â
Le plus clair de mon temps je le passe Ă l'obscurcir.
â
â
Boris Vian (L'Ăcume des jours)
â
Je passe le plus clair de mon temps Ă l'obscurcir parce que la lumiĂšre me gĂȘne
â
â
Boris Vian (L'Ăcume des jours)
â
Je passe mes jours et mes nuits à tenter d'oublier Claire. C'est un travail à plein temps. Le matin, en me réveillant, je sais que telle sera ma seule occupation jusqu'au soir. J'ai un nouveau métier: oublieur de Claire. L'autre jour, à déjeuner, Jean Marie Périer m'a asséné :
-Quand tu sais pourquoi tu aimes quelqu'un , c'est que tu ne l'aimes pas.
â
â
FrĂ©dĂ©ric Beigbeder (L'ĂgoĂŻste romantique)
â
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours aprĂšs la peine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face Ă face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
des éternels regards l'onde si lasse
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
l'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s'en va
Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
â
â
Guillaume Apollinaire (Alcools)
â
Le plus clair de mon temps, dit Colin, je le passe Ă l'obscurcir.
- Pourquoi? demanda plus bas le directeur.
- Parce que la lumiĂšre me gĂšne, dit Colin.
â
â
Boris Vian
â
Je voudrais arrĂȘter le temps, arrĂȘter l'heure. Mais elle va, elle va, elle passe, elle me prend de seconde en seconde un peu de moi pour le nĂ©ant de demain. Et je ne revivrai jamais.
â
â
Guy de Maupassant (Le Horla et autres nouvelles fantastiques)
â
Comment on va faire maintenant qu'il fait tout le temps nuit sur toi? Qu'est-ce que ça veut dire la vie sans toi? Qu'est-ce qui se passe pour toi là ? Dur Rien? Du vide? De la nuit, des choses de ciel, du réconfort?
â
â
Mathias Malzieu (Maintenant qu'il fait tout le temps nuit sur toi)
â
Le bon cĂŽtĂ© du temps qui passe trop lentement, câest quâil finit quand mĂȘme par passer : la fin de lâannĂ©e approche.
â
â
Riad Sattouf (Les Cahiers d'Esther : Histoires de mes 12 ans (Tome 3))
â
Le plus clair de mon temps, je le passe Ă lâobscurcir, parce que la lumiĂšre me gĂȘne.
â
â
Boris Vian (L'Ăcume des Jours)
â
Oh! tout ce que nous n'avons point fait et que pourtant nous aurions pu faire...penseront-ils, sur le point de quitter la vie. - Tout ce que nous aurions dĂ» faire et que pourtant nous n'avons point fait! par souci des considĂ©rants, par temporisation, par paresse, et pour s'ĂȘtre trop dit: "Bah! nous aurons toujours le temps." Pour n'avoir pas saisi le chaque jour irremplaçable, l'irretrouvable chaque instant. Pour avoir remis Ă plus tard la dĂ©cision, l'effort, l'Ă©treinte...
L'heure qui passe est bien passée?
-Oh! toi qui viendras, penseront-ils, sois plus habile: Saisis l'instant!
â
â
André Gide
â
La jeunesse est un temps merveilleux qui aboutit presque toujours Ă une trahison de soi-mĂȘme dont on ignore comment elle s'est faite, et dont le reste de la vie se passe Ă contempler les consĂ©quences dans un consentement dont on ne s'Ă©tonne mĂȘme plus.
â
â
Louis Guilloux
â
Une des clĂ©s Ă©videntes et secrĂštes de ce monde oĂč nous vivons est qu'il passe son temps dans un Ă©ternel prĂ©sent toujours en train de s'Ă©vanouir. Entre un avenir qui n'existe pas encore et un passĂ© qui n'existe dĂ©jĂ plus se glisse une pure abstraction, une sorte de rĂȘve impossible. C'est cette absence haletante que nous appelons le prĂ©sent. Personne n'a jamais vĂ©cu ailleurs que sur cette frontiĂšre vacillante entre le passĂ© et l'avenir.
â
â
Jean d'Ormesson (Un jour je m'en irai sans en avoir tout dit)
â
Le temps passe. Y compris quand cela semble impossible. Y compris quand chaque tic-tac de la grande aiguille est aussi douloureux que les pulsations du sang sous un hĂ©matome. Il sâĂ©coule de maniĂšre inĂ©gale, rythmĂ© par des embardĂ©es Ă©tranges et des rĂ©pits soporifiques, mais il passe. MĂȘme pour moi.
â
â
Stephenie Meyer (Tentation (Twilight, T2))
â
« Que c'est tandis qu'elle se vit que la vie est immortelle, tandis qu'elle est en vie. Que l'immortalitĂ© ce n'est pas une question de plus ou moins de temps, que ce n'est pas une question d'immortalitĂ©, que c'est une question d'autre chose qui reste ignorĂ©. Que c'est aussi faux de dire qu'elle est sans commencement ni fin que de dire qu'elle commence et qu'elle finit avec la vie de l'esprit du moment que c'est de l'esprit qu'elle participe et de la poursuite du vent. Regardez les sables morts des dĂ©serts, le corps mort des enfants l'immortalitĂ© ne passe pas par lĂ , elle s'arrĂȘte et contourne. »
â
â
Marguerite Duras (The Lover)
â
Si nous sommes capables de penser l'univers, c'est parce que l'univers pense en nous. - François Chang
â
â
Hubert Reeves (Le Banc du temps qui passe. Méditations cosmiques (SCIENCE OUVERTE) (French Edition))
â
Il semble que punir les femmes soit le passe-temps favori des poĂštes. Comme s'il ne pouvait pas y avoir d'histoire Ă moins que nous ne rampions en pleurant.
â
â
Madeline Miller (Circe)
â
Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai,
Jâai compris qu'en toutes circonstances,
JâĂ©tais Ă la bonne place, au bon moment.
Et alors, j'ai pu me relaxer.
Aujourd'hui je sais que cela s'appelle...
l'Estime de soi.
Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai,
Jâai pu percevoir que mon anxiĂ©tĂ© et ma souffrance Ă©motionnelle
NâĂ©taient rien d'autre qu'un signal
Lorsque je vais Ă l'encontre de mes convictions.
Aujourd'hui je sais que cela s'appelle... l'Authenticité.
Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai,
J'ai cessé de vouloir une vie différente
Et j'ai commencé à voir que tout ce qui m'arrive
Contribue Ă ma croissance personnelle.
Aujourd'hui, je sais que cela s'appelle... la Maturité.
Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai,
Jâai commencĂ© Ă percevoir l'abus
Dans le fait de forcer une situation ou une personne,
Dans le seul but d'obtenir ce que je veux,
Sachant trĂšs bien que ni la personne ni moi-mĂȘme
Ne sommes prĂȘts et que ce n'est pas le moment...
Aujourd'hui, je sais que cela s'appelle... le Respect.
Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai,
Jâai commencĂ© Ă me libĂ©rer de tout ce qui n'Ă©tait pas salutaire, personnes,
situations, tout ce qui baissait mon énergie.
Au début, ma raison appelait cela de l'égoïsme.
Aujourd'hui, je sais que cela s'appelle... l'Amour propre.
Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai,
Jâai cessĂ© d'avoir peur du temps libre
Et j'ai arrĂȘtĂ© de faire de grands plans,
Jâai abandonnĂ© les mĂ©ga-projets du futur.
Aujourd'hui, je fais ce qui est correct, ce que j'aime
Quand cela me plait et Ă mon rythme.
Aujourd'hui, je sais que cela s'appelle... la Simplicité.
Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai,
Jâai cessĂ© de chercher Ă avoir toujours raison,
Et je me suis rendu compte de toutes les fois oĂč je me suis trompĂ©.
Aujourd'hui, j'ai découvert ... l'Humilité.
Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai,
Jâai cessĂ© de revivre le passĂ©
Et de me préoccuper de l'avenir.
Aujourd'hui, je vis au présent,
LĂ oĂč toute la vie se passe.
Aujourd'hui, je vis une seule journée à la fois.
Et cela s'appelle... la Plénitude.
Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai,
Jâai compris que ma tĂȘte pouvait me tromper et me dĂ©cevoir.
Mais si je la mets au service de mon coeur,
Elle devient une alliée trÚs précieuse !
Tout ceci, c'est... le Savoir vivre.
Nous ne devons pas avoir peur de nous confronter.
Du chaos naissent les étoiles.
â
â
Charlie Chaplin
â
Quand on sâattend au pire, le moins pire a une saveur toute particuliĂšre, que vous dĂ©gusterez avec plaisir, mĂȘme si ce nâest pas le meilleur.
***
Ce n'est pas la vie qui est belle, c'est nous qui la voyons belle ou moins belle. Ne cherchez pas Ă atteindre un bonheur parfait, mais contentez vous des petites choses de la vie, qui, mises bout Ă bout, permettent de tenir la distance⊠Les tout petit riens du quotidien, dont on ne se rend mĂȘme plus compte mais qui font que, selon la façon dont on les vit, le moment peut ĂȘtre plaisant et donne envie de sourire. Nous avons tous nos petits riens Ă nous. Il faut juste en prendre conscience.
***
Le silence a cette vertu de laisser parler le regard, miroir de lâĂąme. On entend mieux les profondeurs quand on se tait.
***
Au temps des sorciĂšres, les larmes dâhomme devaient ĂȘtre trĂšs recherchĂ©es. Câest rare comme la bave de crapaud. Ce quâelles pouvaient en faire, ça, je ne sais pas. Une potion pour rendre plus gentil ? Plus humain ? Moins avare en Ă©motion ? Ou moins poilu ?
***
Quand un silence sâinstalle, on dit quâun ange passeâŠ
***
Vide. Je me sens vide et Ă©teinte. Jâai lâimpression dâĂȘtre un peu morte, moi aussi. DâĂȘtre un champ de bataille. Tout a brĂ»lĂ©, le sol est irrĂ©gulier, avec des trous bĂ©ants, des ruines Ă perte de vue. Le silence aprĂšs lâhorreur. Mais pas le calme aprĂšs la tempĂȘte, quand on se sent apaisĂ©. Moi, jâai lâimpression dâavoir sautĂ© sur une mine, dâavoir explosĂ© en mille morceaux, et de ne mĂȘme pas savoir comment je vais faire pour les rassembler, tous ses morceaux, ni si je les retrouverai tous.
***
Accordez-vous le droit de vivre votre chagrin. Il y a un temps pour tout.
***
Ce nâest pas dâintuition dont est dotĂ© Romain, mais dâattention.
***
ÒȘa fait toujours plaisir un cadeau, surtout de la part des gens quâon aime.
â
â
AgnĂšs Ledig (Juste avant le bonheur)
â
Oui, lorsqu'on surveille le temps, il passe trĂšs lentement. J'aime beaucoup la tempĂ©rature, quatre fois par jour, parce que, Ă ce moment, on se rend vraiment compte de ce que c'est en rĂ©alitĂ© qu'une minute ou mĂȘme sept minutes, alors que des sept jours d'une semaine, on ne fait ici aucun cas, ce qui est affreux.
â
â
Thomas Mann (The Magic Mountain)
â
Î ÏÏα ÏΔλÎčÎșÎŹ ÏÏÎżÎčÏΔία ÎŒÎÎœÎżÏ
Μ ÏÏÎżÎœ ÎșαΞÎΜα ÎŒÎ±Ï ÏÏηΜ αÏÏÎčÎșÎź ÏÎżÏ
Ï ÎŒÎżÏÏÎź ΌΔ ÏηΜ ÏÎŹÏοΎο ÏÎżÏ
ÏÏÏÎœÎżÏ
; Î ÏÏÎż ÏÎ»Î”Ï Î±Ï
ÏÎÏ ÎżÎč ÎșαΞηΌΔÏÎčΜÎÏ ÎŽÎčÎșαÎčÎżÎ»ÎżÎłÎ·ÎŒÎÎœÎ”Ï Îź ÎșαÎč αΎÎčÎșαÎčολÏγηÏÎ”Ï Î±ÏΔλÏÎčÏίΔÏ, ÎżÎč ÎźÏÏΔÏ, ÎżÎč ÏÏοΎοÏίΔÏ, ÎżÎč ΔΟαÏαÏÎźÏΔÎčÏ, ''ÎłÏÎŹÏÎżÏ
Μ'' ÏÎŹÎœÏ ÏÏÎżÎœ ΔÏÏÏΔÏÎčÎșÏ ÎŒÎ±Ï ÎșÏÏÎŒÎż ÎșÎč αÏÏ Î”ÎșΔί ÏÏÏογÏαÏÎŻÎ¶ÎżÎœÏαÎč ÏΠαÏ
ÏÏ ÏÎżÏ
ÎČλÎÏΔÎč Îż ÎșαΞÎΜαÏ, ÏÏÎčÏ ÎșΏΞΔÏÎ”Ï Î±Ï
λαÎșÏÏΔÎčÏ Î±ÎœÎŹÎŒÎ”Ïα ÏÏα ÎŒÎŹÏÎčα ÎŒÎ±Ï , ÏÏÎż ÎČλÎΌΌα ÎŒÎ±Ï ÏÎżÏ
ÏÎŹÎœÎ”Îč ÏηΜ ÎșαΞαÏÏÏηÏÎŹ ÏÎżÏ
, ÏÏα ÏÎčÎșÏÎŹ ÎŒÎ±Ï ÏαΌÏγΔλα ...
