N Corp Quotes

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Rien n'est plus beau qu'un corps nu. Le plus beau vĂȘtement qui puisse habiller une femme ce sont les bras de l'homme qu'elle aime. Mais, pour celles qui n'ont pas eu la chance de trouver ce bonheur, je suis lĂ .
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Yves Saint-Laurent
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Ce matin, l'idée m'est venue pour la premiÚre fois que mon corps, ce fidÚle compagnon, cet ami plus sûr, mieux connu de moi que mon ùme, n'est qu'un monstre sournois qui finira par dévorer son maßtre.
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Marguerite Yourcenar (Memoirs of Hadrian)
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Le seul monde qui mĂ©rite d'ĂȘtre conquis est celui que dĂ©limite les frontiĂšres de notre corps et celles de notre esprit. L'autre monde, celui qui s'Ă©tend autour de nous, n'a pas besoin de maĂźtre.
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Pierre Bottero (Ellana, l'Envol (Le Pacte des MarchOmbres, #2))
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A l'intérieur de ce corps vivait l'ùme d'une intellectuelle et poÚte dont personne n'avait le soupçon. Within this body lived the soul of an intellectual and poet, which nobody had suspected.
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Antonio Tabucchi
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Ce mort-vivant a un corps qui est son propre corps. Il n'est ni mort, ni vivant mais vivant dans la mort. Il est une anomalie, un paria parmi les monstres.
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Montague Summers
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Le problĂšme c'est que ma tĂȘte n'est jamais reposĂ©e. Mon cerveau est une maison de campagne pour dĂ©mons. Ils y viennent souvent et de plus en plus nombreux. Ils se font des apĂ©ros Ă  la liqueur de mes angoisses. Ils se servent de mon stress car ils savent que j'en ai besoin pour avancer. Tout est question de dosage. Trop de stress et mon corps explose. Pas assez, je me paralyse. Mais le dĂ©mon le plus violent, c'est bien moi. Surtout depuis que j'ai perdu la guerre mondiale de l'amour
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Mathias Malzieu (Le plus petit baiser jamais recensé)
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La beautĂ© qui parle aux yeux, reprit-elle, n’est que le prestige d’un moment; l’Ɠuil du corps n'est pas toujours celui de l'Ăąme." ("The beauty that addresses itself to the eyes," she continued, "is only the spell of the moment; the eye of the body is not always that of the soul.") [Le beau Laurence]
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George Sand (Pierre qui roule)
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Maintenant je suis captif. Mon corps est aux fers dans un cachot, mon esprit est en prison dans une idee. Une horrible, une sanglante, une implacable idee! Je n'ai plus qu'une pense, qu'une conviction, qu'une certitude: condamne a mort!
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Victor Hugo (The Last Day of a Condemned Man)
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...et surtout mon corps aussi bien que mon ùme, gardez-vous de vous croiser les bras en l'attitude stérile du spectateur, car la vie n'est pas un spectacle, car une mer de douleurs n'est pas un proscenium, car un homme qui crie n'est pas un ours qui danse.
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Aimé Césaire (Le Cahier, Discours sur le colonialisme)
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Le seul monde qui mĂ©rite d'ĂȘtre conquis est celui que dĂ©limitent les frontiĂšres de notre corps et celles de notre esprit. L'autre monde, celui qui s'Ă©tend autour de nous, n'a pas besoin de maĂźtre.
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Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
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À partir de lĂ , le dialogue de la journĂ©e suivait une pente uniformĂ©ment descendante, mais avec des lĂšvres et des mains chaleureuses et languides flottant sur les surface les plus sensibles du corps, le monde Ă©tait aussi prĂšs que possible de la perfection. Freud appelait cela un Ă©tat de perversitĂ© polymorphe impersonnel et le regardait d'un mauvais oeil, mais je doute fort qu'il ait jamais eu les mains de Lil lui frĂŽlant le corps. Ou mĂȘme celles de sa propre femme dans le mĂȘme rĂŽle. Freud Ă©tait un bien grand homme, mais je n'arrive pas Ă  me faire Ă  l'idĂ©e que quelqu'un lui ait jamais efficacement flattĂ© le pĂ©nis.
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Luke Rhinehart (The Dice Man)
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Mais je préfÚre sourire à l'intérieur. (...) Je suis spécialiste des sourires invisibles. (...) Quand quelqu'un m'aura assassinée, quand on fera mon autopsie, quand on ouvrira mon corps, on y trouvera des sourires, une foule de sourires que personne n'avait devinés.
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Érik Orsenna (Et si on dansait ?)
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(...) il fallait sĂ©parer nos souffles, s'Ă©carter, s'espacer, se lever, se dĂ©doubler, et c'est toujours autant de perdu. Quand on a deux corps, il vient des moments oĂč l'on est Ă  moitiĂ©. - Est-ce que je suis envahissante? - Terriblement, lorsque tu n'es pas lĂ .
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Romain Gary (Clair de femme)
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Le plaisir sexuel n'était pas seulement supérieur, en raffinement et en violence, à tous les autres plaisirs que pouvait comporter la vie; il n'était pas seulement l'unique plaisir qui ne s'accompagne d'aucun dommage pour l'organisme, mais qui contribue au contraire à le maintenir à son plus haut niveau de vitalité et de force; il était l'unique plaisir, l'unique objectif en vérité de l'existence humaine, et tous les autres - qu'ils soient associés aux nourritures riches, au tabac, aux alcools ou à la drogue - n'étaient que des compensations dérisoires et désespérées, des mini-suicides qui n'avaient pas le courage de dire leur nom, des tentatives pour détruire plus rapidement un corps qui n'avait plus accÚs au plaisir unique.
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Michel Houellebecq (The Possibility of an Island)
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voici maintenant ma vieille angoisse, là, au creux de mon corps, comme une mauvaise blessure que chaque mouvement irrite. Je connais son nom. Elle est peur de la solitude éter-nelle, crainte qu'il n'y ait pas de réponse.
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Albert Camus
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Je te rencontre. Je me souviens de toi. Cette ville Ă©tait faite Ă  la taille de l'amour. Tu Ă©tais fait Ă  la taille de mon corps mĂȘme. Qui es-tu ? Tu me tues. J'avais faim. Faim d'infidĂ©litĂ©s, d'adultĂšres, de mensonges et de mourir. Depuis toujours. Je me doutais bien qu'un jour tu me tomberais dessus. Je t'attendais dans une impatience sans borne, calme. DĂ©vore-moi. DĂ©forme-moi Ă  ton image afin qu'aucun autre, aprĂšs toi, ne comprenne plus du tout le pourquoi de tant de dĂ©sir. Nous allons rester seuls, mon amour. La nuit ne va pas finir. Le jour ne se lĂšvera plus sur personne. Jamais. Jamais plus. Enfin. Tu me tues. Tu me fais du bien. Nous pleurerons le jour dĂ©funt avec conscience et bonne volontĂ©. Nous n'aurons plus rien d'autre Ă  faire, plus rien que pleurer le jour dĂ©funt. Du temps passera. Du temps seulement. Et du temps va venir. Du temps viendra. OĂč nous ne saurons plus du tout nommer ce qui nous unira. Le nom s'en effacera peu Ă  peu de notre mĂ©moire. Puis, il disparaĂźtra, tout Ă  fait.
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Marguerite Duras (Hiroshima mon amour)
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Celui qui vous maĂźtrise tant n’a que deux yeux, n’a que deux mains, n’a qu’un corps, et n’a autre chose que ce qu’a le moindre homme du grand et infini nombre de nos villes, sinon que l’avantage que vous lui faites pour vous dĂ©truire.
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Étienne de La BoĂ©tie (Discours de la servitude volontaire: RĂ©quisitoire contre l'Absolutisme (French Edition))
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Tu vas voir, le regard des gens sur un mec handicapĂ© se fait en plusieurs temps. Quand les gens te rencontrent la premiĂšre fois, tu n’es rien d’autre qu’un handicapĂ©. Tu n’as pas d’histoire, pas de particularitĂ©s, ton handicap est ta seule identitĂ©. Ensuite, s’ils prennent un peu le temps, ils vont dĂ©couvrir une facette de ton caractĂšre. Ils verront alors si tu as de l’humour, si tu es dĂ©pressif
 Enfin, ils verront presque avec surprise que tu peux avoir une vraie personnalitĂ© qui s’ajoute Ă  ton statut d’handicapé .
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Grand corps malade (Patients)
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Un bon livre se retrouve toujours entre les mains d'un lecteur libre. Sinon il n'y reste pas longtemps, le mauvais lecteur cherche Ă  se dĂ©barrasser de tout ce qui ne ressemble pas Ă  ce qu'il a dĂ©jĂ  lu. Lire n'est pas nĂ©cessaire pour le corps (cela peut mĂȘme se rĂ©vĂ©ler nocif), seul l'oxygĂšne l'est. Mais un bon livre oxygĂšne l'esprit.
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Dany LaferriĂšre (L'art presque perdu de ne rien faire)
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Cette impuissance physique se traduit par une timidité plus générale: elle ne croit pas å une force qu'elle n'a pas expérimentée dans son corps; elle n'ose pas entreprendrem se révolter, inventer: vouée à la docilité, à la résignation, elle ne peut qu'accepter dans la société une place toute faite.
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Simone de Beauvoir (Le deuxiĂšme sexe, I)
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La masse des hommes sert l'État de la sorte, pas en tant qu'hommes, mais comme des machines, avec leurs corps. Ils forment l'armĂ©e de mĂ©tier, ainsi que la milice, les geĂŽliers, policiers, posse comitatus, etc. Dans la plupart des cas, il n'existe aucun libre exercice du jugement ou du sens moral ; mais ils se mettent au niveau du bois, de la terre et des pierres ; et l'on pourrait rĂ©aliser des hommes de bois qui rempliraient aussi bien cette fonction.
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Henry David Thoreau
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Lorsque la sexualitĂ© disparaĂźt, c'est le corps de l'autre qui apparaĂźt, dans sa prĂ©sence vaguement hostile; ce sont les bruits, les mouvements, les odeurs; et la prĂ©sence mĂȘme de ce corps qu'on ne peut plus toucher, ni sanctifier par le contact, devient peu Ă  peu une gĂȘne; tout cela malheureusement, est connu. La disparition de la tendresse suit toujours de prĂšs celle de l'Ă©rotisme. Il n'y a pas de relation Ă©purĂ©e, d'union supĂ©rieure des Ăąmes, ni quoi que ce soit qui puisse y ressembler, ou mĂȘme l'Ă©voquer sur un mode allusif. Quand l'amour physique disparaĂźt, tout disparaĂźt; un agacement morne, sans profondeur, vient remplir la succession des jours.
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Michel Houellebecq (The Possibility of an Island)
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Le cou n'est-il pas l'endroit oĂč finit la tĂȘte et oĂč le corps commence? (p.148)
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Siri Hustvedt (The Shaking Woman, or A History of My Nerves)
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C’était une Ăąme et un corps oĂč n’entrait jamais l’aiguillon.
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André Gide (The Counterfeiters)
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Au moment de nous quitter, nous choisissions de ne pas dire un mot, d’ĂȘtre dans le silence. Il y a une Ă©treinte, un regard. Il n’y a pas de baiser, pas d’au revoir. Il y a juste ton corps en partance et le mien qui reste. Il y a les battements de ton coeur qui s’accĂ©lĂšrent et les miens qui ralentissent. Il y a l’effroi. Il y a le temps derriĂšre nous, et le temps devant nous. Il y a la tendresse qui se brise.
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Philippe Besson (In the Absence of Men)
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Cütă laƟitate ün concepƣia celor care susƣin că sinuciderea este o afirmaƣie a vieƣii! Pentru a-Ɵi scuza lipsa de ündrăzneală, inventează diverse motive sau elemente care să le scuze neputinƣa. În realitate, nu există voinƣă sau hotărüre raƣională de a te sinucide, ci numai determinante organice, intime, care predestinează la sinucidere. SinucigaƟii simt o pornire patologică ünspre moarte, pe care, deƟi üi rezistă conƟtient, ei n-o pot totuƟi suprima. Viaƣa din ei a ajuns la un astfel de dezechilibru, üncüt nici un motiv de ordin raƣional n-o mai poate consolida. Nu există sinucideri din hotărüri raƣionale, rezultate din reflexii asupra inutilităƣii lumii sau asupra neantului acestei vieƣi. Iar cünd ni se opune cazul acelor ünƣelepƣi antici ce se sinucideau ün singurătate, eu voi răspunde că sinuciderea lor era posibilă numai prin faptul că au lichidat viaƣa din ei, că au distrus orice pülpüire de viaƣă, orice bucurie a existenƣei Ɵi orice fel de tentaƣie. A gündi mult asupra morƣii sau asupra altor probleme periculoase este desigur a da o lovitură mai mult sau mai puƣin mortală vieƣii, dar nu este mai puƣin adevărat că acea viaƣă, acel corp ün care se frămüntă astfel de probleme trebuie să fi fost anterior afectat pentru a permite astfel de günduri. Nimeni nu se sinucide din cauza unor üntümplări exterioare, ci din cauza dezechilibrului său interior Ɵi organic. AceleaƟi condiƣii exterioare defavorabile pe unii üi lasă indiferenƣi, pe alƣii üi afectează, pentru ca pe alƣii să-i aducă la sinucidere. Pentru a ajunge la ideea obsedantă a sinuciderii trebuie atüta frămüntare lăuntrică, atüt chin Ɵi o spargere atüt de puternică a barierelor interioare, üncüt din viaƣă să nu mai rămünă decüt o ameƣeală catastrofală, un vürtej dramatic Ɵi o agitaƣie stranie. Cum o să fie sinuciderea o afirmaƣie a vieƣii? Se spune: te sinucizi, fiindcă viaƣa ƣi-a provocat decepƣii. Ca atare ai dorit-o, ai aƟteptat ceva de la ea, dar ea nu ƣi-a putut da. Ce dialectică falsă! Ca Ɵi cum acel ce se sinucide n-ar fi trăit ünainte de a muri, n-ar fi avut ambiƣii, speranƣe, dureri sau deznădejdi. În sinucidere, faptul important este că nu mai poƣi trăi, care nu rezultă dintr-un capriciu, ci din cea mai groaznică tragedie interioară. ƞi a nu mai putea trăi este a afirma viaƣa? Orice sinucidere, din moment ce e sinucidere, e impresionantă. Mă mir cum oamenii mai caută motive Ɵi cauze pentru a ierarhiza sinuciderea sau pentru a-i căuta diverse feluri de justificări, cünd n-o depreciază. Nu pot concepe o problemă mai imbecilă decüt aceea care s-ar ocupa cu ierarhia sinuciderilor, care s-ar referi la sinuciderile din cauză ünaltă sau la cele din cauză vulgară etc.
 Oare faptul de a-ƣi lua viaƣa nu este el atüt de impresionant üncüt orice căutare de motive pare meschină? Am cel mai mare dispreƣ pentru acei care rüd de sinuciderile din iubire, deoarece aceƟtia nu ünƣeleg că o iubire ce nu se poate realiza este pentru cel ce iubeƟte o anulare a fiinƣei lui, o pierdere totală de sens, o imposibilitate de fiinƣare. Cünd iubeƟti cu üntreg conƣinutul fiinƣei tale, cu totalitatea existenƣei tale subiective, o nesatisfacere a acestei iubiri nu poate aduce decüt prăbuƟirea üntregii tale fiinƣe. Marile pasiuni, cünd nu se pot realiza, duc mai repede la moarte decüt marile deficienƣe. Căci ün marile deficienƣe te consumi üntr-o agonie treptată, pe cünd ün marile pasiuni contrariate te stingi ca un fulger. N-am admiraƣie decüt pentru două categorii de oameni: pentru acei care pot oricünd ünnebuni Ɵi pentru acei care ün fiecare clipă se pot sinucide.
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Emil M. Cioran
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Je ne connais rien de plus vivant que l'envie, on dira ce qu'on voudra, mais il n'y a rien de plus vivant que quand on a le dĂ©sir qui frĂ©tille, que quand on dĂ©sire Ă  trĂ©pigner sur place, que quand on n'en peut plus de se palper les corps, ou mĂȘme que quand on n'en peut juste plus d'ĂȘtre avec quelqu'un, qu'on attendait ça depuis longtemps, et que ce moment-lĂ , rien au monde ne pourra l'abĂźmer. Alors les sentiments, le feeling, d'accord, m'enfin, c'est quand mĂȘme en dessous, les trucs en commun, les esprits qui se rencontrent, les signaux lumineux, tout ça, oui, ça compte, d'accord, je ne dis pas, mais s'il n'y a pas l'envie au-dessus de ça, c'est mou, c'est fade.
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David Thomas (La Patience des buffles sous la pluie)
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« Que c'est tandis qu'elle se vit que la vie est immortelle, tandis qu'elle est en vie. Que l'immortalitĂ© ce n'est pas une question de plus ou moins de temps, que ce n'est pas une question d'immortalitĂ©, que c'est une question d'autre chose qui reste ignorĂ©. Que c'est aussi faux de dire qu'elle est sans commencement ni fin que de dire qu'elle commence et qu'elle finit avec la vie de l'esprit du moment que c'est de l'esprit qu'elle participe et de la poursuite du vent. Regardez les sables morts des dĂ©serts, le corps mort des enfants l'immortalitĂ© ne passe pas par lĂ , elle s'arrĂȘte et contourne. »
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Marguerite Duras (The Lover)
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Ce n'est pas la lassitude qui met fin à l'amour, ou plutÎt cette lassitude naßt de l'impatience des corps qui se savent condamnés et qui voudraient vivre, dans le laps de temps qui leur est imparti, ne laisser passer aucune chance, ne laisser échapper aucune possibilité, qui voudraient utiliser au maximum ce temps de vie limité, déclinant, médiocre qui est le leur, et qui partant ne peuvent aimer qui que ce soit car tous les autres leurs paraissent limités, déclinants, médiocres.
