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Oublier les morts, c'Ă©tait un peu comme les tuer une seconde fois.
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Christelle Dabos (Les Fiancés de l'hiver (La Passe-Miroir, #1))
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J'ai eu du mal Ă te laisser partir,
et aujourd'hui, penser Ă toi me fait souffrir.
Je ne suis pas comme toi,
je ne peux pas tout oublier et recommencer une nouvelle fois.
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Mouloud Benzadi
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I was the lucky one because I was protected by my youth. Je pouvais oublier. I still had the luxury of forgetting. He did not.
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Khaled Hosseini (And the Mountains Echoed)
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Le seul fait de rĂȘver est dĂ©jĂ trĂšs important,
Je vous souhaite des rĂȘves Ă nâen plus finir,
Et lâenvie furieuse dâen rĂ©aliser quelques- uns,
Je vous souhaite dâaimer ce quâil faut aimer,
Je vous souhaite dâoublier ce quâil faut oublier,
Je vous souhaite des chants dâoiseaux au rĂ©veil,
Je vous souhaite des rires dâenfants,
Je vous souhaite des silences,
Je vous souhaite de rĂ©sister Ă lâenlisement,
Ă lâindiffĂ©rence, aux vertus nĂ©gatives de notre Ă©poque.
Je vous souhaite surtout dâĂȘtre vous.
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Jacques Brel
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Les gens, au fond, admirent les fous. Oui, les gens admirent la folie. On finit toujours par oublier. On oublie la boucherie, on oublie la barbarie et on admire la folie.
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Michel Bussi (Les Nymphéas noirs)
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Je passe mes jours et mes nuits à tenter d'oublier Claire. C'est un travail à plein temps. Le matin, en me réveillant, je sais que telle sera ma seule occupation jusqu'au soir. J'ai un nouveau métier: oublieur de Claire. L'autre jour, à déjeuner, Jean Marie Périer m'a asséné :
-Quand tu sais pourquoi tu aimes quelqu'un , c'est que tu ne l'aimes pas.
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FrĂ©dĂ©ric Beigbeder (L'ĂgoĂŻste romantique)
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C'est triste d'oublier un ami.
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Antoine de Saint-Exupéry (Le Petit Prince)
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Adieu, dit-ilâŠ
- Adieu, dit le renard. Voici mon secret. Il est trĂšs simple : on ne voit bien quâavec le coeur. Lâessentiel est invisible pour les yeux.
- Lâessentiel est invisible pour les yeux, rĂ©pĂ©ta le petit prince, afin de se souvenir.
- Câest le temps que tu a perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.
- Câest le temps que jâai perdu pour ma rose⊠fit le petit prince, afin de se souvenir.
- Les hommes ont oubliĂ© cette vĂ©ritĂ©, dit le renard. Mais tu ne dois pas lâoublier. Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisĂ©. Tu es responsable de ta roseâŠ
- Je suis responsable de ma rose⊠répéta le petit prince, afin de se souvenir.
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Antoine de Saint-Exupéry (The Little Prince)
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Rien n'imprime si vivement quelque chose à notre souvenance que le désir de l'oublier.
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Michel de Montaigne
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J'ai un problĂšme avec la logique. Je n'ai jamais compris comment on pouvait dire une chose et son contraire. Jurer qu'on aime quelqu'un et le blesser, avoir un ami et l'oublier, se dire de la mĂȘme famille et s'ignorer comme des Ă©trangers, revendiquer des grands principes et ne pas les pratiquer, affirmer qu'on croit en Dieu et agir comme s'il n'existait pas, se prendre pour un hĂ©ros quand on se comporte comme un salaud. (p.173)
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Jean-Michel Guenassia (Le Club des incorrigibles optimistes)
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C'est triste d'oublier un ami. Tout le monde n'a pas eu un ami.
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Antoine de Saint-Exupéry (Le Petit Prince: [French Edition])
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Voyager, c'est vivre dans toute la plénitude du mot; c'est oublier le passé et l'avenir pour le présent; c'est respirer à pleine poitrine, jouir de tout, s'emparer de la création comme d'une chose qui est sienne, c'est chercher dans la terre des mines d'or que personne n'a fouillées, dans l'air des merveilles que personne n'a vues, c'est passer aprÚs la foule et ramasser sous l'herbe les perles et les diamants qu'elle a pris, ignorante et insoucieuse qu'elle est, pour des flocons de neige et des gouttes de rosée.
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Alexandre Dumas
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Je voulais vous faire sourire, et mes larmes ont coulé. Je voulais vous faire oublier, et la mort m'a rattrapé. Je voulais vous offrir ce que vous m'avez donné. On ne sait jamais n'est-ce pas ? Il se peut qu'un bien soit notre mal, et qu'un mal soit notre bien. Sait-on jamais ? Je vous offre donc ce sourire, louange à l'Unique de toutes les façons, et que la Paix vous accompagne, et Sa lumiÚre, et Sa chaleur.
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Tariq Ramadan
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Croire quâil lui appartient de dĂ©passer sa condition et de sâorienter vers celle de surhomme, câest oublier quâil a du mal Ă tenir le coup en tant quâhomme, et quâil nây parvient quâĂ force de tendre sa volontĂ©, son ressort, au maximum.
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Emil M. Cioran (The Fall into Time)
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J'aurais préféré tourner la page. Tu ne décides pas d'aimer ou d'oublier. C'est une idée qui ne t'abandonne jamais.
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Jean-Michel Guenassia (Le Club des incorrigibles optimistes)
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A qui Ă©cris-tu?
-A toi. En fait, je ne t'Ă©cris pas vraiment, j'Ă©cris ce que j'ai envie de faire avec toi...
Il y avait des feuilles partout. Autour d'elle, Ă ses pieds, sur le lit. J'en ai pris une au hasard:
"...Pique-niquer, faire la sieste au bord d'une riviĂšre, manger des pĂȘches, des crevettes, des croissants, du riz gluant, nager, danser, m'acheter des chaussures, de la lingerie, du parfum, lire le journal, lĂ©cher les vitrines, prendre le mĂ©tro, surveiller l'heure, te pousser quand tu prends toute la place, Ă©tendre le linge, aller Ă l'OpĂ©ra, faire des barbecues, rĂąler parce que tu as oubliĂ© le charbon, me laver les dents en mĂȘme temps que toi, t'acheter des caleçons, tondre la pelouse, lire le journal par-dessus ton Ă©paule, t'empĂȘcher de manger trop de cacahuĂštes, visiter les caves de la Loire, et celles de la Hunter Valley, faire l'idiote, jacasser, cueillir des mĂ»res, cuisiner, jardiner, te rĂ©veiller encore parce que tu ronfles, aller au zoo, aux puces, Ă Paris, Ă Londres, te chanter des chansons, arrĂȘter de fumer, te demander de me couper les ongles, acheter de la vaisselle, des bĂȘtises, des choses qui ne servent Ă rien, manger des glaces, regarder les gens, te battre aux Ă©checs, Ă©couter du jazz, du reggae, danser le mambo et le cha-cha-cha, m'ennuyer, faire des caprices, bouder, rire, t'entortiller autour de mon petit doigt, chercher une maison avec vue sur les vaches, remplir d'indĂ©cents Caddie, repeindre un plafond, coudre des rideaux, rester des heures Ă table Ă discuter avec des gens intĂ©ressants, te tenir par la barbichette, te couper les cheveux, enlever les mauvaises herbes, laver la voiture, voir la mer, t'appeler encore, te dire des mots crus, apprendre Ă tricoter, te tricoter une Ă©charpe, dĂ©faire cette horreur, recueillir des chats, des chiens, des perroquets, des Ă©lĂ©phants, louer des bicyclettes, ne pas s'en servir, rester dans un hamac, boire des margaritas Ă l'ombre, tricher, apprendre Ă me servir d'un fer Ă repasser, jeter le fer Ă repasser par la fenĂȘtre, chanter sous la pluie, fuire les touristes, m'enivrer, te dire toute la vĂ©ritĂ©, me souvenir que toute vĂ©ritĂ© n'est pas bonne Ă dire, t'Ă©couter, te donner la main, rĂ©cupĂ©rer mon fer Ă repasser, Ă©couter les paroles des chansons, mettre le rĂ©veil, oublier nos valises, m'arrĂȘter de courir, descendre les poubelles, te demander si tu m'aimes toujours, discuter avec la voisine, te raconter mon enfance, faire des mouillettes, des Ă©tiquettes pour les pots de confiture..."
Et ça continuais comme ça pendant des pages et des pages...
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Anna Gavalda (Someone I Loved (Je l'aimais))
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En effet, si les premiers amours paraissent, en gĂ©nĂ©ral, plus honnĂȘtes, et comme on dit plus purs ; s'ils sont au moins plus lents dans leur marche, ce n'est pas, comme on le pense, dĂ©licatesse ou timiditĂ©, c'est que le cĆur, Ă©tonnĂ© par un sentiment inconnu, s'arrĂȘte pour ainsi dire Ă chaque pas, pour jouir du charme qu'il Ă©prouve, et que ce charme est si puissant sur un cĆur neuf, qu'il l'occupe au point de lui faire oublier tout autre plaisir.
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Pierre Choderlos de Laclos (Les Liaisons dangereuses)
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Le nombre de mauvais romans ne doit pas faire oublier la grandeur des meilleurs.
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Albert Camus (The Myth of Sisyphus)
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Certains se battent pour ne pas oublier, d'autres plus nombreux, pour ne pas ĂȘtre oubliĂ©s.
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Anne Vergne (Egaré dans la Via Veneto (French Edition))
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Comment oublier le monde? Peut-on chercher le bonheur quand tout parle de destruction? Le monde est jaloux, il vient vous prendre, il vient vous retrouver lĂ oĂč vous ĂȘtes, au fond d'un ravin, il fait entendre sa rumeur de peur et de haine, il mĂȘle sa violence Ă tout ce qui vous entoure, il transforme la lumiĂšre, la mer, le vent, mĂȘme les cris des oiseaux. Le monde est dans votre coeur alors, sa douleur vous rĂ©veille de votre rĂȘve et vous dĂ©couvrez que la terre mĂȘme oĂč vous avez voulu crĂ©er votre royaume vous expulse et vous jette Ă la mer.
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J.M.G. Le Clézio
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dans toute manifestation extĂ©rieure de douleur, il y a presque toujours une certaine dose dâeffet thĂ©Ăątral : lâhomme mĂȘme le plus sincĂšrement attristĂ© ne peut oublier que les autres le regardent.
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Aleksey Apukhtin (Entre la mort et la vie : suivi de Les Archives de la comtesse D*** & Le Journal de Pavlik Dolsky)
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Je détestais lui faire du mal. La plupart du temps, je parvenais à oublier cette inéluctable vérité : certes, mes parents étaient heureux de m'avoir auprÚs d'eux, mais j'étais aussi à moi seule leur souffrance.
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John Green (The Fault in Our Stars)
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Elle aimait la vie, il aimait la mort,
Il aimait la mort, et ses sombres promesses,
Avenir incertain d'un garçon en détresse,
Il voulait mourir, laisser partir sa peine,
Oublier tous ces jours Ă la mĂȘme rengaine...
Elle aimait la vie, heureuse d'exister,
Voulait aider les gens et puis grandir en paix,
C'Ă©tait un don du ciel, toujours souriante,
Fleurs et nature, qu'il pleuve ou qu'il vente.
Mais un beau jour, la chute commença,
Ils tombĂšrent amoureux, mauvais choix,
Elle aimait la vie et il aimait la mort,
Qui d'entre les deux allait ĂȘtre plus fort?
Ils s'aimaient tellement, ils auraient tout sacrifié,
Amis et famille, capables de tout renier,
Tout donner pour s'aimer, tel Ă©tait leur or,
Mais elle aimait la vie et il aimait la mort...
Si différents et pourtant plus proches que tout,
Se comprenant pour protéger un amour fou,
L'un ne rĂȘvait que de mourir et de s'envoler,
L'autre d'une vie avec lui, loin des atrocités...
Fin de l'histoire : obligés de se séparer,
Ils s'étaient promis leur éternelle fidélité.
Aujourd'hui, le garçon torturé vit pour elle,
Puisque la fille, pour lui, a rendu ses ailes...
