â
Elle est retrouvée!
Quoi? -l'ĂternitĂ©.
C'est la mer allée
Avec le soleil.
â
â
Arthur Rimbaud (Une saison en enfer suivi de Illuminations et autres textes (1873-1875))
â
Tu sais⊠quand on est tellement triste on aime les couchers de soleilâŠ
-Le jour des quarante-trois fois tu étais donc tellement triste? Mais le petit prince ne répontit pas.
â
â
Antoine de Saint-Exupéry (The Little Prince)
â
Un jour, j'ai vu le soleil se coucher quarante-trois fois!»
Et un peu plus tard tu ajoutais:
«Tu sais... quand on est tellement triste on aime les couchers de soleil...
- Le jour des quarante-trois fois tu étais donc tellement triste?
Mais le petit prince ne répondit pas.
â
â
Antoine de Saint-Exupéry (Le Petit Prince)
â
Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage, Traversé çà et là par de brillants de soleils; Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage, Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.
â
â
Charles Baudelaire (Les Fleurs du Mal)
â
La vérité est comme le soleil, elle fait tout voir et ne se laisse pas regarder.
â
â
Victor Hugo
â
Le soleil mentait, quand il se couchait si doux et si calme, au milieu de la grande sérénité du soir.
â
â
Ămile Zola (La Mort d'Olivier BĂ©caille et autres nouvelles)
â
Si nous pleurons parce que le soleil n'est plus lĂ , nos larmes nous empĂȘcheront de voir les Ă©toiles
â
â
Mélissa Da Costa (Tout le bleu du ciel)
â
Elle est retrouvĂ©e Quoi ? â LâEternitĂ©. Câest la mer allĂ©e Avec le soleil.
â
â
Arthur Rimbaud
â
- [...] On ne doit pas douter de la beautĂ© des choses, mĂȘme sous un ciel tortionnaire. Si tu n'es pas Ă©tonnĂ© par le chant du coq ou par la lumiĂšre au-dessus des crĂȘtes, si tu ne crois pas en la bontĂ© de ton Ăąme, alors tu ne te bats plus, et c'est comme si tu Ă©tais dĂ©jĂ mort.
- Demain, le soleil se lÚvera et on essaiera encore, a dit Prothé pour conclure.
â
â
Gaël Faye (Petit pays)
â
The water shines only by the sun. And it is you who are my sun. (L'eau ne brille que par le soleil. - Et câest toi qui es mon soleil.)
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â
Charles de Leusse
â
[J]e t'ai dressĂ©e Ă te soumettre, de mĂȘme qu'une fleur subit le soleil et la pluie.
â
â
Pearl S. Buck
â
Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphÚres étoilées
â
â
Charles Baudelaire (Les Fleurs du Mal)
â
Donc, il faudra que je meure et flotte comme écume sur la mer et n'entende jamais plus la musique des vagues, ne voit plus les fleurs ravissantes et le rouge soleil. Ne puis-je rien faire pour gagner une vie éternelle?
â
â
Hans Christian Andersen
â
Mais la nature est lĂ qui t'invite et qui t'aime ;
Plonge-toi dans son sein qu'elle t'ouvre toujours
Quand tout change pour toi, la nature est la mĂȘme,
Et le mĂȘme soleil se lĂšve sur tes jours.
â
â
Alphonse de Lamartine (Ćuvres PoĂ©tiques ComplĂštes)
â
J'exige un vrai bonheur, un vrai amour, une vraie contrĂ©e oĂč le soleil alterne avec la lune, oĂč les saisons se dĂ©roulent en ordre, oĂč de vrais arbres portent de vrais fruits, oĂč de vrais poissons habitent les riviĂšres, et de vrais oiseaux le ciel, oĂč la vrai neige dĂ©couvre de vraies fleurs, oĂč tout sort est vrai, vrai, vĂ©ritable. Jâen ai assez de cette lumiĂšre morne, de ces campagnes stĂ©riles, sans jour, sans nuit, oĂč ne survivent que les bĂȘtes fĂ©roces et rapaces, oĂč les lois de la nature ne fonctionnent pas.
â
â
Jean Cocteau
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J'ai connu et je connais encore, dans ma vie, des bonheurs inouĂŻs. Depuis mon enfance, par exemple, j'ai toujours aimĂ© les concombres salĂ©s, pas les cornichons, mais les concombres, les vrais, les seuls et uniques, ceux qu'on appelle concombres Ă la russe. J'en ai toujours trouvĂ© partout. Souvent, je m'en achĂšte une livre, je m'installe quelque part au soleil, au bord de la mer, ou n'importe oĂč, sur un trottoir ou sur un banc, je mords dans mon concombre et me voilĂ complĂštement heureux. Je reste lĂ , au soleil, le cĆur apaisĂ©, en regardant les choses et les hommes d'un Ćil amical et je sais que la vie vaut vraiment la peine d'ĂȘtre vĂ©cue, que le bonheur est accessible, qu'il suffit simplement de trouver sa vocation profonde, et de se donner Ă ce qu'on aime avec un abandon total de soi.
â
â
Romain Gary (Promise at Dawn)
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Le coucher de soleil, le printemps, le bleu de la mer, les Ă©toiles de la nuit, toutes ces choses que nous disons captivantes nâont de magie que lorsquâelles gravitent autour dâune femme, mon garçon⊠Car la BeautĂ©, la vraie, lâ unique, la beautĂ© phare, la beautĂ© absolue, c âest la femme. Le reste, tout le reste n âest qu âaccessoires de charme.
â
â
Yasmina Khadra
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Le ciel est bleu, le soleil brille et Aspen aime America. Ainsi va le monde.
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â
Kiera Cass (The Elite (The Selection, #2))
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And what are we to think, I asked,"of the article in Le Soleil?"
"That it is a vast pity its inditer was not born a parrot--in which case he would have been the most illustrious parrot of his race.
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Edgar Allan Poe (The Mystery of Marie RogĂȘt (C. Auguste Dupin, #2))
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Ce fut le temps d'un battement de paupiÚre et elle me regarda sans me voir, et ce fut la gloire et le printemps et le soleil et la mer tiÚde et sa transparence prÚs du rivage et ma jeunesse revenue, et le monde était né.
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Albert Cohen (Belle du Seigneur)
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Je traverse des chaos de banquise. La neige a déposé une crÚme blanche au-dessus des tranches bleues. Je marche dans le gùteau d'un dieu boréal. Parfois le soleil illumine la pointe des glaçons: des étoiles s'allument en plein jour.
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â
Sylvain Tesson (Dans les forĂȘts de SibĂ©rie)
â
L'anémone et l'ancolie
Ont poussé dans le jardin
OĂč dort la mĂ©lancolie
Entre l'amour et le dédain
Il y vient aussi nos ombres
Que la nuit dissipera
Le soleil qui les rend sombres
Avec elles disparaĂźtra
Les déités des eaux vives
Laissent couler leurs cheveux
Passe il faut que tu poursuives
Cette belle ombre que tu veux
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â
Guillaume Apollinaire (Alcools)
â
Le temps a deux visages, deux dimensions, la longueur est au rythme du soleil, l'épaisseur au rythme des passions.
â
â
Amin Maalouf (Samarkand)
â
Et je riais et criais
Ă faire fondre le soleil
Mais je pleurais Ă faire rire
De mon chagrin la terre entiĂšre
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Paul Ăluard (L'enfant qui ne voulait pas grandir)
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Entre le soleil et la terre
J'ai croise ton regard
Traverse l'archipel nocturne
Vers l'immobile futur
La porte est grande ouverte
Aux enfants de l'éternité
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Giacinto Scelsi
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Souvent, en regardant le soleil, je me suis dit « Pourquoi viens-tu chaque jour éclairer tant de souffrances, découvrir tant de douleurs, présider à tant de sottes misÚres ? »
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Gustave Flaubert (La derniÚre heure : Conte philosophique inachevé)
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Le tumultueux torrent qui descend des montagnes va se perdre dans les ravins, mais la plus modeste goutte de rosée est aspirée par le soleil qui l'élÚve jusqu'aux étoiles.
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Saadi (ŰšÙŰłŰȘŰ§Ù ŰłŰčŰŻÛ)
â
Le soleil du matin me chauffait les cheveux, déplissait sur ma peau les marques du drap.
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Françoise Sagan (Bonjour tristesse)
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Il est le soleil qui ne se couche jamais sur l'empire de la passivité moderne. Il recouvre toute la surface du monde et baigne indéfiniment dans sa propre gloire.
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Guy Debord
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DerriÚre eux, la mer joua quelques minutes avec le soleil comme avec un ballon. Enfin, d'une chiquenaude, elle le fit basculer dans l'hémisphÚre sud.
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Malika Ferdjoukh (Bettina (Quatre Soeurs, #3))
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Il y a des journĂ©es illuminĂ©es de petites choses, des riens du tout qui vous rendent incroyablement heureux ; un aprĂšs-midi Ă chiner, un jouet qui surgit de lâenfance sur lâĂ©tal dâun brocanteur, une main qui sâattache Ă la votre, un appel que lâon attendait pas, une parole douce, vote enfant qui vous prend dans ses bras sans rien vous demander dâautre quâun moment dâamour. Il y a des journĂ©es illuminĂ©es de petits moments de grĂące, une odeur qui vous met lâĂąme en joie, un rayon de soleil qui entre par la fenĂȘtre, le bruit de lâaverse alors quâon est encore au lit, les trottoirs enneigĂ©s ou lâarrivĂ©e du printemps et ses premiers bourgeons.
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â
Marc Levy (Le premier jour)
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La terre est bleue
La terre est bleue comme une orange
Jamais une erreur les mots ne mentent pas
Ils ne vous donnent plus Ă chanter
Au tour des baisers de sâentendre
Les fous et les amours
Elle sa bouche dâalliance
Tous les secrets tous les sourires
Et quels vĂȘtements dâindulgence
Ă la croire toute nue.