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Michel Houellebecq (The Possibility of an Island)
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Je le vis, je rougis, je pĂąlis Ă  sa vue ; Un trouble s’éleva dans mon Ăąme Ă©perdue ; Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler; Je sentis tout mon corps et transir et brĂ»ler : Je reconnus VĂ©nus et ses feux redoutables, D’un sang qu’elle poursuit tourments inĂ©vitables ! Par des vƓux assidus je crus les dĂ©tourner : Je lui bĂątis un temple, et pris soin de l’orner ; De victimes moi-mĂȘme Ă  toute heure entourĂ©e, Je cherchais dans leurs flancs ma raison Ă©garĂ©e : D’un incurable amour remĂšdes impuissants ! En vain sur les autels ma main brĂ»lait l’encens ! Quand ma bouche implorait le nom de la dĂ©esse, J’adorais Hippolyte ; et, le voyant sans cesse, MĂȘme au pied des autels que je faisais fumer, J’offrais tout Ă  ce dieu que je n’osais nommer. Je l’évitais partout. Ô comble de misĂšre ! Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son pĂšre. Contre moi-mĂȘme enfin j’osai me rĂ©volter : J’excitai mon courage Ă  le persĂ©cuter. Pour bannir l’ennemi dont j’étais idolĂątre, J’affectai les chagrins d’une injuste marĂątre ; Je pressai son exil ; et mes cris Ă©ternels L’arrachĂšrent du sein et des bras paternels. Je respirais, ƒNONE ; et, depuis son absence, Mes jours moins agitĂ©s coulaient dans l’innocence : Soumise Ă  mon Ă©poux, et cachant mes ennuis, De son fatal hymen je cultivais les fruits. Vaines prĂ©cautions ! Cruelle destinĂ©e ! Par mon Ă©poux lui-mĂȘme Ă  TrĂ©zĂšne amenĂ©e, J’ai revu l’ennemi que j’avais Ă©loignĂ© : Ma blessure trop vive aussitĂŽt a saignĂ©. Ce n’est plus une ardeur dans mes veines cachĂ©e : C’est VĂ©nus tout entiĂšre Ă  sa proie attachĂ©e. J’ai conçu pour mon crime une juste terreur ; J’ai pris la vie en haine, et ma flamme en horreur ; Je voulais en mourant prendre soin de ma gloire, Et dĂ©rober au jour une flamme si noire : Je n’ai pu soutenir tes larmes, tes combats : Je t’ai tout avouĂ© ; je ne m’en repens pas. Pourvu que, de ma mort respectant les approches, Tu ne m’affliges plus par d’injustes reproches, Et que tes vains secours cessent de rappeler Un reste de chaleur tout prĂȘt Ă  s’exhaler.
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Jean Racine (PhĂšdre)
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Un piĂšge. DressĂ© non pour Ellana mais pour lui. Jilano bondit vers la porte. VerrouillĂ©e, elle l'aurait Ă  peine ralenti. Elle s'ouvrit sans difficultĂ©. Sur un mur de pierre. Il leva les yeux. La mĂȘme substance huileuse qui l'avait fait glisser recouvrait tous les murs. La gouttiĂšre gisait au sol. Inutile de l'observer pour savoir qu'elle avait Ă©tĂ© sabotĂ©e. Du joli travail. Jilano inspira profondĂ©ment, ralentissant son rythme cardiaque jusqu'Ă  ce que son corps Ă©limine l'injonction de survie induite par le danger. Ce n'Ă©tait plus la peine. Il s'assit en tailleur contre un mur et attendit que la silhouette apparaisse au-dessus de lui. Elle ne tarda pas. Un sourire pĂąle erra sur les lĂšvres du maĂźtre marchombre lorsqu’il reconnut l'assassin. La guilde Ă©tait donc tombĂ©e si bas ? Il faillit parler, non pas pour tenter de convaincre, encore moins pour supplier, mais pour chercher Ă  comprendre. Il prĂ©fĂ©ra dĂ©tourner les yeux afin de se concentrer sur l'essentiel. Alors que l'assassin bandait son arc, les pensĂ©es de Jilano s'envolĂšrent vers Ellana. Bonheur. Gratitude. Amour. - Garde-toi, murmura-t-il, et que ta route soit belle. - Madame ! Que vous arrive-t-il ? Ellana Ă©tait brusquement devenue livide. Elle poussa un cri rauque, leva la main Ă  son cƓur et, avant qu'Aoro ait pu intervenir, elle s'effondra.
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Pierre Bottero (Ellana, l'Envol (Le Pacte des MarchOmbres, #2))
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Le chien est un animal si difforme, d’un caractĂšre si dĂ©sordonnĂ©, que de tout temps il a Ă©tĂ© considĂ©rĂ© comme un monstre, nĂ© et formĂ© en dĂ©pit de toutes les lois. En effet, lorsque le repos est l’état naturel, comment expliquer qu’un animal soit toujours remuant, affairĂ©, et cela sans but ni besoin, lors mĂȘme qu’il est repu et n’a point peur ? Lorsque la beautĂ© consiste universellement dans la souplesse, la grĂące et la prudence, comment admettre qu’un animal soit toujours brutal, hurlant, fou, se jetant au nez des gens, courant aprĂšs les coups de pied et les rebuffades ? Lorsque le favori et le chef-d’oeuvre de la crĂ©ation est le chat, comment comprendre qu’un animal le haĂŻsse, coure sur lui sans en avoir reçu une seule Ă©gratignure, et lui casse les reins sans avoir envie de manger sa chair ? Ces contrariĂ©tĂ©s prouvent que les chien sont des damnĂ©s ; trĂšs certainement les Ăąmes coupables et punies passent dans leurs corps. Elles y souffrent : c’est pourquoi ils se tracassent et s’agitent sans cesse. Elles ont perdu la raison : c’est pourquoi ils gĂątent tout, se font battre, et sont enchaĂźnĂ©s les trois quarts du jour. Elles haĂŻssent le beau et le bien : c’est pourquoi ils tĂąchent de nous Ă©trangler.
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Hippolyte Taine
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Que se serait-il passĂ© ? Lol ne va pas loin dans l'inconnu sur lequel s'ouvre cet instant. Elle ne dispose d'aucun souvenir mĂȘme imaginaire, elle n'a aucune idĂ©e sur cet inconnu. Mais ce qu'elle croit, c'est qu'elle devait y pĂ©nĂ©trer, que c'Ă©tait ce qu'il lui fallait faire, que ç'aurait Ă©tĂ© pour toujours, pour sa tĂȘte et pour son corps, leur plus grande douleur et leur plus grande joie confondues jusque dans leur dĂ©finition devenue unique mais innommable faute d'un mot. J'aime Ă  croire, comme je l'aime, que si Lol est silencieuse dans la vie c'est qu'elle a cru, l'espace d'un Ă©clair, que ce mot pouvait exister. Faute de son existence, elle se tait. Ç'aurait Ă©tĂ© un mot-absence, un mot-trou, creusĂ© en son centre d'un trou, de ce trou oĂč tous les autres mots auraient Ă©tĂ© enterrĂ©s. On n'aurait pas pu le dire mais on aurait pu le faire rĂ©sonner. Immense, sans fin, un gong vide, il aurait retenu ceux qui voulaient partir, il les aurait convaincus de l'impossible, il les aurait assourdis Ă  tout autre vocable que lui-mĂȘme, en une fois il les aurait nommĂ©s, eux, l'avenir et l'instant. Manquant, ce mot, il gĂąche tous les autres, les contamine, c'est aussi le chien mort de la plage en plein midi, ce trou de chair.
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Marguerite Duras (The Ravishing of Lol Stein)
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— Tu me rends dingue, murmure Ash, les lĂšvres posĂ©es entre les omoplates de Corbin. Quand que tu me regardes, ton odeur change et je dois me retenir de te sauter dessus. À chaque fois je dois me rappeler que si ton corps hurle oui, je dois quand mĂȘme entendre les mots, sinon ce n’est pas un vrai consentement.
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Mr stevens
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La beautĂ© de ChateauguĂ© n’a rien de fĂ©minin. C’est comme si elle ne savait pas sourire comme une femme, regarder comme une femme, marcher comme une femme, porter son corps et sa robe comme si elle avait peur qu’ils se dĂ©fassent. Je ris en songeant Ă  sa façon extravagante de se mouvoir ; irrĂ©guliĂšre et dĂ©sordonnĂ©e au possible.
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Réjean Ducharme (Le nez qui voque)
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Toutes les nuits je ne pense qu'en celle Qui a le corps plus gent qu'une pucelle De quatorze ans, sur le point d'enrager: Et au dedans un cƓur, pour abrĂ©ger, Autant joyeux qu'eut oncques damoiselle. Elle a beau teint, un parler de bon zĂ©le, Et le tĂ©tin rond comme une grozelle; N'ai-je donc pas bien cause de songer Toutes les nuits?
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Clément Marot
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Je dĂ©couvre la morsure de l'attente. Parce qu'il y a ce refus de s'avouer vaincu, de croire que c'est sans lendemain, que ça ne se reproduira pas. Je me persuade qu'il accomplira un geste dans ma direction, que c'est impossible autrement, que la mĂ©moire des corps emmĂȘlĂ©s vaincra sa rĂ©sistance. Je me dis que ce n'Ă©tait pas seulement une histoire de corps, mais de nĂ©cessitĂ©. Qu'on ne lutte pas contre la nĂ©cessitĂ©. Ou, si on lutte, elle finit par avoir raison de nous. Je dĂ©couvre la morsure du manque.
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Philippe Besson (« ArrĂȘte avec tes mensonges »)
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La conscience n'est pas toujours nĂ©cessaire dans les actes les plus difficiles; elle est mĂȘme parfois un obstacle.
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Paul Valéry (Cours de poétique (Tome 1) - Le corps et l'esprit (1937-1940) (French Edition))
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Eh quoi! pensais-je alors, si ton Ăąme avec ton corps doit se dissoudre, rĂ©alise au plus tĂŽt la joie. Si peut-ĂȘtre elle est imortelle, n'auras-tu pas l'eternitĂ© pour t'occuper Ă  ce qui ne saurait intĂ©resser tes sens? Ce beau pays que tu traverses, vas-tu le dĂ©daigner, te refuser Ă  ses blandices, Ă  cause qu'elles te seront bientĂŽt enlevĂ©es? Plus rapide est la traversĂ©e, plus avide soit ton regard; plus precipitĂ©e est ta fuite, plus sublime soit ton Ă©treinte! Pourquoi donc, amant d'un instant, embrasserais-je moins amoureusement ce que je sais que je ne pourrai pas retenir? Âme inconstante, hĂąte-toi! Sache que la fleur la plus belle est aussi la plus tĂŽt fanĂ©e. Sur son parfum penche-toi vite. L'immortelle n'a pas d'odeur.
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André Gide (Les Nourritures terrestres: suivi de Les nouvelles nourritures)
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Le GoĂ»t du nĂ©ant Morne esprit, autrefois amoureux de la lutte, L’Espoir, dont l’épĂ©ron attisait ton ardeur, Ne veut plus t’enfourcher! Couche-toi sans pudeur, Vieux cheval dont le pied Ă  chaque obstacle bute. RĂ©signe-toi, mon coeur; dors ton sommeil de brute. Esprit vaincu, fourbu! Pour toi, vieux maraudeur, L’amour n’a plus de goĂ»t, non plus que la dispute; Adieu donc, chants du cuivre et soupirs de la flĂ»te! Plaisirs, ne tentez plus un coeur sombre et boudeur! Le Printemps adorable a perdu son odeur! Et le Temps m’engloutit minute par minute, Comme la neige immense un corps pris de roideur; Je contemple d’en haut le globe en sa rondeur Et je n’y cherche plus l’abri d’une cahute. Avalance, veux-tu m’emporter dans ta chute?
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Charles Baudelaire (Les Fleurs du Mal)
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AmputĂ©e!
 O soleil, si c’est vrai que je viens de toi, pourquoi m’as-tu faite amputĂ©e? Pourquoi m’as-tu faite une fille? Pourquoi ces seins, cette faiblesse, cette plaie ouverte au milieu de moi? N’aurait-il pas Ă©tĂ© beau le garçon MĂ©dĂ©e? N’aurait-il pas Ă©tĂ© fort? Le corps dur comme la pierre, fait pour prendre et partir aprĂšs, ferme, intact, entier, lui! Ah! il aurait pu venir, alors, Jason, avec ses grandes mains redoutables, il aurait pu tenter de les poser sur moi! Un couteau, chacun dans la sienne -oui!- et le plus fort tue l’autre et s’en va dĂ©livrĂ©. Pas cette lutte oĂč je ne voulais que toucher les Ă©paules, cette blessure que j’implorais. Femme! Femme! Chienne! Chair faite d’un peu de boue de d’une cĂŽte d’homme! Morceau d’homme! Putain!
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Jean Anouilh (Médée)
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Precum iubești cărțile pe care era să plĂąngi, sonatele ce ți-au tăiat suflarea, parfumurile ce-ți șoptesc de renunțare, femeile rătăcite Ăźntre corp și suflet - așa cu mările: te-ndrăgostești de cele ce unduiesc Ăźnecul. N-am căutat Ăźn Mediterana poezie, nici violențe, nici vĂąrtejuri cumplite de valuri. Acestor chemări aflat-am răspuns pe stĂąncile Bretaniei. Dar cum aș uita o mare Ăźn care mi-am lăsat gĂąndul? Într-o memorie mai scurtă decĂąt presimțirea de veșnicie a efemerei, aș păstra Ăźncă icoana și recunoștința albastrului inuman al mării decadente. Pe malurile ei s-au prăbușit Ăźmpărății - și cĂąte tronuri ale sufletului... CĂąnd aerul și-a suspendat neliniștea și nemărmurirea meridiană a netezit valurile Ăźntr-un luciu abstract, atunci știu ce e Mediterana: realul pur. Lumea fără cuprins: baza efectivă a irealității. Doar spuma - actualitate a nimicului - continuă ca o străduință spre ființă... Nici unul n-avem putințe mai mari decĂąt să plecăm Ăźn larg. Fără dor de ancorare. Rostul nestatorniciei nu-i oare a epuiza marea? Nici un val să nu supraviețuiască odiseei inimii. Un Ulise - cu toate cărțile. O sete de larg plecată din vrafuri, o rătăcire erudită. A ști toate valurile...
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Emil M. Cioran (Îndreptar pătimaș)
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Dans son commerce avec l'homme, le Destin n'arrĂȘte jamais ses comptes. Il y a des moments, nous disent les psychologues, oĂč l'amour du pĂ©chĂ©, de ce que le monde apelle le pĂ©chĂ©, s'empare de l'ĂȘtre Ă  tel point que chaque fibre du corps, chaque cellule du cerveau, semble la proie d'inexorables impulsions. Hommes et femmes, alors, perdant tout libre arbitre. Ils se meuvent vers leur but fatal, comme se meuvent des automates. Toutes facultĂ© de choisir leur est enlevĂ©es. Leur conscience est morte, ou sinon, juste assez vivante pour donner de l'attrait Ă  la rĂ©bellion, du charme Ă  la dĂ©sobĂ©issance. Car tout pĂ©chĂ©, les thĂ©ologiens ne se lassent pas de nous le rappeler, est pĂ©chĂ© de dĂ©sobĂ©issance. Quand le superbe Esprit du mal, l'Étoile du matin, tomba du ciel, ce fut sous l'Ă©tendard de la rĂ©volte.
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Oscar Wilde (The Picture of Dorian Gray)
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Aussi, prĂ©fĂ©rant mille fois la mort Ă  une arrestation, j'accomplissais des choses Ă©tonnantes, et qui, plus d'une fois, me donnĂšrent cette preuve que le trop grand soin que nous prenons de notre corps est Ă  peu prĂšs le seul obstacle Ă  la rĂ©ussite de ceux de nos projets qui ont besoin d'une dĂ©cision rapide et d'une exĂ©cution vigoureuse et dĂ©terminĂ©e. En effet, une fois qu'on a fait le sacrifice de sa vie, on n'est plus l'Ă©gal des autres hommes, ou plutĂŽt les autres hommes ne sont plus vos Ă©gaux, et quiconque a pris cette rĂ©solution sent, Ă  l'instant mĂȘme, dĂ©cupler ses forces et s'agrandir son horizon. (p. 556)
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Alexandre Dumas (The Count of Monte Cristo, V1 (The Count of Monte Cristo, part 1 of 2))
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[...] Et ma fiĂšvre ? D'oĂč vient-elle ? - Allons donc, c'est un incident sans consĂ©quence qui passera vite. - Non, Clawdia, tu sais bien que ce que tu dis lĂ  n'est pas vrai, et tu le dis sans conviction, j'en suis sĂ»r. La fiĂšvre de mon corps et le battement de mon cƓur harassĂ© et le frissonnement de mes membres, c'est le commencement d'un incident, car ce n'est rien d'autre [...], rien d'autre que mon amour pour toi [...].
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Thomas Mann (The Magic Mountain)
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Elle passa la main sur son front, s’obligeant Ă  respirer avec lenteur pour chasser le cauchemar qui pulsait encore dans chacune des fibres de son corps. Elle se leva sans bruit. — Que t’arrive-t-il ? murmura Salim prĂšs d’elle. — Un mauvais rĂȘve. Je vais marcher un peu. Pour oublier... — Je viens. Ce n’était pas une question ni mĂȘme une proposition. Aussi silencieux l’un que l’autre, ils s’éloignĂšrent du tas de cendres qui rougeoyait toujours. Ils n’avaient pas fait trois pas que la voix d’Edwin s’éleva. Parfaitement Ă©veillĂ©e. — Ne dĂ©passez pas la limite des arbres. Puis celle d’Ellana. Gouailleuse. — Ni les autres. Salim n’eut pas le temps de trouver une rĂ©plique. — Les limites exister pour ĂȘtre dĂ©passĂ©es ! — Et si vous fichiez la paix Ă  ces jeunes gens ? Chiam et Erylis ! Son cauchemar eĂ»t-il Ă©tĂ© moins prĂ©gnant, Ewilan aurait Ă©clatĂ© de rire.
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Pierre Bottero (L'ƒil d'Otolep (Les Mondes d'Ewilan, #2))
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Je me suis dit, pour la Ă©niĂšme fois, que le corps s'Ă©teignait quand la douleur devenait insoutenable, que la conscience Ă©tait un Ă©tat fugitif, que ça allait passer. Mais, comme chaque fois, je n'ai pas baissĂ© le rideau. Je suis restĂ©e sur la grĂšve Ă  me faire lessiver par les vagues, sans me noyer. (
) Crier ne faisait qu'empirer les choses. Toutes les stimulations, en fait. La seule solution Ă©tait de dĂ©faire le monde, de le rendre noir et silencieux, inhabitĂ©, de revenir au moment qui avait prĂ©cĂ©dĂ© le big bang, au commencement oĂč Ă©tait le Verbe, et de vivre dans cet espace vide et non existant avec le Verbe. On parle souvent du courage des malades du cancer, et je ne nie pas ce courage. Ça faisait des annĂ©es que, malgrĂ© les coups et le poison dans mes veines, j'Ă©tais toujours sur pied. Mais vous pouvez me croire, Ă  cet instant, j'aurais Ă©tĂ© ravie de mourir. 