Combien dâĂ©lĂ©ments restent-ils finalement, en chacun de nous, dans leur forme originale, avec le temps qui passe ? Ă quel point, tous ces dĂ©sespoirs quotidiens, justifiĂ©s ou injustifiĂ©s, toutes ces dĂ©faites, ces trahisons, ces tromperies, « sâinscrivent » dans notre monde intĂ©rieur et, Ă partir de lĂ , apparaissent dans ce que chacun voit, dans les entailles verticales entre nos yeux, dans notre regard qui perd sa clartĂ©, dans nos sourires amersâŠ
ÎΔÏÎŹÏÏαÏη: ÎαÏÎčÎŹÎœÎžÎ· Î ÎŹÏÏÎżÏ
ÎÏÏ ÏÎż ÎČÎčÎČλίο : '' Î ÎŁÎÎΠ΀ÎÎŁ ÎÎΊÎÎÎÎÎÎÎŁ
â
â
΀ζÎΜη ÎÎ±ÎœÎŹÎșη (Î ÏÎșÎčÎŹ ÏÎ·Ï Î±ÎŒÏÎčÎČολίαÏ)
â
Peut-on raconter le temps en lui-mĂȘme, comme tel et en soi ? Non, en vĂ©ritĂ©, ce serait une folle entreprise. Un rĂ©cit, oĂč il serait dit : "Le temps passait, il s'Ă©coulait, le temps suivait son cours" et ainsi de suite, jamais un homme sain d'esprit ne le tiendrait pour une narration. Ce serait Ă peu prĂšs comme si l'on avait l'idĂ©e stupide de tenir pendant une heure une seule et mĂȘme note, ou un seul accord, et si l'on voulait faire passer cela pour de la musique. Car la narration ressemble Ă la musique en ce qu'elle "accomplit" le temps, qu'elle "l'emplit convenablement", qu'elle le "divise", qu'elle fait en sorte qu'"il s'y passe quelque chose" [...].
â
â
Thomas Mann (The Magic Mountain)
â
Leïla, sorciÚre berbÚre, nourrie exclusivement au couscous, en passe de se transformer en paquet de semoule, spécialisée dans le désenvoûtement et le retour d'affection, cherche prince charmant pour lui dire qu'elle est belle, lui faire un bon café et lui laver ses jeans. ChÎmeur accepté, mais travailleur à mi-temps non exclu - les autres si pas trop cultivés, car je suis allergique aux désherbants.
â
â
Karine Bride (La sorciÚre de la cité)
â
â Vous apprendrez que le temps guĂ©rit bien des blessuresâŠ
â Le temps donne du recul, câest tout. Il aide Ă oublier, seulement je nâoublierai jamais ce qui sâest passĂ©, alors comment voulez-vous quâil me guĂ©risse ?
â Bien sĂ»r que vous nâallez pas oublier lâaccident, il fait partie de votre parcours. Mais je peux vous affirmer ceci : ça ira mieux. Ce revers vous paraĂźt insurmontable actuellement, car vous ĂȘtes jeune.
â
â
Nina de Pass (The Year After You)
â
Le temps a bien des visages, la pendule mesure rarement celui qui passe en notre for intĂ©rieur et qui constitue la vĂ©ritable durĂ©e de la vie, d'ailleurs, une foule de jours pourrait tenir en quelques heures et inversement, le nombre des annĂ©es est une Ă©chelle peu fiable pour mesurer la durĂ©e de la vie d'un homme, celui qui meurt Ă quarante ans a peut-ĂȘtre vĂ©cu bien plus longtemps qu'un autre qui part Ă quatre-vingt-dix. (p.100)
â
â
JĂłn Kalman StefĂĄnsson (HimnarĂki og helvĂti)
â
Patrice a vingt-quatre ans et, la premiĂšre fois que je lâai vu, il Ă©tait dans son fauteuil inclinĂ© trĂšs en arriĂšre. Il a eu un accident vasculaire cĂ©rĂ©bral. Physiquement, il est incapable du moindre mouvement, des pieds jusquâĂ la racine des cheveux. Comme on le dit souvent dâune maniĂšre trĂšs laide, il a lâaspect dâun lĂ©gume : bouche de travers, regard fixe. Tu peux lui parler, le toucher, il reste immobile, sans rĂ©action, comme sâil Ă©tait complĂštement coupĂ© du monde. On appelle ça le locked in syndrome.Quand tu le vois comme ça, tu ne peux quâimaginer que lâensemble de son cerveau est dans le mĂȘme Ă©tat. Pourtant il entend, voit et comprend parfaitement tout ce qui se passe autour de lui. On le sait, car il est capable de communiquer Ă lâaide du seul muscle qui fonctionne encore chez lui : le muscle de la paupiĂšre. Il peut cligner de lâĆil. Pour lâaider Ă sâexprimer, son interlocuteur lui propose oralement des lettres de lâalphabet et, quand la bonne lettre est prononcĂ©e, Patrice cligne de lâĆil.
 Lorsque jâĂ©tais en rĂ©animation, que jâĂ©tais complĂštement paralysĂ© et que jâavais des tuyaux plein la bouche, je procĂ©dais de la mĂȘme maniĂšre avec mes proches pour pouvoir communiquer. Nous nâĂ©tions pas trĂšs au point et il nous fallait parfois un bon quart dâheure pour dicter trois pauvres mots.
Au fil des mois, Patrice et son entourage ont perfectionnĂ© la technique. Une fois, il mâest arrivĂ© dâassister Ă une discussion entre Patrice et sa mĂšre. Câest trĂšs impressionnant.La mĂšre demande dâabord : « Consonne ? » Patrice acquiesce dâun clignement de paupiĂšre. Elle lui propose diffĂ©rentes consonnes, pas forcĂ©ment dans lâordre alphabĂ©tique, mais dans lâordre des consonnes les plus utilisĂ©es. DĂšs quâelle cite la lettre que veut Patrice, il cligne de lâĆil. La mĂšre poursuit avec une voyelle et ainsi de suite. Souvent, au bout de deux ou trois lettres trouvĂ©es, elle anticipe le mot pour gagner du temps. Elle se trompe rarement. Cinq ou six mots sont ainsi trouvĂ©s chaque minute.Â
Câest avec cette technique que Patrice a Ă©crit un texte, une sorte de longue lettre Ă tous ceux qui sont amenĂ©s Ă le croiser. Jâai eu la chance de lire ce texte oĂč il raconte ce qui lui est arrivĂ© et comment il se sent. Ă cette lecture, jâai pris une Ă©norme gifle. Câest un texte brillant, Ă©crit dans un français subtil, lĂ©ger malgrĂ© la tragĂ©die du sujet, rempli dâhumour et dâautodĂ©rision par rapport Ă lâĂ©tat de son auteur. Il explique quâil y a de la vie autour de lui, mais quâil y en a aussi en lui. Câest juste la jonction entre les deux mondes qui est un peu compliquĂ©e.Jamais je nâaurais imaginĂ© que ce texte si puissant ait Ă©tĂ© Ă©crit par ce garçon immobile, au regard entiĂšrement vide.
 Avec lâexpĂ©rience acquise ces derniers mois, je pensais ĂȘtre capable de diagnostiquer lâĂ©tat des uns et des autres seulement en les croisant ; jâai reçu une belle leçon grĂące Ă Patrice.Une leçon de courage dâabord, Ă©tant donnĂ© la vitalitĂ© des propos que jâai lus dans sa lettre, et, aussi, une leçon sur mes a priori.
Plus jamais dorénavant je ne jugerai une personne handicapée à la vue seule de son physique.
Câest jamais inintĂ©ressant de prendre une bonne claque sur ses propres idĂ©es reçues .
â
â
Grand corps malade (Patients)
â
Plus tard, des années plus tard, j'entendrais la chanson relatant notre rencontre. Bien que le garçon qui la chantait soit inexpérimenté, manquant les notes plus souvent qu'il ne les réussissait, la douce mélodie des vers resplendissait malgré sa piÚtre performance. Je ne fus pas étonnée du portrait qu'on y faisait de moi : la fiÚre sorciÚre s'avouant vaincue devant l'épée du héros, s'agenouillant et demandant grùce. Il semble que punir les femmes soit le passe-temps favoris des poÚtes. Comme s'il ne pouvait pas y avoir d'histoire à moins que nous rampions en pleurant.
â
â
Madeline Miller (Circe)
â
Il faudrait inventer un temps particulier pour l'apprentissage. Le "prĂ©sent d'incarnation", par exemple. Je suis ici, dans cette classe, et je comprends, enfin ! Ăa y est ! Mon cerveau diffuse dans mon corps : ça "s'incarne".
Quand ce n'est pas le cas, quand je n'y comprends rien, je me délite sur place, je me désintÚgre dans ce temps qui ne passe pas, je tombe en poussiÚre et le moindre souffle m'éparpille.
Seulement, pour que la connaissance ait une chance de s'incarner dans le présent d'un cours, il faut cesser d'y brandir le passé comme une honte et l'avenir comme un chùtiment. (p. 70)
â
â
Daniel Pennac (Chagrin d'école)
â
L'homme qui se juge supĂ©rieur, infĂ©rieur ou Ă©gal Ă un autre ne comprend pas la rĂ©alitĂ©. Cette idĂ©e-lĂ n'a peut-ĂȘtre de sens que dans le cadre d'une doctrine qui considĂšre le "moi" comme une illusion et, Ă moins d'y adhĂ©rer, mille contre-exemples se pressent, tout notre systĂšme de pensĂ©e repose sur une hiĂ©rarchie des mĂ©rites selon laquelle, disons, le Mahatma Gandhi est une figure humaine plus haute que le tueur pĂ©dophile Marc Dutroux. Je prends Ă dessein un exemple peu contestable, beaucoup de cas se discutent, les critĂšres varient, par ailleurs les bouddhistes eux-mĂȘmes insistent sur la nĂ©cessitĂ© de distinguer, dans la conduite de la vie, l'homme intĂšgre du dĂ©pravĂ©. Pourtant, et bien que je passe mon temps Ă Ă©tablir de telles hiĂ©rarchies, bien que comme Limonov je ne puisse pas rencontrer un de mes semblables sans me demander plus ou moins consciemment si je suis au-dessus ou au-dessous de lui et en tirer soulagement ou mortification, je pense que cette idĂ©e - je rĂ©pĂšte : "L'homme qui se juge supĂ©rieur, infĂ©rieur ou Ă©gal Ă un autre, ne comprends pas la rĂ©alitĂ©" est le sommet de la sagesse et qu'une vie ne suffit pas Ă s'en imprĂ©gner, Ă la digĂ©rer, Ă se l'incorporer, en sorte qu'elle cesse d'ĂȘtre une idĂ©e pour informer le regard et l'action en toutes circonstances. Faire ce livre, pour moi, est une façon bizarre d'y travailler. (p. 227-228)
â
â
Emmanuel CarrĂšre (Limonov)
â
La recherche d'une rĂ©alitĂ© communautaire prend la forme d'une opĂ©ration de sauvetage massive. J'estime que c'est la grande aventure de notre temps, infiniment plus valable pour l'homme que la conquĂȘte de l'espace. Elle reprĂ©sente le retour et le renouveau de l'ancienne gnose. Pour ceux qui rĂ©pondent Ă l'appel, ce qui se passe dans le monde des sciences, malgrĂ© sa place encore considĂ©rable dans le politique gouvernementales, perdra de plus en plus son sens existentiel. Ă leurs yeux, les scientifiques et leurs nombreux Ă©moules feront figure de clergĂ© archaĂŻque, Ă la liturgie professionnelle absurde, occupĂ© Ă Ă©changer ses connaissances, soi-disant Ă la disposition du public, dans le sanctuaire secret de leur Ă©glise de l'Ătat.
â
â
Theodore Roszak
â
Mon temps autrefois m'appartenait entiÚrement, et aux livres. Aujourd'hui, chaque minute consacrée à lire ou à écrire est une minute que je ne passe pas avec ma fille; l'écriture s'accompagne désormais d'une hùte et d'une culpabilité détestables. C'est du temps que je lui dérobe, que je ne retrouverai pas, que j'aurais dû lui consacrer et que je n'aurai jamais passé avec elle. Depuis sa naissance, je me prends à penser au futur antérieur et au conditionnel passé, des temps compliqués qui sont le signe qu'on considÚre les choses sous un point de vue autre que celui depuis lequel on parle normalement : demain vu au passé, hier comme une possibilité.
Elle dort. Je devrais profiter de ce moment pour écrire, je n'arrive qu'à m'abßmer dans le bruit des vagues. Je voudrais m'étendre sur le sable, rester là jusqu'à la nuit, me laisser emporter par la marée.
