Contre Jour Quotes

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A l'adolescence, on rĂȘve du jour oĂč l'on quittera ses parents, un autre jour ce sont vos parents qui vous quittent. Alors, on ne rĂȘve plus qu'Ă  pouvoir redevenir, ne serait-ce qu'un instant, l'enfant qui vivait sous leur toit, les prendre dans vos bras, leur dire sans pudeur qu'on les aime, se serrer contre eux pour qu'ils vous rassurent encore une fois.
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Marc Levy (Le Voleur d'ombres)
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Les enfants qui s'aiment s'embrassent debout Contre les portes de la nuit Et les passants qui passent les désignent du doigt Mais les enfants qui s'aiment Ne sont là pour personne Et c'est seulement leur ombre Qui tremble dans la nuit Excitant la rage des passants Leur rage, leur mépris, leurs rires et leur envie Les enfants qui s'aiment ne sont là pour personne Ils sont ailleurs bien plus loin que la nuit Bien plus haut que le jour Dans l'éblouissante clarté de leur premier amour
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Jacques Prévert (Paroles)
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Des marchands de sang humain criaient a tue-tĂȘte : "Qui veut des places ?". Une rage m'a pris contre ce peuple. J'ai eu envie de leur crier : "Qui veut la mienne ?
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Victor Hugo (Le Dernier Jour d'un Condamné (French Edition))
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Et comme j’essayais de lui expliquer ce que c’était que ces mariages, je sentis quelque chose de frais et de fin peser lĂ©gĂšrement sur mon Ă©paule. C’était sa tĂȘte alourdie de sommeil qui s’appuyait contre moi avec un joli froissement de rubans, de dentelles et de cheveux ondĂ©s. Elle resta ainsi sans bouger jusqu’au moment oĂč les astres du ciel pĂąlirent, effacĂ©s par le jour qui montait. Moi, je la regardais dormir, un peu troublĂ© au fond de mon ĂȘtre, mais saintement protĂ©gĂ© par cette claire nuit qui ne m’a jamais donnĂ© que de belles pensĂ©es. Autour de nous, les Ă©toiles continuaient leur marche silencieuse, dociles comme un grand troupeau ; et par moments je me figurais qu’une de ces Ă©toiles, la plus fine, la plus brillante ayant perdu sa route, Ă©tait venue se poser sur mon Ă©paule pour dormir..
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Alphonse Daudet (Lettres de mon moulin)
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A 21 h 15, j'arrive enfin chez moi et je m'affale littĂ©ralement sur le canapĂ©. Et lĂ , je sais que je vais vous dĂ©cevoir mais non, il n'y a pas de chat qui vient se frotter contre mes jambes (avouez que vous l'attendiez). Je n'ai pas plus de chat que de petit ami, de chien, de poisson rouge et mĂȘme de plantes. De toute façon, elles crĂšvent au bout de deux jours en ma compagnie.
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CĂ©cile Chomin (Hot Love Challenge (Hot Love, #1))
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Je me souviens qu'à un moment, m'étend appuyée à la machine, j'avais regardé le disque se lever, lentement, pour aller se poser de biais contre le saphir, presque tendrement, comme une joue. Et, je ne sais pourquoi, j'avais été envahie d'un violent sentiment de bonheur; de l'intuition physique, débordante, que j'allais mourir un jour, qu'il n'y aurait plus ma main sur ce rebord de chrome, ni ce soleil dans mes yeux.
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Françoise Sagan (A Certain Smile)
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De nos jours, rien n'est plus mensonger que cette étiquette "pro-vie" dont s'affublent les militants antiavortements : un grand nombre d'entre eux sont aussi favorables à la peine de mort ou, aux Etats-Unis, à la libre circulation des armes (plus de quinze mille morts en 2017), et on ne le voit pas militer avec tant d'ardeur contre les guerres ni contre la pollution, dont on estime qu'elle a été responsable d'une mort sur six dans le monde en 2015. La vie ne les passionne que lorsqu'il s'agit de pourrir celles des femmes. Le natalisme est affaire de pouvoir, et non d'amour de l'humanité.
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Mona Chollet (SorciÚres : La puissance invaincue des femmes)
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Elle ne veut pas guerir par qu'elle ne sait pas comment exister autrement qu'Ă  travers cette maladie qui l'a choisie, cette maladie dont on parle dans les journaux et les colloques, une quĂȘte aveugle et obscure qu'elle partage avec d'autres, complices anonymes et titubantes d'un crime silencieux perpĂ©trĂ© contre soi.
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Delphine de Vigan (Jours sans faim)
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Parce que c'est ma mĂšre, elle qui a sacrifiĂ© chacun de ses jours et plusieurs de ses nuits pour me voir libĂ©rĂ©e des servilitĂ©s et soumissions qui Ă©taient les siennes, qui a souahaitĂ© le plus ma rĂ©ussite. Parce qu'elle a priĂ© la vierge Marie Ă  genoux dans toutes les chapelles pour que j'Ă©chappe aux fatalitĂ©s du destin social. Parce que mĂȘme si je me contruisais contre elle en embrassant les codes qui l'excluent, j'ai produit sa fiertĂ©. Parce que la trahison que l'ascension suppose Ă©tait non seulement attendue mais espĂ©rĂ©e.
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Caroline Dawson (LĂ  oĂč je me terre)
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Je me retrouvai seul, roulant sous la pluie du jour agonisant, et les essuie-glace Ă©taient en pleine action, mais que pouvaient-ils contre mes larmes ?
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Vladimir Nabokov (Lolita)
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À Tokyo, oĂč je n'ai jamais mis les pieds, on conserve paraĂźt-il le temps dans de jolies petites boĂźtes laquĂ©es. Si tu veux trois jours, on peut te les vendre. Contre de l'argent ? Non, on n'achĂšte du temps qu'avec du temps. On peut te vendre trois jours gris contre deux jours ensoleillĂ©s et une nuit triste. Ou simplement une heure contre un baiser frais. Je voudrais acheter du temps japonais avec des mimosas ruisselants de pluie.
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Dany LaferriĂšre (Je suis un Ă©crivain japonais)
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Je ne luttais plus contre les coutumes à la fois vénérables et vaines ; tout ce qui met en lumiÚre l'effort de l'homme, ne fût-ce que pour la durée d'un jour, me semblait salutaire en présence d'un monde si prompt à l'oubli.
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Marguerite Yourcenar (Memoirs of Hadrian)
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Je le vis, je rougis, je pĂąlis Ă  sa vue ; Un trouble s’éleva dans mon Ăąme Ă©perdue ; Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler; Je sentis tout mon corps et transir et brĂ»ler : Je reconnus VĂ©nus et ses feux redoutables, D’un sang qu’elle poursuit tourments inĂ©vitables ! Par des vƓux assidus je crus les dĂ©tourner : Je lui bĂątis un temple, et pris soin de l’orner ; De victimes moi-mĂȘme Ă  toute heure entourĂ©e, Je cherchais dans leurs flancs ma raison Ă©garĂ©e : D’un incurable amour remĂšdes impuissants ! En vain sur les autels ma main brĂ»lait l’encens ! Quand ma bouche implorait le nom de la dĂ©esse, J’adorais Hippolyte ; et, le voyant sans cesse, MĂȘme au pied des autels que je faisais fumer, J’offrais tout Ă  ce dieu que je n’osais nommer. Je l’évitais partout. Ô comble de misĂšre ! Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son pĂšre. Contre moi-mĂȘme enfin j’osai me rĂ©volter : J’excitai mon courage Ă  le persĂ©cuter. Pour bannir l’ennemi dont j’étais idolĂątre, J’affectai les chagrins d’une injuste marĂątre ; Je pressai son exil ; et mes cris Ă©ternels L’arrachĂšrent du sein et des bras paternels. Je respirais, ƒNONE ; et, depuis son absence, Mes jours moins agitĂ©s coulaient dans l’innocence : Soumise Ă  mon Ă©poux, et cachant mes ennuis, De son fatal hymen je cultivais les fruits. Vaines prĂ©cautions ! Cruelle destinĂ©e ! Par mon Ă©poux lui-mĂȘme Ă  TrĂ©zĂšne amenĂ©e, J’ai revu l’ennemi que j’avais Ă©loignĂ© : Ma blessure trop vive aussitĂŽt a saignĂ©. Ce n’est plus une ardeur dans mes veines cachĂ©e : C’est VĂ©nus tout entiĂšre Ă  sa proie attachĂ©e. J’ai conçu pour mon crime une juste terreur ; J’ai pris la vie en haine, et ma flamme en horreur ; Je voulais en mourant prendre soin de ma gloire, Et dĂ©rober au jour une flamme si noire : Je n’ai pu soutenir tes larmes, tes combats : Je t’ai tout avouĂ© ; je ne m’en repens pas. Pourvu que, de ma mort respectant les approches, Tu ne m’affliges plus par d’injustes reproches, Et que tes vains secours cessent de rappeler Un reste de chaleur tout prĂȘt Ă  s’exhaler.
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Jean Racine (PhĂšdre)
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En Europe, les bibliothùques des grandes villes ouvrent le dimanche et tous les jours de la semaine jusqu’à 22 heures. A Copenhague, elles ouvrent cent heures par semaine contre trente en moyenne en France, quarante heures dans nos plus grandes villes.
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Anonymous
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Vous vous demandez contre qui je joue ? Sixtine ne sut que rĂ©pondre et se contenta de regarder les dominos en vrac sur la table. L’homme lui sourit et susurra : — La Muerte. La Mort. Sixtine fut happĂ©e par son regard. — Chaque jour, nous jouons. Pour l’instant, elle m’a toujours laissĂ© gagner.
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Caroline Vermalle (Sixtine - L'Intégrale)
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Ils niaient tranquillement, contre toute évidence, que nous ayons jamais connu ce monde insensé où le meurtre d’un homme était aussi quotidien que celui des mouches, cette sauvagerie bien définie, ce délire calculé, cet emprisonnement qui apportait avec lui une affreuse liberté à l’égard de tout ce qui n’était pas le présent, cette odeur de mort qui stupéfiait tous ceux qu’elle ne tuait pas, ils niaient enfin que nous ayons été ce peuple abasourdi dont tous les jours une par- tie, entassée dans la gueule d’un four, s’évaporait en fumées grasses, pendant que l’autre, chargée des chaînes de l’impuissance et de la peur, attendait son tour.
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Albert Camus (The Plague)
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Le train de nuit, c'est toujours une aventure. On s'imagine dans l'Orient Express, le mystĂšre plane ; on entend passer les voyageurs. On imagine des histoires, des frĂŽlements sensuels. On ne dort que d'un oeil, blottis l'un contre l'autre. On se chuchote des choses que l'on ne dirait pas en plein jour. Puis on s'endort avec le balancement du train, tadam tadam, tadam tadam, tadam tadam.
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Mirelle Hdb
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etre ou ne pas etre se demandait shakspear .y'a t'il plus de puissance d'ame a subir . ou bien s' armer contre les vagues de douleurs. avant que les maux spirituelles du vertige demeurent . avnt que laterre dit sa parole aux milles tortures naturelles . avant que le seigneur devient en colére . souvient toi de ta naissance prmiére . le jour ou on t'a apris la priére . ton coeur etait brave trés propre .tu cherchait la paix pour mieucx vivre alors que la paix. cest s'offrir le luxe e ne plus souffrir . inconscient tu était du terme mourir . l'agonie de la mort va te couvrir .cette heure tu connaitras une valeure . a quoi sert de vivre deux heures sans savoir que le destin c'est l'enfer .etre ou ne pas etre se demandait un jeune asperger .telle est la question du grand mistére. reveille toi pour ne pl us dormir . car la cloche de la restruction va te couvrir.
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cherine hamaidi savant
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Fut-ce le fruit de mon imagination? Il me sembla voir passer sur le visage de notre voisin une expression que j'aurais pu traduire en ces termes: "Pourquoi te donnes-tu tant de mal? J'ai gagné, tu ne peux pas ne pas le savoir. Le simple fait que j'assiÚge chaque jour ton salon pendant deux heures n'en est-il pas la preuve? Si brillants que soient tes discours, tu ne pourras rien contre cette évidence: je suis chez toi et je t'emmerde.
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Amélie Nothomb (Les Catilinaires)
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Toute personne dont le but est «quelque chose de supĂ©rieur” doit s’attendre un jour Ă  souffrir de vertige. Qu’est-ce que le vertige? La peur de tomber? Alors, pourquoi le sentons nous mĂȘme lorsque la tour d’observation est Ă©quipĂ© d’une rampe solide? Non, le vertige est autre chose que la peur de tomber. Il est la voix du vide en dessous de nous qui tente et nous attire, c’est le dĂ©sir de l’automne, contre qui, terrifiĂ©, nous dĂ©fendons nous-mĂȘmes.
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Milan Kundera (The Unbearable Lightness of Being)
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Ne pleurez pas. Non, non, ne pleurez pas! Vous voyez bien que c'est le jour de la justification. Quelque chose s'élÚve à cette heure qui est notre témoignage à nous autres révoltés: Yanek n'est plus un meurtrier. Un bruit terrible! Il a suffi d'un bruit terrible et le voilà retourné à la joie de l'enfance. Vous souvenez-vous de son rire? Il riait sans raison parfois. Comme il était jeune! Il doit rire maintenant. Il doit rire, la face contre la terre!
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Albert Camus (Les Justes)
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Vis selon la nature, sois patient, & chasse les mĂ©decins ; tu n’éviteras pas la mort, mais tu ne la sentiras qu’une fois, tandis qu’ils la portent chaque jour dans ton imagination troublĂ©e, & que leur art mensonger, au lieu de prolonger tes jours, t’en ĂŽte la jouissance. Je demanderai toujours quel vrai bien cet art a fait aux hommes. Quelques-unes de ceux qu’il guĂ©rit mourraient, il est vrai ; mais des millions qu’il tue resteraient en vie. Homme sensĂ©, ne mets point Ă  cette loterie, oĂč trop de chances sont contre toi. Souffre, meurs ou guĂ©ris ; mais surtout vis jusqu’à ta derniĂšre heure.
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Jean-Jacques Rousseau (Émile, ou De l’éducation (French Edition))
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La lecture rĂ©pĂ©tĂ©e du QorĂąn peut trĂšs certainement “ouvrir” beaucoup de choses, mais, bien entendu, Ă  la condition d’ĂȘtre faite dans le texte arabe et non pas dans des traductions. Remarquez d’ailleurs que, pour cela et aussi pour certains Ă©crits Ă©sotĂ©riques, il s’agit lĂ  de quelque chose qui n’a aucun rapport avec la connaissance extĂ©rieure et grammaticale de la langue ; on me citait encore l’autre jour le cas d’un Turc qui comprenait admirablement Mohyid-din [Ibn Arabi], alors que de sa vie il n’a Ă©tĂ© capable d’apprendre convenablement l’arabe mĂȘme courant ; par contre, je connais des professeurs d’El-Azhar qui ne peuvent pas en comprendre une seule phrase ! Le Caire, 26 juin 1937.
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René Guénon
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[P]ourquoi fabriquent-ils en Angleterre des avions de plus en plus gros, des bombes de plus en plus lourdes et en mĂȘme temps des pavillons individuels pour la reconstruction? Pourquoi dĂ©pense-t-on chaque jour des millions pour la guerre et pas un sou pour la mĂ©decine, pour les artistes, pour les pauvres? Pourquoi les gens doivent-ils souffrir la faim tandis que dans d'autres parties de monde une nourriture surabondante pourrit sur place? Oh, pourquoi les hommes sont-ils si fous? On ne me fera jamais croire que la guerre n'est provoquĂ©e que par les grands hommes, les gouvernants et les capitalistes, oh non, les petites gens aiment la faire au moins autant, sinon les peuples se seraient rĂ©voltĂ©s contre elle depuis longtemps!