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John Green (The Fault in Our Stars)
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Je n'ai jamais mis les pieds Ă  Sorel, ni le reste du corps d'ailleurs, et dĂšs mon arrivĂ©e, je comprends pourquoi : rien d'attrayant dans cette ville plutĂŽt laide dont la seule originalitĂ© est d'ĂȘtre une anagramme du mot «rĂŽles».
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Patrick Senécal (Grande liquidation (Malphas, #4))
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Iată scriitorul care-a avut puƣine femei: gata mereu să mitizeze... De fapt, cu Ester am avut o legătură de cñteva luni, ün care n-am vorbit despre dragoste Ɵi n-am făcut dragoste, deƟi am ajuns uneori foarte aproape de asta. Dar ne-am plimbat zilnic ore-n Ɵir, am fost la cenacluri unde prezenƣa ei era hipnotică, unde părul ei foarte lung se-nfoia aspru atrăgñnd toate privirile („băi, norocosule, cine-i gagica?"), am fost Ɵi la Ɵtranduri sordide, unde nu se putea intra ün apele băloase. Cñnd o conduceam spre casă, noaptea tñrziu (fireƟte, pe sub stele cu Ɵase colƣuri), ne opream pe drum, luminaƣi spectral de vreun bec sau de vitrinele vreunui troleibuz care trecea greoi, Ɵi ne sărutam ün disperare. Niciodată nu ƣinusem ün braƣe un corp atñt de frumos, o fată atñt de simplă Ɵi atñt de, totuƟi, misterioasă. Nu s-a-ntñmplat nimic deosebit ün tot acest timp. Zilele-ncepuseră să se răcească, Ɵi ün seara ün care Ester mi-a spus că va emigra cu familia ei ün Israel mi se făcuse frig dinainte să-i aud cuvintele. Apoi am üngheƣat. Ne propuseserăm tacit să nu ne-ndrăgostim unul de altul dar probabil că, fără să-mi fi dat seama, eu sau ceva din mine transgresase limitele impuse. Eram üntr-un parc mizer Ɵi pustiu, sprijiniƣi de o masă de Ɵah din ciment. Am condus-o acasă, ca-ntotdeauna, ne-am sărutat ca-ntotdeauna, nu ne-am spus adio, nici măcar la revedere, apoi nu ne-am mai văzut niciodată.
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Mircea Cărtărescu (De ce iubim femeile)
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L’obscuritĂ© submergeait tout, il n’y avait aucun espoir d’en traverser les ombres, mais on en atteignait la rĂ©alitĂ© dans une relation dont l’intimitĂ© Ă©tait bouleversante. Sa premiĂšre observation fut qu’il pouvait encore se servir de son corps, en particulier de ses yeux ; ce n’était pas qu’il vit quelque chose, mais ce qu’il regardait, Ă  la longue le mettait en rapport avec une masse nocturne qu’il percevait vaguement comme Ă©tant lui-mĂȘme et dans laquelle il baignait.
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Maurice Blanchot (Thomas the Obscure)
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Il est difficile de définir l'amour. Ce qu'on en peut dire est que dans l'ùme c'est une passion de régner, dans les esprits c'est une sympathie, et dans le corps ce n'est qu'une envie cachée et délicate de posséder ce que l'on aime aprÚs beaucoup de mystÚres.
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François de La Rochefoucauld (Réflexions ou sentences et maximes morales (French Edition))
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Un aveu. Je fais autre chose encore, autre chose que visualiser la scĂšne, autre chose que convoquer un souvenir, je me dis  : Ă  quoi Thomas a-t-il pensĂ©, quand ça a Ă©tĂ© le dernier moment  ? aprĂšs avoir passĂ© la corde autour de son cou  ? avant de renverser la chaise  ? et d'abord, combien de temps cela a-t-il durĂ©  ? une poignĂ©e de secondes  ? puisqu'il ne servait Ă  rien de perdre du temps, la dĂ©cision avait Ă©tĂ© prise, il fallait la mettre Ă  exĂ©cution, une minute  ? mais c'est interminable, une minute, dans ces circonstances, et alors comment l'a-t-il remplie  ? avec quelles pensĂ©es  ? et j'en reviens Ă  ma question. A-t-il fermĂ© les yeux et revu des Ă©pisodes de son passĂ©, de la tendre enfance, par exemple son corps Ă©tendu en croix dans l'herbe fraĂźche, tournĂ© vers le bleu du ciel, la sensation de chaleur sur sa joue et sur ses bras  ? de son adolescence  ? une chevauchĂ©e Ă  moto, la rĂ©sistance de l'air contre son torse  ? a-t-il Ă©tĂ© rattrapĂ© par des dĂ©tails auxquels il ne s'attendait pas  ? des choses qu'il croyait avoir oubliĂ©es  ? ou bien a-t-il fait dĂ©filer des visages ou des lieux, comme s'il s'agissait de les emporter avec lui  ? (À la fin, je suis convaincu qu'en tout cas, il n'a pas envisagĂ© de renoncer, que sa dĂ©termination n'a pas flĂ©chi, qu'aucun regret, s'il y en a eu, n'est venu contrarier sa volontĂ©.) Je traque cette ultime image formĂ©e dans son esprit, surgie de sa mĂ©moire, non pas pour escompter y avoir figurĂ© mais pour croire qu'en la dĂ©couvrant, je renouerais avec notre intimitĂ©, je serais Ă  nouveau ce que nul autre n'a Ă©tĂ© pour lui.
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Philippe Besson (« ArrĂȘte avec tes mensonges »)
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Patrice a vingt-quatre ans et, la premiĂšre fois que je l’ai vu, il Ă©tait dans son fauteuil inclinĂ© trĂšs en arriĂšre. Il a eu un accident vasculaire cĂ©rĂ©bral. Physiquement, il est incapable du moindre mouvement, des pieds jusqu’à la racine des cheveux. Comme on le dit souvent d’une maniĂšre trĂšs laide, il a l’aspect d’un lĂ©gume : bouche de travers, regard fixe. Tu peux lui parler, le toucher, il reste immobile, sans rĂ©action, comme s’il Ă©tait complĂštement coupĂ© du monde. On appelle ça le locked in syndrome.Quand tu le vois comme ça, tu ne peux qu’imaginer que l’ensemble de son cerveau est dans le mĂȘme Ă©tat. Pourtant il entend, voit et comprend parfaitement tout ce qui se passe autour de lui. On le sait, car il est capable de communiquer Ă  l’aide du seul muscle qui fonctionne encore chez lui : le muscle de la paupiĂšre. Il peut cligner de l’Ɠil. Pour l’aider Ă  s’exprimer, son interlocuteur lui propose oralement des lettres de l’alphabet et, quand la bonne lettre est prononcĂ©e, Patrice cligne de l’Ɠil.  Lorsque j’étais en rĂ©animation, que j’étais complĂštement paralysĂ© et que j’avais des tuyaux plein la bouche, je procĂ©dais de la mĂȘme maniĂšre avec mes proches pour pouvoir communiquer. Nous n’étions pas trĂšs au point et il nous fallait parfois un bon quart d’heure pour dicter trois pauvres mots. Au fil des mois, Patrice et son entourage ont perfectionnĂ© la technique. Une fois, il m’est arrivĂ© d’assister Ă  une discussion entre Patrice et sa mĂšre. C’est trĂšs impressionnant.La mĂšre demande d’abord : « Consonne ? » Patrice acquiesce d’un clignement de paupiĂšre. Elle lui propose diffĂ©rentes consonnes, pas forcĂ©ment dans l’ordre alphabĂ©tique, mais dans l’ordre des consonnes les plus utilisĂ©es. DĂšs qu’elle cite la lettre que veut Patrice, il cligne de l’Ɠil. La mĂšre poursuit avec une voyelle et ainsi de suite. Souvent, au bout de deux ou trois lettres trouvĂ©es, elle anticipe le mot pour gagner du temps. Elle se trompe rarement. Cinq ou six mots sont ainsi trouvĂ©s chaque minute.  C’est avec cette technique que Patrice a Ă©crit un texte, une sorte de longue lettre Ă  tous ceux qui sont amenĂ©s Ă  le croiser. J’ai eu la chance de lire ce texte oĂč il raconte ce qui lui est arrivĂ© et comment il se sent. À cette lecture, j’ai pris une Ă©norme gifle. C’est un texte brillant, Ă©crit dans un français subtil, lĂ©ger malgrĂ© la tragĂ©die du sujet, rempli d’humour et d’autodĂ©rision par rapport Ă  l’état de son auteur. Il explique qu’il y a de la vie autour de lui, mais qu’il y en a aussi en lui. C’est juste la jonction entre les deux mondes qui est un peu compliquĂ©e.Jamais je n’aurais imaginĂ© que ce texte si puissant ait Ă©tĂ© Ă©crit par ce garçon immobile, au regard entiĂšrement vide.  Avec l’expĂ©rience acquise ces derniers mois, je pensais ĂȘtre capable de diagnostiquer l’état des uns et des autres seulement en les croisant ; j’ai reçu une belle leçon grĂące Ă  Patrice.Une leçon de courage d’abord, Ă©tant donnĂ© la vitalitĂ© des propos que j’ai lus dans sa lettre, et, aussi, une leçon sur mes a priori. Plus jamais dorĂ©navant je ne jugerai une personne handicapĂ©e Ă  la vue seule de son physique. C’est jamais inintĂ©ressant de prendre une bonne claque sur ses propres idĂ©es reçues .
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Grand corps malade (Patients)
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Elle sentit de la compassion pour son corps, une compassion si grande qu'elle menaçait de faire exploser son cƓur: parce que son corps Ă©tait lĂ  dans la nuit. Elle voyait ses Ă©paules, ses bras maigres qu'il tenait serrĂ©s contre sa poitrine grelottante, ses genoux adorĂ©s, son front barrĂ© de petites mĂšches humides: elle en aurait presque pleurĂ©. C'Ă©tait son corps, celui qui lui avait Ă©chu, ce corps qui devait vivre, rĂ©sister, grelotter, dĂ©sirer, se rĂ©jouir, c'Ă©tait son corps plein de vie, la seule chose qu'il possĂ©dait vraiment: et il n'avait d'autre choix que d'ĂȘtre lĂ  debout devant elle dans la nuit.
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Klaus Mann (Nouvelle d'enfance)
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Les dispositifs de la sociĂ©tĂ© du spectacle, avec leur mise en scĂšne constante de la rĂ©ussite, se caractĂ©risent en effet par leur capacitĂ© Ă  fabriquer de l’insatisfaction. De l’insatisfaction et non de la rĂ©volte : chez ceux qui auraient toutes les raisons de revendiquer de meilleures conditions matĂ©rielles d’existence, ils dĂ©truisent ce minimum d’estime de soi sans lequel il n’y a pas de rĂ©volte possible. Quant aux plus favorisĂ©s, ils sont incitĂ©s Ă  se comparer sans cesse entre eux. Se rĂ©pand ainsi une malĂ©diction qui paralyse, qui empĂȘche de faire corps avec ce que l’on est et ce que l’on a (
) p-274
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Mona Chollet (Chez soi)
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Oh ! aimer une femme ! ĂȘtre prĂȘtre ! ĂȘtre haĂŻ ! l’aimer de toutes les fureurs de son Ăąme, sentir qu’on donnerait pour le moindre de ses sourires son sang, ses entrailles, sa renommĂ©e, son salut, l’immortalitĂ© et l’éternitĂ©, cette vie et l’autre ; regretter de ne pas ĂȘtre roi, gĂ©nie, empereur, archange, dieu, pour lui mettre un plus grand esclave sous les pieds ; l’étreindre nuit et jour de ses rĂȘves et de ses pensĂ©es ; et la voir amoureuse d’une livrĂ©e de soldat ! et n’avoir Ă  lui offrir qu’une sale soutane de prĂȘtre dont elle aura peur et dĂ©goĂ»t ! Être prĂ©sent, avec sa jalousie et sa rage, tandis qu’elle prodigue Ă  un misĂ©rable fanfaron imbĂ©cile des trĂ©sors d’amour et de beautĂ© ! Voir ce corps dont la forme vous brĂ»le, ce sein qui a tant de douceur, cette chair palpiter et rougir sous les baisers d’un autre ! Ô ciel ! aimer son pied, son bras, son Ă©paule, songer Ă  ses veines bleues, Ă  sa peau brune, jusqu’à s’en tordre des nuits entiĂšres sur le pavĂ© de sa cellule, et voir toutes les caresses qu’on a rĂȘvĂ©es pour elle aboutir Ă  la torture ! N’avoir rĂ©ussi qu’à la coucher sur le lit de cuir ! Oh ! ce sont lĂ  les vĂ©ritables tenailles rougies au feu de l’enfer ! Oh ! bienheureux celui qu’on scie entre deux planches, et qu’on Ă©cartĂšle Ă  quatre chevaux ! — Sais-tu ce que c’est que ce supplice que vous font subir, durant les longues nuits, vos artĂšres qui bouillonnent, votre cƓur qui crĂšve, votre tĂȘte qui rompt, vos dents qui mordent vos mains ; tourmenteurs acharnĂ©s qui vous retournent sans relĂąche, comme sur un gril ardent, sur une pensĂ©e d’amour, de jalousie et de dĂ©sespoir ! Jeune fille, grĂące ! trĂȘve un moment ! un peu de cendre sur cette braise ! Essuie, je t’en conjure, la sueur qui ruisselle Ă  grosses gouttes de mon front ! Enfant ! torture-moi d’une main, mais caresse-moi de l’autre ! Aie pitiĂ©, jeune fille ! aie pitiĂ© de moi !
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Victor Hugo (Notre-Dame de Paris (French Edition))
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Il serra ses mains en poings et se força Ă  marcher Ă  pas lents et mesurĂ©s vers la tombe et commença Ă  haleter. Bon sang, il ne pouvait pas s’écrouler. Il voulait le faire, il avait besoin de le faire, besoin de voir ce qu’il pourrait retirer de ce rappel physique de sa propre mortalitĂ© Ă©phĂ©mĂšre. Peut-ĂȘtre que cela lui donnerait envie de vivre Ă  nouveau. Il lut les dates de dĂ©cĂšs marquĂ©es sur les pierres tombales, en faisant attention Ă  ne pas marcher sur les tombes des autres pauvres enfants morts, d’annĂ©e en annĂ©e, jusqu’à ce qu’il voit son nom. JULIETTE ANNE MARTIN 14 aoĂ»t 1991-9 octobre 2008 Fille bien-aimĂ©e. Il n’y avait pas d’ours, de plaques ou mĂȘme d’anges comme il en avait vu sur les autres pierres tombales, alors qu’il cherchait la sienne. Elle Ă©tait gris foncĂ©, en marbre et trĂšs Ă©lĂ©gante. Ses jambes se dĂ©robĂšrent sous lui quand il rĂ©alisa que son amie, sa Juliette, gisait Ă  ses pieds, et il atterrit sur la terre molle Ă  cĂŽtĂ© d’elle. Les fleurs oubliĂ©es tombĂšrent au sol et des sanglots secs ravagĂšrent son corps. Il ne pleurerait pas, il le savait. Il Ă©tait incapable de pleurer depuis cette nuit-lĂ . Tout comme il ne supportait plus d’ĂȘtre touchĂ©, il ne pouvait Ă©prouver le plus petit soulagement que les pleurs lui auraient accordĂ©.
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J.P. Barnaby (Aaron: Histoire d'un survivant #1 (French Edition))
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Le fait de ne pas prolonger l’expĂ©rience amoureuse n’est pas un critĂšre de validitĂ© en soi. Dans la rencontre attentionnĂ©e avec l’autre, l’individu est Ă©lectrisĂ©. Dans la rencontre de deux corps s’exalte une sensation de vie intense. Aussi la passion n’est-elle pas toujours liĂ©e Ă  la suite de l’évĂ©nement : il est frĂ©quent de rencontrer sensuellement quelqu’un sans vivre ensuite avec lui. Il faut disjoindre la grĂące de la rencontre, qui est Ă©blouissement rĂ©ciproque, des suites d’une relation. Deux ĂȘtres peuvent s’estimer trop diffĂ©rents, trop Ă©loignĂ©s, pour dĂ©cider de former une relation durable, malgrĂ© un Ă©change merveilleux. Les partenaires savent que, « sans lendemain », cet Ă©change se suffit Ă  lui-mĂȘme, qu’il procure une Ă©nergie fabuleuse. C’est nĂ©anmoins un moment magique. « Une voluptĂ© vraie est aussi difficile Ă  rĂ©ussir qu’un mariage d’amour », estime Vladimir JankĂ©lĂ©vitch (1949). Il ne s’agit pas de ce que l’on appelle communĂ©ment l’état amoureux, aussi cette forme de relation est toujours niĂ©e, vulgarisĂ©e, ramenĂ©e Ă  un Ă©change libertin, de pur sexe, instrumental, intĂ©ressĂ©, etc. Pourtant l’apport Ă©motionnel, sensuel, Ă©nergĂ©tique, affectif, amoureux peut avoir des rĂ©percussions plus grandes dans l’histoire de vie de la personne que des annĂ©es de vie conjugale.
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Serge Chaumier (L'amour fissionnel : Le nouvel art d'aimer)
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Etre vivant, cela veut dire ĂȘtre conscient de sa vie, de son destin personnel, et rĂ©pandre la Vie autour de soi. Etre vivant, cela veut dire ĂȘtre libĂ©rĂ© de toute attitude unilatĂ©rale, de tout fanatisme et ĂȘtre ouvert Ă  tout ce qui est bon et grand, ĂȘtre prĂ©servĂ© de toute sclĂ©rose et de toute petrification du corps comme de lÂŽesprit. Etre vivant, cela signifie ĂȘtre toujours prĂȘt Ă  apprendre et, si besoin est, Ă  changer de mĂ©thode et de ne tenir aucune limitation pour insurmontable. Cela signifie prendre part Ă  tout, entendre en tout gronder le torrent dÂŽabondance et de plĂ©nitude, avoir part au royaume de vie dans tout ce qui se passe, aimer et louer tout ce qui est vĂ©ritablement vie et se dĂ©saltĂ©rer auprĂšs dÂŽelle comme Ă  une source rafraĂźchissante.
