“
RÉPONSES INTERROGATIVES À UNE QUESTION DE MARTIN HEIDEGGER
La poésie ne rythmera plus l'action. Elle sera en avant. RIMBAUD.
Divers sens étroits pourraient être proposés, compte non tenu du sens qui se crée dans le mouvement même de toute poésie objective, toujours en chemin vers le point qui signe sa justification et clôt son existence, à l'écart, en avant de l'existence du mot Dieu :
-La poésie entraînera à vue l'action, se plaçant en avant d'elle. L'en-avant suppose toutefois un alignement d'angle de la poésie sur l'action, comme un véhicule pilote aspire à courte distance par sa vitesse un second véhicule qui le suit. Il lui ouvre la voie, contient sa dispersion, le nourrit de sa lancée.
-La poésie, sur-cerveau de l’action, telle la pensée qui commande au corps de l'univers, comme l'imagination visionnaire fournit l'image de ce qui sera à l'esprit forgeur qui la sollicite. De là , l'enavant.
-La poésie sera « un chant de départ ». Poésie et action, vases obstinément communicants. La poésie, pointe de flèche supposant l'arc action, l'objet sujet étroitement dépendant, la flèche étant projetée au loin et ne retombant pas car l'arc qui la suit la ressaisira avant chute, les deux égaux bien qu'inégaux, dans un double et unique mouvement de rejonction.
-L'action accompagnera la poésie par une admirable fatalité, la réfraction de la seconde dans le miroir brûlant et brouillé de la première produisant une contradiction et communiquant le signe plus (+) à la matière abrupte de l’action.
-La poésie, du fait de la parole même, est toujours mise par la pensée en avant de l'agir dont elle emmène le contenu imparfait en une course perpétuelle vie-mort-vie.
-L'action est aveugle, c'est la poésie qui voit. L'une est unie par un lien mère-fils à 1'autre, le fils en avant de la mère et la guidant par nécessité plus que par amour.
-La libre détermination de la poésie semble lui conférer sa qualité conductrice. Elle serait un être action, en avant de Faction.
-La poésie est la loi, l'action demeure le phénomène. L'éclair précède le tonnerre, illuminant de haut en bas son théâtre, lui donnant valeur instantanée.
-La poésie est le mouvement pur ordonnant le mouvement général. Elle enseigne le pays en se décalant.
-La poésie ne rythme plus l'action, elle se porte en avant pour lui indiquer le chemin mobile. C'est pourquoi la poésie touche la première. Elle songe l'action et, grâce à son matériau, construit la Maison, mais jamais une fois pour toutes.
_ La poésie est le moi en avant de l'en soi, « le poète étant chargé de l'Humanité » (Rimbaud).
- La poésie serait de « la pensée chantée ». Elle serait l'œuvre en avant de Faction, serait sa conséquence finale et détachée.
-La poésie est une tête chercheuse. L'action est son corps. Accomplissant une révolution ils font, au terme de celle-ci, coïncider la fin et le commencement. Ainsi de suite selon le cercle.
-Dans l'optique de Rimbaud et de la Commune, la poésie ne servira plus la bourgeoisie, ne la rythmera plus. Elle sera en avant, la bourgeoisie ici supposée action de conquête. La poésie sera alors sa propre maîtresse, étant maîtresse de sa révolution; le signal du départ donné, l'action en-vue-de se transformant sans cesse en action voyant.
”
”