Eu Ets Quotes

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Dans la vie,j`ai eu le choix entre l`amour,la drogue et la mort.J`ai choisi les deux premĂšires et c`est la troisiĂšme qui m`a choisi
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Jim Morrison
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J'ai eu du mal Ă  te laisser partir, et aujourd'hui, penser Ă  toi me fait souffrir. Je ne suis pas comme toi, je ne peux pas tout oublier et recommencer une nouvelle fois.
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Mouloud Benzadi
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Crois-moi, il n'y a pas de grande douleur, pas de grands repentirs, de grands souvenirs. Tout s'oublie mĂȘme les grandes amours. C'est ce qu'il y a de triste et d'exaltant Ă  la fois dans la vie. Il y a seulement une certaine façon de voir les choses et elle surgit de temps en temps. C'est pour ça qu'il est bon quand mĂȘme d'avoir eu un grand amour, une passion malheureuse dans sa vie. Ça fait du moins un alibi pour les dĂ©sespoirs sans raison dont nous sommes accablĂ©s.
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Albert Camus (A Happy Death)
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Avec l'amour maternel, la vie vous fait, Ă  l'aube, une promesse qu'elle ne tient jamais. Chaque fois qu'une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son coeur, ce ne sont plus que des condolĂ©ances. On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mĂšre comme un chien abandonnĂ©. Jamais plus, jamais plus, jamais plus. Des bras adorables se referment autour de votre cou et des lĂšvres trĂšs douces vous parlent d'amour, mais vous ĂȘtes au courant. Vous ĂȘtes passĂ© Ă  la source trĂšs tĂŽt et vous avez tout bu. Lorsque la soif vous reprend, vous avez beau vous jeter de tous cĂŽtĂ©s, il n'y a plus de puits, il n'y a que des mirages. Vous avez fait, dĂšs la premiĂšre lueur de l'aube, une Ă©tude trĂšs serrĂ©e de l'amour et vous avez sur vous de la documentation. Je ne dis pas qu'il faille empĂȘcher les mĂšres d'aimer leurs petits. Je dis simplement qu'il vaut mieux que les mĂšres aient encore quelqu'un d'autre Ă  aimer. Si ma mĂšre avait eu un amant, je n'aurais pas passĂ© ma vie Ă  mourir de soif auprĂšs de chaque fontaine. Malheureusement pour moi, je me connais en vrais diamants.
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Romain Gary (Promise at Dawn)
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On s'ennuie de tout, mon ange, c'est une loi de la nature; ce n'est pas ma faute. Si donc, je m'ennuie aujourd'hui d'une aventure qui m'a occupĂ© entiĂšrement depuis quatre mortels mois, ce n'est pas ma faute. Si, par exemple, j'ai eu juste autant d'amour que toi de vertu, et c'est surement beaucoup dire, il n'est pas Ă©tonnant que l'un ait fini en mĂȘme temps que l'autre. Ce n'est pas ma faute. Il suit de lĂ , que depuis quelque temps je t'ai trompĂ©e: mais aussi ton impitoyable tendresse m'y forçait en quelque sorte! Ce n'est pas ma faute. Aujourd'hui, une femme que j'aime Ă©perdument exige que je te sacrifie. Ce n'est pas ma faute. Je sens bien que voilĂ  une belle occasion de crier au parjure: mais si la Nature n'a accordĂ© aux hommes que la constance, tandis qu'elle donnait aux femmes l'obstination, ce n'est pas ma faute. Crois-moi, choisis un autre amant, comme j'ai fait une maĂźtresse. Ce conseil est bon, trĂšs bon; si tu le trouve mauvais, ce n'est pas ma faute. Adieu, mon ange, je t'ai prise avec plaisir, je te quitte sans regrets: je te reviendrai peut-ĂȘtre. Ainsi va le monde. Ce n'est pas ma faute.
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Pierre Choderlos de Laclos (Les liaisons dangereuses)
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Tout le monde voulait ĂȘtre dans le coup ce jour-lĂ . Car, ce jour-lĂ , on allait Ă©crire l'Histoire avec un grand H. Il y avait eu un ghetto Ă  Cracovie pendant plus de sept siĂšcles, et voici qu'Ă  la fin de la journĂ©e, ou au plus tard le lendemein, ces sept siĂšcles ne seraient plus qu'une rumeur, et Cracovie serait enfin fiduciare (dĂ©barrassĂ©e des juifs).
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Thomas Keneally (Schindler’s List)
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À partir de lĂ , le dialogue de la journĂ©e suivait une pente uniformĂ©ment descendante, mais avec des lĂšvres et des mains chaleureuses et languides flottant sur les surface les plus sensibles du corps, le monde Ă©tait aussi prĂšs que possible de la perfection. Freud appelait cela un Ă©tat de perversitĂ© polymorphe impersonnel et le regardait d'un mauvais oeil, mais je doute fort qu'il ait jamais eu les mains de Lil lui frĂŽlant le corps. Ou mĂȘme celles de sa propre femme dans le mĂȘme rĂŽle. Freud Ă©tait un bien grand homme, mais je n'arrive pas Ă  me faire Ă  l'idĂ©e que quelqu'un lui ait jamais efficacement flattĂ© le pĂ©nis.
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Luke Rhinehart (The Dice Man)
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Je suis furieuse contre une sociĂ©tĂ© qui m'a Ă©duquĂ©e sans jamais m'apprendre Ă  blesser un homme s'il m'Ă©carte les cuisses de forces, alors que cette mĂȘme sociĂ©tĂ© m'a inculquĂ© l'idĂ©e que c'Ă©tait un crime dont je ne devais pas me remettre. Et je suis surtout folle de rage qu'en face de trois hommes, une carabine et piĂ©gĂ©e dans une forĂȘt dont on ne peut s'Ă©chapper en courant, je me sente encore aujourd'hui coupable de ne pas avoir eu le courage de nous dĂ©fendre avec un petit couteau.
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Virginie Despentes (King Kong théorie)
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Urmñndu-ƣi aƟadar sfatul, m-am străduit să-l pun ün aplicare. Contemplñnd lumina, culorile, copacii, păsările, animalele. Simƣeam cum aerul ümi pătrunde ün nări făcñndu-mă să respir. Vocile de pe culoar veneau spre mine ca din bolta unei catedrale. Iar eu eram viu. Fremătam de o bucurie necuprinsă Ɵi pură. Aceea de a exista. O bucurie care mă fermeca.
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Éric-Emmanuel Schmitt (Oscar et la dame rose)
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C'est bon d'avoir eu un copain. [...] On a toujours l'espoir qu'on restera copains, et que les moments passés ensemble ne seront pas effacés par de nouveaux souvenirs avec un autre.
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Didier van Cauwelaert (Un aller simple)
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Ewilan, lorsqu'elle a dessinĂ© le sabre d'Edwin, a eu la bonne idĂ©e de le lui placer entre les mains et non de le ficher dans un rocher jusqu'Ă  la garde. C'est peut-ĂȘtre moins romantique, mais sacrĂ©ment plus pratique.
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Pierre Bottero (Les FrontiĂšres de glace (La QuĂȘte d'Ewilan, #2))
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Mais surtout, nous ne retrouverons pas ce qui nous a poussés l'un vers l'autre, un jour. Cette urgence trÚs pure. Ce moment unique. Il y a eu des circonstances, une conjonction de hasards, une somme de coïncidences, une simultanéité de désirs, quelque chose dans l'air, quelque chose aussi qui tenait à l'époque, à l'endroit, et ça a formé un moment, et ça a provoqué la rencontre, mais tout s'est distendu, tout est reparti dans des directions différentes, tout a éclaté, à la maniÚre d'un feu d'artifice dont les fusées explosent au ciel nocturne dans tous les sens et dont les éclats retombent en pluie, et meurent à mesure qu'ils chutent et disparaissent avant de pouvoir toucher le sol, pour que ça ne brûle personne, pour que ça ne blesse personne, et le moment est terminé, mort, il ne reviendra pas  ; c'est cela qui nous est arrivé.
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Philippe Besson (" ArrĂȘte avec tes mensonges ")
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Je te vois, rose, livre entrebĂąillĂ©, qui contient tant de pages de bonheur dĂ©taillĂ© qu'on ne lira jamais. Livre-mage, qui s'ouvre au vent et qui peut ĂȘtre lu les yeux fermĂ©s ..., dont les papillons sortent confus d'avoir eu les mĂȘmes idĂ©es.
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Rainer Maria Rilke (The Complete French Poems of Rainer Maria Rilke)
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Il est probablement impossible, pour des gens ayant vécu et prospéré dans un systÚme social donné, d'imaginer le point de vue de ceux qui, n'ayant jamais rien eu à attendre de ce systÚme, envisagent sa destruction sans frayeur particuliÚre.
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Michel Houellebecq (Soumission)
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S'il avait eu le Pérou dans sa poche, certainement il l'eût donné à la danseuse ; mais Gringoire n'avait pas le Pérou, et d'ailleurs l'Amérique n'était pas encore découverte.
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Victor Hugo (Notre-Dame de Paris: Tome 1)
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Les escarmouches avec les thĂ©ologiens avaient eu leur charme, mais il savait fort bien qu'il n'existe aucun accommodement durable entre ceux qui cherchent, pĂšsent, dissĂšquent, et s'honorent d'ĂȘtre capables de penser demain autrement qu'aujourd'hui, et ceux qui croient ou affirment croire, et obligent sous peine de mort leurs semblables Ă  en faire autant. (L'acte d'accusation)
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Marguerite Yourcenar (L'ƒuvre au noir)
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En tant qu'Ă©crivain, j'ai toujours eu horreur de certaines complaisances ; en tant qu'homme, je crois que les aspects repoussants de notre condition, s'ils sont inĂ©vitables, doivent ĂȘtre seulement affrontĂ©s en silence. Mais lorsque le silence, ou les ruses du langage, contribuent Ă  Maintenir un abus qui doit ĂȘtre rĂ©formĂ© ou un malheur qui peut ĂȘtre soulagĂ©, il n'y a pas d'autre solution que de parler clair et de montrer l'obscĂ©nitĂ© qui se cache sous le manteau des mots.
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Albert Camus (Reflections on the Guillotine)
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Il y a donc de "bons" et de "mauvais" romans. Le plus souvent, ce sont les seconds que nous trouvons d'abord sur notre route. Et ma foi, quand ce fut mon tour d'y passer, j'ai le souvenir d'avoir trouvé ça "vachement bien". J'ai eu beaucoup de chance : on ne s'est pas moqué de moi, on n'a pas levé les yeux au ciel, on ne m'a pas traité de crétin. On a juste laissé traßner sur mon passage quelques "bons" romans en se gardant bien de m'interdire les autres. C'était la sagesse. (p. 182)
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Daniel Pennac (Comme un roman)
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Ce le reproƟezi tu de fapt, Oscar? – Le e frică de mine, Tanti Roz. N-au curajul să-mi vorbească. ƞi cu cñt le e lor mai frică, cu atñt am Ɵi eu impresia că sunt un mosntru. De ce par atñt de terorizaƣi?
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Éric-Emmanuel Schmitt (Oscar et la dame rose)
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Je sais pourtant que si on s'Ă©tait embrassĂ©s, je serais reparti le cƓur content, me foutant de la pluie ou du beau temps, puisque je comptais un peu pour toi. Je sais que ce baiser m'aurait accompagnĂ© partout et pendant longtemps, comme un souvenir radieux auquel me raccrocher dans les moments de solitude. Mais aprĂšs tout, certains disent que les plus belles histoires d'amour sont celles qu'on n'a pas eu le temps de vivre. Peut-ĂȘtre alors que les baisers qu'on ne reçoit pas sont aussi les plus intenses.
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Guillaume Musso (Que serais-je sans toi?)
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Ce sont eux [les hommes] qui ont toujours tenu le sort de la femme entre leurs mains; et ils n'en ont pas dĂ©cidĂ© en fonction de son intĂ©rĂȘt; c'est Ă  leurs propres projets, Ă  leurs craintes, Ă  leurs besoins qu'il-ont eu rĂ©gard.
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Simone de Beauvoir (Le deuxiĂšme sexe, I)
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Il y a eu dans le monde autant de pestes que de guerres. Et pourtant pestes et guerres trouvent les gens toujours aussi dépourvus. (There have been as many plagues as wars in history; yet always plagues and wars take people equally by surprise.)
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Albert Camus
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Contrairement Ă  la plupart des hommes un peu rĂ©flĂ©chis, je n'ai pas plus l'habitude du mĂ©pris de soi que de l'amour-propre ; je sens trop que chaque acte est complet, nĂ©cessaire et inĂ©vitable, bien qu'imprĂ©vu Ă  la minute qui prĂ©cĂšde, et dĂ©passĂ© Ă  la minute qui suit. Pris dans une sĂ©rie de dĂ©cisions toutes dĂ©finitives, pas plus qu'un animal, je n'avais eu le temps d'ĂȘtre un problĂšme Ă  mes propres yeux. (p. 158-159)
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Marguerite Yourcenar (Alexis ou le Traité du vain combat / Le Coup de grùce)
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Quand la mort nous regarde calmement dans les yeux, nous nous rendons compte qu'il y a eu dans notre vie quelques heures, de soleil ou de nuit, quelques visages auxquels nous revenons sans cesse, et qu'en fait ce qui nous rendait vivants, c'est les simple espoir de les retrouver...
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AndreĂŻ Makine (L'Amour humain)
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J'avais eu peur en effet de mourir dans les geÎles colonialistes sans laisser à l'Algérie, à mes frÚres musulmans, une technique de renaissance, tant je les voyais sacrifier leurs meilleurs moyens et le meilleur de leur temps à des futilités. On verra comment le "patrimoine" algérien m'en récompensera.