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K.O. Schmidt (Le Hasard n'existe pas (French Edition))
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Je veux que tu en aies toi-mĂȘme la preuve par expĂ©rience, sans la chercher ailleurs. Quand on n'aime pas pour son propre compte, on voit d'un oeil chagrin l'humeur des amants. Il y a encore en moi quelque ardeur amoureuse, mon corps a toujours de la sĂšve; et mes sens ne sont pas Ă©teints pour les agrĂ©ments et les plaisirs de la vie. Je suis un rieur de bon goĂ»t, un convive agrĂ©able; dans un dĂźner, je ne coupe jamais la parole Ă  personne; j'ai le bon esprit de ne pas me rendre importun aux convives; je sais prendre part Ă  la conversation avec mesure, et me taire Ă  propos, quand c'est Ă  d'autres Ă  parler; je ne suis point cracheur ni pituiteux, et point roupieux le moins du monde; enfin, je suis d'ÉphĂšse, et non pas d'Apulie (53), je ne suis pas un « petit coeur ».
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Plautus (Miles Gloriosus)
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Adesea mi-am simƣit sufletul alături de trup. Adesea l-am simƣit departe, adesea fără rost Ɵi fără căpătñi. ƞi cum l-aƟ fi urmat, ün ünălƣări subite, smuls din aƟternutul inimii? Nu-i rostul lui să rătăcească ün albiile simƣurilor? Ce-l ümpinge atunci spre üntinderi, ün care nu pot să-l urmez? Oamenii ül au, dispun de el, el e al lor. Numai eu rămñn sub mine
 Lasă-ƣi sufletul fără pază; cum o ia razna spre cer! Direcƣia lui firească e o vitregie. Prin ce mreji ül voi lega de pămñnt? De-ar prinde furtunile lui patima lucrurilor ce trec Ɵi, ünfrñnñndu-l, să-i pun cătuƟele trupului! Ajunge o clipă de neseamă Ɵi-n focuri se sloboade spre alte lumi. De unde să vină văpaia subită ce-l surghiuneƟte-n meleaguri cereƟti, ün timp ce rămñi victimă lñng-un corp ün părăsiri?
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Emil M. Cioran (Îndreptar pătimaƟ II)
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La nuit qui suivit ne fut pas celle de la lutte, mais celle du silence. Dans cette chambre retranchĂ©e du monde, au-dessus de ce corps mort maintenant habillĂ©, Rieux sentit planer le calme surprenant qui, bien des nuits auparavant, sur les terrasses au-dessus de la peste, avait suivi l'attaque des portes. DĂ©jĂ , Ă  cette Ă©poque, il avait pensĂ© Ă  ce silence qui s'Ă©levait des lits oĂč il avait laissĂ© mourir des hommes. C'Ă©tait partout la mĂȘme pause, le mĂȘme intervalle solennel, toujours le mĂȘme apaisement qui suivait les combats, c'Ă©tait le silence de la dĂ©faite. Mais pour celui qui enveloppait maintenant son ami, il Ă©tait si compact, il s'accordait si Ă©troitement au silence des rues et de la ville libĂ©rĂ©e de la peste, que Rieux sentait bien qu'il s'agissait cette fois de la dĂ©faite dĂ©finitive, celle qui termine les guerres et fait de la paix elle-mĂȘme une souffrance sans guĂ©rison. Le docteur ne savait pas si, pour finir, Tarrou avait retrouvĂ© la paix, mais, dans ce moment tout au moins, il croyait savoir qu'il n'y aurait jamais plus de paix possible pour lui-mĂȘme, pas plus qu'il n'y a d'armistice pour la mĂšre amputĂ©e de son fils ou pour l'homme qui ensevelit son ami.
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Albert Camus (The Plague)
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Dans l’ordre Ă©conomique ordinaire, l’individu produit comme Ă©lĂ©ment de production, il consomme comme Ă©lĂ©ment de consommation, mais il se noie dans la statistique, il se noie dans les lois du grand nombre. Les rĂ©sultats Ă©conomiques sont les rĂ©sultats qui font disparaĂźtre l’individu devant les chiffres, devant les nombres qui sont fournis. C’est ce qu’on appelle la statistique. L’individu s’efface, il ne reste que l’ensemble des phĂ©nomĂšnes qu’on peut rĂ©diger sous forme de lois. Dans l’ordre intellectuel, il n’en est pas tout Ă  fait ainsi. C’est prĂ©cisĂ©ment Ă  quoi je faisais allusion quand je parlais tout Ă  l’heure des crĂ©ateurs, ces gens particuliers qui jouent un rĂŽle essentiel, et en somme un rĂŽle tout Ă  fait personnel, individuel. C’est la valeur personnelle qui est en cause.
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Paul Valéry (Cours de poétique (Tome 1) - Le corps et l'esprit (1937-1940) (French Edition))
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Voisine Je peux rester des aprĂšs-midi entiers Ă  regarder cette fille, cachĂ© derriĂšre mon rideau. Je me demande ce qu'elle peut Ă©crire sur son ordinateur. A quoi elle pense quand elle regarde par la fenĂȘtre. Je me demande ce qu'elle mange, ce qu'elle utilise comme dentifrice, ce qu'elle Ă©coute comme musique. Un jour, je l'ai vue danser toute seule. Je me demande si elle a des frĂšres et sƓurs, si elle met la radio quand elle se lĂšve le matin, si elle prĂ©fĂšre l'Espagne ou l'Italie, si elle garde son mouchoir en boule dans sa main quand elle pleure et si elle aime Thomas Bernhard. Je me demande comment elle dort et comment elle jouit. Je me demande comment est son corps de prĂšs. Je me demande si elle s'Ă©pile ou si au contraire elle a une grosse toison. Je me demande si elle lit des livres en anglais. Je me demande ce qui la fait rire, ce qui la met hors d'elle, ce qui la touche et si elle a du goĂ»t. Qu'est-ce qu'elle peut bien en penser, cette fille, de la hausse du baril de pĂ©trole et des Farc, et que dans trente ans il n'y aura sans doute plus de gorilles dans les montagnes du Rwanda ? Je me demande Ă  quoi elle pense quand je la vois fumer sur son canapĂ©, et ce qu'elle fume comme cigarettes. Est-ce que ça lui pĂšse d'ĂȘtre seule ? Est-ce qu'elle a un homme dans sa vie ? Et si c'est le cas, pourquoi c'est elle qui va toujours chez lui ? Pourquoi il n'y a jamais d'homme chez elle ? Je me demande comment elle se voit dans vingt ans. Je me demande quel sens elle donne Ă  sa vie. Qu'est-ce qu'elle pense de sa vie quand elle est comme ça, toute seule, chez elle ? Si ça se trouve, elle n'a aucun intĂ©rĂȘt, cette fille.
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David Thomas (La Patience des buffles sous la pluie)
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maintenant qu'il connaissait cette douleur Muzil la craignait par-dessus tout, ça se lisait désormais dans son oeil la panique d'une souffrance qui n'est plus maßtrisée à l'intérieur du corps mais provoquée artificiellement par une intervention extérieure au foyer du mal sous prétexte de la juguler, il était lair que pour Muzil cette souffrance était plus abominable que sa souffrance intime, devenue familiÚre
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HervĂ© Guibert (À l'ami qui ne m'a pas sauvĂ© la vie)
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Celles qui refusent la maternitĂ© sont aussi confrontĂ©es au prĂ©jugĂ© selon lequel elles dĂ©testent les enfants, telles les sorciĂšres dĂ©vorant Ă  belles dents de petits corps rĂŽtis durant le sabbat ou jetant un sort mortel au fils du voisin. C'est doublement exaspĂ©rant. D'abord, parce que c'est loin d'ĂȘtre toujours le cas : parfois, c'est mĂȘme une forte empathie avec les enfants qui peut vous retenir d'en mettre au monde, alors que d'autres pourront choisir d'en avoir pour des motifs discutables. [...] Par ailleurs, on a le droit de ne pas rechercher la compagnie des enfants, voire de les dĂ©tester franchement, quitte Ă  dĂ©pouiller impitoyablement l'entourage de ses illusions en foulant aux pieds l'image de douceur et de dĂ©vouement qu'il associe Ă  la Femme. LĂ  encore, de toute façon, il n'y a pas de bon comportement possible.
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Mona Chollet (SorciÚres : La puissance invaincue des femmes)
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Deux matelots s'Ă©taient noyĂ©s, leurs corps n'avaient jamais Ă©tĂ© retrouvĂ©s et ils Ă©taient allĂ©s rejoindre la foule des marins qui errent au fond de la mer, se plaignant entre eux de la lenteur du temps, attendant l'appel suprĂȘme que quelqu'un leur avait promis en des temps immĂ©moriaux, attendant que Dieu les hisse vers la surface et les attrape dans son Ă©puisette d'Ă©toiles, qu'il les sĂšche de son souffle tiĂšde et les laisse entrer Ă  pied sec au royaume des cieux, lĂ , il n'y a jamais de poisson aux repas, disent les noyĂ©s qui, toujours aussi optimistes, s'occupent en regardant la quille des bateaux, s'Ă©tonnent du nouveau matĂ©riel de pĂȘche, maudissent les saloperies que l'homme laisse dans son sillage, mais parfois aussi, pleurent Ă  cause de la vie qui leur manque, pleurent comme pleurent les noyĂ©s et voilĂ  pourquoi la mer est salĂ©e. (p.199)
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JĂłn Kalman StefĂĄnsson (HimnarĂ­ki og helvĂ­ti)
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Moi qui ai eu la chance, malgrĂ© quelques grosses sĂ©quelles, de me relever et de retrouver une autonomie totale, je pense souvent Ă  cette incroyable pĂ©riode de ma vie et surtout Ă  tous mes compagnons d’infortune. À part Samia, peut-ĂȘtre, je sais pertinemment que les autres sont toujours dans leurfauteuil, qu’ils sont contraints Ă  une assistance permanente, qu’ils ont toujours droit aux sondages urinaires, aux transferts, aux fauteuils-douches, aux sĂ©ances de verticalisation
 Ils sont pour toujours confrontĂ©s Ă  ces mots qui ont Ă©tĂ© mon quotidien, cette annĂ©e-lĂ  J’ai fait trois autres centres de rééducation par la suite, mais jamais je n’ai autant ressenti la violence de cette immersion dans le monde du handicap que lors de ces quelques mois. Jamais je n’ai retrouvĂ© autant de malheur et autant d’envie de vivre rĂ©unis en un mĂȘme lieu, jamais je n’ai croisĂ© autant de souffrance et d’énergie, autant d’horreur et d’humour. Et jamais plus je n’ai ressenti autant d’intensitĂ© dans le rapport des ĂȘtres humains Ă  l’incertitude de leur avenir .. Je ne connaissais rien de ce monde-lĂ  avant mon accident. Je me demande mĂȘme si j’y avais dĂ©jĂ  vraiment pensĂ©. Bien sĂ»r, cette expĂ©rience aussi difficile pour moi que pour mon entourage proche m’a beaucoup appris sur moi-mĂȘme, sur la fragilitĂ© de l’existence (et celle des vertĂšbres cervicales). Personne d’autre ne sait mieux que moi aujourd’hui qu’une catastrophe n’arrive pas qu’aux autres, que la vie distribue ses drames sans regarder qui les mĂ©rite le plus . Mais, au-delĂ  de ces lourds enseignements et de ces grandes considĂ©rations, ce qui me reste surtout de cette pĂ©riode, ce sont les visages et les regards que j’ai croisĂ©s dans ce centre. Ce sont les souvenirs de ces ĂȘtres qui, Ă  l’heure oĂč j’écris ces lignes, continuent chaque jour de mener un combat qu’ils n’ont jamais l’impression de gagner.Si cette Ă©preuve m’a fait grandir et progresser, c’est surtout grĂące aux rencontres qu’elle m’aura offertes.
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Grand corps malade (Patients)
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Je vous rappelle ce trait d’Histoire pour vous faire entendre que non seulement les diffĂ©rents corps de votre armĂ©e doivent se secourir mutuellement, mais encore qu’il faut que vous secouriez vos alliĂ©s, que vous donniez mĂȘme du secours aux peuples vaincus qui en ont besoin ; car, s’ils vous sont soumis, c’est qu’ils n’ont pu faire autrement ; si leur souverain vous a dĂ©clarĂ© la guerre, ce n’est pas de leur faute. Rendez-leur des services, ils auront leur tour pour vous en rendre aussi. p87
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Sun Tzu (L'art de la guerre)
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Esther n'Ă©tait certainement pas bien Ă©duquĂ©e au sens habituel du terme, jamais l'idĂ©e ne lui serait venue de vider un cendrier ou de dĂ©barrasser le relief de ses repas, et c'est sans la moindre gĂȘne qu'elle laissait la lumiĂšre allumĂ©e derriĂšre elle dans les piĂšces qu'elle venait de quitter (il m'est arrivĂ©, suivant pas Ă  pas son parcours dans ma rĂ©sidence de San Jose, d'avoir Ă  actionner dix-sept commutateurs); il n'Ă©tait pas davantage question de lui demander de penser Ă  faire un achat, de ramener d'un magasin oĂč elle se rendait une course non destinĂ©e Ă  son propre usage, ou plus gĂ©nĂ©ralement de rendre un service quelconque. Comme toutes les trĂšs jolies jeunes filles elle n'Ă©tait au fond bonne qu'Ă  baiser, et il aurait Ă©tĂ© stupide de l'employer Ă  autre chose, de la voir autrement que comme un animal de luxe, en tout choyĂ© et gĂ„tĂ©, protĂ©gĂ© de tout souci comme de toute tĂąche ennuyeuse ou pĂ©nible afin de mieux pouvoir se consacrer Ă  son service exclusivement sexuel. Elle n'en Ă©tait pas moins trĂšs loin d'ĂȘtre ce monstre d'arrogance, d'Ă©goĂŻsme absolu et froid, au, pour parler en termes plus baudelairiens, cette infernale petite salope que sont la plupart des trĂšs jolies jeunes filles; il y avait en elle la conscience de la maladie, de la faiblesse et de la mort. Quoique belle, trĂšs belle, infiniment Ă©rotique et dĂ©sirable, Esther n'en Ă©tait pas moins sensible aux infirmitĂ©s animales, parce qu'elle les connaissait ; c'est ce soir-lĂ  que j'en pris conscience, et que je me mis vĂ©ritablement Ă  l'aimer. Le dĂ©sir physique, si violent soit-il, n'avait jamais suffi chez moi Ă  conduire Ă  l'amour, il n'avait pu atteindre ce stade ultime que lorsqu'il s'accompagnait, par une juxtaposition Ă©trange, d'une compassion pour l'ĂȘtre dĂ©sirĂ© ; tout ĂȘtre vivant, Ă©videmment, mĂ©rite la compassion du simple fait qu'il est en vie et se trouve par lĂ -mĂȘme exposĂ© Ă  des souffrances sans nombre, mais face Ă  un ĂȘtre jeune et en pleine santĂ© c'est une considĂ©ration qui paraĂźt bien thĂ©orique. Par sa maladie de reins, par sa faiblesse physique insoupçonnable mais rĂ©elle, Esther pouvait susciter en moi une compassion non feinte, chaque fois que l'envie me prendrait d'Ă©prouver ce sentiment Ă  son Ă©gard. Étant elle-mĂȘme compatissante, ayant mĂȘme des aspirations occasionnelles Ă  la bontĂ©, elle pouvait Ă©galement susciter en moi l'estime, ce qui parachevait l'Ă©difice, car je n'Ă©tais pas un ĂȘtre de passion, pas essentiellement, et si je pouvais dĂ©sirer quelqu'un de parfaitement mĂ©prisable, s'il m'Ă©tait arrivĂ© Ă  plusieurs reprises de baiser des filles dans l'unique but d'assurer mon emprise sur elles et au fond de les dominer, si j'Ă©tais mĂȘme allĂ© jusqu'Ă  utiliser ce peu louable sentiment dans des sketches, jusqu'Ă  manifester une comprĂ©hension troublante pour ces violeurs qui sacrifient leur victime immĂ©diatement aprĂšs avoir disposĂ© de son corps, j'avais par contre toujours eu besoin d'estimer pour aimer, jamais au fond je ne m'Ă©tais senti parfaitement Ă  l'aise dans une relation sexuelle basĂ©e sur la pure attirance Ă©rotique et l'indiffĂ©rence Ă  l'autre, j'avais toujours eu besoin, pour me sentir sexuellement heureux, d'un minimum - Ă  dĂ©faut d'amour - de sympathie, d'estime, de comprĂ©hension mutuelle; l'humanitĂ© non, je n'y avais pas renoncĂ©. (La possibilitĂ© d'une Ăźle, Daniel 1,15)
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Michel Houellebecq
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Engourdissement, peut ĂȘtre diminution. La vue baisse ; l'oreille durcit ; aussi bien portent-elles moins loin des dĂ©sirs sans doute plus faibles. L'important, c'est que cette Ă©quation se maintienne entre l'impulsion de l'Ăąme et l'obĂ©issance du corps. PuissĂ©-je, mĂȘme alors et vieillissant, maintenir en moi l'harmonie. Je n'aime point l'orgueilleux raidissement du stoĂŻque ; mais l'horreur de la mort, de la vieillesse et de tout ce qui ne se peut Ă©viter, me semble impie. Je voudrais rendre Ă  Dieu quoi qu'il m'advienne, une Ăąme reconnaissante et ravie.
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André Gide (Travels in the Congo)
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Ensuite, la peur se tourne vers votre corps, qui sent dĂ©jĂ  que quelque chose de terrible et de mauvais est entrain de survenir. DĂ©jĂ , votre souffle s'est envolĂ© comme un oiseau et votre cran a fui en rampant comme un serpent. Maintenant, vous avez la langue qui s'affale comme un opossum, tandis que votre mĂąchoire commence Ă  galoper sur place. Vos oreilles n'entendent plus. Vos muscles se mettent Ă  trembler comme si vous aviez la malaria et vos genoux Ă  frĂ©mir comme si vous dansiez. Votre coeur pompe follement, tandis que votre sphincter se relĂąche. Il en va ainsi de tout le reste de votre corps. Chaque partie de vous, Ă  sa maniĂšre, perd ses moyens. Il n'y a que vos yeux Ă  bien fonctionner. Ils prĂȘtent toujours pleine attention Ă  la peur. Vous prenez rapidement des dĂ©cisions irrĂ©flĂ©chies. Vous abandonnez vos derniers alliĂ©s: l'espoir et la confiance. VoilĂ  que vous vous ĂȘtes dĂ©fait vous-mĂȘme. La peur, qui n'est qu'une impression, a triomphĂ© de vous. Cette expĂ©rience est difficile Ă  exprimer. Car la peur, la vĂ©ritable peur, celle qui vous Ă©branle jusqu'au plus profond de vous, celle que vous ressentez au moment oĂč vous ĂȘtes face Ă  votre destin final, se blottit insidieusement dans votre mĂ©moire, comme une gangrĂšne: elle cherche Ă  tout pourrir, mĂȘme les mots pour parler d'elle. Vous devez donc vous battre trĂšs fort pour l'appeler par son nom. Il faut que vous luttiez durement pour braquer la lumiĂšre des mots sur elle. Car si vous ne le faites pas, si la peur devient une noirceur indicible que vous Ă©vitez, que vous parvenez peut-ĂȘtre mĂȘme Ă  oublier, vous vous exposez Ă  d'autres attaques de peur parce que vous n'aurez jamais vraiment bataillĂ© contre l'ennemi qui vous a dĂ©fait.