Les guĂȘpes fleurissent vert
Lâaube se passe autour du cou
Un collier de fenĂȘtres
Des ailes couvrent les feuilles
Tu as toutes les joies solaires
Tout le soleil sur la terre
Sur les chemins de ta beauté.
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â
Paul Ăluard (Love, Poetry (Translation))
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La joie pour les cĆurs qui ont longtemps souffert est pareille Ă la rosĂ©e pour la terre dessĂ©chĂ©e par le soleil: cĆur et terre absorbent cette pluie bienfaisante qui tombe sur eux, et rien n'en apparaĂźt au dehors.
â
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Alexandre Dumas (The Count of Monte Cristo)
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Oh! je voudrais tant que tu te souviennes
Des jours heureux oĂč nous Ă©tions amis
En ce temps-là la vie était plus belle
Et le soleil plus brûlant qu'aujourd'hui.
Les feuilles mortes se ramassent Ă la pelle
Tu vois, je n'ai pas oublié
Les feuilles mortes se ramassent Ă la pelle
Les souvenirs et les regrets aussi.
Et le vent du Nord les emporte,
Dans la nuit froide de l'oubli.
Tu vois je n'ai pas oublié,
La chanson que tu me chantais...
Les feuilles mortes se ramassent Ă la pelle
Les souvenirs et les regrets aussi,
Mais mon amour silencieux et fidĂšle
Sourit toujours et remercie la vie.
Je t'aimais tant, tu étais si jolie,
Comment veux-tu que je t'oublie?
En ce temps-là la vie était plus belle
Et le soleil plus brûlant qu'aujourd'hui.
Tu étais ma plus douce amie
Mais je n'ai que faire des regrets.
Et la chanson que tu chantais,
Toujours, toujours je l'entendrai.
C'est une chanson qui nous ressemble,
Toi tu m'aimais, moi je t'aimais
Et nous vivions, tous deux ensemble,
Toi qui m'aimais, moi qui t'aimais.
Mais la vie sépare ceux qui s'aiment,
Tout doucement, sans faire de bruit
Et la mer efface sur le sable
Les pas des amants désunis.
C'est une chanson qui nous ressemble,
Toi tu m'aimais et je t'aimais
Et nous vivions tous deux ensemble,
Toi qui m'aimais, moi qui t'aimais.
Mais la vie sépare ceux qui s'aiment,
Tout doucement, sans faire de bruit
Et la mer efface sur le sable
Les pas des amants désunis.
â
â
Jacques Prévert
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les livres ne racontent rien. Rien que tu puisse croire ou enseigner aux autre. Si ce sont des romans, ils parlent d'ĂȘtres qui n'existent pas, de produits de l'imagination. Dans le cas contraire, c'est encore pire. Chaque professeur traite l'autre d'idiot. Chaque philosophe essaie de brailler plus fort que son adversaire. Ils galopent tous dans tous les sens, obscurcissant les Ă©toiles, Ă©teignant le soleil. On en sort complĂštement perdu.
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Ray Bradbury (Fahrenheit 451)
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On offre des fleurs parce que dans les fleurs se trouve le sens de l'Amour. Celui qui tente de posséder une fleur verra sa beauté se flétrir. Mais celui qui regarde simplement une fleur dans un champ la gardera pour toujours. Parce qu'elle va avec l'aprÚs-midi, le coucher du soleil, l'odeur de terre mouillée et les nuages sur l'horizon.
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Paulo Coelho (Brida)
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Quelle flamme pourrait Ă©galer le rayon de soleil dâun jour dâhiver ?
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Henry David Thoreau
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Plus sombre est le chaos, plus belle sera l'étoile
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Nine Gorman (Le Jour oĂč le soleil ne s'est plus levĂ© (La Nuit oĂč les Ă©toiles se sont Ă©teintes, #2))
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Temperee, riante, (comme le sont celles d'automne dans la tres gracieuse ville de Buenos Aires) resplendissait la matinee de ce 28 avril: dix heures venait de sonner aux horloges et, a cet instant, eveillee, gesticulant sous le soleil matinal, la Grande Capitale du Sud etait un epi d'hommes qui se disputaient a grands cris la possession du jour et de la terre.
â
â
Leopoldo Marechal (AdĂĄn Buenosayres)
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Life everywhere is life, life is in ourselves and not in the external. There will be people near me, and to be a human being among human beings, and remain one forever, no matter what misfortunes befall, not to become depressed, and not to falter- this is what life is, herein lies its task. I have come to recognize this. This idea has entered into my flesh and blood. Yes, it's true! That head which created, lived b the hightes life of art, which acknowledged and had come to know the highest demands of the spirit, that head has been cut from my shoulders. Memory remains, and the images I have created and still not molded in flesh. They will leave their harsh mark on me, it is true! But my heart is left me, and the same flesh and blood which likewise can love and suffer and desire and remember, and this is, after all, life. on voit le soleil!
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Fyodor Dostoevsky
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Les grandes Ăąmes apprĂ©cient la valeur des autres. Les grands cĆurs Ă©mettent des jugements positifs. Ils illuminent et enrichissent la vie de ceux qui les entourent ; ils font jaillir des autres le meilleur, grĂące aux rayons de soleil de leur apprĂ©ciation.
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Smith Wigglesworth
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Elle se lĂšve. Elle se regarde dans un miroir et ne voit que des cercles : son visage en forme de cercle, sa tĂȘte en cercle, la Lune, la Terre et le Soleil en cercle. Elle est un cercle dans un cercle dans un cercle, et tout tourne. Elle se recouche et elle s'endort.
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Nahal Tajadod (Elle joue)
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-Si elle partage vos sentiments? Quelle différence cela fait-il? Achetez-la, quoi qu'il en soit!
HĂ©licon secoua la tĂȘte.
-On peut acheter de l'or brilliant comme le soleil, et des diamants à l'éclat lunaire. Mais on ne peut pas acheter le soleil, ni posséder la lune.
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â
David Gemmell
â
Les hiboux
Sous les ifs noirs qui les abritent,
Les hiboux se tiennent rangés,
Ainsi que des dieux étrangers,
Dardant leur oeil rouge. Ils méditent.
Sans remuer ils se tiendront
Jusqu'à l'heure mélancolique
OĂč, poussant le soleil oblique,
Les ténÚbres s'établiront.
Leur attitude au sage enseigne
Qu'il faut en ce monde qu'il craigne
Le tumulte et le mouvement,
L'homme ivre d'une ombre qui passe
Porte toujours le chĂątiment
D'avoir voulu changer de place.
â
â
Charles Baudelaire (Les Fleurs du Mal)
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On ne demande pas Ă une mouette apprivoisĂ©e pourquoi elle Ă©prouve le besoin de disparaĂźtre de temps en temps vers la pleine mer. Elle y va, câest tout, et câest aussi simple quâun rayon de soleil, aussi normal que le bleu du ciel.
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Bernard Moitessier (Longue route (ne) (La): SEUL ENTRE MERS ET CIELS)
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Tout en pensant, il marche Ă grands pas. Tout en marchant, il rĂ©flĂ©chit Ă grands traits. Il atteint Ombre blanche au moment oĂč le soleil bascule derriĂšre l'horizon, teintant les Causses d'une somptueuse lumiĂšre orangĂ©e. Un frĂ©missement dans ses bras lui fait baisser la tĂȘte. La fille a bougĂ©.
Elle ouvre les yeux.
Ăchange fugace.
Ăchange parfait.
Maximilien se noie dans le violet de son regard et en ressort grandi.
Le dernier des Caussenards a trouvé son destin.
â
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Pierre Bottero (La ForĂȘt des captifs (Les Mondes d'Ewilan, #1))
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Meurs ! tu es l'ennemi de tout ce qui aime ; affaisse-toi sur ta solitude, n'attends pas la vieillesse ; ne laisse pas d'enfant sur la terre, ne féconde pas un sang corrompu ; efface-toi comme la fumée, ne prive pas le grain de blé qui pousse d'un rayon de soleil !
â
â
Alfred de Musset (La confession d'un enfant du siĂšcle)
â
Au fond, je nâĂ©cris que pour retrouver la belle sensation du soleil luisant entre les omoplates dâun garçon Ă©tendu, ventre et visage contre le sable, dans aoĂ»t qui sâen va.
â
â
Philippe Besson (Son frĂšre)
â
Votre ardeur
Est le devoir.
Elle est retrouvée !
â Quoi ? â lâĂternitĂ©.
Câest la mer mĂȘlĂ©e
Au soleil.
â
â
Arthur Rimbaud
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Quand je suis triste, je pense Ă vous, comme l'hiver on pense au soleil, et quand je suis gai, je pense Ă vous, comme en plein soleil on pense Ă l'ombre.
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â
Victor Hugo
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Everyone can get the gold of the Sun. (Tout le monde cueille - L'or du soleil)
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Charles de Leusse
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« Demain matin, le train s'arrĂȘterait sur un quai inondĂ© de soleil. »
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P. Modiano
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LâEternitĂ© â câest la mer allĂ©e avec le soleil.
â
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Arthur Rimbaud
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Il faut un double soleil pour Ă©clairer le fond de la bĂȘtise humaine.
â
â
Jean-Paul Sartre
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Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder
fixement.
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â
François de La Rochefoucauld (Réflexions ou Sentences et Maximes Morales (French Edition))
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Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder
fixement.
â
â
François de La Rochefoucauld (Réflexions ou Sentences et maximes morales. 4e édition)
â
Tous ceux, tous ceux, tous ceux
Qui me viendront, je vais vous les jeter, en touffe
Sans les mettre en bouquet : je vous aime, j'étouffe
Je t'aime, je suis fou, je n'en peux plus, c'est trop ;
Ton nom est dans mon cĆur comme dans un grelot,
Et comme tout le temps, Roxane, je frissonne,
Tout le temps, le grelot s'agite, et le nom sonne !