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Anne Frank
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Excellent papier. Rien Ă  voir avec les pĂątes mĂ©caniques d'aujourd'hui... Vous savez quelle est la durĂ©e de vie moyenne d'un livre imprimĂ© Ă  l'heure actuelle ?... Dis lui, Pablo. - Soixante-dix ans, rĂ©pondit l'autre avec rancƓur, comme si Corso Ă©tait le coupable. Soixante-dix misĂ©rables annĂ©es. Le frĂšre aĂźnĂ© cherchait quelque chose parmi les objets dispersĂ©s sur la table. Finalement, il s'empara d'une loupe spĂ©ciale Ă  fort grossissement et l'approcha du livre. - Dans moins d'un siĂšcle, murmura-t-il tandis qu'il soulevait une page pour l'Ă©tudier Ă  contre-jour en fermant un Ɠil, presque tout ce qui se trouve aujourd'hui dans les librairies aura disparu. Mais ces volumes imprimĂ©s il y a deux cents ou cinq cents ans, demeureront intacts... Nous avons les livres, comme le monde, que nous mĂ©ritons... N'est-ce pas, Pablo ? - Des livres de merde pour un monde de merde.
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Arturo PĂ©rez-Reverte (The Club Dumas)
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Plus tu te plonges dans la lecture d'un livre, plus ton plaisir augmente, plus ta nature s'affine, plus ta langue se dĂ©lie, plus ton doigtĂ© se perfectionne, plus ton vocabulaire s'enrichit, plus ton Ăąme est gagnĂ© par l'enthousiasme et le ravissement, plus ton cƓur est comblĂ©, plus tu es assurĂ© de la considĂ©ration des masses cultivĂ©es et de l'amitiĂ© des princes. Le livre t'obĂ©it de jour comme de nuit; il t'obĂ©it aussi bien durant tes voyages que pendant les pĂ©riodes oĂč tu es sĂ©dentaire. Il n'est pas gagnĂ© par le besoin de dormir; les fatigues de la veille ne l'indisposent pas. Si tu tombes en disgrĂące, le livre ne renonce pas pour autant Ă  te servir; si des vents contraires soufflent contre toi, le livre, lui, ne se retourne pas contre toi. Tant que tu es attachĂ© Ă  lui par le fil le plus tĂ©nu, que tu es suspendu Ă  lui par le lien le plus imperceptible, alors tu peux te passer de tout le reste
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Al-Jahiz (Ű§Ù„Ű­ÙŠÙˆŰ§Ù†)
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La logothĂ©rapie, sans nier le caractĂšre transitoire essentiel de l’existence humaine, n’est pas pessimiste mais plutĂŽt «activiste». En termes figurĂ©s, disons que le pessimiste ressemble Ă  la personne qui voit avec tristesse son calendrier s’amincir de jour en jour Ă  mesure qu’il en enlĂšve les feuilles. Par contre, la personne qui aborde avec enthousiasme les problĂšmes de la vie ressemble Ă  la personne qui range soigneusement les feuilles de son calendrier aprĂšs avoir griffonnĂ© quelques notes Ă  l’endos. Elle peut se pencher avec joie et fiertĂ© sur toute la richesse contenue dans ces notes, sur tous les moments d’une vie dont elle a pleinement joui. Que lui importe de vieillir? Pourquoi regretter sa jeunesse et envier les jeunes? Pour les possibilitĂ©s que leur rĂ©serve l’avenir? Non point. Elle est pleinement consciente de la richesse de son passĂ©, qui contient non seulement la rĂ©alitĂ© du travail accompli et de ses amours vĂ©cues, mais aussi de ses souffrances bravement affrontĂ©es. C’est encore de ces souffrances qu’elle est le plus fiĂšre, mĂȘme si elles ne peuvent pas inspirer d’envie.
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Viktor E. Frankl (Man’s Search for Meaning)
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Augmentez la dose de sports pour chacun, dĂ©veloppez l'esprit d'Ă©quipe, de compĂ©tition, et le besoin de penser est Ă©liminĂ©, non ? Organiser, organisez, super-organisez des super-super-sports. Multipliez les bandes dessinĂ©es, les films; l'esprit a de moins en moins d'appĂ©tits. L'impatience, les autos-trades sillonnĂ©es de foules qui sont ici, lĂ , partout, nulle part. Les rĂ©fugiĂ©s du volant. Les villes se transforment en auberges routiĂšres; les hommes se dĂ©placent comme des nomades suivant les phases de la lune, couchant ce soir dans la chambre oĂč tu dormais Ă  midi et moi la veille. (1re partie) On vit dans l'immĂ©diat. Seul compte le boulot et aprĂšs le travail l'embarras du choix en fait de distractions. Pourquoi apprendre quoi que ce soit sinon Ă  presser les boutons, brancher des commutateurs, serrer des vis et des Ă©crous ? Nous n'avons pas besoin qu'on nous laisse tranquilles. Nous avons besoin d'ĂȘtre sĂ©rieusement tracassĂ©s de temps Ă  autre. Il y a combien de temps que tu n'as pas Ă©tĂ© tracassĂ©e sĂ©rieusement ? Pour une raison importante je veux dire, une raison valable ? - Tu dois bien comprendre que notre civilisation est si vaste que nous ne pouvons nous permettre d'inquiĂ©ter ou de dĂ©ranger nos minoritĂ©s. Pose-toi la question toi-mĂȘme. Que recherchons-nous, par-dessus tout, dans ce pays ? Les gens veulent ĂȘtre heureux, d'accord ? Ne l'as-tu pas entendu rĂ©pĂ©ter toute la vie ? Je veux ĂȘtre heureux, dĂ©clare chacun. Eh bien, sont-ils heureux ? Ne veillons-nous pas Ă  ce qu'ils soient toujours en mouvement, toujours distraits ? Nous ne vivons que pour ça, c'est bien ton avis ? Pour le plaisir, pour l'excitation. Et tu dois admettre que notre civilisation fournit l'un et l'autre Ă  satiĂ©tĂ©. Si le gouvernement est inefficace, tyrannique, vous Ă©crase d'impĂŽts, peu importe tant que les gens n'en savent rien. La paix, Montag. Instituer des concours dont les prix supposent la mĂ©moire des paroles de chansons Ă  la mode, des noms de capitales d'État ou du nombre de quintaux de maĂŻs rĂ©coltĂ©s dans l'Iowa l'annĂ©e prĂ©cĂ©dente. Gavez les hommes de donnĂ©es inoffensives, incombustibles, qu'ils se sentent bourrĂ©s de "faits" Ă  Ă©clater, renseignĂ©s sur tout. Ensuite, ils s'imagineront qu'ils pensent, ils auront le sentiment du mouvement, tout en piĂ©tinant. Et ils seront heureux, parce que les connaissances de ce genre sont immuables. Ne les engagez pas sur des terrains glissants comme la philosophie ou la sociologie Ă  quoi confronter leur expĂ©rience. C'est la source de tous les tourments. Tout homme capable de dĂ©monter un Ă©cran mural de tĂ©lĂ©vision et de le remonter et, de nos jours ils le sont Ă  peu prĂšs tous, est bien plus heureux que celui qui essais de mesurer, d'Ă©talonner, de mettre en Ă©quations l'univers ce qui ne peut se faire sans que l'homme prenne conscience de son infĂ©rioritĂ© et de sa solitude. Nous sommes les joyeux drilles, les boute-en-train, toi, moi et les autres. Nous faisons front contre la marĂ©e de ceux qui veulent plonger le monde dans la dĂ©solation en suscitant le conflit entre la thĂ©orie et la pensĂ©e. Nous avons les doigts accrochĂ©s au parapet. Tenons bon. Ne laissons pas le torrent de la mĂ©lancolie et de la triste philosophie noyer notre monde. Nous comptons sur toi. Je ne crois pas que tu te rendes compte de ton importance, de notre importance pour protĂ©ger l'optimisme de notre monde actuel.
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Ray Bradbury (Fahrenheit 451)
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Tout paysage nous sort du temps. La nature nous fait le plus souvent dĂ©serter la temporalitĂ©. Chaque fois que nous nous abandonnons Ă  ce rĂȘve de la matiĂšre qu’est la nature, nous Ă©prouvons une Ă©trange sensation—tourment et charme indĂ©finissables Ă  la fois—, Ă  savoir que rien n’a jamais Ă©tĂ©. Un jour de grand soleil, regardez un arbre dans l’air immobile, avec ses feuilles ressemblant aux broderies d’un cƓur printanier. Vous comprendrez alors que tous les problĂšmes s’effacent devant la croissance indiffĂ©rente de la nature, devant son inconscience en dehors de laquelle tout est douleur, malĂ©diction, esprit. Ou bien, si vous avez la chance ou la malchance de voir tous les jours un sapin qui se dresse devant votre maison comme une dĂ©nĂ©gation ou une dĂ©monstration de la vie contre elle-mĂȘme, l’inutilitĂ© de l’effort vous sautera aux yeux et vous souhaiterez tomber sous la coupe de la vie innommĂ©e de la nature. Qui n’a jamais enviĂ© les plantes ignore ce que signifie la terreur de la conscience. Lorsqu’on l’a en horreur, on a un faible pour la nature. Lorsqu’on n’est plus attirĂ© par l’esprit, on aime le silence de la plante : pas de questions ni de rĂ©ponses.
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Emil M. Cioran (Solitude et destin)
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Celui qui souffre d'un mal caractĂ©risĂ© n'a pas le droit de se plaindre : il a une occupation. Les grands souffrants ne s'ennuient jamais : la maladie les remplit, comme le remords nourrit les grands coupables. Car toute souffrance intense suscite un simulacre de plĂ©nitude et propose Ă  la conscience une rĂ©alitĂ© terrible, qu'elle ne saurait Ă©luder ; tandis que la souffrance sans matiĂšre dans ce deuil temporel qu'est l' ennui n'oppose Ă  la conscience rien qui l'oblige Ă  une dĂ©marche fructueuse. Comment guĂ©rir d'un mal non localisĂ© et suprĂȘmement imprĂ©cis, qui frappe le corps sans y laisser d'empreinte, qui s'insinue dans l'Ăąme sans y marquer de signe ? Il ressemble Ă  une maladie Ă  laquelle nous aurions survĂ©cu, mais qui aurait absorbĂ© nos possibilitĂ©s, nos rĂ©serves d' attention et nous aurait laissĂ©s impuissants Ă  combler le vide qui suit la disparition de nos affres et l'Ă©vanouissement de nos tourments. L'enfer est un havre auprĂšs de ce dĂ©paysement dans le temps, de cette langueur vide et prostrĂ©e oĂč rien ne nous arrĂȘte sinon le spectacle de l'univers qui se carie sous nos regard. Quelle thĂ©rapeutique employer contre une maladie dont nous ne nous souvenons plus et dont les suites empiĂštent sur nos jours ? Comment inventer un remĂšde Ă  l'existence, comment conclure cette guĂ©rison sans fin ? Et comment se remettre de sa naissance ? L'ennui, cette convalescence incurable ...
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Emil M. Cioran (Précis de décomposition (French Edition))
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Que la langue du gĂ©nocide ne doive, Ă  aucun prix, se galvauder ; que veiller sur la probitĂ© des mots en gĂ©nĂ©ral et de celui-ci en particulier soit une tĂąche intellectuelle et politique prioritaire ; qu'il se soit produit Ă  Auschwitz, un Ă©vĂ©nement sans prĂ©cĂ©dent, incomparable Ă  tout autre et que la lutte contre la banalisation, et de la chose, et du mot qui la dĂ©signe, soit un impĂ©ratif, non seulement pour les Juifs, mais pour tous ceux que lĂšse ce crime (autrement dit, l'humain comme tel ; l'humain en chaque homme, chaque femme, d'aujourd'hui) ; que la Shoah soit le gĂ©nocide absolu, l'Ă©talon du genre, la mesure mĂȘme du non-humain ; que cette singularitĂ© tienne tant Ă  l'effroyable rationalitĂ© des mĂ©thodes (bureaucratie, industrie du cadavre, chambre Ă  gaz) qu'Ă  sa non moins terrible part d'irrationalitĂ© (l'histoire folle, souvent notĂ©e, des trains de dĂ©portĂ©s qui avaient, jusqu'au dernier jour, prioritĂ© sur les convois d'armes et de troupes), Ă  sa systĂ©maticitĂ© (des armĂ©es de tueurs lĂąchĂ©s, dans toute l'Europe, Ă  la poursuite de Juifs qui devaient ĂȘtre traquĂ©s, exterminĂ©s sans reste, jusqu'au dernier) ou Ă  sa dimension, son intention mĂ©taphysique (par-delĂ  les corps les Ăąmes et, par-delĂ  les Ăąmes, la mĂ©moire mĂȘme des textes juifs et de la loi) - tout cela est Ă©vident ; c'est et ce sera de plus en plus difficile Ă  faire entendre, mais c'est Ă©tabli et Ă©vident... (ch. 57 La Shoah au coeur et dans la tĂȘte)
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Bernard-Henri LĂ©vy (War, Evil, and the End of History)
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Tch’en ChĂ© (Chen Sheng n.n.) fut le premier Ă  commencer la rĂ©volte ; les braves s’élancĂšrent comme un essaim d’abeilles et se combattirent les uns les autres en nombre incalculable. Cependant (Hiang) Yu (Xiang Yu n.n.) n’avait ni un pied ni un pouce de terre ; profitant de l’occasion, il s’éleva du milieu des sillons’ ; au bout de trois ans, il commandait Ă  cinq seigneurs’, il avait Ă©crasĂ© Ts’in, il partageait l’empire et nommait des rois et des seigneurs ; l’autoritĂ© Ă©manait de (Hiang) Yu ; son titre Ă©tait « roi suprĂȘme ». Quoiqu’il n’ait pas gardĂ© cette dignitĂ© jusqu’au bout, cependant depuis l’antiquitĂ© jusqu’à nos jours, il n’y en a jamais eu de si grande. Ensuite (Hiang) Yu viola (le traitĂ© relatif aux) passes et regretta (le pays de) Tch’ou ; il chassa l’empereur juste et se donna le pouvoir Ă  lui- mĂȘme ; il s’irrita de ce que les rois et les seigneurs se rĂ©voltaient contre lui ; quelles difficultĂ©s (ne s’attirait-il pas !). Il s’enorgueillit de ses exploits guerriers, s’enivra de sa propre sagesse et ne prit pas modĂšle sur l’antiquitĂ©. Sous le prĂ©texte d’agir en roi suprĂȘme, il voulait s’imposer par la force et rĂ©gler Ă  son grĂ© tout l’empire. La cinquiĂšme annĂ©e, il perdit soudain son royaume ; lui-mĂȘme mourut Ă  Tong-tch'eng mais il ne comprit point encore et ne s’incrimina pas lui-mĂȘme ; quelle erreur ! En effet, « c’est le Ciel, dit-il, qui me perd et ce n’est point que j’aie commis aucune faute militaire. » N'est-ce pas lĂ  de l’aveuglement ?