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Yann Martel (Life of Pi)
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Et pourquoi, alors, essayer de sauver la philosophie Ă  ce point ? Vous allez voir ma conclusion : c’est parce qu’il y a un danger public. Il y a un danger public ! Ce danger est insidieux, quoique brutal. C’est, pour l’appeler par son nom, la perte gĂ©nĂ©rale de l’individualitĂ©. L’individu se meurt, voilĂ  le fait. Et c’est pourquoi, en parlant de philosophie, j’ai insistĂ© tout Ă  l’heure sur le rĂŽle que devrait jouer, dans une philosophie consciente d’elle-mĂȘme, qui n’a plus les prĂ©tentions explicatives de jadis, le rĂŽle de la constitution forte, de la personnalitĂ©, de l’individualitĂ©.
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Paul Valéry (Cours de poétique (Tome 1) - Le corps et l'esprit (1937-1940) (French Edition))
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Il la regarde. Les yeux fermĂ©s il la regarde encore. Il respire son visage. Il respire l'enfant, les yeux fermĂ©s il respire sa respiration, cet air chaud qui ressort d'elle. Il discerne de moins en moins clairement les limites de ce corps, celui-ci n'est pas comme les autres, il n'est pas fini, dans la chambre il grandit encore, il est encore sans formes arrĂȘtĂ©es, Ă  tout instant en train de se faire, il n'est pas seulement lĂ  oĂč il le voit, il est ailleurs aussi, il s'Ă©tend au-delĂ  de la vue, vers le jeu, la mort, il est souple, il part tout entier dans la jouissance comme s'il Ă©tait grand, en Ăąge, il est sans malice, d'une intelligence effrayante.
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Marguerite Duras (L'Amant)
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« Norbert de Varenne parlait d’une voix claire, mais retenue, qui aurait sonnĂ© dans le silence de la nuit s’il l’avait laissĂ©e s’échapper. Il semblait surexcitĂ© et triste, d’une de ces tristesses qui tombent parfois sur les Ăąmes et les rendent vibrantes comme la terre sous la gelĂ©e. Il reprit : « Qu’importe, d’ailleurs, un peu plus ou un peu moins de gĂ©nie, puisque tout doit finir ! » Et il se tut. Duroy, qui se sentait le cƓur gai, ce soir-lĂ , dit, en souriant : « Vous avez du noir, aujourd’hui, cher maĂźtre. » Le poĂšte rĂ©pondit. « J’en ai toujours, mon enfant, et vous en aurez autant que moi dans quelques annĂ©es. La vie est une cĂŽte. Tant qu’on monte, on regarde le sommet, et on se sent heureux ; mais, lorsqu’on arrive en haut, on aperçoit tout d’un coup la descente, et la fin qui est la mort. Ça va lentement quand on monte, mais ça va vite quand on descend. À votre Ăąge, on est joyeux. On espĂšre tant de choses, qui n’arrivent jamais d’ailleurs. Au mien, on n’attend plus rien... que la mort. » Duroy se mit Ă  rire : « Bigre, vous me donnez froid dans le dos. » Norbert de Varenne reprit : « Non, vous ne me comprenez pas aujourd’hui, mais vous vous rappellerez plus tard ce que je vous dis en ce moment. » « Il arrive un jour, voyez- vous, et il arrive de bonne heure pour beaucoup, oĂč c’est fini de rire, comme on dit, parce que derriĂšre tout ce qu’on regarde, c’est la mort qu’on aperçoit. » « Oh ! vous ne comprenez mĂȘme pas ce mot-lĂ , vous, la mort. À votre Ăąge, ça ne signifie rien. Au mien, il est terrible. » « Oui, on le comprend tout d’un coup, on ne sait pas pourquoi ni Ă  propos de quoi, et alors tout change d’aspect, dans la vie. Moi, depuis quinze ans, je la sens qui me travaille comme si je portais en moi une bĂȘte rongeuse. Je l’ai sentie peu Ă  peu, mois par mois, heure par heure, me dĂ©grader ainsi qu’une maison qui s’écroule. Elle m’a dĂ©figurĂ© si complĂštement que je ne me reconnais pas. Je n’ai plus rien de moi, de moi l’homme radieux, frais et fort que j’étais Ă  trente ans. Je l’ai vue teindre en blanc mes cheveux noirs, et avec quelle lenteur savante et mĂ©chante ! Elle m’a pris ma peau ferme, mes muscles, mes dents, tout mon corps de jadis, ne me laissant qu’une Ăąme dĂ©sespĂ©rĂ©e qu’elle enlĂšvera bientĂŽt aussi. » « Oui, elle m’a Ă©miettĂ©, la gueuse, elle a accompli doucement et terriblement la longue destruction de mon ĂȘtre, seconde par seconde. Et maintenant je me sens mourir en tout ce que je fais. Chaque pas m’approche d’elle, chaque mouvement, chaque souffle hĂąte son odieuse besogne. Respirer, dormir, boire, manger, travailler, rĂȘver, tout ce que nous faisons, c’est mourir. Vivre enfin, c’est mourir ! » » (de « Bel-Ami » par Guy de Maupassant)
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Guy de Maupassant
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Je me trouvais en quelque lieu vague et trouble... Je dis « lieu » par habitude, car maintenant toute conception de distance et de durĂ©e Ă©tait abolie pour moi, et je ne puis dĂ©terminer combien de temps je restai en cet Ă©tat. Je n’entendais rien, ne voyais rien, je pensais seulement et avec force et persistance. Le grand problĂšme qui m’avait tourmentĂ© toute ma vie Ă©tait rĂ©solu : la mort n’existe pas, la vie est infinie. J’en Ă©tais convaincu bien avant ; mais jadis je ne pouvais formuler clairement ma conviction : elle se basait sur cette seule considĂ©ration que, astreinte Ă  des limites, la vie n’est qu’une formidable absurditĂ©. L’homme pense ; il perçoit ce qui l’entoure, il souffre, jouit et disparaĂźt ; son corps se dĂ©compose et fournit ses Ă©lĂ©ments Ă  des corps en formation : cela, chacun le peut constater journellement, mais que devient cette force apte Ă  se connaĂźtre soi-mĂȘme et Ă  connaĂźtre le monde qui l’entoure ? Si la matiĂšre est immortelle, pourquoi faudrait-il que la conscience se dissipĂąt sans traces, et, si elle disparaĂźt, d’oĂč venait-elle et quel est le but de cette apparition Ă©phĂ©mĂšre ? Il y avait lĂ  des contradictions que je ne pouvais admettre. Maintenant je sais, par ma propre expĂ©rience, que la conscience persiste, que je n’ai pas cessĂ© et probablement ne cesserai jamais de vivre. Voici que derechef m’obsĂšdent ces terribles questions : si je ne meurs pas, si je reviens toujours sur la terre, quel est le but de ces existences successives, Ă  quelles lois obĂ©issent-elles et quelle fin leur est assignĂ©e ? Il est probable que je pourrais discerner cette loi et la comprendre si je me rappelais mes existences passĂ©es, toutes, ou du moins quelques-unes ; mais pourquoi l’homme est-il justement privĂ© de ce souvenir ? pourquoi est-il condamnĂ© Ă  une ignorance Ă©ternelle, si bien que la conception de l’immortalitĂ© ne se prĂ©sente Ă  lui que comme une hypothĂšse, et si cette loi inconnue exige l’oubli et les tĂ©nĂšbres, pourquoi dans ces tĂ©nĂšbres, d’étranges lumiĂšres apparaissent-elles parfois, comme il m’est arrivĂ© quand je suis entrĂ© au chĂąteau de La Roche-Maudin ? De toute ma volontĂ©, je me cramponnais Ă  ce souvenir comme le noyĂ© Ă  une Ă©pave ; il me semblait que si je me rappelais clairement et exactement ma vie dans ce chĂąteau je comprendrais tout le reste. Maintenant qu’aucune sensation du dehors ne me distrayait, je m’abandonnais aux houles du souvenir, inerte et sans pensĂ©e pour ne pas gĂȘner leur mouvement, et tout Ă  coup, du fond de mon Ăąme comme des brumes d’un fleuve, commençaient Ă  s’élever de fugaces figures humaines ; des mots au sens effacĂ© rĂ©sonnaient, et dans tous ces souvenirs Ă©taient des lacunes... Les visages Ă©taient vaporeux, les paroles Ă©taient sans lien, tout Ă©tait dĂ©cousu......
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Aleksey Apukhtin (Entre la mort et la vie : suivi de Les Archives de la comtesse D*** & Le Journal de Pavlik Dolsky)
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J'entends souvent dire qu'un moyen imbattable contre les regards irrespectueux et dĂ©shabillants serait de regarder certaines parties du corps de l'agresseur avec insistance. Mais le regard ainsi rendu a de fortes chances de ne pas ĂȘtre interprĂ©tĂ© de a mĂȘme façon par l'agresseur que par la victime, et encore moins s'il s'agit d'attouchements dĂ©rangeants... La raison est qu'une agression n'a pas lieu dans le vide, qu'il y a toujours tout un systĂšme sociĂ©tal de normes, de valeurs et de mƓurs qui permettent ou interdisent la transgression et qui font qu'agresseur et victime l'interprĂštent ou non comme une agression. Souvent, il s'agit d'une situation sociale inĂ©gale entre agresseur et victime, comme par exemple dans le cas du harcĂšlement sexuel au travail. Dans ce systĂšme, le renversement de l'agression dans l'autre sens ne peut pas fonctionner car le "miroir" n'est pas soutenu par le mĂȘme systĂšme sociĂ©tal. Nous pouvons comprendre une blague sur les belle-mĂšres mĂ©chantes, mĂȘme quand nous ne la trouvons pas drĂŽle, parce qu'il y a toute une imagerie partagĂ©e sur ce thĂšme. Par contre une blague sur un beau-pĂšre serait incomprĂ©hensible car ce mĂȘme cadre de rĂ©fĂ©rence fait dĂ©faut. Une femme qui regarde avec insistance l'entrejambe d'un homme ne sera que rarement interprĂ©tĂ©e comme Ă©tant une harceleuse sexuelle, mais plutĂŽt comme une nymphomane ou une prostituĂ©e.
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Irene Zeilinger (Non c'est non)
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Et alors nous pouvons dire qu’il y a un temps, le temps prĂ©cĂ©dent, oĂč vous n’étiez, saisis par la sensation ou par l’excitation, que le minimum de vous-mĂȘmes, le minimum de ce que vous pouvez ĂȘtre — le minimum de votre possibilitĂ©. Vous n’étiez, en somme, que le germe. Vous et la sensation Ă©tiez, en quelque sorte, la fĂ©condation d’un germe de vous-mĂȘmes, qui se dĂ©veloppe dans un temps suivant et qui va donner peu Ă  peu — je dis peu Ă  peu : ceci se passe Ă©videmment dans une fraction de seconde, peut-ĂȘtre dans un centiĂšme de seconde —, mais enfin, si j’agrandis l’échelle, eh bien, on peut penser que, peu Ă  peu, vous allez vous former capables de ce que d’autres, par la sensation, vous rĂ©vĂ©laient. Il y a un Ă©change, difficile Ă  exprimer, mais que vous comprenez, entre ces deux termes. En somme, le tĂ©moin qui dĂ©finira la sensibilitĂ© est ce tĂ©moin Ă©lĂ©mentaire, ce tĂ©moin diminuĂ©, ce tĂ©moin qui est trĂšs loin du personnage que nous croyons ĂȘtre quand nous nous sentons plus complets. Ce personnage est ce que peut ĂȘtre un instant : il est ce que peut ĂȘtre une durĂ©e de sensibilitĂ©, qui est naturellement trop brĂšve pour contenir tout ce que nous savons, toutes nos prĂ©tentions, toutes nos qualitĂ©s et toutes nos puissances, ou tous nos pouvoirs. Ainsi, ce moi, ce moi de sensibilitĂ©, est sans mĂ©moire, il n’est capable d’aucune opĂ©ration, il est purement fonctionnel, purement expĂ©dient.
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Paul Valéry (Cours de poétique (Tome 1) - Le corps et l'esprit (1937-1940) (French Edition))
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- Je ne comprends pas... comment la monarchie n'existerait-elle plus? - Si on prends les choses Ă  la lettre, elle dure toujours, naturellement. Nous avons encore une armĂ©e - le compte dĂ©signa le sous-lieutenant - et des fonctionnaires - le compte dĂ©signa le prĂ©fet. Mais son corps vivant se dĂ©sagrĂšge. Elle se dĂ©sagrĂšge, elle est dĂšjĂ  dĂ©sagrĂ©gĂ©e. C'est un vieillard vouĂ© Ă  la mort, dont le moindre rhume de cerveau met la vie en danger, qui mantient l'ancien trĂŽne pour la simple et miraculeuse raison qu'il peut encore s'y tenir assis. Pour combien de temps encore, pour combien de temps? Cette Ă©poque veut d'abord se crĂ©er des Ă©tats nationaux indĂ©pendants. On ne croit plus en Dieu. La nouvelle rĂ©ligion, c'est le nationalisme. Les peuples ne vont plus Ă  l'Ă©glise. Ils frĂ©quentent des groupement nationaux. La monarchie, notre monarchie, est fondĂ©e sur la pitiĂ©; sur la croyance que Dieu a choisi les Habsbourg pour rĂ©gner sur tant et tant de nations chrĂ©tiennes. Notre Empereur est un frĂšre sĂ©culier du pape, il est Sa MajestĂ© apostolique, impĂ©riale et royale, aucune autre MajestĂ© n'est "apostolique", aucune autre MajestĂ© d'Europe ne dĂ©pend, comme lui, de la grĂące divine et de la foi des peuples en la grĂące divine. L'empereur de l'Allemagne continuera toujours de rĂ©gner, mĂȘme si Dieu l'abandonne, il rĂ©gnera, le cas Ă©cheant, par la grĂące de la nation. L'empereur d'Autriche, lui, ne peut rĂ©gner sans Dieu. Mais maintenant, Dieu l'a abandonnĂ©!
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Joseph Roth (The Radetzky March (Von Trotta Family, #1))
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Nous entrerons demain dans la nuit. Que mon pays soit encore quand reviendra le jour ! Que faut-il faire pour le sauver ? Comment Ă©noncer une solution simple ? Les nĂ©cessitĂ©s sont contradictoires. Il importe de sauver l’hĂ©ritage spirituel, sans quoi la race sera privĂ©e de son gĂ©nie. Il importe de sauver la race, sans quoi l’hĂ©ritage sera perdu. Les logiciens, faute d’un langage qui concilierait les deux sauvetages, seront tentĂ©s de sacrifier ou l’ñme, ou le corps. Mais je me moque bien des logiciens. Je veux que mon pays soit – dans son esprit et dans sa chair – quand reviendra le jour. Pour agir selon le bien de mon pays il me faudra peser Ă  chaque instant dans cette direction, de tout mon amour. Il n’est point de passage que la mer ne trouve, si elle pĂšse.
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Antoine de Saint-Exupéry
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Tant que la lecture est pour nous l’incitatrice dont les clefs magiques nous ouvrent au fond de nous-mĂȘme la porte des demeures oĂč nous n’aurions pas su pĂ©nĂ©trer, son rĂŽle dans notre vie est salutaire. Il devient dangereux au contraire quand, au lieu de nous Ă©veiller Ă  la vie personnelle de l’esprit, la lecture tend Ă  se substituer Ă  elle, quand la vĂ©ritĂ© ne nous apparaĂźt plus comme un idĂ©al que nous ne pouvons rĂ©aliser que par le progrĂšs intime de notre pensĂ©e et par l’effort de notre coeur, mais comme une chose matĂ©rielle, dĂ©posĂ©e entre les feuillets des livres comme un miel tout prĂ©parĂ© par les autres et que nous n’avons qu’à prendre la peine d’atteindre sur les rayons des bibliothĂšques et de dĂ©guster ensuite passivement dans un parfait repos de corps et d’esprit.
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Marcel Proust (Days of Reading (Penguin Great Ideas))
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L'armĂ©e de Charles Martel se composait de Bourguignons, d'Allemands, de Gaulois, et celle d'AbdĂ©rame d'Arabes et de BerbĂšres. Le combat resta indĂ©cis une partie de la journĂ©e, mais le soir, un corps de soldats francs s'Ă©tant dĂ©tachĂ© du gros de l'armĂ©e pour se porter vers le camp des musulmans, ces derniers quittĂšrent le champ de bataille en dĂ©sordre pour aller dĂ©fendre leur butin, et cette manƓuvre maladroite entraĂźna leur perte. Ils durent battre en retraite et retourner dans les provinces du sud. Charles Martel les suivit de loin. ArrivĂ© devant Narbonne, il l'assiĂ©gea inutilement, et s'Ă©tant mis alors, suivant l'habitude de l'Ă©poque, Ă  piller tous les pays environnants, les seigneurs chrĂ©tiens s'alliĂšrent aux Arabes pour se dĂ©barrasser de lui, et l'obligĂšrent Ă  battre en retraite. BientĂŽt remis de l'Ă©chec que leur avait infligĂ© Charles Martel, les musulmans continuĂšrent Ă  occuper leurs anciennes positions, et se maintiennent encore en Lrance pendant deux siĂšcles. En 737, le gouverneur de Marseille leur livre la Provence, et ils occupent Arles. En 889, nous les retrouvons encore Ă  Saint-Tropez, et ils se maintiennent en Provence jusqu'Ă  la fin du dixiĂšme siĂšcle. En 935, ils pĂ©nĂštrent dans le Valais et la Suisse. Suivant quelques auteurs, ils seraient mĂȘme arrivĂ©s jusqu'Ă  Metz. Le sĂ©jour des Arabes en France, plus de deux siĂšcles aprĂšs Charles Martel, nous prouve que la victoire de ce dernier n'eut en aucune façon l'importance que lui attribuent tous les historiens. Charles Martel, suivant eux, aurait sauvĂ© l'Europe et la chrĂ©tientĂ©. Mais cette opinion, bien qu'universellement admise, nous semble entiĂšrement privĂ©e de fondement.
