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Dans lâintemporel, la libertĂ© prĂȘtĂ©e aux ĂȘtres individuels retourne Ă sa source divine ; en « ce jour-là », Dieu seul est le « Roi absolu » : lâessence mĂȘme du libre arbitre », son fond inconditionnĂ©, sâidentifie dĂšs lors Ă lâActe divin. Câest en Dieu seul que la libertĂ©, lâacte et la vĂ©ritĂ© coĂŻncident, et câest pour cela que certains Soufis disent que les ĂȘtres, au jugement dernier, se jugeront eux-mĂȘmes en Dieu, conformĂ©ment dâailleurs Ă un texte coranique selon lequel ce sont les membres de lâhomme qui accusent ce dernier.
Lâhomme est jugĂ© dâaprĂšs sa tendance essentielle ; celle-ci peut ĂȘtre conforme Ă lâattraction divine, elle peut ĂȘtre opposĂ©e Ă elle ou encore indĂ©cise entre les deux directions ; ce sont lĂ respectivement les voies de « ceux sur lesquels est Ta grĂące », de « ceux qui subissent Ta colĂšre », et de « ceux qui errent », câest-Ă -dire qui se dispersent dans lâindĂ©finitĂ© de lâexistence, oĂč ils tournent pour ainsi dire en rond. En parlant de ces trois tendances, le ProphĂšte dessina une croix : la « voie droite » est la verticale ascendante ; la « colĂšre divine » agit en sens inverse ; la dispersion de ceux qui « errent » est dans lâhorizontale. Les mĂȘmes tendances fondamentales se retrouvent dans tout lâunivers ; elles constituent les dimensions ontologiques de la « hauteur » (at-tĂ»l), de la « profondeur » (al-âumq) et de lâ« ampleur » (al-âurd). LâHindouisme dĂ©signe ces trois tendances cosmiques (gĂ»nas) par les noms de sattva, rajas et tamas, sattva exprimant la conformitĂ© au Principe, rajas la dispersion centrifuge et tamas la chute, non seulement dans un sens dynamique et cyclique, bien entendu, mais aussi dans un sens statique et existentiel.
On peut dire Ă©galement quâil nây a, pour lâhomme, quâune seule tendance essentielle, celle qui le ramĂšne vers sa propre Essence Ă©ternelle ; toutes les autres tendances ne sont que lâexpression de lâignorance crĂ©aturielle, aussi seront-elles retranchĂ©es, jugĂ©es. La demande que Dieu nous conduise sur la voie droite nâest donc rien dâautre que lâaspiration vers notre propre Essence prĂ©temporelle. Selon lâexĂ©gĂšse Ă©sotĂ©rique, la « voie droite » (aç-çirĂąt al-mustaqĂźm) est lâEssence unique des ĂȘtres, comme lâindique ce verset de la sourate HĂ»d : « Il nây a pas dâĂȘtre vivant que Lui (Dieu) ne tienne par la mĂšche de son front ; en vĂ©ritĂ©, mon Seigneur est sur une voie droite ». Ainsi cette priĂšre correspond Ă la demande essentielle et fonciĂšre de toute crĂ©ature ; elle est exaucĂ©e par lĂ mĂȘme quâelle est profĂ©rĂ©e.
Lâaspiration de lâhomme vers Dieu comporte les deux aspects quâexprime le verset: « Câest Toi que nous adorons [ou servons], et câest auprĂšs de Toi que nous cherchons refuge [ou aide] » ; lâadoration, câest lâeffacement de la volontĂ© individuelle devant la VolontĂ© divine, qui se rĂ©vĂšle extĂ©rieurement par la Loi sacrĂ©e et intĂ©rieurement par les mouvements de la GrĂące ; le recours Ă lâaide divine, câest la participation Ă la RĂ©alitĂ© divine par la GrĂące et, plus directement, par la Connaissance. En derniĂšre analyse, les mots : « Câest Toi que nous adorons » correspondent Ă lâ« extinction » (al-fanĂą), et les mots « câest auprĂšs de Toi que nous cherchons refuge » Ă la « subsistance » (al-baqĂą) dans lâĂtre pur. Le verset que nous venons de mentionner est ainsi lâ« isthme » (al-barzakh) entre les deux « ocĂ©ans » de lâĂtre (absolu) et de lâexistence (relative).
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