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En 1871, Louis Figuier publie Le Lendemain de la mort ou la vie future selon la science, un gros volume dans lequel il se propose de dĂ©montrer scientifiquement l'immortalitĂ© de l'Ăąme! Selon lui, le corps et la pensĂ©e (ou l'Ăąme) sont deux entitĂ©s distinctes. Puisque d'une gĂ©nĂ©ration Ă l'autre, la matiĂšre ne disparaĂźt pas et ne fait que changer d'Ă©tat, il en est de mĂȘme pour la pensĂ©e: 'Comme la matiĂšre, ell doit se transformer, sans jamais se dĂ©truire.' Il balaie donc tous les 'traitĂ©s de l'Ăąme' Ă©crits depuis l'AntiquitĂ©, puisque ce 'fait de l'immortalitĂ©' est 'Ă©vident pour lui-mĂȘme'.
Le vrai problĂšme, c'est ce que devient l'Ăąme aprĂšs la mort: 'Il nous importerait fort peu, au fond, que l'Ăąme fĂ»t immortelle ou non, si notre Ăąme, Ă©tant rĂ©ellement, indestructible et immortelle, allait servir Ă un autre que nous-mĂȘmes, ou seulement, si revenant en nous, elle ne conservait point la mĂ©moire de son passĂ©. La rĂ©surrection de l'Ăąme, sans la mĂ©moire du passĂ©, serait un vĂ©ritable anĂ©antissement, ce serait le nĂ©ant des matĂ©rialistes.'
Louis Figuier cherche donc Ă dĂ©montrer que notre Ăąme nous sera conservĂ©e 'dans l'autre vie'. Selon lui, aprĂšs la mort, elle devient un ĂȘtre surhumain, ce que l'on nomme d'habitude un ange. 'Si l'atmosphĂšre est le milieu, l'habitat, de l'homme, le fluide Ă©thĂ©rĂ© est le milieu, l'habitat, de l'ĂȘtre surhumain. Ce passage successif en deux milieus diffĂ©rents d'un ĂȘtre, qui subit une mĂ©tamorphose quand il pĂ©nĂštre dans le nouveau milieu, n'est pas aussi extraordinaire, aussi anormal, aussi contraire aux lois de la nature, que l'on pourrait le croire.' C'est simplement une mĂ©tamorphose, semblable Ă celle qui voit 'la larve more et noirĂątre rampant dans la fange des Ă©tangs devenir la gracieuse libellule traversant l'air avec grĂące et vigueur... On peut dire, de ce point de vue, que l'homme est la larve ou la chenille de l'ĂȘtre surhumain.'
Cet ĂȘtre va occuper un nouvel humain, dĂšs sa naissance, Ă moins que l'homme dont il provient n'ait eu une existence vertueuse. Dans ce cas il subit une autre mĂ©tamorphose et se transforme en archange. Louis Figuier dĂ©crit alors un prodigieux cycle thĂ©ologico-Ă©cologique. Ă la suite d'une sĂ©rie de mĂ©tamorphose qui l'amĂšnent Ă proximitĂ© du soleil, l'esprit en devient la matiĂšre mĂȘme, qui revient sur Terre sous forme de rayons bienfaisants. Ceux-ci dĂ©posent dans les plantes les germes des Ăąmes qui mĂ»riront ensuite peu Ă peu, passant des vĂ©gĂ©taux aux animaux infĂ©rieurs, puis aux oiseaux et aux mammifĂšres, jusqu'Ă l'homme.
TrĂšs catholique, Figuier estimait pourtant que cette forme de mĂ©tempsycose Ă©tait bien prĂ©fĂ©rable aux dogmes chrĂ©tiens sur l'enfer et le paradis, qu'il trouvait profondĂ©ment injustes, et donc incompatibles avec la bienveillance divine: 'Le retour Ă une seconde vie terrestre est, en effet, une punition moins cruelle, plus raisonnable et plus juste que la condamnation aux tourment Ă©ternels. Ici la peine n'est qu'en proportion du pĂ©chĂ©; elle est Ă©quitable et indulgente, comme le chĂątiment d'un pĂšre.' Son livre mis Ă l'Index par l'Ăglise Catholique, sera rĂ©imprimĂ© dix fois jusqu'en 1904, dix ans aprĂšs la mort de son auteur et, peut-ĂȘtre, sa propre mĂ©tamorphose.
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