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Malek Bennabi Ù…Ű§Ù„Ùƒ ŰšÙ† Ù†ŰšÙŠ
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– Întrebam Ɵi eu, nu-i nevoie să faceƣi mutra asta, domnule doctor. De altfel, dacă e să fim sinceri, ƣin să vă spun că, din partea mea, am fost cñt se poate de corect ün ce priveƟte medicamentele, iar dumneavoastră de asemenea ün privinƣa bolii. AƟa că terminaƣi odată cu aerul ăsta de vinovăƣie. Nu e vina dumneavoastră dacă trebuie să daƣi veƟti neplăcute oamenilor anunƣñndu-i că suferă de tot felul de boli incurabile cu nume latineƟti. Destindeƣi-vă niƣel, relaxaƣi-vă, ce naiba, că doar nu dumneavoastră sunteƣi Dumnezeu Tatăl. Nu sunteƣi dumneavoastră cel care comandă naturii.Dumneavoastră nu sunteƣi decñt un reparator. Nu mai fiƣi aƟa üncordat, domnule doctor, ce naiba, nu vă mai daƣi atñta importanƣă, altminteri nu veƣi putea continua multă vreme meseria asta. Uitaƣi-vă numai un pic ce mutră faceƣi!
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Éric-Emmanuel Schmitt (Oscar et la dame rose)
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On peut s’expliquer facilement par lĂ  un fait que nous avons eu frĂ©quemment l’occasion de constater en ce qui concerne les gens dits « cultivĂ©s » ; on sait ce qui est entendu communĂ©ment par ce mot : il ne s’agit mĂȘme pas lĂ  d’une instruction tant soit peu solide, si limitĂ©e et si infĂ©rieure qu’en soit la portĂ©e, mais d’une « teinture » superficielle de toute sorte de choses, d’une Ă©ducation surtout « littĂ©raire », en tout cas purement livresque et verbale, permettant de parler avec assurance de tout, y compris ce qu’on ignore le plus complĂštement, et susceptible de faire illusion Ă  ceux qui, sĂ©duits par ces brillantes apparences, ne s’aperçoivent pas qu’elles ne recouvrent que le nĂ©ant.
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René Guénon (Perspectives on Initiation)
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Joseph Voilà c'que c'est, mon vieux Joseph Que d'avoir pris la plus jolie Parmi les filles de Galilée Celle qu'on appelait Marie Tu aurais pu, mon vieux Joseph Prendre Sarah ou Déborah Et rien ne serait arrivé Mais tu as préféré Marie Tu aurais pu, mon vieux Joseph Rester chez toi, tailler ton bois PlutÎt que d'aller t'exiler Et te cacher avec Marie Tu aurais pu, mon vieux Joseph Faire des petits avec Marie Et leur apprendre ton métier Comme ton pÚre te l'avait appris Pourquoi a-t-il fallu, Joseph Que ton enfant, cet innocent Ait eu ces étranges idées Qui ont tant fait pleurer Marie Parfois je pense à toi, Joseph Mon pauvre ami, lorsque l'on rit De toi qui n'avais demandé Qu'à vivre heureux avec Marie
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Georges Moustaki
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Avec monsieur Ibrahim, je me rendais compte que les juifs, les musulmans et mĂȘme les chrĂ©tiens, ils avaient eu plein de grands hommes en commun avant de se taper sur la gueule.
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Éric-Emmanuel Schmitt (Éric-Emmanuel Schmitt, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran)
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- Les circonstances étant ce qu'elles sont, je n'ai jamais eu l'opportunité de tomber amoureux. Et vous ? - Moi, si.
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Kiera Cass (The Selection (The Selection, #1))
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J'ai eu l'impression qu'ils étaient comme les piÚces d'un puzzle, vos romans, il suffisait d'assembler et ça formait une image compréhensible.
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Philippe Besson (« ArrĂȘte avec tes mensonges »)
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La tournĂ©e terminĂ©e, Tom et Roger pensĂšrent qu'aprĂšs le succĂšs de I Shot The Sheriff, ce serait bien de descendre dans les CaraĂŻbes pour continuer sur le thĂšme du reggae. Ils organisĂšrent un voyage en JamaĂŻque, oĂč ils jugeaient qu'on pourrait fouiner un peu et puiser dans l'influence roots avant d'enregistrer. Tom croyait fermement au bienfait d'exploiter cette source, et je n'avais rien contre puisque ça voulait dire que Pattie et moi aurions une sorte de lune de miel. Kingston Ă©tait une ville oĂč il Ă©tait fantastique de travailler. On entendant de la musique partout oĂč on allait. Tout le monde chantait tout le temps, mĂȘme les femmes de mĂ©nage Ă  l'hotel. Ce rythme me rentrait vraiment dans le sang, mais enregistrer avec les JamaĂŻcains Ă©tait une autre paire de manches. Je ne pouvais vraiment pas tenir le rythme de leur consommation de ganja, qui Ă©tait Ă©norme. Si j'avais essayĂ© de fumer autant ou aussi souvent, je serais tombĂ© dans les pommes ou j'aurais eu des hallucinations. On travaillait aux Dynamic Sound Studios Ă  Kingston. Des gens y entraient et sortaient sans arrĂȘt, tirant sur d'Ă©normes joints en forme de trompette, au point qu'il y avait tant de fumĂ©e dans la salle que je ne voyais pas qui Ă©tait lĂ  ou pas. On composait deux chansons avec Peter Tosh qui, affalĂ© sur une chaise, avait l'air inconscient la plupart du temps. Puis, soudain, il se levait et interprĂ©tait brillamment son rythme reggae Ă  la pĂ©dale wah-wah, le temps d'une piste, puis retombait dans sa transe Ă  la seconde oĂč on s'arrĂȘtait.
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Eric Clapton (The Autobiography)
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Accepter que tel ou tel ĂȘtre, que nous aimions, soit mort. Accepter que tel et tel, vivants, aient eu leurs faiblesses, leurs bassesses, leurs erreurs, que nous essayons vainement de recourvrir de pieux mensonges, un peu par respect et par pitiĂ© pour eux, beaucoup par pitiĂ© pour nous-mĂȘmes, et pour la vaine gloire d’avoir aimĂ© seulement la perfection, l’intelligence ou la beautĂ©. Accepter qu’ils soient morts avant leur temps, parce qu’il n’y a pas de temps. Accepter de les oublier, puisque l’oubli fait partie de l’ordre des choses. Accepter de s’en souvenir, puisqu’en secret la mĂ©moire se cĂąche au fond de l’oubli. Accepter mĂȘme, mais en se promettant de faire mieux la prochaine fois, et Ă  la prochaine rencontre, de les avoir maladroitement ou mĂ©diocrement aimĂ©s.
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Marguerite Yourcenar (Pellegrina e straniera)
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[...] cette annĂ©e, l'anecdote amusante, il y a eu ce lecteur Ă©merveillĂ© qui est venu me couvrir d'Ă©loges parce qu'il me confondait avec mon oncle! L'illustre historien et penseur. Je n'ai pas eu le cƓur de lui dire qu'il se trompait de bonhomme. Il est reparti Ă©bloui d'avoir pu bavarder quelque instants avec le grand homme [...] - Chronique Medi1 Radio - "Le Maghreb des Livres" 09/02/2015
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Fouad Laroui
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En fait, au XVÚme siÚcle, en Transylvanie, pendant la guerre contre les Ottomans, j'ai vraiment rencontré Vlad l'Empaleur, qui a inspiré le personnage mythique de Dracula, et qui n'a jamais eu les terribles canines que la légende lui attribue. Au contraire, une visite chez le dentiste lui aurait fait le plus grand bien : il avait les dents pourries, et une haleine des plus fétides. Et ce n'était pas un vampire, tout juste un catholique fanatique, doté d'un penchant fétichiste pour la décapitation, qui m'avait proposé une promenade dans sa calÚche. J'ai le chic pour attirer les hommes qui sortent de l'ordinaire.
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Christopher Pike
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Il y a des couples heureux, des moitiés qui se respectent mutuellement. D'ailleurs, j'ai eu beau ne pas me séparer de ma femme et souffrir de ses empiétements, sur divers plans je me suis toujours conduit comme un célibataire.
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Marcel Jouhandeau
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Et en fait tout homme qui a eu de vraies amours, de vraies rĂ©voltes, de vrais dĂ©sirs, de vraies volontĂ©s, sait bien qu'il n'a besoin d'aucune garantie Ă©trangĂšre por ĂȘtre sĂ»r de ses buts; leur certitude vient de son propre Ă©lan.
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Simone de Beauvoir (Pour Une Morale de L'Ambiguite / Pyrrhus Et Cineas)
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Le bonheur le porta Ă  une hauteur de pensĂ©es assez Ă©trangĂšre Ă  son caractĂšre; il considĂ©rait les Ă©vĂ©nements de la vie lui, si jeune, comme si dĂ©jĂ  il fĂ»t arrivĂ© Ă  sa derniĂšre limite."Il faut en convenir, depuis mon arrivĂ©e Ă  Parme, se dit-il enfin aprĂšs plusieurs heures de rĂȘveries dĂ©licieuses, je n'ai point eu de joie tranquille et parfaite, comme celle que je trouvais Ă  Naples en galopant dans les chemins de Vomero ou en courant les rives de MisĂšne. Tous
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Stendhal (The Charterhouse of Parma)
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C'est indéniable, il y a eu des horreursà l'époque florissante de l'art médiéval, mais elles étaient dues à la destruction de marchandises, et non, comme aujourd'hui, à leur fabrication : c'était la guerre et la dévastation qui affligeaient l'oeil de l'artiste à cette époque, le villes mises à sac, les villages brûlés et les champs saccagés. Les ruines portent sur elles les stigmates de leur laideur ; aujourd'hui, c'est la prospérité qui affiche sa hideur.
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William Morris
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On me dit qu'il fallait une rĂ©vĂ©lation pour apprendre aux hommes la maniĂšre dont Dieu voulait ĂȘtre servi ; on assigne en preuve la diversitĂ© des cultes bizarres qu'ils ont instituĂ©s, et l'on ne voit pas que cette diversitĂ© mĂȘme vient de la fantaisie des rĂ©vĂ©lations. DĂšs que les peuples se sont avisĂ©s de faire parler Dieu, chacun l'a fait parler Ă  sa mode et lui a fait dire ce qu'il a voulu. Si l'on n'eĂ»t Ă©coutĂ© que ce que Dieu dit au coeur de l'homme, il n'y aurait jamais eu qu'une religion sur la terre.
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Jean-Jacques Rousseau (Emile, or On Education)
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Voici les idĂ©es de cette gĂ©nĂ©ration qui avait connu dans son enfance les privations de la guerre, qui avait eu vingt ans Ă  la LibĂ©ration; voici le monde qu'ils souhaitaient lĂ©guer Ă  leurs enfants. La femme reste Ă  la maison et tient son mĂ©nage (mais elle est trĂšs aidĂ©e par les appareils Ă©lectromĂ©nagers; elle a beaucoup de temps Ă  consacrer Ă  sa famille). L'homme travaille Ă  l'extĂ©rieur (mais la robotisation fait qu'il travaille moins longtemps, et que son travail est moins dur). Les couples sont fidĂšles et heureux; ils vivent dans des maisons agrĂ©ables en dehors des villes (les banlieues). Pendant leurs moments de loisir ils s'adonnent Ă  l'artisanat, au jardinage, aux beaux-arts. À moins qu'ils ne prĂ©fĂšrent voyager, dĂ©couvrir les modes de vie et les cultures d'autres rĂ©gions, d'autres pays.
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Michel Houellebecq (The Elementary Particles)
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C'est juillet, elle Ă©touffe. Moiteur et solitude engluent jusqu'Ă  ses bronches. Elle aimerait en toussant expulser une grenouille, une rainette maculĂ©e chagrin couleur mucus. Que ferait-elle du batracien, c'est une nouvelle question. Un baiser pour quoi faire, embrasse-t-on son chagrin, sous la couronne quels maux s'accordent au petit pois dans La Belle et la BĂȘte le miroir ne ment pas. Le crapaud, l’équarrir, puis dĂ©guster gros sel. S'intoxiquer pĂȘle-mĂȘle gastrique chakras aura, c'est juillet elle suffoque, l'Épreuve a toujours eu l'haleine du datura." (p23)
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Chloé Delaume (Une femme avec personne dedans)
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Ce matin, Marie est restée et je lui ai dit que nous déjeunerions ensemble. Je suis descendu pour acheter de la viande. En remontant, j'ai entendu une voix de femme dans la chambre de Raymond. Un peu aprÚs, le vieux Salamano a grondé son chien, nous avons entendu un bruit de semelles et de griffes sur les marches en bois de l'escalier et puis : « Salaud, charogne », ils sont sortis dans la rue. J'ai raconté à Marie l'histoire du vieux et elle a ri. Elle avait un de mes pyjamas dont elle avait retroussé les manches. Quand elle a ri, j'ai eu encore envie d'elle. Un moment aprÚs, elle m'a demandé si je l'aimais. Je lui ai ré-pondu que cela ne voulait rien dire, mais qu'il me semblait que non. Elle a eu l'air triste. Mais en préparant le déjeuner, et à propos de rien, elle a encore ri de telle façon que je l'ai embrassée. C'est à ce moment que les bruits d'une dispute ont éclaté chez Raymond.
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Albert Camus (L'Étranger / La Peste)
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Un peu comme lorsque je rentre d'un voyage quelque part et que tout le monde me demande comment c'Ă©tait : peu Ă  peu mes diffĂ©rentes rĂ©ponses n'en font plus qu'une, mes impressions se resserrent sur elles-mĂȘmes, ouais, c'est cool, lĂ -bas, et tiens, une anecdote marrante... puis ce discours unique se substitue Ă  la rĂ©alitĂ© du souvenir. Du coup, j'ai franchement eu peur. J'ai ressenti cette crainte familiĂšre, soudainement intense et sincĂšre, qu'une fois toute sensation Ă©chappĂ©e de ma vie, il ne reste plus de celle-ci qu'un clichĂ©. Et le jour de ma mort, saint Pierre me demanderait : - C'Ă©tait comment ? - Vraiment super, en bas. J'aimais bien la bouffe. m'enfin, avec la tourista... Bon, les gens sont tous trĂšs sympas quand mĂȘme. Et ça serait tout. (...) Et j'ai dĂ©cidĂ© de raconter quelque chose de nouveau sur mon sĂ©jour Ă  chaque personne qui voudrait que je lui en parle, sans me rĂ©pĂ©ter une seule fois.