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Sima Qian (MĂ©moires historiques - DeuxiĂšme Section (French Edition))
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Un jour vint se loger, dans une des maisons qui sont sur la place, un homme de talent qui avait roulĂ© dans des abĂźmes de misĂšre ; mariĂ©, surcroĂźt de malheur qui ne nous afflige encore ni l’un ni l’autre, Ă  une femme qu’il aimait ; pauvre ou riche, comme vous voudrez, de deux enfants ; criblĂ© de dettes, mais confiant dans sa plume. Il prĂ©sente Ă  l’OdĂ©on une comĂ©die en cinq actes, elle est reçue, elle obtient un tour de faveur, les comĂ©diens la rĂ©pĂštent, et le directeur active les rĂ©pĂ©titions. Ces cinq bonheurs constituent cinq drames encore plus difficiles Ă  rĂ©aliser que cinq actes Ă  Ă©crire. Le pauvre auteur, logĂ© dans un grenier que vous pouvez voir d’ici, Ă©puise ses derniĂšres ressources pour vivre pendant la mise en scĂšne de sa piĂšce, sa femme met ses vĂȘtements au Mont-de-PiĂ©tĂ©, la famille ne mange que du pain. Le jour de la derniĂšre rĂ©pĂ©tition, la veille de la reprĂ©sentation, le mĂ©nage devait cinquante francs dans le quartier, au boulanger, Ă  la laitiĂšre, au portier. Le poĂšte avait conservĂ© le strict nĂ©cessaire : un habit, une chemise, un pantalon, un gilet et des bottes. SĂ»r du succĂšs, il vient embrasser sa femme, il lui annonce la fin de leurs infortunes. « Enfin il n’y a plus rien contre nous ! » s’écrie-t- il. « Il y a le feu, dit la femme, regarde, l’OdĂ©on brĂ»le. » Monsieur, l’OdĂ©on brĂ»lait. Ne vous plaignez donc pas. Vous avez des vĂȘtements, vous n’avez ni femme ni enfants, vous avez pour cent vingt francs de hasard dans votre poche, et vous ne devez rien Ă  personne. La piĂšce a eu cent cinquante reprĂ©sentations au thĂ©Ăątre Louvois. Le roi a fait une pension Ă  l’auteur. Buffon l’a dit, le gĂ©nie, c’est la patience. La patience est en effet ce qui, chez l’homme, ressemble le plus au procĂ©dĂ© que la nature emploie dans ses crĂ©ations.
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Honoré de Balzac (Illusions perdues; Tome 3 (French Edition))
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« Je connais son odeur. Ce petit grain de beautĂ© dans son cou quand elle relĂšve ses cheveux. Elle a la lĂšvre supĂ©rieure un peu plus charnue que l’infĂ©rieure. La courbe de son poignet, quand elle tient un stylo. C’est mal, c’est vraiment mal, mais je connais les contours de sa silhouette. J’y pense en me couchant, et puis je me lĂšve, je vais bosser, et elle est lĂ , et c’est insupportable. Je lui dis des trucs avec lesquels je sais qu’elle sera d’accord, juste pour l’entendre me rĂ©pondre : « Hm-hm. » C’est sensuel comme la sensation de l’eau chaude sur mon dos, putain. Elle est mariĂ©e. Elle est brillante. Elle me fait confiance, et la seule chose que j’ai en tĂȘte c’est de l’amener dans mon bureau, la dĂ©shabiller, lui faire des choses inavouables. Et j’ai envie de le lui dire. J’ai envie de lui dire qu’elle est  lumineuse, elle brille d’un tel Ă©clat dans mon esprit que ça m’empĂȘche parfois de me concentrer. Parfois j’oublie pourquoi je suis entrĂ© dans la piĂšce. Je suis distrait. J’ai envie de la pousser contre un mur, et j’ai envie qu’elle se blottisse contre moi. J’ai envie de remonter le temps pour aller mettre un coup de poing Ă  son stupide mari le jour oĂč je l’ai rencontrĂ©, et ensuite repartir dans le futur pour lui en coller un autre. J’ai envie de lui acheter des fleurs, de la nourriture, des livres. J’ai envie de lui tenir la main, et de l’enfermer dans ma chambre. Elle est tout ce que j’ai toujours voulu, et je veux me l’injecter dans les veines, et Ă  la fois ne plus jamais la revoir. Elle est unique, et ces sentiments, ils sont intolĂ©rables, putain. Ils Ă©taient Ă  moitiĂ© en sommeil tant qu’elle Ă©tait absente, mais, maintenant elle est lĂ , et je ne contrĂŽle plus mon corps, comme un putain d’ado, et je ne sais pas quoi faire. Je ne sais pas quoi faire. Je ne peux rien faire, alors je vais juste
 ne rien faire.  »
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Ali Hazelwood (Love on the Brain)
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LE SYLLABUS Tout en mangeant d'un air effarĂ© vos oranges, Vous semblez aujourd'hui, mes tremblants petits anges, Me redouter un peu; Pourquoi ? c'est ma bontĂ© qu'il faut toujours attendre, Jeanne, et c'est le devoir de l'aĂŻeul d'ĂȘtre tendre Et du ciel d'ĂȘtre bleu. N'ayez pas peur. C'est vrai, j'ai l'air fĂąchĂ©, je gronde, Non contre vous. HĂ©las, enfants, dans ce vil monde, Le prĂȘtre hait et ment; Et, voyez-vous, j'entends jusqu'en nos verts asiles Un sombre brouhaha de choses imbĂ©ciles Qui passe en ce moment. Les prĂȘtres font de l'ombre. Ah ! je veux m'y soustraire. La plaine resplendit; viens, Jeanne, avec ton frĂšre, Viens, George, avec ta soeur; Un rayon sort du lac, l'aube est dans la chaumiĂšre; Ce qui monte de tout vers Dieu, c'est la lumiĂšre; Et d'eux, c'est la noirceur. J'aime une petitesse et je dĂ©teste l'autre; Je hais leur bĂ©gaiement et j'adore le vĂŽtre; Enfants, quand vous parlez, Je me penche, Ă©coutant ce que dit l'Ăąme pure, Et je crois entrevoir une vague ouverture Des grands cieux Ă©toilĂ©s. Car vous Ă©tiez hier, ĂŽ doux parleurs Ă©tranges, Les interlocuteurs des astres et des anges; En vous rien n'est mauvais; Vous m'apportez, Ă  moi sur qui gronde la nue, On ne sait quel rayon de l'aurore inconnue; Vous en venez, j'y vais. Ce que vous dites sort du firmament austĂšre; Quelque chose de plus que l'homme et que la terre Est dans vos jeunes yeux; Et votre voix oĂč rien n'insulte, oĂč rien ne blĂąme, OĂč rien ne mord, s'ajoute au vaste Ă©pithalame Des bois mystĂ©rieux. Ce doux balbutiement me plaĂźt, je le prĂ©fĂšre; Car j'y sens l'idĂ©al; j'ai l'air de ne rien faire Dans les fauves forĂȘts. Et pourtant Dieu sait bien que tout le jour j'Ă©coute L'eau tomber d'un plafond de rochers goutte Ă  goutte Au fond des antres frais. Ce qu'on appelle mort et ce qu'on nomme vie Parle la mĂȘme langue Ă  l'Ăąme inassouvie; En bas nous Ă©touffons; Mais rĂȘver, c'est planer dans les apothĂ©oses, C'est comprendre; et les nids disent les mĂȘmes choses Que les tombeaux profonds. Les prĂȘtres vont criant: AnathĂšme ! anathĂšme ! Mais la nature dit de toutes parts: Je t'aime ! Venez, enfants; le jour Est partout, et partout on voit la joie Ă©clore; Et l'infini n'a pas plus d'azur et d'aurore Que l'Ăąme n'a d'amour. J'ai fait la grosse voix contre ces noirs pygmĂ©es; Mais ne me craignez pas; les fleurs sont embaumĂ©es, Les bois sont triomphants; Le printemps est la fĂȘte immense, et nous en sommes; Venez, j'ai quelquefois fait peur aux petits hommes, Non aux petits enfants.
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Victor Hugo (L'Art d'ĂȘtre grand-pĂšre)
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Il faut que je vous Ă©crive, mon aimable Charlotte, ici, dans la chambre d’une pauvre auberge de village, oĂč je me suis rĂ©fugiĂ© contre le mauvais temps. Dans ce triste gĂźte de D., oĂč je me traĂźne au milieu d’une foule Ă©trangĂšre, tout Ă  fait Ă©trangĂšre Ă  mes sentiments, je n’ai pas eu un moment, pas un seul, oĂč le cƓur in’ait dit de vous Ă©crire : et maintenant, dans cette cabane, dans cette solitude, dans cette prison, tandis que la neige et la grĂȘle se dĂ©chaĂźnent contre ma petite fenĂȘtre, ici, vous avez Ă©tĂ© ma premiĂšre pensĂ©e. DĂšs que je fus entrĂ©, votre image, ĂŽ Charlotte, votre pensĂ©e m’a saisi, si sainte, si vivante ! Bon Dieu, c’est le premier instant de bonheur que je retrouve. Si vous me voyiez, mon amie, dans ce torrent de dissipations ! Comme toute mon Ăąme se dessĂšche ! Pas un moment oĂč le cƓur soit plein ! pas une heure fortunĂ©e ! rien, rien ! Je suis lĂ  comme devant une chambre obscure : je vois de petits hommes et de petits chevaux tourner devant moi, et je me demande souvent si ce n’est pas une illusion d’optique. Je m’en amuse, ou plutĂŽt on s’amuse de moi comme d’une ma"rionnette ; je prends quelquefois mon voisin par sa main de bois, et je recule en frissonnant. Le soir, je fais le projet d’aller voir lever le soleil, et je reste au lit ; le jour, je me promets le plaisir du clair de lune, et je m’oublie dans ma chambre. Je ne sais trop pourquoi je me lĂšve, pourquoi je me coucha. Le levain qui faisait fermenter ma vie, je ne l’ai plus ; le charme qui me tenait Ă©veillĂ© dans les nuits profondes s’est Ă©vanoui ; l’enchantement qui, le matin, m’arrachait au sommeil a fui loin de moi. Je n’ai trouvĂ© ici qu’une femme, une seule, Mlle de B. Elle vous ressemble, ĂŽ Charlotte, si l’on peut vous ressembler. «.Eh quoi ? direz-vous, le voilĂ  qui fait de jolis compliments ! » Cela n’est pas tout Ă  fait imaginaire : depuis quelque temps je suis trĂšs-aimable, parce que je ne puis faire autre chose ; j’ai beaucoup d’esprit, at les dames disent que personne ne sait louer aussi finement
. «Ni mentir, ajouterez-vous, car l’un ne va pas sans l’autre, entendez-vous ?
 » Je voulais parler de Mlle B. Elle a beaucoup d’ñme, on le voit d’abord Ă  la flamme de ses yeux bleus. Son rang lui est Ă  charge ; il ne satisfait aucun des vƓux de son cƓur. Elle aspire Ă  sortir de ce tumulte, et nous rĂȘvons, des heures entiĂšres, au mijieu de scĂšnes champĂȘtres, un bonheur sans mĂ©lange ; hĂ©las ! nous rĂȘvons Ă  vous, Charlotte ! Que de fois n’est-elle pas obligĂ©e de vous rendre hommage !
 Non pas obligĂ©e : elle le fait de bon grĂ© ; elle entend volontiers parler de vous ; elle vous aime. Oh ! si j’étais assis Ă  vos pieds, dans la petite chambre, gracieuse et tranquille ! si nos chers petits jouaient ensemble autour de moi, et, quand leur bruit vous fatiguerait, si je pouvais les rassembler en cercle et les calmer avec une histoire effrayante ! Le soleil se couche avec magnificence sur la contrĂ©e Ă©blouissante de neige ; l’orage est passĂ© ; et moi
. il faut que je rentre dans ma cage
. Adieu. Albert est-il auprĂšs de vous ? Et comment ?
 Dieu veuille me pardonner cette question !
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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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J’ai remarquĂ© souvent que quand deux amis pĂ©tersbourgeois se rencontrent quelque part, aprĂšs s’ĂȘtre saluĂ©s, ils demandent en mĂȘme temps : Quoi de neuf ? il y a une tristesse particuliĂšre dans leurs voix, quelle qu’ait Ă©tĂ© l’intonation initiale de leur conversation. En effet, une dĂ©sespĂ©rance totale est liĂ©e Ă  cette question Ă  PĂ©tersbourg. Mais le plus agaçant c’est que, trĂšs souvent, l’homme qui la pose est tout Ă  fait indiffĂ©rent, un PĂ©tersbourgeois de naissance, qui connaĂźt trĂšs bien la coutume, sait d’avance qu’on ne lui rĂ©pondra rien, qu’il n’y a rien de nouveau, qu’il a posĂ© cette question peut-ĂȘtre mille fois sans aucun succĂšs ; cependant, il la pose, et il a l’air de s’y intĂ©resser, comme si les convenances l’obligeaient de participer lui aussi Ă  la vie publique, d’avoir des intĂ©rĂȘts publics. Mais les intĂ©rĂȘts publics... C’est-Ă -dire nous ne nions pas que nous ayons des intĂ©rĂȘts publics ; nous tous aimons ardemment la patrie, nous aimons notre cher PĂ©tersbourg, nous aimons jouer si l’occasion se prĂ©sente. En un mot il y a beaucoup d’intĂ©rĂȘts publics. Mais ce qu’il y a surtout chez nous, ce sont les groupes. On sait que PĂ©tersbourg n’est que la rĂ©union d’un nombre considĂ©rable de petits groupes dont chacun a ses statuts, ses conventions, ses lois, sa logique et son oracle. C’est en quelque sorte le produit de notre caractĂšre national qui a encore peur de la vie publique et tient plutĂŽt au foyer. En outre, la vie publique exige un certain art ; il faut s’y prĂ©parer ; il faut beaucoup de conditions. Aussi, l’on prĂ©fĂšre la maison. LĂ , tout est plus simple ; il ne faut aucun art ; on est plus tranquille. Dans le groupe, on vous rĂ©pondra bravement Ă  la question : Quoi de neuf ? La question reçoit tout de suite un sens particulier, et l’on vous rĂ©pond ou par un potin, ou par un bĂąillement, ou par quelque chose qui vous force vous-mĂȘme Ă  bĂąiller cyniquement, magistralement. Dans le groupe, on peut traĂźner de la façon la meilleure et la plus douce une vie utile entre le bĂąillement et le ragot, jusqu’au moment oĂč la grippe, ou bien la fiĂšvre chaude, visite votre demeure ; et vous quittez alors la vie stoĂŻquement, avec indiffĂ©rence, sans savoir comment et pourquoi tout cela Ă©tait avec vous jusqu’alors. Aujourd’hui, dans l’obscuritĂ©, au crĂ©puscule, aprĂšs une triste journĂ©e, plein d’étonnement que tout se soit arrangĂ© ainsi, il semble qu’on ait vĂ©cu, qu’on ait atteint quelque chose, et tout Ă  coup, on ne sait pas pourquoi, il faut quitter ce monde agrĂ©able et sans soucis pour Ă©migrer dans un monde meilleur. Dans certains groupes, d’ailleurs, on parle fortement de la cause. Quelques personnes instruites et bien intentionnĂ©es se rĂ©unissent. On bannit sĂ©vĂšrement tous les plaisirs innocents, comme les potins et la prĂ©fĂ©rence, et, avec un entrain incomprĂ©hensible, on parle de diffĂ©rents sujets trĂšs importants. Enfin, aprĂšs avoir bavardĂ©, parlĂ©, rĂ©solu quelques questions d’utilitĂ© gĂ©nĂ©rale, et aprĂšs avoir rĂ©ussi Ă  imposer aux uns et aux autres une opinion sur toutes choses, le groupe est saisi d’une irritation quelconque et commence Ă  s’affaiblir considĂ©rablement. Finalement, tous se fĂąchent les uns contre les autres. On se dit quelques dures vĂ©ritĂ©s. Quelques caractĂšres tranchants se font jour et tout se termine par la dislocation totale. Ensuite on se calme ; on fait provision de bon sens et, peu Ă  peu, l’on se rĂ©unit de nouveau dans le groupe dĂ©crit ci-dessus. Sans doute il est agrĂ©able de vivre ainsi. Mais Ă  la longue cela devient irritant ; cela irrite fortement.