Il aimait la mort, elle aimait la vie,
Il vivait pour elle, elle est morte pour lui »
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William Shakespeare
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ah ! tu m'as appris Ă comprendre bien des choses ! le visage d'une jeune fille, d'une femme, est forcĂ©ment pour un homme un objet extrĂȘmement variable ; le plus souvent, il n'est qu'un miroir, oĂč se reflĂšte tantĂŽt une passion, tantĂŽt un enfantillage, tantĂŽt une lassitude, et il s'efface si vite, comme une image dans une glace, qu'un homme peut sans difficultĂ© oublier le visage d'une femme, d'autant mieux que l'Ăąge y fait alterner l'ombre et la lumiĂšre et que des costumes nouveaux l'encadrent diffĂ©remment.
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Stefan Zweig (Letter from an Unknown Woman and Other Stories)
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Et combien faut-il de ces petites garces pour faire 2,5kg à votre avis? Je vais vous le dire : il en faut 300, c'est-à -dire, une fois coupées, 600 morceaux baignant dans leur jus, des pépins à Îter 600 fois à la pointe du couteau, avec l'inquiétude d'en oublier.
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Julian Barnes (The Pedant in the Kitchen)
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Oui, moi aussi, je m'Ă©tais souvent demandĂ©: comment font les gents? Et Ă vrai dire, si ces questions Ă©taient modifiĂ©es, elles n'avaient jamais cessĂ©: comment font les gents, pour Ă©crire, aimer, dormir d'une seule traite, varier les menus de leurs enfants, les laisser grandir, les laisser partir sans s'accrocher Ă eux, aller une fois par an chez le dentiste, faire du sport, rester fidĂšle, ne pas recommencer Ă fumer, lire des livres + des bandes dessinĂ©es + des magazines + un quotidien, ne pas ĂȘtre totalement dĂ©passĂ© en matiĂšre de musique, apprendre Ă respirer, ne pas s'exposer au soleil sans protection, faire leurs courses une seule fois par semaine sans rien oublier?
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Delphine de Vigan (D'aprĂšs une histoire vraie)
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Vouloir oublier quelqu'un , c'est y penser
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Jean de La BruyĂšre
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Faire rire, c'est faire oublier.
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Victor Hugo (The Man Who Laughs)
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Tu as remarquĂ© comme on oublie vite les vivants et comme les morts ne se laissent jamais oublier ? MoralitĂ©, si tu veux accĂ©der Ă lâĂ©ternitĂ©, mieux vaut commencer par mourir.
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SolĂšne Bakowski (Un sac)
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- Alors il n'y a pas que moi qui perd la mémoire, le pays tout entier est en train d'oublier son passé!
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Khaled Osman (Le Caire Ă corps perdu)
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Ne jamais oublier d'aimer exagérément : c'est la seule bonne mesure.
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Christiane Singer
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Oublier que la terre est la seule garantie de notre vie et de notre survie condamne tous nos efforts et toutes nos prouesses technologiques Ă nâavoir aucun lendemain.
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Pierre Rabhi (La part du colibri: L'EspĂšce humaine face Ă son devenir)
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Ah c'est que tu as vingt ans, toi, et que tu peux oublier le passé, j'en ai cinquante, et je suis bien forcé de m'en souvenir
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Alexandre Dumas (The Count of Monte Cristo)
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Le manque peut ĂȘtre une chose terrible quand il nous tient Ă©veillĂ© la nuit, et voir les autres nous oublier plus vite quâon ne voudrait ĂȘtre oubliĂ© nâest pas mieuxâŠ
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André Aciman (Call Me By Your Name (Call Me By Your Name, #1))
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J'arrivais presque à oublier la caverne qui s'était creusée à l'intérieur de mon corps.
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Haruki Murakami (Norwegian Wood)
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Tu sais ce qu'il dit, mon papa? Il dit que, tant que le vent souffle, il faut se rappeler qu'il y a quelqu'un quelque part qui nous aime et qu'il ne faut pas l'oublier.
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Ătienne Poirier (Qu'est-ce qui fait courir Mamadi ?)
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Mais un bon baiser a cet effet : permettre Ă une fille de sâoublier un instant.
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Ali Hazelwood (The Love Hypothesis)
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Puisses-tu ne jamais oublier que je crois en toi.
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David Foenkinos (Charlotte)
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Oui, la beauté ne saurait jamais nous faire oublier notre condition tragique. Il y a une beauté proprement humaine, ce feu d'esprit qui brûle, s'il brûle, au-delà du tragique.
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François Cheng (Cinq méditations sur la beauté)
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La grande défaite, en tout, c'est d'oublier, et surtout ce qui vous a fait crever.
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Louis-Ferdinand CĂ©line (Journey to the End of the Night)
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Frida est trop intense parfois, impossible Ă son contact d'oublier que l'on va tous mourir et que notre passage ici est une sorte de violence magique, futile, essentielle et grotesque
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Claire Berest (Rien n'est noir)
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Là , enfin, tous furent heureux, unis dans le présent comme ils l'avaient été dans le passé; mais jamais ils ne devaient oublier cette ßle, sur laquelle ils étaient arrivés, pauvres et nus, cette ßle qui, pendant quatre ans, avait suffi à leurs besoins, et dont il ne restait plus qu'un morceau de granit battu par les lames du Pacifique, tombe de celui qui fut le capitaine Nemo!
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Jules Verne (L'Ăle mystĂ©rieuse)
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Accepter que tel ou tel ĂȘtre, que nous aimions, soit mort. Accepter que tel et tel, vivants, aient eu leurs faiblesses, leurs bassesses, leurs erreurs, que nous essayons vainement de recourvrir de pieux mensonges, un peu par respect et par pitiĂ© pour eux, beaucoup par pitiĂ© pour nous-mĂȘmes, et pour la vaine gloire dâavoir aimĂ© seulement la perfection, lâintelligence ou la beautĂ©. Accepter quâils soient morts avant leur temps, parce quâil nây a pas de temps. Accepter de les oublier, puisque lâoubli fait partie de lâordre des choses. Accepter de sâen souvenir, puisquâen secret la mĂ©moire se cĂąche au fond de lâoubli. Accepter mĂȘme, mais en se promettant de faire mieux la prochaine fois, et Ă la prochaine rencontre, de les avoir maladroitement ou mĂ©diocrement aimĂ©s.
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Marguerite Yourcenar (Pellegrina e straniera)
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De grands pans du monde ressemblaient à une mélodie que l'on croit ne pouvoir oublier, hors de laquelle cependant l'on glisse, désormais contraint de la rechercher sans relùche et douloureusement .
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Hermann Broch
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Je cherchais une Ăąme qui et me ressemblĂąt, et je ne pouvais pas la trouver. Je fouillais tous les recoins de la terre; ma persĂ©vĂ©rance Ă©tait inutile. Cependant, je ne pouvais pas rester seul. Il fallait quelquâun qui approuvĂąt mon caractĂšre; il fallait quelquâun qui eĂ»t les mĂȘmes idĂ©es que moi. CâĂ©tait le matin; le soleil se leva Ă lâhorizon, dans toute sa magnificence, et voilĂ quâĂ mes yeux se lĂšve aussi un jeune homme, dont la prĂ©sence engendrait les fleurs sur son passage. Il sâapprocha de moi, et, me tendant la main: "Je suis venu vers toi, toi, qui me cherches. BĂ©nissons ce jour heureux." Mais, moi: "Va-tâen; je ne tâai pas appelĂ©: je nâai pas besoin de ton amitiĂ©."
CâĂ©tait le soir; la nuit commençait Ă Ă©tendre la noirceur de son voile sur la nature. Une belle femme, que je ne faisais que distinguer, Ă©tendait aussi sur moi son influence enchanteresse, et me regardait avec compassion; cependant, elle nâosait me parler. Je dis: "Approche-toi de moi, afin que je distingue nettement les traits de ton visage; car, la lumiĂšre des Ă©toiles nâest pas assez forte, pour les Ă©clairer Ă cette distance." Alors, avec une dĂ©marche modeste, et les yeux baissĂ©s, elle foula lâherbe du gazon, en se dirigeant de mon cĂŽtĂ©. DĂšs que je la vis: "Je vois que la bontĂ© et la justice ont fait rĂ©sidence dans ton coeur: nous ne pourrions pas vivre ensemble. Maintenant, tu admires ma beautĂ©, qui a bouleversĂ© plus dâune; mais, tĂŽt ou tard, tu te repentirais de mâavoir consacrĂ© ton amour; car, tu ne connais pas mon Ăąme. Non que je te sois jamais infidĂšle: celle qui se livre Ă moi avec tant dâabandon et de confiance, avec autant de confiance et dâabandon, je me livre Ă elle; mais, mets-le dans ta tĂȘte, pour ne jamais lâoublier: les loups et les agneaux ne se regardent pas avec des yeux doux."
Que me fallait-il donc, Ă moi, qui rejetais, avec tant de dĂ©goĂ»t, ce quâil y avait de plus beau dans lâhumanitĂ©!
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Comte de Lautréamont (Les Chants de Maldoror)
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On sait pas comment faire pour jamais oublier
parce que j'pense que le vrai problÚme c'est ça
c'est pas qu'on s'aime pus
c'est qu'on oublie
pis qu'on a pas appris comment faire vieillir la maniĂšre de se dire qu'on s'aime.
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Steve Gagnon (Ventre)
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Antonio José Bolivar Îta son dentier, le rangea dans son mouchoir et sans cesser de maudire le gringo, responsable de la tragédie, le maire, les chercheurs d'or, tous ceux qui souillaient la virginité de son Amazonie, il coupa une grosse branche d'un coup de machette, s'y appuya, et prit la direction d'El Idilio, de sa cabane et ses romans qui parlaient d'amour avec des mots si beaux que, parfois, ils lui faisaient oublier la barbarie des hommes.
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Luis SepĂșlveda (The Old Man Who Read Love Stories)
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MĂȘme les pires souvenirs finissent par s'oublier, si on en empile d'autres par-dessus, beaucoup d'autres. MĂȘme ceux qui vous ont cisaillĂ© le coeur, ceux qui vous ont rayĂ© le cerveau, mĂȘme les plus intimes. Surtout les plus intimes.
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Michel Bussi (Le temps est assassin)
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Et j'ai pleuré devant la joie bleue du monde. Pendant deux heures je n'ai vu que le bleu. L'Atlantique et son ciel. Et puis mes larmes qui coloraient le paysage, Comment oublier le bleu du ciel ? Comment oublier la coagulation de l'azur ?
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Catherine Mavrikakis
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Jâaurai cette femme; je lâenlĂšverai au mari qui la profane; jâoserai la ravir au Dieu mĂȘme quâelle adore. Quel dĂ©lice dâĂȘtre tour Ă tour lâobjet et le vainqueur de ses remords! Loin de moi lâidĂ©e de dĂ©truire les prĂ©jugĂ©s qui lâaffligent! ils ajouteront Ă mon bonheur et Ă ma gloire. Quâelle croie Ă la vertu, mais quâelle me la sacrifie; que ses fautes lâĂ©pouvantent sans pouvoir lâarrĂȘter, et quâagitĂ©e de mille terreurs elle ne puisse les oublier, les vaincre que dans mes bras.
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Pierre Choderlos de Laclos (Les Liaisons Dangereuses)
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Je vais tâenseigner Ă aimer la mort. Je vais te faire oublier le chagrin, la culpabilitĂ© et lâapitoiement, et tâinculquer la haine, la ruse, la fourberie, et lâesprit de vengeance. Je vais accomplir ma derniĂšre mission ici, Benjamin Thomas Parish.
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Rick Yancey (La 5e vague (La 5e vague, #1))
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Nous devons devenir capables d'Ă©changer nos mĂ©moires nationales ou ethniques et dâexercer les uns Ă lâĂ©gard des autres Ă la fois la volontĂ© de ne pas oublier et celle de pardonner, câest-Ă -dire de libĂ©rer la mĂ©moire des autres de sa charge de culpabilitĂ©
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Paul RicĆur (Philosophie, Ă©thique et politique. Entretiens et dialogues (COULEUR IDEES) (French Edition))
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Tu n'auras peut-ĂȘtre plus jamais l'occasion d'aller Ă l'Ă©cole, et que tu aimes ou pas les matiĂšres qu'on y enseigne, tu dois tout absorber sans en laisser une goutte. Tu dois ĂȘtre un vĂ©ritable buvard. Par la suite, tu feras le tri entre ce qu'il faut garder et ce que tu peux oublier.