â
â
Dominique Fortier
â
Depuis quelques instants, j'ai l'impression d'avoir dĂ©jĂ vĂ©cu tout cela, d'avoir Ă©crit cela mot pour mot, mais je comprends Ă prĂ©sent que ce n'est pas moi, que c'est une autre femme qui prit jadis des notes dans ses cahiers pour me permettre d'y puiser. J'Ă©cris, elle Ă©crivit que la mĂ©moire est fragile et que le cours d'une vie est on ne peut plus bref et que tout se passe si vite que nous ne parvenons pas Ă saisir les relations entre les Ă©vĂ©nements, nous sommes impuissants Ă mesurer les consĂ©quences de chaque acte, nous ajoutons foi Ă la fiction du temps, au prĂ©sent, au passĂ© comme Ă l'avenir, alors que peut-ĂȘtre tout arrive aussi bien simultanĂ©ment, comme le disaient les trois sĆurs Mora, capables d'entrevoir dans l'espace les esprits de toutes les Ă©poques. VoilĂ pourquoi ma grand-mĂšre Clara remplissait ses cahiers : pour voir les choses sous leur vraie dimension et dĂ©jouer les piĂšges de la mĂ©moire.
â
â
Isabel Allende (The House of the Spirits)
â
1837, cette annĂ©e capitale sur le plan mondial, oĂč pour la premiĂšre fois le tĂ©lĂ©graphe rend simultanĂ©es les expĂ©riences humaines jusquâalors isolĂ©es, nâest en gĂ©nĂ©ral mĂȘme pas mentionnĂ©e dans nos livres de classe, qui continuent malheureusement Ă juger plus important de raconter les guerres et les victoires de quelques gĂ©nĂ©raux et de quelques nations, plutĂŽt que les vĂ©ritables triomphes de lâhumanitĂ© â ceux qui sont collectifs. Et pourtant aucune date de lâhistoire contemporaine ne peut se comparer quant Ă sa portĂ©e psychologique Ă celle-ci, oĂč est intervenue cette mutation de la valeur du temps. Le monde est transformĂ© depuis quâil est possible de savoir Ă Paris ce qui se passe Ă la minute mĂȘme Ă Moscou, Ă Naples et Ă Lisbonne. Il ne reste plus quâun dernier pas Ă faire, et les autres continents seront eux aussi intĂ©grĂ©s Ă ce grandiose ensemble, et lâon aura créé une conscience commune Ă lâhumanitĂ© tout entiĂšre.
â
â
Stefan Zweig (Decisive Moments in History: Twelve Historical Miniatures)
â
Les avares ne croient point a une vie a venir, le present est tout pour eux. Cette reflexion jette une horrible clarte sur l'epoque actuelle, ou, plus qu'en aucun autre temps, l'argent domine les lois, la politique et les moeurs. Institutions, livres, hommes et doctrines, tout conspire a miner la croyance d'une vie future sur laquelle l'edifice social est appuye depuis dix-huit cents ans. Maintenant le cercueil est une transition peu redoutee. L'avenir, qui nous attendait par dela le requiem, a ete transpose dans le present. Arriver _per fas et nefas_ au paradis terrestre du luxe et des jouissances vaniteuses, petrifier son coeur et se macerer le corps en vue de possessions passageres, comme on souffrait jadis le martyre de la vie en vue de biens eternels, est la pensee generale! pensee d'ailleurs ecrite partout, jusque dans les lois, qui demandent au legislateur: Que payes-tu? au lieu de lui dire: Que penses-tu? Quand cette doctrine aura passe de la bourgeoisie au peuple, que deviendra le pays?
â
â
Honoré de Balzac (Eugénie Grandet)
â
Pourquoi n'allez vous pas à l'école? Tous les jours je vous vois en train de flùner.
_ Oh, on se passe fort bien de moi! Je suis insociable, parait-il. Je ne m'intĂšgre pas. C'est vraiment bizarre. Je suis trĂšs sociable, au contraire. Mais tout dĂ©pend de ce qu'on entend par sociable, n'est-ce pas? Pour moi ça veut dire parler de choses et d'autres, comme maintenant. (...) Mais je ne pense pas que ce soit favoriser la sociabilitĂ© que de rĂ©unir tout un tas de gens et de les empĂȘcher ensuite de parler. (...) On ne pose jamais de question, en tout cas la plupart d'entre nous; les rĂ©ponses arrivent toutes seules, bing, bing, bing, et on reste assis quatre heures de plus Ă Ă©couter le tĂ©lĂ©prof. Ce n'est pas ma conception de la sociabilitĂ©. (...) On nous abrutit tellement qu'Ă la fin de la journĂ©e on a qu'une envie: se coucher ou aller dans un parc d'attraction bousculer les gens. (...) Au fond, je dois ĂȘtre ce qu'on m'accuse d'ĂȘtre. Je n'ai pas d'amis. C'est sensĂ© prouver que je suis anormale. Mais tous les gens que je connais passent leur temps Ă brailler, Ă danser comme des sauvages ou Ă se taper dessus. Vous avez remarquĂ© Ă quel point les gens se font du mal aujourd'hui?
â
â
Ray Bradbury (Fahrenheit 451)
â
L'idĂ©e prĂ©conçue entrave et endommage la libre et pleine manifestation de la vie psychique, que je connais et discerne bien trop peu pour la corriger, sous prĂ©texte de mieux savoir. La raison critique semble avoir rĂ©cemment Ă©liminĂ© avec de nombreuses autres reprĂ©sentations mythiques, aussi l'idĂ©e d'une vie post mortem. Cela n'a Ă©tĂ© possible que parce qu'aujourd'hui les hommes sont identifiĂ©s le plus souvent Ă leur seule conscience et s'imaginent n'ĂȘtre rien de plus que ce qu'ils savent d'eux-mĂȘmes. Or tout homme qui ne possĂšde qu'un soupçon de ce qu'est la psychologie peut aisĂ©ment se rendre compte que ce savoir est bien bornĂ©. Le rationalisme et le doctrinarisme sont des maladies de notre temps : ils ont la prĂ©tention d'avoir rĂ©ponse Ă tout. Pourtant bien des dĂ©couvertes, que nous considĂ©rons comme impossibles - quand nous nous plaçons Ă notre point de vue bornĂ© -, seront encore faites. Nos notions d'espace et de temps ne sont qu'approximativement valables ; elles laissent ouvert un vaste champ de variations relatives ou absolues. Tenant compte de telles possibilitĂ©s, je prĂȘte une oreille attentive aux Ă©tranges mythes de l'Ăąme ; j'observe ce qui se passe et ce qui m'arrive, que cela concorde ou non avec mes prĂ©suppositions thĂ©oriques. (p. 471)
â
â
C.G. Jung (Memories, Dreams, Reflections)
â
Et alors nous pouvons dire quâil y a un temps, le temps prĂ©cĂ©dent, oĂč vous nâĂ©tiez, saisis par la sensation ou par lâexcitation, que le minimum de vous-mĂȘmes, le minimum de ce que vous pouvez ĂȘtre â le minimum de votre possibilitĂ©. Vous nâĂ©tiez, en somme, que le germe. Vous et la sensation Ă©tiez, en quelque sorte, la fĂ©condation dâun germe de vous-mĂȘmes, qui se dĂ©veloppe dans un temps suivant et qui va donner peu Ă peu â je dis peu Ă peu : ceci se passe Ă©videmment dans une fraction de seconde, peut-ĂȘtre dans un centiĂšme de seconde â, mais enfin, si jâagrandis lâĂ©chelle, eh bien, on peut penser que, peu Ă peu, vous allez vous former capables de ce que dâautres, par la sensation, vous rĂ©vĂ©laient. Il y a un Ă©change, difficile Ă exprimer, mais que vous comprenez, entre ces deux termes. En somme, le tĂ©moin qui dĂ©finira la sensibilitĂ© est ce tĂ©moin Ă©lĂ©mentaire, ce tĂ©moin diminuĂ©, ce tĂ©moin qui est trĂšs loin du personnage que nous croyons ĂȘtre quand nous nous sentons plus complets.
Ce personnage est ce que peut ĂȘtre un instant : il est ce que peut ĂȘtre une durĂ©e de sensibilitĂ©, qui est naturellement trop brĂšve pour contenir tout ce que nous savons, toutes nos prĂ©tentions, toutes nos qualitĂ©s et toutes nos puissances, ou tous nos pouvoirs. Ainsi, ce moi, ce moi de sensibilitĂ©, est sans mĂ©moire, il nâest capable dâaucune opĂ©ration, il est purement fonctionnel, purement expĂ©dient.
â
â
Paul Valéry (Cours de poétique (Tome 1) - Le corps et l'esprit (1937-1940) (French Edition))
â
Les choses auxquelles on tenait le plus, vous vous dĂ©cidez un beau jour Ă en parler de moins en moins, avec effort quand il faut sây mettre. On en a bien marre de sâĂ©couter toujours cau-ser⊠On abrĂšge⊠On renonce⊠Ăa dure depuis trente ans quâon cause⊠On ne tient plus Ă avoir raison. Lâenvie vous lĂąche de garder mĂȘme la petite place quâon sâĂ©tait rĂ©servĂ©e parmi les plaisirs⊠On se dĂ©goĂ»te⊠Il suffit dĂ©sormais de bouffer un peu, de se faire un peu de chaleur et de dormir le plus quâon peut sur
â 520 â
le chemin de rien du tout. Il faudrait pour reprendre de lâintĂ©rĂȘt trouver de nouvelles grimaces Ă exĂ©cuter devant les autres⊠Mais on nâa plus la force de changer son rĂ©pertoire. On bre-douille. On se cherche bien encore des trucs et des excuses pour rester lĂ avec eux les copains, mais la mort est lĂ aussi elle, puante, Ă cĂŽtĂ© de vous, tout le temps Ă prĂ©sent et moins mystĂ©-rieuse quâune belote. Vous demeurent seulement prĂ©cieux les menus chagrins, celui de nâavoir pas trouvĂ© le temps pendant quâil vivait encore dâaller voir le vieil oncle Ă Bois-Colombes, dont la petite chanson sâest Ă©teinte Ă jamais un soir de fĂ©vrier. Câest tout ce quâon a conservĂ© de la vie. Ce petit regret bien atroce, le reste on lâa plus ou moins bien vomi au cours de la route, avec bien des efforts et de la peine. On nâest plus quâun vieux rĂ©verbĂšre Ă souvenirs au coin dâune rue oĂč il ne passe dĂ©jĂ presque plus personne.
â
â
Louis-Ferdinand Céline (Journey to the End of the Night)
â
In English:
Some people, who can voluntarily get out of their body, went to "the other side" to see if there was anything there!
The exciting testimonies of these explorers of the Beyond revealed that there are countless Worlds on other vibratory planes, in other Dimensions, where live the souls of the deceased living beings!!!
But, I went even further and I have discovered that these countless Worlds are, in reality, countless Planets belonging to other Cosmic Universes located in other Spaces and other Times, on other vibratory planes, in other Dimensions!
The Beyond is not nebulous but Cosmic!!!
The famous "Gate of Heaven" which allows the souls to pass into the Beyond is, in reality, a true "StarGate", a huge Vortex, a Tunnel of Light which crosses the Space and Time, which leads the soul on another planet, in another world, in another Cosmic Universe, in another Space, in another Time, in another vibratory plane, in another Dimension...!
I take you to discover the extraordinary adventure of Life, Evolution and Death, through multiple cycles, from life to life, from planet to planet, in an evolutionary spiral that leads souls ever higher, towards the Light...!
En Français :
Des personnes capables de sortir à volonté de leur corps charnel sont allées voir "de l'autre cÎté" s'il existait bien quelque chose...!
Les tĂ©moignages passionnants de ces explorateurs de l'Au-delĂ ont rĂ©vĂ©lĂ© qu'il existe d'innombrables Mondes sur d'autres plans vibratoires, dans d'autres Dimensions, oĂč vivent les Ăąmes des ĂȘtres vivants dĂ©cĂ©dĂ©s !!!
Mais nous sommes allĂ©s encore plus loin et nous avons dĂ©couvert que ces innombrables Mondes sont en rĂ©alitĂ© d'innombrables PlanĂštes appartenant Ă d'autres Univers Cosmiques qui se trouvent dans d'autres Espaces et dâautres Temps, sur d'autres plans vibratoires, dans d'autres Dimensions !
L'Au-delà n'est pas nébuleux mais Cosmique !!!
La fameuse "Porte du Ciel" qui permet aux ùmes de passer dans l'Au-delà , est en réalité une véritable "Porte des Etoiles", un énorme Vortex, un Tunnel de LumiÚre qui traverse l'Espace et le Temps, qui mÚne l'ùme sur une autre planÚte, dans un autre Monde, dans un autre Univers Cosmique, dans un autre Espace, dans un autre Temps, sur un autre plan vibratoire, dans une autre Dimension.