De toi, je me souviens de tout, j'ai tout aimé :
Je sais que l'an dernier, un jour, le douze mai,
Pour sortir le matin tu changeas de coiffure !
J'ai tellement pris pour clarté ta chevelure
Que, comme lorsqu'on a trop fixé le soleil,
On voit sur toute chose ensuite un rond vermeil,
Surtout, quand j'ai quitté les feux dont tu m'inondes,
Mon regard ébloui pose des taches blondes !
â
â
Edmond Rostand (Cyrano de Bergerac)
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Je cherchais une Ăąme qui et me ressemblĂąt, et je ne pouvais pas la trouver. Je fouillais tous les recoins de la terre; ma persĂ©vĂ©rance Ă©tait inutile. Cependant, je ne pouvais pas rester seul. Il fallait quelquâun qui approuvĂąt mon caractĂšre; il fallait quelquâun qui eĂ»t les mĂȘmes idĂ©es que moi. CâĂ©tait le matin; le soleil se leva Ă lâhorizon, dans toute sa magnificence, et voilĂ quâĂ mes yeux se lĂšve aussi un jeune homme, dont la prĂ©sence engendrait les fleurs sur son passage. Il sâapprocha de moi, et, me tendant la main: "Je suis venu vers toi, toi, qui me cherches. BĂ©nissons ce jour heureux." Mais, moi: "Va-tâen; je ne tâai pas appelĂ©: je nâai pas besoin de ton amitiĂ©."
CâĂ©tait le soir; la nuit commençait Ă Ă©tendre la noirceur de son voile sur la nature. Une belle femme, que je ne faisais que distinguer, Ă©tendait aussi sur moi son influence enchanteresse, et me regardait avec compassion; cependant, elle nâosait me parler. Je dis: "Approche-toi de moi, afin que je distingue nettement les traits de ton visage; car, la lumiĂšre des Ă©toiles nâest pas assez forte, pour les Ă©clairer Ă cette distance." Alors, avec une dĂ©marche modeste, et les yeux baissĂ©s, elle foula lâherbe du gazon, en se dirigeant de mon cĂŽtĂ©. DĂšs que je la vis: "Je vois que la bontĂ© et la justice ont fait rĂ©sidence dans ton coeur: nous ne pourrions pas vivre ensemble. Maintenant, tu admires ma beautĂ©, qui a bouleversĂ© plus dâune; mais, tĂŽt ou tard, tu te repentirais de mâavoir consacrĂ© ton amour; car, tu ne connais pas mon Ăąme. Non que je te sois jamais infidĂšle: celle qui se livre Ă moi avec tant dâabandon et de confiance, avec autant de confiance et dâabandon, je me livre Ă elle; mais, mets-le dans ta tĂȘte, pour ne jamais lâoublier: les loups et les agneaux ne se regardent pas avec des yeux doux."
Que me fallait-il donc, Ă moi, qui rejetais, avec tant de dĂ©goĂ»t, ce quâil y avait de plus beau dans lâhumanitĂ©!
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Comte de Lautréamont (Les Chants de Maldoror)
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Le printemps sâannonce seulement par la qualitĂ© de lâair ou par les corbeilles de fleurs que des petits vendeurs ramĂšnent des banlieues ; câest un printemps quâon vend sur les marchĂ©s. Pendant lâĂ©tĂ©, le soleil incendie les maisons trop sĂšches et couvre les murs dâune cendre grise ; on ne peut plus vivre alors que dans lâombre des volets clos. En automne, câest, au contraire, un dĂ©luge de boue. Les beaux jours viennent seulement en hiver.
â
â
Albert Camus (The Plague)
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Il n'y a que deux ou trois crimes Ă faire dans le monde, dit Curval, et, ceux-lĂ faits, tout est dit; le reste est infĂ©rieur et l'on ne sent plus rien. Combien de fois, sacredieu, n'ai-je pas dĂ©sirĂ© qu'on pĂ»t attaquer le soleil, en priver l'univers, ou s'en servir pour embraser le monde? Ce serait des crimes cela, et non pas les petits Ă©carts oĂč nous nous livrons, qui se bornent Ă mĂ©tamorphoser au bout de l'an une douzaine de crĂ©atures en mottes de terre.
â
â
Marquis de Sade (The 120 Days of Sodom)
â
Câest alors que tout a vacillĂ©. La mer a charriĂ©
un souffle Ă©pais et ardent. Il mâa semblĂ© que le ciel sâouvrait sur
toute son Ă©tendue pour laisser pleuvoir du feu. Tout mon ĂȘtre
sâest tendu et jâai crispĂ© ma main sur le revolver. La gĂąchette a
cĂ©dĂ©, jâai touchĂ© le ventre poli de la crosse et câest lĂ , dans le
bruit Ă la fois sec et assourdissant, que tout a commencĂ©. Jâai
secouĂ© la sueur et le soleil. Jâai compris que jâavais dĂ©truit
lâĂ©quilibre du jour, le silence exceptionnel dâune plage oĂč jâavais
Ă©tĂ© heureux. Alors, jâai tirĂ© encore quatre fois sur un corps inerte oĂč les balles sâenfonçaient sans quâil y parĂ»t. Et câĂ©tait comme
quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur
â
â
Albert Camus (The Stranger)
â
Lorsque Spinoza encore Ă©crit sentimus experimurque nos aeternos esse, il rĂ©vĂšle une impression trĂšs profonde que l'ĂȘtre individuel Ă©prouve. Et pourtant, nous sentons aussi que nous ne sommes pas Ă©ternels, que nous sommes fragiles et transitoires, que nous ne serons plus pendant que le soleil brillera encore sur les rochers au printemps d'aprĂšs. En face de la vie naturelle, nous nous sentons pĂ©rissables comme la frondaison des arbres; en nous, le vieillissement de l'ĂȘtre qui passe fait sentir la prĂ©caritĂ© qui rĂ©pond Ă cette montĂ©e, Ă cette Ă©closion de vie rayonnant dans les autres ĂȘtres; les chemins sont divers dans les voies de la vie, et nous croisons d'autres ĂȘtres de tous Ăąges qui sont Ă toutes les Ă©poques de la vie.
â
â
Gilbert Simondon (Individuation in Light of Notions of Form and Information (Volume 1) (Posthumanities))
â
Hier j'Ă©tais au soleil couchant dans une bruyĂšre pierreuse oĂč croissent des chĂȘnes trĂšs petits et tordus, dans le fond une ruine sur la colline, et dans le vallon du blĂ©. C'Ă©tait romantique, on ne peut davantage, Ă la Monticelli, le soleil versait des rayons trĂšs jaunes sur les buissons et le terrain, absolument une pluie d'or. Et toutes les lignes Ă©taient belles, l'ensemble d'une noblesse charmante. On n'aurait pas du tout Ă©tĂ© surpris de voir surgir soudainement des cavaliers et des dames, revenant d'une chasse au faucon, ou d'entendre la voix d'un vieux troubadour provençal. Les terrains semblaient violets, les lointains bleus. J'en ai rapportĂ© une Ă©tude d'ailleurs, mais qui reste bien en dessous de ce que j'avais voulu faire.
â
â
Vincent van Gogh (Dear Theo)
â
Ferme tes yeux Ă demi, Croise tes bras sur ton sein, Et de ton cĆur endormi Chasse Ă jamais tout dessein."  "Je chante la nature, Les Ă©toiles du soir, les larmes du matin, Les couchers de soleil Ă l'horizon lointain, Le ciel qui parle au cĆur d'existence future!
â
â
Robert W. Chambers (The King in Yellow)
â
Oui, moi aussi, je m'Ă©tais souvent demandĂ©: comment font les gents? Et Ă vrai dire, si ces questions Ă©taient modifiĂ©es, elles n'avaient jamais cessĂ©: comment font les gents, pour Ă©crire, aimer, dormir d'une seule traite, varier les menus de leurs enfants, les laisser grandir, les laisser partir sans s'accrocher Ă eux, aller une fois par an chez le dentiste, faire du sport, rester fidĂšle, ne pas recommencer Ă fumer, lire des livres + des bandes dessinĂ©es + des magazines + un quotidien, ne pas ĂȘtre totalement dĂ©passĂ© en matiĂšre de musique, apprendre Ă respirer, ne pas s'exposer au soleil sans protection, faire leurs courses une seule fois par semaine sans rien oublier?
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Delphine de Vigan (D'aprĂšs une histoire vraie)
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Je me souviens qu'à un moment, m'étend appuyée à la machine, j'avais regardé le disque se lever, lentement, pour aller se poser de biais contre le saphir, presque tendrement, comme une joue. Et, je ne sais pourquoi, j'avais été envahie d'un violent sentiment de bonheur; de l'intuition physique, débordante, que j'allais mourir un jour, qu'il n'y aurait plus ma main sur ce rebord de chrome, ni ce soleil dans mes yeux.
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Françoise Sagan (A Certain Smile)
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L'image la plus simple de la vie organique unie à la rotation est la marée. Du mouvement de la mer, coït uniforme de la terre avec la lune, procÚde le coït polymorphe et organique de la terre et du soleil.
Mais la premiÚre forme de l'amour solaire est un nuage qui s'élÚve au-dessus de l'élément liquide. Le nuage érotique devient parfois orage et reombe vers la terre sous forme de pluie pendant que la foudre défonce les couches de l'atmosphÚre. La pluie se redresse aussitÎt sous forme de plante immobile.
La vie animale est entiÚrement issue du mouvement des mers et, à l'intérieur des corps, la vie continue à sortir de l'eau salée.
La mer a jouée ainsi le rÎle de l'organe femelle qui devient liquide sous l'excitation.
La mer se branle continuellement.
Les éléments solides contenus et brassés par l'eau animée d'un mouvemnet érotique en jaillissent sous forme de poissons volants.