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Haruki Murakami (Kafka on the Shore)
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Pour liquider un peuple, on commence par lui enlever la mĂ©moire. On dĂ©truit ses livres, sa culture, son histoire. Puis quelquâun dâautre lui Ă©crit dâautres livres, lui donne une autre culture, lui invente une autre histoire. Ensuite, le peuple commence Ă oublier ce quâil est, et ce quâil Ă©tait.
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Léonora Miano (Rouge impératrice)
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Nous passons notre temps à oublier, à oublier que nous vivons sur un planÚte limitée à laquelle nous appliquons un principe illimité, ce qui accélÚre le processus d'épuisement des ressources et d'accroissement des inégalités structurelles, source de mécontentements, de frustrations et de conflits.
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Pierre Rabhi (La part du colibri: L'EspĂšce humaine face Ă son devenir)
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Ceux qui ne pourront pas assumer leur propre diversitĂ© se retrouveront parfois parmi les plus virulents des tueurs identitaires, s'acharnant sur ceux qui reprĂ©sentent cette part d'eux-mĂȘmes qu'ils voudraient faire oublier. Une "haine de soi" dont on a vu de nombreux exemples Ă travers l'Histoire...
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Amin Maalouf (ۧÙÙÙÙۧŰȘ ۧÙÙۧŰȘÙŰ©)
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La rĂ©volution n'a pas de coeur, non. C'est une pute Ă la jupe fendue qui se fait attendre pendant des siĂšcles et qui vous plante lĂ , au moment oĂč vous ommenciez Ă ĂȘtre excitĂ©. Une pute Ă la jupe fendue, et perverse au point de vous laisser voir tous ses appĂąts, pour que jamais plus vous ne puissiez les oublier.
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François Gravel
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J'ai fermĂ© les yeux, et j'ai mis les mains dessus, et j'ai tĂąchĂ© d'oublier, d'oublier le prĂ©sent dans le passĂ©. Tandis que je rĂȘve, les souvenirs de mon enfance et de ma jeunesse me reviennent un Ă un, doux, calmes, riants, comme des Ăźles de fleurs sur ce gouffre de pensĂ©es noires et confuses qui tourbillonnent dans mon cerveau.
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Victor Hugo (Le Dernier Jour D'un Condamné ; Claude Gueux)
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Au moment oĂč je commençais Ă oublier, l'oiseau sinistre est venu battre des ailes autour de moi et il a donnĂ© du bec dans la plaie de la blessure des souvenirs. Subitement la honte du passer, la mĂ©moire de mes fautes ont surgi devant mes yeux. En proie Ă une frayeur qui me donnait envie de crier, je ne pouvais plus rester en place.
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Osamu Dazai (No Longer Human)
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Je me mis dĂšs lors Ă lire avec aviditĂ© et bientĂŽt la lecture fut ma passion. Tous mes nouveaux besoins, toutes mes aspirations rĂ©centes, tous les Ă©lans encore vagues de mon adolescence qui sâĂ©levaient dans mon Ăąme dâune façon si troublante et qui Ă©taient provoquĂ©s par mon dĂ©veloppement si prĂ©coce, tout cela, soudainement, se prĂ©cipita dans une direction, parut se satisfaire complĂštement de ce nouvel aliment et trouver lĂ son cours rĂ©gulier. BientĂŽt mon cĆur et ma tĂȘte se trouvĂšrent si charmĂ©s, bientĂŽt ma fantaisie se dĂ©veloppa si largement, que jâavais lâair dâoublier tout ce qui mâavait entourĂ©e jusquâalors. Il semblait que le sort lui mĂȘme mâarrĂȘtĂąt sur le seuil de la nouvelle vie dans laquelle je me jetais, Ă laquelle je pensais jour et nuit, et, avant de mâabandonner sur la route immense, me faisait gravir une hauteur dâoĂč je pouvais contempler lâavenir dans un merveilleux panorama, sous une perspective brillante, ensorcelante. Je me voyais destinĂ©e Ă vivre tout cet avenir en lâapprenant dâabord par les livres ; de vivre dans les rĂȘves, les espoirs, la douce Ă©motion de mon esprit juvĂ©nile. Je commençai mes lectures sans aucun choix, par le premier livre qui me tomba sous la main. Mais, le destin veillait sur moi. Ce que jâavais appris et vĂ©cu jusquâĂ ce jour Ă©tait si noble, si austĂšre, quâune page impure ou mauvaise nâeĂ»t pu dĂ©sormais me sĂ©duire. Mon instinct dâenfant, ma prĂ©cocitĂ©, tout mon passĂ© veillaient sur moi ; et maintenant ma conscience mâĂ©clairait toute ma vie passĂ©e.
En effet, presque chacune des pages que je lisais mâĂ©tait dĂ©jĂ connue, semblait dĂ©jĂ vĂ©cue, comme si toutes ces passions, toute cette vie qui se dressaient devant moi sous des formes inattendues, en des tableaux merveilleux, je les avais dĂ©jĂ Ă©prouvĂ©es.
Et comment pouvais-je ne pas ĂȘtre entraĂźnĂ©e jusquâĂ lâoubli du prĂ©sent, jusquâĂ lâoubli de la rĂ©alitĂ©, quand, devant moi dans chaque livre que je lisais, se dressaient les lois dâune mĂȘme destinĂ©e, le mĂȘme esprit dâaventure qui rĂšgnent sur la vie de lâhomme, mais qui dĂ©coulent de la loi fondamentale de la vie humaine et sont la condition de son salut et de son bonheur ! Câest cette loi que je soupçonnais, que je tĂąchais de deviner par toutes mes forces, par tous mes instincts, puis presque par un sentiment de sauvegarde. On avait lâair de me prĂ©venir, comme sâil y avait en mon Ăąme quelque chose de prophĂ©tique, et chaque jour lâespoir grandissait, tandis quâen mĂȘme temps croissait de plus en plus mon dĂ©sir de me jeter dans cet avenir, dans cette vie. Mais, comme je lâai dĂ©jĂ dit, ma fantaisie lâemportait sur mon impatience, et, en vĂ©ritĂ©, je nâĂ©tais trĂšs hardie quâen rĂȘve ; dans la rĂ©alitĂ©, je demeurais instinctivement timide devant lâavenir.
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Fyodor Dostoevsky (Netochka Nezvanova)
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Mais comment? Comment fais-tu pour surmonter ça, mon chéri? lui avait-elle demandé. Tu as enduré tellement d'épreuves, mais tu es toujours content. Comment fais-tu?
-J'ai choisi de l'ĂȘtre, avait-il rĂ©pondu. Je peux laisser ruiner mon passĂ©, consacrer mon temps Ă haĂŻr les gens pourc e qu'ils m'ont fait, comme mon pĂšre l'a fait, ou je peux pardonner et oublier.
-Mais ce n'est pas si facile."
Il avait sourit, de son sourire de Franck.
"Oui, mais, Trésor, c'est tellement moins fatigant; Il suffit de pardonner une fois. Tandis que la rancune, il faut l'entretenir à longueur de journée, et recommencer tous les jours. Il faudrait que je fasse une liste pour m'assurer que je hais bien tous ceux qui m'ont causé du tort. Non, avait-il ajouté, on a tous la possibilité de pardonner.
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M.L. Stedman (The Light Between Oceans)
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« Je ne veux pas oublier dâajouter que RenĂ© GuĂ©non mâa Ă©galement rĂ©vĂ©lĂ© un certain rĂŽle subtil qu'il a jouĂ© dans la carriĂšre de Frithjof Schuon et il a conclu : "Vous voyez que dans tout cela je pourrais bien dire, sans exagĂ©ration, que sans moi il nây aurait jamais eu de Sh. A. ! [AĂŻssa, Schuon]".»
Michel Vùlsan, lettre à Vasile Lovinescu, 17 décembre 1950 (traduite du roumain en français).
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Michel VĂąlsan
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Moi je vole, je plane, tandis qu'il y a pleins de gens qui sont morts de l'interieur. [âŠ] L'argent qu'ils gagnent, ils le dĂ©pensent dans une tĂ©lĂ©vision neuve, alors que l'ancienne marche encore, dans une nouvelle voiture, parce que la prĂ©cĂ©dente est trop vielle, ou dans des vacances pour se distraire et oublier cet affreux boulot qu'ils sont obligĂ©s de faire parce qu'ils ont besoin de cet argentâŠ
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Melvin Burgess
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Si je savais quelque chose qui me fĂ»t utile, et qui fĂ»t prĂ©judiciable Ă ma famille, je la rejetterais de mon esprit. Si je savais quelque chose utile Ă ma famille et qui ne le fĂ»t pas Ă ma patrie, je chercherais Ă lâoublier. Si je savais quelque chose utile Ă ma patrie et qui fĂ»t prĂ©judiciable au genre humain, je la regarderais comme un crime car je suis nĂ©cessairement homme et français que par hasard.
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Montesquieu (Cahiers : 1716-1755 (Littérature) (French Edition))
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Je me suis figurĂ© quâune femme devait faire plus de cas de son Ăąme que de son corps, contre lâusage gĂ©nĂ©ral qui veut quâelle permette quâon lâaime avant dâavouer quâelle aime, et quâelle abandonne ainsi le trĂ©sor de son coeur avant de consentir Ă la plus lĂ©gĂšre prise sur celui de sa beautĂ©. Jâai voulu, oui, voulu absolument tenter de renverser cette marche uniforme ; la nouveautĂ© est ma rage. Ma fantaisie et ma paresse, les seuls dieux dont jâaie jamais encensĂ© les autels, mâont vainement laissĂ© parcourir le monde, poursuivi par ce bizarre dessein ; rien ne sâoffrait Ă moi. Peut-ĂȘtre je mâexplique mal. Jâai eu la singuliĂšre idĂ©e dâĂȘtre lâĂ©poux dâune femme avant dâĂȘtre son amant. Jâai voulu voir si rĂ©ellement il existait une Ăąme assez orgueilleuse pour demeurer fermĂ©e lorsque les bras sont ouverts, et livrer la bouche Ă des baisers muets ; vous concevez que je ne craignais que de trouver cette force Ă la froideur. Dans toutes les contrĂ©es quâaime le soleil, jâai cherchĂ© les traits les plus capables de rĂ©vĂ©ler quâune Ăąme ardente y Ă©tait enfermĂ©e : jâai cherchĂ© la beautĂ© dans tout son Ă©clat, cet amour quâun regard fait naĂźtre ; jâai dĂ©sirĂ© un visage assez beau pour me faire oublier quâil Ă©tait moins beau que lâĂȘtre invisible qui lâanime ; insensible Ă tout, jâai rĂ©sistĂ© Ă tout,... exceptĂ© Ă une femme, â Ă vous, Laurette, qui mâapprenez que je me suis un peu mĂ©pris dans mes idĂ©es orgueilleuses ; Ă vous, devant qui je ne voulais soulever le masque qui couvre ici-bas les hommes quâaprĂšs ĂȘtre devenu votre Ă©poux. â Vous me lâavez arrachĂ©, je vous supplie de me pardonner, si jâai pu vous offenser.
( Le prince )
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Alfred de Musset (La nuit vénitienne)
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â Vous apprendrez que le temps guĂ©rit bien des blessuresâŠ
â Le temps donne du recul, câest tout. Il aide Ă oublier, seulement je nâoublierai jamais ce qui sâest passĂ©, alors comment voulez-vous quâil me guĂ©risse ?
â Bien sĂ»r que vous nâallez pas oublier lâaccident, il fait partie de votre parcours. Mais je peux vous affirmer ceci : ça ira mieux. Ce revers vous paraĂźt insurmontable actuellement, car vous ĂȘtes jeune.