â
â
Patrick Delsaut
â
en vĂ©ritĂ© il est trĂšs agrĂ©able de se rĂ©unir, de sâasseoir et de bavarder des intĂ©rĂȘts publics. Parfois mĂȘme je suis prĂȘt Ă chanter de joie, quand je rentre dans la sociĂ©tĂ© et vois des hommes solides, sĂ©rieux, trĂšs bien Ă©levĂ©s, qui se sont rĂ©unis, parlent de quelque chose sans rien perdre de leur dignitĂ©. De quoi parlent-ils ? ça câest une autre question. Jâoublie mĂȘme, parfois, de pĂ©nĂ©trer le sens de la conversation, me contentant du tableau seul.
Mais jusquâici, je nâai jamais pu pĂ©nĂ©trer le sens de ce dont sâentretiennent chez nous les gens du monde qui nâappartiennent pas Ă un certain groupe. Dieu sait ce que câest. Sans doute quelque chose de charmant, puisque ce sont des gens charmants. Mais tout cela paraĂźt incomprĂ©hensible. On dirait toujours que la conversation vient de commencer ; comme si lâon accordait les instruments. On reste assis pendant deux heures et, tout ce temps, on ne fait que commencer la conversation. Parfois tous ont lâair de parler de choses sĂ©rieuses, de choses qui provoquent la rĂ©flexion. Mais ensuite, quand vous vous demandez de quoi ils ont parlĂ©, vous ĂȘtes incapable de le dire : de gants, dâagriculture, ou de la constance de lâamour fĂ©minin ? De sorte que, parfois, je lâavoue, lâennui me gagne. On a lâimpression de rentrer par une nuit sombre Ă la maison en regardant tristement de cĂŽtĂ© et dâentendre soudain de la musique. Câest un bal, un vrai bal. Dans les fenĂȘtres brillamment Ă©clairĂ©es passent des ombres ; on entend des murmures de voix, des glissements de pas ; sur le perron se tiennent des agents. Vous passez devant, distrait, Ă©mu ; le dĂ©sir de quelque chose sâest Ă©veillĂ© en vous. Il vous semble avoir entendu le battement de la vie, et, cependant, vous nâemportez avec vous que son pĂąle motif, lâidĂ©e, lâombre, presque rien. Et lâon passe comme si lâon nâavait pas confiance. On entend autre chose. On entend, Ă travers les motifs incolores de notre vie courante, un autre motif, pĂ©nĂ©trant et triste, comme dans le bal des Capulet de Berlioz. Lâangoisse et le doute rongent votre coeur, comme cette angoisse qui est au fond du motif lent de la triste chanson russe :
Ăcoutez... dâautres sons rĂ©sonnent.
Tristesse et orgie désespérées...
Est-ce un brigand qui a entonné, là -bas, la chanson ?
Ou une jeune fille qui pleure Ă lâheure triste des adieux ?
Non ; ce sont les faucheurs qui rentrent de leur travail...
Autour sont les forĂȘts et les steppes de Saratov.
â
â
Fyodor Dostoevsky
â
Les hommes, disais-je, se plaignent souvent de compter peu de beaux jours et beaucoup de mauvais, et il me semble que, la plupart du temps, câest mal Ă propos. Si nous avions sans cesse le cĆur ouvert pour jouir des biens que Dieu nous dispense chaque jour, nous aurions assez de force pour supporter le mal quand il vient. â Mais nous ne sommes pas les maĂźtres de notre humeur, dit la mĂšre ; combien de choses dĂ©pendent de lâĂ©tat du corps ! Quand on nâest pas bien, on est mal partout. » Jâen tombai dâaccord et jâajoutai : « Eh bien, considĂ©rons la chose comme une maladie, et demandons-nous sâil nây a point de remĂšde. â Câest parler sagement, dit Charlotte : pour moi, jâestime que nous y pouvons beaucoup. Je le sais par expĂ©rience. Si quelque chose me contrarie et veut me chagriner, je cours au jardin et me promĂšne, en chantant quelques contredanses : cela se passe aussitĂŽt. â Câest ce que je voulais dire, repris-je Ă lâinstant : il en est de la mauvaise humeur absolument comme de la paresse ; car câest une sorte de paresse. Par notre nature, nous y sommes fort enclins, et cependant, si nous avons une fois la force de nous surmonter, le travail nous devient facile, et nous trouvons dans lâactivitĂ© un vĂ©ritable plaisir. » FrĂ©dĂ©rique Ă©tait fort attentive, et le jeune homme mâobjecta quâon nâĂ©tait pas maĂźtre de soi, et surtout quâon ne pouvait commander Ă ses sentiments. « II sâagit ici, rĂ©pliquai-je, dâun sentiment dĂ©sagrĂ©able, dont chacun est bien aise de se dĂ©livrer, et personne ne sait jusquâoĂč ses forces sâĂ©tendent avant de les avoir essayĂ©es. AssurĂ©ment, celui qui est malade consultera tous les mĂ©decins, et il ne refusera pas les traitements les plus pĂ©nibles, les potions les plus amĂšres, pour recouvrer la santĂ© dĂ©sirĂ©e. [...] Vous avez appelĂ© la mauvaise humeur un vice : cela me semble exagĂ©rĂ©. â Nullement, lui rĂ©pondis-je, si une chose avec laquelle on nuit Ă son prochain et Ă soi-mĂȘme mĂ©rite ce nom. Nâest-ce pas assez que nous ne puissions nous rendre heureux les uns les autres ? faut-il encore nous ravir mutuellement le plaisir que chacun peut quelquefois se procurer ? Et nommez-moi lâhomme de mauvaise humeur, qui soit en mĂȘme temps assez ferme pour la dissimuler, la supporter seul, sans troubler la joie autour de lui ! Nâest-ce pas plutĂŽt un secret dĂ©plaisir de notre propre indignitĂ©, un mĂ©contentement de nous-mĂȘmes, qui se lie toujours avec une envie aiguillonnĂ©e par une folle vanitĂ© ? Nous voyons heureux des gens qui ne nous doivent pas leur bonheur, et cela nous est insupportable. » Charlotte me sourit, en voyant avec quelle Ă©motion je parlais, et une larme dans les yeux de FrĂ©dĂ©rique mâexcita Ă continuer. « Malheur, mâĂ©criai-je, Ă ceux qui se servent de lâempire quâils ont sur un cĆur, pour lui ravir les joies innocentes dont il est lui-mĂȘme la source ! Tous les prĂ©sents, toutes les prĂ©venances du monde, ne peuvent compenser un moment de joie spontanĂ©e, que nous empoisonne une envieuse importunitĂ© de notre tyran. [...] Si seulement on se disait chaque jour : Tu ne peux rien pour tes amis que respecter leurs plaisirs et augmenter leur bonheur en le goĂ»tant avec eux. Peux-tu, quand le fond de leur ĂȘtre est tourmentĂ© par une passion inquiĂšte, brisĂ© par la souffrance, leur verser une goutte de baume consolateur ?⊠Et, quand la derniĂšre, la plus douloureuse maladie surprendra la personne que tu auras tourmentĂ©e dans la fleur de ses jours, quâelle sera couchĂ©e dans la plus dĂ©plorable langueur, que son Ćil Ă©teint regardera le ciel, que la sueur de la mort passera sur son front livide, et que, debout devant le lit, comme un condamnĂ©, dans le sentiment profond quâavec tout ton pouvoir tu ne peux rien, lâangoisse te saisira jusquâau fond de lâĂąme, Ă la pensĂ©e que tu donnerais tout au monde pour faire passer dans le sein de la crĂ©ature mourante une goutte de rafraĂźchissement, une Ă©tincelle de courage !âŠ
â
â
Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
â
[...] j'ai songé alors que ce qui est violent, ce n'est pas le temps qui passe, c'est l'effacement des sentiments et des émotions. Comme s'ils n'avaient jamais existé.
â
â
Laurence Tardieu (Un temps fou)
â
A Schönbrunn, les fĂȘtes se suivent et se ressemblent, indiffĂ©rentes au temps qui passe, au monde qui change, aux moeurs qui Ă©voluent. ElĂ©gantes, poudrĂ©es, chamarrĂ©es, brillant des mille Ă©clats des diamants, des cristaux, de lâargenterie ; Ă©voluant aux pays glissĂ©s des valses, menuets et quadrilles ; bruissant de robes de soie, cliquetant de mĂ©dailles, bourdonnant dâintrigues de cour ; si charmantes, si convenables, si ennuyeuses ⊠Pendant que lâon se pavane, selon un protocole immuable, dans les salons rococo et les jardins au cordeau, les premiĂšres locomotives Ă vapeur ahanent sur les premiers kilomĂštres de rails, dâĂ©normes machines de fonte et dâacier remplacent des contingents dâouvriers dans les usines, lâĂ©clairage au gaz arrive dans les théùtres et bientĂŽt dans les rues, on parvient Ă produire et stocker de lâĂ©lectricitĂ©, Niepce et Daguerre impressionnent les premiĂšres plaques photographiques ⊠Des idĂ©es nouvelles issues de la RĂ©volution, sur la libertĂ©, lâĂ©galitĂ©, les droits de lâhomme, sâĂ©chafaudent en systĂšmes et sâenracinent dans les coeurs, un esprit de rĂ©volte fermente au centre des villes, au fond des campagnes, au sein des armĂ©es, partout le poids Ă©crasant de cette monarchie obsolĂšte devient insupportableâŠ
Franz sait tout cela qui, du haut de ses onze printemps, regarde pavoiser ce beau monde. Boulimique de savoir et dâinformations, François lui raconte raconte toutes ses visions dĂšs quâils ont lâoccasion dâĂȘtre seuls ; les sociĂ©tĂ©s quâil lui dĂ©crit sont bien loin de lâatmosphĂšre empesĂ©e de Schönbrunn, les gens dont il lui parle sont bien plus vivants que ces momies figĂ©es dans leurs convenances. Aussi le petit duc pose-tâil sur cette fĂȘte - sa fĂȘte, pourtant - le regard blasĂ©, impatient et las de celui qui sait quâil assiste Ă la lente agonie dâun systĂšme sclĂ©rosĂ©, mais sans pouvoir y changer quoi que ce soit, ni avancer ni retarder lâĂ©chĂ©ance.
â
â
Jean-Marc Ligny (La Dame Blanche)
â
Cette nuit-lĂ , il est seul sans lâĂȘtre vraiment, car les fantĂŽmes de son passĂ© font sentir leur prĂ©sence. Et le temps passe, comme il sait si bien le faire. Louis a perdu toute notion des heures. La nuit distend et tord le rĂ©el. Quand les premiĂšres lueurs de lâaube apparaissent, il est Ă©puisĂ©.
â
â
Julie Turconi (Les Marches)
â
La chair oublie trĂšs vite. Mais quelque chose en nous se promĂšne, durant toute une vie, avec des lambeaux de sensations Ă©prouvĂ©es avant, avec des souvenirs plus ou moins arrangĂ©s ou mĂȘme dĂ©traquĂ©s, quelque chose prĂ©sent Ă notre regard enfoui dans le temps, un corps nu, un visage enveloppĂ© dans un drap blanc, une main qui passe dans les cheveux, un parfum de jasmin ou simplement une voix grave qui dit le dĂ©sir. Longtemps, le dĂ©sir seul fut ma seule passion. Je ne recherchais que ses frĂ©missements, les tremblements de mes membres et l'immense joie de la dĂ©couverte. DĂ©sir nu, pur, sans mots, sans musique, sans histoire. La chair a la mĂ©moire courte et je ne m'en plaignais pas. Jusqu'au jour oĂč le dĂ©sir s'est prĂ©sentĂ© Ă moi, fort et brĂ»lant, mais accompagnĂ© d'une histoire. Les Ă©motions se succĂ©daient en se bousculant, les sensations pillaient mon corps : c'Ă©tait le dĂ©but de ma perte.
â
â
Ben Jelloun Tahar
â
L'important c'est d'agiter la vie. On a tout le temps d'ĂȘtre mort! - Yasmina Reza
â
â
Hubert Reeves (Le Banc du temps qui passe. Méditations cosmiques (SCIENCE OUVERTE) (French Edition))
â
Soyons rĂ©alistes. Peut-on vraiment rĂȘver d'humaniser l'humanitĂ©?
â
â
Hubert Reeves (Le Banc du temps qui passe. Méditations cosmiques (SCIENCE OUVERTE) (French Edition))
â
Le long sentier vers l'humanisation de l'humanitĂ© est Ă©clairĂ© par trois lumiĂšres : le dĂ©sir de comprendre le monde (la science), de l'embellir (l'art) et d'aider les ĂȘtres vivants Ă vivre (l'empathie).
Trois mots à retenir : « connaßtras », « créer », « compatir ».
â
â
Hubert Reeves (Le Banc du temps qui passe. Méditations cosmiques (SCIENCE OUVERTE) (French Edition))
â
Deux plus deux faisaient-ils quatre au temps des dinosaures?
â
â
Hubert Reeves (Le Banc du temps qui passe. Méditations cosmiques (SCIENCE OUVERTE) (French Edition))
â
Tous ceux qui se plaignent quâil passe trop vite, le temps, et quâelle nous file entre les doigts, la vie, devraient prendre pour amant un homme mariĂ©. Les heures se dilatent dans lâattente, et les minutes se resserrent quand ça compte. Lâhorloge des amoureux.