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Benjamin Kunkel (Indecision)
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Il y a cette brĂ»lure de ne rien ĂȘtre autorisĂ© Ă  dire, de devoir tout taire, et cette question terrible, cet abĂźme sous les pieds  : si on n'en parle pas, comment prouver que ça existe  ? Un jour, quand l'histoire sera terminĂ©e, puisqu'elle se terminera, nul ne pourra tĂ©moigner qu'elle a eu lieu. L'un des protagonistes (lui) pourra aller jusqu'Ă  la nier, s'il le souhaite, jusqu'Ă  s'insurger qu'on puisse inventer pareilles sornettes. L'autre (moi) n'aura que sa parole, elle ne pĂšserait pas lourd. Cette parole n'adviendra jamais. Non, je n'ai jamais parlĂ©. Sauf aujourd'hui. Dans ce livre. Pour la premiĂšre fois.
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Philippe Besson (" ArrĂȘte avec tes mensonges ")
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Juste avant le miracle, quand j'Ă©tais en soins intensifs, Ă  deux doigts de mourir, Maman me disant que je pouvais lĂącher, moi qui m'y efforçais et mes poumons qui s'obstinaient Ă  chercher de l'air, elle avait murmurĂ© quelque chose en sanglotant contre l'Ă©paule de Papa, quelque chose que j'aurais aimĂ© ne pas entendre et qu'elle ne doit jamais savoir que j'ai entendu. Elle a dit : « Je ne serai plus jamais maman. ». Ça m'avait profondĂ©ment marquĂ©e. Tout le reste de la rĂ©union, je n'ai plus pensĂ© qu'Ă  ça. Au ton qu'elle avait eu en disant ça, comme si elle ne serait plus jamais heureuse, ce qui Ă©tait sans doute le cas.
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John Green (The Fault in Our Stars)
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Nous, les ĂȘtres humains, somme ce que nous avons Ă©tĂ© pendant des millions d'annĂ©es, colossalement avides, envieux, agressifs, jaloux, angoissĂ©s et dĂ©sespĂ©rĂ©s, avec d'occasionnels Ă©clairs de joie et d'amour. Nous sommes une Ă©trange mixture de haine, de peur et de gentillesse ; nous sommes Ă  la fois violents et en paix. Il y a eu un progrĂšs extĂ©rieur depuis le char Ă  boeufs jusqu'Ă  l'avion Ă  rĂ©action, mais psychologiquement l'individu n'a pas du tout changĂ© et c'est l'individu qui, dans le monde entier, a crĂ©Ă© les structures des sociĂ©tĂ©s. Les structures sociales extĂ©rieures sont les rĂ©sultantes des structures intĂ©rieures, psychologiques, qui constituent nos relations humaines, car l'individu est le rĂ©sultat de l'expĂ©rience totale de l'homme, de sa connaissance et de son comportement. Chacun de nous est l'entrepĂŽt de tout le passĂ©. L'individu est l'humain qui est toute l'humanitĂ©. L'histoire entiĂšre de l'homme est Ă©crite en nous-mĂȘmes.
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J. Krishnamurti
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On assiste en fait Ă  un Ă©trange renversement de perspective : l’humanitĂ© antique a Ă©tĂ© accusĂ©e d’ĂȘtre «mythique», c’est-Ă -dire d’avoir vĂ©cu et d’avoir agi sous la pression de complexes imaginaires et irrationnels. La vĂ©ritĂ©, en fait, c’est que s’il a jamais existĂ© une humanitĂ© «mythique» dans ce sens nĂ©gatif du terme, c’est bien l’humanitĂ© contemporaine : tous les grands mots Ă©crits avec une majuscule - Ă  commencer par Peuple, ProgrĂšs, HumanitĂ©, SociĂ©tĂ©, LibertĂ© et tant d’autres qui ont provoquĂ© d’incroyables mouvements de masse, entraĂźnĂ© chez l’individu une paralysie fondamentale de toute capacitĂ© de jugement lucide et de critique, et qui ont eu les consĂ©quences les plus dĂ©sastreuses -, tous ces mots ressemblent aujourd’hui Ă  des mythes ou, mieux, Ă  des «fables», puisque «fable», de fari, signifie Ă©tymologiquement ce qui correspond au seul parler, donc Ă  des paroles vides. C’est lĂ  le niveau auquel est parvenue l’humanitĂ© actuelle, Ă©voluĂ©e et Ă©clairĂ©e.
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Julius Evola (L'arco e la clava)
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Un trĂšs vieil ami de mon pĂšre, sorti premier de l'École normale, avait dĂ» Ă  cet exploit de dĂ©buter dans un quartier de Marseille : quartier pouilleux, peuplĂ© de misĂ©rables oĂč nul n'osait se hasarder la nuit. Il y resta de ses dĂ©buts Ă  sa retraite, quarante ans dans la mĂȘme classe, quarante ans sur la mĂȘme chaise. Et comme un soir mon pĂšre lui disait : « Tu n'as donc jamais eu d'ambition ? - Oh mais si ! dit-il, j'en ai eu ! Et je crois que j'ai bien rĂ©ussi ! Pense qu'en vingt ans, mon prĂ©dĂ©cesseur a vu guillotiner six de ses Ă©lĂšves. Moi, en quarante ans, je n'en ai eu que deux, et un graciĂ© de justesse. Ça valait la peine de rester lĂ . »
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Marcel Pagnol (La Gloire de mon pĂšre)
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Pour n'avoir pas eu d'indignations sélectives, pour avoir condamné tout totalitarisme indépendamment de sa couleur, il concentra sur son nom la haine de la droite qui lui reprochait sa critique des dictatures fascistes et celle de la gauche marxiste qui lui en voulait de dénoncer les camps soviétiques. Sa piÚce de théùtre ne parvint pas à créer un mythe antifasciste, mais elle contribua à la construction de la pensée d'un philosophe antifasciste qui agit, par-delà les années, non pas comme un mythe, mais comme une référence grùce à son ontologie politique libertaire, l'autre nom d'une arme de guerre antifasciste redoutable: la Résistance.
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Michel Onfray (L'ordre libertaire: la vie philosophique d'Albert Camus)
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refusez l'injonction millĂ©naire de faire Ă  tout prix des enfants. Elle est insupportable et rĂ©duit les femmes Ă  un ventre. DĂ©possĂ©dĂ©es de tout pouvoir, elles n'ont longtemps eu droit qu'Ă  ce destin : perpĂ©tuer l'humanitĂ©. Et malheur aux femmes stĂ©riles (qu'on ne se privait pas de rĂ©pudier) ou au choix de la "nullipare" : il Ă©tait incomprĂ©hensible, sinon rĂ©prĂ©hensible. La "mĂšre" Ă©tait souveraine. La littĂ©rature, les conventions sociales, la publicitĂ©, les lois en ont crĂ©Ă© un stĂ©rĂ©otype, que l'on met sur un piĂ©destal, aurĂ©olĂ© de son abnĂ©gation et de son oubli d'elle-mĂȘme. On mĂ©prise la femme, mais on vĂ©nĂšre la mĂšre, dont l'enfant devient l'ornement.
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GisÚle Halimi (Une farouche liberté)
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J'ai ri. Il a secouĂ© la tĂȘte et m'a regardĂ©e. - Quoi ? Ai-je demandĂ©. - Rien, a t-il rĂ©pondu. - Pourquoi tu me regardes comme ça ? Augustus a eu un petit sourire. - Parce-que tu es belle. J'aime regarder les gens beaux et, depuis un certain temps, j'ai dĂ©cidĂ© de ne me refuser aucun petit plaisir de la vie. D'autant plus que, comme tu l'as dĂ©licieusement fait remarquer, tout ceci tombera dans l'oubli. - Je ne suis pas bel... - Tu es belle comme mille Natalie Portman. Natalie Portman dans V pour Vendetta. (...) - Ah bon ? S'est-il Ă©tonnĂ©. Fille sublime, cheveux courts, dĂ©teste l'autoritĂ© et ne peut s'empĂȘcher de craquer pour le garçon qui ne lui apportera que des ennuies. Ta bio, en somme.
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John Green (The Fault in Our Stars)
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VoilĂ  comment ça se passait au cƓur du cƓur du Dieu : notre groupe de six, sept ou dix arrivait Ă  pied ou en chaise roulante, piochait dans un malheureux assortiment de biscuits et se servait un verre de limonade, avant de prendre place dans le cercle de la vĂ©ritĂ© et d'Ă©couter Patrick dĂ©biter pour la milliĂšme fois le rĂ©cit dĂ©primant de sa vie – comment il avait eu un cancer des testicules et aurait dĂ» en mourir, sauf qu'il n'Ă©tait pas mort et que maintenant il Ă©tait mĂȘme un adulte bien vivant qui se tenait devant nous dans la crypte d'une Ă©glise de la 137e ville d'AmĂ©rique la plus agrĂ©able Ă  vivre, divorcĂ©, accro aux jeux vidĂ©o, seul, vivotant du maigre revenu que lui rapportait l'exploitation de son passĂ© de super-cancĂ©reux, futur dĂ©tenteur d'un master ne risquant pas d'amĂ©liorer ses perspectives de carriĂšre, et qui attendait, comme nous tous, que l'Ă©pĂ©e de DamoclĂšs lui procure le soulagement auquel il avait Ă©chappĂ© des annĂ©es plus tĂŽt quand le cancer lui avait pris ses couilles, mais avait Ă©pargnĂ© ce que seule une Ăąme charitable aurait pu appeler « sa vie ».
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John Green (The Fault in Our Stars)
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Les dieux n'Ă©tant plus et le Christ n'Ă©tant pas encore, il y a eu, de CicĂ©ron Ă  Marc AurĂšle, un moment unique oĂč l'homme seul a Ă©tĂ©.
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Gustave Flaubert
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George Armstrong Custer a massacré les Indiens Lakota. Sheridan a exterminé les bisons, pour faire mourir de faim le peuple des grandes plaines. Un crime organisé, froidement pensé et systématiquement mis en ouvre. Arrosé de whisky frelaté. Ensuite, et depuis, il y a eu la Corée, le Vietnam, Cuba, La Grenade, Haïti, le Guatemala, le Nicaragua, l'Irak, l'Afghanistan".
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Sadek Aissat
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Mida ma ĂŒtelda tahan, Ike. Sa eu saa oodata surmalt lahendusi. Sa vĂ”id ette kujutada, et see lĂ”petab kĂ”ik, mis sinu eksistentsi puutub, aga see on ettekujutus, mitte fakt. Pealegi, tappa ja surra oskab igaĂŒks. Elada mitte. See on ju paradoksaalne. Me teame, mida elus teha saab, aga pĂŒĂŒame sellest loobuda. Surma mĂ€ngureeglitest pole meil aimugi, aga igatseme sinna kĂŒll.
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Jim Ashilevi (Portselansuits: nÀidend kahes vaatuses)
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A un moment j’ai mĂȘme laissĂ© Ă©chapper un son qui s’est prolongĂ© malgrĂ© moi en prenant de plus en plus de force, un son qui avait attendu ce jour prĂ©cis pour partir du fond de mes annĂ©es de tĂ©nĂšbres Ă  mal aimer des hommes qui m’ont mal aimĂ©e en retour et recouvrir ta poitrine comme une brĂ»lure ; c’était d’abord un son rauque et traĂźnant, une plainte animale qui n’avait rien du sanglot et qui en un vĂ©ritable appel Ă  la mort. A ce moment tout s’est arrĂȘtĂ©, je me suis soudain rappelĂ© cette mĂȘme scĂšne vĂ©cu avec toi alors qu’on venait de se rencontrer ; ce hurlement avait dĂ©jĂ  eu lieu et sa rĂ©pĂ©tition implacable m’a fait taire une fois pour toute. A ce moment aussi tu t’es Ă©cartĂ© de moi, sans doute pour la mĂȘme raison, tu t’es levĂ© dans une brusquerie qui a dĂ©logĂ© OrĂ©o de la chaise de ton bureau. Ne voulant pas te regarder dans les yeux, j’ai regardĂ© tes pieds. Mon hurlement avait tracĂ© une ligne infranchissable entre nous, en hurlant je venais de sonner le glas de notre histoire. Tu as dit des paroles que tu avais dĂ©jĂ  prononcĂ©es en d’autres circonstances et je suis partie, je savais que plus jamais on ne se reparlerait.
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Nelly Arcan (Folle)
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« Je ne veux pas oublier d’ajouter que RenĂ© GuĂ©non m’a Ă©galement rĂ©vĂ©lĂ© un certain rĂŽle subtil qu'il a jouĂ© dans la carriĂšre de Frithjof Schuon et il a conclu : "Vous voyez que dans tout cela je pourrais bien dire, sans exagĂ©ration, que sans moi il n’y aurait jamais eu de Sh. A. ! [AĂŻssa, Schuon]".» Michel VĂąlsan, lettre Ă  Vasile Lovinescu, 17 dĂ©cembre 1950 (traduite du roumain en français).
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Michel VĂąlsan
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Des années aprÚs que mon frÚre avait déserté ma chambre, aprÚs avoir mis en terre tous ceux qui m'étaient chers, j'offrai enfin à Simon la sépulture à laquelle il n'avait jamais eu droit. Il allait y dormir, en compagnie des enfants qui avaient connu son destin, sur cette page portant sa photo, ses dates si rapprochées et son nom, dont l'orthographe différait si peu du mien. Ce livre serait sa tombe.
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Philippe Grimbert (Memory)
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Une fois mĂȘme, sur le chemin du retour, il a pris ma main. Et moi, j'ai eu mal. Je savais que cette main redeviendrait poing, qu'elle passerait bientĂŽt du tendre au mĂ©tal. Dans une heure ou demain et sans que je sache pourquoi. Par mĂ©chancetĂ©, par orgueil, par colĂšre; par habitude. J'Ă©tais prisonnier de la main de mon pĂšre. Mais cette nuit-lĂ , mes doigts mĂȘlĂ©s aux siens, j'avais profitĂ© de sa chaleur.
