujours de tricher, dans ces jeux-lĂ  — oĂč je cherchais en vain une lueur d'admiration. Sans une marque d'estime ou de gratitude, elle repartit en sautillant, pour revenir, au bout d'un moment, avec quelques escargots qu'elle me tendit dans le creux de la main. Je mangeai humblement les escargots, coquille et tout. A cette Ă©poque, on n'apprenait encore rien aux enfants sur le mystĂšre des sexes et j'Ă©tais convaincu que c'Ă©tait ainsi qu'on faisait l'amour. J'avais probablement raison. Le plus triste Ă©tait que je n'arrivais pas Ă  l'impressionner. J'avais Ă  peine fini les escargots qu'elle m'annonçait nĂ©gligemment : — Josek a mangĂ© dix araignĂ©es pour moi et il s'est arrĂȘtĂ© seulement parce que maman nous a appelĂ©s pour le thĂ©. Je frĂ©mis. Pendant que j'avais le dos tournĂ©, elle me trompait avec mon meilleur ami. Mais j'avalai cela aussi. Je commençais Ă  avoir l'habitude. (La promesse de l'aube, ch.XI)
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Romain Gary (Promise at Dawn)
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Canon 21. « Si quelqu’un dit que le juste ait le pouvoir de persĂ©vĂ©rer sans un secours spĂ©cial de Dieu, ou qu’il ne le puisse avec ce secours : qu’il soit anathĂšme. » Canon 25. « Si quelqu’un dit que le juste pĂšche en toute bonne Ɠuvre vĂ©niellement, ou, ce qui est plus insupportable, mortellement, et qu’il mĂ©rite la peine Ă©ternelle, mais qu’il n’est pas damnĂ©, par cette seule raison que Dieu ne lui impute pas ses Ɠuvres Ă  damnation : qu’il soit anathĂšme. » Par oĂč l’on voit, non-seulement que ces paroles, que « les commandemens ne sont pas impossibles aux justes, » sont restreintes Ă  cette condition, quand ils sont secourus par la grĂące ; mais qu’elles n’ont que la mĂȘme force que celles-ci, que « les justes ne pĂšchent pas en toutes leurs actions ; » et enfin tant s’en faut que le pouvoir prochain soit Ă©tendu Ă  tous les justes, qu’il est dĂ©fendu de l’attribuer Ă  ceux qui ne sont pas secourus de ce secours spĂ©cial, qui n’est pas commun Ă  tous, comme il a Ă©tĂ© expliquĂ©. Concluons donc que tous les PĂšres ne tiennent pas un autre langage. Saint Augustin et les PĂšres qui l’ont suivi, n’ont jamais parlĂ© des commandemens, qu’en disant qu’ils ne sont pas impossibles Ă  la charitĂ©, et qu’ils ne nous sont faits que pour nous faire sentir le besoin que nous avons de la charitĂ©, qui seule les accomplit. « Dieu, juste et bon, n’a pu commander des choses impossibles ; ce qui nous avertit de faire ce qui est facile, et de demander ce qui est difficile. » (Aug., De nat. et grat., cap. LXIX.) « Car toutes choses sont faciles Ă  la charitĂ©. » (De perfect. justit., cap. x.) Et ailleurs : « Qui ne sait que ce qui se fait par amour n’est pas difficile? Ceux-lĂ  ressentent de la peine Ă  accomplir les prĂ©ceptes, qui s’efforcent de les observer par la crainte ; mais la parfaite charitĂ© chasse la crainte, et rend le joug du prĂ©cepte doux ; et, bien loin d’accabler par son poids, elle soulĂšve comme si elle nous donnoit des ailes. » Cette charitĂ© ne vient pas de notre libre arbitre (si la grĂące de JĂ©sus-Christ ne nous secourt), parce qu’elle est infuse et mise dans nos cƓurs, non par nous-mĂȘmes, mais par le Saint-Esprit. Et l’Écriture nous avertit que les prĂ©ceptes ne sont pas difficiles, par cette seule raison, qui est que l’ñme qui les ressent pesans, entende qu’elle n’a pas encore reçu les forces par lesquelles ils lui sont doux et lĂ©gers. « Quand il nous est commandĂ© de vouloir, notre devoir nous est marqué ; mais parce que nous ne pouvons pas l’avoir de nous-mĂȘmes, nous sommes avertis Ă  qui nous devons le demander ; mais toutefois nous ne pouvons pas faire cette demande, si Dieu n’opĂšre en nous de le vouloir. » (Fulg., lib. II, De verit. praedest., cap. iv.) « Les prĂ©ceptes ne nous sont donnĂ©s que par cette seule raison, qui est de nous faire rechercher le secours de celui qui nous commande, » etc. (Prosper, Epist. ad Demetriad.) « Les pĂ©lagiens s’imaginent dire quelque chose d’important, quand ils disent que Dieu ne commanderoit pas ce qu’il saurait que l’homme ne pourroit faire. Qui ne sait cela? Mais il commande des choses que nous ne pouvons pas, afin que nous connoissions Ă  qui nous devons le demander. » (Aug., De nat. et grat., cap. xv et xvi.) « O homme! reconnois dans le prĂ©cepte ce que tu dois ; dans la correction, que c’est par ton vice que tu ne le fais pas ; et dans la priĂšre, d’oĂč tu peux en avoir le pouvoir! (Aug., De corrept., cap. ni.) Car la loi commande, afin que l’homme, sentant qu’il manque de force pour l’accomplir, ne s’enfle pas de superbe, mais Ă©tant fatiguĂ©, recoure Ă  la grĂące, et qu’ainsi la loi l’épouvantant le mĂšne Ă  l’amour de JĂ©sus-Christ » (Aug., De perfect. respons. et ratiocin. xj., cap.
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Blaise Pascal (Blaise Pascal - Oeuvres ComplÚtes LCI/40 (25 titres - Annoté, Illustré))