â
â
Elizabeth Lemay (Daddy Issues (French Edition))
â
Tout s'anéant, tout périt, tout passe; il n'y a que le monde qui reste. Il n'y a que le temps qui dure.
â
â
Renaud Dillies (Une brÚve histoire de poussiÚre et de cendre (Abélard, #2))
â
que dit le professeur, ils comprennent la moitiĂ© de ce quâils ont Ă©coutĂ©, ils retiennent la moitiĂ© de ce quâils ont compris, et ils se servent de la moitiĂ© de ce quâils ont retenu, câest-Ă -dire pas grand-chose, Ă la fin.
â
â
François Lelord (Le Nouveau Voyage dâHector: Ă la poursuite du temps qui passe (French Edition))
â
Le chef discutait avec un type super élégant dans son bureau.
â C'est dĂ©jĂ un client?
â Non, c'est le maĂźtre d'hĂŽtel...
â Eh ben... Il est drĂŽlement classe...
â En salle, ils sont tous beaux...Au dĂ©but du service, c'est nous qui sommes propres et eux qui passent l'aspirateur en tee-shirt et plus le temps passe, plus la tendance s'inverse: on pue, on devient crades et eux ils passent devant nous, frais comme des gardons, avec leurs brushings et leurs costumes impeccables...
â
â
Anna Gavalda (Ensemble, c'est tout Audiobook PACK [Book + 2 CD MP3 - Abridged text])
â
Mais il faut le voir Ă table comme il la regarde quand elle brille, ses yeux d'animal subjuguĂ©. D'oĂč vient-elle donc cette crĂ©ature ?
Pr les mots dans sa bouche, ces idées qui lui passent par la cervelle, son insatisfaction tout le temps, son intraitable enthousiasme, ce désir d'aller voir ailleurs, de marquer les distances, cet élan qui frise l'injure parfois? Ou va-t-elle chercher tout ça ?
Alors, quand leur fille a besoin de sous pour un voyage de classe ou acheter des livres, Mireille et Jean ne rechignent pas. Ils raquent. Ils font ce qu'il faut. C'est leur terrible métier de parents, donner à cette gamine les moyens de son évasion.
On a si peu de raison de se rĂ©jouir dans ces endroits qui nâont ni la mĂšre ni la Tour Eiffel, ou dieu est mort comme partout oĂč la soirĂ©e sâachĂšvent Ă 20 heures en semaine et dans les talus le week-end
Car elle et Jeannot savent qu'ils ne peuvent plus grand-chose pour elle. Ils font comme si, mais ils ne sont plus en mesure de faire des choix à sa place. Ils en sont réduits ça, faire confiance, croiser les doigts, espérer quils l'ont élevée comme il faut et que ça suffira.
L'adolescence est un assassinat prémédité de longue date et le cadavre de leur famille telle qu'elle fut git déjà sur le bord du chemin. Il faut désormais réinventer des rÎles, admettre des distances nouvelles, composer avec les monstruosités et les ruades. Le corps est encore chaud. Il tressaille. Mais ce qui existait, l'enfance et ses tendresses évidentes, le rÚgne indiscuté des adultes et la gamine pile au centre, le cocon et la ouate, les vacances à La Grande-Motte et les dimanches entre soi, tout cela vient de crever. On n'y reviendra plus.
Et puis il aimait bien aller Ă l'hĂŽtel, dont elle rĂ©glait toujours la note. Il apprĂ©ciait la simplicitĂ© des surfaces, le souci ergonome partout, la distance minime entre le lit et la douche, l'extrĂȘme propretĂ© des serviettes de bain, le sol neutre et le tĂ©lĂ©viseur suspendu, les gobelets sous plastique, le cliquetis prĂ©cis de l'huisserie quand la porte se refermait lourdement sur eux, le code wifi prĂ©cisĂ© sur un petit carton Ă cĂŽtĂ© de la bouilloire, tout ce confort limitĂ© mais invariable. Ă ses yeux, ces chambres interchangeables n'avaient rien d'anonyme. Il y retrouvait au contraire un territoire ami,
elle se disait ouais, les mecs de son espĂšce n'ont pas de rĂ©pit, soumis au travail, paumĂ©s dans leurs familles recomposĂ©es, sans mĂȘme assez de thune pour se faire plaisir, devenus les cons du monde entier, avec leur goĂ»t du foot, des grosses bagnoles et des gros culs. AprĂšs des siĂšcles de rĂšgne relatif, ces pauvres types semblaient bien gĂȘnĂ©s aux entournures tout Ă coup dans ce monde qu'ils avaient jadis cru taillĂ© Ă leur mesure.
Leur nombre ne faisait rien Ă l'affaire. Ils se sentaient acculĂ©s, passĂ©s de mode, fonciĂšrement inadĂ©quats, insultĂ©s par l'Ă©poque. Des hommes Ă©levĂ©s comme des hommes, basiques et fĂȘlĂ©s, une survivance au fond.
Toute la journée il dirigeait 20 personnes, gérait des centaines de milliers d'euros, alors quand il fallait rentrer à la maison et demander cent fois à Mouche de ranger ses chaussettes, il se sentait un peu sous employé. Effectivement.
Ils burent un pinot noir d'Alsace qui les dérida et, dans la chaleur temporaire d'une veille d'enterrement, se retrouvÚrent.
- T'aurais pu venir plus tÎt, dit Gérard, aprÚs avoir mis les assiettes dans le lave-vaisselle.
Julien, qui avait un peu trop bu, se contenta d'un mouvement vague, sa tĂȘte dodelinant d'une Ă©paule Ă l'autre.
C'était une concession bien suffisante et le pÚre ne poussa pas plus loin son avantage.
Pour motiver son petit frĂšre, Julien a l'idĂ©e d'un entraĂźnement spĂ©cial, qui dĂ©bute par un lavage de cerveau en rĂšgle. Au programme, Rocky, Les Chariots de feu, KaratĂ© Kid, et La Castagne, tout y passe. Ă chaque fois, c'est plus ou moins la mĂȘme chose : des acteurs torse nu et des sĂ©quences d'entraĂźnement qui transforment de parfaits losers en machines Ă gagner.
â
â
Nicolas Mathieu (Connemara)
â
Faut croire qu'il a pas encore fini de se vider de son eau, Ămile, ses yeux menacent de redĂ©border. Il pue la peur. Au collĂšge, le pire, c'est pas les cours ; c'est tout ce qu'il y a entre. La consistance mĂȘme du temps y est diffĂ©rente. Les rĂ©crĂ©s sont des Ă©ternitĂ©s. C'est pas qu'on s'y emmerde, non, non, l'ennui, ça a au moins quelque chose de moelleux, de presque confortable. Nous, on passe chaque seconde de chaque minute Ă lutter contre la flippe du faux pas et Ă faire semblant qu'on s'amuse.
â
â
Christelle Dabos (Ici et seulement Ici)
â
Un grand poĂšte
Que fais-tu au juste voyons voir dit Mihaela
trois heures de tĂ©lĂ©vision tu tâaffaires
dans la bibliothĂšque trois heures tu lis et voilĂ
ton temps qui passe quand tu ne peux plus écrire
tu as lâair dâune mite raidie par le froid sur le cadre
de la fenĂȘtre et tu nâes mĂȘme pas un grand poĂšte
tu as les yeux aqueux et vides tu as encore bu que vais-je
faire de toi que vais-je dire Ă tes parents
les pauvres ils sont si ĂągĂ©s personne nâen prend soin
dans cet état personne ne leur demande
sâils ont mangĂ© un bout bientĂŽt ils mourront et toi
si indifférent tu ne vois pas que notre fille
a grandi tu ne vois pas quâelle porte une mini-jupe aujourdâhui
et voilĂ comme ta vie sâen va et tu nâes mĂȘme
pas un grand poĂšte comme Nichita StÄnescu
â
â
Valentin Dolfi (Ma poésie comme biographie (French Edition))
â
Quand le présent est douloureux et le futur macabre, il est évident que l'on cherche en nous le chemin du passé, que l'on s'immobilise la conscience à rebours du temps qui passe.
Ne demandez pas aux vieillards de se réjouir de la nuit qui tombe.
â
â
Perrine Tripier (Les guerres précieuses)
â
La peinture et la sculpture se ressemblent dans le désir qu'elles partagent de donner forme à la réalité du monde : il faut fixer, sur le tendu de la toile, ou dans le charnu de la pierre, le mouvement ondoyant et multiple du temps qui passe et du monde qui bruit.
Mais elles diffÚrent en un point majeur : quand le peintre ajoute, le sculpteur retranche. [...] Il existe beaucoup d'écrivains qui sont des peintres ; plus rares sont ceux qui s'apparentent à des sculpteurs.
Peintre, évidemment, Victor Hugo : ses romans sont des fresques, ses poÚmes, des tableaux. [...V]eut-il montrer un marin aux prises avec une bourrasque en Manche qu'il en fait une Iliade, trempée d'adjectifs sonores, éclaboussant tout de métaphores écumantes.
[...] Sculpteur, ValĂ©ry [...]. Il noircit ses cahiers. Des bordĂ©es de lignes, tirĂ©es en rafales. [...] Et de ces traĂźnĂ©es d'encre, il extraira ses pĂ©pites [...]. Ainsi : « Le temps du monde fini commence. » A la fin, la phrase a jailli, ensemencĂ©e de tout ce qui n'a plus sa raison d'ĂȘtre, de toutes ces scories insignifiantes, vouĂ©es Ă la corbeille. [...] Et le reste ne valait pas d'ĂȘtre gravĂ©.
[...] Les peintres ajoutent de la substance [au] monde. Les sculpteurs retranchent, pour mieux donner.
â
â
Frank Lanot (Ăloge du temps perdu - Ă l usage de ceux qui aiment les livres et la lecture)
â
Journal de Kitty Winthrop
Samedi 30 mars 1940
Cette guerre dure depuis beaucoup trop longtemps â bien plus de six mois maintenant. La vie est devenue insupportable. Tout le monde sâactive, il nây a rien Ă manger, pas de nouveaux vĂȘtements, pas de domestiques, pas de lumiĂšre aprĂšs la tombĂ©e de a nuit et pas d'hommes. Il faut traĂźner partout son masque Ă gaz et filer aux abris antiaĂ©riens chaque fois quâon entend les sirĂšnes (bien quâelles ne se soient pas dĂ©clenchĂ©es souvent jusquâici). Tous les soirs, on est obligĂ©s de tirer dâĂ©pais rideaux noirs pour occulter toutes les fenĂȘtres afin quâil ne filtre aucune lumiĂšre susceptible dâattirer lâĆil des nazis sur lâendroit oĂč nous habitons. On entend les nouvelles Ă la radio sur fond dâinterminable friture, et tout le monde passe son temps Ă dire « chut » et Ă mâempĂȘcher de jouer du piano.
Journal de Mrs. Tilling
Samedi 3 août 1940
Nous venons de vivre deux jours atroces. Jâai vraiment un mauvais pressentiment Ă propos de cette guerre, celui que nous allons ĂȘtre vaincus et perdre notre pays, notre culture, notre libertĂ©. Que nous allons tout donner, toute notre Ă©nergie au combat, tous nos espoirs, nos rĂȘves, tout donner de nous-mĂȘmes. Et que les nazis arriveront et quâil ne restera rien. Nous ne serons que des squelettes sans substance, nous les laisserons nous piĂ©tiner, diriger nos vies, notre quotidien, nos enfants â si tant est quâil nous en reste.
â
â
Jennifer Ryan (The Chilbury Ladies' Choir)
â
Le temps ne passe pas, il tourne en rond.
â
â
Gabriel GarcĂa MĂĄrquez (One Hundred Years of Solitude)
â
Alors mĂȘme que je suis en train de lire, je commence Ă oublier ce que jâai lu et ce processus est inĂ©luctable, il se prolonge jusquâau moment oĂč tout se passe comme si je nâavais pas lu le livre et oĂč je rejoins le non-lecteur que jâaurais pu rester si jâavais Ă©tĂ© mieux avisĂ©. Dire que lâon a lu un livre fait alors surtout figure de mĂ©tonymie. On nâa jamais lu, dâun livre, quâune partie plus ou moins grande, et cette partie mĂȘme est condamnĂ©e, Ă plus ou moins long terme, Ă la disparition. Plus que de livres ainsi, nous nous entretenons, avec nous-mĂȘme et les autres, de souvenirs approximatifs, remaniĂ©s en fonction des circonstances du temps prĂ©sent.
â
â
Pierre Bayard (How to Talk About Books You Haven't Read)
â
Pourtant, et bien que je passe mon temps Ă Ă©tablir de telles hiĂ©rarchies, bien que comme Limonov je ne puisse pas rencontrer un de mes semblables sans me demander plus ou moins consciemment si je suis au-dessus ou au-dessous de lui et en tirer soulagement ou mortification, je pense que cette idĂ©e â je rĂ©pĂšte : « Lâhomme qui se juge supĂ©rieur, infĂ©rieur ou Ă©gal Ă un autre ne comprend pas la rĂ©alitĂ© » â est le sommet de la sagesse et quâune vie ne suffit pas Ă sâen imprĂ©gner, Ă la digĂ©rer, Ă se lâincorporer, en sorte quâelle cesse dâĂȘtre une idĂ©e pour informer le regard et lâaction en toutes circonstances. Faire ce livre, pour moi, est une façon bizarre dây travailler.