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Nina de Pass (The Year After You)
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Le but de la fĂȘte est de nous faire oublier que nous sommes solitaires, misĂ©rables et promis Ă la mort. Autrement dit, de nous transformer en animaux. C'est pourquoi le primitif a un sens de la fĂȘte trĂšs dĂ©veloppĂ©. Une bonne flambĂ©e de plantes hallucinogĂšnes, trois tambourins, et le tour est jouĂ© : un rien l'amuse. Ă lâopposĂ©, l'Occidental moyen n'aboutit Ă une extase insuffisante qu'Ă l'issue de raves interminables dont il ressort sourd et droguĂ© : il n'a pas du tout le sens de la fĂȘte. ProfondĂ©ment conscient de lui-mĂȘme, radicalement Ă©tranger aux autres, terrorisĂ© par lâidĂ©e de la mort, il est bien incapable dâaccĂ©der Ă une quelconque fusion. Cependant, il s'obstine. La perte de sa condition animale l'attriste, il en conçoit honte et dĂ©pit ; il aimerait ĂȘtre un fĂȘtard, ou du moins passer pour tel. Il est dans une sale situation.
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Michel Houellebecq (Interventions 2020)
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Elle passa la main sur son front, sâobligeant Ă respirer avec lenteur pour chasser le cauchemar qui pulsait encore dans chacune des fibres de son corps. Elle se leva sans bruit.
â Que tâarrive-t-il ? murmura Salim prĂšs dâelle.
â Un mauvais rĂȘve. Je vais marcher un peu. Pour oublier...
â Je viens.
Ce nâĂ©tait pas une question ni mĂȘme une proposition. Aussi silencieux lâun que lâautre, ils sâĂ©loignĂšrent du tas de cendres qui rougeoyait toujours. Ils nâavaient pas fait trois pas que la voix dâEdwin sâĂ©leva. Parfaitement Ă©veillĂ©e.
â Ne dĂ©passez pas la limite des arbres.
Puis celle dâEllana. Gouailleuse.
â Ni les autres.
Salim nâeut pas le temps de trouver une rĂ©plique.
â Les limites exister pour ĂȘtre dĂ©passĂ©es !
â Et si vous fichiez la paix Ă ces jeunes gens ?
Chiam et Erylis ! Son cauchemar eût-il été moins prégnant, Ewilan aurait éclaté de rire.
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Pierre Bottero (L'Ćil d'Otolep (Les Mondes d'Ewilan, #2))
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Il est un cĂŽtĂ© de la « culture bourgeoise » qui en dĂ©voile toute la petitesse, c'est son aspect de « roulement » conventionnel, de manque d'imagination, bref d'inconscience et de vanitĂ© : on ne se demande pas un instant « Ă quoi bon tout cela » ; aucun auteur ne se demande s'il vaut la peine d'Ă©crire une nouvelle histoire aprĂšs tant d'autres histoires ; on semble en Ă©crire simplement parce que d'autres en ont Ă©crit, et parce qu'on ne voit pas pourquoi on ne le ferait pas et pourquoi on ne gagnerait pas une gloire que d'autres ont gagnĂ©e. C'est un perpetuum mobile que rien ne peut arrĂȘter, sauf une catastrophe ou, moins tragiquement, la disparition progressive des lecteurs ; sans public point de cĂ©lĂ©britĂ©, nous l'avons dit plus haut. Et ceci est arrivĂ© dans une certaine mesure : on ne lit plus d'anciens auteurs dont le prestige paraissait assurĂ© ; le grand public a d'autres besoins, d'autres ressources et d'autres distractions, fussent-elle des plus basses. La culture c'est, de plus en plus, l'absence de culture : la manie de se couper de ses racines et d'oublier d'oĂč l'on vient.
Une des raisons subjectives de ce que nous pouvons appeler le « roulement culturel » est que l'homme n'aime pas se perdre tout seul, qu'il aime par consĂ©quent trouver des complices pour une perdition commune ; c'est ce que fait la culture profane, inconsciemment ou consciemment, mais non innocemment car l'homme porte au fond de lui-mĂȘme l'instinct de sa raison d'ĂȘtre et de sa vocation. On a souvent reprochĂ© aux civilisations orientales leur stĂ©rilitĂ© culturelle, c'est-Ă -dire le fait qu'elles ne comportent pas un fleuve habituel de production littĂ©raire, artistique et philosophique ; nous croyons pouvoir nous dispenser Ă prĂ©sent de la peine d'en expliquer les raisons.
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Frithjof Schuon (To Have a Center (Library of Traditional Wisdom))
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Plus tard, j'Ă©crirai sur le manque. Sur la privation insupportable de l'autre. Sur le dĂ©nuement provoquĂ© par cette privation  ; une pauvretĂ© qui s'abat. J'Ă©crirai sur la tristesse qui ronge, la folie qui menace. Cela deviendra la matrice de mes livres, presque malgrĂ© moi. Je me demande quelquefois si j'ai mĂȘme jamais Ă©crit sur autre chose. Comme si je ne m'Ă©tais jamais remis de ça  : l'autre devenu inaccessible. Comme si ça occupait tout l'espace mental.
La mort de beaucoup de mes amis, dans le plus jeune Ăąge, aggravera ce travers, cette douleur. Leur disparition prĂ©maturĂ©e me plongera dans des abĂźmes de chagrin et de perplexitĂ©. Je devrai apprendre Ă leur survivre. Et l'Ă©criture peut ĂȘtre un bon moyen pour survivre. Et pour ne pas oublier les disparus. Pour continuer le dialogue avec eux. Mais le manque prend probablement sa source dans cette premiĂšre dĂ©fection, dans une imbĂ©cile brĂ»lure amoureuse.
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Philippe Besson (" ArrĂȘte avec tes mensonges ")
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Vieux bureaucrate, mon camarade ici prĂ©sent, nul jamais ne t'a fait Ă©vader et tu n'en es point responsable. Tu as construit ta paix Ă force d'aveugler de ciment, comme le font les termites, toutes les Ă©chappĂ©es vers la lumiĂšre. Tu t'es roulĂ© en boule dans ta sĂ©curitĂ© bourgeoise, tes routines, les rites Ă©touffants de ta vie provinciale, tu as Ă©levĂ© cet humble rempart contre les vents et les marĂ©es et les Ă©toiles. Tu ne veux point t'inquiĂ©ter des grands problĂšmes, tu as eu bien assez de mal Ă oublier ta condition d'homme. Tu n'es point l'habitant d'une planĂšte errante, tu ne te poses point de questions sans rĂ©ponse : tu es un petit bourgeois de Toulouse. Nul ne t'a saisi par les Ă©paules quand il Ă©tait temps encore. Maintenant, la glaise dont tu es formĂ© a sĂ©chĂ©, et s'est durcie, et nul en toi ne saurait dĂ©sormais rĂ©veiller le musicien endormi ou le poĂšte, ou l'astronome qui peut-ĂȘtre t'habitait d'abord.
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Antoine de Saint-Exupéry (Wind, Sand and Stars)
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Ma surprise fut Ă son comble, pourtant, quand je dĂ©couvris quâil ignorait la thĂ©orie de Copernic et la composition du systĂšme solaire. Quâun ĂȘtre humain civilisĂ©, au dix-neuviĂšme siĂšcle, ne sĂ»t pas que la terre tournĂąt autour du soleil me parut ĂȘtre une chose si extraordinaire que je pouvais Ă peine le croire. â Vous paraissez Ă©tonnĂ©, me dit-il, en soupirant de ma stupĂ©faction. Mais, maintenant que je le sais, je ferai de mon mieux pour lâoublier. â Pour lâoublier !
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Arthur Conan Doyle (Sherlock Holmes : L'Edition Complete)
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Place Saint-Sulpice, la main dans la main de ma tante Marguerite qui ne savait pas trÚs bien me parler, je me suis demandé soudain: "Comment me voit-elle?" et j'éprouvai un sentiment aigu de supériorité : car je connaissais mon for intérieur, et elle l'ignorait; trompée par les apparences, elle ne doutait pas, voyant mon corps inachevé, qu'au-dedans de moi rien ne manquait; je me promis, lorsque je serais grande, de ne pas oublier qu'on est à cinq ans un individu complet.
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Simone de Beauvoir (Memoirs of a Dutiful Daughter)
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Frida est trop intense parfois, impossible Ă son contact d'oublier que l'on va tous mourir et que notre passage ici est une sorte de violence magique, futile, essentielle et grotesque, interdit d'oublier que nous sommes tous reins et peau d'inconsolables incendies, c'est trop de tension, il est sorti ce soir, il a besoin d'ĂȘtre seul parfois, souvent. Mais une vie sans elle serait une pĂąle Ă©toile. Une longue et more promenade bordĂ©e de rĂ©verbĂšres perpĂ©tuellement allumĂ©s.
Il s'effondre de chagrin.
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Claire Berest (Rien n'est noir)
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Accordons-lui une plus grande capacitĂ© Ă comprendre et Ă parler le patois jamaĂŻquain, une tolĂ©rance accrue pour la flamme vive du rhum blanc, et davantage de respect pour les difficultĂ©s qu'on rencontre lorsqu'on veut comprendre quelqu'un d'une autre culture, d'une autre race, d'une autre gĂ©ographie, d'une autre Ă©conomie et d'une autre langue - et cela mĂȘme alors que je me familiarisais tous les jours davantage avec les subtilitĂ©s de cette culture, de cette race, de cette gĂ©ographie, de cette Ă©conomie et de cette langue. J'ai appris le nom des arbres, des fleurs et des aliments qui m'entouraient ; j'ai appris Ă jouer aux dominos avec autant de fĂ©rocitĂ© qu'un JamaĂŻquain, et j'ai mĂȘme appris Ă parler assez bien avec des JamaĂŻquaines pour qu'elles puissent oublier pendant de longs moments l'extraordinaire avantage financier que je reprĂ©sentais pour elles, et qu'il leur arrive briĂšvement d'arrĂȘter de me raconter uniquement ce qu'elles croyaient que je voulais entendre. Ce qui ne veut pas dire que je comprenais alors ce qu'elles me disaient. (p.47)
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Russell Banks (Book of Jamaica)
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Ensuite, la peur se tourne vers votre corps, qui sent dĂ©jĂ que quelque chose de terrible et de mauvais est entrain de survenir. DĂ©jĂ , votre souffle s'est envolĂ© comme un oiseau et votre cran a fui en rampant comme un serpent. Maintenant, vous avez la langue qui s'affale comme un opossum, tandis que votre mĂąchoire commence Ă galoper sur place. Vos oreilles n'entendent plus. Vos muscles se mettent Ă trembler comme si vous aviez la malaria et vos genoux Ă frĂ©mir comme si vous dansiez. Votre coeur pompe follement, tandis que votre sphincter se relĂąche. Il en va ainsi de tout le reste de votre corps. Chaque partie de vous, Ă sa maniĂšre, perd ses moyens. Il n'y a que vos yeux Ă bien fonctionner. Ils prĂȘtent toujours pleine attention Ă la peur.
Vous prenez rapidement des dĂ©cisions irrĂ©flĂ©chies. Vous abandonnez vos derniers alliĂ©s: l'espoir et la confiance. VoilĂ que vous vous ĂȘtes dĂ©fait vous-mĂȘme. La peur, qui n'est qu'une impression, a triomphĂ© de vous.
Cette expĂ©rience est difficile Ă exprimer. Car la peur, la vĂ©ritable peur, celle qui vous Ă©branle jusqu'au plus profond de vous, celle que vous ressentez au moment oĂč vous ĂȘtes face Ă votre destin final, se blottit insidieusement dans votre mĂ©moire, comme une gangrĂšne: elle cherche Ă tout pourrir, mĂȘme les mots pour parler d'elle. Vous devez donc vous battre trĂšs fort pour l'appeler par son nom. Il faut que vous luttiez durement pour braquer la lumiĂšre des mots sur elle. Car si vous ne le faites pas, si la peur devient une noirceur indicible que vous Ă©vitez, que vous parvenez peut-ĂȘtre mĂȘme Ă oublier, vous vous exposez Ă d'autres attaques de peur parce que vous n'aurez jamais vraiment bataillĂ© contre l'ennemi qui vous a dĂ©fait.
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Yann Martel (Life of Pi)
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« Dans nos Ă©coles on nous enseigne le doute et lâart dâoublier. Avant tout lâoubli de ce qui est personnel et localisĂ©. »
« â Personne ne peut lire deux mille livres. Depuis quatre siĂšcles que je vis je nâai pas dĂ» en lire plus dâune demi-douzaine. Dâailleurs ce qui importe ce nâest pas de lire mais de relire. Lâimprimerie, maintenant abolie, a Ă©tĂ© lâun des pires flĂ©aux de lâhumanitĂ©, car elle a tendu Ă multiplier jusquâau vertige des textes inutiles.