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Sorj Chalandon (Retour Ă  Killybegs)
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Je me suis figurĂ© qu’une femme devait faire plus de cas de son Ăąme que de son corps, contre l’usage gĂ©nĂ©ral qui veut qu’elle permette qu’on l’aime avant d’avouer qu’elle aime, et qu’elle abandonne ainsi le trĂ©sor de son coeur avant de consentir Ă  la plus lĂ©gĂšre prise sur celui de sa beautĂ©. J’ai voulu, oui, voulu absolument tenter de renverser cette marche uniforme ; la nouveautĂ© est ma rage. Ma fantaisie et ma paresse, les seuls dieux dont j’aie jamais encensĂ© les autels, m’ont vainement laissĂ© parcourir le monde, poursuivi par ce bizarre dessein ; rien ne s’offrait Ă  moi. Peut-ĂȘtre je m’explique mal. J’ai eu la singuliĂšre idĂ©e d’ĂȘtre l’époux d’une femme avant d’ĂȘtre son amant. J’ai voulu voir si rĂ©ellement il existait une Ăąme assez orgueilleuse pour demeurer fermĂ©e lorsque les bras sont ouverts, et livrer la bouche Ă  des baisers muets ; vous concevez que je ne craignais que de trouver cette force Ă  la froideur. Dans toutes les contrĂ©es qu’aime le soleil, j’ai cherchĂ© les traits les plus capables de rĂ©vĂ©ler qu’une Ăąme ardente y Ă©tait enfermĂ©e : j’ai cherchĂ© la beautĂ© dans tout son Ă©clat, cet amour qu’un regard fait naĂźtre ; j’ai dĂ©sirĂ© un visage assez beau pour me faire oublier qu’il Ă©tait moins beau que l’ĂȘtre invisible qui l’anime ; insensible Ă  tout, j’ai rĂ©sistĂ© Ă  tout,... exceptĂ© Ă  une femme, – Ă  vous, Laurette, qui m’apprenez que je me suis un peu mĂ©pris dans mes idĂ©es orgueilleuses ; Ă  vous, devant qui je ne voulais soulever le masque qui couvre ici-bas les hommes qu’aprĂšs ĂȘtre devenu votre Ă©poux. – Vous me l’avez arrachĂ©, je vous supplie de me pardonner, si j’ai pu vous offenser. ( Le prince )
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Alfred de Musset (La nuit vénitienne)
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- En fait, la doctrine du ciel n'est pas figĂ©e. C'est vrai qu'ils ont eu des penchants Ă©galitaristes. Mais tout a changĂ© avec l'arrivĂ©e de Friedrich Hayek, Milton Friedman, Ronald Reagan, et quantitĂ© d'apĂŽtres de la dĂ©rĂ©glementation qui ont commencĂ© Ă  faire leur propagande ici mĂȘme. - Vous voulez dire qu'aujourd'hui... - Je veux dire qu'aujourd'hui, sous leur influence, le ciel est devenu carrĂ©ment nĂ©o-libĂ©ral.
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BenoĂźt Duteurtre (L'Ordinateur du paradis)
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Vieux bureaucrate, mon camarade ici prĂ©sent, nul jamais ne t'a fait Ă©vader et tu n'en es point responsable. Tu as construit ta paix Ă  force d'aveugler de ciment, comme le font les termites, toutes les Ă©chappĂ©es vers la lumiĂšre. Tu t'es roulĂ© en boule dans ta sĂ©curitĂ© bourgeoise, tes routines, les rites Ă©touffants de ta vie provinciale, tu as Ă©levĂ© cet humble rempart contre les vents et les marĂ©es et les Ă©toiles. Tu ne veux point t'inquiĂ©ter des grands problĂšmes, tu as eu bien assez de mal Ă  oublier ta condition d'homme. Tu n'es point l'habitant d'une planĂšte errante, tu ne te poses point de questions sans rĂ©ponse : tu es un petit bourgeois de Toulouse. Nul ne t'a saisi par les Ă©paules quand il Ă©tait temps encore. Maintenant, la glaise dont tu es formĂ© a sĂ©chĂ©, et s'est durcie, et nul en toi ne saurait dĂ©sormais rĂ©veiller le musicien endormi ou le poĂšte, ou l'astronome qui peut-ĂȘtre t'habitait d'abord.
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Antoine de Saint-Exupéry (Wind, Sand and Stars)
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j’ai eu, ces derniers temps, tant de chagrin et d’inquiĂ©tude que je sens qu’il me serait impossible d’en supporter davantage ! Sans doute les larmes font-elles du bien parfois ; sans doute rafraĂźchissent-elles l’atmosphĂšre comme le fait la pluie

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Bram Stoker (Dracula)
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Un aveu. Je fais autre chose encore, autre chose que visualiser la scĂšne, autre chose que convoquer un souvenir, je me dis  : Ă  quoi Thomas a-t-il pensĂ©, quand ça a Ă©tĂ© le dernier moment  ? aprĂšs avoir passĂ© la corde autour de son cou  ? avant de renverser la chaise  ? et d'abord, combien de temps cela a-t-il durĂ©  ? une poignĂ©e de secondes  ? puisqu'il ne servait Ă  rien de perdre du temps, la dĂ©cision avait Ă©tĂ© prise, il fallait la mettre Ă  exĂ©cution, une minute  ? mais c'est interminable, une minute, dans ces circonstances, et alors comment l'a-t-il remplie  ? avec quelles pensĂ©es  ? et j'en reviens Ă  ma question. A-t-il fermĂ© les yeux et revu des Ă©pisodes de son passĂ©, de la tendre enfance, par exemple son corps Ă©tendu en croix dans l'herbe fraĂźche, tournĂ© vers le bleu du ciel, la sensation de chaleur sur sa joue et sur ses bras  ? de son adolescence  ? une chevauchĂ©e Ă  moto, la rĂ©sistance de l'air contre son torse  ? a-t-il Ă©tĂ© rattrapĂ© par des dĂ©tails auxquels il ne s'attendait pas  ? des choses qu'il croyait avoir oubliĂ©es  ? ou bien a-t-il fait dĂ©filer des visages ou des lieux, comme s'il s'agissait de les emporter avec lui  ? (À la fin, je suis convaincu qu'en tout cas, il n'a pas envisagĂ© de renoncer, que sa dĂ©termination n'a pas flĂ©chi, qu'aucun regret, s'il y en a eu, n'est venu contrarier sa volontĂ©.) Je traque cette ultime image formĂ©e dans son esprit, surgie de sa mĂ©moire, non pas pour escompter y avoir figurĂ© mais pour croire qu'en la dĂ©couvrant, je renouerais avec notre intimitĂ©, je serais Ă  nouveau ce que nul autre n'a Ă©tĂ© pour lui.
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Philippe Besson (« ArrĂȘte avec tes mensonges »)
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Patrice a vingt-quatre ans et, la premiĂšre fois que je l’ai vu, il Ă©tait dans son fauteuil inclinĂ© trĂšs en arriĂšre. Il a eu un accident vasculaire cĂ©rĂ©bral. Physiquement, il est incapable du moindre mouvement, des pieds jusqu’à la racine des cheveux. Comme on le dit souvent d’une maniĂšre trĂšs laide, il a l’aspect d’un lĂ©gume : bouche de travers, regard fixe. Tu peux lui parler, le toucher, il reste immobile, sans rĂ©action, comme s’il Ă©tait complĂštement coupĂ© du monde. On appelle ça le locked in syndrome.Quand tu le vois comme ça, tu ne peux qu’imaginer que l’ensemble de son cerveau est dans le mĂȘme Ă©tat. Pourtant il entend, voit et comprend parfaitement tout ce qui se passe autour de lui. On le sait, car il est capable de communiquer Ă  l’aide du seul muscle qui fonctionne encore chez lui : le muscle de la paupiĂšre. Il peut cligner de l’Ɠil. Pour l’aider Ă  s’exprimer, son interlocuteur lui propose oralement des lettres de l’alphabet et, quand la bonne lettre est prononcĂ©e, Patrice cligne de l’Ɠil.  Lorsque j’étais en rĂ©animation, que j’étais complĂštement paralysĂ© et que j’avais des tuyaux plein la bouche, je procĂ©dais de la mĂȘme maniĂšre avec mes proches pour pouvoir communiquer. Nous n’étions pas trĂšs au point et il nous fallait parfois un bon quart d’heure pour dicter trois pauvres mots. Au fil des mois, Patrice et son entourage ont perfectionnĂ© la technique. Une fois, il m’est arrivĂ© d’assister Ă  une discussion entre Patrice et sa mĂšre. C’est trĂšs impressionnant.La mĂšre demande d’abord : « Consonne ? » Patrice acquiesce d’un clignement de paupiĂšre. Elle lui propose diffĂ©rentes consonnes, pas forcĂ©ment dans l’ordre alphabĂ©tique, mais dans l’ordre des consonnes les plus utilisĂ©es. DĂšs qu’elle cite la lettre que veut Patrice, il cligne de l’Ɠil. La mĂšre poursuit avec une voyelle et ainsi de suite. Souvent, au bout de deux ou trois lettres trouvĂ©es, elle anticipe le mot pour gagner du temps. Elle se trompe rarement. Cinq ou six mots sont ainsi trouvĂ©s chaque minute.  C’est avec cette technique que Patrice a Ă©crit un texte, une sorte de longue lettre Ă  tous ceux qui sont amenĂ©s Ă  le croiser. J’ai eu la chance de lire ce texte oĂč il raconte ce qui lui est arrivĂ© et comment il se sent. À cette lecture, j’ai pris une Ă©norme gifle. C’est un texte brillant, Ă©crit dans un français subtil, lĂ©ger malgrĂ© la tragĂ©die du sujet, rempli d’humour et d’autodĂ©rision par rapport Ă  l’état de son auteur. Il explique qu’il y a de la vie autour de lui, mais qu’il y en a aussi en lui. C’est juste la jonction entre les deux mondes qui est un peu compliquĂ©e.Jamais je n’aurais imaginĂ© que ce texte si puissant ait Ă©tĂ© Ă©crit par ce garçon immobile, au regard entiĂšrement vide.  Avec l’expĂ©rience acquise ces derniers mois, je pensais ĂȘtre capable de diagnostiquer l’état des uns et des autres seulement en les croisant ; j’ai reçu une belle leçon grĂące Ă  Patrice.Une leçon de courage d’abord, Ă©tant donnĂ© la vitalitĂ© des propos que j’ai lus dans sa lettre, et, aussi, une leçon sur mes a priori. Plus jamais dorĂ©navant je ne jugerai une personne handicapĂ©e Ă  la vue seule de son physique. C’est jamais inintĂ©ressant de prendre une bonne claque sur ses propres idĂ©es reçues .
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Grand corps malade (Patients)
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J'ai su, moi, depuis le jour oĂč le destin mĂĄ envoyĂ© un Barba Yani, vendeur de salep et Ăąme divine, j'ai su qu'il doit se considĂ©rer comme heureux, l'homme qui a eu la chance de rencontrer dans sa vie un Barba Yani. Je n'en ai jamais rencontrĂ© qu'un seul, lui. Mais il m'a suffi pour supporter la vie, et, souvent, la bĂ©nir, chanter ses louanges. Car la bontĂ© d'un seul homme est plus puissante que la mĂ©chancetĂ© de mille; le mal meurt en mĂȘme temps que celui qui l'a exercĂ©; le bien continue Ă  rayonner aprĂšs la disparition du juste.
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Panait Istrati
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Question : On a remarquĂ© que depuis la fin du Protectorat au Maroc, les relations franco-marocaines se dĂ©tĂ©riorent chaque fois que la gauche est au pouvoir. On a remarquĂ© cela Ă  l’époque de Mitterrand et encore aujourd’hui. Comment expliquez-vous cela ? Est-ce que c’est liĂ© Ă  la gauche qui ne possĂšde pas les codes pour avoir de bonnes relations avec le Maroc ou n’a-t-elle pas les outils ou simplement a-t-elle une prĂ©fĂ©rence pour l’AlgĂ©rie ? RĂ©ponse : Il y a les faits historiques de la guerre d’AlgĂ©rie toujours, en toile de fond. Les socialistes français ont envoyĂ© des contingents en AlgĂ©rie. Ils ont aussi Ă  se faire pardonner de ce cĂŽtĂ©-lĂ . Mais il y a eu de mauvaises relations avec la droite Ă  l’indĂ©pendance du Maroc pour commencer et avec l’affaire Ben Barka. Il y a eu des tensions historiques et Ă  l’époque de Mitterrand, les relations avec le Maroc ont fini par ĂȘtre bonnes. Mais on peut ajouter Ă  l’histoire de la RĂ©publique française et Ă  l’histoire dans laquelle les socialistes s’inscrivent, un rapport difficile dĂšs les origines de la Monarchie. Mais ce n’est pas le cas de tous les socialistes en France.
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Pierre Vermeren
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« Dans nos Ă©coles on nous enseigne le doute et l’art d’oublier. Avant tout l’oubli de ce qui est personnel et localisĂ©. » « — Personne ne peut lire deux mille livres. Depuis quatre siĂšcles que je vis je n’ai pas dĂ» en lire plus d’une demi-douzaine. D’ailleurs ce qui importe ce n’est pas de lire mais de relire. L’imprimerie, maintenant abolie, a Ă©tĂ© l’un des pires flĂ©aux de l’humanitĂ©, car elle a tendu Ă  multiplier jusqu’au vertige des textes inutiles. — De mon temps Ă  moi, hier encore, rĂ©pondis-je, triomphait la superstition que du jour au lendemain il se passait des Ă©vĂ©nements qu’on aurait eu honte d’ignorer. » « — À cent ans, l’ĂȘtre humain peut se passer de l’amour et de l’amitiĂ©. Les maux et la mort involontaire ne sont plus une menace pour lui. Il pratique un art quelconque, il s’adonne Ă  la philosophie, aux mathĂ©matiques ou bien il joue aux Ă©checs en solitaire. Quand il le veut, il se tue. MaĂźtre de sa vie, l’homme l’est aussi de sa mort[30]. — Il s’agit d’une citation ? lui demandai-je. — Certainement. Il ne nous reste plus que des citations. Le langage est un systĂšme de citations. » Extrait de: Borges,J.L. « Le livre de sable. » / Utopie d’un homme qui est fatiguĂ©
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Jorge Luis Borges (The Book of Sand and Shakespeare's Memory)
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Il n’y a pas d’histoires. Il n’y a jamais eu d’histoires. Il n’y a que des situations, sans queue ni tĂȘte; sans commencement, sans milieu, et sans fin; sans endroit et sans envers; on peut les regarder dans tous les sens; la droite devient la gauche; sans limites de passĂ© ou d’avenir, elles sont le prĂ©sent. (There are no stories. There have never been stories. There are only situations, having neither head nor tail; without beginning, middle or end; no recto no verso; they can be looked at from all angles; right becomes left; without limitations in the past or future, they are the present)
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Jean Epstein
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Les tentatives faites pour connaĂźtre la richesse et l'originalitĂ© des cultures humaines, et pour les rĂ©duire Ă  l'Ă©tat de rĂ©pliques inĂ©galement arriĂ©rĂ©es de la civilisation occidentale, se heurtent Ă  une autre difficultĂ©, qui est beaucoup plus profonde : en gros (et exception faite de l'AmĂ©rique, sur laquelle nous allons revenir), toutes les sociĂ©tĂ©s humaines ont derriĂšre elles un passĂ© qui est approximativement du mĂȘme ordre de grandeur. Pour traiter certaines sociĂ©tĂ©s comme des "Ă©tapes" du dĂ©veloppement de certaines autres, il faudrait admettre qu'alors que, pour ces derniĂšres, il se passait quelque chose, pour celles-lĂ  il ne se passait rien - ou fort peu de choses. Et en effet, on parle volontiers des "peuples sans histoire" (pour dire parfois que ce sont les plus heureux). Cette formule elliptique signifie seulement que leur histoire est et restera inconnue, mais non qu'elle n'existe pas. Pendant des dizaines et mĂȘme des centaines de millĂ©naires, lĂ -bas aussi, il y a eu des hommes qui ont aimĂ©, haĂŻ, souffert, inventĂ©, combattu. En vĂ©ritĂ©, il n'existe pas de peuples enfants ; tous sont adultes, mĂȘme ceux qui n'ont pas tenu le journal de leur enfance et de leur adolescence. (p. 24-25)
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Claude LĂ©vi-Strauss (Race et histoire)
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L'Appareil peut le détruire, l'effacer, il pourrait le retourner, le reprogrammer et lui faire adorer la soumission jusqu'à la folie, il ne pourra lui enlever ce qui ne connaßt pas, n'a jamais vu, jamais eu, n'a jamais reçu ni donné, qui pourtant il hait par-dessus tout et traque sans fin: la liberté.