â
â
Emmanuel CarrĂšre
â
On entend dire Ă tout propos qu'il faut "ĂȘtre de notre temps" et que le fait de "regarder en arriĂšre" ou de "s'attarder" est une trahison Ă l'Ă©gard de cet "impĂ©ratif catĂ©gorique" qu'est notre siĂšcle ; mais nul ne saurait jamais donner la moindre justification tant soit peu plausible de cette exigence grotesque. "Il n'y a pas de droit supĂ©rieur Ă celui de la vĂ©ritĂ©", disent les Hindous ; et si deux et deux font quatre, ce n'est certes pas en fonction d'un temps quelconque. Tout ce qui se passe de nos jours fait partie de notre temps, y compris l'opposition Ă celui-ci ; copier l'AntiquitĂ© faisait partie de la Renaissance et si, de nos jours, quelques-uns regardent vers le Moyen Age ou l'Orient, on est bien obligĂ© d'enregistrer le fait comme appartenant Ă l'Ă©poque que nous vivons. C'est la nature des choses qui dĂ©cide en dĂ©finitive ce qu'est notre temps et ce qu'il n'est pas ; et ce n'est certes pas aux hommes de dĂ©cider ce qui a le droit d'ĂȘtre vrai et ce qui ne l'a pas.
â
â
Frithjof Schuon (The Transfiguration of Man)
â
Ma seule distraction est dâaller, le dimanche, au sortir de la messe, chez Mme Gouin, lâĂ©piciĂšre⊠Le dĂ©goĂ»t mâen Ă©loigne, mais lâennui, plus fort, mây ramĂšne. LĂ , du moins, on se retrouve, toutes ensemble⊠On potine, on rigole, on fait du bruit, en sirotant des petits verres de mĂȘlĂ©-cassis⊠Il y a lĂ , un peu, lâillusion de la vie⊠Et le temps passeâŠ
â
â
Octave Mirbeau (Le journal d'une femme de chambre)
â
Ce moyen, cette pratique, ces allĂ©chements avaient les anciens tyrans, pour endormir leurs sujets sous le joug. Ainsi les peuples, assotis, trouvent beaux ces passe-temps, amusĂ©s dâun vain plaisir, qui leur passait devant les yeux, sâaccoutumaient Ă servir aussi niaisement, mais plus mal, que les petits enfants qui, pour voir les luisantes images des livres enluminĂ©s, apprennent Ă lire. Les Romains tyrans sâavisĂšrent encore dâun autre point : de festoyer souvent les dizaines publiques, abusant cette canaille comme il fallait, qui se laisse aller, plus quâĂ toute autre chose, au plaisir de la bouche : le plus avisĂ© et entendu dâentre eux nâeut pas quittĂ© son esculĂ©e de soupe pour recouvrer la libertĂ© de la rĂ©publique de Platon.
â
â
Ătienne de La BoĂ©tie (Discours de la servitude volontaire: RĂ©quisitoire contre l'Absolutisme (French Edition))
â
â Bah alors, câest ce que je dis, avec la dotation quâon a, ajouta FÄneaÈÄ puis il se leva pour prendre le livre le plus Ă©pais de la pile la plus proche.
Il se trouva que câĂ©tait La Montagne magique.
â Ăa fera lâaffaire, dit-il le travailleur en se rasseyant Ă table. Il a suffisamment de pages pour que personne ne remarque que nous en avons dĂ©chirĂ© quelques-unes.
â Mon frĂšre, tâes vraiment mortel. Laisse donc ce livre en paix, nom de DieuâŠ
Nicu sâopposa pour la derniĂšre fois, lâimage de son camarade en cerbĂšre le fit Ă©clater de rire. Une considĂ©ration de folie.
â Tiens, avant de le dĂ©plumer, lis au moins ce quâil y a dâĂ©crit, quâon entende nous aussi.
FÄneaÈÄ fourra son doigt Ă©pais au cĆur du livre et lut lĂ oĂč ses yeux se posĂšrent :
â Quâest-ce que le corps ! Ă©clata-t-il avec une impĂ©tositĂ© soudaine. Quâest-ce que la chair ! Quâest-ce que le corps humain ! De quoi est-il constitué ! Monsieur le conchilier aulique, dites-le nous tout de suite, cet aprĂšs-midi mĂȘme. Dites-le-nous une fois pour tourtes et le plus Ă©chactement, pour que nous le sachions.
ĂcĆurĂ© par la lecture, il sâarrĂȘta, et ne cacha pas son Ă©tonnement : certains sont prĂȘts Ă jeter leur argent par les fenĂȘtres pour nâimporte quoi.
â Mon petit Nicu, câest ainsi quand lâhomme a trop de temps libre, quâil ne travaille mĂȘme pas. Il est lĂ Ă se faire des idĂ©es, et ceux qui se font passer pour cultivĂ©s font la file dâattente pour acheter quelque livre comme celui-lĂ . Chiche quâon va montrer Ă mâsieur lâĂ©crivain â il fit une pause pour lire le nom de celui-ci sur la couverture â ce que câest-ce que la viande, car je vois que lâhonorable dit ne pas le savoir. Passe-moi les saucisses, va !
Puis il arracha soigneusement quelques pages sur lesquelles il dĂ©posa fromage et lĂ©gumes en se vantant auprĂšs de Nicu que lui Ă©tait un garçon de salon et que lâon nâaurait dĂ©chirĂ© des feuilles que de lĂ -bas, de lâintroduction, partie que personne ne lit.
â De la critique.
â
â
CÄlin Torsan (Brocs en stock (French Edition))
â
Le temps mauvais passe quand on mange et sâamuseâBad times pass when one eats and is merry. On ne fait pas comme on veut, mais comme on peutâOne doesnât do what one wants, but what one can. La moitiĂ© du monde se moque de lâautre moitiĂ©âHalf the world laughs at the other half.
â
â
John Mack Faragher (A Great and Noble Scheme: The Tragic Story of the Expulsion of the French Acadians from Their American Homeland)
â
Câest amusant, pensa-t-il, le bruit que fait une horloge alors que ses aiguilles tournent. On lâentend Ă peine, sauf quand on est seul. Sa voix forte, implacable, irrĂ©sistible, nous rappelle la mort, le temps qui passe, qui nous file entre les doigts.
â
â
Anonymous
â
La vie, c'est comme Mario Bros 1. On passe son temps Ă trimer pour ramasser des piĂšces, on est obligĂ©s d'avancer pour affronter de nouveaux dangers, on subit sans cesse les mĂȘmes Ă©preuves rĂ©pĂ©titives, le temps est limitĂ© et on finira quand mĂȘme par mourir. Mais surtout, on a beau poursuivre l'aventure, la princesse est toujours dans un autre chĂąteau.
â
â
J. Heska (Pourquoi les gentils ne se feront plus avoir)
â
Je crois que c'est ça que je reproche aux livres, en gĂ©nĂ©ral, c'est qu'ils ne sont pas libres. On le voit Ă travers l'Ă©criture : ils sont fabriquĂ©s, ils sont organisĂ©s, rĂ©glementĂ©s, conformes on dirait. Une fonction de rĂ©vision que l'Ă©crivain a trĂšs souvent envers lui-mĂȘme. L'Ă©crivain, alors il devient son propre flic. J'entends par lĂ la recherche de la bonne forme, c'est-Ă -dire de la forme la plus courante, la plus claire et la plus inoffensive. Il y a encore des gĂ©nĂ©rations mortes qui font des livres pudibonds. MĂȘme des jeunes : des livres "charmants", sans prolongement aucun, sans nuit. Sans silence. Autrement dit : sans vĂ©ritable auteur. Des livres de jour, de passe-temps, de voyage. Mais pas des livres qui s'incrustent dans la pensĂ©e et qui disent le deuil noir de toute vie, le lieu commun de toute pensĂ©e.
â
â
Marguerite Duras
â
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours aprĂšs la peine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face Ă face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l'onde si lasse
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
L'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s'en va
Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
â
â
Guillaume Apollinaire
â
Il est un Ăąge dans la vie oĂč l'amour est une perfection, une tonalitĂ© apprivoisĂ©e aux beaux gestes, un tempo limpide et qui savoure le temps qui passe, un apprentissage de l'autre qui n'en finira jamais
â
â
Pierre Magnan (Le parme convient Ă Laviolette)
â
-Oublie pas le hand-job.
-Pardon?
-Quand je me fais bullshitter, j'aime bien qu'on me branle en mĂȘme temps. Ăa passe mieux.
â
â
Patrick Senécal
â
Jâai le temps de distinguer une tĂȘte qui passe Ă travers lâouverture.
â
â
Marc Thil (Histoires Ă lire le soir (French Edition))
â
Lâun des pĂ©rils de lâĂąge adulte, câest que ton esprit sâĂ©largit bien au-delĂ de ce qui te concerne strictement. Il nây a pas de cĂ©rĂ©monie qui marque cette Ă©tape, pas dâavertissement. Ăa tâarrive un jour, et brusquement, tu te rends compte quâil se passe soixante-dix choses en mĂȘme temps, et tu te recroquevilles au milieu dâun maelstrom fait dâamour, dâoccasions manquĂ©es, de choix difficiles et des griffes tenaces du passĂ© â sans compter quâil faut, en plus, remettre de lâordre dans le garage.
â
â
Michael Marshall Smith (La Vie ĂŽ combien ordinaire d'Hannah Green)
â
Finalement, le quotidien d'un investisseur boursier n'a rien d'exaltant à mes yeux. Il s'agit d'une activité relativement monotone. Néanmoins, si vous la faites de façon disciplinée, vous aurez les moyens financiers de vous trouver un autre passe-temps plus excitant.
â
â
Jean-Sébastien Pilotte (La retraite à 40 ans: Comment déjouer le systÚme pour atteindre la liberté financiÚre (French Edition))
â
Pourquoi les aiguilles des horloges effectuent-elles le tour dâun cadran au lieu de monter et descendre le long dâune colonne, comme le mercure dâun thermomĂštre ? On aurait moins le sentiment de tourner en rond. Bien sĂ»r, les secondes nâen finissent jamais de mourir au musĂ©e du monde, et le billet dâentrĂ©e nâest pas valable Ă©ternellement, mais enfin, vous connaissez ce dessin de Charles Schulz ? Charlie Brown et Snoopy sont assis sur un ponton, au bord de lâeau. « Nous allons tous mourir un jour », se dĂ©sole Charlie Brown. Et Snoopy lui rĂ©pond : « Mais pas lors des autres jours. » Il circule une traduction moins littĂ©rale, mais plus exacte du propos de Snoopy : « Oui, mais tous les autres jours, nous allons vivre. » Câest la version que je prĂ©fĂšre. Ce nâest pas parce quâil est impossible de faire reculer le temps quâil faut renoncer Ă casser la gueule aux chronomĂštres.
â
â
Fabien Maréchal, L'Attendeur (de PremiÚre classe)
â
On s'Ă©tait trompĂ©. L'erreur qu'on avait faite, en quelques secondes, a gagnĂ© tout l'univers. Le scandale Ă©tait Ă l'echelle de Dieu. Mon petit frĂšre Ă©tait immortel et on ne l'avait pas vu. L'immortalitĂ© avait Ă©tĂ© recelĂ©e par le corps de ce frĂšre tandis qu'il vivait et nous, on n'avait pas vu que c'Ă©tait dans ce corps-lĂ que se trouvait ĂȘtre logĂ©e l'immortalitĂ©. Le corps de mon frĂšre Ă©tait mort. L'immortalitĂ© Ă©tait morte avec lui. Et ainsi allait le monde maintenant, privĂ© de ce corps visitĂ©, et de cette visite. On s'Ă©tait trompĂ© complĂštement. L'erreur a gagnĂ© tout l'univers, le scandale. [...] Il faudrait prĂ©venir les gens de ces choses-lĂ . Leur apprendre que l'immortalitĂ© est mortelle, qu'elle peut mourrir, que c'est arrivĂ©, que cela arrive encore. Qu'elle ne se signale pas en tant que telle, jamais, qu'elle est la duplicitĂ© absolue. Qu'elle n'existe pas dans le dĂ©tail mais seulement dans le principe. Que certaines personnes peuvent en recĂ©ler la prĂ©sence, Ă condition qu'elles ignorent le faire. De mĂȘme que certaines autres personnes peuvent en dĂ©celer la prĂ©sence chez ces gens, Ă la mĂȘme condition, qu'elles ignorent le pouvoir. Que c'est tandis qu'elle se vit que la vie est immortelle, tandis qu'elle est en vie. Que l'immortalitĂ© ce n'est pas un question de plus ou moins de temps, que ce n'est pas une question d'immortalitĂ©, que c'est une question d'autre chose qui reste ignorĂ©. Que c'est aussi faux de dire qu'elle est sans commencement ni fin que de dire qu'elle commence et qu'elle finit avec la vie de l'esprit du moment que c'est l'esprit qu'elle participe et de la poursuite du vent. Regardez les sables morts des dĂ©serts, le corps mort des enfants : l'immortalitĂ© ne passe pas par lĂ , elle s'arrĂȘte et contourne.