â De mon temps Ă moi, hier encore, rĂ©pondis-je, triomphait la superstition que du jour au lendemain il se passait des Ă©vĂ©nements quâon aurait eu honte dâignorer. »
« â Ă cent ans, lâĂȘtre humain peut se passer de lâamour et de lâamitiĂ©. Les maux et la mort involontaire ne sont plus une menace pour lui. Il pratique un art quelconque, il sâadonne Ă la philosophie, aux mathĂ©matiques ou bien il joue aux Ă©checs en solitaire. Quand il le veut, il se tue. MaĂźtre de sa vie, lâhomme lâest aussi de sa mort[30].
â Il sâagit dâune citation ? lui demandai-je.
â Certainement. Il ne nous reste plus que des citations. Le langage est un systĂšme de citations. »
Extrait de: Borges,J.L. « Le livre de sable. » / Utopie dâun homme qui est fatiguĂ©
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Jorge Luis Borges (The Book of Sand and Shakespeare's Memory)
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Tout Ă©tait possible aprĂšs tout, dans une soirĂ©e si peu protocolaire, n'importe quel imprĂ©vu romanesque, totalement Ă©tranger au monde oĂč elle vivait. Qu'y avait-il, dans le secret de cette valse, qui l'attirait ainsi vers l'intĂ©rieur de la maison? qu'allait)il arriver maintenant, au cours de ces heures indĂ©cises? Quelqu'un peut-ĂȘtre? Une invitĂ©e inattendue, une crĂ©ature irrĂ©elle, d'une essence si rare qu'elle ne pouvait qu'Ă©blouir, une jeune fille au rayonnement intact, qui d'un seul regard vers Gatsby, un regard neuf, en un bref instant d'affrontement magique, lui ferait oublier cinq ans d'absolue dĂ©votion.
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F. Scott Fitzgerald (The Great Gatsby)
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FRENCH original
Il y a trois sortes de violence. La premiĂšre, mĂšre de toutes les autres, est la violence institutionnelle, celle qui lĂ©galise et perpĂ©tue les dominations, les oppressions et les exploitations, celle qui Ă©crase et lamine des millions dâHommes dans ses rouages silencieux et bien huilĂ©s.
La seconde est la violence rĂ©volutionnaire, qui naĂźt de la volontĂ© dâabolir la premiĂšre.
La troisiĂšme est la violence rĂ©pressive, qui a pour objet dâĂ©touffer la seconde en se faisant lâauxiliaire et la complice de la premiĂšre violence, celle qui engendre toutes les autres.
Il nây a pas de pire hypocrisie de nâappeler violence que la seconde, en feignant dâoublier la premiĂšre, qui la fait naĂźtre, et la troisiĂšme qui la tue.
ENGLISH translation
There are three kinds of violence. The first, mother of all the others, is institutional violence. It legalises and perpetuates domination, oppression, and exploitation. It crushes and eliminates millions of people in its silent and well-oiled cogs.
The second is revolutionary violence, which is born of the will to abolish the first.
The third is repressive violence, which stifles the second, by making itself the helper and accomplice of the first violence- the one that causes all the others.
There is no worse hypocrisy than only calling the second 'violence', while pretending to forget the first one, that gives it life, and the third, that kills it.
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HĂ©lder CĂąmara (Spiral of Violence)
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Il avait pris le temps de lâanalyser sous tous les angles et il aurait pu la reconnaĂźtre parmi des milliers de personnes. Il ne pouvait pas nier quâil la trouvait intrigante⊠Et il nâĂ©tait pas du genre Ă refouler ses fantasmes. Il savait que Lee le dĂ©testait, mais lui, il ne lâavait pas oubliĂ©e. Comment pourrait-il lâoublierâŻ? Depuis le tournoi, il nâavait jamais oubliĂ© la flamme quâil avait vue dans ses yeux au moment de sa dĂ©faite. Il lâavait Ă©crasĂ©e et il nâĂ©prouvait pas une once de culpabilité⊠Elle le mĂ©ritait, ce nâĂ©tait quâune petite vantarde. Ce dĂ©sir quâil Ă©prouvait pour elle aurait dĂ» se dissiper depuis autant dâannĂ©es, et pourtant, il brĂ»lait toujours en lui. Il Ă©tait mĂȘme devenu plus intense, plus fou. Il se rĂ©jouissait de pouvoir la traquer, il adorait jouer.
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Myosotis (Vices et Maléfices (Sexe, Secrets & SortilÚges #1))
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Je m'efforce de ressaisir un instant des boucles de fumĂ©e, les bulles d'air irisĂ©es d'un jeu d'enfant. Mais il est facile d'oublier... Tant de choses ont passĂ© depuis ces lĂ©gĂšres amours que j'en mĂ©connais sans doute la saveur ; il me plaĂźt surtout de nier qu'elles m'aient jamais fait souffrir. Et pourtant, parmi ces maĂźtresses, il en est une au moins que j'ai dĂ©licieusement aimĂ©e. Elle Ă©tait Ă la fois plus fine et plus ferme, plus tendre et plus dure que les autres : ce mince torse rond faisait penser Ă un roseau. J'ai toujours goĂ»tĂ© la beautĂ© des chevelures, cette partie soyeuse et ondoyante d'un corps, mais les chevelures de la plupart de nos femmes sont des tours, des labyrinthes, des barques, ou des noeuds de vipĂšres. La sienne consentait Ă ĂȘtre ce que j'aime qu'elles soient : la grappe de raisin des vendanges, ou l'aile.
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Marguerite Yourcenar (Memoirs of Hadrian)
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Mon ami, vous m'avez facilement appris Ă ne vivre que pour vous ; apprenez-moi maintenant Ă vivre loin de vous... Non, ce n'est pas lĂ ce que je veux dire, c'est plutĂŽt que, loin de vous, je voudrais ne point vivre, ou au moins oublier mon existence. AbandonnĂ©e Ă moi-mĂȘme, je ne puis supporter ni mon bonheur, ni ma peine; je sens le besoin du repos, et tout repos m'est impossible; j'ai vainement appelĂ© le sommeil, le sommeil a fui de moi; je ne puis ni m'occuper ni rester oisive; tour-Ă -tour un feu brĂ»lant me dĂ©vore, un frisson mortel m'anĂ©antit: tout mouvement me fatigue et je ne saurais rester en place. Enfin ! que dirai-je ? je souffrirais moins dans l'ardeur de la plus violente fiĂšvre, et, sans que je puisse ni l'expliquer ni le concevoir, je sens trĂšs bien pourtant que cet Ă©tat de souffrance ne vient que de mon impuissance Ă contenir ou diriger une foule de sentiments au charme desquels cependant je me trouverais heureuse de pouvoir livrer mon Ăąme toute entiĂšre.
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Laclos Pierre Choderlos De (Les Liaisons dangereuses)
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Ellana.
Le prénom voletait au-dessus d'elle.
Sans qu'elle parvienne Ă lâattraper.
Sans qu'il sâĂ©loigne tout Ă fait.
Ellana.
Comment s'appelait-elle avant ? Pourquoi son passé lui était-il devenu étranger ? Qui était-elle désormais ?
Ellana.
Elle ferma les yeux, tentant d'oublier l'odeur rance qui flottait dans la grande salle.
Ellana.
Les enfants étaient partis. Rentrés chez eux puisque tous avaient un chez eux.
"Ă demain, Ellana."
Ellana.
Elle avait résisté à l'envie de courir vers le large, vers la MÚre Nature qui la guidait autrefois. Ne pas se retourner, aller de l'avant. Toujours. Elle s'était arrangé un coin dans la grande salle déserte, s'était allongée.
Ellana.
Elle avait 18 ans.
Des milliers de choses Ă raconter. Et mille fois plus Ă vivre.
Elle s'endormit sans s'en apercevoir.
Ellana.
Doucement le prĂ©nom se posa sur ses paupiĂšres closes, se glissa le long de sa respiration rĂ©guliĂšre, se coula dans son cĆur, son Ăąme et chacune des cellules de son corps.
Il devint elle.
Elle devint lui.
Ellana.
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Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
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â Je crois que je comprends pourquoi vous aimez voler dans cette rĂ©gion, ajouta-t-elle. On se sent comme un oiseau.
Il lui jeta un regard surpris.
â C'est vrai ; vous avez raison, c'est pour cela que j'aime voler. Mais je suis encore plus proche de l'oiseau quand je fais de la chute libre.
â Vous voulez dire du parachute ?
â Pas tout Ă fait. Vous ne vous contentez pas de sauter d'un avion et de tirer sur un cordon. Les premiĂšres centaines de mĂštres se font sans le parachute. Pendant que vous tombez, vous vous mouvez en tous sens. On dirait un ballet dans le ciel. C'est une sensation indescriptible. On se sent libre.
â Ce doit ĂȘtre trĂšs dangereux, remarqua-t-elle.
â Oui, trĂšs... On joue avec la mort. On peut mĂȘme ĂȘtre fascinĂ© par ce sentiment intense de libertĂ© au point d'oublier de tirer sur le cordon et d'ouvrir le parachute.
â Cela vous est-il arrivĂ©Â ?
â Plusieurs fois. J'ai attendu jusqu'au dernier instant, pour voir ce qu'il se passerait si je ne faisais rien ; mais Ă chaque fois j'ai reculĂ© devant la mort.
â
â
Flora Kidd (Marriage in Mexico)
â
Qui vous le dit, quâelle (la vie) ne vous attend pas ? Certes, elle continue, mais elle ne vous oblige pas Ă suivre le rythme. Vous pouvez bien vous mettre un peu entre parenthĂšses pour vivre ce deuil⊠accordez-vous le temps.
***
Parce que Ò«a me fait plaisir. Parce que je sais aussi que lâentourage peut se montrer trĂšs discret dans pareille situation, et que de se changer les idĂ©es de temps en temps fait du bien. Parce que je sais que vous aimez la montagne et que vous nâiriez pas toute seule.
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Oui. Si vous perdez une jambe, Ò«a se voit, les gens sont conciliants. Et encore, pas tous. Mais quand câest un morceau de votre cĆur qui est arrachĂ©, Ò«a ne se voit pas de lâextĂ©rieur, et câest au moins aussi douloureux⊠Ce nâest pas de la faute des gens. Ils ne se fient quâaux apparences. Il faut gratter pour voir ce quâil y a au fond. Si vous jetez une grosse pierre dans une mare, elle va faire des remous Ă la surface. Des gros remous d'abord, qui vont gifler les rives, et puis des remous plus petits, qui vont finir par disparaĂźtre. Peu Ă peu, la surface redevient lisse et paisible. Mais la grosse pierre est quand mĂȘme au fond. La grosse pierre est quand mĂȘme au fond.
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La vie sâapparente Ă la mer. Il y a les bruit des vagues, quand elles sâabattent sur la plage, et puis le silence dâaprĂšs, quand elles se retirent. Deux mouvement qui se croissent et sâentrecoupent sans discontinuer. Lâun est rapide, violent, lâautre est doux et lent. Vous aimeriez vous retirer, dans le mĂȘme silence des vagues, partir discrĂštement, vous faire oublier de la vie. Mais dâautres vague arrivent et arriveront encore et toujours. Parce que câest Ò«a la vie⊠Câest le mouvement, câest le rythme, le fracas parfois, durant la tempĂȘte, et le doux clapotis quand tout est calme. Mais le clapotis quand mĂȘme Un bord de mer n'est jamais silencieux, jamais. La vie non plus, ni la vĂŽtre, ni la mienne. Il y a les grains de sables exposĂ©s aux remous et ceux protĂ©gĂ©s en haut de la plage. Lesquels envier? Ce n'est pas avec le sable d'en haut, sec et lisse, que l'on construit les chĂąteaux de sable, c'est avec celui qui fraye avec les vagues car ses particules sont coalescentes. Vous arriverez Ă reconstruire votre chĂąteau, vous le construirez avec des grains qui vous ressemblent, qui ont aussi connu les dĂ©ferlantes de la vie, parce qu'avec eux, le ciment est solide..
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« Tu ne sais jamais Ă quel point tu es fort jusquâau jour oĂč ĂȘtre fort reste la seule option. » Câest Bob Marley qui a dit Ò«a.