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Fyodor Dostoevsky
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« Personne parmi ceux qui sont venu aprĂšs les compagnons [du ProphĂšte] n'ont pu atteindre leur niveau (aux compagnons). Ceci est du au fait que la plupart des sciences que nous cherchons et sur lesquelles nous nous focalisons jour et nuit, telles la linguistique, la grammaire, la morphologie et les fondements de la jurisprudence, Ă©taient innĂ©s chez eux. Leur haute disposition intellectuelle ainsi que la lumiĂšre de la prophĂ©tie qui les irradiait (Ă  travers le ProphĂšte) les protĂ©geait de l'erreur et des divagations. Ils n'avaient donc pas besoin d'utiliser la logique ou d'autres sciences rationnelles. Lorsqu'AllĂąh a unit leur cƓur et grĂące Ă  Sa bontĂ©, Il a suscitĂ© la fraternitĂ© entre eux, et ils ne leur Ă©tait pas nĂ©cessaire de se prĂ©parer aux dĂ©bats et Ă  l'argumentation. GrĂące Ă  leur science, ils n'avaient pas besoin de sauvegarder ce qu'ils entendaient du Qur°ùn et de la Sunnah par le biais du ProphĂšte. Ils comprenaient rapportaient et appliquaient ce qu'ils entendaient du ProphĂšte de la meilleur des maniĂšres. Aucun des compagnons ne dĂ©battait ni ne polĂ©miquait Ă  propos du Qur°ùn car il n'y avait pas d'Ă©garement ni d'innovations. AprĂšs cette Ă©poque les Suivants (at tĂąbi'Ă»n) Ă©taient proche d'eux si l'on se rĂ©fĂšre Ă  leur rang [auprĂšs d'AllĂąh] et Ă  leur mĂ©thodologie. AprĂšs les Suivants vinrent leurs disciples directs. Le ProphĂšte a tĂ©moignĂ© des vertus de ces trois gĂ©nĂ©rations. Par la suite les Gens de l'Innovation et de l'Egarement qui Ă©taient peu nombreux Ă  l'Ă©poque des trois premiĂšres gĂ©nĂ©rations virent leur nombre augmenter. Ainsi, afin de dĂ©fendre l'IslĂąm, les savants parmi les Ahl Us Sunnah, durent se confronter Ă  eux et dĂ©battre de peur que les faibles d'esprit s'Ă©garent, et qu'on voit s'ajouter des choses qui sont Ă©trangĂšres Ă  la religion. Les arguments des Gens de l'Innovation Ă©taient de plus en plus influencĂ©s par les travaux des logiciens et d'autres Gens de l'HĂ©rĂ©sie qui par la suite prirent l'habitude de crĂ©er beaucoup de doutes pour les utiliser contre nous (les Ahl Us Sunnah). Si nous les avions laissĂ© faire ils auraient convaincu de nombreuses personnes faibles et ignorantes parmi les Musulmans ainsi que les juristes et les savants nĂ©gligents ; la croyance saine aurait Ă©tĂ© alors altĂ©rĂ©e et des Ă©garements auraient Ă©tĂ© introduits. Des innovations blĂąmables et des hĂ©rĂ©sies se seraient alors rĂ©pandues. Il n'Ă©tait pas possible pour un simple individu de leur rĂ©pliquer et il y avait des risques que leur mots ne soient pas compris par tous, car les gens ne s'y intĂ©ressaient pas eux-mĂȘmes. Le point de vue des innovateurs peut ĂȘtre uniquement rĂ©futĂ© par quelqu'un qui les comprends. Tant que l'innovateur n'est pas rĂ©futĂ©, sa croyance devient dominante : les ignorants, les rois, les dirigeants, et ceux en charge de la population se mettent Ă  croire alors que les paroles prononcĂ©es par l'innovateur sont vĂ©ridiques. C'est ce qui s'est justement passĂ© dans plusieurs contrĂ©es dans lesquelles les gens avaient moins d'aspirations [aux sciences religieuses] si on les compare aux gens des gĂ©nĂ©rations prĂ©cĂ©dentes. A cause de cela, il Ă©tait devenu obligatoire pour les gens par le biais desquels AllĂąh Ă  prĂ©servĂ© la croyance de Ses croyants vertueux de repousser les doutes Ă©mis par les hĂ©rĂ©tiques. En effet la rĂ©compense octroyĂ©e est de loin plus grande que la rĂ©compense accordĂ©e Ă  un soldat combattant dans le sentier d'AllĂąh. »
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ŰȘقي Ű§Ù„ŰŻÙŠÙ† Ű§Ù„ŰłŰšÙƒÙŠ
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Le gouvernement (chinois, 1) a toujours manifestĂ©, au sujet de l'islamisme, une opinion plus ou moins favorable, et l'on peut citer de nombreux dĂ©crets, publiĂ©s Ă  diverses Ă©poques, pour rappeler aux populations que la doctrine de Mahomet n'a pas d'autre but que d'enseigner la pratique du bien, ainsi que l'observation des obligations naturelles et des devoirs sociaux, et que si elle prĂ©sente quelques diffĂ©rences avec les autres doctrines, il fallait considĂ©rer ces diffĂ©rences comme de simples questions de pays et de mƓurs parfaitement comprises par son fondateur. « Les mahomĂ©tans », disait l'empereur Yong-Tching, infligeant en 1732 un blĂąme sĂ©vĂšre au grand juge du Ngan-Hoey, qui lui avait adressĂ© contre la religion musulmane un rapport malveillant et mensonger, « sont devenus enfants du pays, et appartiennent, comme tous les autres, Ă  la grande famille chinoise. J'entends qu'on les laisse libres de professer leur religion, et qu'ils soient traitĂ©s comme mes autres sujets, pourvu qu'ils respectent les lois de l'empire. La religion est une affaire de conscience que nul n'a le droit de scruter. » (1) Sous la dynastie des Ming, en l'an 1384, l'empereur Tai-Tsou fit lui-mĂȘme l'Ă©loge de Mahomet en cent caractĂšres gravĂ©s sur une tablette qu'il donna Ă  un de ses ministres mahomĂ©tans. Cette inscription Ă©tait ainsi conçue : « Les livres arabes expliquent la crĂ©ation de l'univers. Le fondateur et le propagateur de la religion musulmane est un grand saint, nĂ© en Occident, il a reçu du ciel 30 volumes d'un livre sacrĂ© qui lui a servi Ă  Ă©clairer le monde entier. C'Ă©tait un grand roi et un grand maĂźtre, c'est le premier des saints ; il coopĂšre aux mouvements du ciel, il protĂšge les royaumes et les peuples, il a prescrit des priĂšres orales qui doivent ĂȘtre rĂ©citĂ©es cinq fois par jour ; il a ordonnĂ© Ă©galement la priĂšre mentale. La base de sa doctrine est l'adoration du vrai Seigneur. Elle augmente le courage du pauvre, console les malheureux, pĂ©nĂštre le cachĂ© et l'obscur, sauve les vivants et dĂ©livre les morts. Cette doctrine, conforme Ă  celle de l'antiquitĂ© et du prĂ©sent, repousse et combat les superstitions. C'est la doctrine pure. Mahomet est rĂ©ellement un grand saint. »
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Philibert Dabry de Thiersant
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les jours passent vite alors qu’on aurait pu croire le contraire lorsqu’on est lĂ , assis, Ă  attendre je ne sais quoi, Ă  boire et Ă  boire encore jusqu’à devenir le prisonnier des vertiges, Ă  voir la Terre tourner autour d’elle mĂȘme et du Soleil mĂȘme si je n’ai jamais cru Ă  ces thĂ©ories de merde que je rĂ©pĂ©tais Ă  mes Ă©lĂšves lorsque j’étais encore un homme pareil aux autres, faut vraiment ĂȘtre un illuminĂ© pour dĂ©biter des Ă©normitĂ©s de ce genre parce que moi, Ă  vrai dire, quand je bois mon pot,quand je suis assis peinard Ă  l’entrĂ©e du CrĂ©dit a voyagĂ©, je ne rĂ©alise pas que la Terre que je vois lĂ  puisse ĂȘtre ronde, qu’elle puisse s’amuser Ă  tourner au tour d’elle-mĂȘme et autour du Soleil comme si elle n’avait rien d’autre Ă  foutre que de se causer des vertiges d’avion Ă  papier, qu’on me dĂ©montre donc Ă  quel moment elle tourne autour d’elle-mĂȘme, Ă  quel moment elle arrive Ă  tourner autour du Soleil, faut ĂȘtre rĂ©aliste, voyons, ne mous laissons pas embobiner par ces penseurs qui devaient se raser Ă  l’aide d’un vulgaire silex ou d’une pierre maladroitement taillĂ©e pendant que les plus modernes d’entre eux utilisaient de la pierre polie, en fait, grosso modo, si je devais analyser tout ça de trĂšs prĂšs, je dirais qu’on distinguait jadis deux grandes catĂ©gories de penseurs, d’un cĂŽtĂ© y avait ceux qui pĂ©taient dans les baignoires pour crier Ă  plusieurs reprises « j’ai trouvĂ© , j’ai trouvĂ© », mais qu’est-ce qu’on en a foutre qu’ils aient trouvĂ©, ils n’avaient qu’à garder leur dĂ©couverte pour eux, moi j’ai eu Ă  m’immerger quelques fois dans la riviĂšre Tchinouka qui a emportĂ© ma pauvre mĂšre, je n’ai rien trouvĂ© de spectaculaire dans ces eaux grises oĂč tout corps qu’on y plonge ne subit mĂȘme pas la fameuse poussĂ©e verticale de bas en haut, c’est d’ailleurs pour cela que toute la merde de notre quartier Trois – cents est tapie au fond des eaux, qu’on me dise alors comment cette merde arrive Ă  Ă©chapper Ă  la poussĂ©e d’Archimerde, et puis y avait la deuxiĂšme grande catĂ©gorie d’illuminĂ©s qui n’étaient que des oisifs, des vrais fainĂ©ants, ils Ă©taient toujours assis sous un pommier du coin et attendaient de recevoir des pommes sur la tĂȘte pour une histoire d’attraction ou de pesanteur, moi je suis contre ces idĂ©es reçues, et je dis que la Terre est plate comme l’avenue de l’indĂ©pendance qui passe devant Le CrĂ©dit a voyagĂ©, y a rien a rajouter, je proclame que la Terre est tristement immobile, que c’est le Soleil qui s’excite autour de nous parce que je le vois moi-mĂȘme parader au dessus de la toiture de mon bar prĂ©fĂ©rĂ©, qu’on ne me raconte pas d’histoire Ă  dormir debout, et le premier qui vient encore m’expliquer que la Terre est ronde, qu’elle tourne autour d’elle –mĂȘme et autour du Soleil, celui lĂ  je le dĂ©capite sur le champ, mĂȘme s’il s’écrie « et pourtant elle tourne »
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Alain Mabanckou (Broken Glass)
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L'industrie du transport façonne son produit : l'usage. ChassĂ© du monde oĂč les personnes sont douĂ©es d'autonomie, il a aussi perdu l'impression de se trouver au centre du monde. Il a conscience de manque de plus en plus de temps, bien qu'il utilise chaque jour la voiture, le train, l'autobus, le mĂ©tro et l'ascenseur, le tout pour franchir en moyenne trente kilomĂštres, souvent dans un rayon de moins de dix kilomĂštres. Le sol se dĂ©robe sous ses pieds, il est clouĂ© Ă  la roue. Qu'il prenne le mĂ©tro ou l'avion, il a toujours le sentiment d'avancer moins vite ou moins bien que les autres et il est jaloux des raccourcis qu'empruntent les privilĂ©giĂ©s pour Ă©chapper Ă  l'exaspĂ©ration crĂ©Ă©e par la circulation. EnchaĂźnĂ© Ă  l'horaire de son train de banlieue, il rĂȘve d'avoir une auto. ÉpuisĂ© par les embouteillages aux heures de pointe, il envie le riche qui se dĂ©place Ă  contre-sens. Il paie sa voiture de sa poche, mais il sait trop bien que le PDG utilise les voitures de l'entreprise, fait passer son essence dans les frais gĂ©nĂ©raux ou se fait louer une voiture sans bourse dĂ©lier. L'usager se trouve tout au bas de l'Ă©chelle oĂč sans cesse augmentent l'inĂ©galitĂ©, le manque de temps et sa propre impuissance, mais pour y mettre fin il s'accroche Ă  l'espoir fou d'obtenir plus de la mĂȘme chose : une circulation amĂ©liorĂ©e par des transports plus rapides. Il rĂ©clame des amĂ©liorations techniques des vĂ©hicules, des voies de circulation et des horaires ; ou bien il appelle de ses vƓux une rĂ©volution qui organise des transports publics rapides en nationalisant les moyens de transport. Jamais il ne calcule le prix qu'il lui en coĂ»tera pour ĂȘtre ainsi vĂ©hiculĂ© dans un avenir meilleur. Il oublie que de toute accĂ©lĂ©ration supplĂ©mentaire il payera lui-mĂȘme la facture, sous forme d'impĂŽts directs ou de taxes multiples. Il ne mesure pas le coĂ»t indirect du remplacement des voitures privĂ©es par des transports publics aussi rapides. Il est incapable d'imaginer les avantages apportĂ©s par l'abandon de l'automobile et le recours Ă  la force musculaire de chacun.
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Ivan Illich (Energy and Equity)
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Radicalement antilaĂŻque et pro-islamiste, le mouvement des IndigĂšnes de la RĂ©publique est nĂ© en rĂ©action Ă  la loi sur les signes religieux. Il considĂšre que la France doit « interroger ses lumiĂšres » et lutte, selon ses mots, « contre toutes les formes de domination impĂ©riale, coloniale et sioniste qui fondent la suprĂ©matie blanche Ă  l’échelle internationale »*25. Ses militants dĂ©filent rĂ©guliĂšrement sous des portraits de Cheikh Yassine, soutiennent ouvertement le Hamas et « totalement la rĂ©sistance palestinienne ». Un credo rĂ©affirmĂ© pendant l’Intifada des couteaux. Ils ont aussi tweetĂ© une Ă©trange photo prise Ă  Molenbeek le 19 mars 2016. Elle montre un jeune homme dĂ©fiant d’un air menaçant un cordon de policiers
 lequel tente alors de sĂ©curiser l’arrestation de Salah Abdeslam, l’un des terroristes du 13 novembre. En dessous de la photo du jour, en soutien Ă  ce jeune homme menaçant, le Parti des IndigĂšnes de la RĂ©publique a Ă©crit : #Resistance. Le 8 juin de la mĂȘme annĂ©e, aprĂšs un attentat Ă  Tel-Aviv, Aya Ramadan, une autre militante du PIR, a rendu hommage Ă  deux terroristes palestiniens ayant fait quatre morts et cinq blessĂ©s en ouvrant le feu sur la terrasse bondĂ©e d’un cafĂ© de Tel-Aviv : « DignitĂ© et fierté ! Bravo aux deux Palestiniens qui ont menĂ© l’opĂ©ration de rĂ©sistance Ă  Tel-Aviv. » Un tweet signalĂ© pour « apologie du terrorisme » par la DILCRA, la DĂ©lĂ©gation interministĂ©rielle Ă  la lutte contre le racisme et l’antisĂ©mitisme. Les « nouveaux antiracistes » sont surtout
 les nouveaux racistes.