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Boualem Sansal (2084: La fin du monde)
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Q.: Est ce que, durant les premiĂšre temps votre PĂšre [Mohammed V] vous a manquĂ© ? R. : Je vais vous dire une chose : il ne s'Ă©coule pas dix Ă  douze jours, mĂȘme aujourd'hui, oĂč je ne le voie pas en rĂȘve. Q. - Y-a-t-il des moments oĂč vous auriez souhaitĂ© pouvoir lui demander conseil ? R. - Oh ! ça oui. A certains moments j'ai eu une envie folle qu'il me dise, comme il en a l'habitude ; "Allons, vous n'ĂȘtes qu'un imbĂ©cile" On a soif Ă  force de n'avoir personne Ă  qui se confier ou demander quelque chose, de ne pas avoir une main Ă  embrasser pour tĂ©moigner son amour. Et je continue aujourd'hui Ă  avoir soif." p70
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Hassan II (Ű°Ű§ÙƒŰ±Ű© ملك)
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En ce qui me concerne, je suis vĂ©gĂ©tarienne Ă  quatre-vingt-quinze pour cent. L'exception principale serait le poisson, que je mange peut-ĂȘtre deux fois par semaine pour varier un peu mon rĂ©gime et en n'ignorant pas, d'ailleurs, que dans la mer telle que nous l'avons faite le poisson est lui aussi contaminĂ©. Mais je n'oublie surtout pas l'agonie du poisson tirĂ© par la ligne ou tressautant sur le pont d'une barque. Tout comme ZĂ©non, il me dĂ©plaĂźt de "digĂ©rer des agonies". En tout cas, le moins de volaille possible, et presque uniquement les jours oĂč l'on offre un repas Ă  quelqu'un ; pas de veau, pas d'agneau, pas de porc, sauf en de rares occasions un sandwich au jambon mangĂ© au bord d'une route ; et naturellement pas de gibier, ni de bƓuf, bien entendu. - Pourquoi, bien entendu ? - Parce que j'ai un profond sentiment d'attachement et de respect pour l'animal dont la femelle nous donne le lait et reprĂ©sente la fertilitĂ© de la terre. Curieusement, dĂšs ma petite enfance, j'ai refusĂ© de manger de la viande et on a eu la grande sagesse de ne pas m'obliger Ă  le faire. Plus tard, vers la quinziĂšme annĂ©e, Ă  l'Ăąge oĂč l'on veut "ĂȘtre comme tout le monde", j'ai changĂ© d'avis ; puis, vers quarante ans, je suis revenue Ă  mon point de vue de la sixiĂšme annĂ©e.(p. 288)
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Marguerite Yourcenar (Les Yeux ouverts : Entretiens avec Matthieu Galey)
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« [...]. Il est certain qu’il y a eu dans les rapports de la ChrĂ©tientĂ© et de l’Islam des choses bien extraordinaires, et qui sont trĂšs mal connues. Les Arabes sont restĂ©s en Provence, dans les Alpes, etc., au moins jusqu’au XIe siĂšcle, mais l’histoire Ă©crite par les EuropĂ©ens le cache soigneusement ; mais de nombreux noms d’origine arabe (noms de lieux et noms de personnes) restent toujours, en France aussi bien qu’en Italie ; je vous citerai seulement comme exemple la riviĂšre appelĂ©e Ain (source), qui a donnĂ© son nom Ă  un dĂ©partement dont le chef lieu est Bourg (tour ou forteresse)
 » [Lettre Ă  Guido Di Giorgio, Le Caire, 22 mars 1936]
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René Guénon
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J'ai souvent vu que les hommes deviennent nĂ©vrosĂ©s quand ils se contente de rĂ©ponses insuffisantes ou fausses aux questions de la vie. Ils cherchent situation, mariage, rĂ©putation, rĂ©ussite extĂ©rieure et argent ; mais ils restent nĂ©vrosĂ©s et malheureux, mĂȘme quand ils ont atteint ce qu'ils cherchaient. Ces hommes le plus souvent souffrent d'une trop grande Ă©troitesse d'esprit. Leur vie n'a point de contenu suffisant, point de sens. Quand ils peuvent se dĂ©velopper en une personnalitĂ© plus vaste, la nĂ©vrose, d'ordinaire, cesse. C'est pourquoi l'idĂ©e de dĂ©veloppement, d'Ă©volution a eu chez moi, dĂšs le dĂ©but, la plus haute importance. (p. 229)
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C.G. Jung (Memories, Dreams, Reflections)
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Alors toi, le moins qu'on puisse dire, c'est que je t'aurais mĂ©ritĂ©e. Primo, ça faisait des annĂ©es que je t'attendais. Des annĂ©es que j'avais juste le droit de tremper mes lĂšvres dans le bonheur et puis pas plus. Deusio, quand je te rencontre il faut que tu sois maquĂ©e avec un poulpe qui te colle de partout. Et tertio, quand enfin mademoiselle est dispo, il faut que tu me fasses poireauter des semaines et des semaines, genre laisse-moi digĂ©rer mon histoire avec Dudulle et faire mon rot. Tu crois que ça peut ĂȘtre simple ? Comme Ă  la tĂ©lĂ© ou sur grand Ă©cran ? Ils se rencontrent, ils se plaisent, ils s'aiment, allez zou ! emballez, c'est pesĂ©. Eh ben, nan ! Il faut que ça soit compliquĂ©, il faut que mademoiselle prenne tout son temps, qu'elle s'Ă©broue un peu, qu'elle remette de l'ordre sans sa tĂȘte, qu'elle fasse une pose, alors que moi, je suis lĂ , tendu comme un arc, les pieds bien calĂ©s dans les starting-blocks, les doigts bien posĂ©s sur la ligne, concentrĂ©, parce qu'un dĂ©but d'histoire, faut surtout pas le rater, faut se donner Ă  fond, je le sais, c'est pas une premiĂšre pour moi, avec toutes les histoires foireuses que je viens d'enquiller, j'ai largement eu le temps de m'entraĂźner. Comme un sportif, je me suis entraĂźnĂ©. Je suis prĂȘt, moi. Y a plus qu'Ă  donner le dĂ©part. Quand mademoiselle sera disposĂ©e.
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David Thomas (La Patience des buffles sous la pluie)
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Il y a quelqu'un que je n'ai encore jamais eu envie de tuer. C'est toi. Tu peux marcher dans les rues, tu peux boire et marcher dans les rues, je ne te tuerai pas. N'aie pas peur. La ville est sans danger. Le seul danger dans la ville, c'est moi. Je marche, je marche dans les rues, je tue. Mais toi, tu n'as rien Ă  craindre. Si je te suis, c'est parce que j'aime le rythme de tes pas. Tu titubes. C'est beau. On pourrait dire que tu boites. Et que tu es bossu. Tu ne l'es pas vraiment. De temps en temps tu te redresses, et tu marches droit. Mais moi, je t'aime dans les heures avancĂ©es de la nuit, quand tu es faible, quand tu trĂ©buches, quand tu te voĂ»tes. Je te suis, tu trembles. De froid ou de peur. Il fait chaud pourtant. Jamais, presque jamais, peut-ĂȘtre jamais il n'avait fait si chaud dans notre ville. Et de quoi pourrais-tu avoir peur? De moi? Je ne suis pas ton ennemi. Je t'aime. Et personne d'autre ne pourrait te faire du mal. N'aie pas peur. je suis lĂ . Je te protĂšge. Pourtant, je souffre aussi. Mes larmes - grosses gouttes de pluie - me coulent sur le visage. La nuit me voile. La lune m'Ă©claire. Les nuages me cachent. Le vent me dĂ©chire. J'ai une sorte de tendresse pour toi. Cela m'arrive parfois. Tres rarement. Pourquoi pour toi? Je n'en sais rien. Je veux te suivre trĂšs loin, partout, longtemps. Je veux te voir souffrir encore plus. Je veux que tu en aies assez de tout le reste. Je veux que tu viennes me supplier de te prendre. Je veux que tu me dĂ©sires. Que tu aies envie de moi, que tu m'aimes, que tu m'appelles. Alors, je te prendrai dans mes bras, je te serrerai sur mon coeur, tu seras mon enfant, mon amant, mon amour. Je t'emporterai. Tu avais peur de naĂźtre, et maintenant tu as peur de mourir. Tu as peur de tout. Il ne faut pas avoir peur. Il y a simplement une grande roue qui tourne. Elle s'appelle ÉternitĂ©. C'est moi qui fais tourner la grande roue. Tu ne dois pas avoir peur de moi. Ni de la grande roue. La seule chose qui puisse faire peur, qui puisse faire mal, c'est la vie, et tu la connais dĂ©jĂ .
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Ágota Kristóf
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NaguĂšre Raymond s'Ă©tonnait de sentir Ă  sa portĂ©e la fameuse Maria Cross; il se rĂ©pĂ©tait : « Cette petite femme si simple, c'est Maria Cross. » Et il n'aurait eu qu'Ă  tendre la main : elle Ă©tait lĂ , soumise, inerte, il aurait pu la prendre, la laisser tomber, la ressaisir; — et tout Ă  coup le geste de ses bras tendus avait suffi pour Ă©loigner cette Maria vertigineusement. Ah! elle Ă©tait lĂ  encore; mais il savait d'une science sĂ»re que dĂ©sormais il ne la toucherait pas plus qu'une Ă©toile. Ce fut alors qu'il vit qu'elle Ă©tait belle : tout occupĂ© de savoir comment cueillir et manger le fruit, sans mettre une seconde en doute que ce fruit lui fĂ»t destinĂ©, il ne l'avait jamais regardĂ©e ; — cela te reste maintenant de la dĂ©vorer des yeux.
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François Mauriac (Le désert de l'amour (Littérature) (French Edition))
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Je ne sais pas ce qu'aurait pensé Zhang Heng de la catastrophe de Fukushima, de ce tremblement de terre si puissant qu'il a accéléré la vitesse de rotation de la Terre et raccourci la durée du jour. Sans doute aurait-il eu une pensée pour les milliers de disparus emportés par la boue et se serait-il penché avec toute sa puissance d'analyse, sans faire allégeance à qui que ce soit, sur le mystÚre menaçant des radiations. J'imagine qu'il aurait eu bien des choses à nous dire - ou à nous rappeler - sur la souveraineté de la nature, la puissance et la terreur de la technique, les ravages de notre habitat, l'asburdité de nos modes de production ou notre frénésie de consommation - famine organisée d'un cÎté, et de l'autre gaspillage insensé. (p. 16)
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Michaël Ferrier (Fukushima : Récit d'un désastre)
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Ce fut en ces circonstances, une nuit de juillet 1974, qu'Annabelle accĂ©da Ă  la conscience douloureuse et dĂ©finitive de son existence individuelle. D'abord rĂ©vĂ©lĂ©e Ă  l'animal sous la forme de la douleur physique, l'existence individuelle n'accĂšde dans les sociĂ©tĂ©s humaines Ă  la pleine conscience d'elle-mĂȘme que par l'intermĂ©diaire du mensonge, avec lequel elle peut en pratique se confondre. Jusqu'Ă  l'Ăąge de seize ans, Annabelle n'avait pas eu de secrets pour ses parents; elle n'avait pas eu non plus - et cela avait Ă©tĂ©, elle s'en rendait compte Ă  prĂ©sent, quelque chose de rare et de prĂ©cieux - de secrets pour Michel. En quelques heures cette nuit-lĂ  Annabelle prit conscience que la vie des hommes Ă©tait une succession ininterrompue de mensonges. Par la mĂȘme occasion, elle prit conscience de sa beautĂ©.
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Michel Houellebecq (The Elementary Particles)
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Il me dĂ©visage. Il finit par murmurer: mais c’est moi, quand mĂȘme, c’est pas n’importe qui, c’est pas les autres. Je mords ma lĂšvre, je retiens les larmes. Je finis par dire: j’ai toujours eu l’impression que tu n’avais pas envie d’une trop grande intimitĂ© entre nous. Il me dĂ©visage: tu as dĂ©jĂ  vu des intimitĂ©s plus grandes? tu as une idĂ©e de combien de personnes me connaissent comme tu me connais? et moi je sais comment tu gĂ©mis, comment tu pleures, comment tu embrasses. He stares at me. He murmurs: but it's me, anyway, it's not just anyone, it's not the others. I bite my lip, I hold back tears. I say: I always had the impression that you didn’t want too much intimacy between us. He stares at me: have you ever seen greater intimacies? do you have any idea how many people know me like you know me? and I know how you moan, how you cry, how you kiss.