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Georges Bataille (The Solar Anus)
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Si votre pensĂ©e sâĂ©lance dans lâespace et dans le temps ; si elle embrasse lâinfinie simultanĂ©itĂ© des faits qui se passent sur toute la surface de la terre, qui nâest quâune planĂšte tournant autour du soleil, â qui nâest lui-mĂȘme quâun centre particulier au milieu de lâespace ; si vous songez que cet infini simultanĂ© nâest quâun instant de lâĂ©ternitĂ©, qui est un autre infini, que tout cela vous apparaĂźt diffĂ©remment, suivant le point de vue oĂč vous vous placez, et quâil y en a une infinitĂ© de points de vue ; si vous songez que la raison de tout cela, lâessence de toutes ces choses vous est inconnue, et si vous agitez dans votre esprit ces Ă©ternels problĂšmes, quâest-ce que tout cela ? que suis-je moi-mĂȘme au milieu de cet infini?
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Pierre Loti (Aziyadé : suivi de FantÎme d'Orient)
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Jâaime beaucoup les cimetiĂšres, moi, ça me repose et me mĂ©lancolise jâen ai besoin. Et puis, il y a aussi de bons amis lĂ dedans, de ceux quâon ne va plus voir ; et jây vais encore, moi, de temps en temps.
Justement, dans ce cimetiĂšre Montmartre, jâai une histoire de cĆur, une maĂźtresse qui mâavait beaucoup pincĂ©, trĂšs Ă©mu, une charmante petite femme dont le souvenir, en mĂȘme temps quâil me peine Ă©normĂ©ment, me donne des regrets⊠des regrets de toute nature. Et je vais rĂȘver sur sa tombe⊠Câest fini pour elle.
Et puis, jâaime aussi les cimetiĂšres, parce que ce sont des villes monstrueuses, prodigieusement habitĂ©es. Songez donc Ă ce quâil y a de morts dans ce petit espace, Ă toutes les gĂ©nĂ©rations de Parisiens qui sont logĂ©s lĂ , pour toujours, troglodytes dĂ©finitifs enfermĂ©s dans leurs petits caveaux, dans leurs petits trous couverts dâune pierre ou marquĂ©s dâune croix, tandis que les vivants occupent tant de place et font tant de bruit, ces imbĂ©ciles.
Me voici donc entrant dans le cimetiĂšre Montmartre, et tout Ă coup imprĂ©gnĂ© de tristesse, dâune tristesse qui ne faisait pas trop, de mal, dâailleurs, une de ces tristesses qui vous font penser, quand on se porte bien : « Ăa nâest pas drĂŽle, cet endroit-lĂ , mais le moment nâen est pas encore venu pour moi⊠»
Lâimpression de lâautomne, de cette humiditĂ© tiĂšde qui sent la mort des feuilles et le soleil affaibli, fatiguĂ©, anĂ©mique, aggravait en la poĂ©tisant la sensation de solitude et de fin dĂ©finitive flottant sur ce lieu, qui sent la mort des hommes.
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Guy de Maupassant (La Maison Tellier)
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Je me suis figurĂ© quâune femme devait faire plus de cas de son Ăąme que de son corps, contre lâusage gĂ©nĂ©ral qui veut quâelle permette quâon lâaime avant dâavouer quâelle aime, et quâelle abandonne ainsi le trĂ©sor de son coeur avant de consentir Ă la plus lĂ©gĂšre prise sur celui de sa beautĂ©. Jâai voulu, oui, voulu absolument tenter de renverser cette marche uniforme ; la nouveautĂ© est ma rage. Ma fantaisie et ma paresse, les seuls dieux dont jâaie jamais encensĂ© les autels, mâont vainement laissĂ© parcourir le monde, poursuivi par ce bizarre dessein ; rien ne sâoffrait Ă moi. Peut-ĂȘtre je mâexplique mal. Jâai eu la singuliĂšre idĂ©e dâĂȘtre lâĂ©poux dâune femme avant dâĂȘtre son amant. Jâai voulu voir si rĂ©ellement il existait une Ăąme assez orgueilleuse pour demeurer fermĂ©e lorsque les bras sont ouverts, et livrer la bouche Ă des baisers muets ; vous concevez que je ne craignais que de trouver cette force Ă la froideur. Dans toutes les contrĂ©es quâaime le soleil, jâai cherchĂ© les traits les plus capables de rĂ©vĂ©ler quâune Ăąme ardente y Ă©tait enfermĂ©e : jâai cherchĂ© la beautĂ© dans tout son Ă©clat, cet amour quâun regard fait naĂźtre ; jâai dĂ©sirĂ© un visage assez beau pour me faire oublier quâil Ă©tait moins beau que lâĂȘtre invisible qui lâanime ; insensible Ă tout, jâai rĂ©sistĂ© Ă tout,... exceptĂ© Ă une femme, â Ă vous, Laurette, qui mâapprenez que je me suis un peu mĂ©pris dans mes idĂ©es orgueilleuses ; Ă vous, devant qui je ne voulais soulever le masque qui couvre ici-bas les hommes quâaprĂšs ĂȘtre devenu votre Ă©poux. â Vous me lâavez arrachĂ©, je vous supplie de me pardonner, si jâai pu vous offenser.
( Le prince )
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Alfred de Musset (La nuit vénitienne)
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Et je respirais dĂ©licieusement la fraĂźcheur saine de ce matin; je me baignais et me retrempais dans cette puretĂ©-la: c'Ă©tait une impression de bien-ĂȘtre physique d'une intensitĂ© extraordinaire: c'Ă©tait comme une ivresse d'exister...
Etrange rajeunissement que le grand matin apporte toujours aux sens dans les pays du soleil, et qui s'est peut-ĂȘtre rien, aprĂšs tout, rien qu'une sensation fausse et un mirage de vie...
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Pierre Loti
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Lorsqu'on se baigne dans le Langage Universel, il est facile de comprendre qu'il y a toujours dans le monde une personne qui en attend une autre, que ce soit en plein dĂ©sert ou au cĆur des grandes villes. Et quand ces deux personnes se rencontrent, et que leurs regards se croisent, tout le passĂ© et tout le futur sont dĂ©sormais sans la moindre importance, seul existe ce moment prĂ©sent, et cette incroyable certitude que toute chose sous la voĂ»te du ciel a Ă©tĂ© Ă©crite par la mĂȘme Main. La Main qui fait naĂźtre l'Amour, et qui a créé une Ăąme sĆur pour chaque ĂȘtre qui travaille, se repose, et cherche des trĂ©sors sous la lumiĂšre du soleil.
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Paulo Coelho (The Alchemist)
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Moi qui jadis dansais parmi vous, ĂŽ mes sĆurs,
Vive comme le faon, le plus vif des danseurs.
Mais, ĂŽ belles, quây puis-je ? HĂ©las lâombre Ă©toilĂ©e
Et le jour qui la suit ou bien qui la précÚde
Nous traĂźnent Ă la mort. Ă la mort chacun cĂšde.
Mais je désire encor⊠Mon ùme désolée
Goûte encor le soleil et les fleurs printaniÚres.
Les bĂȘtes vont mourir au fond de leurs taniĂšres,
Mais je veux jusquâau bout savourer la clartĂ©
Et vous aimer.
â
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Marguerite Yourcenar (La Couronne et la Lyre: Anthologie de la poésie grecque ancienne)
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La plupart des gens que nous croisons sont quelconques, on n'en retient rien, sinon le regret du temps et de l'énergie perdus. Dans la constellation d'étoiles ternes qui traversent nos vies brille pourtant, à de rares et précieuses occasions, un soleil à portée de main. Parfois un parent, souvent un ami ou encore un professeur. Les plus chanceux en croiseront deux ou trois qui marqueront durablement leur personnalité, imprégneront un peu de magnificence dans le tissu de leur psyché.
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David Goudreault (Ta mort Ă moi)
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L'Amour qui n'est pas un mot
Mon Dieu jusqu'au dernier moment
Avec ce coeur dĂ©bile et blĂȘme
Quand on est l'ombre de soi-mĂȘme
Comment se pourrait-il comment
Comment se pourrait-il qu'on aime
Ou comment nommer ce tourment
Suffit-il donc que tu paraisses
De l'air que te fait rattachant
Tes cheveux ce geste touchant
Que je renaisse et reconnaisse
Un monde habité par le chant
Elsa mon amour ma jeunesse
O forte et douce comme un vin
Pareille au soleil des fenĂȘtres
Tu me rends la caresse d'ĂȘtre
Tu me rends la soif et la faim
De vivre encore et de connaĂźtre
Notre histoire jusqu'Ă la fin
C'est miracle que d'ĂȘtre ensemble
Que la lumiĂšre sur ta joue
Qu'autour de toi le vent se joue
Toujours si je te vois je tremble
Comme Ă son premier rendez-vous
Un jeune homme qui me ressemble
M'habituer m'habituer
Si je ne le puis qu'on m'en blĂąme
Peut-on s'habituer aux flammes
Elles vous ont avant tué
Ah crevez-moi les yeux de l'Ăąme
S'ils s'habituaient aux nuées
Pour la premiĂšre fois ta bouche
Pour la premiĂšre fois ta voix
D'une aile Ă la cime des bois
L'arbre frémit jusqu'à la souche
C'est toujours la premiĂšre fois
Quand ta robe en passant me touche
Prends ce fruit lourd et palpitant
Jettes-en la moitié véreuse
Tu peux mordre la part heureuse
Trente ans perdus et puis trente ans
Au moins que ta morsure creuse
C'est ma vie et je te la tends
Ma vie en vérité commence
Le jour que je t'ai rencontrée
Toi dont les bras ont su barrer
Sa route atroce à ma démence
Et qui m'as montré la contrée
Que la bonté seule ensemence
Tu vins au coeur du désarroi
Pour chasser les mauvaises fiĂšvres
Et j'ai flambé comme un geniÚvre
A la Noël entre tes doigts
Je suis né vraiment de ta lÚvre
Ma vie est Ă partir de toi
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Louis Aragon
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Attends. Laisse-moi dire adieu Ă cette lĂ©gĂšretĂ© sans tache qui fut la mienne. Laisse-moi dire adieu Ă ma jeunesse. Il y a des soirs, des soirs de Corinthe ou d'AthĂšnes, pleins de chants et d'odeurs qui ne m'appartiendront plus jamais. Des matins, pleins d'espoir aussi... Allons adieu! adieu! (Il vient vers Electre.) Viens, Electre, regarde notre ville. Elle est lĂ , rouge sous le soleil, bourdonnante d'hommes et de mouches, dans l'engourdissement tĂȘtu d'un aprĂšs-midi d'Ă©tĂ©; elle me repousse de tous ses murs, de tous ses toits, de toutes ses portes closes. Et pourtant elle est Ă prendre, je le sens depuis ce matin. Et toi aussi, Electre, tu es Ă prendre. Je vous prendrai. Je deviendrai hache et je fendrai en deux ces murailles obstinĂ©es, j'ouvrirai le ventre de ces maisons bigotes, elles exhaleront par leurs plaies bĂ©antes une odeur de mangeaille et d'encens; je deviendrai cognĂ©e et je m enfoncerai dans le cĆur de cette ville comme la cognĂ©e dans le cĆur d'un chĂȘne.