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Gustave Le Bon (ۭ۶ۧ۱۩ Ű§Ù„Űč۱ۚ)
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remarqua que si on laisse refroidir de la rĂ©sine qui a Ă©tĂ© fondĂŒe, & que, si, avant qu'elle soit tout-Ă -fait refroidie, on en approche du cuivre en feĂŒilles, elle l'attire Ă  la distance d'un pouce ou deux, sans aucun frottement prĂ©cĂ©dent. M. Gray continua avec succĂšs les recherches Ă©lectriques de Boyle & de HauksbĂ©e; ayant voulu Ă©prouver s'il y avoit quelque diffĂ©rence dans l'attraction du tube lorsqu'il Ă©toit bouchĂ© par les deux bouts & lorsqu'il ne l'Ă©toit pas, il n'en apperçut aucune; mais comme il tenoit une plume ou duvet au-dessus du bouchon de liĂ©ge dont le bout supĂ©rieur du tube Ă©toit bouchĂ©, il remarqua que cette plume Ă©toit attirĂ©e & ensuite repoussĂ©e par le liĂ©ge de la mĂȘme maniĂšre qu'elle a coutume de l'ĂȘtre par le tube. Cette observation le confirma dans une pensĂ©e qu'il avoit euĂ« autrefois, que, comme le tube frottĂ© dans l'obscuritĂ© communique de la lumiĂšre aux autres corps
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Benjamin Franklin (Experiments and observations on electricity. French (French Edition))
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Aßadar, ßi eu odinioară, cu iluzia mea, ca toĆŁi vizionarii altei lumi, ĆŁintisem dincolo de om. Chiar dincolo de om? Vai, fraĆŁi ai mei! Si Dumnezeu-acesta, pe care l-am creat, lucrare omenească ßi iluzie a fost, Ăźntocmai ca toĆŁi zeii! El era om, ßi doar o biată aßchie de om, a mea: din propria-mi cenußă ßi văpaie-a apărut stafia-aceasta ßi Ăźntr-adevăr: nu mi-a venit de dincolo! Ce s-a-ntĂąmplat, o, fraĆŁi ai mei? M-am stăpĂąnit pe mine — cel Ăźn suferinƣă, mi-am dus cenußile Ăźn munĆŁi ßi-am plăsmuit o flacără mai pură. ƞi iată! stafia aceasta a dispărut. Durere-ar fi acum, ßi grea tortură pentru mine, vindecatul, să cred Ăźn astfel de stafii: Durere mi-ar fi acum ßi umilinƣă. Aßa le grăiesc celor ce văd dincolo de această lume. Durere-a fost, ßi neputinƣă, — ele creară toate lumile de dincolo; ßi-această scurtă nebunie-a fericirii pe care-o simte numai cel care a suferit mai mult ca toĆŁi. ƞi oboseala, care dintr-un singur salt vrea să ajungă la limanul ultim, un salt mortal — o biată ßi neßtiutoare oboseală, ce nu mai ßtie nici măcar ce e voinĆŁa: ea l-a creat pe Dumnezeu ßi lumile de dincolo. O, credeĆŁi-mă, fraĆŁi ai mei! Corpul, el — disperat de-a fi doar corp — ßi-a plimbat degetele spiritului rătăcit pe ultimele sale ziduri. O, credeĆŁi-mĂą, fraĆŁi ai mei! Corpul, el — disperat de-a fi numai ĆŁarĂąnă — a surprins vorbirea măruntaielor fiinĆŁei. ƞi-atunci a vrut cu capul să dărĂąme ultimul zid, ßi nu numai cu capul — a vrut să treacă-n Ăźntregime-n «altă lume». Această «altă lume» Ăźnsă Ăźi scapă omului, această inuman de dezumanizată lume ce este doar neant ceresc; iar măruntaiele fiinĆŁei nu-i vorbesc omului decĂąt atunci cĂźnd se-ntrupează-n om. Da, este greu să-adevereßti fiinĆŁa, făcĂąnd-o să vorbească. SpuneĆŁi-mi, fraĆŁi ai mei, lucrul cel mai ciudat din toate nu este el ßi cel mai bine dovedit?
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Friedrich Nietzsche (Thus Spoke Zarathustra)
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Faut-il regretter le temps des guerres "Ă  sens" ? souhaiter que les guerres d'aujourd'hui "retrouvent" leur sens perdu ? le monde irait-il mieux, moins bien, indiffĂ©remment, si les guerres avaient, comme jadis, ce sens qui les justifiait ? Une part de moi, celle qui a la nostalgie des guerres de rĂ©sistance et des guerres antifascistes, a tendance Ă  dire : oui, bien sĂ»r ; rien n'est plus navrant que la guerre aveugle et insensĂ©e ; la civilisation c'est quand les hommes, tant qu'Ă  faire, savent Ă  peu prĂšs pourquoi ils se combattent ; d'autant que, dans une guerre qui a du sens, quand les gens savent Ă  peu prĂšs quel est leur but de guerre et quel est celui de leur adversaire, le temps de la raison, de la nĂ©gociation, de la transaction finit toujours par succĂ©der Ă  celui de la violence ; et d'autant (autre argument) que les guerres sensĂ©es sont aussi celles qui, par principe, sont les plus accessibles Ă  la mĂ©diation, Ă  l'intervention - ce sont les seules sur lesquelles des tiers, des arbitres, des observateurs engagĂ©s, peuvent espĂ©rer avoir quelque prise...Une autre part hĂ©site. L'autre part de moi, celle qui soupçonne les guerres Ă  sens d'ĂȘtre les plus sanglantes, celle qui tient la "machine Ă  sens" pour une machine de servitude et le fait de donner un sens Ă  ce qui n'en a pas, c'est-Ă -dire Ă  la souffrance des hommes, pour un des tours les plus sournois par quoi le Diabolique nous tient, celle qui sait, en un mot, qu'on n'envoie jamais mieux les pauvres gens au casse-pipe qu'en leur racontant qu'ils participent d'une grande aventure ou travaillent Ă  se sauver, cette part-lĂ , donc, rĂ©pond : "non ; le pire c'Ă©tait le sens"; le pire c'est, comme disait Blanchot, "que le dĂ©sastre prenne sens au lieu de prendre corps" ; le pire, le plus terrible, c'est d'habiller de sens le pur insensĂ© de la guerre ; pas question de regretter, non, le "temps maudit du sens". (ch. 10 De l'insensĂ©, encore)
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Bernard-Henri Lévy (War, Evil, and the End of History)
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C'est de lĂ -haut qu'il les aperçoit, au fond de la combe Nerre, Ă©crasĂ©s par la perspective : deux insectes minuscules, l'un portant l'autre Ă  travers l'un des endroits les plus inhospitaliers des Causses. Il en oublie la chevrette et, retrouvant l'agilitĂ© de ses vingt ans, se laisse glisser d'Ă©boulis en barres rocheuses jusqu'Ă  les surplomber d'une vingtaine de mĂštres. Deux enfants. Un garçon Ă©puisĂ©, couvert d'Ă©corchures, qui continue Ă  avancer bien qu'Ă  bout de forces, ses jambes menaçant Ă  tout moment de flancher sous lui, tremblant de fatigue et de froid. Une fille, ce doit ĂȘtre une fille mĂȘme si elle n'a plus un cheveu sur le crĂąne, immobile dans les bras du garçon. InanimĂ©e. Ces deux-lĂ  ont souffert, souffrent encore. Maximilien le sent, il sent ces choses-lĂ . Alors, quand le garçon dĂ©pose la fille Ă  l'abri d'un rocher, quand il quitte son tee-shirt dĂ©chirĂ© pour l'en envelopper, quand il se penche pour lui murmurer une priĂšre Ă  l'oreille, alors Maximilien oublie sa promesse de se tenir loin des hommes. Il descend vers eux. Le garçon esquisse un geste de dĂ©fense, mais Maximilien le rassure en lui montrant ses mains vides. Des mains calleuses, puissantes malgrĂ© l'Ăąge. Il se baisse, prend la fille dans ses bras. Un frisson de colĂšre le parcourt. Elle est dans un Ă©tat effroyable, le corps dĂ©charnĂ©, la peau diaphane, une cicatrice rĂ©cente zigzague sur son flanc. Dans une imprĂ©cation silencieuse, Maximilien maudit la folie des hommes, leur cruautĂ© et leur ignorance. Il se met en route, suivi par le garçon qui n'a pas prononcĂ© un mot. Il ne sait pas encore ce qu'il va faire d'eux. Faire d'elle. La soigner, certes, mais ensuite ? Tout en pensant, il marche Ă  grands pas. Tout en marchant, il rĂ©flĂ©chit Ă  grands traits. Il atteint Ombre Blanche au moment oĂč le soleil bascule derriĂšre l'horizon, teintant les Causses d'une somptueuse lumiĂšre orangĂ©e. Un frĂ©missement dans ses bras lui fait baisser la tĂȘte. La fille a bougĂ©. Elle ouvre les yeux. Échange fugace. Échange parfait. Maximilien se noie dans le violet de son regard et en ressort grandi. Le dernier des Caussenards a trouvĂ© son destin.
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Pierre Bottero (La ForĂȘt des captifs (Les Mondes d'Ewilan, #1))
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Si l’humanitĂ© s’est Ă©cartĂ©e des conditions initiales dont je parlais, si elle a renoncĂ©, sans le savoir et sans le vouloir, Ă  la stabilitĂ© Ă  laquelle elle pouvait tendre, on pouvait supposer qu’étant arrivĂ©e Ă  un certain niveau, elle s’y serait stabilisĂ©e, comme les abeilles ont pu se stabiliser (elles ont trouvĂ© certains procĂ©dĂ©s de construction, d’accumulation des rĂ©serves), et demeurer en cet Ă©tat indĂ©finiment, comme il semble que les abeilles y soient demeurĂ©es, nous aurions pu arriver Ă  concevoir une humanitĂ© comme une fourmiliĂšre ou une ruche d’abeilles. Pas du tout. Elle n’a cessĂ© de s’écarter de son bien-ĂȘtre, le bien-ĂȘtre n’a pas suffi Ă  l’humanitĂ©. HĂ©las ! dans bien des cas on pourrait se lamenter Ă  ce sujet et pleurer, mais il s’est trouvĂ© toujours que les hommes se soient Ă©cartĂ©s de la norme dĂ©jĂ  Ă©tablie, que des hommes, des penseurs par exemple aient spĂ©culĂ© assez pour trouver que la stabilitĂ© acquise Ă©tait une stabilitĂ© insuffisante, trĂšs insuffisante. C’est pourquoi j’ai pu prononcer dans ma derniĂšre leçon ce mot de l’aventure qui m’a paru rĂ©sumer la vie humaine dans son ensemble. L’aventure... c’est-Ă -dire ce fait qu’il y a eu un changement qui a toujours etendu Ă  repousser, Ă  nier, Ă  ruiner les conditions d’existence, mĂȘme favorables, mĂȘme satisfaisantes pour la majoritĂ© des individus, et qui a tendu Ă  dĂ©truire cet ordre-lĂ , Ă  le renverser. J’avais associĂ© Ă  ce mot-lĂ  le mot le plus connu de progrĂšs, mais je prĂ©fĂšre celui d’aventure, et je vais vous dire pourquoi le terme de progrĂšs, que j’ai essayĂ© de prĂ©ciser en le ramenant Ă  ce qui est observable, progrĂšs que j’ai dĂ©fini par l’accroissement de prĂ©cision dans les mesures marquĂ©es par les dĂ©cimales qu’on peut calculer et observer : progrĂšs dans l’acquisition des moyens d’action, progrĂšs de puissance mĂ©canique, nombre de chevaux-vapeur par tĂȘte Ă  telle Ă©poque, progrĂšs dans les automatismes sociaux, par consĂ©quent progrĂšs qui permet de commander beaucoup plus d’élĂ©ments humains ou matĂ©riels Ă  l’aide d’un plus petit effort, diminution de l’effort Ă  accomplir. Tout ceci est parfaitement observable, ce ne sont pas des chimĂšres. On a ajoutĂ© Ă  cela une vĂ©ritable religion du progrĂšs, qui fait croire que, quoi qu’il en soit aprĂšs bien des aventures, beaucoup d’expĂ©riences, l’humanitĂ© marche toujours vers une amĂ©lioration de son sort.
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Paul Valéry (Cours de poétique (Tome 1) - Le corps et l'esprit (1937-1940) (French Edition))
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Ceci est une idĂ©e Ă  laquelle je ne saurais m’associer parce que je n’en vois pas la nĂ©cessitĂ©. Rien ne prouve qu’il en soit ainsi. Rien ne prouve que la civilisation, si compliquĂ©e et si intĂ©ressante qu’elle soit, ne soit pas Ă  la merci d'un incident quelconque. Elles sont mortelles, les civilisations, elles peuvent mourir d’un siĂšcle Ă  l’autre, et il n’est pas dit que la civilisation europĂ©enne ne fasse pas comme les civilisations Ă©gyptienne, grecque ou romaine, qui ont disparu et qui ont Ă©tĂ© remplacĂ©es par des Ă©poques de barbarie et de sauvagerie. Peut-ĂȘtre en sommes-nous beaucoup plus prĂšs que nous ne pensons. C’est pourquoi au mot progrĂšs je prĂ©fĂšre le mot aventure, c’est-Ă -dire cette non-salvation, ce changement intime qui se produit, changement qui ne sait pas de lui-mĂȘme Ă  quoi il aboutit, qui ne sait pas lui-mĂȘme oĂč il va, s’il court Ă  une catastrophe ou Ă  une amĂ©lioration, ceci est en dehors de la question. Le sort mĂȘme des humains n’est pas en question, pas plus que dans un rĂȘve ce qui va se passer n’est en question. Il n’y a pas de but. Chaque instant est capable de conduire lĂ  oĂč on ne savait pas aller.” Excerpt From: Paul ValĂ©ry. “Cours de poĂ©tique”. Apple Books. d’un incident quel
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Paul Valéry (Cours de poétique (Tome 1) - Le corps et l'esprit (1937-1940) (French Edition))
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L'adhĂ©sion Ă  la rĂ©alitĂ© peut, certes, prendre des formes diverses, oĂč tiennent une place variable l'impĂ©ratif de survie, le miroitement des modĂšles d'ascension sociale, les sĂ©ductions addictives de la consommation, les petits privilĂšges d'une vie un tant soit peu confortable, les piĂšges d'une logique concurrentielle qui nous fait obligation de croire qu'il n'y aura pas de place pour tout le monde, la peur de perdre le peu que l'on a et le sentiment d'une insĂ©curitĂ© mĂ©ticuleusement entretenue. MĂȘme une bonne dose de scepticisme, voire une solide capacitĂ© critique ne portent guĂšre atteinte, le plus souvent, Ă  cette adhĂ©sion Ă  un systĂšme qui a peut-ĂȘtre renoncĂ© Ă  nous convaincre de ses vertus pour se contenter d'apparaĂźtre comme la seule rĂ©alitĂ© possible, hors du chaos absolu, ainsi que le rĂ©sume la sentence emblĂ©matique de François Furet : "Nous sommes condamnĂ©s Ă  vivre dans le monde dans lequel nous vivons". Il n'y a pas d'alternative : telle est la conviction que les formes de domination actuelles sont parvenues Ă  dissĂ©miner dans le corps social. Au-delĂ  des opinions de chacun, telle est la norme de fait, en vertu de laquelle l'agir se conforme Ă  une implacable logique d'adĂ©quation Ă  la rĂ©alitĂ© socialement constituĂ©e. (p. 7-8)
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JérÎme Baschet (Adiós al Capitalismo: Autonomía, sociedad del buen vivir y multiplicidad de mundos)
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Ce qui distingue, en effet, JĂ©sus des agitateurs de son temps et de ceux de tous les siĂšcles, c’est son parfait idĂ©alisme. JĂ©sus, Ă  quelques Ă©gards, est un anarchiste, car il n’a aucune idĂ©e du gouvernement civil. Ce gouvernement lui semble purement et simplement un abus. Il en parle en termes vagues et Ă  la façon d’une personne du peuple qui n’a aucune idĂ©e de politique. Tout magistrat lui paraĂźt un ennemi naturel des hommes de Dieu ; il annonce Ă  ses disciples des dĂ©mĂȘlĂ©s avec la police, sans songer un moment qu’il y ait lĂ  matiĂšre Ă  rougir. Mais jamais la tentative de se substituer aux puissants et aux riches ne se montre chez lui. Il veut anĂ©antir la richesse et le pouvoir, mais non s’en emparer. Il prĂ©dit Ă  ses disciples des persĂ©cutions et des supplices; mais pas une seule fois la pensĂ©e d’une rĂ©sistance armĂ©e ne se laisse entrevoir. L’idĂ©e qu’on est tout-puissant par la souffrance et la rĂ©signation, qu’on triomphe de la force par la puretĂ© du coeur, est bien une idĂ©e propre de JĂ©sus. JĂ©sus n’est pas un spiritualiste ; car tout aboutit pour lui Ă  une rĂ©alisation palpable ; il n’a pas la moindre notion d’une Ăąme sĂ©parĂ©e du corps. Mais c’est un idĂ©aliste accompli, la matiĂšre n’étant pour lui que le signe de l’idĂ©e, et le rĂ©el l’expression vivante de ce qui ne paraĂźt pas.