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Caroline Fourest (Le Génie de la laïcité)
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Le swahili n’est pas une langue de vauriens. Par contre, il fait partie des dix grandes langues au monde. Et quand on considĂšre les autres langues comme le Français ou l’Anglais, il y a des auteurs qui publient des ouvrages dans ces langues, des dictionnaires mis Ă  jour, il existe mĂȘme des acadĂ©mies. Maintenant, les Congolais doivent apprendre Ă  parler et Ă  Ă©crire correctement le swahili en respectant les rĂšgles
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Marcel Yabili
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[...] mon invocation Ă  la TroisiĂšme TĂ©nĂšbre : "Nuit qui Ă©cartĂšle les astres et te tiens debout sur nos tĂȘtes, je requiers ton pouvoir contre ce jour fade qui agite Ă  l'horizon ses lanternes de pauvres, ses lueurs de dĂ©sastre ! [...]
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Marcel BĂ©alu (Les messagers clandestins)
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Me voici donc prĂȘt Ă  me libĂ©rer de mes anciens attachements pour pouvoir me consacrer pleinement Ă  la recherche du bien suprĂȘme. Un doute pourtant me retient
 Ce choix n’est-il pas dangereux ? Les plaisirs, les richesses et les honneurs ne sont certes pas des biens suprĂȘmes, mais au moins, ils existent
 Ce sont des biens certains. Alors que ce bien suprĂȘme qui est censĂ© me combler en permanence de joie n’est pour l’instant qu’une supposition de mon esprit
 Ne suis-je pas en train de m’engager dans une voie pĂ©rilleuse ? Non : Ă  la rĂ©flexion je vois bien que je ne cours aucun risque en changeant de vie : c’est au contraire en continuant Ă  vivre comme avant que je courrais le plus grand danger. Car l’attachement aux biens relatifs est un mal certain puisque aucun d’eux ne peut m’apporter le bonheur !!! Au contraire, la recherche des moyens du bonheur est un bien certain : elle seule peut m’offrir la possibilitĂ© d’ĂȘtre un jour rĂ©ellement heureux, ou au moins plus heureux
 Le simple fait de comprendre cela me dĂ©termine Ă  prendre dĂ©finitivement et fermement la rĂ©solution de me dĂ©tacher immĂ©diatement de la recherche des plaisirs, des richesses et des honneurs, pour me consacrer en prioritĂ© Ă  la crĂ©ation de mon bonheur, c’est-Ă -dire Ă  la culture des joies les plus solides et les plus durables, par la recherche des biens vĂ©ritables. Au moment mĂȘme oĂč cette pensĂ©e jaillit, je sens apparaĂźtre en moi un immense sentiment d’enthousiasme, une sorte de libĂ©ration de mon esprit. J’éprouve un incroyable soulagement, comme si j’avais attendu ce moment toute ma vie. Une joie toute nouvelle vient de se lever en moi, une joie que je n’avais jamais ressentie auparavant : la joie de la libertĂ© que je viens d’acquĂ©rir en dĂ©cidant de ne vivre dĂ©sormais que pour crĂ©er mon bonheur. J’ai l’impression d’avoir Ă©chappĂ© Ă  immense danger
 Comme si je me trouvais Ă  prĂ©sent en sĂ©curitĂ© sur le chemin du salut
 Car mĂȘme si je ne suis pas encore sauvĂ©, mĂȘme si je ne sais pas encore en quoi consistent exactement ces biens absolus, ni mĂȘme s’il existe rĂ©ellement un bien suprĂȘme, je me sens dĂ©jĂ  sauvĂ© d’une vie insensĂ©e, privĂ©e d’enthousiasme et vouĂ©e Ă  une Ă©ternelle insatisfaction
 J’ai un peu l’impression d’ĂȘtre comme ces malades qui sont proches d’une mort certaine s’ils ne trouvent pas un remĂšde, n’ayant pas d’autre choix que de rassembler leurs forces pour chercher ce remĂšde sauveur. Comme eux je ne suis certes pas certain de le dĂ©couvrir, mais comme eux, je ne peux pas faire autrement que de placer toute mon espĂ©rance dans sa quĂȘte. Je l’ai maintenant compris avec une totale clartĂ©, les plaisirs, les richesses et l’opinion d’autrui sont inutiles et mĂȘme le plus souvent nĂ©fastes pour ĂȘtre dans le bonheur. Mieux : je sais Ă  prĂ©sent que mon dĂ©tachement Ă  leur Ă©gard est ce qu’il y a de plus nĂ©cessaire dans ma vie, si je veux pouvoir vivre un jour dans la joie. Du reste, que de maux ces attachements n’ont-ils pas engendrĂ© sur la Terre, depuis l’origine de l’humanitĂ© ! N’est-ce pas toujours le dĂ©sir de les possĂ©der qui a dressĂ© les hommes les uns contre les autres, engendrant la violence, la misĂšre et mĂȘme parfois la mort des hommes qui les recherchaient, comme en tĂ©moigne chaque jour encore le triste spectacle de l’humanitĂ© ? N’est-ce pas l’impuissance Ă  se dĂ©tacher de ces faux biens qui explique le malheur qui rĂšgne presque partout sur le Terre ? Au contraire, chacun peut voir que les sociĂ©tĂ©s et les familles vraiment heureuses sont formĂ©es d’ĂȘtres forts, paisibles et doux qui passent leur vie Ă  construire leur joie et celle des autres sans accorder beaucoup d’importance ni aux plaisirs, ni aux richesses, ni aux honneurs

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Bruno Giuliani
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Je suis donc descendu à la cave pour mieux le haïr. Je pensais: ce ne sera pas difficile. Il y a une technique éprouvée dont toutes les armées du monde, tous les gouvernements de l'histoire se sont servis pour provoquer la haine. Cette technique, la voici: à coup de propagande, de discours, de films, on crée une image de l'ennemi, dans lequel on voit une incarnation du mal, le symbole de toute souffrance humaine, la cause et l'origine de toute injustice, de toute cruauté, depuis le premier jour de la création de l'univers. Elle est infaillible, cette technique, me répétai-je. Je m'en servirai contre ma victime.
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Elie Wiesel (Dawn)
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Le jour passait ainsi, tant bien que mal, Ă  manger beaucoup et boire de mĂȘme ; grand soleil fort ; bagnole pour nous trimbaler ; cigare de temps Ă  autre ; petit somme sur la plage ; revue de dĂ©tail des connasses qui passaient ; bavardages en tous genres ; un peu de rigolade ; quelques chansons aussi – une journĂ©e comme tant et tant d’autres passĂ©es en compagnie de MacGregor. En de pareils jours, j’avais l’impression que la roue cessait de tourner. En surface ce n’était que gaietĂ© et bon temps ; les heures passaient comme un rĂȘve gluant. Mais sous la surface c’était la fatalitĂ©, le domaine des prĂ©monitions qui me laissaient le lendemain dans un Ă©tat d’inquiĂ©tude morbide. Je savais parfaitement qu’il me faudrait rompre un jour, parfaitement que je passais le temps comme on passe une envie de pisser. Mais je savais aussi que je n’y pouvais absolument rien – pour le moment. J’attendais un Ă©vĂ©nement, Ă©norme, qui me ferait perdre l’équilibre. Tout ce dont j’avais besoin, c’était d’ĂȘtre bousculé ; mais il n’y avait qu’une force extĂ©rieure au monde oĂč je vivais qui pĂ»t me donner le choc nĂ©cessaire. De cela j’étais sĂ»r. Je ne pouvais me ronger le cƓur : c’eĂ»t Ă©tĂ© aller contre ma nature. Ma vie durant, tout avait toujours tournĂ© au mieux – Ă  la fin. Il n’était pas Ă©crit dans les cartes que je dusse m’épuiser en effort. Il fallait faire la part de la Providence – part entiĂšre, dans mon cas. J’avais contre moi toutes les apparences : j’étais guignard, eĂ»t-on dit, je ne savais pas mener ma barque ; mais rien ne pouvait m’îter de la tĂȘte que j’étais nĂ© coiffĂ©. Doublement coiffĂ© mĂȘme. Vue de l’extĂ©rieur, la situation n’était pas brillante, d’accord – mais ce qui m’inquiĂ©tait plus encore, c’était la situation intĂ©rieure. Tout en moi m’effrayait : mes appĂ©tits, ma curiositĂ©, ma souplesse, ma permĂ©abilitĂ©, ma mallĂ©abilitĂ©, mon naturel, mon pouvoir d’adaptation. En soi, aucune situation ne me faisait peur : je ne pouvais me voir autrement que prenant toutes mes aises, comme une fleur, ou mieux comme l’abeille sur la fleur, en train de butiner. MĂȘme si je m’étais retrouvĂ© en taule un beau matin, je suis sĂ»r que j’y aurais pris un certain plaisir. La raison, j’imagine, en Ă©tait que je savais opposer la force d’inertie. D’autres s’usaient Ă  tirer sur la corde, Ă  se dĂ©mener, Ă  se tendre Ă  craquer ; ma stratĂ©gie Ă©tait de flotter au grĂ© de la marĂ©e. Je me souciais beaucoup moins de ce qu’on pouvait me faire que du mal que se faisaient les autres Ă  eux-mĂȘmes ou entre eux. Je me sentais si bien, en dedans de moi, que je ne pouvais faire autrement que de prendre Ă  charge et Ă  cƓur le monde entier et ses problĂšmes. C'est pourquoi j’étais tout le temps dans la mouise. Il n’y avait entre ma destinĂ©e et moi aucun synchronisme, pour ainsi dire.
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Henry Miller (Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer)
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Perhaps we only imagine we deserve rhythms, once lived by rhythms, when all there ever was was moments. Separate. Distinct. Like beads on a string. Except that there is no string. Or the string has broken and the beads run about all over the floor.
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Gabriel Josipovici (Contre-Jour: A triptych after Pierre Bonnard)
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EugĂ©nie se souvient de ce fait divers qui remonte Ă  une trentaine d’annĂ©es : une prĂ©nommĂ©e Ernestine aspirait Ă  s’émanciper de son rĂŽle d’épouse en prenant des cours de cuisine auprĂšs de son cousin chef cuisinier, espĂ©rant elle-mĂȘme un jour ĂȘtre derriĂšre les fourneaux d’une brasserie ; son mari, Ă©branlĂ© dans son rĂŽle dominant, l’avait fait interner Ă  la SalpĂȘtriĂšre. Nombre d’histoires depuis le dĂ©but du siĂšcle font Ă©cho Ă  celle-ci et se racontent dans les cafĂ©s parisiens ou les rubriques faits divers des journaux. Une femme s’emportant contre les infidĂ©litĂ©s de son mari, internĂ©e au mĂȘme titre qu’une va-nu-pieds exposant son pubis aux passants ; une quarantenaire s’affichant au bras d’un jeune homme de vingt ans son cadet, internĂ©e pour dĂ©bauche, en mĂȘme temps qu’une jeune veuve, internĂ©e par sa belle-mĂšre, car trop mĂ©lancolique depuis la mort de son Ă©poux. Un dĂ©potoir pour toutes celles nuisant Ă  l’ordre public. Un asile pour toutes celles dont la sensibilitĂ© ne rĂ©pondait pas aux attentes. Une prison pour toutes celles coupables d’avoir une opinion. Depuis l’arrivĂ©e de Charcot il y a vingt ans, il se dit que l’hĂŽpital de la SalpĂȘtriĂšre a changĂ©, que seules les vĂ©ritables hystĂ©riques y sont internĂ©es.
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Victoria Mas (Le Bal des folles)
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Si l'on soulÚve les haillons hideux de l'Histoire, on trouve cela: la hiérarchie contre légalité et l'ordre contre la liberté. (p127)
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Éric Vuillard (L'Ordre du jour)
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L’étĂ© fut un enfer. Il n’y avait pas la diversion de l’école. Chaque jour, il fallait reprendre conscience de cette abjection, maman qui arrivait au petit dĂ©jeuner en gazouillant avec CĂ©lia qu’elle ne lĂąchait presque jamais, Ă  chaque minute il fallait lutter contre l’appel du gouffre dans la poitrine, il fallait ne pas haĂŻr ce bĂ©bĂ© qui n’était pas responsable de la dĂ©bauche de cet amour maternel, mĂȘme si elle ne pouvait s’empĂȘcher de lui trouver de la complaisance – mais qui pouvait lui garantir qu’à sa place elle n’en eĂ»t pas fait autant, il fallait ne pas haĂŻr maman qui se laissait aller Ă  ces dĂ©bordements sans l’ombre d’une pudeur envers son entourage – toujours ce cruel manque de tact.
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AmĂ©lie Nothomb (Frappe-toi le cƓur)
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Ce qu'elle prend pour de vraies pensĂ©es lui vient quand elle est seule ou en promenant l'enfant. Les vraies pensĂ©es ne sont pas pour elle des rĂ©flexions sur les façons de parler et de s'habiller des gens, la hauteur des trottoirs pour la poussette, l'interdiction des Paravents de Jean Genet et la guerre au Vietnam, mais des questions sur elle-mĂȘme, l'ĂȘtre et l'avoir, l'existence. C'est l'approfondissement de sensations fugitives, impossibles Ă  communiquer aux autres, tout ce que, si elle avait le temps d'Ă©crire - elle n'a mĂȘme plus celui de lire -, serait la matiĂšre de son livre. Dans son journal intime, qu'elle ouvre trĂšs rarement comme s'il constituait une menace contre la cellule familiale, qu'elle n'ait plus le droit Ă  l'intĂ©rioritĂ©, elle a notĂ© : "Je n'ai plus d'idĂ©es du tout. Je n'essaie plus d'expliquer ma vie" et "je suis une petite-bourgeoise arrivĂ©e." Elle a l'impression d'avoir dĂ©viĂ© de ses buts antĂ©rieurs, de n'ĂȘtre plus que dans une progression matĂ©rielle. "J'ai peur de m'installer dans cette vie calme et confortable, d'avoir vĂ©cu sans m'en rendre compte". Au moment mĂȘme oĂč elle fait ce constat, elle sait qu'elle n'est pas prĂȘte Ă  renoncer Ă  tout ce qui ne figure jamais dans ce journal intime, cette vie ensemble, cette intimitĂ© partagĂ©e dans un mĂȘme endroit, l'appartement qu'elle a hĂąte de retrouver les cours finis, le sommeil Ă  deux, le grĂ©sillement du rasoir Ă©lectrique le matin, le conte des Trois petits cochons le soir, cette rĂ©pĂ©tition qu'elle croit dĂ©tester et qui l'attache, dont un Ă©loignement momentanĂ© de trois jours pour passer le Capes lui a fait sentir le manque - tout ce qui, quand elle en imagine la perte accidentelle, lui serre le coeur.