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Jean-Paul Sartre (The Flies (SparkNotes Literature Guide Series))
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Quand on aime, quand on ressent de lâamour, que ce soit pour un ĂȘtre humain, un animal, une fleur ou un coucher du soleil, on est portĂ© au-delĂ de soi. Nos dĂ©sirs, nos peurs et nos doutes se dissipent. Nos besoins de reconnaissance sâĂ©vanouissent. On ne cherche plus Ă se comparer, Ă exister plus que les autres. Notre Ăąme sâĂ©lĂšve tandis que nous sommes tout entier emplis de ce sentiment, de cet Ă©lan du cĆur qui sâĂ©tend alors naturellement pour embrasser tous les ĂȘtres et toutes les choses de la vie.
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Laurent Gounelle (Et tu trouveras le trésor qui dort en toi)
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[...] Les natures du genre de la tienne, les hommes douĂ©s de sens dĂ©licats, ceux qui ont de l'Ăąme, les poĂštes, ceux pour qui toute la vie est amour nous sont presque toujours supĂ©rieurs, Ă nous, chez qui domine l'intellect. Vous ĂȘtes, par votre origine, du cĂŽtĂ© de la mĂšre. Vous vivez dans la plĂ©nitude de l'ĂȘtre. La force de l'amour, la capacitĂ© de vivre intensĂ©ment les choses est votre lot. Nous autres, hommes d'intellect, bien que nous ayons l'air souvent de vous diriger et de vous gouverner, nous ne vivons pas dans l'intĂ©gritĂ© de l'ĂȘtre, nous vivons dans les abstractions. A vous la plĂ©nitude de la vie, le suc des fruits, Ă vous le jardin de l'amour, le beau pays de l'art. Vous ĂȘtes chez vous sur terre, nous dans le monde des idĂ©es. Vous courez le risque de sombrer dans la sensualitĂ©, nous d'Ă©touffer dans le vide. Tu es artiste, je suis penseur. Tu dors sur le cĆur d'une mĂšre, je veille dans le dĂ©sert. Moi, c'est le soleil qui m'Ă©claire, pour toi brillent la lune et les Ă©toiles. Ce sont des jeunes filles qui hantent tes rĂȘves; moi, ce sont mes Ă©coliers... (p. 54-55)
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Hermann Hesse (Narcissus and Goldmund)
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Câest aprĂšs cette soirĂ©e que vous avez commencĂ© Ă
mâĂ©crire des lettres. Beaucoup de lettres. Quelquefois
une chaque jour. CâĂ©tait des lettres trĂšs courtes, dessortes de billets, câĂ©tait, oui, des sortes dâappels criĂ©s
dâun lieu invivable, mortel, dâune sorte de dĂ©sert. Ces
appels Ă©taient dâune Ă©vidente beautĂ©.
Je ne vous répondais pas.
Je gardais toutes les lettres.
Il y avait en haut des pages le nom de lâendroit oĂč
elles avaient Ă©tĂ© Ă©crites et lâheure ou le temps : Soleil ou
Pluie. Ou Froid. Ou : Seul.
Et puis une fois, vous ĂȘtes restĂ© longtemps sans
Ă©crire. Un mois peut-ĂȘtre, je ne sais plus pour ce
temps-lĂ ce quâil avait durĂ©
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Marguerite Duras (Yann Andrea Steiner)
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Pourtant le soleil se leve [yet the sun rises], says Victor Hugo. Long, long ago I read in LâAmi Fritz by Erckmann-Chatrian a saying of the old rabbiâs, which I have always remembered: âNous ne sommes pas dans la vie pour etre heureux, mais nous devons tacher de meriter le bonheur.â [We are not in life to be happy, but we must try to deserve happiness.] Taken separately, there is something pedantic in this thought - at least, one might take it as such - but in the context in which the words occurred, that is, from the mouth of that sympathetic figure of the old rabbi, David Sechel, they touched me deeply, and I often think of them.
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Vincent van Gogh
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Au fond de son Ăąme, cependant, elle attendait un Ă©vĂ©nement. Comme les matelots en dĂ©tresse elle promenait sur la solitude de sa vie des yeux dĂ©sespĂ©rĂ©s, cherchant au loin quelque voile blanche dans les brumes de lâhorizon. Elle ne savait pas quel serait ce hasard, le vent qui le pousserait jusquâĂ elle, vers quel rivage il la mĂšnerait, sâil Ă©tait chaloupe ou vaisseau Ă trois ponts, chargĂ© dâangoisses ou plein de fĂ©licitĂ©s jusquâaux sabords. Mais chaque matin, Ă son rĂ©veil, elle lâespĂ©rait pour la journĂ©e, et elle Ă©coutait tous les bruits, se levait en sursaut, sâĂ©tonnait quâil ne vĂźnt pas; puis, au coucher du soleil, toujours plus triste, dĂ©sirait ĂȘtre au lendemain.
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Gustave Flaubert (Madame Bovary)
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Parfois, le destin ressemble Ă une tempĂȘte de sable qui se dĂ©place sans cesse. Tu modifies ton allure pour lui Ă©chapper. Mais la tempĂȘte modifie aussi la sienne. Tu changes Ă nouveau le rythme de ta marche, et la tempĂȘte change son rythme elle aussi. C'est sans fin, cela se rĂ©pĂšte un nombre incalculable de fois, comme une danse macabre avec le dieu de la Mort, juste avant l'aube. Pourquoi ? parce que la tempĂȘte n'est pas un phĂ©nomĂšne venu d'ailleurs sans aucun lien avec toi. Elle est toi mĂȘme et rien d'autre. elle vient de l'intĂ©rieur de toi. Alors la seule chose que tu puisses faire, c'est pĂ©nĂ©trer dĂ©libĂ©rĂ©ment dedans, fermer les yeux et te boucher les oreilles afin d'empĂȘcher le sable d'y entrer, et la traverser pas Ă pas. Au coeur de cette tempĂȘte, il n'y a pas de soleil, il n'y a pas de lune, pas de repĂšre dans l'espace ; par moments, mĂȘme, le temps n'existe plus. Il n'y a que du sable blanc et fin comme des os broyĂ©s qui tourbillonne haut dans le ciel. VoilĂ la tempĂȘte de sable que tu dois imaginer.
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Haruki Murakami (Kafka on the Shore)
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AmputĂ©e!⊠O soleil, si câest vrai que je viens de toi, pourquoi mâas-tu faite amputĂ©e? Pourquoi mâas-tu faite une fille? Pourquoi ces seins, cette faiblesse, cette plaie ouverte au milieu de moi? Nâaurait-il pas Ă©tĂ© beau le garçon MĂ©dĂ©e? Nâaurait-il pas Ă©tĂ© fort? Le corps dur comme la pierre, fait pour prendre et partir aprĂšs, ferme, intact, entier, lui! Ah! il aurait pu venir, alors, Jason, avec ses grandes mains redoutables, il aurait pu tenter de les poser sur moi! Un couteau, chacun dans la sienne -oui!- et le plus fort tue lâautre et sâen va dĂ©livrĂ©. Pas cette lutte oĂč je ne voulais que toucher les Ă©paules, cette blessure que jâimplorais. Femme! Femme! Chienne! Chair faite dâun peu de boue de dâune cĂŽte dâhomme! Morceau dâhomme! Putain!
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Jean Anouilh (Médée)
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Le MétÚque
Avec ma gueule de métÚque, de juif errant, de pùtre grec
Et mes cheveux aux quatre vents
Avec mes yeux tout dĂ©lavĂ©s, qui me donnent l'air de rĂȘver
Moi qui ne rĂȘve plus souvent.
Avec mes mains de maraudeur, de musicien et de rĂŽdeur
Qui ont pillé tant de jardins
Avec ma bouche qui a bu, qui a embrassé et mordu
Sans jamais assouvir sa faim
Avec ma gueule de métÚque, de juif errant, de pùtre grec
De voleur et de vagabond
Avec ma peau qui s'est frottée au soleil de tous les étés
Et tout ce qui portait jupon
Avec mon coeur qui a su faire souffrir autant qu'il a souffert
Sans pour cela faire d'histoire
Avec mon Ăąme qui n'a plus la moindre chance de salut
Pour éviter le purgatoire.
Avec ma gueule de métÚque, de juif errant, de pùtre grec
Et mes cheveux aux quatre vents
Je viendrai ma douce captive, mon Ăąme soeur, ma source vive
Je viendrai boire tes vingt ans
Et je serai prince de sang, rĂȘveur, ou bien adolescent
Comme il te plaira de choisir
Et nous ferons de chaque jour, toute une éternité d'amour
Que nous vivrons Ă en mourir.