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Ernest Renan (Life of Jesus)
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l'ambre jaune, aussi bien que la laine lui parurent un peu brĂ»lĂ©s. On avoit sans doute remarquĂ© que de tous les corps Ă©lectriques, le verre est un de ceux en qui le frottement excite une plus forte Ă©lectricitĂ©. HauksbĂ©e s'avisa d'employer dans ses expĂ©riences un tube ou cylindre creux de verre. En le frottant rapidement dans sa main, un papier entre-deux, il le rendoit Ă©lectrique, & faisoit par son moyen toutes les expĂ©riences qu'Otto de Guerike avoit faites avant lui avec un globe de soufre. Il observa de plus qu'un tube dont on a pompĂ© l'air, ne s'Ă©lectrise que trĂšs-foiblement, & que si on y laisse rentrer l'air il acquiert beaucoup d'Ă©lectricitĂ© sans ĂȘtre frottĂ© de nouveau. Quand on frotte un tube dans l'obscuritĂ©, une lumiĂšre fuit la main qui frotte, & si l'on approche de ce tube ainsi excitĂ© une autre main, ou quelqu'autre corps, comme du mĂ©tal, de l'yvoire, du bois, &c. il en sort une Ă©tincelle accompagnĂ©e d'un bruit assez semblable au pĂ©tillement d'une feĂŒille verte jettĂ©e au feu, mais moins fort. Quand on frotte le tube vuide d'air, la lumiĂšre est plus vive, mais toute dans son intĂ©rieur, & l'on n'en peut tirer d'Ă©tincelle. HauksbĂ©e imagina aussi de faire tourner sur son axe un globe creux de verre par le moyen d'une rouĂ« & d'une corde qui passe sur la circonfĂ©rence de cette rouĂ« & sur une poulie fixĂ©e sur l'axe du globe. Il excita l'Ă©lectricitĂ© en frottant ce globe, mais il n'en tira pas de plus grands effets que de son tube. L'Ă©lectricitĂ© qui jusques-lĂ  ne s'Ă©toit manifestĂ©e que par le frottement, HauksbĂ©e la dĂ©couvrit dans
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Benjamin Franklin (Experiments and observations on electricity. French (French Edition))
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Elle est Ă  toi cette chanson Toi l'Auvergnat qui, sans façon, M'a donnĂ© quatre bouts de bois Quand dans ma vie il faisait froid. Toi qui m'a donnĂ© du feu quand Les croquantes et les croquants Tous les gens bien intentionnĂ©s M'avaient fermĂ©s la porte au nez. Ce n'Ă©tait rien qu'un feu de bois Mais il m'avait chauffĂ© le corps Et dans mon Ăąme, il brĂ»le encore À la maniĂšre d'un feu de joie... Toi, l'Auvergnat quand tu mourras Quand le croc-mort t'emportera Qu'il te conduise Ă  travers ciel Au pĂšre Ă©ternel. Elle est Ă  toi cette chanson Toi l'hĂŽtesse qui, sans façon, M'a donnĂ© quatre bouts de pain Quand dans ma vie il faisait faim. Toi qui m'ouvrit ta huche quand Les croquantes et les croquants Tous les gens bien intentionnĂ©s S'amusaient Ă  me voir jeuner. Ce n'Ă©tait rien qu'un peu de pain Mais il m'avait chauffĂ© le corps Et dans mon Ăąme, il brĂ»le encore À la maniĂšre d'un grand festin... Toi, l'hĂŽtesse quand tu mourras Quand le croc-mort t'emportera Qu'il te conduise Ă  travers ciel Au pĂšre Ă©ternel. Elle est Ă  toi cette chanson Toi l'Ă©tranger qui, sans façon, D'un air malheureux m'a sourit Lorsque les gendarmes m'ont pris. Toi qui n'a pas applaudi quand Les croquantes et les croquants Tous les gens bien intentionnĂ©s Riaient de me voir rammenĂ©. Ce n'Ă©tait rien qu'un peu de miel Mais il m'avait chauffĂ© le corps Et dans mon Ăąme, il brĂ»le encore À la maniĂšre d'un grand soleil... Toi, l'Ă©tranger quand tu mourras Quand le croc-mort t'emportera Qu'il te conduise Ă  travers ciel Au pĂšre Ă©ternel. Toi, l'Ă©tranger quand tu mourras Quand le croc-mort t'emportera Qu'il te conduise Ă  travers ciel Au pĂšre Ă©ternel. Au
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Georges Brassens
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FRÈRE LAURENCE.—Un arrĂȘt moins rigoureux s’est Ă©chappĂ© de sa bouche: ce n’est pas la mort de ton corps, mais son bannissement. ROMÉO.—Ah! le bannissement! aie pitiĂ© de moi; dis la mort. L’aspect de l’exil porte avec lui plus de terreur, beaucoup plus que la mort. Ah! ne me dis pas que c’est le bannissement. FRÈRE LAURENCE.—Tu es banni de VĂ©rone. Prends patience; le monde est grand et vaste. ROMÉO.—Le monde n’existe pas hors des murs de VĂ©rone; ce n’est plus qu’un purgatoire, une torture, un vĂ©ritable enfer. Banni de ce lieu, je le suis du monde, c’est la mort. Oui, le bannissement, c’est la mort sous un faux nom; et ainsi, en nommant la mort un bannissement, tu me tranches la tĂȘte avec une hache d’or, et souris au coup qui m’assassine. FRÈRE LAURENCE.—O mortel pĂ©chĂ©! ĂŽ farouche ingratitude! Pour ta faute, notre loi demandait la mort; mais le prince indulgent, prenant ta dĂ©fense, a repoussĂ© de cĂŽtĂ© la loi, et a changĂ© ce mot funeste de mort en celui de bannissement: c’est une rare clĂ©mence, et tu ne veux pas la reconnaĂźtre. ROMÉO.—C’est un supplice et non une grĂące. Le ciel est ici, oĂč vit Juliette: les chats, les chiens, la moindre petite souris, tout ce qu’il y a de plus misĂ©rable vivra ici dans le ciel, pourra la voir; et RomĂ©o ne le peut plus! La mouche qui vit de charogne jouira d’une condition plus digne d’envie, plus honorable, plus relevĂ©e que RomĂ©o; elle pourra s’ébattre sur les blanches merveilles de la chĂšre main de Juliette, et dĂ©rober le bonheur des immortels sur ces lĂšvres oĂč la pure et virginale modestie entretient une perpĂ©tuelle rougeur, comme si les baisers qu’elles se donnent Ă©taient pour elles un pĂ©chĂ©; mais RomĂ©o ne le peut pas, il est banni! Ce que l’insecte peut librement voler, il faut que je vole pour le fuir; il est libre et je suis banni; et tu me diras encore que l’exil n’est pas la mort!
 N’as-tu pas quelque poison tout prĂ©parĂ©, quelque poignard affilĂ©, quelque moyen de mort soudaine, fĂ»t-ce la plus ignoble? Mais banni! me tuer ainsi! banni! O moine, quand ce mot se prononce en enfer, les hurlements l’accompagnent.—Comment as-tu le coeur, toi un prĂȘtre, un saint confesseur, toi qui absous les fautes, toi mon ami dĂ©clarĂ©, de me mettre en piĂšces par ce mot bannissement? FRÈRE LAURENCE.—Amant insensĂ©, Ă©coute seulement une parole. ROMÉO.—Oh! tu vas me parler encore de bannissement. FRÈRE LAURENCE.—Je veux te donner une arme pour te dĂ©fendre de ce mot: c’est la philosophie, ce doux baume de l’adversitĂ©; elle te consolera, quoique tu sois exilĂ©. ROMÉO.—Encore l’exil! Que la philosophie aille se faire pendre: Ă  moins que la philosophie n’ait le pouvoir de crĂ©er une Juliette, de dĂ©placer une ville, ou de changer l’arrĂȘt d’un prince, elle n’est bonne Ă  rien, elle n’a nulle vertu; ne m’en parle plus. FRÈRE LAURENCE.—Oh! je vois maintenant que les insensĂ©s n’ont point d’oreilles. ROMÉO.—Comment en auraient-ils, lorsque les hommes sages n’ont pas d’yeux? FRÈRE LAURENCE.—Laisse-moi discuter avec toi ta situation. ROMÉO.—Tu ne peux parler de ce que tu ne sens pas. Si tu Ă©tais aussi jeune que moi, amant de Juliette, mariĂ© seulement depuis une heure, meurtrier de Tybalt, Ă©perdu d’amour comme moi, et comme moi banni, alors tu pourrais parler; alors tu pourrais t’arracher les cheveux et te jeter sur la terre comme je fais, pour prendre la mesure d’un tombeau qui n’est pas encore ouvert.
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William Shakespeare (Romeo and Juliet)
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On s'Ă©tait trompĂ©. L'erreur qu'on avait faite, en quelques secondes, a gagnĂ© tout l'univers. Le scandale Ă©tait Ă  l'echelle de Dieu. Mon petit frĂšre Ă©tait immortel et on ne l'avait pas vu. L'immortalitĂ© avait Ă©tĂ© recelĂ©e par le corps de ce frĂšre tandis qu'il vivait et nous, on n'avait pas vu que c'Ă©tait dans ce corps-lĂ  que se trouvait ĂȘtre logĂ©e l'immortalitĂ©. Le corps de mon frĂšre Ă©tait mort. L'immortalitĂ© Ă©tait morte avec lui. Et ainsi allait le monde maintenant, privĂ© de ce corps visitĂ©, et de cette visite. On s'Ă©tait trompĂ© complĂštement. L'erreur a gagnĂ© tout l'univers, le scandale. [...] Il faudrait prĂ©venir les gens de ces choses-lĂ . Leur apprendre que l'immortalitĂ© est mortelle, qu'elle peut mourrir, que c'est arrivĂ©, que cela arrive encore. Qu'elle ne se signale pas en tant que telle, jamais, qu'elle est la duplicitĂ© absolue. Qu'elle n'existe pas dans le dĂ©tail mais seulement dans le principe. Que certaines personnes peuvent en recĂ©ler la prĂ©sence, Ă  condition qu'elles ignorent le faire. De mĂȘme que certaines autres personnes peuvent en dĂ©celer la prĂ©sence chez ces gens, Ă  la mĂȘme condition, qu'elles ignorent le pouvoir. Que c'est tandis qu'elle se vit que la vie est immortelle, tandis qu'elle est en vie. Que l'immortalitĂ© ce n'est pas un question de plus ou moins de temps, que ce n'est pas une question d'immortalitĂ©, que c'est une question d'autre chose qui reste ignorĂ©. Que c'est aussi faux de dire qu'elle est sans commencement ni fin que de dire qu'elle commence et qu'elle finit avec la vie de l'esprit du moment que c'est l'esprit qu'elle participe et de la poursuite du vent. Regardez les sables morts des dĂ©serts, le corps mort des enfants : l'immortalitĂ© ne passe pas par lĂ , elle s'arrĂȘte et contourne.
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Marguerite Duras (L'Amant)
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JULIETTE.—Oh! manque, mon coeur! Pauvre banqueroutier, manque pour toujours; emprisonnez-vous, mes yeux; ne jetez plus un seul regard sur la libertĂ©. Terre vile, rends-toi Ă  la terre; que tout mouvement s’arrĂȘte, et qu’une mĂȘme biĂšre presse de son poids et RomĂ©o et toi. LA NOURRICE.—O Tybalt, Tybalt! le meilleur ami que j’eusse! O aimable Tybalt, honnĂȘte cavalier, faut-il que j’aie vĂ©cu pour te voir mort! JULIETTE.—Quelle est donc cette tempĂȘte qui souffle ainsi dans les deux sens contraires? RomĂ©o est-il tuĂ©, et Tybalt est-il mort? Mon cousin chĂ©ri et mon Ă©poux plus cher encore? Que la terrible trompette sonne donc le jugement universel. Qui donc est encore en vie, si ces deux-lĂ  sont morts? LA NOURRICE.—Tybalt est mort, et RomĂ©o est banni: RomĂ©o, qui l’a tuĂ©, est banni. JULIETTE.—O Dieu! la main de RomĂ©o a-t-elle versĂ© le sang de Tybalt? LA NOURRICE.—Il l’a fait, il l’a fait! O jour de malheur! il l’a fait! JULIETTE.—O coeur de serpent cachĂ© sous un visage semblable Ă  une fleur! jamais dragon a-t-il choisi un si charmant repaire? Beau tyran, angĂ©lique dĂ©mon, corbeau couvert des plumes d’une colombe, agneau transportĂ© de la rage du loup, mĂ©prisable substance de la plus divine apparence, toi, justement le contraire de ce que tu paraissais Ă  juste titre, damnable saint, traĂźtre plein d’honneur! O nature, qu’allais-tu donc chercher en enfer, lorsque de ce corps charmant, paradis sur la terre, tu fis le berceau de l’ñme d’un dĂ©mon? Jamais livre contenant une aussi infĂąme histoire porta-t-il une si belle couverture? et se peut-il que la trahison habite un si brillant palais? LA NOURRICE.—Il n’y a plus ni sincĂ©ritĂ©, ni foi, ni honneur dans les hommes; tous sont parjures, corrompus, hypocrites. Ah! oĂč est mon valet? Donnez-moi un peu d’aqua vité
.. Tous ces chagrins, tous ces maux, toutes ces peines me vieillissent. Honte soit Ă  RomĂ©o! JULIETTE.—Maudite soit ta langue pour un pareil souhait! Il n’est pas nĂ© pour la honte: la honte rougirait de s’asseoir sur son front; c’est un trĂŽne oĂč on peut couronner l’honneur, unique souverain de la terre entiĂšre. Oh! quelle brutalitĂ© me l’a fait maltraiter ainsi? LA NOURRICE.—Quoi! vous direz du bien de celui qui a tuĂ© votre cousin? JULIETTE.—Eh! dirai-je du mal de celui qui est mon mari? Ah! mon pauvre Ă©poux, quelle langue soignera ton nom, lorsque moi, ta femme depuis trois heures, je l’ai ainsi dĂ©chirĂ©? Mais pourquoi, traĂźtre, as-tu tuĂ© mon cousin? Ah! ce traĂźtre de cousin a voulu tuer mon Ă©poux.—Rentrez, larmes insensĂ©es, rentrez dans votre source; c’est au malheur qu’appartient ce tribut que par mĂ©prise vous offrez Ă  la joie. Mon Ă©poux vit, lui que Tybalt aurait voulu tuer; et Tybalt est mort, lui qui aurait voulu tuer mon Ă©poux. Tout ceci est consolant, pourquoi donc pleurĂ©-je? Ah! c’est qu’il y a lĂ  un mot, plus fatal que la mort de Tybalt, qui m’a assassinĂ©e.—Je voudrais bien l’oublier; mais, ĂŽ ciel! il pĂšse sur ma mĂ©moire comme une offense digne de la damnation sur l’ñme du pĂ©cheur. Tybalt est mort, et RomĂ©o est
.. banni! Ce banni, ce seul mot banni, a tuĂ© pour moi dix mille Tybalt. La mort de Tybalt Ă©tait un assez grand malheur, tout eĂ»t-il fini lĂ ; ou si les cruelles douleurs se plaisent Ă  marcher ensemble, et qu’il faille nĂ©cessairement que d’autres peines les accompagnent, pourquoi, aprĂšs m’avoir dit: «Tybalt est mort,» n’a-t-elle pas continuĂ©: «ton pĂšre aussi, ou ta mĂšre, ou tous les deux?» cela eĂ»t excitĂ© en moi les douleurs ordinaires. Mais par cette arriĂšre-garde qui a suivi la mort de Tybalt, RomĂ©o est banni; par ce seul mot, pĂšre, mĂšre, Tybalt, RomĂ©o, Juliette, tous sont assassinĂ©s, tous morts. RomĂ©o banni! Il n’y a ni fin, ni terme, ni borne, ni mesure dans la mort qu’apporte avec lui ce mot, aucune parole ne peut sonder ce malheur.
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William Shakespeare (Romeo and Juliet)
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Les hommes, disais-je, se plaignent souvent de compter peu de beaux jours et beaucoup de mauvais, et il me semble que, la plupart du temps, c’est mal Ă  propos. Si nous avions sans cesse le cƓur ouvert pour jouir des biens que Dieu nous dispense chaque jour, nous aurions assez de force pour supporter le mal quand il vient. — Mais nous ne sommes pas les maĂźtres de notre humeur, dit la mĂšre ; combien de choses dĂ©pendent de l’état du corps ! Quand on n’est pas bien, on est mal partout. » J’en tombai d’accord et j’ajoutai : « Eh bien, considĂ©rons la chose comme une maladie, et demandons-nous s’il n’y a point de remĂšde. — C’est parler sagement, dit Charlotte : pour moi, j’estime que nous y pouvons beaucoup. Je le sais par expĂ©rience. Si quelque chose me contrarie et veut me chagriner, je cours au jardin et me promĂšne, en chantant quelques contredanses : cela se passe aussitĂŽt. — C’est ce que je voulais dire, repris-je Ă  l’instant : il en est de la mauvaise humeur absolument comme de la paresse ; car c’est une sorte de paresse. Par notre nature, nous y sommes fort enclins, et cependant, si nous avons une fois la force de nous surmonter, le travail nous devient facile, et nous trouvons dans l’activitĂ© un vĂ©ritable plaisir. » FrĂ©dĂ©rique Ă©tait fort attentive, et le jeune homme m’objecta qu’on n’était pas maĂźtre de soi, et surtout qu’on ne pouvait commander Ă  ses sentiments. « II s’agit ici, rĂ©pliquai-je, d’un sentiment dĂ©sagrĂ©able, dont chacun est bien aise de se dĂ©livrer, et personne ne sait jusqu’oĂč ses forces s’étendent avant de les avoir essayĂ©es. AssurĂ©ment, celui qui est malade consultera tous les mĂ©decins, et il ne refusera pas les traitements les plus pĂ©nibles, les potions les plus amĂšres, pour recouvrer la santĂ© dĂ©sirĂ©e. [...] Vous avez appelĂ© la mauvaise humeur un vice : cela me semble exagĂ©rĂ©. — Nullement, lui rĂ©pondis-je, si une chose avec laquelle on nuit Ă  son prochain et Ă  soi-mĂȘme mĂ©rite ce nom. N’est-ce pas assez que nous ne puissions nous rendre heureux les uns les autres ? faut-il encore nous ravir mutuellement le plaisir que chacun peut quelquefois se procurer ? Et nommez-moi l’homme de mauvaise humeur, qui soit en mĂȘme temps assez ferme pour la dissimuler, la supporter seul, sans troubler la joie autour de lui ! N’est-ce pas plutĂŽt un secret dĂ©plaisir de notre propre indignitĂ©, un mĂ©contentement de nous-mĂȘmes, qui se lie toujours avec une envie aiguillonnĂ©e par une folle vanitĂ© ? Nous voyons heureux des gens qui ne nous doivent pas leur bonheur, et cela nous est insupportable. » Charlotte me sourit, en voyant avec quelle Ă©motion je parlais, et une larme dans les yeux de FrĂ©dĂ©rique m’excita Ă  continuer. « Malheur, m’écriai-je, Ă  ceux qui se servent de l’empire qu’ils ont sur un cƓur, pour lui ravir les joies innocentes dont il est lui-mĂȘme la source ! Tous les prĂ©sents, toutes les prĂ©venances du monde, ne peuvent compenser un moment de joie spontanĂ©e, que nous empoisonne une envieuse importunitĂ© de notre tyran. [...] Si seulement on se disait chaque jour : Tu ne peux rien pour tes amis que respecter leurs plaisirs et augmenter leur bonheur en le goĂ»tant avec eux. Peux-tu, quand le fond de leur ĂȘtre est tourmentĂ© par une passion inquiĂšte, brisĂ© par la souffrance, leur verser une goutte de baume consolateur ?