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Annie Ernaux (Les Années)
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Le jour de NoĂ«l, je passais par le jardin de l’IcĂŽne. Silence et sentiers blancs, sinueux, derriĂšre des arbres sombres
 Devant moi, la longue façade blanche et pittoresque, de l’école du centre. À la fenĂȘtre du milieu, une petite fille, en robe sombre, la tĂȘte appuyĂ©e contre la vitre, regardait
 VoilĂ  une gamine privĂ©e d’enfance
 Je m’en allai, les yeux baissĂ©s, emportant avec moi cette scĂšne simple et sympathique. Il est Ă©tonnant de voir combien d’énergie on perd Ă  la recherche d’un sujet d’écriture. C’est surtout avec les peintres que je ne peux pas ĂȘtre d’accord. Le beau, le naĂŻf, le sympathique : partout. Partout oĂč l’on tourne les regards, de l’ombre, de la lumiĂšre, des formes vibrantes de charme
 Grigorescu*, tout l’a Ă©mu. VoilĂ  un poĂšte. À partir de ses toiles, d’une Ă©loquence surprenante, on peut reconstituer toute sa vie, notant exactement ce qu’il a ressenti sur tous les sentiers et dans toutes les petites villes oĂč il s’est arrĂȘtĂ© pour quelques jours, pour quelques heures. Il y a une affinitĂ© si grande entre cette scĂšne et le maĂźtre qu’elle commence Ă  me paraĂźtre non pas telle que je l’ai vue, mais telle qu’il l’aurait saisie dans le cadre, douce, poĂ©tique, dans une lumiĂšre claire et tremblante. (traduction de Dolores Toma * il s’agit de Nicolae Grigorescu, le peintre)
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Barbu Ștefănescu Delavrancea (Hagi-Tudose. Nuvele Ɵi schiĆŁe)
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À Ion Ghica, Jassy 2 janvier 1861, Mon cher vieux, Les chasse-neige et les dĂ©gels m’ont retenu jusqu’à ce jour dans cette maudite ville de Jassy qui depuis deux ans prend un caractĂšre de ville de province Ă  faire crisper les sĂ©paratistes. Voici dĂ©jĂ  deux mois que ma valise est faite et que j’attends un caprice favorable du baromĂštre pour me mettre en route, mais pendant que cet instrument fallacieux indique le beau fixe, il pleut, il neige, il vente, il gĂšle, il dĂ©gĂšle, bref il fait un temps ultra. Force m’a Ă©tĂ© donc de m’armer de patience et de fourrure pour attendre un moment plus opportun, car la Galicie m’inspire des terreurs de 1793. J’ai profitĂ© de ce contretemps pour revoir le Prince, avec lequel j’ai longuement parlĂ© de toi. Je ne rapporterai pas tout ce que le Prince m’a dit de flatteur sur ton compte, je crois devoir te faire part de son Ă©tonnement Ă  la vue d’un certain rapprochement qui se serait produit derniĂšrement entre toi et les Bratiano et consorts. Un pareil accouplement est-il possible ? Je dĂ©clare que non, car si l’on a vu s'accoupler des carpes avec des lapins (la chose est encore en doute dans le monde la science) on n'a pas encore vu se produire ce phĂ©nomĂšne monstrueux entre des hommes sensĂ©s comme toi et des sauteurs burlesques comme les Berlikoko et Jean Bratiano. La politique serait-elle donc une entremetteuse aussi adroite ? J’ai appris aussi que notre ami Balaciano serait montĂ© actuellement au plus haut degrĂ© de l’échelle de la colĂšre au sujet de la question hongroise. Voudrait-il par hasard que le Prince se rendĂźt solidaire des mouvements magyars au dĂ©triment probable des intĂ©rĂȘts roumains de la Transylvaine ? Le Prince n’est pas le geĂŽlier de l’Autriche et certainement son gouvernement ne commettra jamais l’infamie de rendre les Ă©migrĂ©s hongrois aux autoritĂ©s autrichiennes. Mais est-ce Ă  dire pour cela qu’il jette son va-tout en l’air, au risque de compromettre la situation politique du pays ? Quoiqu’il en soit Balaciano peut compter que rien ne sera entrepris contre l'honneur et les vĂ©ritables intĂ©rĂȘts des PrincipautĂ©s. Il rĂ©pondra Ă  cela des choses spirituelles, tant mieux pour lui, plus il Ă©vacuera de l’esprit, et plus il sera soulagĂ© ! J’ai envoyĂ©, comme tu sais, plusieurs piĂšces de thĂ©Ăątre Ă  Millo. Qu’en a-t-il fait ? A-t-il l'intention de les monter ? Fais-moi le plaisir de lui demander de me rĂ©pondre de suite pour que ta lettre me trouve encore Ă  Jassy. Envoie-moi aussi par la premiĂšre occasion un numĂ©ro de « Păcală » oĂč se trouve insĂ©rĂ©e « La Complainte du conservateur ». Adieu mon cher vieux je t’embrasse et te prie de prĂ©senter mes amitiĂ©s Ă  Madame Ghica ainsi qu’à tous nos amis et connaissances. Tout Ă  toi, V. Alecsandri.
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Vasile Alecsandri (Opere, IX)
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Le 25 aoĂ»t [1944] la Roumanie dĂ©clara la guerre Ă  l’Allemagne ! Nous aurions Ă©tĂ© heureux de sortir dans les rues pour chanter notre joie, sauf que le mĂȘme jour l’armĂ©e roumaine commença Ă  mener des combats acharnĂ©s pour nettoyer la capitale des forces nazies, alors que l’aviation allemande lançait des attaques sauvages contre des objectifs civils dans la capitale. Comme les Stukas dĂ©collaient d’un aĂ©roport trĂšs proche de la ville, les bombes tombaient sur nous avant que les sirĂšnes aient le temps de nous alerter. Des centaines de bĂątiments furent dĂ©truits, parmi lesquels le ThĂ©Ăątre national, l’OpĂ©ra, l’aile neuve du Palais royal, le Palais des tĂ©lĂ©phones, mais aussi des Ă©glises, des ministĂšres, des hĂŽtels et des usines. Mais une chose est sĂ»re : oĂč que je me fusse trouvĂ© durant ces bombardements, chez moi ou au lycĂ©e, je ne mis pas le nez dehors pour « admirer » les plongĂ©es en piquĂ© des Stukas, ou pour me dĂ©lecter de leurs sirĂšnes terrifiantes. L’idĂ©e de me faire tuer par les pilotes de la Luftwaffe alors que la dĂ©faite d’Hitler n’était plus en doute ne m’enchantait guĂšre.
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Dov Hoenig (Rue du Triomphe)
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Ces baisers qui restent dans votre tĂȘte pendant des heures, des jours. Qui font que vous vous touchiez les lĂšvres sans mĂȘme vous en rendre compte et que vous frissonniez en vous souvenant de cette bouche contre la vĂŽtre
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Elle Kennedy (The Chase (Briar U, #1))
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Aucun reproche concernant l'islam n'est aussi rĂ©curent de nos jours que celui de violence. L'usage aveugle de la force armĂ©e contre les infidĂšles serait encouragĂ© parle Coran, Ă  en croire un discours aisĂ©ment relayĂ© dans les mĂ©dias. Aussi le terme "djihĂąd" - invariablement traduit par "guerre sainte" - est-il devenu le symbole mĂȘme de la sanctification de cette violence.
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Tayeb Chouiref (Citations coraniques expliquées: 150 citations pour découvrir l'ensemble de l'oeuvre et se familiariser avec tous les aspects du Coran (Eyrolles Pratique) (French Edition))
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Il faut dĂ©couvrir le visage de cette bourgeoisie française dont Le Jour et Gringoire ont Ă©tĂ©, pendant la crise, les porte-paroles. Il ne s'agit plus, avec elle, de soumission inconsciente. TrĂšs lucidement, bien qu'ils se couvrent encore de formes biensĂ©antes, ils admirent. Bourgeois, ils admirent la puissance et le succĂšs. DĂ©cadents, ils frĂ©missent sous les maniĂšres brutales. Petits-bourgeois par le coeur, ils s'extasient sur les alignements, la pompe, la parade, sur ce comĂ©dien mystique qui devant cent mille hommes, quand les dieux le saisissent, pousse un bouton pour faire converger sur lui une batterie de propriĂ©taires en alarmes, ils voient dans ces masses compactes, dans cette police insinuĂ©e jusqu'aux ramures de la vie privĂ©e, dans cet ordre de fer, la garde prĂ©torienne qu'ils n'osent demander aux dĂ©mocraties contre les menaces "du communisme". Toute leur pensĂ©e internationale s'est Ă©puisĂ©e Ă  creuser une ligne Maginot en marge des dynamismes europĂ©ens. Toute leur pensĂ©e politique se rĂ©duit Ă  prĂ©parer, avec un bĂ©ton humain, une ligne Maginot inviolable contre les dynamismes rĂ©volutionnaires. Ils se trompent sans doute radicalement sur le sens des fascismes, qui n'utilisent la force bourgeoise que comme une plaque tournante. Mais ils pensent avec celui d'entre eux qui disait il y a 50 ans se sentir plus prĂšs d'un hobereau prussien que d'un ouvrier français. On ne comprendra rien au comportement de cette fraction de la bourgeoisie française si on ne l'entend murmurer Ă  mi-voix : « PlutĂŽt Hitler que Blum ». Une bourgeoisie aux abois ; une politique sans foi ni loi ; un peuple usĂ© de dĂ©ceptions et de divertissements, voilĂ  les responsables de la dĂ©mission de la France. Puisque ce n'est pas la premiĂšre fois que nous prenons position sur le problĂšme qui lui a offert l'occasion, il nous faut maintenant montrer oĂč elle a pu s'inscrire.
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Emmanuel Mounier
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Le terme de gĂ©nocide est souvent employĂ© pour qualifier la traite et l'esclavage pratiquĂ©s par l'Occident. Alors qu'il convient de reconnaĂźtre que dans la traite transatlantique un esclave, mĂȘme dĂ©shumanisĂ©, avait une valeur vĂ©nale pour son propriĂ©taire. Ce dernier le voulait d'abord efficace, mais aussi rentable dans le temps, mĂȘme si son espĂ©rance de vie Ă©tait des plus limitĂ©es. Il est sans doute difficile d'apprĂ©cier l'importance de la saignĂ©e subie par l'Afrique noire au cours de la traite transatlantique. Du Bois l'estime Ă  environ quinze Ă  vingt millions d'individues. P. Curtin, quant Ă  lui, en faisant une synthĂšse des travaux esistants, aboutit en 1969 Ă  un total d'environ neuf millions six cent mille escales importĂ©s, surtout dans le Nouveau Monde, plus faiblement en Europe et Ă  SĂŁo TomĂ©, pour l'ensemble de la pĂ©riode 1451-1870. Mais quelle que fĂ»t l'ampleur de cette traite, il suffit d'observer la dynamique de la diaspora noire qui s'est formĂ©e au BrĂ©sil, aux Antilles et aux États-Unis, pour reconnaĂźtre qu'une entreprise de destruction froidement et mĂ©thodiquement programmĂ©e des peuples noirs, au sens d'un gĂ©nocide — comme celui des Juifs, des ArmĂ©niens, des Cambodgiens ou autres Rwandais —, n'y est pas prouvĂ©e. Dans le Nouveau Monde la plupart des dĂ©portĂ©s ont assurĂ© une descendance. De nos jours, plus de soixante-dix millions de descendants ou de mĂ©tis d'Africains y vivent. VoilĂ  pourquoi nous avons choisi d'employer le terme d'«holocauste» pour la traite transatlantique. Car ce mot signifie bien sacrifice d'hommes pour le bien-ĂȘtre des autres hommes, mĂȘme si cela a pu entraĂźner un nombre incalculable de victimes. En outre, la plupart des nations occidentales impliquĂ©es dans le commerce triangulaire ont aujourd'hui reconnu leur responsabilitĂ© et prononcĂ© leur aggiornamento. La France, entre autres, l'a fait une loi — qualifiant la traite nĂ©griĂšre et l'esclavage de «crime contre l'humanité» — votĂ©e au Parlement le 10 mai 2001. Ce qui a marquĂ© clairement un changement d'attitude chez les Français face Ă  une page de leur histoire jusqu'alors mal assumĂ©e. D'autres voix se sont Ă©levĂ©es pour prĂ©senter les excuses d'un pays, telle celle du prĂ©sident Clinton, ou demander «pardon pour les pĂ©chĂ©s commis par l'Europe chrĂ©tienne contre l'Afrique» (Jean-Paul II, en 1991, Ă  GorĂ©e). [...] Seul le gĂ©nocide des peuples noirs par les nations arabo-musulmanes n'a toujours pas fait l'objet de reconnaissance aussi nette. Alors que ce crime est historiquement, juridiquement et moralement imprescriptible. Car bien qu'il n'y ait pas de victimes ni de coupables hĂ©rĂ©diatires, les descendants des peuples impliquĂ©s ne peuvent refuser d'assumer une certaine responsabilitĂ©. On pouvait cependant espĂ©rer que les rĂ©solutions adoptĂ©es par la confĂ©rence de l'ONU Ă  Durban (2-9 septembre 2001) iraeient dans ce sense. Mais dans l'esprit, l'acte, si solennel fĂ»t-il, n'Ă©tait qu'une entreprise fallacieusement orientĂ©e, doublĂ©e d'une dĂ©nonciation sĂ©lective. Durban n'a pas donnĂ© une vision d'ensemble honnĂȘte et objective de la terrible «tragĂ©die noire» passĂ©e. Puisque, de nos jours encore, beaucoup associent par rĂ©flexe traite nĂ©griĂšre au seul traffic transatlantique organisĂ© Ă  partie de l'Europe et des AmĂ©riquees, qui a conduit Ă  la mort ou Ă  la dĂ©portation de millions d'Africains dans le Nouveau Monde. La confusion vient du fait que la colonisation europĂ©enne de l'Afrique noire avec son systĂšme de travail forcĂ© a suivi la fin de la traite transatlantique, ce qui incite Ă  assimiler les deux Ă©vĂšnements. Alors que la traite et le travail forcĂ© des peuples noirs n'ont pas Ă©tĂ© une invention des nations europĂ©ennes.
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Tidiane N'Diaye (Le gĂ©nocide voilĂ©: EnquĂȘte historique)
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reĂźntoarcere din timpul steril Ăźnainte de a te pierde Ăźmi zdrobeƟti nopĆŁile de piscurile răsărite sub tĂąmple degetele mĂąinii sub talpa ciocanului decojite zilele ies din miezul steril cu ochii ĂźnchiƟi puii de vrabie din oul Ăźn care au auzit ĂźntĂąia dată strigătul vĂąntului către tunet atunci Ăźmi aduci aminte de actul final punctul scurtei mele figuraĆŁii ca puiul din coaja oului matern voi ieƟi din scenă Ăźn secunda următoare nu mă vor Ăźnjunghia pe la spate voi simĆŁi trecutul carbonizat negativul meu se va atinge de fulgerul deschis Ăźn celălalt ochi va Ăźncepe să te privească. * retour dans le temps stĂ©rile avant de te perdre tu Ă©crases mes nuits contre les sommets surgis sous les tempes les doigts des mains sous la plante du pied du marteau pelĂ©s les jours sortent du noyau stĂ©rile les yeux fermĂ©s oisillons de moineau de l’Ɠuf oĂč ils ont entendu pour la premiĂšre fois le cri du vent adressĂ© au tonnerre c’est alors que tu me rappelles le dernier acte le point de ma courte figuration Ă  l’instar du poussin de l’Ɠuf materne je quitterai la scĂšne l’instant d’aprĂšs ils me poignarderont dans le dos je sentirai mon passĂ© carbonisĂ© mon nĂ©gatif touchera la foudre ouverte dans l’autre Ɠil il se mettra Ă  m’observer. (traduit en français par Gabrielle Danoux)
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Ioan Barb
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Si de longues observations et des mĂ©ditations sincĂšres amenaient les hommes de nos jours Ă  reconnaĂźtre que le dĂ©veloppement graduel et progressif de l'Ă©galitĂ© est Ă  la fois le passĂ© et l'avenir de leur histoire, cette seule dĂ©couverte donnerait Ă  ce dĂ©veloppement le caractĂšre sacrĂ© de la volontĂ© du souverain maĂźtre. Vouloir arrĂȘter la dĂ©mocratie paraĂźtrait alors lutter contre Dieu mĂȘme, et il ne resterait aux nations qu'Ă  s'accommoder Ă  l'Ă©tat social que leur impose la Providence.