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Philippe Besson (Un certain Paul Darrigrand)
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Cela faisait un maintenant trente secondes qu'Arthur essayait, sans succĂšs de dire "OĂč avez-vous trouvĂ© ça ?" d'un ton brusque et lĂ©gĂšrement interloquĂ©. Finalement, l'instant se prĂ©senta mais il le rata d'une milliseconde. "OĂč avez-vous trouvez ça ?" dit Fenchurch d'un ton brusque et lĂ©gĂšrement interloquĂ©. Arthur jeta sur Fenchurch un regarde brusque et lĂ©gĂšrement interloquĂ© et lança "Quoi ? Tu as dĂ©jĂ  vu des trucs comme ça ? -Oui. J'en ai un. Ou plutĂŽt, j'en ai eu un. Russell me l'a piquĂ© pour y mettre ses balles de golf. Je ne sais pas d'oĂč il venait , ce que je sais, c'est que j'Ă©tais en rogne aprĂšs Russell pour me l'avoir piquĂ©. Pourquoi, tu en as un, toi aussi ? -Oui, il Ă©tait..." Ils se rendirent compte l'un et l'autre que le regard de Wonko le Sain passait brusquement de l'un Ă  l'autre, tout en essayant dans l'intervalle de paraĂźtre interloquĂ©. "Vous aussi, vous en avez un ?
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Douglas Adams (So Long, and Thanks for All the Fish (The Hitchhiker's Guide to the Galaxy, #4))
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Sans doute, rien n'est plus naturel, aujourd'hui, que de voir des gens travailler du matin au soir et choisir ensuite de perdre aux cartes, au cafĂ©, et en bavardages, le temps qui leur reste pour vivre. Mais il est des villes ou des pays oĂč les gens ont, de temps en temps, le soupçon d'autre chose. En gĂ©nĂ©ral, cela ne change pas leur vie. Seulement, il y a eu le soupçon et c'est toujours cela de gagnĂ©. Oran, au contraire, est apparemment une ville sans soupçon, c'est-Ă -dire une ville tout Ă  fauit moderne. Il n'est pas nĂ©cessaire, en consĂ©quence, de prĂ©ciser la façon dont on s'aime chez nous. Les hommes et les femmes, ou bien se dĂ©vorent rapidement dans ce qu'on appelle l'acte d'amour, ou bien s'engagent dans une longue habitude Ă  eux. Entre ces deux extrĂȘmes, il n'y a pas souvent de milieu. Cela non plus n'est pas original. A Oran comme ailleurs, faute de temps et de rĂ©flexion, on est bien obligĂ© de s'aimer sans le savoir.
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Albert Camus (The Plague)
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Moi qui ai eu la chance, malgrĂ© quelques grosses sĂ©quelles, de me relever et de retrouver une autonomie totale, je pense souvent Ă  cette incroyable pĂ©riode de ma vie et surtout Ă  tous mes compagnons d’infortune. À part Samia, peut-ĂȘtre, je sais pertinemment que les autres sont toujours dans leurfauteuil, qu’ils sont contraints Ă  une assistance permanente, qu’ils ont toujours droit aux sondages urinaires, aux transferts, aux fauteuils-douches, aux sĂ©ances de verticalisation
 Ils sont pour toujours confrontĂ©s Ă  ces mots qui ont Ă©tĂ© mon quotidien, cette annĂ©e-lĂ  J’ai fait trois autres centres de rĂ©Ă©ducation par la suite, mais jamais je n’ai autant ressenti la violence de cette immersion dans le monde du handicap que lors de ces quelques mois. Jamais je n’ai retrouvĂ© autant de malheur et autant d’envie de vivre rĂ©unis en un mĂȘme lieu, jamais je n’ai croisĂ© autant de souffrance et d’énergie, autant d’horreur et d’humour. Et jamais plus je n’ai ressenti autant d’intensitĂ© dans le rapport des ĂȘtres humains Ă  l’incertitude de leur avenir .. Je ne connaissais rien de ce monde-lĂ  avant mon accident. Je me demande mĂȘme si j’y avais dĂ©jĂ  vraiment pensĂ©. Bien sĂ»r, cette expĂ©rience aussi difficile pour moi que pour mon entourage proche m’a beaucoup appris sur moi-mĂȘme, sur la fragilitĂ© de l’existence (et celle des vertĂšbres cervicales). Personne d’autre ne sait mieux que moi aujourd’hui qu’une catastrophe n’arrive pas qu’aux autres, que la vie distribue ses drames sans regarder qui les mĂ©rite le plus . Mais, au-delĂ  de ces lourds enseignements et de ces grandes considĂ©rations, ce qui me reste surtout de cette pĂ©riode, ce sont les visages et les regards que j’ai croisĂ©s dans ce centre. Ce sont les souvenirs de ces ĂȘtres qui, Ă  l’heure oĂč j’écris ces lignes, continuent chaque jour de mener un combat qu’ils n’ont jamais l’impression de gagner.Si cette Ă©preuve m’a fait grandir et progresser, c’est surtout grĂące aux rencontres qu’elle m’aura offertes.
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Grand corps malade (Patients)
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- Toi et ta grande cause... (Ignorant le troubadour, le sorceleur avança en titubant.) Ta grande cause, Filippa, et ton choix, c'est un blessĂ©, poignardĂ© de sang-froid, quand il a eu fini d'avouer ce que tu voulais savoir et qu'il m'Ă©tait interdit de connaĂźtre. Ta grande cause, ce sont tous ces cadavres qui n'auraient pas dĂ» ĂȘtre... Pardon, je me suis mal exprimĂ©... Ce ne sont pas des cadavres... mais des causes de moindre importance ! - Je savais que tu ne comprendrais pas. - Non, en effet. Et je ne le comprendrai jamais. Mais je sais ce qu'il en est. Vos grandes affaires, vos guerres, votre combat pour sauver le monde... Votre fin qui justifie vos moyens... Tends l'oreille, Filippa. Tu entends ces voix, ces cris ? Ce sont de gros chats qui luttent pour une grande cause. Un rĂšgne absolu sur un tas d'ordures. Ce n'est pas rien, lĂ -bas, on fait couler du sang et on s'Ă©tripe. LĂ -bas, c'est la guerre. Mais ces deux guerres, celle des chats et la tienne, m'importent incroyablement peu !
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Andrzej Sapkowski (Krew elfĂłw (Saga o WiedĆșminie, #1))
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Et puis, le manque est arrivĂ©, dans le moment oĂč je m’y attendais le moins, il est arrivĂ© alors que j’avais presque fini par croire Ă  mon amnĂ©sie. C’est terrible, la morsure du manque. Ça frappe sans prĂ©venir, l’attaque est sournoise tout d’abord, on ressent juste une vive douleur qui disparaĂźt presque dans la foulĂ©e, c’est bref, fugace, ça nous plie en deux mais on se redresse aussitĂŽt, on considĂšre que l’attaque est passĂ©e, on n’est mĂȘme pas capable de nommer cette effraction, et pourquoi on la nommerait, on n’a pas eu le temps de s’inquiĂ©ter, c’est parti si vite, on se sent dĂ©jĂ  beaucoup mieux, on se sent mĂȘme parfaitement bien, tout de mĂȘme on garde un souvenir dĂ©sagrĂ©able de cette fraction de seconde, on tente de chasser le souvenir, et on y rĂ©ussit, la vie continue, le monde nous appelle, l’urgence commande. Et puis, ça revient, le jour d’aprĂšs, l’attaque est plus longue ou plus violente, on ploie les genoux, on a un mĂ©chant rictus, on se dit : quelque chose est Ă  l'Ɠuvre Ă  l’intĂ©rieur, on pense Ă  ces transports au cerveau qui annoncent les tumeurs, qui sont le signal enfin visible de cancers gĂ©nĂ©ralisĂ©s jusque-lĂ  insoupçonnables, on Ă©prouve une sale frayeur, un mauvais pressentiment. Et puis, le mal devient lancinant, il s’installe comme un intrus qu’on n’est pas capable de chasser, il est moins mordant et plus profond, on comprend qu’on ne s’en dĂ©barrassera pas, qu’on est foutu. Oui, un jour, le manque est arrivĂ©. Le manque de lui. Au dĂ©but, j’ai fait comme si je ne m’en rendais pas compte, le traitant par l’indiffĂ©rence, par le mĂ©pris, je me savais plus fort que lui, j’étais en mesure de le dominer, de l’éliminer, c’était juste une question de volontĂ© ou de temps, je n’étais pas le genre Ă  me laisser abattre par quelque chose d’aussi tĂ©nu, d’aussi risible. Et puis, il m’a fallu me rendre Ă  l’évidence : ce match, je n’étais pas en train de le gagner, j’allais peut-ĂȘtre mĂȘme le perdre, et je ne possĂ©dais pas le moyen d’échapper Ă  cette dĂ©route et plus je luttais, plus je cĂ©dais du terrain ; plus je niais la rĂ©alitĂ©, plus elle me sautait au visage. Autant le reconnaĂźtre : j’étais dĂ©vorĂ© par ça, le manque de lui.
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Philippe Besson (Un homme accidentel)
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Esther n'Ă©tait certainement pas bien Ă©duquĂ©e au sens habituel du terme, jamais l'idĂ©e ne lui serait venue de vider un cendrier ou de dĂ©barrasser le relief de ses repas, et c'est sans la moindre gĂȘne qu'elle laissait la lumiĂšre allumĂ©e derriĂšre elle dans les piĂšces qu'elle venait de quitter (il m'est arrivĂ©, suivant pas Ă  pas son parcours dans ma rĂ©sidence de San Jose, d'avoir Ă  actionner dix-sept commutateurs); il n'Ă©tait pas davantage question de lui demander de penser Ă  faire un achat, de ramener d'un magasin oĂč elle se rendait une course non destinĂ©e Ă  son propre usage, ou plus gĂ©nĂ©ralement de rendre un service quelconque. Comme toutes les trĂšs jolies jeunes filles elle n'Ă©tait au fond bonne qu'Ă  baiser, et il aurait Ă©tĂ© stupide de l'employer Ă  autre chose, de la voir autrement que comme un animal de luxe, en tout choyĂ© et gĂ„tĂ©, protĂ©gĂ© de tout souci comme de toute tĂąche ennuyeuse ou pĂ©nible afin de mieux pouvoir se consacrer Ă  son service exclusivement sexuel. Elle n'en Ă©tait pas moins trĂšs loin d'ĂȘtre ce monstre d'arrogance, d'Ă©goĂŻsme absolu et froid, au, pour parler en termes plus baudelairiens, cette infernale petite salope que sont la plupart des trĂšs jolies jeunes filles; il y avait en elle la conscience de la maladie, de la faiblesse et de la mort. Quoique belle, trĂšs belle, infiniment Ă©rotique et dĂ©sirable, Esther n'en Ă©tait pas moins sensible aux infirmitĂ©s animales, parce qu'elle les connaissait ; c'est ce soir-lĂ  que j'en pris conscience, et que je me mis vĂ©ritablement Ă  l'aimer. Le dĂ©sir physique, si violent soit-il, n'avait jamais suffi chez moi Ă  conduire Ă  l'amour, il n'avait pu atteindre ce stade ultime que lorsqu'il s'accompagnait, par une juxtaposition Ă©trange, d'une compassion pour l'ĂȘtre dĂ©sirĂ© ; tout ĂȘtre vivant, Ă©videmment, mĂ©rite la compassion du simple fait qu'il est en vie et se trouve par lĂ -mĂȘme exposĂ© Ă  des souffrances sans nombre, mais face Ă  un ĂȘtre jeune et en pleine santĂ© c'est une considĂ©ration qui paraĂźt bien thĂ©orique. Par sa maladie de reins, par sa faiblesse physique insoupçonnable mais rĂ©elle, Esther pouvait susciter en moi une compassion non feinte, chaque fois que l'envie me prendrait d'Ă©prouver ce sentiment Ă  son Ă©gard. Étant elle-mĂȘme compatissante, ayant mĂȘme des aspirations occasionnelles Ă  la bontĂ©, elle pouvait Ă©galement susciter en moi l'estime, ce qui parachevait l'Ă©difice, car je n'Ă©tais pas un ĂȘtre de passion, pas essentiellement, et si je pouvais dĂ©sirer quelqu'un de parfaitement mĂ©prisable, s'il m'Ă©tait arrivĂ© Ă  plusieurs reprises de baiser des filles dans l'unique but d'assurer mon emprise sur elles et au fond de les dominer, si j'Ă©tais mĂȘme allĂ© jusqu'Ă  utiliser ce peu louable sentiment dans des sketches, jusqu'Ă  manifester une comprĂ©hension troublante pour ces violeurs qui sacrifient leur victime immĂ©diatement aprĂšs avoir disposĂ© de son corps, j'avais par contre toujours eu besoin d'estimer pour aimer, jamais au fond je ne m'Ă©tais senti parfaitement Ă  l'aise dans une relation sexuelle basĂ©e sur la pure attirance Ă©rotique et l'indiffĂ©rence Ă  l'autre, j'avais toujours eu besoin, pour me sentir sexuellement heureux, d'un minimum - Ă  dĂ©faut d'amour - de sympathie, d'estime, de comprĂ©hension mutuelle; l'humanitĂ© non, je n'y avais pas renoncĂ©. (La possibilitĂ© d'une Ăźle, Daniel 1,15)
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Michel Houellebecq
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Il y a quelque chose d’ineffablement touchant dans notre campagne pĂ©tersbourgeoise, quand, au printemps, elle dĂ©ploie soudain toute sa force, s’épanouit, se pare, s’enguirlande de fleurs. Elle me fait songer Ă  ces jeunes filles languissantes, anĂ©miĂ©es, qui n’excitent que la pitiĂ©, parfois l’indiffĂ©rence, et brusquement, du jour au lendemain, deviennent inexprimablement merveilleuses de beautĂ©: vous demeurez stupĂ©faits devant elles, vous demandant quelle puissance a mis ce feu inattendu dans ces yeux tristes et pensifs, qui a colorĂ© d’un sang rose ces joues pĂąles naguĂšre, qui a rĂ©pandu cette passion sur ces traits qui n’avaient pas d’expression, pourquoi s’élĂšvent et s’abaissent si profondĂ©ment ces jeunes seins ? Mon Dieu ! qui a pu donner Ă  la pauvre fille cette force, cette soudaine plĂ©nitude de vie, cette beautĂ© ? Qui a jetĂ© cet Ă©clair dans ce sourire ? Qui donc fait ainsi Ă©tinceler cette gaietĂ© ? Vous regardez autour de vous, vous cherchez quelqu’un, vous devinez... Mais que les heures passent et peut-ĂȘtre demain retrouverezvous le regard triste et pensif d’autrefois, le mĂȘme visage pĂąle, les mĂȘmes allures timides, effacĂ©es : c’est le sceau du chagrin, du repentir, c’est aussi le regret de l’épanouissement Ă©phĂ©mĂšre... et vous dĂ©plorez que cette beautĂ© se soit fanĂ©e si vite : quoi ! vous n’avez pas mĂȘme eu le temps de l’aimer !...