Et nous ferons de chaque jour, toute une éternité d'amour
Que nous vivrons Ă en mourir.
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Georges Moustaki
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Un jour viendra, ai-je dit, oĂč nous serons tous morts. Tous. Un jour viendra oĂč il ne restera plus aucun ĂȘtre humain pour se rappeler l'existence des hommes. Un jour viendra oĂč il ne restera plus personne pour se souvenir d'Aristote ou de ClĂ©opĂątre, encore moins de toi. Tout ce qui a Ă©tĂ© fait, construit, Ă©crit, pensĂ© ou dĂ©couvert sera oubliĂ©, et tout ça, ai-je ajoutĂ© avec un geste large, n'aura servi Ă rien. Ce jour viendra bientĂŽt ou dans des millions d'annĂ©es. Quoi qu'il arrive, mĂȘme si nous survivons Ă la fin du soleil, nous ne survivrons pas toujours. Du temps s'est Ă©coulĂ© avant que les organismes acquiĂšrent une conscience et il s'en Ă©coulera aprĂšs. Alors si l'oubli inĂ©luctable de l'humanitĂ© t'inquiĂšte, je te conseille de ne pas y penser. C'est ce que tout le monde fait.
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John Green (The Fault in Our Stars)
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L'isolement
Souvent sur la montagne, Ă l'ombre du vieux chĂȘne,
Au coucher du soleil, tristement je m'assieds ;
Je promĂšne au hasard mes regards sur la plaine,
Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds.
Ici gronde le fleuve aux vagues écumantes ;
Il serpente, et s'enfonce en un lointain obscur ;
Là le lac immobile étend ses eaux dormantes
OĂč l'Ă©toile du soir se lĂšve dans l'azur.
Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres,
Le crépuscule encor jette un dernier rayon ;
Et le char vaporeux de la reine des ombres
Monte, et blanchit déjà les bords de l'horizon.
Cependant, s'élançant de la flÚche gothique,
Un son religieux se répand dans les airs :
Le voyageur s'arrĂȘte, et la cloche rustique
Aux derniers bruits du jour mĂȘle de saints concerts.
Mais à ces doux tableaux mon ùme indifférente
N'éprouve devant eux ni charme ni transports ;
Je contemple la terre ainsi qu'une ombre errante
Le soleil des vivants n'échauffe plus les morts.
De colline en colline en vain portant ma vue,
Du sud Ă l'aquilon, de l'aurore au couchant,
Je parcours tous les points de l'immense étendue,
Et je dis : " Nulle part le bonheur ne m'attend. "
Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumiĂšres,
Vains objets dont pour moi le charme est envolé ?
Fleuves, rochers, forĂȘts, solitudes si chĂšres,
Un seul ĂȘtre vous manque, et tout est dĂ©peuplĂ© !
Que le tour du soleil ou commence ou s'achĂšve,
D'un oeil indifférent je le suis dans son cours ;
En un ciel sombre ou pur qu'il se couche ou se lĂšve,
Qu'importe le soleil ? je n'attends rien des jours.
Quand je pourrais le suivre en sa vaste carriĂšre,
Mes yeux verraient partout le vide et les déserts :
Je ne désire rien de tout ce qu'il éclaire;
Je ne demande rien Ă l'immense univers.
Mais peut-ĂȘtre au-delĂ des bornes de sa sphĂšre,
Lieux oĂč le vrai soleil Ă©claire d'autres cieux,
Si je pouvais laisser ma dépouille à la terre,
Ce que j'ai tant rĂȘvĂ© paraĂźtrait Ă mes yeux !
LĂ , je m'enivrerais Ă la source oĂč j'aspire ;
LĂ , je retrouverais et l'espoir et l'amour,
Et ce bien idéal que toute ùme désire,
Et qui n'a pas de nom au terrestre séjour !
Que ne pußs-je, porté sur le char de l'Aurore,
Vague objet de mes voeux, m'élancer jusqu'à toi !
Sur la terre d'exil pourquoi resté-je encore ?
Il n'est rien de commun entre la terre et moi.
Quand lĂ feuille des bois tombe dans la prairie,
Le vent du soir s'élÚve et l'arrache aux vallons ;
Et moi, je suis semblable à la feuille flétrie :
Emportez-moi comme elle, orageux aquilons !
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Alphonse de Lamartine (Antologija francuskog pjesniĆĄtva)
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Quand je vis avec mes semblables, ma pensĂ©e s'occupe d'eux si exclusivement, soit pour les aider Ă vivre bien, soit pour comprendre pourquoi ils vivent mal, que j'oublie absolument de vivre pour mon compte. Quand je m'aperçois que j'ai fait pour eux mon possible et que je ne leur suis plus nĂ©cessaire, ou, ce qui arrive plus souvent, que je ne leur suis bon Ă rien, j'Ă©prouve le besoin de vivre avec ce moi intĂ©rieur qui s'identifie Ă la nature et au rĂȘve de la vie dans l'Ă©ternel et dans l'infini. La nature, je le sais, parle dans l'homme plus que dans les arbres et les rochers; mais elle y parle follement, elle y est plus souvent dĂ©lirante que sage, elle y est pleine d'illusions ou de mensonges. Les animaux sauvages eux-mĂȘmes sont tourmentĂ©s d'un besoin d'existence qui nous empĂȘche de savoir ce qu'ils pensent et si leurs obscures manifestations ne sont pas trompeuses. DĂšs qu'ils subissent des besoins et des passions, ils doivent les satisfaire Ă tout prix, et toute logique de leur instinct de conservation doit cĂ©der Ă cette sauvage logique de la faim et de l'amour. OĂč donc trouver, oĂč donc surprendre la voix du vrai absolu dans la nature? HĂ©las, dans le silence des choses inertes, dans le mutisme de ce qui ne ment pas! la face impassible du rocher qui boit le soleil, le front sans ombre du glacier qui regarde la lune, la morne altitude des lieux inaccessibles, exercent sur nous un rassĂ©rĂ©nement inexplicable. LĂ , nous nous sentons comme suspendus entre ciel et terre, dans une rĂ©gion d'idĂ©es oĂč il ne peut y avoir que Dieu ou rien, et, s'il n'y a rien, nous sentons que nous ne sommes rien nous-mĂȘmes et que nous n'existons pas; car rien ne peut se passer de sa raison d'ĂȘtre.
â
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George Sand (Le dernier amour)
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Il y en a, dans cet ordre, de plus Ă©levĂ©es. Ce sont celles oĂč lâĂ©lĂ©ment sensible nâest pour rien. â Elles dĂ©passent alors la Vertu en beautĂ© morale, tant elles sont indĂ©pendantes de toute personnalitĂ©, de toute relation humaine. Jâai entrevu quelquefois (dans mes grands jours de soleil), Ă la lueur dâun enthousiasme qui faisait frissonner ma peau du talon Ă la racine des cheveux, un Ă©tat de lâĂąme ainsi supĂ©rieur Ă la vie, pour qui la gloire ne serait rien, et le bonheur mĂȘme inutile.
â
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Gustave Flaubert (GUSTAVE FLAUBERT: Correspondance - Tome 2 -1851-1858 (French Edition))
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Thomas meurt. Thomas accepte de mourir. Câest ici, dans la maison de Saint-ClĂ©ment, la maison de lâenfance, quâil choisit dâattendre de mourir. Je suis auprĂšs de lui. Câest encore lâĂ©tĂ©. Jâignorais quâon pouvait mourir en Ă©tĂ©. Je croyais que la mort survenait toujours en hiver, quâil lui fallait le froid, la grisaille, une sorte de dĂ©solation, que câest seulement ainsi quâelle pouvait se sentir sur son terrain. Je dĂ©couvre quâelle peut tout aussi bien exercer sa besogne en plein soleil, en pleine lumiĂšre.
â
â
Philippe Besson (Son frĂšre)
â
Sais-tu pourquoi nous allions ainsi Ă lâassaut des troupes adverses, comme des torrents chargeant la mer ? Pourquoi nous dansions, la nuit, sous les symboles Ă©cartelĂ©s des Ă©toiles, Ă nous en rendre ivres ? Pourquoi nous nous mettions en danger pour une tocade, un enfant mortel, un joli visage, lâassouvissement dâun dĂ©sir passager ?
Nous sommes fous, nous, les citoyens du Peuple, fous de plaisir, de mort, dâextase. Tout nous est essentiel, rien ne nous est nĂ©cessaire. Nous ne voulons rien dâautre que la pleine intensitĂ© du soleil, concentrĂ© dans le point incandescent dâune piqĂ»re dâĂ©pingle. Le mouvement des mondes qui sâeffondrent, Ă chaque pas que nous frappons sur le bronze de la terre.
Alors il nous faut tout ceci Ă la fois : le pas lĂ©ger Ă la danse, et le poignet souple Ă la bataille. DĂ©valer les pentes comme des torrents. Et lâivresse.
Car aimer, tuer⊠ce nâest rien, et du pareil au mĂȘme. Enlacer, pourfendre. BĂątir, briser. Rien. Et la recherche dâune mĂȘme sensation : lâintĂ©gralitĂ©, le tout, oui, dans lâinconsĂ©quence dâune piqĂ»re dâĂ©pingle.
â
â
Léa Silhol (Avant l'Hiver, Architectonique des Clartés)
â
Les Poets de Sept ans
Et la MĂšre, fermant le livre du devoir,
S'en allait satisfaite et trĂšs fiĂšre sans voir,
Dans les yeux bleus et sous le front plein d'éminences,
L'ùme de son enfant livrée aux répugnances.
Tout le jour, il suait d'obéissance ; trÚs
Intelligent ; pourtant des tics noirs, quelques traits
Semblaient prouver en lui d'Ăącres hypocrisies.