 Et, quand la derniĂšre, la plus douloureuse maladie surprendra la personne que tu auras tourmentĂ©e dans la fleur de ses jours, qu’elle sera couchĂ©e dans la plus dĂ©plorable langueur, que son Ɠil Ă©teint regardera le ciel, que la sueur de la mort passera sur son front livide, et que, debout devant le lit, comme un condamnĂ©, dans le sentiment profond qu’avec tout ton pouvoir tu ne peux rien, l’angoisse te saisira jusqu’au fond de l’ñme, Ă  la pensĂ©e que tu donnerais tout au monde pour faire passer dans le sein de la crĂ©ature mourante une goutte de rafraĂźchissement, une Ă©tincelle de courage !

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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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Les deux femmes, vĂȘtues de noir, remirent le corps dans le lit de ma sƓur, elles jetĂšrent dessus des fleurs et de l’eau bĂ©nite, puis, lorsque le soleil eut fini de jeter dans l’appartement sa lueur rougeĂątre et terne comme le regard d’un cadavre, quand le jour eut disparu de dessus les vitres, elles allumĂšrent deux petites bougies qui Ă©taient sur la table de nuit, s’agenouillĂšrent et me dirent de prier comme elles. Je priai, oh ! bien fort, le plus qu’il m’était possible ! mais rien
 LĂ©lia ne remuait pas ! Je fus longtemps ainsi agenouillĂ©, la tĂȘte sur les draps du lit froids et humides, je pleurais, mais bas et sans angoisses ; il me semblait qu’en pensant, en pleurant, en me dĂ©chirant l’ñme avec des priĂšres et des vƓux, j’obtiendrais un souffle, un regard, un geste de ce corps aux formes indĂ©cises et dont on ne distinguait rien si ce n’est, Ă  une place, une forme ronde qui devait ĂȘtre La tĂȘte, et plus bas une autre qui semblait ĂȘtre les pieds. Je croyais, moi, pauvre naĂŻf enfant, je croyais que la priĂšre pouvait rendre la vie Ă  un cadavre, tant j’avais de foi et de candeur ! Oh ! on ne sait ce qu’a d’amer et de sombre une nuit ainsi passĂ©e Ă  prier sur un cadavre, Ă  pleurer, Ă  vouloir faire renaĂźtre le nĂ©ant ! On ne sait tout ce qu’il y a de hideux et d’horrible dans une nuit de larmes et de sanglots, Ă  la lueur de deux cierges mortuaires, entourĂ© de deux femmes aux chants monotones, aux larmes vĂ©nales, aux grotesques psalmodies ! On ne sait enfin tout ce que cette scĂšne de dĂ©sespoir et de deuil vous remplit le cƓur : enfant, de tristesse et d’amertume ; jeune homme, de scepticisme ; vieillard, de dĂ©sespoir ! Le jour arriva. Mais quand le jour commença Ă  paraĂźtre, lorsque les deux cierges mortuaires commençaient Ă  mourir aussi, alors ces deux femmes partirent et me laissĂšrent seul. Je courus aprĂšs elles, et me traĂźnant Ă  leurs pieds, m’attachant Ă  leurs vĂȘtements : — Ma sƓur ! leur dis-je, eh bien, ma sƓur ! oui, LĂ©lia ! oĂč est-elle ? Elles me regardĂšrent Ă©tonnĂ©es. — Ma sƓur ! vous m’avez dit de prier, j’ai priĂ© pour qu’elle revienne, vous m’avez trompĂ© ! — Mais c’était pour son Ăąme ! Son Ăąme ? Qu’est-ce que cela signifiait ? On m’avait souvent parlĂ© de Dieu, jamais de l’ñme. Dieu, je comprenais cela au moins, car si l’on m’eĂ»t demandĂ© ce qu’il Ă©tait, eh bien, j’aurais pris La linotte de LĂ©lia, et, lui brisant la tĂȘte entre mes mains, j’aurais dit : « Et moi aussi, je suis Dieu ! » Mais l’ñme ? l’ñme ? qu’est-ce cela ? J’eus la hardiesse de le leur demander, mais elles s’en allĂšrent sans me rĂ©pondre. Son Ăąme ! eh bien, elles m’ont trompĂ©, ces femmes. Pour moi, ce que je voulais, c’était LĂ©lia, LĂ©lia qui jouait avec moi sur le gazon, dans les bois, qui se couchait sur la mousse, qui cueillait des fleurs et puis qui les jetait au vent ; c’était Lelia, ma belle petite sƓur aux grands yeux bleus, LĂ©lia qui m’embrassait le soir aprĂšs sa poupĂ©e, aprĂšs son mouton chĂ©ri, aprĂšs sa linotte. Pauvre sƓur ! c’était toi que je demandais Ă  grands cris, en pleurant, et ces gens barbares et inhumains me rĂ©pondaient : « Non, tu ne la reverras pas, tu as priĂ© non pour elle, mais tu as priĂ© pour son Ăąme ! quelque chose d’inconnu, de vague comme un mot d’une langue Ă©trangĂšre ; tu as priĂ© pour un souffle, pour un mot, pour le nĂ©ant, pour son Ăąme enfin ! » Son Ăąme, son Ăąme, je la mĂ©prise, son Ăąme, je la regrette, je n’y pense plus. Qu’est-ce que ça me fait Ă  moi, son Ăąme ? savez-vous ce que c’est que son Ăąme ? Mais c’est son corps que je veux ! c’est son regard, sa vie, c’est elle enfin ! et vous ne m’avez rien rendu de tout cela. Ces femmes m’ont trompĂ©, eh bien, je les ai maudites. Cette malĂ©diction est retombĂ©e sur moi, philosophe imbĂ©cile qui ne sais pas comprendre un mot sans L’épeler, croire Ă  une Ăąme sans la sentir, et craindre un Dieu dont, semblable au PromĂ©thĂ©e d’Eschyle, je brave les coups et que je mĂ©prise trop pour blasphĂ©mer.
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Gustave Flaubert (La derniÚre heure : Conte philosophique inachevé)
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In English: Some people, who can voluntarily get out of their body, went to "the other side" to see if there was anything there! The exciting testimonies of these explorers of the Beyond revealed that there are countless Worlds on other vibratory planes, in other Dimensions, where live the souls of the deceased living beings!!! But, I went even further and I have discovered that these countless Worlds are, in reality, countless Planets belonging to other Cosmic Universes located in other Spaces and other Times, on other vibratory planes, in other Dimensions! The Beyond is not nebulous but Cosmic!!! The famous "Gate of Heaven" which allows the souls to pass into the Beyond is, in reality, a true "StarGate", a huge Vortex, a Tunnel of Light which crosses the Space and Time, which leads the soul on another planet, in another world, in another Cosmic Universe, in another Space, in another Time, in another vibratory plane, in another Dimension...! I take you to discover the extraordinary adventure of Life, Evolution and Death, through multiple cycles, from life to life, from planet to planet, in an evolutionary spiral that leads souls ever higher, towards the Light...! En Français : Des personnes capables de sortir Ă  volontĂ© de leur corps charnel sont allĂ©es voir "de l'autre cĂŽtĂ©" s'il existait bien quelque chose...! Les tĂ©moignages passionnants de ces explorateurs de l'Au-delĂ  ont rĂ©vĂ©lĂ© qu'il existe d'innombrables Mondes sur d'autres plans vibratoires, dans d'autres Dimensions, oĂč vivent les Ăąmes des ĂȘtres vivants dĂ©cĂ©dĂ©s !!! Mais nous sommes allĂ©s encore plus loin et nous avons dĂ©couvert que ces innombrables Mondes sont en rĂ©alitĂ© d'innombrables PlanĂštes appartenant Ă  d'autres Univers Cosmiques qui se trouvent dans d'autres Espaces et d’autres Temps, sur d'autres plans vibratoires, dans d'autres Dimensions ! L'Au-delĂ  n'est pas nĂ©buleux mais Cosmique !!! La fameuse "Porte du Ciel" qui permet aux Ăąmes de passer dans l'Au-delĂ , est en rĂ©alitĂ© une vĂ©ritable "Porte des Etoiles", un Ă©norme Vortex, un Tunnel de LumiĂšre qui traverse l'Espace et le Temps, qui mĂšne l'Ăąme sur une autre planĂšte, dans un autre Monde, dans un autre Univers Cosmique, dans un autre Espace, dans un autre Temps, sur un autre plan vibratoire, dans une autre Dimension.
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Patrick Delsaut
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ROMÉO. — Elle parle : oh, parle encore, ange brillant ! car lĂ  oĂč tu es, au-dessus de ma tĂȘte, tu me parais aussi splendide au sein de cette nuit que l’est un messager ailĂ© du ciel aux-regards Ă©tonnĂ©s des mortels ; lorsque rejetant leurs tĂȘtes en arriĂšre, on ne voit plus que le blanc de leurs yeux, tant leurs prunelles sont dirigĂ©es-en haut pour le contempler, pendant qu’il chevauche sur les nuages Ă  la marche indolente et navigue sur le sein de l’air. JULIETTE. — Ô RomĂ©o, RomĂ©o ! pourquoi es-tu RomĂ©o ? Renie ton pĂšre, ou rejette ton nom ; ou si tu ne veux pas, lie-toi seulement par serment Ă  mon amour, et je ne serai pas plus longtemps une Capulet. ROMÉO, Ă  part. — En entendrai-je davantage, ou rĂ©pondrai-je Ă  ce qu’elle rient de dire JULIETTE. — C’est ton nom seul qui est mon ennemi. AprĂšs tout tu es toi-mĂȘme, et non un Montaigu. Qu’est-ce qu’un Montaigu ? Ce n’est ni une main, ni un pied, ni un bras, ni un, visage, ni toute autre partie du corps appartenant Ă  un homme. Oh ! porte un autre nom ! Qu’y a-t-il dans un nom ? La fleur que nous nommons la rose, sentirait tout aussi bon sous un autre nom ; ainsi RomĂ©o, quand bien mĂȘme il ne serait pas appelĂ© RomĂ©o, n’en garderait pas moins la prĂ©cieuse perfection : qu’il possĂšde. Renonce Ă  ton nom RomĂ©o, et en place de ce nom qui ne fait pas partie de toi, prends-moi toute entiĂšre. ROMÉO. — Je te prends au mot : appelle-moi seulement : ton amour, et je serai rebaptisĂ©, et dĂ©sormais je ne voudrai plus ĂȘtre RomĂ©o. JULIETTE. — Qui es-tu, toi qui, protĂ©gĂ© par la nuit, viens ainsi surprendre les secrets de mon Ăąme ? ROMÉO. — Je ne sais de quel nom me servir pour te dire qui je suis : mon nom, chĂšre sainte, m’est odieux Ă  moi-mĂȘme, parce qu’il t’est ennemi ; s’il Ă©tait Ă©crit, je dĂ©chirerais le mot qu’il forme. JULIETTE. — Mes oreilles n’ont pas encore bu cent paroles de cette voix, et cependant j’en reconnais le son n’es-tu pas RomĂ©o, et un Montaigu ? ROMÉO. — Ni l’un, ni l’autre, belle vierge, si l’un ou l’autre te dĂ©plaĂźt. JULIETTE. — Comment es-tu venu ici, dis-le-moi, et pourquoi ? Les murs du jardin sont Ă©levĂ©s et difficiles Ă  escalader, et considĂ©rant qui tu es, cette place est mortelle pour toi, si quelqu’un de mes parents t’y trouve. ROMÉO. — J’ai franchi ces murailles avec les ailes lĂ©gĂšres de l’amour, car des limites de pierre ne peuvent arrĂȘter l’essor de l’amour ; et quelle chose l’amour peut-il oser qu’il ne puisse aussi exĂ©cuter ? tes parents ne me, sont donc pas un obstacle. JULIETTE. — S’ils te voient, ils t’assassineront. ROMÉO. — HĂ©las ! il y a plus de pĂ©rils, dans tes yeux que dans vingt de leurs Ă©pĂ©es : veuille seulement abaisser un doux regard sĂ»r moi, et je suis cuirassĂ© contre leur inimitiĂ©. JULIETTE. — Je ne voudrais pas, pour le monde entier, qu’ils te vissent ici. ROMÉO. — J’ai le manteau de la nuit pour me dĂ©rober Ă  leur vue et d’ailleurs, Ă  moins que tu ne m’aimes, ils peuvent me trouver, s’ils veulent : mieux vaudrait que leur haine mĂźt fin Ă  ma vie, que si ma mort Ă©tait retardĂ©e, sans que j’eusse ton amour ; JULIETTE. — Quel est celui qui t’a enseignĂ© la direction de cette place ? ROMÉO. — C’est l’Amour, qui m’a excitĂ© Ă  la dĂ©couvrir ; il m’a prĂȘtĂ© ses conseils, et je lui ai prĂȘtĂ© mes yeux. Je ne suis pas pilote ; cependant fusses-tu aussi Ă©loignĂ©e que le vaste rivage baignĂ© par la plus lointaine nier, je m’aventurerais pour une marchandise telle que toi.
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William Shakespeare (Romeo and Juliet)
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J’ai Ă©tĂ© obligĂ© de remonter, pour vous montrer le lien des idĂ©es et des choses, Ă  une sorte d’origine de ces rĂ©serves en vous disant que si l’humanitĂ© avait fait ce qu’elle a fait, et qui en somme a fait l’humanitĂ© rĂ©ciproquement, c’est parce que depuis une Ă©poque immĂ©moriale elle avait su se constituer des rĂ©serves matĂ©rielles, que ces rĂ©serves matĂ©rielles avaient créé des loisirs, et que seul le loisir est fĂ©cond ; car c’est dans le loisir que l’esprit peut, Ă©loignĂ© des conditions strictes et pressantes de la vie, se donner carriĂšre, s’éloigner de la considĂ©ration immĂ©diate des besoins et par consĂ©quent entamer, soit sous forme de rĂȘverie, soit sous forme d’observation, soit sous forme de raisonnement, la constitution d’autres rĂ©serves, qui sont les rĂ©serves spirituelles ou intellectuelles. J’avais ajoutĂ©, pour me rapprocher des circonstances prĂ©sentes, que ces rĂ©serves spirituelles n’ont pas les mĂȘmes propriĂ©tĂ©s que les rĂ©serves matĂ©rielles. Les rĂ©serves intellectuelles, sans doute, ont d’abord les mĂȘmes conditions Ă  remplir que les rĂ©serves matĂ©rielles, elles sont constituĂ©es par un matĂ©riel, elles sont constituĂ©es par des documents, des livres, et aussi par des hommes qui peuvent se servir de ces documents, de ces livres, de ces instruments, et qui aussi sont capables de les transmettre Ă  d’autres. Et je vous ai expliquĂ© que cela ne suffisait point, que les rĂ©serves spirituelles ou intellectuelles ne pouvaient passer, Ă  peine de dĂ©pĂ©rir tout en Ă©tant conservĂ©es en apparence, en l’absence d’hommes qui soient capables non seulement de les comprendre, non seulement de s’en servir, mais de les accroĂźtre. Il y a une question : l’accroissement perpĂ©tuel de ces rĂ©serves, qui se pose, et je vous ai dit, l’expĂ©rience l’a souvent vĂ©rifiĂ© dans l’histoire, que si tout un matĂ©riel se conservait Ă  l’écart de ceux qui sont capables non seulement de s’en servir mais encore de l’augmenter, et non seulement de l’accroĂźtre, mais d’en renverser, quelquefois d’en dĂ©truire quelques-uns des principes, de changer les thĂ©ories, ces rĂ©serves alors commencent Ă  dĂ©pĂ©rir. Il n’y a plus, le crĂ©ateur absent, que celui qui s’en sert, s’en sert encore, puis les gĂ©nĂ©rations se succĂšdent et les“choses qu’on avait trouvĂ©es, les idĂ©es qu’on avait mises en Ɠuvre commencent Ă  devenir des choses mortes, se rĂ©duisent Ă  des routines, Ă  des pratiques, et peu Ă  peu disparaissent mĂȘme d’une civilisation avec cette civilisation elle-mĂȘme. Et je terminais en disant que, dans l’état actuel des choses tel que nous pouvons le constater autour de nous, il y a toute une partie de l’Europe qui s’est privĂ©e dĂ©jĂ  de ses crĂ©ateurs et a rĂ©duit au minimum l’emploi de l’esprit, elle en a supprimĂ© les libertĂ©s, et par consĂ©quent il faut attendre que dans une pĂ©riode dĂ©terminĂ©e on se trouvera en prĂ©sence d’une grande partie de l’Europe profondĂ©ment appauvrie, dans laquelle, comme je vous le disais, il n’y aura plus de pensĂ©e libre, il n’y aura plus de philosophie, plus de science pure, car toute la science aura Ă©tĂ© tournĂ©e Ă  ses applications pratiques, et particuliĂšrement Ă  des applications Ă©conomiques et militaires ; que mĂȘme la littĂ©rature, que mĂȘme l’art, et mĂȘme que l’esprit religieux dans ses pratiques diverses et dans ses recherches diverses auront Ă©tĂ© complĂštement diminuĂ©s sinon abolis, dans cette grande partie de l’Europe qui se trouvera parfaitement appauvrie. Et si la France et l’Angleterre savent conserver ce qu’il leur faut de vie — de vie vivante, de vie active, de vie crĂ©atrice — en matiĂšre d’intellect, il y aura lĂ  un rĂŽle immense Ă  jouer, et un rĂŽle naturellement de premiĂšre importance pour que la civilisation europĂ©enne ne disparaisse pas complĂštement.
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Paul Valéry (Cours de poétique (Tome 1) - Le corps et l'esprit (1937-1940) (French Edition))