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Or quel est le résultat de cette conduite, si rapidement résumée ? Le voici, indubitablement. L’homme, simple et confiant tout d’abord, n’est pas éternellement dupe. Les sophismes, dont il fut le crédule approbateur, les erreurs dont ensuite il fut la facile victime, lui font de l’expérience, et lui inspirent, avec la réflexion, une défiance salutaire. Ainsi, ce sont ceux-là mêmes, qui le trompèrent, qui lui apprennent à ne plus se tromper. Donc, l’homme qui a compris qu’il avait été abusé de lui, pour le conduire dans une voie qui n’était pas celle de l’humanité, mais celle seulement de quelques individus ou de quelques groupes, retire sa confiance et son estime à ceux qui l’ont guidé, et prend le ferme propos de se guider lui-même ou de se faire guider par d’autres. Mais, comme il n’arrive à cette clairvoyance et à cette résolution qu’au moment où ceux qui l’ont abusé sont devenus ses maîtres, il n’a de recours que dans l’intrigue, la révolte, la révolution ; et, malgré l’éducation qui lui fit une fausse nature, la première nature réclame à la fin si impérieusement, qu’il se résigne à user de violence ou de ruse pour récupérer sa normalité. Et ainsi, combattant son vainqueur avec ses propres armes, il forme de nouveaux groupes occultes, à l’image des premiers, mais qui ne valent pas davantage pour le but auquel il tend, et n’atteindra vraisemblablement jamais. Là est la cause, le secret et le mécanisme de la maladive instabilité ethnique, économique et politique de l’Occident.
Le résultat obtenu par les sociétés secrètes orientales est tout contraire. Eclairé
constamment, sans avoir été contraint à une obligation réciproque quelconque, sur sa voie et l’intérêt général et continu qu’il a à s’y conformer, l’homme de race jaune, par l’action de la société secrète, qui est la quintessence ethnique de cette race, atteint à la fois la connaissance de son avantage et le pouvoir de se le procurer. Non pas par gratitude, mais par la conviction qu’il se sert lui-même, il est porté à appeler à côté de lui les groupes grâce auxquels il occupe une si solide et bénéfique situation ; et tout naturellement, il provoque et utilise, dans. la tranquillité de la paix et de la puissance, les conseils de ceux qui lui ont fait obtenir la paix et la puissance. Ce que les sociétés secrètes n’ont point cherché, elles le trouvent dès lors avec d’autant plus de certitude que précisément elles ne l’ont pas cherché : l’« influence », ou l’exercice du pouvoir sans le titre, c’est-à-dire sans les inconvénients attachés au pouvoir, l’envie, l’inquiétude et l’ambition. Et, dans cet état social, il n’y a point de mécontents, parce que chacun est suffisamment heureux suivant sa condition ; et chacun est heureux parce que tout le monde est à sa place, dans l’État comme dans l’univers.
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