â
â
Marguerite Duras (L'Amant)
â
Je peux me permettre d'Ă©crire les vĂ©ritĂ©s les plus risquĂ©es, on n'y verra jamais que des mĂ©taphores. Ăa n'a rien d'Ă©tonnant: le pseudo-lecteur, bardĂ© dans son scaphandrier, passe en toute impermĂ©abilitĂ© Ă travers mes phrases les plus sanglantes. De temps en temps, il s'exclame, ravi: "Quel joli symbole!" C'est ce qu'on appelle la lecture propre. Une invention merveilleuse, trĂšs agrĂ©able Ă pratiquer au lit avant de s'endormir; ça calme et ça ne salit mĂȘme pas les draps.
â
â
Amélie Nothomb (HygiÚne de l'assassin)
â
La lumiĂšre marche, chez toi ? Non. Ă quoi passes-tu ton temps, dans le noir ? J'Ă©coute de la musique et je fume. Tu as un appareil qui marche sans courant ? Jâai un casettophone Ă piles. C'est ça que j'entends ? Oui. Tu peux mettre plus fort ? Smetana ? Non, Liszt.
(p. 141)
â
â
Bujor Nedelcovici (Al doilea mesager)
â
La rive bleue
Dans la chambre parmi les journaux venus de régions lointaines
doux animal homme merveilleux tu t'aimes assis sur le bord
du lit les mains sur les genoux
ou encore libéré de naßtre et de mourir tu caresses ta joue de pierre ponce
jusqu'à ce que le soleil passe de l'autre cÎté
prĂšs de la radieuse photo du gosse qui fait pipi sur une rive bleue
Alors tout revient tout se regroupe
comme en un brouillard de feu oĂč se refont les choses
parmi les obscures plantations du hasard Tandis que tout prĂšs de lĂ
une femme Ă©tend avec soin les vĂȘtements de son amant noyĂ© et leur parle
celle-lĂ mĂȘme qui te cherche dans les ossements noirs des vanesses
Et pendant que tu erres dans les brumes d'une forte virilité
prÚs des avirons oubliés sur la taupiniÚre fraßche
ou que tu regardes osciller les deux pieux fichés dans la berge
ou qu'allongé sur le sol tu sens le vent couvrir ton visage
de chardons venu on ne sait d'oĂč
une grande tristesse ramÚne le paysage lunaire de ses épaules lasses
il n'y a plus de mots ses murmures se posent partout remplissent
le silence déchiré par le cri du train
ils sont l'eau qui demeure dans l'empreinte des pas depuis la derniĂšre averse
mais il suffit d'un bruit de clé dans la serrure pour te faire entendre
le temps couler sans hĂąte le long de tes chaussettes humides
ou la pesante respiration des racines
et tu recommences Ă rĂȘver Ă la rive bleue du bout du fleuve
sur laquelle nous ruminons notre délaissement féerique
(p. 17 et 19)
â
â
Gellu Naum (Partea cealaltÄ)
â
[Explication du contexte : condamné aux travaux forcés dans les mines de plomb de Baia-Sprie, Victor Petrini, le protagoniste, se retrouve face à face avec un tortionnaire qui le hait pour la simple raison qu'il est un intellectuel.]
Je me rĂ©veillai avec la sensation qu'une bĂȘte avait ouvert la porte et me regardait. La cour Ă©tait silencieuse et le calvaire du « couchĂ© ! debout ! » avait pris fin ; combien de temps avais-je dormi ? Quelques minutes ou quelques heures ? Je me levai, et c'est alors que je distinguai dans l'obscuritĂ© le visage du gardien qui m'avait mis au cachot. La voix avec laquelle il s'adressa Ă moi me sembla caressante : « Comment ça va, 1003 ? Eh, c'est bien au cachot ? » « C'est pas bien », rĂ©pondis-je avec l'espoir entrevu dans le ton de sa voix, qu'il Ă©tait venu me libĂ©rer, pour que je retourne au dortoir. Il leva alors un objet, noir, jusqu'alors tenu cachĂ© derriĂšre son dos, et l'approcha doucement de ma tempe. C'Ă©tait un tisonnier. « Tiens, regarde, 1003 ! », dit-il, avec la mĂȘme voix douce et l'air enjouĂ© de quelqu'un qui tend un cadeau Ă un ĂȘtre cher : « C'est justement lĂ que je devrais te frapper. » Et il me tapota plusieurs fois sur la tempe, mais doucement, avec dĂ©licatesse pour ne pas me faire mal. « Ici, c'est ici que je devrais te frapper », rĂ©pĂ©ta-t-il en me tapotant de nouveau sur la tempe. AprĂšs quoi il referma la porte, tira le verrou, et j'entendis ses pas s'Ă©loigner.
[⊠quelques pages plus loin]
Il aurait mieux valu que François-Joseph en personne soit tombé dans le gouffre plutÎt que d'avoir été conduit par le diable pour surveiller cet endroit maudit. « Hé ! Que se passe-t-il là -bas ? » Ce n'est qu'au soir que l'on apprit qu'un gardien était tombé parmi les wagonnets⊠Il est mort ? Silence. On ne nous a pas dit qu'il n'en était pas mort.
(traduit du roumain par Valérie Juino)
â
â
Marin Preda (Cel mai iubit dintre pÄmĂąnteni)
â
CâĂ©tait leur secret. Kai comptait plus que quiconque pour Ren. Bien plus que PhĆnix ou quâIndigo. Personne nâoublie jamais son premier amour, peu importe le temps qui passe et non-dits.
â
â
Myosotis (Vengeance and Legends (Sex, Secrets & Spells #4))
â
Ce genre dâimages me traversaient souvent lâesprit, interrompant mes ruminations du moment. Elles me rappelaient combien le temps passe, et mâinspiraient parfois une sorte de nostalgie â le dĂ©sir de revenir en arriĂšre et de tout recommencer.
â
â
Barack Obama (A Promised Land)
â
Le désastre commence au stade du faire-part de naissance :
ce n'est plus Ăvelyne et Jacques qui font part de la venue au monde d'Antoine,
mais Antoine qui fait savoir qu'il est arrivĂ© chez Ăvelyne et Jacques. Le
parent émerveillé fait circuler sur Internet des photos de famille miÚvres,
montre à qui veut (et qui ne veut pas) des films vidéo de son enfant prenant le
bain ou déballant des cadeaux de Noël. Il circule avec un badge « bébé à bord »
sur la lunette arriĂšre de son auto : une sorte d'image pieuse des temps modernes,
aussi utile qu'un gri-gri magique pour conjurer le mauvais sort. Il prend au
mot toute personne qui lui demande poliment « Comment va le petit ? », comme on
dirait « bonjour », sans attendre forcément de réponse. Car le parent gaga se
sent obligé de tenir la terre entiÚre au courant des progrÚs fulgurants de sa
progéniture (« Oscar va sur le pot », « Alice fait ses nuits », « Noé a dessiné
un bonhomme de neige incroyablement ressemblant », « Hier, Ulysse a dit Papa
caca », « Malo passe en CM2 »).
â
â
Corinne Maier (No Kid: Quarante raisons de ne pas avoir d'enfant)
â
Chacun doit affronter seul la vieillesse. Il paraĂźt qu'on garde toujours une part de l'autre au fond de soi, mais plus le temps passe, plus j'ai l'impression du contraire. Nous sommes seuls. Nous venons seuls au monde et nous le quittons seuls, mĂȘme si nous vivons entourĂ©s d'amour, de dĂ©votion et de bienveillance. Le temps venu, dans les moments dĂ©cisifs oĂč nos chemins se sĂ©parent, nous sommes isolĂ©s, comme des insectes piĂ©gĂ©s dans le sable.
â
â
Maria Ernestam (Busters öron)
â
Le poĂšte, on le sait, mĂȘle le manque et lâexcĂšs, le but et le passĂ©. DâoĂč lâinsolvabilitĂ© de son poĂšme. Il est dans la malĂ©diction, câest-Ă -dire quâil assume de perpĂ©tuels et renaissants pĂ©rils, autant quâil refuse, les yeux ouverts, ce que dâautres acceptent, les yeux fermĂ©s: le profit dâĂȘtre poĂšte. Il ne saurait exister de poĂšme sans apprĂ©hension pas plus quâil nâexiste de poĂšmes sans provocation. Le poĂšte passe par tous les degrĂ©s solitaires dâune gloire collective dont il est, de bonne guerre, exclu. Câest la condition pour sentir et dire juste. Quand il parvient gĂ©nialement Ă l'incandescence et Ă l'inalterĂ© (...), il obtient le rĂ©sultat que l'on connaĂźt. Il ajoute de la noblesse Ă son cas lorsqu'il est hĂ©sitant dans son diagnostic et le traitement des maux de l'homme de son temps, lorsqu'il formule des rĂ©serves sur la meilleure façon d'appliquer la connaissance et la justice dans le labyrinthe du politique et du social. Il doit accepter le risque que sa luciditĂ© soit jugĂ©e dangereuse. Le poĂšte est la partie de l'homme rĂ©fractaire aux projects calculĂ©s. Il peut ĂȘtre appelĂ© Ă payer n'importe quel prix ce privilĂšge ou ce boulet. Il doit savoir que le mal vient toujours de plus loin qu'on ne croit, et ne meurt pas forcĂ©ment sur la barricade qu'on lui a choisie.
â
â
René Char (Fureur et MystÚre)
â
sitĂŽt /sito/ I. adv - SitĂŽt conjonction et prĂ©position se traduit le plus souvent par as soon as. Mais attention au choix du temps: sitĂŽt rentrĂ© de voyage (qu'il rentrera) = as soon as he gets back from his trip; (qu'il est rentrĂ©) = as soon as he got back from his trip; sitĂŽt la fin du mauvais temps (dans le passĂ©) = as soon as the bad weather had passed(dans l'avenir) = as soon as the bad weather has passed.I âą ~ aprĂšs (tout de suite) immediately after; (peu de temps) soon after âą elle est arrivĂ©e ~ aprĂšs | she arrived soon afterwards âą nous partirons ~ aprĂšs | we'll leave immediately afterwards âą je n'y retournerai pas de ~ | I won't go back there in a hurry (familier) II. conj, prĂ©p - SitĂŽt conjonction et prĂ©position se traduit le plus souvent par as soon as. Mais attention au choix du temps: sitĂŽt rentrĂ© de voyage (qu'il rentrera) = as soon as he gets back from his trip; (qu'il est rentrĂ©) = as soon as he got back from his trip; sitĂŽt la fin du mauvais temps (dans le passĂ©) = as soon as the bad weather had passed(dans l'avenir) = as soon as the bad weather has passed.II âą ~ que | as soon as âą ~ qu'ils arriveront, ~ leur arrivĂ©e | as soon as they come III. Idiome âą sitĂŽt dit, sitĂŽt faitâ | no sooner said than done
â
â
Synapse Développement (Oxford Hachette French - English Dictionary (French Edition))
â
Dans les livres il y a des chapitres pour bien sĂ©parer les moments, pour montrer que le temps passe ou que la situation Ă©volue, et mĂȘme parfois des parties avec des titres chargĂ©s de promesses, La rencontre, Lâespoir, La chute, comme des tableaux. Mais dans la vie il nây a rien, pas de titre, pas de pancarte, pas de panneau, rien qui indique attention danger, Ă©boulements frĂ©quents
â
â
Delphine de Vigan (No et moi)
â
«Imagine que ce rĂ©cipient soit ta vie. Et que les trois cailloux symbolisent les choses les plus importantes pour toi: ce dont tu ne pourrais te passer pour ĂȘtre heureuse. ConsidĂšre les graviers comme les prioritĂ©s secondaires, celles qui arrivent juste aprĂšs lâindispensable.» Je le fixai sans comprendre ce quâil essayait de me dire.
«Enfin, imagine que le sable corresponde Ă tout le reste: les bonheurs futiles, ceux qui te font du bien, mais qui ne sont quâun complĂ©ment de âlâessentielâ puis de âlâimportantâ.
â Bon, oĂč veux-tu en venir?
â Si jâavais rempli le pot de sable, il nây aurait plus de place pour les graviers ou les cailloux. Câest pareil pour ta vie: si tu consacres ton temps et ton Ă©nergie aux Ă©lĂ©ments secondaires, tu nâas plus dâespace pour lâessentiel, tu passes Ă cĂŽtĂ© de ton chemin. Tu cours aprĂšs le superficiel en te demandant pourquoi tu nâes pas heureuse.»
Jâapplaudis en souriant. Belle dĂ©monstration!