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Fyodor Dostoevsky
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Donner un avis n’est pas compliquĂ©. On peut donner un avis au Maroc. On peut donner un avis sur la monarchie. Et d’ailleurs, on peut le voir, le Maroc applique une relative libertĂ© oĂč tout est accessible en termes de mĂ©dias. Tous les sites internet sont accessibles Ă  partir du Maroc et aucun site n’est bloquĂ©. Il y a peu de pays identiques. Il n’y a pas de sites bloquĂ©s. Vous allez en Turquie, c’est diffĂ©rent. Vous allez en ThaĂŻlande, ce n’est pas la mĂȘme chose. Vous pouvez aller dans beaucoup de pays oĂč j’ai pu voyager, il y a beaucoup de sites, parfois Facebook, parfois Twitter, qui sont soumis Ă  des restrictions. Au Maroc, il y a eu le blocage de la VoIP pour les communications Whatsapp, ça a Ă©tĂ© un scandale et ça a Ă©tĂ© rĂ©tabli. Il y a, surtout sur les rĂ©seaux sociaux et sur internet, une libertĂ© absolue. LibertĂ© ne rime pas avec qualitĂ©. Parce qu’il y a toutes sortes de choses dans cette libertĂ©. Il y a des sites qui sont orduriers. Ce n’est pas non plus la panacĂ©e, la libertĂ© absolue. Encore faut-il qu’il y ait un peu de rĂ©gulation. Il nous manque peut-ĂȘtre au Maroc un peu de rĂ©gulation
 Cela ne signifie pas qu’il faudrait interdire, loin de lĂ , mais peut-ĂȘtre essayer de sĂ©vir aussi et de faire respecter la loi
 Il ne faut pas non plus que ça soit l’anarchie, la diffamation, des maĂźtres chanteurs
 C’est quelque chose qui peut influer nĂ©gativement sur les mĂ©dias marocains qui sont sur le net. Entretien avec SouleĂŻman Bencheikh : « C’est quand mĂȘme mieux ici qu’en Turquie
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SouleĂŻman Bencheikh
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Caligula! Toi aussi, toi aussi, tu es coupable. Alors, n'est-ce pas, un peu plus, un peu moins! Mais qui oserait me condamner dans ce monde sans juge, oĂč personne n'est innocent! (Avec tout l'accent de la dĂ©tresse, se pressant contre le miroir.) Tu le vois bien, HĂ©licon n'est pas venu. Je n'aurai pas la lune. Mais qu'il est amer d'avoir raison et de devoir aller jusqu'Ă  la consommation. Car j'ai peur de la consommation. Des bruits d'armes! C'est l'innocence qui prĂ©pare son triomphe. Que ne suis-je Ă  leur place! J'ai peur. Quel dĂ©-goĂ»t, aprĂšs avoir mĂ©prisĂ© les autres, de se sentir la mĂȘme lĂąchetĂ© dans l'Ăąme. Mais cela ne fait rien. La peur non plus ne dure pas. Je vais retrouver ce grand vide oĂč le coeur s'apaise. Tout a l'air si compliquĂ©. Tout est si simple pourtant. Si j'avais eu la lune, si l'amour suffisait, tout serait changĂ©. Mais oĂč Ă©tancher cette soif ? Quel coeur, quel dieu auraient pour moi la profondeur d'un lac ? (S'agenouillant et pleu-rant.) Rien dans ce monde, ni dans l'autre, qui soit Ă  ma me-sure. Je sais pourtant, et tu le sais aussi (il tend les mains vers le miroir en pleurant), qu'il suffirait que l'impossible soit. L'impossible! Je l'ai cherchĂ© aux limites du monde, aux confins de moi-mĂȘme. J'ai tendu mes mains (criant), je tends mes mains et c'est toi que je rencontre, toujours toi en face de moi, et je suis pour toi plein de haine. Je n'ai pas pris la voie qu'il fallait, je n'aboutis Ă  rien. Ma libertĂ© n'est pas la bonne. HĂ©licon! HĂ©licon! Rien! rien encore. Oh, cette nuit est lourde! HĂ©licon ne viendra pas: nous serons coupa-bles Ă  jamais! Cette nuit est lourde comme la douleur hu-maine.
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Albert Camus (Caligula)
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Les gens ont peur d’ĂȘtre bannis socialement ou obligĂ©s de quitter le pays. Il y a des lignes rouges que personne n’ose dĂ©passer, sur lesquelles veillent l’Etat et les oulĂ©mas. Je me souviens de la virulence avec laquelle un alem de l’Establishment avait excommuniĂ© le philosophe Mohamed Aziz Lahbabi. Celui-ci m’avait appelĂ© pour me demander de raisonner le alem en question. « Dis-lui que je fais mes priĂšres, que je ne suis pas un mĂ©crĂ©ant ». J’ai eu Ă  faire moi-mĂȘme Ă  un alem, le jour oĂč il m’a conviĂ©, sur le ton de la dĂ©fiance, Ă  un dĂ©bat sur la culture musulmane. Il Ă©tait question, au dĂ©part, qu’Abdellah Laroui et Mehdi Mandjera soient Ă  mes cĂŽtĂ©s pour confronter nos idĂ©es avec cinq oulĂ©mas de la vieille Ă©cole. J’ai essayĂ© finalement de m’en sortir tout seul, sans m’éloigner de la logique coranique. A vrai dire, je me sens obligĂ©, en tant que dĂ©fenseur d’une laĂŻcitĂ© tolĂ©rante, d’acquĂ©rir continuellement des connaissances religieuses prĂ©cises. En fait, entre 1968 et 1972, je me suis sĂ©rieusement penchĂ© sur l’exĂ©gĂšse du Coran, dont l’une des versions les plus exhaustives en 10 volumes que j’ai lue quatre fois. Peu importe Ă  quel degrĂ© de croyance je me situais, je voulais m’instruire. Dans la foulĂ©e, j’ai dĂ©cidĂ© de prendre une posture d’avocat sans prĂ©jugĂ©, se proposant de dĂ©fendre un client sans savoir s’il avait raison ou tort. Et en l’occurrence, je me suis fait l’avocat de l’Islam. Or, un avocat ne peut que donner raison Ă  son client. J’ai alors Ă©crit mon livre, Ce que dit le muezzin. Me suis-je convaincu moi-mĂȘme, Ă  l’arrivĂ©e ? En tout cas, j’ai au moins rendu hommage Ă  la religion dans laquelle j’avais Ă©tĂ© Ă©levĂ©. [Interview Economia, Octobre 2010]
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Mohammed Chafik
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J'ai appris des autochtones amĂ©ricains que nous prouvons seulement notre appartenance Ă  l'endroit oĂč nous vivons sur terre en utilisant notre maison avec soin, sans la dĂ©truire. J'ai appris qu'on ne peut pas se sentir chez soi dans son corps, qui est la maison la plus authentique de chacun, quand on souhaite ĂȘtre ailleurs, et qu'il faut trouver par soi-mĂȘme le lieu oĂč l'on est dĂ©jĂ  dans le monde naturel environnant. J'ai appris que dans mon travail de poĂšte et de romancier il n'existe pas pour moi de chemin tracĂ© Ă  l'avance, et que j'Ă©cris le mieux en puisant dans mon expĂ©rience d'adolescent imitant les autochtones et partant vers une contrĂ©e oĂč il n'y a pas de chemin. J'ai appris que je ne peux pas croire vraiment Ă  une religion en niant la science pure ou les conclusions de mes propres observations du monde naturel. J'ai appris que regarder un pluvier des hautes terres ou une grue des ables est plus intĂ©resant que de lire la meilleure critique Ă  laquelle j'ai jamais eu droit. J'ai appris que je peux seulement conserver mon sens du caractĂšre sacrĂ© de l'existence en reconnaissant mes propres limites et en renonçant Ă  toute vanitĂ©. J'ai appris qu'on ne peut pas comprendre une autre culture tant qu'on tient Ă  dĂ©fendre la sienne coĂ»te que coĂ»te. Comme disaient les Sioux, "courage, seule la Terre est Ă©ternelle". Peu parmi les cent millions d'autres espĂšces sont douĂ©es de parole, si bien que nous devons parler et agir pour les dĂ©fendre. Que nous ayons trahi nos autochtones devrait nous pousser de l'avant, tant pour eux que pour la terre que nous partageons. Si nous ne parvenons pas Ă  comprendre que la rĂ©alitĂ© de la vie est un agrĂ©gat des perceptions et de la nature de toutes les espĂšces, nous sommes condamnĂ©s, ainsi que la terre que dĂ©jĂ  nous assassinons.
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Jim Harrison (Off to the Side: A Memoir)
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Il etait plutot fin, donc, le sable, delie, ne s'agglomerait pas, c'etait de la pierre, en fait, de la pierre pilee, rien a voir ou presque avec la poussiere, c'est ce que je veux dire. Mais plus maintenant. C'est que ca vole, quand meme, le sable. Et il volait, la, sous les pieds des enfants, et partout ca retombait, et pour la premiere fois j'ai vu la plage comme une grande plage de poussiere. Je dis grande parce que j n'avais jamais vu autant de poussiere, meme chez moi, apres le depart de Constance. Et j'ai forcement pense a Laura, mais ce n'est pas ca, je n'ai pas eu a y penser, bien sur, j'y pensais, je ne faisais que ca, mais j'y pensais avec recul, enfin j'essayais, parce que le moins qu'on puisse dire c'est que j'avais besoin de distance, sauf que je n'arrivais pas a' en prendre, de la distance, je souffrais, c'est egalement le moins qu'on puisse dire, et le seul resultat de mes efforts c'etait ca: penser que je m'etais trompe, que Laura en fin de compte n'avait jamais convenu, depuis le debut, ni pour le menage, ni comme femme, donc, comme femme susceptible d'apporter un peu d'order, dans ma vie, et alors j'en trouvais la verfication maintenant, sur le sable, ce sable que je n'avais jamais aime, au fond, pas plus que la poussiere, ou Laura me laissait, jusqu'a la mordre. Et j'ai vu que le gens s'y couchaient, dans ce sable, que n'etait plus que poussiere, maintenant, et je me suis dit je suis comme eux, a cette difference pres qu'ils sont beaucoup plus forts, eux. Parce qu'ils s'entrainen, en fait. A y retourner, donc. A la poussiere, oui. Je pensais ca aussi parce que je me sentais mort, bien sur, mais tout de meme. Et je le pensais encore parce que j n'etais pas pret, moi. Je me sentais mort depuis deux minutes, seulement. Mort, mais supris.
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Christian Oster (Une femme de ménage)
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A ce discours, Candide s’évanouit encore; mais revenue Ă  soi, et ayant dit tout ce qu’il devait dire, il s’enquit de la cause et de l’effet, et de la raison suffisante qui avait mis Pangloss dans un si piteux Ă©tat. HĂ©las! dit l’autre, c’est l’amour: l’amour, le consolateur du genre humain, le conservateur de l’univers, l’ñme de tous les ĂȘtres sensibles, le tender amour. HĂ©las! dit Candide, je l’ai connu cet amour, ce souverain des coeurs, cette Ăąme de notre Ăąme, il ne m’a jamais valu qu’un baiser et vingt coups de pied au cul. Comment cette belle cause a-t-elle pu produire en vous un effet si abominable? Pangloss rĂ©pondit en ces termes: O mon cher Candide! vous avez connu Paquette, cette jolie suivante de notre auguste baronne: j’ai goĂ»tĂ© dans ses bras les dĂ©lices du paradis, qui ont produit ces tourments d’enfer dont vous me voyez dĂ©vorĂ©; elle en Ă©tait infectĂ©e, elle en est peut-ĂȘtre morte. Paquette tenait ce present d’un Cordelier trĂšs savant qui avait remontĂ© Ă  la source, car il l’avait eu d’une vieille comtesse, qui l’avait reçu d’un capitaine de cavalerie, qui le devait Ă  une marquise, qui le tenait d’un page, qui l’avait reçu d’un jĂ©suite, qui, Ă©tant novice, l’avait eu en droite ligne d’un des compagnons de Christophe Colomb. Pour moi, je ne le donnerai Ă  personne, car je me meurs. O Pangloss! s’écria Candide, voilĂ  une Ă©trange gĂ©nĂ©alogie! n’est-ce pas le diable qui en fut la souche? Point du tout, rĂ©pliqua ce grand home; c’était une chose indispensable dans le meilleur des mondes, un ingredient nĂ©cessaire; car si Colomb n’avait pas attrapĂ© dans une Ăźle de l'AmĂ©rique cette maladie qui empoisonne la source de la generation, qui souvent meme empĂȘche la generation, et qui est Ă©videmment l’opposĂ© du grand but de la nature, nous n’aurions ni le chocolat ni la cochenille; il faut encore observer que jusqu’aujourd’hui, dans notre continent, cette maladie nous est particuliĂšre, comme la controverse.