Dans l'ombre des couloirs aux tentures moisies,
En passant il tirait la langue, les deux poings
A l'aine, et dans ses yeux fermés voyait des points.
Une porte s'ouvrait sur le soir : Ă la lampe
On le voyait, lĂ -haut, qui rĂąlait sur la rampe,
Sous un golfe de jour pendant du toit. L'été
Surtout, vaincu, stupide, il Ă©tait entĂȘtĂ©
A se renfermer dans la fraĂźcheur des latrines:
Il pensait lĂ , tranquille et livrant ses narines.
Quand, lavé des odeurs du jour, le jardinet
DerriĂšre la maison, en hiver, s'illunait ,
Gisant au pied d'un mur, enterré dans la marne
Et pour des visions écrasant son oeil darne,
Il écoutait grouiller les galeux espaliers.
Pitié ! Ces enfants seuls étaient ses familiers
Qui, chétifs, fronts nus, oeil déteignant sur la joue,
Cachant de maigres doigts jaunes et noirs de boue
Sous des habits puant la foire et tout vieillots,
Conversaient avec la douceur des idiots !
Et si, l'ayant surpris à des pitiés immondes,
Sa mĂšre s'effrayait, les tendresses profondes,
De l'enfant se jetaient sur cet étonnement.
C'était bon. Elle avait le bleu regard, - qui ment!
A sept ans, il faisait des romans, sur la vie
Du grand dĂ©sert oĂč luit la LibertĂ© ravie,
ForĂȘts, soleils, rives, savanes ! - Il s'aidait
De journaux illustrĂ©s oĂč, rouge, il regardait
Des Espagnoles rire et des Italiennes.
Quand venait, l'Oeil brun, folle, en robes d'indiennes,
-Huit ans -la fille des ouvriers d'à cÎté,
La petite brutale, et qu'elle avait sauté,
Dans un coin, sur son dos, en secouant ses tresses,
Et qu'il était sous elle, il lui mordait les fesses,
Car elle ne portait jamais de pantalons;
- Et, par elle meurtri des poings et des talons,
Remportait les saveurs de sa peau dans sa chambre.
Il craignait les blafards dimanches de décembre,
OĂč, pommadĂ©, sur un guĂ©ridon d'acajou,
Il lisait une Bible Ă la tranche vert-chou;
Des rĂȘves l'oppressaient, chaque nuit, dans l'alcĂŽve.
Il n'aimait pas Dieu; mais les hommes qu'au soir fauve,
Noirs, en blouse, il voyait rentrer dans le faubourg
OĂč les crieurs, en trois roulements de tambour,
Font autour des édits rire et gronder les foules.
- Il rĂȘvait la prairie amoureuse, oĂč des houles
Lumineuses, parfums sains, pubescences d'or,
Font leur remuement calme et prennent leur essor !
Et comme il savourait surtout les sombres choses,
Quand, dans la chambre nue aux persiennes closes,
Haute et bleue, ùcrement prise d'humidité,
Il lisait son roman sans cesse médité,
Plein de lourds ciels ocreux et de forĂȘts noyĂ©es,
De fleurs de chair aux bois sidérals déployées,
Vertige, écroulement, déroutes et pitié !
- Tandis que se faisait la rumeur du quartier,
En bas, - seul et couché sur des piÚces de toile
Ăcrue et pressentant violemment la voile!
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Arthur Rimbaud
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Peindre d'abord une cage
Avec une porte ouverte
peindre ensuite
quelque chose de joli
quelque chose de simple
quelque chose de beau
quelque chose d'utile
pour l'oiseau
placer ensuite la toile contre un arbre
dans un jardin
dans un bois
ou dans une forĂȘt
se cacher derriĂšre l'arbre
sans rien dire
sans bouger...
Parfois l'oiseau arrive vite
mais il peut aussi bien mettre de longues années
avant de se décider
Ne pas se décourager
attendre
attendre sâil Ie faut pendant des annĂ©es
la vitesse ou la lenteur de l'arrivée de l'oiseau
nâayant aucun rapport
avec la réussite du tableau
Quand l'oiseau arrive
s'il arrive
observer le plus profond silence
attendre que l'oiseau entre dans la cage
et quand il est entré
fermer doucement la porte avec le pinceau
puis
effacer un Ă un tous les barreaux
en ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l'oiseau
Faire ensuite le portrait de l'arbre
en choisissant la plus belle de ses branches
pour l'oiseau
peindre aussi le vert feuillage et la fraĂźcheur du vent
la poussiĂšre du soleil
et le bruit des bĂȘtes de l'herbe dans la chaleur de l'Ă©tĂ©
et puis attendre que l'oiseau se décide à chanter
Si l'oiseau ne chante pas
c'est mauvais signe
signe que le tableau est mauvais
mais s'il chante c'est bon signe
signe que vous pouvez signer
Alors vous arrachez tout doucement
une des plumes de l'oiseau
et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau.
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Jacques Prévert (Paroles)
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qui sait alors sâil nây aurait pas moyen de retrouver pour lâesthĂ©tique ce que le stoĂŻcisme avait inventĂ© pour la morale ? â Lâart grec nâĂ©tait pas un art, câĂ©tait la constitution radicale de tout un peuple, de toute une race, du pays mĂȘme. Les montagnes y avaient des lignes tout autres et Ă©taient de marbre pour les sculpteurs, etc. Le temps est passĂ© du beau. LâhumanitĂ©, quitte Ă y revenir, nâen a que faire pour le quart dâheure. Plus il ira, plus lâart sera scientifique, de mĂȘme que la science deviendra artistique. Tous deux se rejoindront au sommet aprĂšs sâĂȘtre sĂ©parĂ©s Ă la base. Aucune pensĂ©e humaine ne peut prĂ©voir, maintenant, Ă quels Ă©blouissants soleils psychiques Ă©clore-ront les Ćuvres de lâavenir. â En attendant, nous sommes
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Gustave Flaubert (GUSTAVE FLAUBERT: Correspondance - Tome 2 -1851-1858 (French Edition))
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Ătes-vous ce quâon appelle un heureux ? Eh bien, vous ĂȘtes triste tous les jours. Chaque jour a son grand chagrin ou son petit souci. Hier, vous trembliez pour une santĂ© qui vous est chĂšre, aujourdâhui vous craignez pour la vĂŽtre, demain ce sera une inquiĂ©tude dâargent, aprĂšs-demain la diatribe dâun calomniateur, lâautre aprĂšs-demain le malheur dâun ami ; puis le temps quâil fait, puis quelque chose de cassĂ© ou de perdu, puis un plaisir que la conscience et la colonne vertĂ©brale vous reprochent ; une autre fois, la marche des affaires publiques. Sans compter les peines de cĆur. Et ainsi de suite. Un nuage se dissipe, un autre se reforme. Ă peine un jour sur cent de pleine joie et de plein soleil. Et vous ĂȘtes de ce petit nombre qui a le bonheur ! Quant aux autres hommes, la nuit stagnante est sur eux.
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Victor Hugo (Les Misérables)
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Chaque fois que je vais dans un super-market, ce qui du reste m'arrive rarement, je me crois en Russie. C'est la mĂȘme nourriture imposĂ©e d'en haut, pareille oĂč qu'on aille, imposĂ©e par des trusts au lieu de l'ĂȘtre par des organismes dâĂtat. Les Ătats-Unis, en un sens, sont aussi totalitaires que l'URSS, et dans l'un comme dans l'autre pays, et comme partout d'ailleurs, le progrĂšs (c'est-Ă -dire l'accroissement de l'immĂ©diat bien-ĂȘtre humain) ou mĂȘme le maintien du prĂ©sent Ă©tat de choses dĂ©pend de structures de plus en plus complexes et de plus en plus fragiles. Comme l'humanisme un peu bĂ©at du bourgeois de 1900, le progrĂšs Ă jet continu est un rĂȘve d'hier. Il faut rĂ©apprendre Ă aimer la condition humaine telle qu'elle est, accepter ses limitations et ses dangers, se remettre de plain-pied avec les choses, renoncer Ă nos dogmes de partis, de pays, de classes, de religions, tous intransigeants et donc tous mortels. Quand je pĂ©tris la pĂąte, je pense aux gens qui ont fait pousser le blĂ©, je pense aux profiteurs qui en font monter artificiellement le prix, aux technocrates qui en ont ruinĂ© la qualitĂ© - non que les techniques rĂ©centes soient nĂ©cessairement un mal, mais parce qu'elles se sont mises au service de l'aviditĂ© qui en est un, et parce que la plupart ne peuvent s'exercer qu'Ă l'aide de grandes concentrations de forces, toujours pleines de potentiels pĂ©rils. Je pense aux gens qui n'ont pas de pain, et Ă ceux qui en ont trop, je pense Ă la terre et au soleil qui font pousser les plantes. Je me sens Ă la fois idĂ©aliste et matĂ©rialiste. Le prĂ©tendu idĂ©aliste ne voit pas le pain, ni le prix du pain, et le matĂ©rialiste, par un curieux paradoxe, ignore ce que signifie cette chose immense et divine que nous appelons "la matiĂšre". (p. 242)
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Marguerite Yourcenar (Les Yeux ouverts : Entretiens avec Matthieu Galey)
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Tout paysage nous sort du temps. La nature nous fait le plus souvent dĂ©serter la temporalitĂ©. Chaque fois que nous nous abandonnons Ă ce rĂȘve de la matiĂšre quâest la nature, nous Ă©prouvons une Ă©trange sensationâtourment et charme indĂ©finissables Ă la foisâ, Ă savoir que rien nâa jamais Ă©tĂ©.