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Manon ne referme pas violemment la carte du restaurant. Elle nâĂ©prouve pas le besoin quâil lui lise le menu pour quâelle ne voie pas le prix, et elle trouvera Ă©gal que chaque bouchĂ©e vaille cinq euros. Manon profite de la vie. Elle accepte lâinvitation avec simplicitĂ©. Elle dĂ©fend la place des femmes sans ĂȘtre une fĂ©ministe acharnĂ©e et cela ne lui viendrait mĂȘme pas Ă lâidĂ©e de payer sa part. Dâabord, parce quâelle sait que Paul sâen offusquerait, ensuite, parce quâelle aime ces petites marques de galanterie, quâelle regrette de voir disparaĂźtre avec lâĂ©volution dâune sociĂ©tĂ© en pertes de repĂšres.
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AgnĂšs Ledig (Juste avant le bonheur)
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Mais maintenant je dirai tout, afin que tu saches qui tu quittes, de quel homme tu te sĂ©pares. Sais-tu comment dâabord je tâai comprise ? La passion mâa saisi comme le feu, elle sâest infiltrĂ©e dans mon sang comme le poison et a troublĂ© toutes mes pensĂ©es, tous mes sentiments. JâĂ©tais enivrĂ©. JâĂ©tais comme Ă©tourdi, et Ă ton amour pur, misĂ©ricordieux, jâai rĂ©pondu non dâĂ©gal Ă Ă©gal, non comme si jâĂ©tais digne de ton amour, mais sans comprendre ni sentir. Je ne tâai pas comprise. Je tâai rĂ©pondu comme Ă la femme qui, Ă mon point de vue, sâoubliait jusquâĂ moi et non comme Ă celle qui voulait mâĂ©lever jusquâĂ elle.
« Sais-tu de quoi je tâai soupçonnĂ©e, ce que signifiait, sâoublier jusquâĂ moi » ? Mais non, je ne tâoffenserai pas par mon aveu. Je te dirai seulement que tu tâes profondĂ©ment trompĂ©e sur moi ! Jamais jamais, je nâaurais pu mâĂ©lever jusquâĂ toi. Je ne pouvais que te contempler dans ton amour illimitĂ©, une fois que je tâeus comprise. Mais cela nâefface pas ma faute. Ma passion rehaussĂ©e par toi nâĂ©tait pas lâamour. Lâamour, je ne le craignais pas. Je nâosais pas tâaimer. Dans lâamour il y a rĂ©ciprocitĂ©, Ă©galitĂ©Â ; et jâen Ă©tais indigne. Je ne savais pas ce qui Ă©tait en moi !
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Fyodor Dostoevsky (Netochka Nezvanova)
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Cette qualitĂ© de la joie nâest-elle pas le fruit le plus prĂ©cieux de la civilisation qui est nĂŽtre ? Une tyrannie totalitaire pourrait nous satisfaire, elle aussi, dans nos besoins matĂ©riels. Mais nous ne sommes pas un bĂ©tail Ă lâengrais. La prospĂ©ritĂ© et le confort ne sauraient suffire Ă nous combler. Pour nous qui fĂ»mes Ă©levĂ©s dans le culte du respect de lâhomme, pĂšsent lourd les simples rencontres qui se changent parfois en fĂȘtes merveilleusesâŠ
Respect de lâhomme ! Respect de lâhomme !⊠LĂ est la pierre de touche ! Quand le Naziste respecte exclusivement qui lui ressemble, il ne respecte rien que soi-mĂȘme ; il refuse les contradictions crĂ©atrices, ruine tout espoir dâascension, et fonde pour mille ans, en place dâun homme, le robot dâune termitiĂšre. Lâordre pour lâordre chĂątre lâhomme de son pouvoir essentiel, qui est de transformer et le monde et soi-mĂȘme. La vie crĂ©e lâordre, mais lâordre ne crĂ©e pas la vie.
Il nous semble, Ă nous, bien au contraire, que notre ascension nâest pas achevĂ©e, que la vĂ©ritĂ© de demain se nourrit de lâerreur dâhier, et que les contradictions Ă surmonter sont le terreau mĂȘme de notre croissance. Nous reconnaissons comme nĂŽtres ceux mĂȘmes qui diffĂšrent de nous. Mais quelle Ă©trange parentĂ©Â ! elle se fonde sur lâavenir, non sur le passĂ©. Sur le but, non sur lâorigine. Nous sommes lâun pour lâautre des pĂšlerins qui, le long de chemins divers, peinons vers le mĂȘme rendez-vous.
Mais voici quâaujourdâhui le respect de lâhomme, condition de notre ascension, est en pĂ©ril. Les craquements du monde moderne nous ont engagĂ©s dans les tĂ©nĂšbres. Les problĂšmes sont incohĂ©rents, les solutions contradictoires. La vĂ©ritĂ© dâhier est morte, celle de demain est encore Ă bĂątir. Aucune synthĂšse valable nâest entrevue, et chacun dâentre nous ne dĂ©tient quâune parcelle de la vĂ©ritĂ©. Faute dâĂ©vidence qui les impose, les religions politiques font appel Ă la violence. Et voici quâĂ nous diviser sur les mĂ©thodes, nous risquons de ne plus reconnaĂźtre que nous nous hĂątons vers le mĂȘme but.
Le voyageur qui franchit sa montagne dans la direction dâune Ă©toile, sâil se laisse trop absorber par ses problĂšmes dâescalade, risque dâoublier quelle Ă©toile le guide. Sâil nâagit plus que pour agir, il nâira nulle part. La chaisiĂšre de cathĂ©drale, Ă se prĂ©occuper trop Ăąprement de la location de ses chaises, risque dâoublier quâelle sert un dieu. Ainsi, Ă mâenfermer dans quelque passion partisane, je risque dâoublier quâune politique nâa de sens quâĂ condition dâĂȘtre au service dâune Ă©vidence spirituelle. Nous avons goĂ»tĂ©, aux heures de miracle, une certaine qualitĂ© des relations humaines : lĂ est pour nous la vĂ©ritĂ©.
Quelle que soit lâurgence de lâaction, il nous est interdit dâoublier, faute de quoi cette action demeurera stĂ©rile, la vocation qui doit la commander. Nous voulons fonder le respect de lâhomme. Pourquoi nous haĂŻrions-nous Ă lâintĂ©rieur dâun mĂȘme camp ? Aucun dâentre nous ne dĂ©tient le monopole de la puretĂ© dâintention. Je puis combattre, au nom de ma route, telle route quâun autre a choisie. Je puis critiquer les dĂ©marches de sa raison. Les dĂ©marches de la raison sont incertaines. Mais je dois respecter cet homme, sur le plan de lâEsprit, sâil peine vers la mĂȘme Ă©toile.
Respect de lâHomme ! Respect de lâHomme !⊠Si le respect de lâhomme est fondĂ© dans le cĆur des hommes, les hommes finiront bien par fonder en retour le systĂšme social, politique ou Ă©conomique qui consacrera ce respect. Une civilisation se fonde dâabord dans la substance. Elle est dâabord, dans lâhomme, dĂ©sir aveugle dâune certaine chaleur. Lâhomme ensuite, dâerreur en erreur, trouve le chemin qui conduit au feu.
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Antoine de Saint-Exupéry (Lettre à un otage)
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Dans tout mon langage, dans tout mon langage avec toi, il y a eu dĂšs le dĂ©but ce noyau de silence. Je ne dis pas cela pour me charger ni pour dĂ©charger qui que ce soit. Lâeffort que me coĂ»te dâĂ©crire ces mots me garantit une sorte de paix, au-delĂ de tout jugement. Câest ainsi, ce noyau de silence Ă©tait en moi, il faisait partie de moi. Je lâai, lui aussi, apportĂ© avec tout le reste dans notre histoire et comme je ne pouvais rien contre lui, il y a pris sa place, sâest installĂ© et sâest imposĂ©. Je faisais naturellement semblant de ne pas le voir mais il Ă©tait lĂ . Je le recouvrais de discours de protection, diversion, il Ă©tait toujours lĂ , parfois invisible, parfois tacitement oubliĂ©, mais toujours lĂ . Il ne trompait personne parmi les intĂ©ressĂ©s. Il ne te trompait pas, en tout cas malgrĂ© tous les efforts pour conclure avec lui et moi Ă demi-mots, un pacte dâoubli. Au fond de tout tu lâas acceptĂ© avec moi, mais tu ne lâas jamais acceptĂ© ; tu ne pouvais pas. Tu as fait tout ton possible en ton pouvoir pour le rĂ©duire, puis pour lâoublier. Un moment est venu oĂč tu nâas plus pu rĂ©sister au silence que par le silence, par un second silence sans aucun rapport avec le premier mais un silence.
Un silenzio lâunico modo di non tacere.
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Louis Althusser
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Nous avons coutume de considĂ©rer que nous formons un grand corps dĂ©mocratique dont les membres sont liĂ©s entre eux par une communautĂ© de sang et de langage, et dont l'unitĂ© indissoluble est assurĂ©e par tous les modes de communication qu'ait pu tramer l'ingĂ©niositĂ© de l'homme ; nos vĂȘtements, notre alimentation sont identiques ; nous lisons les mĂȘmes journaux (exactement, titre, poids et tirage mis Ă part) ; nous sommes le peuple le plus collectiviste du monde, hormis quelques peuplades primitives que nous tenons arriĂ©rĂ©s dans leur dĂ©veloppement. Et pourtant...
Pourtant, malgré tant d'apparences qui sembleraient prouver que nous sommes étroitement liés et apparentés ; que nous vivons en bons voisins ; que nous avons bon caractÚre ; que nous sommes serviables, compatissants, fraternels presque, nous sommes un peuple solitaire, un troupeau morbide et dément, se démenant de tous cÎtés dans une rage frénétique et jalouse ; un peuple qui voudrait oublier qu'il n'est pas ce qu'il croit, un peuple qui n'est pas réellement uni ; dont les individus n'ont, les uns pour les autres, aucun dévouement réel, aucune attention réelle, ne sont, en vérité, que des unités brassées par Dieu sait quelle main invisible, selon une arithmétique qui n'est pas notre affaire.
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Henry Miller (Sexus (The Rosy Crucifixion, #1))
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Moi, le clandestin, je leur rappelle cela. Le vide. Le hasard qui les fonde. A tous. Câest pour ça quâils me haĂŻssent. Parce que je rode dans leurs villes, parce que je squatte leurs bĂątiments dĂ©saffectĂ©s, parce que jâaccepte le travail quâils refusent, je leur dis, aux EuropĂ©ens, que jâaimerais ĂȘtre Ă leur place, que les privilĂšges que le sort aveugle leur a donnĂ©s, je voudrais les acquĂ©rir : en face de moi, ils rĂ©alisent quâils ont de la chance, quâils ont tirĂ© un bon numĂ©ro, que le couperet fatal leur est passĂ© au ras des fesses, et se souvenir de cette premiĂšre et constitutive fragilitĂ© les glace, les paralyse. Car les hommes tentent, pour oublier le vide, de se donner de la consistance, de croire quâils appartiennent pour des raisons profondes, immuables, Ă une langue, une nation, une rĂ©gion, une race, une histoire, une morale, une histoire, une idĂ©ologie, une religion. Or malgrĂ© ces maquillages, chaque fois que lâhomme sâanalyse, ou chaque fois quâun clandestin sâapproche de lui, les illusions sâeffacent, il aperçoit le vide : il aurait pu ne pas ĂȘtre ainsi, ne pas ĂȘtre italien, ne pas ĂȘtre chrĂ©tien, ne pas⊠Les identitĂ©s quâil cumule et qui lui accordent de la densitĂ©, il sait au fond de lui quâil sâest bornĂ© Ă les recevoir, puis Ă les transmettre. Il nâest que le sable quâon a versĂ© en lui ; de lui-mĂȘme, il nâest rien.
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Ăric-Emmanuel Schmitt (Ulysse from Bagdad)
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JULIETTE. â A quelle heure enverrai-je vers toi, demain ?
ROMĂO. â Ă neuf heures.
JULIETTE. â Je nây manquerai pas. Dâici Ă ce moment, il va sâĂ©couler vingt ans. Jâai oubliĂ© pourquoi je tâavais rappelĂ©.
ROMĂO.â Permets-moi de rester ici jusquâĂ ce que tu te le rappelles.
