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Nous savons aujourd'hui que les peuples qualifiés de "primitifs", ignorant l'agriculture et l'élevage, ou ne pratiquant qu'une agriculture rudimentaire, parfois sans connaissance de la poterie et du tissage, vivant principalement de chasse et de pêche, de cueillette et de ramassage des produits sauvages, ne sont pas tenaillés par la crainte de mourir de faim et l'angoisse de ne pouvoir survivre dans un milieu hostile.
Leur petit effectif démographique, leur connaissance prodigieuse des ressources naturelles leur permettent de vivre dans ce que nous hésiterions sans doute à nommer l'abondance. Et pourtant -des études minutieuses l'ont montré en Australie, en Amérique du Sud, en Mélanésie et en Afrique-, de deux à quatre heures de travail quotidien suffisent amplement à leurs membres actifs pour assurer la subsistance de toutes les familles, y compris les enfants et les vieillards qui ne participent pas encore ou ne participent plus à la production alimentaire. Quelle différence avec le temps que nos contemporains passent à l'usine ou au bureau !
Il serait donc faux de croire ces peuples esclaves des impératifs du milieu. Bien au contraire, ils jouissent vis-à-vis du milieu d'une plus grande indépendance que les cultivateurs et les éleveurs. Ils disposent de plus de loisirs qui leur permettent de faire une large place à l'imaginaire, d'interposer entre eux et le monde extérieur, comme des coussins amortisseurs, des croyances, des rêveries, des rites, en un mot toutes ces formes d'activité que nous appellerions religieuse et artistique.
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