Un jour de grand soleil, regardez un arbre dans lâair immobile, avec ses feuilles ressemblant aux broderies dâun cĆur printanier. Vous comprendrez alors que tous les problĂšmes sâeffacent devant la croissance indiffĂ©rente de la nature, devant son inconscience en dehors de laquelle tout est douleur, malĂ©diction, esprit. Ou bien, si vous avez la chance ou la malchance de voir tous les jours un sapin qui se dresse devant votre maison comme une dĂ©nĂ©gation ou une dĂ©monstration de la vie contre elle-mĂȘme, lâinutilitĂ© de lâeffort vous sautera aux yeux et vous souhaiterez tomber sous la coupe de la vie innommĂ©e de la nature. Qui nâa jamais enviĂ© les plantes ignore ce que signifie la terreur de la conscience. Lorsquâon lâa en horreur, on a un faible pour la nature. Lorsquâon nâest plus attirĂ© par lâesprit, on aime le silence de la plante : pas de questions ni de rĂ©ponses.
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Emil M. Cioran (Solitude et destin)
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En florĂ©al, cet Ă©norme buisson, libre derriĂšre sa grille et dans ses quatre murs, entrait en rut dans le sourd travail de la germination universelle, tressaillait au soleil levant presque comme une bĂȘte qui aspire les effluves de lâamour cosmique et qui sent la sĂšve dâavril monter et bouillonner dans ses veines, et, secouant au vent sa prodigieuse chevelure verte, semait sur la terre humide, sur les statues frustes, sur le perron croulant du pavillon et jusque sur le pavĂ© de la rue dĂ©serte, les fleurs en Ă©toiles, la rosĂ©e en perles, la fĂ©conditĂ©, la beautĂ©, la vie, la joie, les parfums. Ă midi mille papillons blancs sây rĂ©fugiaient, et câĂ©tait un spectacle divin de voir lĂ tourbillonner en flocons dans lâombre cette neige vivante de lâĂ©tĂ©. LĂ , dans ces gaies tĂ©nĂšbres de la verdure, une foule de voix innocentes parlaient doucement Ă lâĂąme, et ce que les gazouillements avaient oubliĂ© de dire, les bourdonnements le complĂ©taient. Le soir une vapeur de rĂȘverie se dĂ©gageait du jardin et lâenveloppait ; un linceul de brume, une tristesse cĂ©leste et calme, le couvraient ; lâodeur si enivrante des chĂšvrefeuilles et des liserons en sortait de toute part comme un poison exquis et subtil ; on entendait les derniers appels des grimpereaux et des bergeronnettes sâassoupissant sous les branchages ; on y sentait cette intimitĂ© sacrĂ©e de lâoiseau et de lâarbre ; le jour les ailes rĂ©jouissent les feuilles, la nuit les feuilles protĂ©gent les ailes.
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Victor Hugo (Les Misérables)
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Quâun galop rapide, coursiers aux pieds brĂ»lants, vous emporte vers le palais du Soleil: de son fouet, un conducteur tel que PhaĂ©ton vous aurait prĂ©cipitĂ©s vers le couchant et aurait ramenĂ© la sombre Nuit. Ătends ton Ă©pais rideau. Nuit qui couronne lâamour; ferme les yeux errants, et que RomĂ©o puisse voler dans mes bras sans quâon le dise et sans quâon le voie. La lumiĂšre de leurs mutuelles beautĂ©s suffit aux amants pour accomplir leurs amoureux mystĂšres; ou si lâAmour est aveugle, il ne sâen accorde que mieux avec la Nuit. Viens, Nuit obligeante, matrone aux vĂȘtements modestes, tout en noir, apprends-moi Ă perdre au jeu de qui perd gagne, oĂč lâenjeu est deux virginitĂ©s sans tache; couvre de ton obscur manteau mes joues oĂč se rĂ©volte mon sang effarouchĂ©, jusquâĂ ce que mon craintif amour, devenu plus hardi dans lâĂ©preuve dâun amour fidĂšle, nây voie plus quâun chaste devoir.âViens, ĂŽ Nuit; viens, RomĂ©o; viens, toi qui es le jour au milieu de la nuit; car sur les ailes de la nuit tu arriveras plus Ă©clatant que nâest sur les plumes du corbeau la neige nouvellement tombĂ©e. Viens, douce nuit; viens, nuit amoureuse, le front couvert de tĂ©nĂšbres: donne-moi mon RomĂ©o; et quand il aura cessĂ© de vivre, reprends-le, et, partage-le en petites Ă©toiles, il rendra la face des cieux si belle, que le monde deviendra amoureux de la nuit et renoncera au culte du soleil indiscret. Oh! jâai achetĂ© une demeure dâamour, mais je nâen suis pas encore en possession, et celui qui mâa acquise nâest pas encore en jouissance. Ce jour est aussi ennuyeux que la veille dâune fĂȘte pour lâenfant qui a une robe neuve et qui ne peut encore la mettre.
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William Shakespeare (Romeo and Juliet)
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JEANNE ENDORMIE. -- I LA SIESTE Elle fait au milieu du jour son petit somme; Car l'enfant a besoin du rĂȘve plus que l'homme, Cette terre est si laide alors qu'on vient du ciel ! L'enfant cherche Ă revoir ChĂ©rubin, Ariel, Ses camarades, Puck, Titania, les fĂ©es, Et ses mains quand il dort sont par Dieu rĂ©chauffĂ©es. Oh ! comme nous serions surpris si nous voyions, Au fond de ce sommeil sacrĂ©, plein de rayons, Ces paradis ouverts dans l'ombre, et ces passages D'Ă©toiles qui font signe aux enfants d'ĂȘtre sages, Ces apparitions, ces Ă©blouissements ! Donc, Ă l'heure oĂč les feux du soleil sont calmants, Quand toute la nature Ă©coute et se recueille, Vers midi, quand les nids se taisent, quand la feuille La plus tremblante oublie un instant de frĂ©mir, Jeanne a cette habitude aimable de dormir; Et la mĂšre un moment respire et se repose, Car on se lasse, mĂȘme Ă servir une rose. Ses beaux petits pieds nus dont le pas est peu sĂ»r Dorment; et son berceau, qu'entoure un vague azur Ainsi qu'une aurĂ©ole entoure une immortelle, Semble un nuage fait avec de la dentelle; On croit, en la voyant dans ce frais berceau-lĂ , Voir une lueur rose au fond d'un falbala; On la contemple, on rit, on sent fuir la tristesse, Et c'est un astre, ayant de plus la petitesse; L'ombre, amoureuse d'elle, a l'air de l'adorer; Le vent retient son souffle et n'ose respirer. Soudain, dans l'humble et chaste alcĂŽve maternelle, Versant tout le matin qu'elle a dans sa prunelle, Elle ouvre la paupiĂšre, Ă©tend un bras charmant, Agite un pied, puis l'autre, et, si divinement Que des fronts dans l'azur se penchent pour l'entendre, Elle gazouille...-Alors, de sa voix la plus tendre, Couvrant des yeux l'enfant que Dieu fait rayonner, Cherchant le plus doux nom qu'elle puisse donner Ă sa joie, Ă son ange en fleur, Ă sa chimĂšre: -Te voilĂ rĂ©veillĂ©e, horreur ! lui dit sa mĂšre.
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Victor Hugo (L'Art d'ĂȘtre grand-pĂšre)
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Ses visites Ă©taient la grande distraction de ma tante LĂ©onie qui ne recevait plus guĂšre personne dâautre, en dehors de M. le CurĂ©. Ma tante avait peu Ă peu Ă©vincĂ© tous les autres visiteurs parce quâils avaient le tort Ă ses yeux de rentrer tous dans lâune ou lâautre des deux catĂ©gories de gens quâelle dĂ©testait. Les uns, les pires et dont elle sâĂ©tait dĂ©barrassĂ©e les premiers, Ă©taient ceux qui lui conseillaient de ne pas « sâĂ©couter » et professaient, fĂ»t-ce nĂ©gativement et en ne la manifestant que par certains silences de dĂ©sapprobation ou par certains sourires de doute, la doctrine subversive quâune petite promenade au soleil et un bon bifteck saignant (quand elle gardait quatorze heures sur lâestomac deux mĂ©chantes gorgĂ©es dâeau de Vichy !) lui feraient plus de bien que son lit et ses mĂ©decines. Lâautre catĂ©gorie se composait des personnes qui avaient lâair de croire quâelle Ă©tait plus gravement malade quâelle ne pensait, quâelle Ă©tait aussi gravement malade quâelle le disait. Aussi, ceux quâelle avait laissĂ© monter aprĂšs quelques hĂ©sitations et sur les officieuses instances de Françoise et qui, au cours de leur visite, avaient montrĂ© combien ils Ă©taient indignes de la faveur quâon leur faisait en risquant timidement un : « Ne croyez-vous pas que si vous vous secouiez un peu par un beau temps », ou qui, au contraire, quand elle leur avait dit : « Je suis bien bas, bien bas, câest la fin, mes pauvres amis », lui avaient rĂ©pondu : « Ah ! quand on nâa pas la santĂ© ! Mais vous pouvez durer encore comme ça », ceux-lĂ , les uns comme les autres, Ă©taient sĂ»rs de ne plus jamais ĂȘtre reçus. Et si Françoise sâamusait de lâair Ă©pouvantĂ© de ma tante quand de son lit elle avait aperçu dans la rue du Saint-Esprit une de ces personnes qui avait lâair de venir chez elle ou quand elle avait entendu un coup de sonnette, elle riait encore bien plus, et comme dâun bon tour, des ruses toujours victorieuses de ma tante pour arriver Ă les faire congĂ©dier et de leur mine dĂ©confite en sâen retournant sans lâavoir vue, et, au fond admirait sa maĂźtresse quâelle jugeait supĂ©rieure Ă tous ces gens puisquâelle ne voulait pas les recevoir. En somme, ma tante exigeait Ă la fois quâon lâapprouvĂąt dans son rĂ©gime, quâon la plaignĂźt pour ses souffrances et quâon la rassurĂąt sur son avenir.
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Marcel Proust (Swannâs Way (In Search of Lost Time, #1))