JULIETTE. â Jâoublierai encore, afin de te faire rester, et ne me souviendrai que de lâamour que jâai pour ta compagnie.
ROMĂO. â Et moi je resterai, pour te faire oublier encore, oublieux moi-mĂȘme que jâai un autre logis que ce jardin
JULIETTE. â Il est presque matin ; je voudrais que tu fusses parti, et cependant pas plus loin que lâoiseau dâune jeune folle qui le laisse sâĂ©loigner un peu de sa main, pareil Ă un pauvre prisonnier dans ses entraves, et qui le ramĂšne avec un fil de soie, tant elle est amoureusement jalouse de sa libertĂ©.
ROMĂO. â Je voudrais ĂȘtre ton oiseau.
JULIETTE. â ChĂ©ri, je le voudrais aussi : cependant, je te tuerais par trop de caresses. Ronne nuit ! bonne nuit ! la sĂ©paration est une si dĂ©licieuse douleur que je dirais bonne nuit jusquâĂ demain. (Elle, se retire de la fenĂȘtre.)
ROMĂO. â Que le sommeil descende sur tes yeux et la paix dans ton sein ! Que ne suis-je le sommeil et la paix pour goĂ»ter un si doux repos ! Je vais dâici me rentre Ă la cellule de mon pieux confesseur, pour implorer son aide, et lui dire mon heureuse fortune. (Il sort.)
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William Shakespeare (Romeo & Juliet)
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Je me rappelle mon entrĂ©e sur la scĂšne, Ă mon premier concert. [âŠ] Je n'aimais pas ce public pour qui l'art n'est qu'une vanitĂ© nĂ©cessaire, ces visage composĂ©s dissimulant les Ăąmes, l'absence des Ăąmes. Je concevais mal qu'on pĂ»t jouer devant des inconnus, Ă heure fixe, pour un salaire versĂ© d'avance. Je devinais les apprĂ©ciations toutes faites, qu'ils se croyaient obligĂ©s de formuler en sortant ; je haĂŻssais leur goĂ»t pour l'emphase inutile, l'intĂ©rĂȘt mĂȘme qu'ils me portaient, parce que j'Ă©tais de leur monde, et l'Ă©clat factice dont se paraient les femmes. Je prĂ©fĂ©rais encore les auditeurs de concerts populaires, donnĂ©s le soir dans quelque salle misĂ©rable, oĂč j'acceptais parfois de jouer gratuitement. Des gens venaient lĂ dans l'espoir de s'instruire. Ils n'Ă©taient pas plus intelligents que les autres, ils Ă©taient seulement de meilleur volontĂ©. Ils avaient dĂ», aprĂšs leur repas, s'habiller le mieux possible ; ils avaient dĂ» consentir Ă avoir froid, pendant deux longues heures, dans une salle presque noire. Les gens qui vont au thĂ©Ăątre cherchent Ă s'oublier eux-mĂȘmes ; ceux qui vont au concert cherchent plutĂŽt Ă se retrouver. Entre la dispersion du jour et la dissolution du sommeil, ils se retrempent dans ce qu'ils sont. Visage fatiguĂ©s des auditeurs du soir, visages qui se dĂ©tendent dans leurs rĂȘves et semblent s'y baigner. Mon visage⊠En ne suis-je pas aussi trĂšs pauvre, moi qui n'ai ni amour, ni foi, ni dĂ©sir avouable, moi qui n'ai que moi-mĂȘme sur qui compter, et qui me suis presque toujours infidĂšle ? (p. 82-83)
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Marguerite Yourcenar (Alexis ou le Traité du vain combat / Le Coup de grùce)
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Dans la critique de la preuve ontologique de Dieu, l'erreur consiste Ă ne pas voir qu'imaginer un objet quelconque n'est nullement la mĂȘme chose que concevoir de l'absolu, ou l'Absolu en soi : car ce qui prime ici, ce n'est pas le jeu subjectif de notre esprit, c'est essentiellement l'Objet absolu qui le dĂ©termine et qui constitue mĂȘme, en derniĂšre analyse, la raison d'ĂȘtre de l'intelligence humaine. Sans un Dieu rĂ©el, point d'homme possible.
En parlant de l'argument ontologique, nous pensons Ă la thĂšse essentielle et non aux raisonnements en partie problĂ©matiques qui sont censĂ©s l'Ă©tayer. Au fond, la base de l'argument est l'analogie entre le mĂ©ta-macrocosme et le microcosme, ou entre Dieu et l'Ăąme : sous un certain rapport, nous somme ce qui est et par consĂ©quent nous pouvons connaĂźtre tout ce qui est, donc l'Ătre en soi ; car s'il y a le rapport d'incommensurabilitĂ©, il y a aussi celui d'analogie et mĂȘme celui d'identitĂ©, sans quoi nous serions le nĂ©ant pur et simple. Le principe de connaissance n'implique par lui-mĂȘme aucune limitation ; connaĂźtre, c'est connaĂźtre tout le connaissable, et celui-ci coincide avec le rĂ©el Ă©tant donnĂ© qu'a priori et dans l'Absolu le sujet et l'objet se confondent : connaĂźtre c'est ĂȘtre, et inversement. Ce qui nous ramĂšne Ă la sentence arabe : « Qui connaĂźt son Ăąme, connaĂźt son Seigneur. » ; sans oublier la formule du sanctuaire de Delphe : « Connais-toi toi-mĂȘme »... Si l'on nous dit que l'Absolu est inconnaissable, cela se rapporte non Ă notre facultĂ© intellective de principe mais Ă telle modalitĂ© de facto de cette facultĂ© ; Ă telle Ă©corce, non Ă la substance.
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Frithjof Schuon (To Have a Center (Library of Traditional Wisdom))
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Et les champs de l'art, de l'histoire, des sciences humaines, du savoir Ă©thique, de la philosophie et, en ultime instance, du langage lui-mĂȘme ont voulu montrer que l'immersion de l'interprĂšte dans le sens qui le concernait ne portait pas prĂ©judice Ă la justesse, Ă l'adĂ©quation de la comprĂ©hension, mais qu'elle en Ă©tait une condition essentielle. Fermer les yeux sur cet ''aspect hermĂ©neutique'' du sens, c'est succomber au fĂ©tichisme de la science moderne et Ă un simulacre d'objectivitĂ©. C'est manquer le ''lĂ '' essentiel de la comprĂ©hension et se refuser Ă la vigilance qui incombe nĂ©cessairement Ă l'ĂȘtre situĂ© dans le temps. [...]
L'aspect universel de l'hermĂ©neutique est donc celui de la finitude. Banal, dira-t-on ? Peut-ĂȘtre, mais il se pourrait que les plus grandes vĂ©ritĂ©s de la philosophie (il y en a peu) soient aussi trĂšs banales. Mais ce rappel de la finitude est important si l'on veut contrer la propension de la comprĂ©hension Ă se laisser sĂ©duire par des simulacres d'infinitĂ© qui lui font oublier sa finitude. L'objectivation de la science moderne est une des figures de cet oubli de la finitude. Le savoir d'objectivation veut justement effacer le « là » de toute comprĂ©hension et de tout Ă©veil Ă l'ĂȘtre au nom d'un savoir dominateur et certain, et certain parce que dominateur. Il serait dĂ©risoire de vouloir s'objecter Ă ce modĂšle de savoir lĂ oĂč il est lĂ©gitime. Il est cependant nĂ©cessaire de contester son universalisation lorsqu'elle dĂ©forme les modes de savoir et d'expĂ©rience qui sont ceux oĂč la finitude du « là » est constitutive du sens Ă comprendre et de la vigilance qu'exige sa pĂ©nĂ©tration. C'est le sens du rapport de la finitude chez Gadamer.
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Jean Grondin (INTRODUCTION Ă HANS-GEORG GADAMER)
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L'engagement du disciple dans la voie initiatique consiste Ă prendre progressivement conscience du « Regard » divin qui transcende celui des hommes. Bien au-delĂ des rĂŽles sociaux, ce Regard se pose sur la vie intĂ©rieure de l'homme. « Dieu ne regarde pas vos formes ni vos actes, mais Il regarde ce qui se trouve dans vos cĆurs », dit un hadith attribuĂ© au ProphĂšte Muhammad. C'est dans la mesure oĂč l'homme agit pour Dieu, c'est-Ă -dire conformĂ©ment Ă sa nature vĂ©ritable, et non pas seulement en vue d'un effet attendu chez les autres, qu'il devient intĂ©rieurement monothĂ©iste et Ă©vite le polythĂ©isme cachĂ© qui consiste Ă associer au Regard de Dieu celui des autres humains. C'est par la grĂące de ce Regard auquel rien n'Ă©chappe que le disciple revient vers son propre moi et apprend Ă se connaĂźtre avec toujours plus de finesse et de discernement. Le Regard de Dieu n'est pas seulement celui qui dĂ©voile, il est aussi celui qui transforme. C'est par la grĂące de ce Regard se posant sur l'Ăąme du disciple que celle-ci pourra ĂȘtre libĂ©rĂ©e de l'illusion des tĂ©nĂšbres dans laquelle elle se trouve, puis entrer dans un monde de lumiĂšre, celui de l'amour et de la connaissance. « L'Amour divin est comme une flamme, disait RĂ»mĂź, lorsqu'il entre dans le cĆur du disciple, il brĂ»le tout et Dieu seul reste. » Celui qui a goĂ»tĂ© Ă cet Amour ne peut plus l'oublier et n'a de cesse de le retrouver. Cette flamme sacrĂ©e constitue un mystĂšre si profond que personne ne peut en parler sans le galvauder. En fait, on ne peut Ă©voquer que des conditions ou des effets de l'Amour, mas nul ne peut parler de sa rĂ©alitĂ©, car il est justement au-delĂ de toute parole : il ne peut ĂȘtre qu'une expĂ©rience, une saveur, un vĂ©cu.
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Faouzi Skali (Le Souvenir de l'Ătre Profond)
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Les auteurs musulmans considĂšrent la personnalitĂ© comme le produit de la constitution innĂ©e modifiĂ©e par les facteurs de lâenvironnement. La constitution innĂ©e inclue lâhĂ©rĂ©ditĂ© physique et psychologique, la combinaison des quatre Ă©lĂ©ments, câest-Ă -dire le feu, lâair, lâeau, et la terre, dans leurs mode de chaud, sec, froid, et humide, et la correspondance de cette combinaison avec les signes du zodiaque et les diffĂ©rentes planĂštes. Câest une question trĂšs complexe en raison du nombre indĂ©fini de permutations possibles. La source de confusion pour les esprits modernes vient du matĂ©rialisme ambiant qui les pousse Ă tout prendre au pied de la lettre et Ă oublier que lâintention derriĂšre les quatre Ă©lĂ©ments nâa jamais Ă©tĂ© de les identifier avec leurs Ă©quivalents familiers dans le monde visible. Sâils sont appelĂ©s feu, air, eau et terre, câest simplement pour indiquer une correspondance entre eux et les Ă©lĂ©ments visibles. Ces quatre Ă©lĂ©ments sont Ă lâorigine de toute matiĂšre et eux-mĂȘmes originaires dâun principe commun, lâHylĂ© indiffĂ©renciĂ© (hayĂ»lĂą, câest-Ă -dire la matiĂšre primordiale.)
Il en est de mĂȘme de la correspondance entre les sept cieux et les sept planĂštes. Chaque ciel est dĂ©signĂ© par le nom de la planĂšte qui lui correspond le mieux, mais les cieux ne peuvent nullement ĂȘtre identifiĂ©s avec les orbites de ces planĂštes, car les planĂštes sont dans le ciel visible alors que les cieux sont dans le domaine subtile et invisible. Ces termes ne sont pris dans un sens littĂ©ral que si on perd de vue la correspondance entre les diffĂ©rents degrĂ©s, ou dimensions, de lâexistence. Ces correspondances et leurs implications pour la mĂ©decine, la psychologie et les autres sciences, furent comprises par de nombreuses civilisations antĂ©rieures Ă lâislam, et ne sont pas spĂ©cifiquement islamiques. Les musulmans, quâils fussent savants, religieux, philosophes ou soufis, les percevaient comme possĂ©dant une base de vĂ©ritĂ© et les adoptĂšrent avec quelques diffĂ©rences mineures selon les Ă©coles. Un tel point de vue est nĂ©anmoins devenu si Ă©tranger Ă la mentalitĂ© dâaujourdâhui, et il est si peu probable quâelle prĂ©sente un intĂ©rĂȘt en pratique, que nous nâen poursuivrons pas lâĂ©tude ici.