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Alexis de Tocqueville (De La DĂ©mocratie En AmĂ©rique (INCLUANT TOUS LES TOMES, ANNOTÉ D’UNE BIOGRAPHIE))
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— Ô Lune Noire, sache que je t’ai attendue. Non, mon attente n’a pas Ă©tĂ© pieuse et bercĂ©e d’une fĂ©licitĂ©e bĂ©ate. Mes espoirs, je les ai conservĂ©s contre moi en affrontant les tempĂȘtes de la nature. Mes craintes, je les ai endossĂ©es avec peine et, souvent, elles m’ont valu d’épouvantables souffrances. Quant Ă  mes croyances, elles chancĂšlent chaque jour, avançant fĂ©brilement sur la crĂȘte d’une montagne acĂ©rĂ©e. Non, belle Lune Noire, je n’ai pas Ă©tĂ© le dĂ©vot infaillible. J’ai encaissĂ© les douleurs et j’en ai souvent questionnĂ© la cause, me demandant si les dieux veillaient vraiment sur l’indigent que je suis... J’ai interrogĂ© l’OcĂ©an CĂ©leste, j’ai invoquĂ© le Grand PĂȘcheur dans les moments de dĂ©tresse, et j’ai remerciĂ© les Constellations Silencieuses lorsque le sort m’était propice. Mais jamais, jamais je n’ai obtenu de rĂ©ponse. Pas un signe. Pas une faveur, pas une mise en garde. Rien ! Alors j’ai continuĂ© Ă  croire et j’ai contemplĂ© chacun de tes croissants. J’ai chĂ©ri chaque pas sous l’éclat argentĂ© de ta lumiĂšre. Mais, peu Ă  peu, je suis forcĂ© d’admettre que mon regard est tombĂ© et que j’ai plus souvent observĂ© mes pieds que ta robe. Nuit aprĂšs nuit, ma foi s’est faite tĂ©nue
 Et je regrette, aujourd’hui, d’avoir parfois pensĂ© que l’interposition ne viendrait pas. Que l’éclipse n’était qu’une fable, qu’un rĂȘve mal placĂ© dans mon esprit puĂ©ril. Un rĂȘve idiot qui avait induit les sages en erreur
 Comme je regrette ! Comme je suis confus et contrit de dĂ©couvrir, Ă  prĂ©sent, que le tort s’était saisi de moi
 La puissance de ton ombre est manifeste : Fe’Rah Grundt ne peut que s’incliner ! Quant Ă  ton aura
 Quelle
 Quelle splendeur ! J’ai devant mes yeux la plus magnifique fantasmagorie qu’il m’ait Ă©tĂ© donnĂ© de voir. C’est tellement plus grandiose que dans mon rĂȘve. Et, plus sublime encore que dans mes tentatives d’imagination Ă©veillĂ©e ! L’éclipse
 L’éclipse est assurĂ©ment le tournant de mon existence, j’en suis convaincu. Car mĂȘme si tu me rĂ©pudies, mĂȘme si tu m’ignores, mĂȘme si tu te contraries de mes paroles et choisis de m’en punir, je serai – Ô superbe Lune Noire – Ă  jamais changĂ©, en mon ĂȘtre tout entier, de t’avoir pu observer. Sur ces paroles fiĂ©vreuses et enflammĂ©es d’un amour sincĂšre dont il s’ignorait capable, Welihann se tait puis pose un genou Ă  terre. Les yeux brillants, il plonge dans la noirceur du cercle magique et cligne le moins possible des paupiĂšres, bien dĂ©cidĂ© Ă  ne pas en perdre la moindre miette. Le spectacle, d’une beautĂ© enivrante, le transporte et ranime toute sa foi. Il se sent transpercĂ© de lĂ©gendes, envahi de gloire, portĂ© en avant par les chants des AncĂȘtres, pĂ©nĂ©trĂ© par les mille gĂ©nĂ©rations l’ayant prĂ©cĂ©dĂ©, ayant foulĂ© ces steppes, ayant grimpĂ© ces concrĂ©tions, s’étant faufilĂ©s entre les prĂ©dĂ©cesseurs de ces arbres
 Il est Welihann, il est les Anciens, il est le PassĂ© et l’Avenir de son peuple. Il convoie en son ĂȘtre la culture d’une tribu et voyage Ă  dos de rĂȘves sur les Ă©paules du monde. Il n’est plus qu’un avec la Nature et devient, loin, au fond de lui, le messager des MĂŒk’Atah. Le pourvoyeur de Vie, façonnĂ© d’Amour et disposĂ© Ă  embrasser la Mort. Il est Welihann, l’enfant au destin diffĂ©rent, l’enfant libre et sans chemin tracĂ©, capable d’ouvrir sous chacun de ses pas, les pages de chapitres interdits, inconnus, impossibles ou dĂ©sirĂ©s. Il est Welihann, l’enfant-homme, l’enfant-frĂšre, le frĂšre-homme que personne n’attend et que tout le monde espĂšre, le prophĂšte malvenu, le maudit habitĂ© par la fortune. Il est Welihann et il sait, Ă  prĂ©sent, combien son destin compte, combien l’éclipse importe. Il est Welihann et il sait que son nom promet et devine que son sort ne sera rien de moins qu’exceptionnel.
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Alexandre Jarry (Sous les constellations silencieuses (Les Apothéoses))
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La lutte libĂ©rale contre la Restauration et l’ouverture faite aux hommes de lettres dans la pĂ©riode orlĂ©aniste avaient favorisĂ©, sinon une politisation de la vie intellectuelle, du moins une sorte d’indiffĂ©renciation de la littĂ©rature et de la politique, comme en tĂ©moigne la floraison des politiciens littĂ©rateurs et des littĂ©rateurs politiciens, Guizot, Thiers, Michelet, Thierry, Villemain, Cousin, Jouffroy ou Nisard. La rĂ©volution de 1848, qui déçoit ou inquiĂšte les libĂ©raux, et surtout le second Empire renvoient la plupart des Ă©crivains dans une sorte de quiĂ©tisme politique, insĂ©parable d’un repliement hautain vers l’art pour l’art, dĂ©fini contre l’« art social ». On se rappelle Baudelaire fulminant contre les socialistes : « Crosse religieusement les omoplates de l’anarchiste21 ! » Ou Leconte de Lisle faisant la leçon Ă  Louis MĂ©nard restĂ© fidĂšle Ă  ses idĂ©aux politiques : « Vas-tu passer ta vie Ă  rendre un culte Ă  Blanqui qui n’est ni plus ni moins qu’une sorte de hache rĂ©volutionnaire, hache utile en son lieu, je le veux bien, mais hache enfin ! Va ! Le jour oĂč tu auras fait une belle Ɠuvre, tu auras plus prouvĂ© ton amour de la justice et du droit qu’en Ă©crivant vingt volumes d’économie22. » Mais l’expression la plus typique de ce dĂ©senchantement se trouve chez Flaubert, Taine ou Renan qui, rĂ©fugiĂ©s dans leur Ɠuvre, gardent le silence sur les Ă©vĂ©nements politiques.
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Pierre Bourdieu (Les RÚgles de l'art. GenÚse et structure du champ littéraire (LIBRE EXAMEN) (French Edition))
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 Il dit se battre contre soi pour comprendre un jour qu’on se bat pour soi 
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Lou Delvig (Jours sans faim)
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En attendant, il lui faut lutter contre la mandarine, avec les armes que la nature a bien voulu lui donner : son courage, sa force, sa détermination, son intelligence aussi. Sa famille, ses enfants, ses amis. Et puis les médecins, les infirmiÚres, les oncologues, les radiologues, les pharmaciens, qui se battent, chaque jour, pour elle, à ses cÎtés. Il lui semble soudain qu'elle est au début d'une épopée pharaonique, qu'une formidable énergie est déployée autour d'elle. [...] Elle se dit alors que l'univers travaille de concert à sa guérison. Elle songe à cette phrase du Talmud : "Celui qui sauve une vie sauve le monde entier." Aujourd'hui, le monde entier la sauve, et Sarah voudrait lui dire merci.
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Colombani Laetitia
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Je me refuse Ă  tout commerce avec le monde immonde qu'on m'a imposĂ©, oĂč l'on m'a jetĂ©e sans procĂšs comme des esclaves aux galĂšres. Ils m'ont jetĂ©e au milieu d'une chiourme si gueule, si ventre, qu'elle ne s'aperçoit mĂȘme pas qu'elle a une Ăąme, une chiourme prĂȘte Ă  toutes les chaĂźnes, Ă  tous les crimes contre l'Ăąme et la fiertĂ©, pour avoir accĂšs Ă  l'auge que, trois fois par jour, les maĂźtres lui donnent Ă  lĂ©cher. Ô maĂźtres, je mangerai plutĂŽt mes excrĂ©ments!
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Réjean Ducharme (L'Avalée des avalés)
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La fonction muhammadienne comporte le privilĂšge de l’intercession universelle, qui sera manifestĂ©e dans sa plĂ©nitude le Jour de la RĂ©surrection. Selon l’enseignement traditionnel, la totalitĂ© de l’intercession reviendra en ce jour au ProphĂšte, mais il ne sera pas le seul qui intercĂšdera ; d’autres le feront avec sa permission, notamment les prophĂštes fondateurs des formes traditionnelles qui ont prĂ©cĂ©dĂ© l’islĂąm. Leurs communautĂ©s ne connaissent la lumiĂšre muhammadienne que par leur intermĂ©diaire, et c’est eux qui intercĂ©deront tout d’abord pour elles. De mĂȘme, les saints musulmans peuvent intercĂ©der dans la mesure oĂč ils ont rĂ©alisĂ© initiatiquement le modĂšle prophĂ©tique, car leur fonction propre implique une participation Ă  celle de l’EnvoyĂ© d’AllĂąh. Condamner cet aspect du tasawwuf, c’est s’opposer Ă  la sagesse divine sur une question essentielle. Il ne faut pas oublier que l’intercession universelle du ProphĂšte est une manifestation du Califat suprĂȘme qui fonde les privilĂšges cycliques de l’islĂąm (35). Ceux qui s’acharnent contre le « culte des saints » feraient bien d’y rĂ©flĂ©chir, car leur souci de prĂ©server la puretĂ© du tawhĂźd s’accompagne d’une ignorance prĂ©judiciable Ă  l’excellence et Ă  l’intĂ©gritĂ© islamiques qu’ils sont censĂ©s dĂ©fendre.
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Charles-André Gilis (L'intégrité islamique : Ni intégrisme ni intégration)
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Le premier point Ă  prendre en compte est le fait que la production globale actuelle est quantitativement suffisante pour assurer l'alimentation de l'ensemble de la population mondiale. La disponibilitĂ© alimentaire mondiale est de 2 790 calories par jour et par personne (donnĂ©es de 2001-2003), ce qui pourrait ĂȘtre suffisant. La sous-alimentation qui affecte aujourd'hui un milliard d'individus pourrait ĂȘtre Ă©radiquĂ©e par ure rĂ©organisation de la production, notamment avec une rĂ©orientation vers la multiplicitĂ© des cultures vivriĂšres et par un rĂ©Ă©quilibrage du stock calorique, fort mal distribuĂ© (3 490 calories par jour et par personne dans les pays dĂ©veloppĂ©s, contre 2 254 en Afrique subsaharienne). Quant Ă  la malnutrition (carences en vitamines et minĂ©raux) et Ă  son envers, l'obĂ©sitĂ© et le surpoids (provoquĂ©s essentiellement par la diffusion des habitudes alimentaires promues par le secteur agroalimentaire et la grande distribution), qui affectent chacune un milliard d'individus, ils pourraient ĂȘtre rĂ©sorbĂ©s, sans augmentation quantitative globale, par une rĂ©orientation vers une agriculture paysanne dĂ©veloppant des pratiques agro-Ă©cologiques. Si l'agriculture industrielle actuelle fait valoir de maniĂšre tronquĂ©e sa supĂ©rioritĂ©, notamment en termes de productivitĂ© par hectare, une Ă©valuation plus globale, incluant l'ensemble des coĂ»ts directs et indirects (notamment Ă©cologiques), invite Ă  faire pencher la balance de l'efficacitĂ© du cĂŽtĂ© de l'agriculture paysanne. De fait, l'agriculture industrialisĂ©e est entraĂźnĂ©e dans un cercle vicieux, marquĂ© notamment par l'Ă©puisement et la salinisation des sols, la multiplication des insectes rĂ©sistant aux pesticides, la hausse des pathologies du bĂ©tail ; en outre, elle provoque une baisse du pouvoir nutritif des produits, notamment des fruits et lĂ©gumes Ă  croissance rapide. Enfin, il faut indiquer que les surfaces agricoles consacrĂ©es Ă  des cultures non alimentaires (agrocarburants notamment) doivent ĂȘtre restituĂ©es Ă  leur vocation initiale, ce qui offre une marge de manƓuvre importante pour assurer Ă  l'ensemble de l'humanitĂ© une alimentation quantitativement et qualitativement satisfaisante. On dispose Ă©galement de deux leviers importants pour atteindre et maintenir cet impĂ©ratif Ă©lĂ©mentaire : d'une part, une limitation de l'Ă©levage, particuliĂšrement glouton en Ă©nergie et en surfaces (40 % des grains actuellement produits sont destinĂ©s Ă  l'alimentation animale) et Ă©cologiquement dangereux (importantes Ă©missions de gaz Ă  effet de serre) ; d'autre part, une Ă©limination du gĂąchis alimentaire (Ă©valuĂ© Ă  30 % au moins dans le systĂšme alimentaire industriel mondial, et Ă  100 milliards de dollars par an uniquement aux États-Unis). (p. 190-192)
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JĂ©rĂŽme Baschet (AdiĂłs al Capitalismo: AutonomĂ­a, sociedad del buen vivir y multiplicidad de mundos)
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Te voilĂ  bien fier, hein ? Oui, je sers un fou, Mais toi, qui sers-tu ? La vertu ? je vais te dire ce que j'en pense. Je suis nĂ© esclave. Alors, l'air de la vertu, honnĂȘte homme, je l'ai d'abord dansĂ© sous le fouet. CaĂŻus, lui, ne m'a pas fait de discours. Il m'a affranchi et pris dans son palais. C'est ainsi que j'ai pu vous regarder, vous les vertueux. Et j'ai vit que vous aviez sale mine et pauvre odeur, l'odeur fade de ceux qui n'ont jamais rien souffert ni risquĂ©. J'ai vu les dra-pĂ©s nobles, mais l'usure au coeur, le visage avare, la main fuyante. Vous, des juges ? Vous qui tenez boutique de vertu, qui rĂȘvez de sĂ©curitĂ© comme la jeune fille rĂȘve d'amour, quiallez pourtant mourir dans l'effroi sans mĂȘme savoir que vous avez menti toute votre vie, vous vous mĂȘleriez de juger celui qui a souffert sans compter, et qui saigne tous les jours de mille nouvelles blessures ? Vous me frapperez avant, sois-en sĂ»r ! MĂ©prise l'esclave, Cherea ! Il est au-dessus de ta vertu puisqu'il peut encore aimer ce maĂźtre mi-sĂ©rable qu'il dĂ©fendra contre vos nobles mensonges, vos bouches parjures...