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Voltaire (Candide)
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En ce qui concerne l’arabe et le berbĂšre, je ne dirai qu’une chose : j’estime qu’un berbĂšre qui ne connaĂźt pas l’arabe, ne connaĂźt pas le Maroc et l’arabe qui ne sait pas le berbĂšre, non plus. Quant Ă  l’origine des uns et des autres, et puisqu’on parle beaucoup ces derniers temps d’ADN, je voudrais dĂ©plorer le fait que chez nous, on a l’esprit insuffisamment scientifique pour remettre en cause des donnĂ©es historiques hĂ©ritĂ©es, qu’on s’en tient Ă  ce qui a Ă©tĂ© dit il y a mille ans. Or, je peux vous dire que les civilisations berbĂšre et Ă©gyptienne ont une mĂȘme origine, le centre du Grand Sahara. Quand je travaillais sur le dictionnaire berbĂšre (j’y ai consacrĂ© 27 ans de ma vie), il y a eu une racine berbĂšre qui m’a intriguĂ©e. Il s’agit d’un verbe, Sko, qui veut dire dans tous les dialectes berbĂšres, « bĂątir », sauf chez les touaregs oĂč il veut dire « enterrer ». Or, c’est de notoriĂ©tĂ© publique, le touareg est un isolant linguistique, conservateur, qui peut porter les traces d’une signification originelle. Petit Ă  petit, j’ai rĂ©uni suffisamment d’élĂ©ments pour affirmer qu’à l’époque des hordes dans le Grand Sahara, on a commencĂ© Ă  enterrer les morts. Puis, les gens n’étant pas sĂ©dentarisĂ©s, on a Ă©tĂ© obligĂ©s de construire un Ă©difice reconnaissable sur chaque tombe. Par ce dĂ©tail linguistique, je suis arrivĂ© Ă  l’hypothĂšse de l’origine historique commune, saharienne, des BerbĂšres et des Egyptiens. Quand j’ai exposĂ© ma thĂšse Ă  l’AcadĂ©mie Royale du Maroc, elle a Ă©tĂ© accueillie trĂšs froidement. Mais une anthroplogue amĂ©ricaine qui menait une recherche sur les deux civilisations puis un livre paru en 2000 2 ont corroborĂ© mon propos et montrĂ© qu’au moment de la dĂ©sertification, les populations ont Ă©migrĂ© vers l’Ouest (le Maghreb) et l’Est (l’Egypte) au plus proche des points d’eau 3, avec une particularitĂ© bovine du cĂŽtĂ© du Nil et une orientation pastoraliste ovine du cĂŽtĂ© du Maghreb. [Interview Economia, Octobre 2010]
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Mohammed Chafik
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J'achĂšte un roman marocain d'expression française le vendredi. Je commence Ă  le lire le samedi et dĂšs les premiĂšres pages, je crie: "Encore un qui croit que la littĂ©rature, c'est raconter son enfance et sublimer ou dramatiser son passĂ©. Je me dis; "continue quand mĂȘme, il a ratĂ© le dĂ©but mais tu trouveras sĂ»rement quelque chose de beau plus loin." Rien, walou, nada, niet. chercher des effets de styles, une narration travaillĂ©e, un souffle, une sensibilitĂ©, une sincĂ©ritĂ© est inutile. Tout sonne faux. Le mec continue de nous bassiner avec ses misĂšres et ses amours d'enfance en utilisant la langue la plus plate que j'ai eu Ă  lire ces derniers temps. Pourquoi tant d'Ă©gocentrisme et de nombrilisme? L'HÉGÉMONIE DU "JE" EST DEVENUE UN VÉRITABLE CANCER POUR LA LITTÉRATURE MAROCAINE. Beaucoup de ceux qui s'adonnent Ă  l'Ă©criture au Maroc, surtout en français, croient qu'Ă©crire, c'est reparler de leur mĂšre, leur pĂšre, leurs voisins, leurs frustrations... et surtout LEUR PERSONNE. Si au moins ils avaient l'existence d'un Rimbaud ou d'un DostoĂŻevski. Je continue Ă  lire malgrĂ© tout, d'abord parce que je suis maso, et ensuite pour ne pas ĂȘtre injuste Ă  l'Ă©gard de l'auteur. Peine perdue. Le livre me tombe des mains et je le balance loin de moi Ă  la page 94. MĂȘme le masochisme a des limites. Je n'ai rien contre quelqu'un qui raconte sa vie. Je n'ai rien contre un nombriliste, un Ă©gocentrique, un maniaque, un narcissique, un mĂ©galo, etc, du moment qu'il me propose un objet littĂ©raire, un vrai, avec un style... Oui un style. Je ne dis pas avec une langue parfaite; non; je dis avec sa langue Ă  lui, qui fait ressortir sa sincĂ©ritĂ©, son dilemme, ses tripes, son Ăąme. C'est ça le style qui fait l'oeuvre et non pas le bavardage. Pour le bavardage, le "regardez-moi, je suis beau et je suis devenu Ă©crivain"; le "Admirez-moi!", il y a les JamaĂ€s Fna (avec tous mes respects pour les conteurs de Jamaa Fna) et les Shows. Alors SVP! un peu de respect pour la littĂ©rature.
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Mokhtar Chaoui
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Quand elle Ă©tait petite, elle voulait m’épouser. J’étais son prince charmant. AnnĂ©e aprĂšs annĂ©e, j’avais bien vu dans son regard que le mythe s’était Ă©parpillĂ© dans les affres de la rĂ©alitĂ©. J’étais tombĂ© de mon piĂ©destal et, si je ne cherchais pas Ă  mentir sur qui j’étais, j’avais toujours eu envie qu’elle me voie au meilleur de ma forme. Au fond, je pouvais dire que nous n’avions jamais rĂ©ellement eu une relation saine. La preuve : cette incapacitĂ© physique d’aller voir son appartement, ce lieu oĂč elle vivait en femme. Il faudrait des siĂšcles pour admettre que nos enfants sont devenus adultes. On dit souvent qu’il est difficile de vieillir ; moi, je pourrais vieillir indĂ©finiment du moment que mes enfants, eux, ne grandiraient pas. Je ne sais pas pourquoi j’éprouvais tant de difficultĂ©s Ă  vivre cette transition que tout parent connaĂźt. Je n’avais pas l’impression qu’autour de moi les gens avaient les mĂȘmes. Pire, j’entendais des parents soulagĂ©s du dĂ©part de leurs enfants. Enfin, ils allaient retrouver la libertĂ©, disaient-ils. Il y avait ce film oĂč le garçon, Tanguy, s’éternisait chez ses parents, prolongeant sans cesse ses Ă©tudes. Le mien Ă©tait parti Ă  l’autre bout du monde dĂšs ses dix-huit ans. C’est toujours comme ça : ceux qui veulent se dĂ©barrasser de leurs enfants hĂ©ritent de boulets, tandis que ceux qui veulent couver Ă  loisir leur progĂ©niture se retrouvent avec des prĂ©coces de l’autonomie. Mon fils me manquait atrocement. Et je ne supportais plus d’échanger avec lui des messages par Skype, ou par e-mails. D’ailleurs, ces messages et ces moments virtuels Ă©taient de plus en plus courts. Nous n’avions rien Ă  nous dire. L’amour entre un parent et un enfant n’est pas dans les mots, pas dans la discussion. Ce que j’aimais, c’était simplement que mon fils soit lĂ , Ă  la maison. On pouvait ne pas se parler de la journĂ©e, ce n’était pas grave, je sentais sa prĂ©sence, ça me suffisait. Étais-je si tordu ? Je ne sais pas. Je ne peux qu’essayer de mettre des mots sur mes sentiments. Et je peux affirmer maintenant ce que je sais depuis le dĂ©but : je vis mal la sĂ©paration avec mes enfants. Elle me paraĂźt normale, justifiĂ©e, humaine, biologique, tout ce que vous voulez, pourtant elle me fait mal.
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David Foenkinos (Je vais mieux)
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Si l’humanitĂ© s’est Ă©cartĂ©e des conditions initiales dont je parlais, si elle a renoncĂ©, sans le savoir et sans le vouloir, Ă  la stabilitĂ© Ă  laquelle elle pouvait tendre, on pouvait supposer qu’étant arrivĂ©e Ă  un certain niveau, elle s’y serait stabilisĂ©e, comme les abeilles ont pu se stabiliser (elles ont trouvĂ© certains procĂ©dĂ©s de construction, d’accumulation des rĂ©serves), et demeurer en cet Ă©tat indĂ©finiment, comme il semble que les abeilles y soient demeurĂ©es, nous aurions pu arriver Ă  concevoir une humanitĂ© comme une fourmiliĂšre ou une ruche d’abeilles. Pas du tout. Elle n’a cessĂ© de s’écarter de son bien-ĂȘtre, le bien-ĂȘtre n’a pas suffi Ă  l’humanitĂ©. HĂ©las ! dans bien des cas on pourrait se lamenter Ă  ce sujet et pleurer, mais il s’est trouvĂ© toujours que les hommes se soient Ă©cartĂ©s de la norme dĂ©jĂ  Ă©tablie, que des hommes, des penseurs par exemple aient spĂ©culĂ© assez pour trouver que la stabilitĂ© acquise Ă©tait une stabilitĂ© insuffisante, trĂšs insuffisante. C’est pourquoi j’ai pu prononcer dans ma derniĂšre leçon ce mot de l’aventure qui m’a paru rĂ©sumer la vie humaine dans son ensemble. L’aventure... c’est-Ă -dire ce fait qu’il y a eu un changement qui a toujours etendu Ă  repousser, Ă  nier, Ă  ruiner les conditions d’existence, mĂȘme favorables, mĂȘme satisfaisantes pour la majoritĂ© des individus, et qui a tendu Ă  dĂ©truire cet ordre-lĂ , Ă  le renverser. J’avais associĂ© Ă  ce mot-lĂ  le mot le plus connu de progrĂšs, mais je prĂ©fĂšre celui d’aventure, et je vais vous dire pourquoi le terme de progrĂšs, que j’ai essayĂ© de prĂ©ciser en le ramenant Ă  ce qui est observable, progrĂšs que j’ai dĂ©fini par l’accroissement de prĂ©cision dans les mesures marquĂ©es par les dĂ©cimales qu’on peut calculer et observer : progrĂšs dans l’acquisition des moyens d’action, progrĂšs de puissance mĂ©canique, nombre de chevaux-vapeur par tĂȘte Ă  telle Ă©poque, progrĂšs dans les automatismes sociaux, par consĂ©quent progrĂšs qui permet de commander beaucoup plus d’élĂ©ments humains ou matĂ©riels Ă  l’aide d’un plus petit effort, diminution de l’effort Ă  accomplir. Tout ceci est parfaitement observable, ce ne sont pas des chimĂšres. On a ajoutĂ© Ă  cela une vĂ©ritable religion du progrĂšs, qui fait croire que, quoi qu’il en soit aprĂšs bien des aventures, beaucoup d’expĂ©riences, l’humanitĂ© marche toujours vers une amĂ©lioration de son sort.
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Paul Valéry (Cours de poétique (Tome 1) - Le corps et l'esprit (1937-1940) (French Edition))
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On apprit qu’il avait Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©, en dehors de la ville, en proie Ă  un accĂšs de folie furieuse. On l’avait conduit Ă  l’hĂŽpital oĂč il Ă©tait mort deux jours aprĂšs. Une mort pareille Ă©tait la consĂ©quence nĂ©cessaire, naturelle, de toute sa vie. Il devait mourir ainsi, quand tout ce qui le soutenait dans la vie disparaissait d’un coup comme une vision, comme un rĂȘve vide. Il mourut aprĂšs avoir perdu son dernier espoir, aprĂšs avoir eu la vision nette de tout ce qui avait leurrĂ© et soutenu sa vie. La vĂ©ritĂ© l’aveugla de son Ă©clat insoutenabe . et ce qui Ă©tait le mensonge lui apparut tel Ă  lui-mĂȘme. Pendant la derniĂšre heure de sa vie, il avait entendu un gĂ©nie merveilleux qui lui avait contĂ© sa propre existence et l’avait condamnĂ© pour toujours. Avec le dernier son jailli du violon du gĂ©nial S... s’était dĂ©voilĂ© Ă  ses yeux tout le mystĂšre de l’art, et le gĂ©nie, Ă©ternellement jeune, puissant et vrai, l’avait Ă©crasĂ© de sa vĂ©ritĂ©. Il semblait que tout ce qui l’avait tourmentĂ© durant toute sa vie, par des souffrances mystĂ©rieuses, indicibles, tout ce qu’il n’avait vu jusqu’à ce jour que dans un rĂȘve et qu’il fuyait avec horreur et se masquait par le mensonge de toute sa vie, tout ce qu’il pressentait et redoutait, tout cela, tout d’un coup, brillait Ă  ses yeux qui, obstinĂ©ment, ne voulaient par reconnaĂźtre que la lumiĂšre est la lumiĂšre, et que les tĂ©nĂšbres sont les tĂ©nĂšbres. La vĂ©ritĂ© Ă©tait intolĂ©rable pour ces yeux qui voyaient clair pour la premiĂšre fois ; elle l’aveugla et dĂ©truisit sa raison. Elle l’avait frappĂ© brusquement, comme la foudre. Soudain s’était rĂ©alisĂ© ce qu’il avait attendu toute sa vie avec un tremblement de terreur. Il semblait que durant toute sa vie une hache avait Ă©tĂ© suspendue au-dessus de sa tĂȘte ; que toute sa vie il avait attendu Ă  chaque instant, dans des souffrance indicibles, que cette hache le frappĂąt. Enfin elle l’avait frappĂ©. Le coup Ă©tait mortel. Il voulait s’enfuir, mais il ne savait oĂč aller. Le dernier espoir s’était Ă©vanoui, le dernier prĂ©texte anĂ©anti. Celle dont la vie lui avait Ă©tĂ© un fardeau pendant de longues annĂ©es, celle dont la mort, ainsi qu’il le croyait dans son aveuglement, devait amener sa rĂ©surrection Ă  lui, Ă©tait morte. Enfin il Ă©tait seul ; rien ne le gĂȘnait. Il Ă©tait enfin libre ! Pour la derniĂšre fois, dans un accĂšs de dĂ©sespoir, il avait voulu se juger soi-mĂȘme, se condamner impitoyablement comme un juge Ă©quitable ; mais son archet avait faibli et n’avait pu que rĂ©pĂ©ter faiblement la derniĂšre phrase musicale du gĂ©nie. À ce moment, la folie, qui le guettait depuis dix ans, l’avait frappĂ© irrĂ©missiblement
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Fyodor Dostoevsky (Netochka Nezvanova)