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Mostafa al-Badawi (Man and the Universe: An Islamic Perspective)
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Jâai dâailleurs un ami qui, ces jours-ci, mâa affirmĂ© que nous ne savons mĂȘme pas ĂȘtre paresseux. Il prĂ©tend que nous paressons lourdement, sans plaisir, ni bĂ©atitude, que notre repos est fiĂ©vreux, inquiet, mĂ©content ; quâen mĂȘme temps que la paresse, nous gardons notre facultĂ© dâanalyse, notre opinion sceptique, une arriĂšre-pensĂ©e, et toujours sur les bras une affaire courante, Ă©ternelle, sans fin. Il dit encore que nous nous prĂ©parons Ă ĂȘtre paresseux et Ă nous reposer comme Ă une affaire dure et sĂ©rieuse et que, par exemple, si nous voulons jouir de la nature, nous avons lâair dâavoir marquĂ© sur notre calendrier, encore la semaine derniĂšre, que tel et tel jour, Ă telle et telle heure, nous jouirons de la nature. Cela me rappelle beaucoup cet Allemand ponctuel qui, en quittant Berlin, nota tranquillement sur son carnet. « En passant Ă Nuremberg ne pas oublier de me marier. » Il est certain que lâAllemand avait, avant tout, dans sa tĂȘte, un systĂšme, et il ne sentait pas lâhorreur du fait, par reconnaissance pour ce systĂšme. Mais il faut bien avouer que dans nos actes Ă nous, il nây a mĂȘme aucun systĂšme. Tout se fait ainsi comme par une fatalitĂ© orientale. Mon ami a raison en partie. Nous semblons traĂźner notre fardeau de la vie par force, par devoir, mais nous avons honte dâavouer quâil est au-dessus de nos forces, et que nous sommes fatiguĂ©s. Nous avons lâair, en effet, dâaller Ă la campagne pour nous reposer et jouir de la nature. Regardez avant tout les bagages rien laissĂ© de ce qui est usĂ©, de ce qui a servi lâhiver, au contraire, nous y avons ajoutĂ© des choses nouvelles. Nous vivons de souvenirs et lâancien potin et la vieille affaire passent pour neufs. Autrement câest ennuyeux ; autrement il faudra jouer au whist avec lâaccompagnement du rossignol et Ă ciel ouvert. Dâailleurs, câest ce qui se fait. En outre, nous ne sommes pas bĂątis pour jouir de la nature ; et, en plus, notre nature, comme si elle connaissait notre caractĂšre, a oubliĂ© de se parer au mieux. Pourquoi, par exemple, est-elle si dĂ©veloppĂ©e chez nous lâhabitude trĂšs dĂ©sagrĂ©able de toujours contrĂŽler, Ă©plucher nos impressions â souvent sans aucun besoin â et, parfois mĂȘme, dâĂ©valuer le plaisir futur, qui nâest pas encore rĂ©alisĂ©, de le soupeser, dâen ĂȘtre satisfait dâavance en rĂȘve, de se contenter de la fantaisie et, naturellement, aprĂšs, de nâĂȘtre bon Ă rien pour une affaire rĂ©elle ? Toujours nous froisserons et dĂ©chirerons la fleur pour sentir mieux son parfum, et ensuite nous nous rĂ©volterons quand, au lieu de parfum, il ne restera plus quâune fumĂ©e. Et cependant, il est difficile de dire ce que nous deviendrions si nous nâavions pas au moins ces quelques jours dans toute lâannĂ©e et si nous ne pouvions satisfaire par la diversitĂ© des phĂ©nomĂšnes de la nature notre soif Ă©ternelle, inextinguible de la vie naturelle, solitaire. Et enfin, comment ne pas tomber dans lâimpuissance en cherchant Ă©ternellement des impressions, comme la rime pour un mauvais vers, en se tourmentant de la soif dâactivitĂ© extĂ©rieure, en sâeffrayant enfin, jusquâĂ en ĂȘtre malade, de ses propres illusions, de ses propres chimĂšres, de sa propre rĂȘverie et de tous ces moyens auxiliaires par lesquels, en notre temps, on tĂąche, nâimporte comment, de remplir le vide de la vie courante incolore.
Et la soif dâactivitĂ© arrive chez nous jusquâĂ lâimpatience fĂ©brile. Tous dĂ©sirent des occupations sĂ©rieuses, beaucoup avec un ardent dĂ©sir de faire du bien, dâĂȘtre utiles, et, peu Ă peu, ils commencent dĂ©jĂ Ă comprendre que le bonheur nâest pas dans la possibilitĂ© sociale de ne rien faire, mais dans lâactivitĂ© infatigable, dans le dĂ©veloppement et lâexercice de toutes nos facultĂ©s.
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Fyodor Dostoevsky
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JULIETTE.âOh! manque, mon coeur! Pauvre banqueroutier, manque pour toujours; emprisonnez-vous, mes yeux; ne jetez plus un seul regard sur la libertĂ©. Terre vile, rends-toi Ă la terre; que tout mouvement sâarrĂȘte, et quâune mĂȘme biĂšre presse de son poids et RomĂ©o et toi.
LA NOURRICE.âO Tybalt, Tybalt! le meilleur ami que jâeusse! O aimable Tybalt, honnĂȘte cavalier, faut-il que jâaie vĂ©cu pour te voir mort!
JULIETTE.âQuelle est donc cette tempĂȘte qui souffle ainsi dans les deux sens contraires? RomĂ©o est-il tuĂ©, et Tybalt est-il mort? Mon cousin chĂ©ri et mon Ă©poux plus cher encore? Que la terrible trompette sonne donc le jugement universel. Qui donc est encore en vie, si ces deux-lĂ sont morts?
LA NOURRICE.âTybalt est mort, et RomĂ©o est banni: RomĂ©o, qui lâa tuĂ©, est banni.
JULIETTE.âO Dieu! la main de RomĂ©o a-t-elle versĂ© le sang de Tybalt?
LA NOURRICE.âIl lâa fait, il lâa fait! O jour de malheur! il lâa fait!
JULIETTE.âO coeur de serpent cachĂ© sous un visage semblable Ă une fleur! jamais dragon a-t-il choisi un si charmant repaire? Beau tyran, angĂ©lique dĂ©mon, corbeau couvert des plumes dâune colombe, agneau transportĂ© de la rage du loup, mĂ©prisable substance de la plus divine apparence, toi, justement le contraire de ce que tu paraissais Ă juste titre, damnable saint, traĂźtre plein dâhonneur! O nature, quâallais-tu donc chercher en enfer, lorsque de ce corps charmant, paradis sur la terre, tu fis le berceau de lâĂąme dâun dĂ©mon? Jamais livre contenant une aussi infĂąme histoire porta-t-il une si belle couverture? et se peut-il que la trahison habite un si brillant palais?
LA NOURRICE.âIl nây a plus ni sincĂ©ritĂ©, ni foi, ni honneur dans les hommes; tous sont parjures, corrompus, hypocrites. Ah! oĂč est mon valet? Donnez-moi un peu dâaqua vitĂŠâŠ.. Tous ces chagrins, tous ces maux, toutes ces peines me vieillissent. Honte soit Ă RomĂ©o!
JULIETTE.âMaudite soit ta langue pour un pareil souhait! Il nâest pas nĂ© pour la honte: la honte rougirait de sâasseoir sur son front; câest un trĂŽne oĂč on peut couronner lâhonneur, unique souverain de la terre entiĂšre. Oh! quelle brutalitĂ© me lâa fait maltraiter ainsi?
LA NOURRICE.âQuoi! vous direz du bien de celui qui a tuĂ© votre cousin?
JULIETTE.âEh! dirai-je du mal de celui qui est mon mari? Ah! mon pauvre Ă©poux, quelle langue soignera ton nom, lorsque moi, ta femme depuis trois heures, je lâai ainsi dĂ©chirĂ©? Mais pourquoi, traĂźtre, as-tu tuĂ© mon cousin? Ah! ce traĂźtre de cousin a voulu tuer mon Ă©poux.âRentrez, larmes insensĂ©es, rentrez dans votre source; câest au malheur quâappartient ce tribut que par mĂ©prise vous offrez Ă la joie. Mon Ă©poux vit, lui que Tybalt aurait voulu tuer; et Tybalt est mort, lui qui aurait voulu tuer mon Ă©poux. Tout ceci est consolant, pourquoi donc pleurĂ©-je? Ah! câest quâil y a lĂ un mot, plus fatal que la mort de Tybalt, qui mâa assassinĂ©e.âJe voudrais bien lâoublier; mais, ĂŽ ciel! il pĂšse sur ma mĂ©moire comme une offense digne de la damnation sur lâĂąme du pĂ©cheur. Tybalt est mort, et RomĂ©o estâŠ.. banni! Ce banni, ce seul mot banni, a tuĂ© pour moi dix mille Tybalt. La mort de Tybalt Ă©tait un assez grand malheur, tout eĂ»t-il fini lĂ ; ou si les cruelles douleurs se plaisent Ă marcher ensemble, et quâil faille nĂ©cessairement que dâautres peines les accompagnent, pourquoi, aprĂšs mâavoir dit: «Tybalt est mort,» nâa-t-elle pas continuĂ©: «ton pĂšre aussi, ou ta mĂšre, ou tous les deux?» cela eĂ»t excitĂ© en moi les douleurs ordinaires. Mais par cette arriĂšre-garde qui a suivi la mort de Tybalt, RomĂ©o est banni; par ce seul mot, pĂšre, mĂšre, Tybalt, RomĂ©o, Juliette, tous sont assassinĂ©s, tous morts. RomĂ©o banni! Il nây a ni fin, ni terme, ni borne, ni mesure dans la mort quâapporte avec lui ce mot, aucune parole ne peut sonder ce malheur.
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William Shakespeare (Romeo and Juliet)
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Voici quelques types de rĂ©actions anormales : mourir de faim face Ă l'abondance ; rester exposĂ© au froid, Ă la pluie et Ă la neige, en prĂ©sence de charbon, de matĂ©riel de construction et de place pour bĂątir ; croire qu'une puissance divine Ă longue barbe blanche rĂ©git toutes choses et que l'on est Ă la merci de cette puissance pour le bien comme pour le mal ; massacrer d'innocentes personnes avec enthousiasme, et croire que l'on doit conquĂ©rir une rĂ©gion dont on n'avait jamais entendu parler auparavant ; marcher en haillons et se considĂ©rer en mĂȘme temps comme le reprĂ©sentant de la "grandeur de la nation" ; oublier ce qu'un politicien avait promis avant de devenir chef de l'Etat ; dĂ©lĂ©guer Ă quelque individu que ce soit, fussent-ils hommes d'Etat, un pouvoir quasi absolu sur sa propre vie et son propre destin ; ĂȘtre incapable de comprendre que les soi-disant grands timoniers de l'Etat doivent eux aussi dormir, manger, rĂ©pondre Ă l'appel de la nature, qu'eux aussi sont gouvernĂ©s par des pulsions affectives inconscientes et incontrĂŽlables, et souffrent de dĂ©rangements sexuels comme tout autre mortel ; considĂ©rer comme Ă©vident qu'il faut battre les enfants dans l'intĂ©rĂȘt de la "culture" ; refuser aux adolescents, qui sont dans la fleur de l'Ăąge, le bonheur de l'union sexuelle ; et l'on peut multiplier les exemples Ă l'infini. (p. 29-30, PrĂ©face de la deuxiĂšme Ă©dition)
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Wilhelm Reich (The Sexual Revolution: Toward a Self-governing Character Structure)
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« Ce qui est important, c'est de ne pas ĂȘtre aigri par les dĂ©ceptions de la vie. Apprendre Ă oublier
le passé et savoir que chaque journée ne sera pas ensoleillée. Et quand vous vous retrouvez perdu dans l'obscurité du désespoir, il faut se souvenir
que c'est seulement dans la nuit noire que vous pouvez voir les étoiles, et ces étoiles vous reconduiront chez vous. »
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CĂ©cile De Grasse (Le Bonheur - 365 Citations Inspirantes (French Edition))