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Albert Camus (Caligula)
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N'ayant jamais porté d'arme (et je ne le ferai jamais), mes mots sont pour moi l'unique moyen de me protéger contre les interactions sociales douteuses.
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Jérémy Marie (Mon tour du monde en 1980 jours)
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C'est drÎle de constater que les gens en qui nous avons le plus confiance, ceux qui nous entourent, ne sont pas nécessairement ceux dont on a besoin. On peut passer des jours, voire des années avec ces personnes et ne rien recevoir en retour. Par contre, dans les instants les plus inattendus, un parfait inconnu peut nous accorder quelques minutes et nous dire quelques paroles qui ont le pouvoir de nous donner des ailes. En fin de compte, ces brÚves minutes valent plus que tout le temps passé avec notre entourage. En fin de compte, ces minutes allument un feu brûlant au fond de nous. Ce feu brûlant, c'est l'espoir et avec l'espoir, tout est possible.
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Emmie Wesline (Objectif Vancouver)
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Serre-moi fort Contre ton corps Il faut qu'Ă  l'heure des folies Le grand amour Raye le jour Et nous fasse oublier la vie Retiens la nuit Avec toi elle paraĂźt si belle Retiens la nuit Mon amour qu'elle devienne Ă©ternelle
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Johnny Hallyday
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Un jour, au debut des annees soixante-dix, pendant l'occupation russe du pays, tous les deux chasses de nos emplois, tous les deux en mauvaise sante, ma femme et moi sommes alles voir, dans un hopital de la banlieue de Prague, un grand medicin, ami de tous les opposants, un vieux sage juif, comme nous l'appelions, le professeur Smahel. Nous y avons rencontre E., un journaliste, lui aussi chasse de partout, lui aussi en mauvaise sante, et tous les quatre nous sommes restes longtemps a bavarder, heureux de l'atmosphere de sympathie mutuelle. Pour le retour, E. nous a pris dans sa voiture et s'est mis a parler de Bohumil Hrabal, alors le plus grand ecrivain tcheque vivant; d'une fantaisie sans bornes, feru d'experiences plebeiennes (ses romans sont peuples des gens les plus ordinaires), il etait tres lu et tres aime (toute la vague de la jeune cinematographie tcheque l'a adore comme son saint patron). Il etait profondement apolitique. Ce qui, dans un regime pour lequel 'tout etait politique', n'etait pas innocent: son apolitisme se moquait du monde ou sevissaient les ideologies. C'est pour cela qu'il s'est trouve pendant longtemps dans une relative disgrace (inutilisable qu'il etait pour tous les engagements officiels), mais c'est pour ce meme apolitisme (il ne s'est jamais engage contre le regime non plus) que, pendant l'occupation russe, on l'a laisse en paix et qu'il a pu, comme ci, comme ca, publier quelques livres. E. l'injuriait avec fureur: Comment peut-il accepter qu'on edite ses livres tandis que ses collegues sont interdits de publication? Comment peut-il cautionner ainsi le regime? Sans un seul mot de protestation? Son comportement est detestable et Hrabal est un collabo. J'ai reagi avec le meme fureur: Quelle absurdite de parler de collaboration si l'esprit des livres de Hrabal, leur humour, leur imagination sont le contraire meme de la mentalite qui nous gouverne et veut nous etouffer dans sa camisole de force? Le monde ou l'on peut lire Hrabal est tout a fait different de celui ou sa voix ne serait pas audible. Un seul livre de Hrabal rend un plus grand service aux gens, a leur liberte d'esprit, que nous tous avec nos gestes et nos proclamations protestataires! La discussion dans la voiture s'est vite transformee en querrelle haineuse. En y repensant plus tard, etonne par cette haine (authentique et parfaitement reciproque), je me suis dit: notre entente chez le medicin etait passagere, due aux circonstances historiques particulieres qui faisaient de nous des persecutes; notre desaccord, en revanche, etait fondamental et independant des circonstances; c'etait le desaccord entre ceux pour qui la lutte politique est superieure a la vie concrete, a l'art, a la pensee, et ceux pour qui le sens de la politique est d'etre au service de la vie concrete, de l'art, de la pensee. Ces deux attitudes sont, peut-etre, l'une et l'autre legitimes, mais l'une avec l'autre irreconciliables.
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Milan Kundera (Encounter)
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Une des difficultés de la lutte politique aujourd'hui, c'est que les dominants, technocrates ou épistémocrates de droite ou de gauche, ont partie liée avec la raison et l'universel : on se dirige vers des univers dans lesquels il faudra de plus en plus de justifications techniques, rationnelles, pour dominer et dans lesquels les dominés, eux aussi, pourront et devront de plus en plus se servir de la raison pour se défendre contre la domination, puisque les dominants devront de plus en plus invoquer la raison, et la science, pour exercer leur domination. Ce qui fait que les progrÚs de la raison iront sans doute de pair avec le développement de formes hautement rationalisées de domination [...], et que la sociologie, seule en mesure de porter au jour ces mécanismes, devra plus que jamais choisir entre le parti de mettre ses instruments rationnels de connaissance au service d'une domination toujours plus rationnelle ou d'analyser rationnellement la domination et tout spécialement la contribution que la connaissance rationnelle peut apporter à la domination.
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Pierre Bourdieu
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L'homosexuel qui parle de sa vie « privĂ©e » rompt la situation « normale » puisque celle-ci est dĂ©finie comme telle par le fait que, « normalement », comme dit le langage de tous les jours, l'homosexualitĂ© n'est pas dicible ou, ce qui n'est pas trĂšs diffĂ©rent, n'est pas souvent dite. Toute parole qui consiste Ă  dire l'homosexualitĂ© ne peut dĂšs lors ĂȘtre entendue que comme une volontĂ© de l'affirmer, de l'afficher, comme un geste de provocation ou un acte militant. La sortie de la honte est toujours perçue comme la proclamation de la fiertĂ© (ce qu'inĂ©vitablement elle est toujours, puisque celui qui Ă©nonce l'homosexualitĂ© et le fait ainsi entrer dans le discours autrement que comme un objet de plaisanterie ou comme un objet tout court, mais comme la prise de parole d'un sujet, a bien conscience que ce qu'il va dire sera entendu de cette maniĂšre). On ne peut jamais dire simplement qu'on est homosexuel : on l'affirme toujours envers et contre tout, envers et contre tous, et non seulement contre ceux qui voudraient empĂȘcher qu'on puisse le dire, mais aussi contre ceux qui objectent qu'il n'est pas besoin de le dire. C'est pourquoi il y a toujours une certaine thĂ©ĂątralitĂ© propre Ă  l'affirmation homosexuelle. Ce n'est donc pas en vertu du fait que, comme l'Ă©crit Sartre, « puisque nous ne faisons que jouer ce que nous sommes, nous sommes tout ce que nous pouvons jouer ». C'est au contraire parce qu'un homosexuel doit si longtemps jouer ce qu'il n'est pas qu'il ne peut ensuite ĂȘtre ce qu'il est qu'en le jouant. C'est vrai. Mais il ne peut en ĂȘtre autrement. On l'a vu : il y a une Ă©nergie qui sourd de la honte, qui se forme en elle et par elle et qui agit comme une force transformatrice. Cette Ă©nergie s'exprime dans l'identitĂ© thĂ©ĂątralisĂ©e, dans la performance (au sens anglais), dans l'exhibitionnisme, l'extravagance ou la parodie. L'exhibitionnisme et la thĂ©ĂątralitĂ© sont sans doute, et ont Ă©tĂ© historiquement, parmi les gestes les plus importants qui ont permis de dĂ©fier l'hĂ©gĂ©monie hĂ©tĂ©ronormative. Et c'est d'ailleurs pourquoi ils ont toujours fait l'objet d'attaques si virulentes. La honte donne son Ă©nergie Ă  l'exhibitionnisme, Ă  l'affirmation de soi comme thĂ©ĂątralitĂ©, c'est-Ă -dire Ă  l'affirmation de soi tout court. (p. 163-164)
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Didier Eribon (Insult and the Making of the Gay Self (Series Q))
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Souvenons-nous de ce temps, pas rĂ©volu, oĂč toute explosion de violence Ă©tait considĂ©rĂ©e comme une contre-violence, une rĂ©ponse Ă  la violence exercĂ©e plus ou moins ouvertement par l’État, par la sociĂ©tĂ©, les institutions, l’ordre Ă©tabli. La folie des soeurs Papin, toute folie peut-ĂȘtre, serait-elle la forme extrĂȘme et dĂ©sespĂ©rĂ©e de la rĂ©volte?
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Jean-Bertrand Pontalis (Un jour, le crime)
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Mais dans quelque ville que vous soyez entrĂ©s et qu'on ne vous reçoive pas, sortez dans ses rues et dites: La poussiĂšre mĂȘme de votre ville, qui s'est attachĂ©e Ă  nos pieds, nous la secouons contre vous; mais sachez ceci, que le royaume de Dieu s'est approchĂ©. Je vous dis que le sort de Sodome sera plus supportable en ce jour-lĂ  que celui de cette ville-lĂ .
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Anonymous
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Le plus passionnant, ce sont les six volumes suivants de l'Histoire des origines du christianisme, oĂč est racontĂ©e en dĂ©tail cette histoire beaucoup moins connue : comment une petite secte juive, fondĂ©e par des pĂȘcheurs illettrĂ©s, soudĂ©e par une croyance saugrenue sur laquelle aucune personne raisonnable n'aurait misĂ© un sesterce, a en moins de trois siĂšcles dĂ©vorĂ© de l'intĂ©rieur l'Empire romain et, contre toute vraisemblance, perdurĂ© jusqu'Ă  nos jours. Et ce qui est passionnant, ce n'est pas seulement l'histoire en soi extraordinaire que Renan raconte, mais l'extraordinaire honnĂȘtetĂ© avec laquelle il la raconte, je veux dire sa façon d'expliquer au lecteur comment il fait sa cuisine d'historien : de quelles sources il dispose, comment il les exploite et en vertu de quels prĂ©supposĂ©s. J'ai sa façon d'Ă©crire l'histoire, non pas ad probandum, comme il dit, mais ad narrandum : pas pour prouver quelque chose, mais simplement pour raconte ce qui s'est passĂ©. J'aime sa bonne foi tĂȘtue, le scrupule qu'il met Ă  distinguer le certain du probable, le probable du possible, le possible du douteux, et le calme avec lequel il rĂ©pond aux plus violents de ses critiques : " Quant aux personnes qui ont besoin, dans l'intĂ©rĂȘt de leur croyance, que je sois un ignorant, un esprit faux ou un homme de mauvaise foi, je n'ai pas la prĂ©tention de modifier leur opinion. Si ell est nĂ©cessaire Ă  leur repos, je m'en voudrais de les dĂ©sabuser." (p. 176-177)
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Emmanuel CarrĂšre (Le Royaume)
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capacitĂ© Ă  Ă©mettre des dĂ©crets de son propre chef. En insinuant que le concile ƓcumĂ©nique est la seule autoritĂ© qui soit apte Ă  dĂ©cider de certaines affaires ecclĂ©siologiques, ils participent Ă  l’érosion de la foi et de l’ordre dans l’Église. Je voudrais ĂȘtre ici parfaitement clair. De tels propos renouvellent les erreurs graves de ceux qui affirment que le concile peut agir sans le pape ou contre lui. Le collĂšge des Ă©vĂȘques ne peut prendre des dĂ©cisions qu’avec son chef, le pontife romain. Comme le rappelle le droit canon, « contre une sentence du pontife romain, il n’y a ni appel, ni recours » (Canon 333, 3). Un appel au CollĂšge des Ă©vĂȘques contre un acte du pape reviendrait Ă  nier le primat
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Nicolas Diat (Le soir approche et déjà le jour baisse (Documents) (French Edition))
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Contre une qualification trop "islamique" des fuqarĂą on entendait de la Suisse (notamment en 1946), des rappels de ce genre: "Nous ne sommes entrĂ©s en Islam que pour en sortir!" Une fois vous demandiez charitablement Ă  un faqĂźr français: "On est toujours 100% musulman Ă  Paris ?" Et vous ajoutiez trĂšs avantageusement: "Ici (Ă  Lausanne) on est plutĂŽt hindou !" Eh bien, vous l'avez Ă©tĂ© tellement qu'un beau jour une bonne part de vos disciples suisses se sont dĂ©cidĂ©s d'aller voir cela de plus prĂšs du cĂŽtĂ© hindou mĂȘme, mais malheureusement Ă  cette occasion ils sont "sortis" pour de bon de l'Islam ! A ce chapitre il faut noter aussi que les fuqarĂą ne savent pas "prier" en tant que musulmans; c'est lĂ  une trĂšs grande lacune qui explique le manque d'activitĂ© spirituelle chez beaucoup et l'absence d'intĂ©rĂȘt Ă  leur vie islamique. (Lettre de M.VĂąlsan Ă  F.Schuon, novembre 1950)
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Michel VĂąlsan
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Les politiciens seraient des carriĂ©ristes, des parasites, des profiteurs dĂ©connectĂ©s des rĂ©alitĂ©s, ils chercheraient Ă  s’en mettre plein les poches, n’auraient aucune notion de la vie des gens ordinaires, feraient mieux de ficher le camp : ces accusations, on commence Ă  bien les connaĂźtre. Les populistes les utilisent chaque jour.
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David Van Reybrouck (Contre les Ă©lections)
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Les travaux scientifiques ont montrĂ© qu'un adulte d'1 mĂštre soixante dix pesant 70 kilos possĂšde environ 15 kg de rĂ©serve de graisses, de quoi tenir, s’il est en bon santĂ©, une quarantaine de jours sans manger. Ce mĂ©canisme Ă©tant naturel, il est Ă©vident que le corps rencontre plus de problĂšmes lorsqu'il ne jeĂ»ne pas car la situation d'aujourd'hui, des repas rĂ©guliers et un frigo rempli, n’est pas naturel pour l’organisme
 Notre patrimoine gĂ©nĂ©tique est moins adaptĂ© Ă  cette situation qu'au jeĂ»ne. Notre organisme est mieux Ă©quipĂ© pour supporter la carence que l'excĂšs. Le jeĂ»ne semblerait donc rĂ©activer des rĂ©flexes ataviques ancrĂ©s dans la mĂ©moire du corps. RĂ©duire l’alimentation des animaux leur permet de vivre plus longtemps et en meilleure santĂ©. Le jeĂ»ne protĂšge contre toutes sortes de toxines dont la chimiothĂ©rapie, il augmente le taux de sĂ©rotonine, l’hormone du bonheur ! Donc, une meilleure humeur chez la majoritĂ© des patients qui pratique cette mĂ©thode aux innombrables bĂ©nĂ©fices et on voit aussi une rĂ©duction de la douleur.
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Frédéric Deltour (SANTE, BIEN-ETRE ET REUSSITE... LES 7 ETAPES INDISPENSABLES: Guide Pratique pour le Corps et l'Esprit, Forme et Détente, SuccÚs et Motivation, Alimentation ... Psychologie. t. 1) (French Edition))
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Un moment a vaincu mon audace imprudente : Cette Ăąme si superbe est enfin dĂ©pendante. Depuis prĂšs de six mois, honteux, dĂ©sespĂ©rĂ©, Portant partout le trait dont je suis dĂ©chirĂ©, Contre vous, contre moi, vainement je m’éprouve : PrĂ©sente je vous fuis, absente je vous trouve ; Dans le fond des forĂȘts votre image me suit ; La lumiĂšre du jour, les ombres de la nuit, Tout retrace Ă  mes yeux les charmes que j’évite, Tout vous livre Ă  l’envi le rebelle Hippolyte.
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Jean Racine (PhĂšdre)