«Maintenant, Ă toi de dĂ©finir tes prioritĂ©s. Ă quoi correspondent les cailloux de ta vie, quelles sont pour toi les choses essentielles? Câest-Ă -dire ce que tu ne sacrifierais pas. Ou ce que tu voudrais le plus au monde.
â Je ne sais pas⊠Euh, lĂ tout de suite, je suis fatiguĂ©e.
â RĂ©flĂ©chis!», ordonna-t-il avec fermetĂ©.
â
â
Maud Ankaoua (KilomÚtre zéro)
â
She realized then that time passes, but the imagination remains, even if it does not seem to exist. (Elle comprit alors que le temps passe, mais l'imagination reste, mĂȘme si cela semble ne pas exister)
â
â
Charles de Leusse (Les Contes de la nuit)
â
Le temps passe, mais jamais assez vite. On dit qu'il guérit tout : putain de mensonge.
â
â
Nine Gorman (Le Pacte d'Emma (Le Pacte d'Emma #1))
â
Dans 1984, le systÚme est déjà bien mis en place, la dictature absolue fonctionne sans accrocs et pénÚtre jusque dans l'esprit des individus, le chef est devenu une entité abstraite et lointaine qui n'est plus présente que par ses icÎnes, la dictature s'exerce par le biais d'une police omniprésente qui passe son temps à récrire l'histoire et à traquer les moindres miettes de pensée libre.
â
â
George Orwell
â
On ne change que bien peu dans sa vie. On passe le clair de notre temps à lever les voiles des illusions qui nous cachent notre réalité profonde.
â
â
Arnaud Segla (Le Cri de la Calebasse: III. Oasis Ă lâorient (French Edition))
â
Moi Malaka, venu de si loin pour vous porter ma mĂšre, je dois raconter maintenant le temps qui passe, inutile. Les heures de dĂ©sĆuvrement et d'errance.
â
â
Laurent Gaudé (Salina: Les trois exils)
â
Il y a dans tout dĂ©but une surprise et une attente qui seront peut-ĂȘtre déçues mais qui donnent au temps qui passe sa couleur et sa vigueur.
â
â
Jean d'Ormesson (C'est une chose étrange à la fin que le monde)
â
Un exemple de symbolisme, Ă premiĂšre vue arbitraire et excessif mais en fin de compte plausible, est le hadĂźth qui voue les peintres et les sculpteurs au fond de lâenfer. On objectera Ă©videmment que les arts plastiques sont naturels Ă lâhomme, quâils existent partout et quâils peuvent avoir une fonction sacrale, â câest lĂ mĂȘme leur raison dâĂȘtre la plus profonde, â ce qui est vrai, mais passe Ă cĂŽtĂ© de lâintention essentielle du hadĂźth. Câest-Ă -dire que le sens littĂ©ral de la sentence, par sa violence mĂȘme, reprĂ©sente une « guerre prĂ©ventive » contre lâabus ultime de lâintelligence humaine, Ă savoir le naturalisme sous toutes ses formes : naturalisme artistique dâune part et naturalisme philosophique et scientiste dâautre part ; donc imitation exacte, extĂ©riorisante et « accidentalisante » des apparences, et recours Ă la seule logique, Ă la seule raison, coupĂ©e de ses racines. Lâhomme est homo sapiens et homo faber : il est un penseur et par lĂ mĂȘme aussi un producteur, un artisan, un artiste ; or, il est une phase finale de ces dĂ©veloppements qui lui est interdite, â elle est prĂ©figurĂ©e par le fruit dĂ©fendu du Paradis, â une phase donc quâil ne doit jamais atteindre, de mĂȘme que lâhomme peut se faire roi ou empereur mais non pas Dieu ; en anathĂ©matisant les crĂ©ateurs dâimages, le ProphĂšte entend prĂ©venir la subversion finale. Selon la conception musulmane, il nây a quâun seul pĂ©chĂ© qui mĂšne au fond de lâenfer, â câest-Ă -dire qui ne sera jamais pardonnĂ© , â et câest le fait dâassocier dâautres divinitĂ©s au Dieu unique ; si lâIslam place les dits crĂ©ateurs dans la gĂ©henne, câest quâil semble assimiler fort paradoxalement les arts plastiques Ă ce mĂȘme pĂ©chĂ© gravissime, et cette disproportion prouve prĂ©cisĂ©ment quâil a en vu, non les arts dans leur Ă©tat normal, â bien quâil les interdise assurĂ©ment, â mais la raison pour laquelle il les interdit ; Ă savoir la subversion naturaliste dont les arts plastiques sont, pour la sensibilitĂ© sĂ©mitique, les symboles et les prĂ©figurations (1).
Cet exemple, auquel nous nous sommes arrĂȘtĂ© un peu longuement, peut montrer comment les formulations excessives peuvent vĂ©hiculer des intentions dâautant plus profondes, ce qui nous ramĂšne une fois de plus au principe credo quia absurdum [je le crois parce que c'est absurde].
(1) En condamnant les images, lâIslam â bienheureusement « stĂ©rile » â refuse en mĂȘme temps le « culturisme » qui est la plaie de lâOccident, Ă savoir les torrents de crĂ©ations artistiques et littĂ©raires, qui gonflent les Ăąmes et distraient de la « seule chose nĂ©cessaire ».
â
â
Frithjof Schuon (Approches du phénomÚne religieux)
â
j'attends que le temps me presse mais rien n'y fait, la lame des heures comme un couteau sous la gorge me passe par-dessus la tĂȘte et m'emballe sous vide dans un scaphandre Ă©triquĂ© et sans ampleur
â
â
Salomé Assor (Un)
â
Le jour passait ainsi, tant bien que mal, Ă manger beaucoup et boire de mĂȘme ; grand soleil fort ; bagnole pour nous trimbaler ; cigare de temps Ă autre ; petit somme sur la plage ; revue de dĂ©tail des connasses qui passaient ; bavardages en tous genres ; un peu de rigolade ; quelques chansons aussi â une journĂ©e comme tant et tant dâautres passĂ©es en compagnie de MacGregor. En de pareils jours, jâavais lâimpression que la roue cessait de tourner. En surface ce nâĂ©tait que gaietĂ© et bon temps ; les heures passaient comme un rĂȘve gluant. Mais sous la surface câĂ©tait la fatalitĂ©, le domaine des prĂ©monitions qui me laissaient le lendemain dans un Ă©tat dâinquiĂ©tude morbide. Je savais parfaitement quâil me faudrait rompre un jour, parfaitement que je passais le temps comme on passe une envie de pisser. Mais je savais aussi que je nây pouvais absolument rien â pour le moment. Jâattendais un Ă©vĂ©nement, Ă©norme, qui me ferait perdre lâĂ©quilibre. Tout ce dont jâavais besoin, câĂ©tait dâĂȘtre bousculé ; mais il nây avait quâune force extĂ©rieure au monde oĂč je vivais qui pĂ»t me donner le choc nĂ©cessaire. De cela jâĂ©tais sĂ»r. Je ne pouvais me ronger le cĆur : câeĂ»t Ă©tĂ© aller contre ma nature. Ma vie durant, tout avait toujours tournĂ© au mieux â Ă la fin. Il nâĂ©tait pas Ă©crit dans les cartes que je dusse mâĂ©puiser en effort. Il fallait faire la part de la Providence â part entiĂšre, dans mon cas. Jâavais contre moi toutes les apparences : jâĂ©tais guignard, eĂ»t-on dit, je ne savais pas mener ma barque ; mais rien ne pouvait mâĂŽter de la tĂȘte que jâĂ©tais nĂ© coiffĂ©. Doublement coiffĂ© mĂȘme. Vue de lâextĂ©rieur, la situation nâĂ©tait pas brillante, dâaccord â mais ce qui mâinquiĂ©tait plus encore, câĂ©tait la situation intĂ©rieure. Tout en moi mâeffrayait : mes appĂ©tits, ma curiositĂ©, ma souplesse, ma permĂ©abilitĂ©, ma mallĂ©abilitĂ©, mon naturel, mon pouvoir dâadaptation. En soi, aucune situation ne me faisait peur : je ne pouvais me voir autrement que prenant toutes mes aises, comme une fleur, ou mieux comme lâabeille sur la fleur, en train de butiner. MĂȘme si je mâĂ©tais retrouvĂ© en taule un beau matin, je suis sĂ»r que jây aurais pris un certain plaisir. La raison, jâimagine, en Ă©tait que je savais opposer la force dâinertie. Dâautres sâusaient Ă tirer sur la corde, Ă se dĂ©mener, Ă se tendre Ă craquer ; ma stratĂ©gie Ă©tait de flotter au grĂ© de la marĂ©e. Je me souciais beaucoup moins de ce quâon pouvait me faire que du mal que se faisaient les autres Ă eux-mĂȘmes ou entre eux. Je me sentais si bien, en dedans de moi, que je ne pouvais faire autrement que de prendre Ă charge et Ă cĆur le monde entier et ses problĂšmes. C'est pourquoi jâĂ©tais tout le temps dans la mouise. Il nây avait entre ma destinĂ©e et moi aucun synchronisme, pour ainsi dire.
â
â
Henry Miller (Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer)
â
Pourquoi diable me soucierais-je du prix des choses ? Ma raison dâĂȘtre est de vivre, non de calculer. Et câest prĂ©cisĂ©ment ce que cette bande de vaches ne veut pas que lâon fasse â vivre ! Ce quâils veulent câest que lâon passe sa vie Ă aligner des chiffres. Ils comprennent ça, les chiffres. Ăa vous a un air raisonnable, intelligent. Si câĂ©tait moi qui tenais la barre du gouvernail, peut-ĂȘtre lâordre ne rĂ©gnerait-il pas, mais bon Dieu la vie serait plus drĂŽle ! On ne passerait pas le temps Ă chier dans sa culotte Ă propos de choses qui nâen valent pas la peine. Peut-ĂȘtre nây aurait-il pas de macadam dans les rues, ni de voitures aĂ©rodynamiques, ni de haut-parleurs, ni de trucs ni de machins de mille millions de sortes ; peut-ĂȘtre mĂȘme nây aurait-il pas de vitres aux fenĂȘtres, peut-ĂȘtre devrait-on dormir Ă mĂȘme le sol ; peut-ĂȘtre nây aurait-il pas de cuisine Ă la française, Ă lâitalienne, Ă la chinoise ; peut-ĂȘtre les gens sâentretueraient-ils quand ils seraient Ă bout de patience, et peut-ĂȘtre personne ne les en empĂȘcherait-il parce quâil nây aurait pas plus de taule que de flics ni de juges, et quâil nây aurait certainement pas de ministres ni de gouvernement, ni de question dâobĂ©ir ou de dĂ©sobĂ©ir Ă leurs saloperies de lois ;
â
â
Henry Miller (Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer)
â
Pourquoi diable me soucierais-je du prix des choses ? Ma raison dâĂȘtre est de vivre, non de calculer. Et câest prĂ©cisĂ©ment ce que cette bande de vaches ne veut pas que lâon fasse â vivre ! Ce quâils veulent câest que lâon passe sa vie Ă aligner des chiffres. Ils comprennent ça, les chiffres. Ăa vous a un air raisonnable, intelligent. Si câĂ©tait moi qui tenais la barre du gouvernail, peut-ĂȘtre lâordre ne rĂ©gnerait-il pas, mais bon Dieu la vie serait plus drĂŽle ! On ne passerait pas le temps Ă chier dans sa culotte Ă propos de choses qui nâen valent pas la peine. Peut-ĂȘtre nây aurait-il pas de macadam dans les rues, ni de voitures aĂ©rodynamiques, ni de haut-parleurs, ni de trucs ni de machins de mille millions de sortes ; peut-ĂȘtre mĂȘme nây aurait-il pas de vitres aux fenĂȘtres, peut-ĂȘtre devrait-on dormir Ă mĂȘme le sol ; peut-ĂȘtre nây aurait-il pas de cuisine Ă la française, Ă lâitalienne, Ă la chinoise ; peut-ĂȘtre les gens sâentretueraient-ils quand ils seraient Ă bout de patience, et peut-ĂȘtre personne ne les en empĂȘcherait-il parce quâil nây aurait pas plus de taule que de flics ni de juges, et quâil nây aurait certainement pas de ministres ni de gouvernement, ni de question dâobĂ©ir ou de dĂ©sobĂ©ir Ă leurs saloperies de lois ; peut-ĂȘtre faudrait-il des mois et des annĂ©es pour cheminer dâun lieu Ă lâautre, mais on nâaurait besoin ni de visa ni de passeport ni de carte dâidentitĂ©, parce quâon nâaurait besoin de figurer sur aucun registre, quâon ne porterait pas de numĂ©ro et que si lâon avait envie de changer de nom toutes les semaines, qui lâempĂȘcherait ? Ăa ne ferait pas la moindre diffĂ©rence vu quâon ne possĂ©derait rien que ce que lâon pourrait emporter avec soi, et pourquoi diable aurait-on alors envie de possĂ©der quoi que ce soit puisquâil ne serait plus question de rien possĂ©der ?
â
â
Henry Miller (Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer)