Cette Fille Quotes

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On la connaßt tous... Cette solitude qui nous mine parfois. Qui sabote notre sommeil ou pourrit nos petits matins. C'est la tristesse du premier jour d'école. C'est lorsqu'il embrasse une fille plus belle dans la cour du lycée. C'est Orly ou la gare de l'Est à la fin d'un amour. C'est l'enfant qu'on ne fera jamais ensemble. C'est quelquefois moi. C'est quelquefois vous. Mais il suffit parfois d'une rencontre...
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Guillaume Musso (Que serais-je sans toi?)
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Elle se répÚte: "change de tactique, ma fille, cesse de souffrir, t'es pas obligée de ramasser autant." Mais rien n'y fait. Il y a des gens qui se torturent mieux que d'autres. Dans cette catégorie, au moins, elle se sent championne absolue.
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Virginie Despentes (Bye Bye Blondie)
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Comment se faisait-il que je ne l'aie jamais rencontrĂ©e? À quoi me servait-il de connaĂźtre tant de monde si cette fille n'en faisait pas partie? Il faisait froid sur le parvis
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Frédéric Beigbeder (L'amour dure trois ans (Marc Marronnier, #3))
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Elle est trop belle. Trop intelligente. Mais trop jeune. Cette fille sera ta perte . . .” She is too beautiful. Too smart. But too young. This girl will be your undoing . . .
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Kate Stewart (One Last Rainy Day: The Legacy of a Prince (Ravenhood Legacy, #1))
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Les liens se font et se dĂ©font, c'est la vie. Un matin, l'un reste et l'autre part, sans que l'on sache toujours pourquoi. Je ne peux pas tout donner Ă  l'autre avec cette Ă©pĂ©e de DamoclĂšs au-dessus de la tĂȘte. Je ne veux pas bĂątir ma vie sur les sentiments parce que les sentiments changent. Ils sont fragiles et incertains. Tu les crois profonds et ils sont soumis Ă  une jupe qui passe, Ă  un sourire enjĂŽleur. Je fais de la musique parce que la musique ne partira jamais de ma vie. J'aime les livres, parce que les livres seront toujours lĂ . Et puis... des gens qui s'aiment pour la vie, moi, je n'en connais pas.
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Guillaume Musso (La fille de papier)
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BientÎt la conversation reprit entre les trois dames, que la présence de cette fille avait rendues subitement amies, presque intimes. Elles devaient faire, leur semblait-il, comme un faisceau de leurs dignités d'épouses en face de cette vendue sans vergogne; car l'amour légal le prend toujours de haut avec son libre confrÚre.
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Guy de Maupassant
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Coup d'Ɠil dans la vitrine d'une bijouterie, pleine d'or et de rĂ©veils. C'est entre effroi et amusement. Sa propre allure. Elle ressemble Ă  d'autres filles qu'elle. Jamais auparavant elle n'avait cru que c'Ă©tait possible, sortir comme ça et que personne ne s'exclame : « Mais qu'est-ce que c'est que cette imposture ? » Cette allure qu'elle a, jambes sublimĂ©es, silhouette transformĂ©e. Et personne ne se rend compte qu'elle n'est pas du tout comme ça. C'est la premiĂšre fois qu'elle comprend, qu'en fait aucune fille n'est comme ça.
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Virginie Despentes (Les jolies choses)
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Je regrettais la mort de cette fille comme on regrette la destruction totale d'une belle Ɠuvre.
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Alexandre Dumas
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TraĂźne pas trop sous la pluie C'est pas Bogota c'est Paris Il y avait du cygne blanc dans cette fille-lĂ  et puis du cygne noir
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Richard Bohringer (TraĂźne pas trop sous la pluie)
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Des milliers de filles ont monté un escalier, frappé à une porte derriÚre laquelle il y avait une femme dont elles ne savaient rien, à qui elles allaient abandonner leur sexe et leur ventre. Et cette femme, la seule personne alors capable de faire passer le malheur, ouvrait la porte, en tablier et en pantoufles à pois, un torchon à la main : "C'est pour quoi, mademoiselle?
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Annie Ernaux (L'ÉvĂ©nement)
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En somme, si on voulait ĂȘtre cohĂ©rent, il faudrait soit lever le pied sur l'Ă©ducation des filles, soit intĂ©grer Ă  leur formation un sĂ©rieux entraĂźnement Ă  la guĂ©rilla contre le patriarcat, tout en s'employant activement Ă  faire en sorte que cette situation change.
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Mona Chollet (SorciÚres : La puissance invaincue des femmes)
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Et voilĂ . Maintenant le ressort est bandĂ©. Cela n'a plus qu'Ă  se dĂ©rouler tout seul. C'est cela qui est commode dans la tragĂ©die. On donne le petit coup de pouce pour que cela dĂ©marre, rien, un regard pendant une seconde Ă  une fille qui passe et lĂšve les bras dans la rue, une envie d'honneur un beau matin, au rĂ©veil, comme de quelque chose qui se mange, une question de trop qu'on se pose un soir
 C'est tout. AprĂšs, on n'a plus qu'Ă  laisser faire. On est tranquille. Cela roule tout seul. C'est minutieux, bien huilĂ© depuis toujours. La mort, la trahison, le dĂ©sespoir sont lĂ , tout prĂȘts, et les Ă©clats, et les orages, et les silences, tous les silences : le silence quand le bras du bourreau se lĂšve Ă  la fin, le silence au commencement quand les deux amants sont nus l'un en face de l'autre pour la premiĂšre fois, sans oser bouger tout de suite, dans la chambre sombre, le silence quand les cris de la foule Ă©clatent autour du vainqueur - et on dirait un film dont le son s'est enrayĂ©, toutes ces bouches ouvertes dont il ne sort rien, toute cette clameur qui n'est qu'une image, et le vainqueur, dĂ©jĂ  vaincu, seul au milieu de son silence

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Jean Anouilh
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Et pourtant, au dessus du regard souriant d'une jeune fille, qu'y a-t-il de plus beaux que cette couronne bouclée de violettes noires ?
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Marcel Proust (La PrisonniĂšre)
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Maman me parle de cette pĂ©riode avec nostalgie, et la petite fille de cinq ans que je suis ne comprend pas pourquoi quand on est heureux quelque part, on n’y reste pas toute sa vie.
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Yves Montmartin (La mauvaise herbe)
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Cette femme avait des Ă©tonnements d'enfant pour les moindres choses. Il y avait des jours oĂč elle courait dans le jardin, comme une fille de dix ans, aprĂšs un papillon ou une demoiselle.
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Alexandre Dumas fils
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Je me suis dit cette fille, je ne l`aimais pas. Je me suis mis à la voir comme un agencement habile d`organs, de muscles, de tubes, de conduits, de reflexes de toutes sortes et ça m`a fichu une nausée terrible. Tu vois, avec Scapone, je ne vois pas les organes, je vois au delà de ça. Ce que je vois c`est son ùme et son ùme me réchauffele coeur. La chair n`a rien à voir là-dedans.
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Thomas Gunzig (Mort d'un parfait bilingue)
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Ni soumission ni consentement, seulement l'effarement du reel qui fait tout juste se dire "qu'est-ce qui m'arrive" ou "c'est a moi que ça arrive" sauf qu'il ny'a plus de moi en cette circonstance, ou ce n'est plus le meme deja.
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Annie Ernaux (MĂ©moire de fille)
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- Tu connais beaucoup d'homme qui pourraient résister aux avances d'une gamine avec le physique de Leo ? - Oui. Toutes les créatures surnaturelles masculines de cette ville qui savent que c'est ta fille. Là, elle marquait un point.
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Cassandra O'Donnell (Ancestral (Rebecca Kean, #4))
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J’allais ouvrir la bouche et aborder cette fille , quand quelqu’un me toucha l’épaule. Je me retournai, surpris, et j’aperçus un homme d’aspect ordinaire, ni jeune ni vieux, qui me regardait d’un air triste. — Je voudrais vous parler, dit-il. Je fis une grimace qu’il vit sans doute, car il ajouta : — « C’est important. » Je me levai et le suivis Ă  l’autre bout du bateau : — « Monsieur, reprit-il, quand l’hiver approche avec les froids, la pluie et la neige, votre mĂ©decin vous dit chaque jour : « Tenez-vous les pieds bien chauds, gardez-vous des refroidissements, des rhumes, des bronchites, des pleurĂ©sies. » Alors vous prenez mille prĂ©cautions, vous portez de la flanelle, des pardessus Ă©pais, des gros souliers, ce qui ne vous empĂȘche pas toujours de passer deux mois au lit. Mais quand revient le printemps avec ses feuilles et ses fleurs, ses brises chaudes et amollissantes, ses exhalaisons des champs qui vous apportent des troubles vagues, des attendrissements sans cause, il n’est personne qui vienne vous dire : « Monsieur, prenez garde Ă  l’amour ! Il est embusquĂ© partout ; il vous guette Ă  tous les coins ; toutes ses ruses sont tendues, toutes ses armes aiguisĂ©es, toutes ses perfidies prĂ©parĂ©es ! Prenez garde Ă  l’amour !
 Prenez garde Ă  l’amour ! Il est plus dangereux que le rhume, la bronchite et la pleurĂ©sie ! Il ne pardonne pas, et fait commettre Ă  tout le monde des bĂȘtises irrĂ©parables. » Oui, monsieur, je dis que, chaque annĂ©e, le gouvernement devrait faire mettre sur les murs de grandes affiches avec ces mots : « Retour du printemps. Citoyens français, prenez garde Ă  l’amour ; » de mĂȘme qu’on Ă©crit sur la porte des maisons : « Prenez garde Ă  la peinture ! » — Eh bien, puisque le gouvernement ne le fait pas, moi je le remplace, et je vous dis : « Prenez garde Ă  l’amour ; il est en train de vous pincer, et j’ai le devoir de vous prĂ©venir comme on prĂ©vient, en Russie, un passant dont le nez gĂšle. » Je demeurai stupĂ©fait devant cet Ă©trange particulier, et, prenant un air digne : — « Enfin, monsieur, vous me paraissez vous mĂȘler de ce qui ne vous regarde guĂšre. » Il fit un mouvement brusque, et rĂ©pondit : — « Oh ! monsieur ! monsieur ! si je m’aperçois qu’un homme va se noyer dans un endroit dangereux, il faut donc le laisser pĂ©rir ?
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Guy de Maupassant
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Je me sentais Ă©chauffĂ©. Je ne voyais aucun moyen de me sortir de cette inextricable situation : une jeune fille presque nue qui n’avait pas l’air d’avoir froid, une conversation trĂšs propre Ă  exciter un vieux sanglier dans mon genre, mais je ne pouvais dĂ©cidĂ©ment faire des avances Ă  une fille aussi jeune.
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Jean-Marie Rouart
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But, you will say, what a dreadful person you are, with your impossible religious notions and idiotic scruples. If my ideas are impossible or idiotic then I would like nothing better than to be rid of them. But this is roughly the way I actually see things. In Le philosophe sous les toits by Souvestre you can read what a man of the people, a simple craftsman, pitiful if you will, thinks of his country: ‘Tu n’as peut-ĂȘtre jamais pensĂ© ĂĄ ce que c’est la patrie, reprit-il, en me posant une main sur l’épaule; c’est tout ce qui t’entoure, tout ce qui t’a Ă©levĂ© et nourri, tout ce que tu as aimĂ©. Cette campagne que tu vois, ces maisons, ces arbres, ces jeunes filles qui passent lĂĄ en riant, c’est la patrie! Les lois qui te protĂ©gent, le pain qui paye ton travail, les paroles que tu Ă©changes, la joie et la tristesse qui te viennent des hommes et des choses parmi lesquels tu vis, c’est la patrie! La petite chambre oĂș tu as autrefois vu ta mere, les souvenirs qu’elle t’a laisses, la terre oĂș elle repose, c’est la patrie! Tu la vois, tu la respires partout! Figure toi, tes droits et tes devoirs, tes affections et tes besoins, tes souvenirs et ta reconnaissance, rĂ©unis tout ça sous un seul nom et ce nom sera la patrie.
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Vincent van Gogh
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Émilie partit faire un tour avec sa meilleure amie Vanessa dans les bois. En pleine discussion entre filles, Émilie ne prĂȘta aucune attention au danger qu’elle courait dans cette zone dĂ©serte jusqu’au moment oĂč elle poussa un cri Ă©poustouflant ne laissant aucun de ses camarades indiffĂ©rent: un scorpion l'avait piquĂ©!
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Ikrame Selkani (Il Ă©tait une fois Émilie
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Je ne dis pas que la fille de Constantine Ă©tait nĂ©e blanche comme neige ; je veux seulement montrer que l'amour que Constantine avait pour moi est nĂ© de l'absence de cette enfant. c'est peut-ĂȘtre Ă  cela qu'il devait d'ĂȘtre si unique, si profond. Peu importe que je sois blanche. Elle voulait que sa fille lui soit rendue, je voulais que maman ne soit pas déçue par moi.
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Kathryn Stockett (The Help)
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AmputĂ©e!
 O soleil, si c’est vrai que je viens de toi, pourquoi m’as-tu faite amputĂ©e? Pourquoi m’as-tu faite une fille? Pourquoi ces seins, cette faiblesse, cette plaie ouverte au milieu de moi? N’aurait-il pas Ă©tĂ© beau le garçon MĂ©dĂ©e? N’aurait-il pas Ă©tĂ© fort? Le corps dur comme la pierre, fait pour prendre et partir aprĂšs, ferme, intact, entier, lui! Ah! il aurait pu venir, alors, Jason, avec ses grandes mains redoutables, il aurait pu tenter de les poser sur moi! Un couteau, chacun dans la sienne -oui!- et le plus fort tue l’autre et s’en va dĂ©livrĂ©. Pas cette lutte oĂč je ne voulais que toucher les Ă©paules, cette blessure que j’implorais. Femme! Femme! Chienne! Chair faite d’un peu de boue de d’une cĂŽte d’homme! Morceau d’homme! Putain!
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Jean Anouilh (Médée)
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Voisine Je peux rester des aprĂšs-midi entiers Ă  regarder cette fille, cachĂ© derriĂšre mon rideau. Je me demande ce qu'elle peut Ă©crire sur son ordinateur. A quoi elle pense quand elle regarde par la fenĂȘtre. Je me demande ce qu'elle mange, ce qu'elle utilise comme dentifrice, ce qu'elle Ă©coute comme musique. Un jour, je l'ai vue danser toute seule. Je me demande si elle a des frĂšres et sƓurs, si elle met la radio quand elle se lĂšve le matin, si elle prĂ©fĂšre l'Espagne ou l'Italie, si elle garde son mouchoir en boule dans sa main quand elle pleure et si elle aime Thomas Bernhard. Je me demande comment elle dort et comment elle jouit. Je me demande comment est son corps de prĂšs. Je me demande si elle s'Ă©pile ou si au contraire elle a une grosse toison. Je me demande si elle lit des livres en anglais. Je me demande ce qui la fait rire, ce qui la met hors d'elle, ce qui la touche et si elle a du goĂ»t. Qu'est-ce qu'elle peut bien en penser, cette fille, de la hausse du baril de pĂ©trole et des Farc, et que dans trente ans il n'y aura sans doute plus de gorilles dans les montagnes du Rwanda ? Je me demande Ă  quoi elle pense quand je la vois fumer sur son canapĂ©, et ce qu'elle fume comme cigarettes. Est-ce que ça lui pĂšse d'ĂȘtre seule ? Est-ce qu'elle a un homme dans sa vie ? Et si c'est le cas, pourquoi c'est elle qui va toujours chez lui ? Pourquoi il n'y a jamais d'homme chez elle ? Je me demande comment elle se voit dans vingt ans. Je me demande quel sens elle donne Ă  sa vie. Qu'est-ce qu'elle pense de sa vie quand elle est comme ça, toute seule, chez elle ? Si ça se trouve, elle n'a aucun intĂ©rĂȘt, cette fille.
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David Thomas (La Patience des buffles sous la pluie)
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L’homme doit Ă©tudier les Kama Sutra et les arts et sciences qui s’y rattachent, concurremment avec les arts et sciences relatifs Ă  Dharma et Artha. Les jeunes filles doivent aussi Ă©tudier les Kama Sutra, ainsi que les arts et sciences accessoires, avant leur mariage, puis continuer cette Ă©tude avec le consentement de leurs maris. Ici des savants interviennent, disant que les femmes, auxquelles il est interdit d’étudier aucune science, ne doivent pas Ă©tudier les Kama Sutra.
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Mallanaga Vātsyāyana (The Kama Sutra of Vatsyayana)
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Il ne faut pas t'Ă©tonner qu'aucune femme ne veuille, Rufus, glisser sa cuisse lĂ©gĂšre sous la tienne mĂȘme si tu la soudoyais en lui offrant une robe splendide ou une pierre diaphane et raffinĂ©e. C'est qu'une sale histoire te porte tort, selon laquelle un bouc sauvage logerait sous tes aisselles. On le redoute, et ce n'est pas surprenant : la bĂȘte est trĂšs mĂ©chante et aucune fille ne coucherait avec. Alors dĂ©barrasse-toi de cette calamitĂ© redoutable pour les narines, ou cesse de t'Ă©tonner que l'on te fuie.
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Catullus (The Complete Poems)
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Cette humanitĂ© qu’a mĂ»rie la femme dans la douleur et dans l’humiliation verra le jour quand la femme aura fait tomber les chaĂźnes de sa condition sociale. Et les hommes qui ne sentent pas venir ce jour seront surpris et vaincus. Un jour [
], la jeune fille sera; la femme sera. Et ces mots « jeune fille », « femme » ne signifient plus seulement le contraire du mĂąle, mais quelque chose de propre, valant en soi-mĂȘme; non point un simple complĂ©ment, mais une forme complĂšte de la vie: la femme dans sa vĂ©ritable humanitĂ©.
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Rainer Maria Rilke (Lettres Ă  un jeune poĂšte de Rainer Maria Rilke (Essai et dossier))
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- Maman, pourquoi les nuages vont dans un sens et nous dans l'autre ? Isaya sourit, caressa la joue de sa fille du bout des doigts. - Il y a deux rĂ©ponses Ă  ta question. Comme Ă  toutes les questions, tu le sais bien. Laquelle veux-tu entendre ? - Les deux. -Laquelle en premier alors ? La fillette plissa le nez. - Celle du savant. - Nous allons vers le nord parce que nous cherchons une terre oĂč nous Ă©tablir. Un endroit oĂč construire une belle maison, Ă©lever des coureurs et cultiver des racines de niam. C'est notre rĂȘve depuis des annĂ©es et nous avons quittĂ© Al-Far pour le vivre. - Je n’aime pas les galettes de niam... - Nous planterons aussi des fraises, promis. Les nuages, eux, n'ont pas le choix. Ils vont vers le sud parce que le vent les pousse et, comme ils sont trĂšs trĂšs lĂ©gers, il sont incapables de lui rĂ©sister. - Et la rĂ©ponse du poĂšte ? - Les hommes sont comme les nuages. Ils sont chassĂ©s en avant par un vent mystĂ©rieux et invisible face auquel ils sont impuissants. Ils croient maĂźtriser leur route et se moquent de la faiblesse des nuages, mais leur vent Ă  eux est mille fois plus fort que celui qui souffle lĂ -haut. La fillette croisa les bras et parut se dĂ©sintĂ©resser de la conversation afin d'observer un vol de canards au plumage chatoyant qui se posaient sur la riviĂšre proche. Indigo, Ă©meraude ou vert pĂąle, ils se bousculaient dans une cacophonie qui la fit rire aux Ă©clats. Lorsque les chariots eurent dĂ©passĂ© les volatiles, elle se tourna vers sa mĂšre. - Cette fois, je prĂ©fĂšre la rĂ©ponse du savant. -Pourquoi ? demande Isaya qui avait attendu sereinement la fin de ce qu'elle savait ĂȘtre une intense rĂ©flexion. - J'aime pas qu'on me pousse en cachette.
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Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
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L.T Woodward a raison de voir une forme de sadisme psychologique chez les femmes d'aujourd’hui qui "mettent leur corps bien en vue, mais en y ajoutant l'inscription symbolique "interdit de toucher". On trouve partout des adeptes de cette forme de tourment sexuel : la fille qui se prĂ©sente en bikini rĂ©duit au minimum, la dame au dĂ©colletĂ© provocant, la gamine qui ondule dans la rue les fesses moulĂ©es par un pantalon trĂšs collant ou avec une "minijupe" qui laisse voir plus de la moitiĂ© des cuisses, dĂ©sirant ĂȘtre regardĂ©e mais non touchĂ©e, et toutes prĂȘtes Ă  s'indigner.
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Julius Evola (Eros and the Mysteries of Love: The Metaphysics of Sex)
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Jadis, alors qu’il recevait chez lui des femmes, il avait composĂ© un boudoir oĂč, au milieu des petits meubles sculptĂ©s dans le pĂąle camphrier du Japon, sous une espĂšce de tente en satin rose des Indes, les chairs se coloraient doucement aux lumiĂšres apprĂȘtĂ©es que blutait l’étoffe. Cette piĂšce oĂč des glaces se faisaient Ă©cho et se renvoyaient Ă  perte de vue, dans les murs, des enfilades de boudoirs roses, avait Ă©tĂ© cĂ©lĂšbre parmi les filles qui se complaisaient Ă  tremper leur nuditĂ© dans ce bain d’incarnat tiĂšde qu’aromatisait l’odeur de menthe dĂ©gagĂ©e par le bois des meubles.
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Joris-Karl Huysmans
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Tout Ă©tait possible aprĂšs tout, dans une soirĂ©e si peu protocolaire, n'importe quel imprĂ©vu romanesque, totalement Ă©tranger au monde oĂč elle vivait. Qu'y avait-il, dans le secret de cette valse, qui l'attirait ainsi vers l'intĂ©rieur de la maison? qu'allait)il arriver maintenant, au cours de ces heures indĂ©cises? Quelqu'un peut-ĂȘtre? Une invitĂ©e inattendue, une crĂ©ature irrĂ©elle, d'une essence si rare qu'elle ne pouvait qu'Ă©blouir, une jeune fille au rayonnement intact, qui d'un seul regard vers Gatsby, un regard neuf, en un bref instant d'affrontement magique, lui ferait oublier cinq ans d'absolue dĂ©votion.
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F. Scott Fitzgerald (The Great Gatsby)
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Oh ! aimer une femme ! ĂȘtre prĂȘtre ! ĂȘtre haĂŻ ! l’aimer de toutes les fureurs de son Ăąme, sentir qu’on donnerait pour le moindre de ses sourires son sang, ses entrailles, sa renommĂ©e, son salut, l’immortalitĂ© et l’éternitĂ©, cette vie et l’autre ; regretter de ne pas ĂȘtre roi, gĂ©nie, empereur, archange, dieu, pour lui mettre un plus grand esclave sous les pieds ; l’étreindre nuit et jour de ses rĂȘves et de ses pensĂ©es ; et la voir amoureuse d’une livrĂ©e de soldat ! et n’avoir Ă  lui offrir qu’une sale soutane de prĂȘtre dont elle aura peur et dĂ©goĂ»t ! Être prĂ©sent, avec sa jalousie et sa rage, tandis qu’elle prodigue Ă  un misĂ©rable fanfaron imbĂ©cile des trĂ©sors d’amour et de beautĂ© ! Voir ce corps dont la forme vous brĂ»le, ce sein qui a tant de douceur, cette chair palpiter et rougir sous les baisers d’un autre ! Ô ciel ! aimer son pied, son bras, son Ă©paule, songer Ă  ses veines bleues, Ă  sa peau brune, jusqu’à s’en tordre des nuits entiĂšres sur le pavĂ© de sa cellule, et voir toutes les caresses qu’on a rĂȘvĂ©es pour elle aboutir Ă  la torture ! N’avoir rĂ©ussi qu’à la coucher sur le lit de cuir ! Oh ! ce sont lĂ  les vĂ©ritables tenailles rougies au feu de l’enfer ! Oh ! bienheureux celui qu’on scie entre deux planches, et qu’on Ă©cartĂšle Ă  quatre chevaux ! — Sais-tu ce que c’est que ce supplice que vous font subir, durant les longues nuits, vos artĂšres qui bouillonnent, votre cƓur qui crĂšve, votre tĂȘte qui rompt, vos dents qui mordent vos mains ; tourmenteurs acharnĂ©s qui vous retournent sans relĂąche, comme sur un gril ardent, sur une pensĂ©e d’amour, de jalousie et de dĂ©sespoir ! Jeune fille, grĂące ! trĂȘve un moment ! un peu de cendre sur cette braise ! Essuie, je t’en conjure, la sueur qui ruisselle Ă  grosses gouttes de mon front ! Enfant ! torture-moi d’une main, mais caresse-moi de l’autre ! Aie pitiĂ©, jeune fille ! aie pitiĂ© de moi !
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Victor Hugo (Notre-Dame de Paris (French Edition))
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Il serra ses mains en poings et se força Ă  marcher Ă  pas lents et mesurĂ©s vers la tombe et commença Ă  haleter. Bon sang, il ne pouvait pas s’écrouler. Il voulait le faire, il avait besoin de le faire, besoin de voir ce qu’il pourrait retirer de ce rappel physique de sa propre mortalitĂ© Ă©phĂ©mĂšre. Peut-ĂȘtre que cela lui donnerait envie de vivre Ă  nouveau. Il lut les dates de dĂ©cĂšs marquĂ©es sur les pierres tombales, en faisant attention Ă  ne pas marcher sur les tombes des autres pauvres enfants morts, d’annĂ©e en annĂ©e, jusqu’à ce qu’il voit son nom. JULIETTE ANNE MARTIN 14 aoĂ»t 1991-9 octobre 2008 Fille bien-aimĂ©e. Il n’y avait pas d’ours, de plaques ou mĂȘme d’anges comme il en avait vu sur les autres pierres tombales, alors qu’il cherchait la sienne. Elle Ă©tait gris foncĂ©, en marbre et trĂšs Ă©lĂ©gante. Ses jambes se dĂ©robĂšrent sous lui quand il rĂ©alisa que son amie, sa Juliette, gisait Ă  ses pieds, et il atterrit sur la terre molle Ă  cĂŽtĂ© d’elle. Les fleurs oubliĂ©es tombĂšrent au sol et des sanglots secs ravagĂšrent son corps. Il ne pleurerait pas, il le savait. Il Ă©tait incapable de pleurer depuis cette nuit-lĂ . Tout comme il ne supportait plus d’ĂȘtre touchĂ©, il ne pouvait Ă©prouver le plus petit soulagement que les pleurs lui auraient accordĂ©.
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JP Barnaby (Aaron: Histoire d'un survivant #1 (French Edition))
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je n'ai jamais contemplĂ© l'inceste sous cette terrible lueur de caveau et de damnation Ă©ternelle qu'une fausse morale s'est dĂ©libĂ©rĂ©ment appliquĂ©e Ă  jeter sur une forme d'exubĂ©rance sexuelle qui, pour moi, n'occupe qu'une place extrĂȘmement modeste dans l'Ă©chelle monumentale de nos dĂ©gradations. Toutes les frĂ©nĂ©sies de l'inceste me paraissent infiniment plus acceptables que celles d'Hiroshima, de Buchenwald, des pelotons d'exĂ©cution, de la terreur et de la torture policiĂšres, mille fois plus aimables que les leucĂ©mies et autres belles consĂ©quences gĂ©nĂ©tiques probables des efforts de nos savants. Personne ne me fera jamais voir dans le comportement sexuel des ĂȘtres le critĂšre du bien et du mal. La funeste physionomie d'un certain physicien illustre recommandant au monde civilisĂ© de poursuivre les explosions nuclĂ©aires m'est incomparablement plus odieuse que l'idĂ©e d'un fils couchant avec sa mĂšre. A cĂŽtĂ© des aberrations intellectuelles, scientifiques, idĂ©ologiques de notre siĂšcle, toutes celles de la sexualitĂ© Ă©veillent dans mon coeur les plus tendres pardons. Une fille qui se fait payer pour ouvrir ses cuisses au peuple me paraĂźt une soeur de charitĂ© et une honnĂȘte dispensatrice de bon pain lorsqu'on compare sa modeste vĂ©nalitĂ© Ă  la prostitution des savants prĂȘtant leurs cerveaux Ă  l'Ă©laboration de l'empoisonnement gĂ©nĂ©tique et de la terreur atomique. A cĂŽtĂ© de la perversion de l'Ăąme, de l'esprit et de l'idĂ©al Ă  laquelle se livrent ces traĂźtres Ă  l'espĂšce, nos Ă©lucubrations sexuelles, vĂ©nales ou non, incestueuses ou non, prennent, sur les trois humbles sphincters dont dispose notre anatomie, toute l'innocence angĂ©lique d'un sourire d'enfant. (La promesse de l'aube, ch. X)
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Romain Gary (Promise at Dawn)
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Il eut soudain envie d'abandonner ses projets, de sortir dans la nuit et de partir. Il allait traverser les montagnes enneigĂ©es, sans s'arrĂȘter, et parcourir les cents lieus qui le sĂ©paraient de l'Auvergne, et lĂ -bas se rĂ©fugier dans sa vieille caverne et s'y endormir pour ne jamais se rĂ©veiller. Mais il n'en fit rien. Il resta assis et ne cĂ©da pas, parce que c'Ă©tait chez lui une envie ancienne, de partir et de se rĂ©fugier dans sa caverne. Il connaissait cela. Ce qu'en revanche il ne connaissait pas encore, c'Ă©tait de possĂ©der un parfum humain, aussi magnifique que le parfum de la jeune fille derriĂšre le mur. Et quoiqu'il sĂ»t devoir payer cruellement la possession de ce parfum de sa perte ultĂ©rieure, cette possession et cette perte lui parurent plus dĂ©sirables que de renoncer abruptement Ă  l'une comme Ă  l'autre. Car il avait passĂ© sa vie Ă  renoncer. Tandis que jamais encore il n'avait possĂ©dĂ© et perdu.
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Patrick SĂŒskind (Perfume: The Story of a Murderer)
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Revenons donc Ă  nos poncifs, ou plutĂŽt Ă  quelques-uns d’entre eux : 1° Le XIXe siĂšcle est le siĂšcle de la science. 2° Le XIXe siĂšcle est le siĂšcle du progrĂšs. 3° Le XIXe siĂšcle est le siĂšcle de la dĂ©mocratie, qui est progrĂšs et progrĂšs continu. 4° Les tĂ©nĂšbres du moyen Ăąge. 5° La RĂ©volution est sainte, et elle a Ă©mancipĂ© le peuple français. 6° La dĂ©mocratie, c’est la paix. Si tu veux la paix, prĂ©pare la paix. 7° L’avenir est Ă  la science. La Science est toujours bienfaisante. 8° L’instruction laĂŻque, c’est l’émancipation du peuple. 9° La religion est la fille de la peur. 10° Ce sont les États qui se battent. Les peuples sont toujours prĂȘts Ă  s’accorder. 11° Il faut remplacer l’étude du latin et du grec, qui est devenue inutile, par celle des langues vivantes, qui est utile. 12° Les relations de peuple Ă  peuple vont sans cesse en s’amĂ©liorant. Nous courons aux États-Unis d’Europe. 13° La science n’a ni frontiĂšres, ni patrie. 14° Le peuple a soif d’égalitĂ©. 15° Nous sommes Ă  l’aube d’une Ăšre nouvelle de fraternitĂ© et de justice. 16° La propriĂ©tĂ©, c’est le vol. Le capital, c’est la guerre. 17° Toutes les religions se valent, du moment qu’on admet le divin. 18° Dieu n’existe que dans et par la conscience humaine. Cette conscience crĂ©e Dieu un peu plus chaque jour. 19° L’évolution est la loi de l’univers. 20° Les hommes naissent naturellement bons. C’est la sociĂ©tĂ© qui les pervertit. 21° Il n’y a que des vĂ©ritĂ©s relatives, la vĂ©ritĂ© absolue n’existe pas. 22° Toutes les opinions sont bonnes et valables, du moment que l’on est sincĂšre. Je m’arrĂȘte Ă  ces vingt-deux Ăąneries, auxquelles il serait aisĂ© de donner une suite, mais qui tiennent un rang majeur par les innombrables calembredaines du XIXe siĂšcle, parmi ce que j’appellerai ses idoles. Idoles sur chacune desquelles on pourrait mettre un ou plusieurs noms.
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LĂ©on Daudet (Le Stupide XIXe siĂšcle (French Edition))
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Esther n'Ă©tait certainement pas bien Ă©duquĂ©e au sens habituel du terme, jamais l'idĂ©e ne lui serait venue de vider un cendrier ou de dĂ©barrasser le relief de ses repas, et c'est sans la moindre gĂȘne qu'elle laissait la lumiĂšre allumĂ©e derriĂšre elle dans les piĂšces qu'elle venait de quitter (il m'est arrivĂ©, suivant pas Ă  pas son parcours dans ma rĂ©sidence de San Jose, d'avoir Ă  actionner dix-sept commutateurs); il n'Ă©tait pas davantage question de lui demander de penser Ă  faire un achat, de ramener d'un magasin oĂč elle se rendait une course non destinĂ©e Ă  son propre usage, ou plus gĂ©nĂ©ralement de rendre un service quelconque. Comme toutes les trĂšs jolies jeunes filles elle n'Ă©tait au fond bonne qu'Ă  baiser, et il aurait Ă©tĂ© stupide de l'employer Ă  autre chose, de la voir autrement que comme un animal de luxe, en tout choyĂ© et gĂ„tĂ©, protĂ©gĂ© de tout souci comme de toute tĂąche ennuyeuse ou pĂ©nible afin de mieux pouvoir se consacrer Ă  son service exclusivement sexuel. Elle n'en Ă©tait pas moins trĂšs loin d'ĂȘtre ce monstre d'arrogance, d'Ă©goĂŻsme absolu et froid, au, pour parler en termes plus baudelairiens, cette infernale petite salope que sont la plupart des trĂšs jolies jeunes filles; il y avait en elle la conscience de la maladie, de la faiblesse et de la mort. Quoique belle, trĂšs belle, infiniment Ă©rotique et dĂ©sirable, Esther n'en Ă©tait pas moins sensible aux infirmitĂ©s animales, parce qu'elle les connaissait ; c'est ce soir-lĂ  que j'en pris conscience, et que je me mis vĂ©ritablement Ă  l'aimer. Le dĂ©sir physique, si violent soit-il, n'avait jamais suffi chez moi Ă  conduire Ă  l'amour, il n'avait pu atteindre ce stade ultime que lorsqu'il s'accompagnait, par une juxtaposition Ă©trange, d'une compassion pour l'ĂȘtre dĂ©sirĂ© ; tout ĂȘtre vivant, Ă©videmment, mĂ©rite la compassion du simple fait qu'il est en vie et se trouve par lĂ -mĂȘme exposĂ© Ă  des souffrances sans nombre, mais face Ă  un ĂȘtre jeune et en pleine santĂ© c'est une considĂ©ration qui paraĂźt bien thĂ©orique. Par sa maladie de reins, par sa faiblesse physique insoupçonnable mais rĂ©elle, Esther pouvait susciter en moi une compassion non feinte, chaque fois que l'envie me prendrait d'Ă©prouver ce sentiment Ă  son Ă©gard. Étant elle-mĂȘme compatissante, ayant mĂȘme des aspirations occasionnelles Ă  la bontĂ©, elle pouvait Ă©galement susciter en moi l'estime, ce qui parachevait l'Ă©difice, car je n'Ă©tais pas un ĂȘtre de passion, pas essentiellement, et si je pouvais dĂ©sirer quelqu'un de parfaitement mĂ©prisable, s'il m'Ă©tait arrivĂ© Ă  plusieurs reprises de baiser des filles dans l'unique but d'assurer mon emprise sur elles et au fond de les dominer, si j'Ă©tais mĂȘme allĂ© jusqu'Ă  utiliser ce peu louable sentiment dans des sketches, jusqu'Ă  manifester une comprĂ©hension troublante pour ces violeurs qui sacrifient leur victime immĂ©diatement aprĂšs avoir disposĂ© de son corps, j'avais par contre toujours eu besoin d'estimer pour aimer, jamais au fond je ne m'Ă©tais senti parfaitement Ă  l'aise dans une relation sexuelle basĂ©e sur la pure attirance Ă©rotique et l'indiffĂ©rence Ă  l'autre, j'avais toujours eu besoin, pour me sentir sexuellement heureux, d'un minimum - Ă  dĂ©faut d'amour - de sympathie, d'estime, de comprĂ©hension mutuelle; l'humanitĂ© non, je n'y avais pas renoncĂ©. (La possibilitĂ© d'une Ăźle, Daniel 1,15)
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Michel Houellebecq
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La jalousie ne m'est pas un sentiment inconnu, il est nĂ©anmoins trĂšs Ă©loignĂ© de moi. Je ne connais pas la possessivitĂ©, n'estimant pas qu'on dispose de prĂ©rogatives sur les ĂȘtres, je ne suis pas Ă  l'aise avec la notion mĂȘme de propriĂ©tĂ©. Je respecte au plus haut point la libertĂ© de chacun (probablement parce que je ne supporterais pas qu'on entame la mienne). Je suis capable aussi, me semble-t-il, de discernement, et mĂȘme de dĂ©tachement. En tout cas, ce sont des qualitĂ©s qu'on m'attribue, mĂȘme Ă  cet Ăąge-lĂ . GĂ©nĂ©ralement, je ne me comporte pas en envieux et j'ai toujours trouvĂ© avilissante l'agressivitĂ© hideuse des mĂ©gĂšres. Sauf que tous mes beaux principes s'Ă©croulent en une seconde, la seconde de la jeune fille sautant au cou de Thomas. Parce que cette scĂšne tĂ©moigne d'une vie vĂ©cue en dehors de moi. Et me renvoie au vide, Ă  l'inexistence de la façon la plus cruelle. Parce qu'elle montre ce qui m'est dissimulĂ© habituellement. Parce qu'elle raconte le charme du garçon tĂ©nĂ©breux et le nombre des tentatives qui doivent se produire afin de s'en approcher. Parce qu'elle offre une alternative au garçon dĂ©boussolĂ©, tiraillĂ©. En rĂ©alitĂ©, je ne supporte pas l'idĂ©e qu'on pourrait me le ravir. Que je pourrais le perdre. Je dĂ©couvre –  pauvre imbĂ©cile  – la morsure du sentiment amoureux.
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Philippe Besson (« ArrĂȘte avec tes mensonges »)
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Avant le chariot du supermarchĂ©, le qu'est-ce qu'on va manger ce soir, les Ă©conomies pour s'acheter un canapĂ©, une chaĂźne hi-fi, un appart. Avant les couches, le petit seau et la pelle sur la plage, les hommes que je ne vois plus, les revues de consommateurs pour ne pas se faire entuber, le gigot qu'il aime par-dessus tout et le calcul rĂ©ciproque des libertĂ©s perdues. Une pĂ©riode oĂč l'on peut dĂźner d'un yaourt, faire sa valise en une demi-heure pour un week-end impromptu, parler toute une nuit. Lire un dimanche entier sous les couvertures. S'amollir dans un cafĂ©, regarder les gens entrer et sortir, se sentir flotter entre ces existences anonymes. Faire la fĂȘte sans scrupule quand on a le cafard. Une pĂ©riode oĂč les conversations des adultes installĂ©s paraissent venir d'un univers futile, presque ridicule, on se fiche des embouteillages, des morts de la PentecĂŽte, du prix du bifteck et de la mĂ©tĂ©o. Personne ne vous colle aux semelles encore. Toutes les filles l'ont connue, cette pĂ©riode, plus ou moins longue, plus ou moins intense, mais dĂ©fendu de s'en souvenir avec nostalgie. Quelle honte ! Oser regretter ce temps Ă©goĂŻste, oĂč l'on n'Ă©tait responsable que de soi, douteux, infantile. La vie de jeune fille, ça ne s'enterre pas, ni chanson ni folklore lĂ -dessus, ça n'existe pas. Une pĂ©riode inutile.
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Annie Ernaux (A Frozen Woman)
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Mon pĂšre, AndrĂ© PĂ©trovitch Grineff, aprĂšs avoir servi dans sa jeunesse sous le comte Munich, avait quittĂ© l’état militaire en 17
 avec le grade de premier major. Depuis ce temps, il avait constamment habitĂ© sa terre du gouvernement de Simbirsk, oĂč il Ă©pousa Mlle Avdotia, 1ere fille d’un pauvre gentilhomme du voisinage. Des neuf enfants issus de cette union, je survĂ©cus seul ; tous mes frĂšres et sƓurs moururent en bas Ăąge. J’avais Ă©tĂ© inscrit comme sergent dans le rĂ©giment SĂ©mĂ©nofski par la faveur du major de la garde, le prince B
, notre proche parent. Je fus censĂ© ĂȘtre en congĂ© jusqu’à la fin de mon Ă©ducation. Alors on nous Ă©levait autrement qu’aujourd’hui. DĂšs l’ñge de cinq ans je fus confiĂ© au piqueur SavĂ©liitch, que sa sobriĂ©tĂ© avait rendu digne de devenir mon menin. GrĂące Ă  ses soins, vers l’ñge de douze ans je savais lire et Ă©crire, et pouvais apprĂ©cier avec certitude les qualitĂ©s d’un lĂ©vrier de chasse. À cette Ă©poque, pour achever de m’instruire, mon pĂšre prit Ă  gages un Français, M. BeauprĂ©, qu’on fit venir de Moscou avec la provision annuelle de vin et d’huile de Provence. Son arrivĂ©e dĂ©plut fort Ă  SavĂ©liitch. « Il semble, grĂące Ă  Dieu, murmurait-il, que l’enfant Ă©tait lavĂ©, peignĂ© et nourri. OĂč avait-on besoin de dĂ©penser de l’argent et de louer un moussiĂ©, comme s’il n’y avait pas assez de domestiques dans la maison ? »
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Alexander Pushkin (The Captain's Daughter)
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Il y a quelque chose d’ineffablement touchant dans notre campagne pĂ©tersbourgeoise, quand, au printemps, elle dĂ©ploie soudain toute sa force, s’épanouit, se pare, s’enguirlande de fleurs. Elle me fait songer Ă  ces jeunes filles languissantes, anĂ©miĂ©es, qui n’excitent que la pitiĂ©, parfois l’indiffĂ©rence, et brusquement, du jour au lendemain, deviennent inexprimablement merveilleuses de beautĂ©: vous demeurez stupĂ©faits devant elles, vous demandant quelle puissance a mis ce feu inattendu dans ces yeux tristes et pensifs, qui a colorĂ© d’un sang rose ces joues pĂąles naguĂšre, qui a rĂ©pandu cette passion sur ces traits qui n’avaient pas d’expression, pourquoi s’élĂšvent et s’abaissent si profondĂ©ment ces jeunes seins ? Mon Dieu ! qui a pu donner Ă  la pauvre fille cette force, cette soudaine plĂ©nitude de vie, cette beautĂ© ? Qui a jetĂ© cet Ă©clair dans ce sourire ? Qui donc fait ainsi Ă©tinceler cette gaietĂ© ? Vous regardez autour de vous, vous cherchez quelqu’un, vous devinez... Mais que les heures passent et peut-ĂȘtre demain retrouverezvous le regard triste et pensif d’autrefois, le mĂȘme visage pĂąle, les mĂȘmes allures timides, effacĂ©es : c’est le sceau du chagrin, du repentir, c’est aussi le regret de l’épanouissement Ă©phĂ©mĂšre... et vous dĂ©plorez que cette beautĂ© se soit fanĂ©e si vite : quoi ! vous n’avez pas mĂȘme eu le temps de l’aimer !...
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Fyodor Dostoevsky
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J’ai essayĂ© plus d’une fois, comme tous mes amis, de m’enfermer dans un systĂšme pour y prĂȘcher Ă  mon aise. Mais un systĂšme est une espĂšce de damnation qui nous pousse Ă  une abjuration perpĂ©tuelle ; il en faut toujours inventer un autre, et cette fatigue est un cruel chĂątiment. Et toujours mon systĂšme Ă©tait beau, vaste, spacieux, commode, propre et lisse surtout ; du moins il me paraissait tel. Et toujours un produit spontanĂ©, inattendu, de la vitalitĂ© universelle venait donner un dĂ©menti Ă  ma science enfantine et vieillotte, fille dĂ©plorable de l’utopie. J’avais beau dĂ©placer ou Ă©tendre le criterium, il Ă©tait toujours en retard sur l’homme universel, et courait sans cesse aprĂšs le beau multiforme et versicolore, qui se meut dans les spirales infinies de la vie. CondamnĂ© sans cesse Ă  l’humiliation d’une conversion nouvelle, j’ai pris un grand parti. Pour Ă©chapper Ă  l’horreur de ces apostasies philosophiques, je me suis orgueilleusement rĂ©signĂ© Ă  la modestie : je me suis contentĂ© de sentir ; je suis revenu chercher un asile dans l’impeccable naĂŻvetĂ©. J’en demande humblement pardon aux esprits acadĂ©miques de tout genre qui habitent les diffĂ©rents ateliers de notre fabrique artistique. C’est lĂ  que ma conscience philosophique a trouvĂ© le repos ; et, au moins, je puis affirmer, autant qu’un homme peut rĂ©pondre de ses vertus, que mon esprit jouit maintenant d’une plus abondante impartialitĂ©.
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Charles Baudelaire (Curiosités Esthétiques: Salon 1845-1859 (French Edition))
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Mais les signes de ce qui m'attendait rĂ©ellement, je les ai tous nĂ©gligĂ©s. Je travaille mon diplĂŽme sur le surrĂ©alisme Ă  la bibliothĂšque de Rouen, je sors, je traverse le square Verdrel, il fait doux, les cygnes du bassin ont reparu, et d'un seul coup j'ai conscience que je suis en train de vivre peut-ĂȘtre mes derniĂšres semaines de fille seule, libre d'aller oĂč je veux, de ne pas manger ce midi, de travailler dans ma chambre sans ĂȘtre dĂ©rangĂ©e. Je vais perdre dĂ©finitivement la solitude. Peut-on s'isoler facilement dans un petit meublĂ©, Ă  deux. Et il voudra manger ses deux repas par jour. Toutes sortes d'images me traversent. Une vie pas drĂŽle finalement. Mais je refoule, j'ai honte, ce sont des idĂ©es de fille unique, Ă©gocentrique, soucieuse de sa petite personne, mal Ă©levĂ©e au fond. Un jour, il a du travail, il est fatiguĂ©, si on mangeait dans la chambre au lieu d'aller au restau. Six heures du soir cours Victor-Hugo, des femmes se prĂ©cipitent aux Docks, en face du Montaigne, prennent ci et ça sans hĂ©sitation, comme si elles avaient dans la tĂȘte toute la programmation du repas de ce soir, de demain peut-ĂȘtre, pour quatre personnes ou plus aux goĂ»ts diffĂ©rents. Comment font-elles ? [...] Je n'y arriverai jamais. Je n'en veux pas de cette vie rythmĂ©e par les achats, la cuisine. Pourquoi n'est-il pas venu avec moi au supermarchĂ©. J'ai fini par acheter des quiches lorraines, du fromage, des poires. Il Ă©tait en train d'Ă©couter de la musique. Il a tout dĂ©ballĂ© avec un plaisir de gamin. Les poires Ă©taient blettes au coeur, "tu t'es fait entuber". Je le hais. Je ne me marierai pas. Le lendemain, nous sommes retournĂ©s au restau universitaire, j'ai oubliĂ©. Toutes les craintes, les pressentiments, je les ai Ă©touffĂ©s. SublimĂ©s. D'accord, quand on vivra ensemble, je n'aurai plus autant de libertĂ©, de loisirs, il y aura des courses, de la cuisine, du mĂ©nage, un peu. Et alors, tu renĂącles petit cheval tu n'es pas courageuse, des tas de filles rĂ©ussissent Ă  tout "concilier", sourire aux lĂšvres, n'en font pas un drame comme toi. Au contraire, elles existent vraiment. Je me persuade qu'en me mariant je serai libĂ©rĂ©e de ce moi qui tourne en rond, se pose des questions, un moi inutile. Que j'atteindrai l'Ă©quilibre. L'homme, l'Ă©paule solide, anti-mĂ©taphysique, dissipateur d'idĂ©es tourmentantes, qu'elle se marie donc ça la calmera, tes boutons mĂȘme disparaĂźtront, je ris forcĂ©ment, obscurĂ©ment j'y crois. Mariage, "accomplissement", je marche. Quelquefois je songe qu'il est Ă©goĂŻste et qu'il ne s'intĂ©resse guĂšre Ă  ce que je fais, moi je lis ses livres de sociologie, jamais il n'ouvre les miens, Breton ou Aragon. Alors la sagesse des femmes vient Ă  mon secours : "Tous les hommes sont Ă©goĂŻstes." Mais aussi les principes moraux : "Accepter l'autre dans son altĂ©ritĂ©", tous les langages peuvent se rejoindre quand on veut.
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Annie Ernaux (A Frozen Woman)
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... Une nuit d'automne, cinq ans plus tĂŽt. Ils longeaient une rue, et les feuilles mortes tombaient autour d'eux, et ils sont arrivĂ©s Ă  un endroit sans arbres, oĂč le trottoir Ă©tait blanc sous la lune. Ils se sont arrĂȘtĂ©s. Ils se sont tournĂ©s l'un vers l'autre. C'Ă©tait une nuit silencieuse, traversĂ©e par ce mystĂ©rieux battement de fiĂšvre, qui souligne deux fois par an les changements de saison. Les douces lumiĂšres des maisons ronronnaient dans l'obscuritĂ©, et l'on devinait dans le ciel un tournoiement d'Ă©toiles. À la frange de son regard, Gatsby dĂ©couvrait l'alignement des trottoirs, qui dessinait comme une Ă©chelle, et cette Ă©chelle conduisait vers un lieu secret au-dessus des arbres — il pouvait y monter, s'il y montait seul, et l'ayant atteint, boire la vie Ă  sa source mĂȘme, se gorger du lait transcendant des prodiges. Le visage clair de Daisy se levait lentement vers lui, et il sentait son cƓur battre de plus en plus vite. Il savait qu'au moment oĂč il embrassait cette jeune fille, au moment oĂč ses rĂȘves sublimes Ă©pouseraient se souffle fragile, son esprit perdrait Ă  jamais l'agilitĂ© miraculeuse de l'esprit de Dieu. Il avait alors attendu, Ă©coutĂ© encore un moment la vibration du diapason qui venait de heurter une Ă©toile, puis il l'avait embrassĂ©e, et Ă  l'instant prĂ©cis oĂč ses lĂšvres touchaient les siennes, il avait senti qu'elle s'Ă©panouissait comme une fleur Ă  son contact et l'incarnation s'Ă©tait achevĂ©e. À travers ce qu'il disait, et malgrĂ© une sentimentalitĂ© excessive, je retrouvais quelque chose, Ă  mon tour — une cadence insaisissable, des fragments de mots oubliĂ©s, quelque chose qui s'Ă©tait passĂ© bien des annĂ©es auparavant. J'ai senti pendant un moment qu'une phrase cherchait Ă  prendre forme dans ma bouche, et j'ai ouvert les lĂšvres, comme un muet, sous la pression d'une force bien au-delĂ  d'une simple respiration et qui cherchait Ă  s'Ă©chapper. Mais elles ne formĂšrent aucun son, et ce dont j'Ă©tais sur le point de me souvenir est restĂ© indicible Ă  jamais.
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F. Scott Fitzgerald (The Great Gatsby)
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PEER GYNT L'Ăąme, souffle et lumiĂšre du verbe, te viendra plus tard, ma fille Quand, en lettres d'or, sur le fond rose de l'Orient, apparaĂźtront ces mots : Voici le jour, alors commenceront les leçons ; ne crains rien, tu seras instruite. Mais je serais un sot de vouloir, dans le calme de cette tiĂšde nuit,me parer de quelques baillons d'un vieux savoir usĂ©, pour te traiter en maĂźtre d'Ă©cole. AprĂšs tout, le principal, quand on y rĂ©flĂ©chit, ce n'est point l'Ăąme, c'est le cƓur. ANITRA Parle seigneur. Quand tu parles, il me semble voir comme des lueurs d'opale. PBER GYNT La raison poussĂ©e Ă  l'excĂšs est de la bĂȘtise. La poltronnerie s'Ă©panouit en cruautĂ©. L'exagĂ©ration de la vĂ©ritĂ©, c'est de la sagesse Ă  l'envers. Oui, mon enfant, le diable m'emporte s'il n'y a pas de par le monde des ĂȘtres gavĂ©s d'Ăąme qui n'en ont que plus de peine Ă  voir clair. J'ai connu un individu de cette sorte, une vraie perle pourtant, qui a manquĂ© son but et perdu la boussole. Vois-tu ce dĂ©sert qui entoure l'oasis? Je n'aurais qu'Ă  agiter mon turban pour que les flots de l'OcĂ©an en comblassent toute l'Ă©tendue. Mais je serais un imbĂ©cile de crĂ©er ainsi des continents et des mers nouvelles. Sais-tu, ce que c'est que de vivre? ANITRA Enseigne-le-moi. PEER GYNT C'est planer au-dessus du temps qui coule, en descendre le courant sans se mouiller les pieds, et sans jamais rien perdre de soi-mĂȘme. Pour ĂȘtre celui qu'on est, ma petite amie, il faut la force de l'Ăąge! Un vieil aigle perd son piumage, une vieille rosse son allure, une vieille commĂšre ses dents. La peau se ride, et l'Ăąme aussi. Jeunesse ! jeunesse ! Par toi je veux rĂ©gner non sur les palmes et les vignes de quelque Gyntiana, mais sur la pensĂ©e vierge d'une femme dont je serai le sultan ardent et vigoureux. Je t'ai fait, ma petite, la grĂące de te sĂ©duire, d'Ă©lire ton cƓur pour y fonder un kalifat nouveau. Je veux ĂȘtre le maĂźtre de tes soupirs. Dans mon royaume, j'introduirai le rĂ©gime absolu. Nous sĂ©parer sera la mort... pour toi, s'entend. Pas une fibre, pas une parcelle de toi qei ne m'appartienne. Ni oui, ni non, tu n'auras d'autre volontĂ© que la mienne. Ta chevelure, noire comme la nuit, et tout ce qui, chez toi, est doux Ă  nommer, s'inclinera devant mon pouvoir souverain. Ce seront mes jardins de Babylone.
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Henrik Ibsen (Peer Gynt)
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en vĂ©ritĂ© il est trĂšs agrĂ©able de se rĂ©unir, de s’asseoir et de bavarder des intĂ©rĂȘts publics. Parfois mĂȘme je suis prĂȘt Ă  chanter de joie, quand je rentre dans la sociĂ©tĂ© et vois des hommes solides, sĂ©rieux, trĂšs bien Ă©levĂ©s, qui se sont rĂ©unis, parlent de quelque chose sans rien perdre de leur dignitĂ©. De quoi parlent-ils ? ça c’est une autre question. J’oublie mĂȘme, parfois, de pĂ©nĂ©trer le sens de la conversation, me contentant du tableau seul. Mais jusqu’ici, je n’ai jamais pu pĂ©nĂ©trer le sens de ce dont s’entretiennent chez nous les gens du monde qui n’appartiennent pas Ă  un certain groupe. Dieu sait ce que c’est. Sans doute quelque chose de charmant, puisque ce sont des gens charmants. Mais tout cela paraĂźt incomprĂ©hensible. On dirait toujours que la conversation vient de commencer ; comme si l’on accordait les instruments. On reste assis pendant deux heures et, tout ce temps, on ne fait que commencer la conversation. Parfois tous ont l’air de parler de choses sĂ©rieuses, de choses qui provoquent la rĂ©flexion. Mais ensuite, quand vous vous demandez de quoi ils ont parlĂ©, vous ĂȘtes incapable de le dire : de gants, d’agriculture, ou de la constance de l’amour fĂ©minin ? De sorte que, parfois, je l’avoue, l’ennui me gagne. On a l’impression de rentrer par une nuit sombre Ă  la maison en regardant tristement de cĂŽtĂ© et d’entendre soudain de la musique. C’est un bal, un vrai bal. Dans les fenĂȘtres brillamment Ă©clairĂ©es passent des ombres ; on entend des murmures de voix, des glissements de pas ; sur le perron se tiennent des agents. Vous passez devant, distrait, Ă©mu ; le dĂ©sir de quelque chose s’est Ă©veillĂ© en vous. Il vous semble avoir entendu le battement de la vie, et, cependant, vous n’emportez avec vous que son pĂąle motif, l’idĂ©e, l’ombre, presque rien. Et l’on passe comme si l’on n’avait pas confiance. On entend autre chose. On entend, Ă  travers les motifs incolores de notre vie courante, un autre motif, pĂ©nĂ©trant et triste, comme dans le bal des Capulet de Berlioz. L’angoisse et le doute rongent votre coeur, comme cette angoisse qui est au fond du motif lent de la triste chanson russe : Écoutez... d’autres sons rĂ©sonnent. Tristesse et orgie dĂ©sespĂ©rĂ©es... Est-ce un brigand qui a entonnĂ©, lĂ -bas, la chanson ? Ou une jeune fille qui pleure Ă  l’heure triste des adieux ? Non ; ce sont les faucheurs qui rentrent de leur travail... Autour sont les forĂȘts et les steppes de Saratov.
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Fyodor Dostoevsky
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À huit heures et demie du soir, deux tables Ă©taient dressĂ©es. La jolie madame des Grassins avait rĂ©ussi Ă  mettre son fils Ă  cĂŽtĂ© d’EugĂ©nie. Les acteurs de cette scĂšne pleine d’intĂ©rĂȘt, quoique vulgaire en apparence, munis de cartons bariolĂ©s, chiffrĂ©s, et de jetons en verre bleu, semblaient Ă©couter les plaisanteries du vieux notaire, qui ne tirait pas un numĂ©ro sans faire une remarque ; mais tous pensaient aux millions de monsieur Grandet. Le vieux tonnelier contemplait vaniteusement les plumes roses, la toilette fraĂźche de madame des Grassins, la tĂȘte martiale du banquier, celle d’Adolphe, le prĂ©sident, l’abbĂ©, le notaire, et se disait intĂ©rieurement : − Ils sont lĂ  pour mes Ă©cus. Ils viennent s’ennuyer ici pour ma fille. HĂ© ! ma fille ne sera ni pour les uns ni pour les autres, et tous ces gens-lĂ  me servent de harpons pour pĂȘcher ! Cette gaietĂ© de famille, dans ce vieux salon gris, mal Ă©clairĂ© par deux chandelles ; ces rires, accompagnĂ©s par le bruit du rouet de la grande Nanon, et qui n’étaient sincĂšres que sur les lĂšvres d’EugĂ©nie ou de sa mĂšre ; cette petitesse jointe Ă  de si grands intĂ©rĂȘts ; cette jeune fille qui, semblable Ă  ces oiseaux victimes du haut prix auquel on les met et qu’ils ignorent, se trouvait traquĂ©e, serrĂ©e par des preuves d’amitiĂ© dont elle Ă©tait la dupe ; tout contribuait Ă  rendre cette scĂšne tristement comique. N’est-ce pas d’ailleurs une scĂšne de tous les temps et de tous les lieux, mais ramenĂ©e Ă  sa plus simple expression ? La figure de Grandet exploitant le faux attachement des deux familles, en tirant d’énormes profits, dominait ce drame et l’éclairait. N’était-ce pas le seul dieu moderne auquel on ait foi, l’Argent dans toute sa puissance, exprimĂ© par une seule physionomie ? Les doux sentiments de la vie n’occupaient lĂ  qu’une place secondaire, ils animaient trois cƓurs purs, ceux de Nanon, d’EugĂ©nie et sa mĂšre. Encore, combien d’ignorance dans leur naĂŻvetĂ© ! EugĂ©nie et sa mĂšre ne savaient rien de la fortune de Grandet, elles n’estimaient les choses de la vie qu’à la lueur de leurs pĂąles idĂ©es, et ne prisaient ni ne mĂ©prisaient l’argent, accoutumĂ©es qu’elles Ă©taient Ă  s’en passer. Leurs sentiments, froissĂ©s Ă  leur insu mais vivaces, le secret de leur existence, en faisaient des exceptions curieuses dans cette rĂ©union de gens dont la vie Ă©tait purement matĂ©rielle. Affreuse condition de l’homme ! il n’y a pas un de ses bonheurs qui ne vienne d’une ignorance quelconque. Au moment oĂč madame Grandet gagnait un lot de seize sous, le plus considĂ©rable qui eĂ»t jamais Ă©tĂ© pontĂ© dans cette salle, et que la grande Nanon riait d’aise en voyant madame empochant cette riche somme, un coup de marteau retentit Ă  la porte de la maison, et y fit un si grand tapage que les femmes sautĂšrent sur leurs chaises.
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Honoré de Balzac (Eugénie Grandet)
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A l'Ă©poque de la rĂ©volution rĂ©ligieuse qui changea la face de l'Angleterre, sous Henri VIII, presque toutes les communautĂ©s charitables du royaume furent supprimĂ©es, et comme les biens de es communautĂ©s passĂšrent aux nobles et ne furent point partagĂ©s entre les mains du peuple, il s'ensuivit que le nombre de pauvres alors existants resta le mĂȘme, tandis que les moyens de pourvoir Ă  leurs besoins Ă©taient en partie dĂ©truits. Le nombre des pauvres s'accrut donc outre mesure, et Elisabeth, la fille de Henri VIII, frappĂ©e de l'aspect repoussant des misĂšres du peuple, songea Ă  substituer aux aumĂŽnes que la suppression des couvents avait fort rĂ©duites, une subvention annuelle, fournie par les communes. Une loi promulguĂ©e dans la quarante-troisiĂšme annĂ©e de la rĂšgne de cette princesse dispose que dans chaque paroisse des inspecteurs des pauvres seront nommĂ©s; que ces inspecteurs auront le droit de taxer les habitants Ă  l'effet de nourrir les indigents infirmes, et de fournir du travail aux autres. A mesure que le temps avançait dans sa marche, l'Angleterre Ă©tait de plus en plus entraĂźnĂ©e Ă  adopter le principe de la charitĂ© lĂ©gale. Le paupĂ©risme croissait plus rapidement dans la Grande-Bretagne que partout ailleurs.
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Alexis de Tocqueville (Sur le paupérisme)
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Dans les lignĂ©es les plus pures et les plus Ă©levĂ©es du tantrisme, la petite fille de neuf ans est la thĂ©ophanie essentielle. Elle est l'identitĂ© secrĂšte de la Grande DĂ©esse et n'est connue extĂ©rieurement que par son attribut de LalitĂą : "Celle qui joue". Elle manifeste l'autoritĂ© suprĂȘme, absolument inconditionnĂ©e, de l'Essence divine. Elle fait souverainement ce qu'elle veut, sans aucun arbitraire, mais d'une maniĂšre qui Ă©chappe Ă  toute connaissance extĂ©rieure (...) Au sein de l'hindouisme, ces lignĂ©es reprĂ©sentent un aspect informel, ainsi qu'un retour Ă  la puretĂ© de la tradition originelle. A ce point de vue, leur fonction dans la tradition hindoue est analogue Ă  celle de l'islĂąm au sein des autres formes traditionnelles, car ces lignĂ©es comportent une rĂ©actualisation de la spiritualitĂ© primordiale, destinĂ©e Ă  la fin du prĂ©sent cycle. Cette analogie se vĂ©rifie aussi bien pour la doctrine que pour la mĂ©thode, et se reflĂšte mĂȘme dans les sciences cosmologiques. Au sein du tasawwuf, l'aspect doctrinal permettant d'intĂ©grer l'enseignement mĂ©taphysique liĂ© Ă  cette thĂ©ophanie est celui qui concerne la mashĂź'a ou VolontĂ© divine suprĂȘme envisagĂ©e comme "perfection passive" de l'Essence, source de la misĂ©ricorde existenciatrice universelle. La rĂ©alisation initiatique correspondante est celle de la "servitude parfaite" ('ubĂ»da)
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Charles-AndrĂ© Gilis (La petite fille de neuf ans - suivi d’une Ă©tude sur «Le souffre rouge»)
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Un fluide insaisissable coule d'une gĂ©nĂ©ration Ă  l'autre. Lorsque nous dĂ©veloppons nos antennes et apprenons Ă  dĂ©celer partout la trace d'autres passants, d'autres humains vivants ou morts, alors notre façon d'ĂȘtre au monde se dilate et s'agrandit. Je suis le tĂ©moin de la scĂšne suivante : Un ami de longue date, Richard Baker Roshi, hĂ©ritier dharma de Suzuki Roshi, et sa fille de trois ans sont installĂ©s Ă  la table du petit dĂ©jeuner chez nous. Sophie commence avec son couteau Ă  rayer la table. Et grĂące Ă  ce geste qui ne m'as guĂšre enchantĂ©e, voilĂ  que j'assiste Ă  une leçon de transmission. Le pĂšre arrĂȘte avec douceur la petite main. "Halte, Sophie, Ă  qui est cette table ?" Alors la petite fille boudeuse : "Je sais ! A Christiane. - Non, mais avant Christiane !... Elle est ancienne cette table, n'est-ce pas ? D'autres ont dĂ©jeunĂ© lĂ ... - Oui, les parents, les grands-parents, les.... - ... Mais ce n'est pas tout !.... Avant encore ?... Elle a appartenu Ă  l'Ă©bĂ©niste qui en avait acquis le bois. Mais d'oĂč venait-il ce bois ?... Oui, d'un arbre qu'avait abattu le bĂ»cheron... mais l'arbre, Ă  qui appartenait-il ?... A la forĂȘt qui l'a protĂ©gĂ©... Oui... et Ă  la terre qui l'a nourri... Ă  l'air, Ă  la lumiĂšre, Ă  l'univers entier... ! ... Et puis, Sophie, elle appartient Ă  d'autres... la table... Ă  ceux qui ne sont pas encore nĂ©s et qui viendront aprĂšs nous... ici mĂȘme quand nous seront partis et quand nous serons morts." Un cercle aprĂšs l'autre se forme, comme aprĂšs le jet d'une pierre dans un Ă©tang. Et les yeux de Sophie aussi s'agrandissent, se dilatent. L'hommage aux origines. Ainsi commence tout processus d'humanisation. (p. 15-16
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Christiane Singer (N'oublie pas les chevaux écumants du passé)
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MARTIN SELIGMAN, LE GOUROU SCIENTIFIQUE Du mouvement humaniste est vraisemblablement nĂ©e la psychologie positive. Mais il est indĂ©niable que cette derniĂšre surpasse l’humanisme des annĂ©es 1960, braquĂ©es sur une forme de nirvana individuel et sur l’apologie du me, myself and I. La psychologie positive encourage le dĂ©veloppement d’une personne saine dans une «sociĂ©tĂ© saine», l’une Ă©tant indissociable de l’autre. De plus, cette approche nouvelle ne partage pas la mĂ©fiance de ses aĂŻeuls envers la mĂ©thode scientifique. Au contraire, elle s’en sert pour rĂ©clamer que l’on accorde au «positif» une place aussi importante qu’au «pathologique», ni plus ni moins. C’est ainsi qu’en 2002, dans un dernier chapitre du Handbook of Positive Psychology, les Ă©diteurs Charles Snyder et Shane Lopez, tous deux docteurs en psychologie, signaient la «dĂ©claration d’indĂ©pendance au modĂšle mĂ©dical». Cet ouvrage marquait le coup d’envoi de cette science du bonheur dont la naissance officielle est gĂ©nĂ©ralement attribuĂ©e Ă  Martin Seligman. Avec ses airs de mĂ©chant garçon plus brillant que ses maĂźtres, il procura l’étincelle qu’il fallait pour rĂ©volutionner les principes humanistes vieillissants. En 1998, lors de son passage Ă  la prĂ©sidence de l’American Psychological Association, il invita les psychologues amĂ©ricains et ceux du monde entier Ă  aider les gens Ă  ĂȘtre heureux.   L’histoire de Nikki Aussi surprenant que cela puisse paraĂźtre, Martin Seligman s’est d’abord fait connaĂźtre par son intĂ©rĂȘt pour «l’impuissance apprise» (learned helplessness). À fin des annĂ©es 1960, il dĂ©montra que, lorsqu’on lui inflige de petits chocs Ă©lectriques, un animal finit par s’installer dans une forme de rĂ©signation acquise. Il consacra les premiĂšres annĂ©es de sa carriĂšre scientifique Ă  ce domaine lugubre jusqu’au jour oĂč Nikki, sa fille, lui apprit une leçon remarquable qu’il raconte comme une parabole.
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Lucie Mandeville (Le bonheur extraordinaire des gens ordinaires: BONHEUR EXTRAORDINAIRE GENS ORDIN.[NUM] (À La DĂ©couverte De Soi) (French Edition))
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En rentrant lentement Ă  la maison, Alain observait les jeunes filles qui, toutes, montraient leur nombril dĂ©nudĂ© entre le pantalon ceinturĂ© trĂšs bas et le tee-shirt coupĂ© trĂšs court. Comme si leur pouvoir de sĂ©duction ne se concentrait plus dans leurs cuisses, ni dans leurs fesses, ni dans leurs seins, mais dans ce petit trou rond situĂ© au milieu du corps. Je me rĂ©pĂšte? Je commence ce chapitre par les mĂȘmes mots que j’ai employĂ©s au tout dĂ©but de ce roman? Je le sais. Mais mĂȘme si j’ai dĂ©jĂ  parlĂ© de la passion d’Alain pour l’énigme du nombril, je ne veux pas cacher que cette Ă©nigme le prĂ©occupe toujours, comme vous ĂȘtes vous aussi prĂ©occupes pendant des mois, sinon des annĂ©es, par les mĂȘmes problĂšmes (certainement beaucoup plus nuls que celui qui obsĂšde Alain). En dĂ©ambulant dans les rues, donc, il pensait souvent au nombril, sans gĂȘne de se rĂ©pĂ©ter, et mĂȘme avec une Ă©trange obstination; car le nombril rĂ©veillait en lui un lointain souvenir: le souvenir de sa derniĂšre rencontre avec sa mĂšre.
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Milan Kundera (The Festival of Insignificance)
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Je suis cette fille solaire qui court sur le sable tiĂšde de Palombaggia. Je suis le vent qui fait claquer les voiles d'un bateau en partance. La mer infinie de nuages qui donne le vertige derriĂšre le hublot. Je suis un feu de joie qui brĂ»le Ă  la Saint-Jean. Les galets d'Étretat qui roulent sur la plage. Une lanterne vĂ©nitienne rĂ©sistant aux tempĂȘtes. Je suis une comĂšte qui embrase le ciel. Une feuille d'or que les rafales emportent. Un refrain entraĂźnant fredonnĂ© par la foule. Je suis les alizĂ©s qui caressent les eaux. Les vents chauds qui balaient les dunes. Une bouteille Ă  la mer perdue dans l'Atlantique. Je suis l'odeur vanille des vacances Ă  la mer et l'effluve entĂȘtant de la terre mouillĂ©e. Je suis le battement d'ailes du Bleu-nacrĂ© d'Espagne. Le feu follet fugace qui court sur les marais. La poussiĂšre d'une Ă©toile blanche et trop tĂŽt tombĂ©e.
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Guillaume Musso
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J'etais arrete a regarder, dans une exposition d'oeuvres de Rodin, une enorme main de bronze, la ,,Main de Dieu''.La paume en etait a moitie fermee et dans cette paume, extatiques, enlaces, luttaient et se melaient un homme et une femme. Une jeune fille s'approcha et s'arreta a cote de moi.Troublee elle aussi, elle regardait l'inquietant et eternel enlacement de l'homme et de la femme.Elle etait mince, bien habillee, avec d'epais cheveux blonds, un menton fort, des levres etroites.Elle avait quelque chose de decide et de viril.Et moi qui deteste engager des conversations faciles, je ne sais ce qui me poussa.Je me retournai: -A quoi pensez-vous? -Si on pouvait s'echapper! murmura-t-elle avec depit. -Pour aller ou?La main de Dieu est partout.Pas de salut.Vous le regrettez? -Non.Il se peut que l'amour soit la joie la plus intense sur cette terre.C'est possible.Mais maintenant que je vois cette main de bronze, je voudrais m'echapper. -Vous preferez la liberte? -Oui. -Mais si ce n'est que lorsqu'on obeit a la main de bronze qu'on est libres?Si le mot "Dieu" n'avait pas le sens commode que lui donne la masse? Elle me regarda,inquiete.Ses yeux etaient d'un gris metallique, ses levres seches et ameres. -Je ne comprends pas, dit-elle, et elle s'eloigna, comme effrayee. Elle disparut.[...]Oui , je m'etais mal conduit, Zorba avait raison.C'etait un bon pretexte que cette main de bronze, la premiere prise de contact etait reussie, les premieres douces paroles amorcees, et nous aurions pu, sans en prendre conscience ni l'un ni l'autre, noue etreindre et nous unir en toute tranquillite dans la paume de Dieu.Mais moi je m'etais elance brusquement de la terre vers le ciel et la femme effarouchee s'etait enfuie.
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Nikos Kazantzakis
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Quel pays est le mien? Celui de mon pĂšre? Celui de mon enfance? Ai-je droit Ă  une patrie? Il m'arrive parfois de sortir ma carte d'identitĂ© - non, on dit: "carte nationale d'identitĂ©". En haut et en majuscules: RÉPUBLIQUE FRANÇAISE. Je suis fille de cette rĂ©publique-lĂ . Nom, prĂ©nom(s), nĂ©(e) le, Ă , taille, signes particuliers, domicile, fait le, par, signature du titulaire. Signes particuliers: nĂ©ant. Ils n'ont rien mentionnĂ©. Cela veut-il dire que je ne suis rien? Pas mĂȘme "rebelle" ou "Beur en colĂšre"? [...] Mais Ă  quoi bon se mettre en colĂšre quand personne ne vous Ă©coute?
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Tahar Ben Jelloun (Les Raisins de la galĂšre)
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C'Ăštait l'automne. C'Ăštait l'automne et c'Ăštait la saison de la guerre. Te souviens-tu de la guerre? Moi, de moins en moins. Mais je me souviens de l'automne. Je vois encore les brouillards sur les prĂ©s Ă  cĂŽtĂ© de la maison, et au-delĂ , les chĂȘnes silencieux dans le crĂ©puscule. Les feuilles Ă©taient tombĂ©es depuis septembre. Elles brunissaient et m'Ă©vocaient alors l'esprit de ma jeunesse, et aussi l'esprit du temps. Souvent j'allais au bois. Je traversais les prĂ©s et je me predais pour longtemps au-dessous des branches, dans les ombres, parmi les feuilles. Une fois, avant d'entrer dans le bois, je me souviens qu'il y avait un cheval noir qui me fixait de loin. Il Ă©tait au fond du petit champ. J'imaginais qu'il me regardait, alors que probablement il dormait. Pourquoi pense-je maintenent Ă  ce cheval? Je ne sais pas. Peut-ĂȘtre pour la mĂȘme raison je pense Ă  tous ces mots j'ai Ă©crit au mĂȘme temps. J'ai gardĂ© la feuille oĂč j'avais notĂ© tout ce qui m'etait venu Ă  l'esprit. A l'Ă©poque, je croyais qu'ils m'appartenaient, mais maintenant je sais que j'avais tort. A chaque fois que je les relis, je vois que je copiais seulement ce que quelqu'un m'avait racontĂ©. -N'aie pas peur. Je ne m'arrĂȘterai pas. Je dois dĂ©couvrir cette clairiĂšre. Et je ne m'arrĂȘterai pas tant que je ne l'aurais pas trouvĂ©e. Sais-tu ce qui me pousse Ă  la chercher? Eh bien... personne. Ma femme est morte. Ma femme, ma fille et mon fils sont tous morts. Te souviens-tu comment ils sont morts? Moi, de moins en moins. Je ne me souviens que du temps. Me blessures ne sont plus mortelles, mais j'ai peur. J'ai peur de ne pas trouver cette clairiĂšre. Je suis restĂ© quelque temps Ă  regarder les ombres, les feuilles et les branches. Ensuite, quand j'ai quittĂ© le bois, je ne voyais que le brouillard autour de moi. Je ne pouvais voir ni la maison, ni les prĂ©s, seulement le brouillard. Et bien sĂ»r, le cheval noir avait disparu.
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Mark Z. Danielewski (House of Leaves)
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LA MORT DE LA BICHE (MOARTEA CAPRIOAREI) La disette a tuĂ© toute brise de vent. Le soleil s’est fondu et coulĂ© de partout. Le ciel est restĂ© vide et brĂ»lant Les seaux ne tirent des fontaines que de boue. Sur les bois frĂ©quemment feux, toujours feux Dansent sauvages, sataniques jeux. Je poursuis papa en route vers les buttes, Les chardons, les sapins m’écorchent sĂ©chĂ©s. Tous les deux commençons la poursuite des chĂšvres, La chasse d’la famine en montagnes de tout prĂšs. La soif m’accable. Bouillit sur la pierre Le fil d’eau filtrĂ© des ruisseaux. La tempe pĂšse l’épaule, comme si j’erre Une autre planĂšte, immense, Ă©trange, ennuyeux. Nous restons dans l’endroit oĂč encore retentissent Sur cordes de douces ondes, les ruisseaux. Quand la lune s’élĂšve et le soleil se couche Ici viendront Ă  la fil s’abreuver Une par une, les biches. Je dis Ă  papa que j’ai soif. Il me fait signe de m’ taire. Enivrante eau. Comme tu t’agites limpide ! Je suis liĂ© par soif de cette ĂȘtre qui meurt À l’heure fixĂ© par loi et habitude. La vallĂ©e raisonne en bruissements flĂ©tris. Quel affreux crĂ©puscule flotte dans l’univers ! Le sang Ă  l’horizon. Ma poitrine rouge comme si J’ai essuyĂ© mes mains sur mon poitrail. Comme sur autel fougĂšres brĂ»lent en flammes violĂątres Et les Ă©toiles frappĂ©es parmi celles-ci miroitent. HĂ©las ! comme je voudrais que tu ne viennes, ne viens pas Superbe offrande de mon noble bois ! Elle se monta sautant et s’arrĂȘta Scrutant les alentours avec de crainte Ses minces narines faisaient frĂ©mir l’eau Avec les cercles en cuivre errantes. Dans ses yeux moites brillait un certain indĂ©cis Je savais qu’elle aura mal, qu’elle va mourir. Il me semblait revivre un rĂ©cit Avec la biche, jadis une trĂšs belle fille. D’en haut, la pĂąle lumiĂšre, lunaire, Bruinait sur sa fourrure douces fleurs d’cerisier. HĂ©las ! comme je voudrais que pour la premiĂšre fois Le coup d’fusil d’papa va Ă©chouer. Mais les vallĂ©es rĂ©sonnent. Elle tombe Ă  genoux. Elle lĂšve sa tĂȘte, la tourne vers les Ă©toiles La dĂ©vala alors, en dĂ©clenchant sur eaux Fuyards tourbillons de perles noires. Un oiseau bleu bonda dans les rameaux La vie d’la biche vers l’espace attardĂ© Vola trĂšs lentement, en cris, comme en automne oiseaux Quand laissent tranquilles leurs nids tout ravagĂ©s. En chancelant je suis allĂ© pour lui fermer Ses yeux ombreux comme en engoisse veillĂ©s de cornes Silencieux et blanc j’ai tressailli quand l’pĂšre Me dit de tout son cƓur: “VoilĂ  de la viande !” “J’ai soif”, je dis. Papa m’incite Ă  m’abreuver. Enivrante eau, enveloppĂ© en brume ! Je suis liĂ© par soif de cette biche gaspillĂ©e A l’heure fixĂ©e par loi et par coutume
 Mais la loi nous est dĂ©serte, Ă©trangĂšre Quand la vie en nous trĂšs difficile s’anime Coutumes, compassions sont toutes dĂ©sertes Quand mĂȘme ma sƓur malade est une des victimes. La carabine d’ papa n’ Ă©mane que de fumĂ©e HĂ©las ! Sans vent s’empressent les feuillages en foule Papa prĂ©pare un feu tout effrayĂ© HĂ©las ! comme la forĂȘt se dĂ©nature ! De l’herbe, sans adresse, je prends en mains Une mince clochette d’un cliquetis argentin . Papa tire de la broche avec sa main Le cƓur de la chevreuil et ses chauds reins. C’est quoi le cƓur ?
 J’ai faim. Je veux vivre, j’ voudrais
 Toi, pardonne-moi, vierge ! ma biche, ma bien-aimĂ©e
 J’ai sommeil
 Comme il est haut le feu ! Et la forĂȘt sauvage ! Je pleurs. Que pense papa ? Je mange. Je pleurs. Je mange
 1954 (cf. p. 15-18, traduction du roumain par Claudia PINTESCU)
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Nicolae LabiƟ (Poezii (Biblioteca Eminescu) (Romanian Edition))
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Dorina eut l'impression que le serpent venait directement à elle, et une terreur subite remplaça le charme de naguÚre. Comme si elle s'éveillait soudain devant une chose impossible à regarder, une chose terrible et périlleuse, qu'une jeune fille n'avait pas le droit de voir. L'approche du serpent semblait aspirer sa respiration, éparpiller le sang dans ses veines, embraser sa chair tout entiÚre d'une terreur teintée de frissons inconnus, d'un amour malade. Il y avait un insolite message de mort et de souffle érotique dans cette oscillation hideuse, dans la froide luminosité du reptile.
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Mircea Eliade (Șarpele)
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–Voyons un peu, Ă  la campagne, on ne trouve plus de pine en abondance ? La fille semblait sincĂšrement curieuse, et sans doute que dans ses souvenirs antĂ©rieurs Ă  son dĂ©part du village pour aller chercher du travail en ville, il y avait quelque chose qui justifiait son Ă©tonnement que cette « abondance de pines » ait pu disparaĂźtre en quelques annĂ©es. – Eh oui, je n'en ai pas vu la couleur depuis l'Ă©tĂ© dernier, se plaignit la paysanne. – MĂȘme pas venant du kolkhoze ? On ne vous en donne plus ? À combien de pines avez-vous droit par journĂ©e de travail ? – Au kolkhoze ? Que diable ! Mais qui va encore bosser lĂ -bas ?
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Mircea Nedelciu (Histoire des histoires ou histoire d'une pine et Histoire des histoires vue par la génération 80)
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J'ai rĂ©ussi Ă  me rendre Ă  Paris au moment mĂȘme de la parution de ce livre. J'y ai rencontrĂ© Maurice Nadeau, l'Ă©diteur, Anne Sarraute (la fille de la cĂ©lĂšbre romanciĂšre, Nathalie Sarraute !), la rĂ©dactrice, Odile Serre, la traductrice, et Serge Fauchereau, le prĂ©facier de mon livre. Il ne manquait plus que le regrettĂ© „desantist” [d'aprĂšs le nom d'une anthologie] Ovid S. Crohmălniceanu, celui avec lequel il avait, deux ou trois ans auparavant, Ă©crit, en français, un bref essai sur cette « Composition aux parallĂšles inĂ©gales », toujours Ă  l'Ă©tat de manuscrit... [Am reușit să ajung la Paris chiar Ăźn momentul apariției acestei cărți. M-am ĂźntĂąlnit cu Maurice Nadeau, editorul, cu Anne Sarraute (fiica celebrei romanciere, Nathalie Sarraute!), redactorul de carte, cu Odile Serre, traducătoarea, și cu Serge Fauchereau, prefațatorul cărții mele. Nu mai lipsea decĂąt regretatul „desantist” Ovid S. Crohmălniceanu, cel care cu doi-trei ani Ăźn urmă scrisese Ăźn franceză un mic eseu despre această „Composition aux parallĂšles inĂ©gales”, rămas Ăźn manuscris și acum...] (p. 43, extrait d'un article paru en 2001, avec la mention de la note de bas de page selon laquelle l'essai d' Ovid S. Crohmălniceanu a finalement Ă©tĂ© publiĂ© en 2015) traduit en français par Gabrielle Danoux
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Gheorghe Crăciun (Imagini, litere și documente de călătorie)
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Je suis restĂ©e fidĂšle Ă  cette petite fille qui voulait s’échapper par la porte merveilleuse qu’était un livre. Ils m’ont aidĂ©e tout au long de ma vie Ă  tout supporter, Ă  tout entreprendre. Je n’ai jamais Ă©tĂ© seule grĂące Ă  eux.
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Julien Rampin (Grandir un peu)
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C'Ă©tait l'automne. C'Ă©tait l'automne et c'Ă©tait la saison de la guerre. Te souviens tu de la guerre? Moi, de moins en moins. Mais je me souviens de l'automne. Je vois encore les brouillards sur les prĂ©s Ă  cĂŽtĂ© de la maison, e, au delĂ , les chĂȘne silencieux dans le crĂ©puscule. Les feuilles Ă©taient tombeĂ©s dupuis septembre. Elles brunissaient et m'Ă©vocaient alors l'esprit de ma jeunesse, et aussi l'esprit de temps. Souvent j'allais au bois. Je traversais les prĂ©s et je me perdais pour longtemps au dessous des branches, dans les ombres, parmi les feuilles. Une fois, avant d'entrer dans le bois, je me souviens qu'il y avait un cheval noir qui me fixait de loin. Il Ă©tait au fond du petit champ. J'imaginais qu'il me regardait, alors que probablement il dormait. Pourquoi pense je maintenant Ă  ce cheval? Je ne sais pas. Peut ĂȘtre pour la mĂȘme raison je pense Ă  tous ces mots j'ai Ă©crit au mĂȘme temps. J'ai gardĂ© la feuille oĂč j'avais notĂ© tout ce qui m'Ă©tait venu Ă  l'esprit. A l'Ă©poque, je croyais qu'ils m'appartenaient, mais maintenant, je sais qui j'avais tort. A chaque fois que les relis, je vois que je copiais seulement ce que quelqu'un m'avait racontĂ©. --N'aie pas peur. Je ne m'arrĂȘterai pas. Je dois dĂ©couvrir cette clairiĂšre. Et je ne m'arrĂȘterai pas tant que je ne l'aurais pas trouvĂ©e. Sais tu ce qui me pousse Ă  la chercher? Eh bien... personne. Ma femme est morte. Ma femme, ma fille et mon fils sont tous morts. Te souviens tu comment ils sont morts? Moi, de moins en moins. Je ne me souviens que du temps. Mes blessures ne sont plus mortelles, mais j'ai peur. J'ai peur de ne pas trouver cette clairiĂšre. Je suis restĂ© quelque temps Ă  regarder les ombres, les feuilles et les branches. Ensuite, quand j'ai quittĂ© le bois, je ne voyais que le brouillard autour de moi. Je ne pouvais voir ni la maison, ne les prĂ©s, seulement le brouillard. Et bien sĂ»r, le cheval noir avait disparu.
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Mark Z. Danielewski (House of Leaves)
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Dans la mĂȘme collection en numĂ©rique Les MisĂ©rables Le messager d’AthĂšnes Candide L’Etranger RhinocĂ©ros Antigone Le pĂšre Goriot La Peste Balzac et la petite tailleuse chinoise Le Roi Arthur L’Avare Pierre et Jean L’Homme qui a sĂ©duit le soleil Alcools L’Affaire CaĂŻus La gloire de mon pĂšre L’Ordinatueur Le mĂ©decin malgrĂ© lui La riviĂšre Ă  l’envers - Tomek Le Journal d’Anne Frank Le monde perdu Le royaume de KensukĂ© Un Sac De Billes Baby-sitter blues Le fantĂŽme de maĂźtre Guillemin Trois contes Kamo, l’agence Babel Le Garçon en pyjama rayĂ© Les Contemplations Escadrille 80 Inconnu Ă  cette adresse La controverse de Valladolid Les Vilains petits canards Une partie de campagne Cahier d’un retour au pays natal Dora Bruder L’Enfant et la riviĂšre Moderato Cantabile Alice au pays des merveilles Le faucon dĂ©nichĂ© Une vie Chronique des Indiens Guayaki Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part La nuit de Valognes ƒdipe Disparition ProgrammĂ©e Education europĂ©enne L’auberge rouge L’Illiade Le voyage de Monsieur Perrichon LucrĂšce Borgia Paul et Virginie Ursule MirouĂ«t Discours sur les fondements de l’inĂ©galitĂ© L’adversaire La petite Fadette La prochaine fois Le blĂ© en herbe Le MystĂšre de la Chambre Jaune Les Hauts des Hurlevent Les perses Mondo et autres histoires Vingt mille lieues sous les mers 99 francs Arria Marcella Chante Luna Emile, ou de l’éducation Histoires extraordinaires L’homme invisible La bibliothĂ©caire La cicatrice La croix des pauvres La fille du capitaine Le Crime de l’Orient-Express Le Faucon maltĂ© Le hussard sur le toit Le Livre dont vous ĂȘtes la victime Les cinq Ă©cus de Bretagne No pasarĂĄn, le jeu Quand j’avais cinq ans je m’ai tuĂ© Si tu veux ĂȘtre mon amie Tristan et Iseult Une bouteille dans la mer de Gaza Cent ans de solitude Contes Ă  l’envers Contes et nouvelles en vers Dalva Jean de Florette L’homme qui voulait ĂȘtre heureux L’üle mystĂ©rieuse La Dame aux camĂ©lias La petite sirĂšne La planĂšte des singes La Religieuse 35 kilos d’espoir
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Amandine Lilois (Le petit Nicolas: Analyse complĂšte de l'oeuvre (French Edition))
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Les Orientaux ont pour philosophie que le plus important dans la peinture ce sont les espaces vides que le peintre a décidé de ne pas remplir, et le plus important de la poésie c'est le non-dit. Les mots écrits ne sont que des mots. Il faut regarder sous l'encre, ou au-dessus. Trouver l'invisible, le caché, qui est l'ùme du poÚme. Un vase n'est qu'un si on ne sait pas comment le regarder. Et cette fille, pour quiconque dans l'aéroport, n'était qu'une jeune fille à la peau foncée, totalement absorbée par son monde. Pour quiconque, sauf pour Pau. Cela n'avait rien d'étrange. Pau savait comment regarder les choses. - Qu'est-ce que vous racontez, aujourd'hui ? - Rien, j'ai épuisé mon stock. Et il riait.
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Alberto Torres-Blandina (Le Japon n'existe pas)
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D'abord, tu penserais que c'est un mec. Comme la premiĂšre fois. Peut-ĂȘtre pas une folle, mais un type vachement effĂ©minĂ© quand mĂȘme...Donc t'arrĂȘterais de mater. Quoique...Tu aurais des doutes malgrĂ© tout...À cause de ses mains, de son cou, de cette façon qu'il avait de promener l'ongle de son pouce sur sa lĂšvre infĂ©rieure...Oui, tu hĂ©siterais...C'Ă©tait peut-ĂȘtre une fille finalement? Une fille habillĂ©e en sac. Comme si elle cherchait Ă  cacher son corps Tu essayerais de regarder ailleurs mais tu ne pourrais pas t'empĂȘcher d'y revenir. Parce qu'il y avait une run, lĂ ...L'air Ă©tait spĂ©cial autour de cette personne. Ou la lumiĂšre peut-ĂȘtre? VoilĂ . C'Ă©tait ça.
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Anna Gavalda (Ensemble, c'est tout Audiobook PACK [Book + 2 CD MP3 - Abridged text])
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Mais il fallait que je pose la question. Que j’essaie de l’entraĂźner avec moi vers cet endroit inconnu que j’essaie d’atteindre. Cela me rendait malade de penser que cette petite souris allait rejoindre le rang des filles soumises. Ce mĂ©tier use les femmes jour aprĂšs jour. Marguerite est si menue, si fine. Les hommes la dĂ©truiraient en un rien de temps.
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Michelle Gable (L'appartement oublié)
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Edmond la regarda sévÚrement. "Cette décision ne sera pas prise sur la base des liens familiaux, ma fille ! Le fait qu'Elfric soit ton époux ne fera pas mieux tenir le pont debout !
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Ken Follett (World Without End (Kingsbridge, #2))
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« J'Ă©tais parti sans manteau, avec ce sac et rien d'autre, inconsolable. J'avais abandonnĂ© mon vĂ©lo dans l'herbe pour quitter les routes, oublier cette fille, et rejoindre le monde sauvage. (
) Parfois, je sentais ma tristesse s'Ă©puiser, comme si le souvenir de la fille peinait Ă  me suivre dans cette jungle, et le bruit doux de sa respiration s'Ă©loignait derriĂšre moi. »
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Timothée de Fombelle (Le Livre de Perle)
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Mais cette fois-ci, j'ai l'impression d'ĂȘtre au bout du voyage et je l'accepte. J'accepte que prenne fin cet impossible dialogue parsemĂ© d'embĂ»ches, de cris, de peines, de lettres, de traversĂ©es de l'Atlantique. J'accepte mĂȘme que ma mĂšre disparaisse sans que je puisse la revoir, la toucher, la cajoler, qu'elle s'en aille dans l'au-delĂ  sans que je sois lĂ  pour l'aider Ă  franchir le pas. J'accepte, mieux, je la remercie. de m'avoir mise au monde, de m'avoir Ă©levĂ©e, du mieux qu'elle pouvoir, de m'avoir forcĂ©e Ă  avoir une profession, pour ĂȘtre autonome, de m'avoir appris Ă  lutter, Ă  ne pas courber ni la tĂȘte ni le dos. Et je pardonne. Dieu que j'ai du mal Ă  pardonner! Je pardonne, pour les baisers et les cĂąlins que je n'ai pas reçus, pour les histoires qu'elle ne m'a pas lues lorsque j'Ă©tais petite fille, pour la robe de mariĂ©e que je n'ai pas choisie avec elle, pour le temps qui lui manquait pour moi, pour l'amour qu'elle ne savait pas me montrer. Je pardonne.
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Nicole Balvay-Haillot
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Cette petite fille n’avait de mot que le prĂ©nom de sa maĂźtresse qu’elle a eu en maternelle pendant deux ans en CP la nommant encore et toujours quand on lui demande qui est ta maĂźtresse l’institution dĂ©cide de la faire retourner en maternelle quelques heures par jour la maĂźtresse est toujours lĂ  la maĂźtresse vit trĂšs mal tombe malade elle adore cette petite fille elle pleure son abandon elle pleure chaque jour quand Ă  la sortie de l’école la petite fille lui saute dans les bras et la serre tellement fort elle dit non Ă  l’institution on lui reproche son manque de travail d'Ă©quipe ça dĂ©gĂ©nĂšre dans sa tĂȘte elle comprend qu’on lui demande de pallier toutes les incompĂ©tences et dĂ©faillances elle est coincĂ©e on lui parle de professionnalisme de laisser ses Ă©motions de cĂŽtĂ© quand pendant deux ans tout le monde semblait ravi que la maĂźtresse sorte des cadres affectifs donne Ă  la petite fille ce qu'elle ne trouvait nulle part d'autre tout le monde semblait content d'avoir la paix de cette petite fille comprise au moins par une personne la maĂźtresse c'est pour ça qu'elle dĂ©cide de changer de mĂ©tier (p. 50)
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Aline Recoura (La cloche a sonné)
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ArrivĂ© Ă  l'Ăąge de la retraite, Jean Albert Durail a dĂ©cidĂ© de prendre du recul et de voir du pays, bien loin des rails tout tracĂ©s de cette sociĂ©tĂ© rongĂ©e par le pouvoir et l'argent. C'est en se rendant au mariage de sa petite fille, qui se dĂ©roulait au Togo, sur les hauteurs de KpalimĂ©, que son futur petit gendre (Moussa), l'a emmenĂ© Ă  la frontiĂšre du Ghana oĂč se trouve un curieux panneau indiquant « RĂ©publique IndĂ©pendante et Autonome de Montaubout». Monsieur Durail Ă©tant restĂ© littĂ©ralement bouche bĂ©e devant ce bout de tĂŽle, son futur petit gendre en a profitĂ© pour partir faire une course en lui promettant de lui envoyer un taxi. (pp. 64-65)
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Thierry Moral (DerniĂšres nouvelles de Montaubout)
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Isabelle n’aimait pas la jouissance, mais Esther n’aimait pas l’amour, elle ne voulait pas ĂȘtre amoureuse, elle refusait ce sentiment d’exclusivitĂ©, de dĂ©pendance, et c’est toute sa gĂ©nĂ©ration qui le refusait avec elle. J’errais parmi eux comme une sorte de monstre prĂ©historique avec mes niaiseries romantiques, mes attachements, mes chaĂźnes. Pour Esther, comme pour toutes les jeunes filles de sa gĂ©nĂ©ration, la sexualitĂ© n’était qu’un divertissement plaisant, guidĂ© par la sĂ©duction et l’érotisme, qui n’impliquait aucun engagement sentimental particulier ; sans doute l’amour n’avait-il jamais Ă©tĂ©, comme la pitiĂ© selon Nietzsche, qu’une fiction inventĂ©e par les faibles pour culpabiliser les forts, pour introduire des limites Ă  leur libertĂ© et Ă  leur fĂ©rocitĂ© naturelles. Les femmes avaient Ă©tĂ© faibles, en particulier au moment de leurs couches, elles avaient eu besoin Ă  leurs dĂ©buts de vivre sous la tutelle d’un protecteur puissant, et Ă  cet effet elles avaient inventĂ© l’amour, mais Ă  prĂ©sent elles Ă©taient devenues fortes, elles Ă©taient indĂ©pendantes et libres, et elles avaient renoncĂ© Ă  inspirer comme Ă  Ă©prouver un sentiment qui n’avait plus aucune justification concrĂšte. Le projet millĂ©naire masculin, parfaitement exprimĂ© de nos jours par les films pornographiques, consistant Ă  ĂŽter Ă  la sexualitĂ© toute connotation affective pour la ramener dans le champ du divertissement pur, avait enfin, dans cette gĂ©nĂ©ration, trouvĂ© Ă  s’accomplir. Ce que je ressentais, ces jeunes gens ne pouvaient ni le ressentir, ni mĂȘme exactement le comprendre, et s’ils l’avaient pu ils en auraient Ă©prouvĂ© une espĂšce de gĂȘne, comme devant quelque chose de ridicule et d’un peu honteux, comme devant un stigmate de temps plus anciens. Ils avaient rĂ©ussi, aprĂšs des dĂ©cennies de conditionnement et d’efforts ils avaient finalement rĂ©ussi Ă  extirper de leur cƓur un des plus vieux sentiments humains, et maintenant c’était fait, ce qui avait Ă©tĂ© dĂ©truit ne pourrait se reformer, pas davantage que les morceaux d’une tasse brisĂ©e ne pourraient se rĂ©assembler d’eux-mĂȘmes, ils avaient atteint leur objectif : Ă  aucun moment de leur vie, ils ne connaĂźtraient l’amour. Ils Ă©taient libres
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Michel Houellebecq (La possibilité d'une ßle (French Edition))
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J’avais appris au lycĂ©e, de la bouche de notre distinguĂ© professeur d’histoire et de gĂ©ographie, Marcou Weintraub, l’importance que les montagnes encadrant ces gorges du Bicaz occupaient dans la mythologie roumaine. Le massif Ceahlău, surnommĂ© l’Olympe des Moldaves, aurait abritĂ© le trĂŽne du dieu dace Zamolxis. Les Daces Ă©taient ces barbares indo-europĂ©ens de la branche des Thraces d’Asie Mineure, qui, se mĂ©langeant aux conquĂ©rants romains, avaient donnĂ© le peuple roumain. Et selon la lĂ©gende, c’était dans cette montagne que Dochia, fille de DĂ©cĂ©bal, le cĂ©lĂšbre roi des Daces, Ă©chappant Ă  la captivitĂ© de l’empereur Trajan, fut transformĂ©e en pierre par le froid. Les longues guerres que DĂ©cĂ©bal et les Daces avaient menĂ©es contre l’empereur Trajan – dont les diffĂ©rents Ă©pisodes sont gravĂ©s sur une colonne Ă©rigĂ©e Ă  Rome – incarnent la tĂ©nacitĂ© du peuple roumain et sa dĂ©termination Ă  sauvegarder son identitĂ© Ă  travers les siĂšcles. DĂ©cĂ©bal et Zamolxis n’étaient pas pour rien dans l’intĂ©rĂȘt que le jeune garçon fĂ©ru d’histoire que j’étais portait Ă  cette pĂ©riode si prĂ©cieuse au cƓur des Roumains.
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Dov Hoenig (Rue du Triomphe)
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Le jour de NoĂ«l, je passais par le jardin de l’IcĂŽne. Silence et sentiers blancs, sinueux, derriĂšre des arbres sombres
 Devant moi, la longue façade blanche et pittoresque, de l’école du centre. À la fenĂȘtre du milieu, une petite fille, en robe sombre, la tĂȘte appuyĂ©e contre la vitre, regardait
 VoilĂ  une gamine privĂ©e d’enfance
 Je m’en allai, les yeux baissĂ©s, emportant avec moi cette scĂšne simple et sympathique. Il est Ă©tonnant de voir combien d’énergie on perd Ă  la recherche d’un sujet d’écriture. C’est surtout avec les peintres que je ne peux pas ĂȘtre d’accord. Le beau, le naĂŻf, le sympathique : partout. Partout oĂč l’on tourne les regards, de l’ombre, de la lumiĂšre, des formes vibrantes de charme
 Grigorescu*, tout l’a Ă©mu. VoilĂ  un poĂšte. À partir de ses toiles, d’une Ă©loquence surprenante, on peut reconstituer toute sa vie, notant exactement ce qu’il a ressenti sur tous les sentiers et dans toutes les petites villes oĂč il s’est arrĂȘtĂ© pour quelques jours, pour quelques heures. Il y a une affinitĂ© si grande entre cette scĂšne et le maĂźtre qu’elle commence Ă  me paraĂźtre non pas telle que je l’ai vue, mais telle qu’il l’aurait saisie dans le cadre, douce, poĂ©tique, dans une lumiĂšre claire et tremblante. (traduction de Dolores Toma * il s’agit de Nicolae Grigorescu, le peintre)
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Barbu Ștefănescu Delavrancea (Hagi-Tudose. Nuvele Ɵi schiĆŁe)
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RĂȘves sexuels : je suis Ă  Lille, devenue repaire de dĂ©linquants, casseurs, etc. Chicago, en vĂ©ritĂ©. Avec des filles trĂšs jeunes, je cours, franchis des dunes, des terrains vagues, me couchant sur le sol pour Ă©chapper aux bandes, invisibles en fait. On arrive dans une maison, sous un porche. Il y a un garçon, qui dĂ©shabille une poupĂ©e, assez grande, il s'approche de la fille qui m'accompagnait, assez insignifiante. Il la pĂ©nĂštre et jouit aussitĂŽt, comme dans un gros plan de film X. Je vois le sperme couler sur la vulve. Je suis Ă©tonnĂ©e que cette fille « sage » se soit ainsi laissĂ© surprendre (c'est le terme qui me vient alors), sans manifester de honte ou de chagrin. Qui est-elle ? Le moi ancien, celle que je n'ai pas Ă©tĂ©, que je voudrais avoir Ă©tĂ© et qui ne s'est rĂ©alisĂ©e que tardivement ?
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Annie Ernaux (Se perdre (French Edition))
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— Je te devais soixante francs, te voilĂ  payĂ©, voleur ! dit la Maheude, enragĂ©e parmi les autres. Tu ne me refuseras plus crĂ©dit
 Attends ! attends ! il faut que je t’engraisse encore. De ses dix doigts, elle grattait la terre, elle en prit deux poignĂ©es, dont elle lui emplit la bouche, violemment. — Tiens ! mange donc !
 Tiens ! mange, mange, toi qui nous mangeais ! Les injures redoublĂšrent, pendant que le mort, Ă©tendu sur le dos, regardait, immobile, de ses grands yeux fixes, le ciel immense d’oĂč tombait la nuit. Cette terre, tassĂ©e dans sa bouche, c’était le pain qu’il avait refusĂ©. Et il ne mangerait plus que de ce pain-lĂ , maintenant. Ça ne lui avait guĂšre portĂ© bonheur, d’affamer le pauvre monde. Mais les femmes avaient Ă  tirer de lui d’autres vengeances. Elles tournaient en le flairant, pareilles Ă  des louves. Toutes cherchaient un outrage, une sauvagerie qui les soulageĂąt. On entendit la voix aigre de la BrĂ»lĂ©. — Faut le couper comme un matou ! — Oui, oui ! au chat ! au chat !
 Il en a trop fait, le salaud ! DĂ©jĂ , la Mouquette le dĂ©culottait, tirait le pantalon, tandis que la Levaque soulevait les jambes. Et la BrĂ»lĂ©, de ses mains sĂšches de vieille, Ă©carta les cuisses nues, empoigna cette virilitĂ© morte. Elle tenait tout, arrachant, dans un effort qui tendait sa maigre Ă©chine et faisait craquer ses grands bras. Les peaux molles rĂ©sistaient, elle dut s’y reprendre, elle finit par emporter le lambeau, un paquet de chair velue et sanglante, qu’elle agita, avec un rire de triomphe : — Je l’ai ! je l’ai ! Des voix aiguĂ«s saluĂšrent d’imprĂ©cations l’abominable trophĂ©e. Ah ! bougre, tu n’empliras plus nos filles ! — Oui, c’est fini de te payer sur la bĂȘte, nous n’y passerons plus toutes, Ă  tendre le derriĂšre pour avoir un pain. — Tiens ! je te dois six francs, veux-tu prendre un acompte ? moi, je veux bien, si tu peux encore ! Cette plaisanterie les secoua d’une gaietĂ© terrible. Elles se montraient le lambeau sanglant, comme une bĂȘte mauvaise, dont chacune avait eu Ă  souffrir, et qu’elles venaient d’écraser enfin, qu’elles voyaient lĂ , inerte, en leur pouvoir. Elles crachaient dessus, elles avançaient leurs mĂąchoires, en rĂ©pĂ©tant, dans un furieux Ă©clat de mĂ©pris : — Il ne peut plus ! il ne peut plus !
 Ce n’est plus un homme qu’on va foutre dans la terre
 Va donc pourrir, bon Ă  rien ! La BrĂ»lĂ©, alors, planta tout le paquet au bout de son bĂąton ; et, le portant en l’air, le promenant ainsi qu’un drapeau, elle se lança sur la route, suivie de la dĂ©bandade hurlante des femmes. Des gouttes de sang pleuvaient, cette chair lamentable pendait, comme un dĂ©chet de viande Ă  l’étal d’un boucher. En haut, Ă  la fenĂȘtre, Mme Maigrat ne bougeait toujours pas ; mais sous la derniĂšre lueur du couchant, les dĂ©fauts brouillĂ©s des vitres dĂ©formaient sa face blanche, qui semblait rire. Battue, trahie Ă  chaque heure, les Ă©paules pliĂ©es du matin au soir sur un registre, peut-ĂȘtre riait-elle, quand la bande des femmes galopa, avec la bĂȘte mauvaise, la bĂȘte Ă©crasĂ©e, au bout d’un bĂąton. Cette mutilation affreuse s’était accomplie dans une horreur glacĂ©e.
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Émile Zola (Germinal)
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Une image me terrifiait, je le voyais danser avec des femmes d'une quelconque dĂ©lĂ©gation (comme nous, en URSS), j'Ă©tais exclue, toujours la mĂȘme histoire (Et comme j'ai souffert de cela, avec Philippe, ces soirs oĂč il ne rentrait pas, c'Ă©tait donc l'enfer ? Ou bien, ce n'Ă©tait pas pire que maintenant ? Simplement identique ?) Je me souvenais de la chambre de Bordeaux, la dĂ©couverte des draps avec le sang de la virginitĂ© de cette fille (Annie comment ? j'ai oubliĂ©), ma douleur.
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Annie Ernaux (Se perdre (French Edition))
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L'irrĂ©vĂ©rence des jeunes filles devrait ĂȘtre l'objet de toutes nos attentions, elle devrait ĂȘtre archivĂ©e et transmise. Il faudrait les chĂ©rir, ces trop courtes annĂ©es durant lesquelles les jeunes filles ignorent la prudence, le respect et le remords.
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Lola Lafon (Quand tu Ă©couteras cette chanson)
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Les hommes avaient cette odeur et je l'absorbais en touchant les algues, les flotteurs en liĂšge, les nasses. Alors, pas de savon ni de shampoing, c'Ă©taient la mer et le sable bouillant qui s'occupaient de nettoyer le corps. Les cils jaunissaient, les cheveux se dĂ©coloraient en blond, la peau prenait la consistance d'une gousse de caroube. La libertĂ© Ă©tait de s'Ă©paissir, d'avoir une Ă©corce qui grouillait de poils jaunes. L'Ăźle apprenait Ă  ĂȘtre une bĂȘte pour soi, elle donnait au cours la force d'une frontiĂšre. [...] Loin de son rayon, je suis un Ă©tranger. La derniĂšre saison Ă  l’ñge de dix-sept ans environ, avant de me dĂ©tacher de tout, une fille observait mes grains de beautĂ© et y voyait des constellations. Elle appelait ma peau du nom d'un ciel du Sud et un soir, aprĂšs beaucoup de mer, elle l'a embrassĂ©e en disant plus Ă  elle qu'Ă  moi-mĂȘme: "Comme elles sont salĂ©es tes Ă©toiles.
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Erri De Luca (Il piĂč e il meno)
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Est-ce que cette petite fille tĂȘtue n'aurait pas prĂ©fĂ©rĂ© vivre avec un papa plus heureux?
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Anna Gavalda
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Apprendre Ă  aimer cette fille a Ă©tĂ© un Ă©lĂ©ment clĂ© dans ma guĂ©rison, avant mĂȘme que je sois en Ă©tat de comprendre, et d’accepter, que c’était de l’amour.
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Marie-Christine Chartier (Le sommeil des loutres)
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Mais il faut le voir Ă  table comme il la regarde quand elle brille, ses yeux d'animal subjuguĂ©. D'oĂč vient-elle donc cette crĂ©ature ? Pr les mots dans sa bouche, ces idĂ©es qui lui passent par la cervelle, son insatisfaction tout le temps, son intraitable enthousiasme, ce dĂ©sir d'aller voir ailleurs, de marquer les distances, cet Ă©lan qui frise l'injure parfois? Ou va-t-elle chercher tout ça ? Alors, quand leur fille a besoin de sous pour un voyage de classe ou acheter des livres, Mireille et Jean ne rechignent pas. Ils raquent. Ils font ce qu'il faut. C'est leur terrible mĂ©tier de parents, donner Ă  cette gamine les moyens de son Ă©vasion. On a si peu de raison de se rĂ©jouir dans ces endroits qui n’ont ni la mĂšre ni la Tour Eiffel, ou dieu est mort comme partout oĂč la soirĂ©e s’achĂšvent Ă  20 heures en semaine et dans les talus le week-end Car elle et Jeannot savent qu'ils ne peuvent plus grand-chose pour elle. Ils font comme si, mais ils ne sont plus en mesure de faire des choix Ă  sa place. Ils en sont rĂ©duits ça, faire confiance, croiser les doigts, espĂ©rer quils l'ont Ă©levĂ©e comme il faut et que ça suffira. L'adolescence est un assassinat prĂ©mĂ©ditĂ© de longue date et le cadavre de leur famille telle qu'elle fut git dĂ©jĂ  sur le bord du chemin. Il faut dĂ©sormais rĂ©inventer des rĂŽles, admettre des distances nouvelles, composer avec les monstruositĂ©s et les ruades. Le corps est encore chaud. Il tressaille. Mais ce qui existait, l'enfance et ses tendresses Ă©videntes, le rĂšgne indiscutĂ© des adultes et la gamine pile au centre, le cocon et la ouate, les vacances Ă  La Grande-Motte et les dimanches entre soi, tout cela vient de crever. On n'y reviendra plus. Et puis il aimait bien aller Ă  l'hĂŽtel, dont elle rĂ©glait toujours la note. Il apprĂ©ciait la simplicitĂ© des surfaces, le souci ergonome partout, la distance minime entre le lit et la douche, l'extrĂȘme propretĂ© des serviettes de bain, le sol neutre et le tĂ©lĂ©viseur suspendu, les gobelets sous plastique, le cliquetis prĂ©cis de l'huisserie quand la porte se refermait lourdement sur eux, le code wifi prĂ©cisĂ© sur un petit carton Ă  cĂŽtĂ© de la bouilloire, tout ce confort limitĂ© mais invariable. À ses yeux, ces chambres interchangeables n'avaient rien d'anonyme. Il y retrouvait au contraire un territoire ami, elle se disait ouais, les mecs de son espĂšce n'ont pas de rĂ©pit, soumis au travail, paumĂ©s dans leurs familles recomposĂ©es, sans mĂȘme assez de thune pour se faire plaisir, devenus les cons du monde entier, avec leur goĂ»t du foot, des grosses bagnoles et des gros culs. AprĂšs des siĂšcles de rĂšgne relatif, ces pauvres types semblaient bien gĂȘnĂ©s aux entournures tout Ă  coup dans ce monde qu'ils avaient jadis cru taillĂ© Ă  leur mesure. Leur nombre ne faisait rien Ă  l'affaire. Ils se sentaient acculĂ©s, passĂ©s de mode, fonciĂšrement inadĂ©quats, insultĂ©s par l'Ă©poque. Des hommes Ă©levĂ©s comme des hommes, basiques et fĂȘlĂ©s, une survivance au fond. Toute la journĂ©e il dirigeait 20 personnes, gĂ©rait des centaines de milliers d'euros, alors quand il fallait rentrer Ă  la maison et demander cent fois Ă  Mouche de ranger ses chaussettes, il se sentait un peu sous employĂ©. Effectivement. Ils burent un pinot noir d'Alsace qui les dĂ©rida et, dans la chaleur temporaire d'une veille d'enterrement, se retrouvĂšrent. - T'aurais pu venir plus tĂŽt, dit GĂ©rard, aprĂšs avoir mis les assiettes dans le lave-vaisselle. Julien, qui avait un peu trop bu, se contenta d'un mouvement vague, sa tĂȘte dodelinant d'une Ă©paule Ă  l'autre. C'Ă©tait une concession bien suffisante et le pĂšre ne poussa pas plus loin son avantage. Pour motiver son petit frĂšre, Julien a l'idĂ©e d'un entraĂźnement spĂ©cial, qui dĂ©bute par un lavage de cerveau en rĂšgle. Au programme, Rocky, Les Chariots de feu, KaratĂ© Kid, et La Castagne, tout y passe. À chaque fois, c'est plus ou moins la mĂȘme chose : des acteurs torse nu et des sĂ©quences d'entraĂźnement qui transforment de parfaits losers en machines Ă  gagner.
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Nicolas Mathieu (Connemara)
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Elle est trop belle. Trop intelligente. Mais trop jeune. Cette fille sera ta perte
” She is too beautiful. Too smart. But too young. This girl will be your undoing.
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Kate Stewart (Flock (The Ravenhood, #1))
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The second we connect, a tidal wave of awareness crashes into me. That’s when I see it, fucking feel it, and I’m not the only one. A heartbeat later, Delphine confirms it with a French whispered warning. “Elle est trop belle. Trop intelligente. Mais trop jeune. Cette fille sera ta perte . . .” She is too beautiful. Too smart. But too young. This girl will be your undoing . . .
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Kate Stewart (One Last Rainy Day: The Legacy of a Prince (Ravenhood Legacy, #1))
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Adam passa la main dans ses cheveux ras. Il sentit qu'en faisant cela, il ressemblait Ă  un AmĂ©ricain. 'Vous savez quoi?' dit-il; 'vous savez quoi? Nous passons notre temps Ă  faire de la saloperie de cinĂ©ma. Du cinĂ©ma, oui. Du thĂ©Ăątre aussi, et du roman psychologique. Nous n’avons plus grand-chose de simple, nous sommes des cafards, des demi-portions. De vieilles loques. On dirait que nous sommes nĂ©s sous la plume d’un Ă©crivain des annĂ©es trente, prĂ©cieux, beaux, raffinĂ©s, pleins de culture, pleins de cette saloperie de culture. Ça me colle dans les dos comme un manteau mouillĂ©. Ça me colle partout.' 'Eh - qu'est-ce qui est simple, Ă  ce compte-lĂ ?' intervint, assez mal Ă  propos, l'Ă©tudiant Ă  lunettes. 'Comment, qu'est-ce qui est simple? Vous ne le savez pas? Vous ne vous en doutez donc pas quand mĂȘme un peu, vous?' Adam eut un geste vers sa poche pour prendre le paquet de cigarettes, mais, nerveusement, sa main s'arrĂȘta. 'Vous ne la voyez donc pas, cette vie, cette putain de vie, autour de vous? Vous ne voyez pas que les gens vivent, qu'ils vivent, qu'ils mangent, etc? Qu'ils sont heureux? Vous ne voyez pas que celui qui a Ă©crit, "la terre est bleue comme une orange" est un fou, ou un imbĂ©cile? - Mais non , vous vous dites, c'est un gĂ©nie, il a disloquĂ© la rĂ©alitĂ© en deux mots. Ça dĂ©colle de la rĂ©alitĂ©. C'est un charme infantile. Pas de maturitĂ©. Tout ce que vous voudrez. Mais moi, j'ai besoin de systĂšmes, ou alors je deviens fou. Ou bien la terre est orange, ou bien l'orange est bleue. Mais dans le systĂšme qui consiste Ă  se servir de la parole, la terre est bleu et les oranges sont orange. Je suis arrivĂ© Ă  un point oĂč je ne peux plus souffrir d'incartades. Vous comprenez, j'ai trop de mal Ă  trouver la rĂ©alitĂ©. Je manque d'humour? Parce que d'aprĂšs vous il faut de l'humour pour comprendre ça? Vous savez ce que je dis? Je manque si peu d'humour que je suis allĂ© beaucoup plus loin que vous. Et voilĂ . J'en reviens ruinĂ©. Mon humour, Ă  moi, il Ă©tait dans l'indicible. Il Ă©tait cachĂ© et je ne pouvais le dire. Et comme je ne pouvais le mettre en mots, il Ă©tait beaucoup plus Ă©norme que le vĂŽtre. Hein. En fait il n'avait pas de dimensions. Vous savez. Moi je fais tout comme ça. La terre est bleue comme une orange, mais le ciel est nu comme une pendule, l'eau rouge comme un grĂȘlon. Et mĂȘme mieux: le ciel colĂ©optĂšre inonde les bractĂ©es. Vouloir dormir. Cigarette cigare galvaude les Ăąmes. 11Ăš. 887. A, B, C, D, E, F, G, H, I, J, K, L, M, N, O, P, Q, R, S, T, U, V, W, X, Y, Z. et Cie.' 'Attendez, attendez un moment, je -' commença la jeune fille. Adam continua: 'Je voudrais arrĂȘter ce jeu stupide. Si vous saviez comme je voudrais. Je suis Ă©crasĂ©, bientĂŽt presque Ă©crasĂ©..." dit-il, la voix non pas plus faible, mais plus impersonnelle.
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J.M.G. Le Clézio (Le Proces-Verbal (Collection Folio) (French Edition) by Jean-Marie Gustave Le Clezio(1973-03-16))
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laisse au juge le droit d'infliger aux coupables l'une de ces trois peines: l'amende, le fouet ou le mariage; et s'il en faut croire les registres des anciens tribunaux de New-Haven, les poursuites de cette nature n'Ă©taient pas rares; on trouve, Ă  la date du 1er mai 1660, un jugement portant amende et rĂ©primande contre une jeune fille qu'on accusait d'avoir prononcĂ© quelques paroles indiscrĂštes et de s'ĂȘtre laissĂ© donner un baiser. Le code de 1650 abonde en mesures prĂ©ventives. La paresse et l'ivrognerie y sont sĂ©vĂšrement punies.
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Alexis de Tocqueville (De La DĂ©mocratie En AmĂ©rique (INCLUANT TOUS LES TOMES, ANNOTÉ D’UNE BIOGRAPHIE))
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Roy, vous ne comprenez pas. Je n’ai plus rien Ă  dire Ă  cette fille. — Vous ĂȘtes terrible, Goldman : vous ĂȘtes jeune, vous ĂȘtes riche, vous ĂȘtes beau, vous ĂȘtes un Ă©crivain cĂ©lĂšbre et que faites-vous ? Vous vous plaignez. Vous gĂ©missez ! Cessez de jouer les pleureuses grecques, voulez-vous ?
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Joël Dicker (Le Livre des Baltimore (French Edition))
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Daniel hocha la tĂȘte et rĂ©flĂ©chit un moment avant de rĂ©pondre : « Moi aussi, je dirais que nous avons affaire Ă  des hommes. Une femme peut piĂ©ger l’enfant, mais en gĂ©nĂ©ral le meurtre proprement dit est une affaire d’hommes – des hommes ayant dĂ©jĂ  une certaine situation mais dĂ©sirant grimper d’autres Ă©chelons : un membre du parlement qui veut devenir ministre ; un ministre assistant qui veut devenir ministre Ă  part entiĂšre ; un directeur adjoint qui veut devenir directeur ; un homme d’affaires qui prĂ©voit d’étendre ses activitĂ©s – ce genre de choses. Mais tu as quand mĂȘme raison : il peut aussi s’agir d’une femme en quĂȘte de pouvoir : est-ce que l’assassin prĂ©sumĂ© de cette petite fille, Ă  Sanoko, n’était pas censĂ© ĂȘtre une femme ? » Nancy eut une idĂ©e. « Est-ce qu’il peut s’agir d’un ministre, d’un directeur ou d’un homme d’affaires dĂ©sirant se maintenir lĂ  oĂč il est – pour Ă©viter de se faire renverser, si l’on peut dire ? — C’est Ă©galement possible, dit Amantle. Tu as raison ; bien sĂ»r, tu as raison. »
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Unity Dow (The Screaming of the Innocent)
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The view of the strange city with its peculiar architecture, such as he had never seen before, filled Napoleon with the rather envious and uneasy curiosity men feel when they see an alien form of life that has no knowledge of them. This city was evidently living with the full force of its own life. By the indefinite signs which, even at a distance, distinguish a living body from a dead one, Napoleon from the Poklonny Hill perceived the throb of life in the town and felt, as it were, the breathing of that great and beautiful body. Every Russian looking at Moscow feels her to be a mother; every foreigner who sees her, even if ignorant of her significance as the mother city, must feel her feminine character, and Napoleon felt it. "Cette ville asiatique aux innombrables eglises, Moscou la sainte. La voila done enfin, cette fameuse ville! Il etait temps," * said he, and dismounting he ordered a plan of Moscow to be spread out before him, and summoned Lelorgne d'Ideville, the interpreter. * "That Asiatic city of the innumerable churches, holy Moscow! Here it is then at last, that famous city. It was high time." "A town captured by the enemy is like a maid who has lost her honor," thought he (he had said so to Tuchkov at Smolensk). From that point of view he gazed at the Oriental beauty he had not seen before. It seemed strange to him that his long-felt wish, which had seemed unattainable, had at last been realized. In the clear morning light he gazed now at the city and now at the plan, considering its details, and the assurance of possessing it agitated and awed him.
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Leo Tolstoy (War and Peace)
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L'idĂ©ologie trans est un soutien de poids au libertarisme, c'est Ă  dire la libertĂ© de faire ce qu'on veut de son corps, le vendre, multiplier les chirurgies... ; ce libertarisme soutient au mieux l'ultralibĂ©ralisme qui sĂ©vit dans notre pays et dans nombre de pays occidentaux, au dĂ©triment de ceux qui souffrent le plus sur le plan socio-Ă©conomique. Et la distraction offerte par des polĂ©miques bien pauvres comme celles concernant le genre permet d'empĂȘcher la population de rĂ©aliser les vĂ©ritables enjeux socio-Ă©conomiques et Ă©cologiques que nous sommes en train de vivre et qui mĂ©riteraient de rĂ©elles luttes. En matiĂšre d'idĂ©ologie trans, le comble c'est que sous des allures rĂ©volutionnaires, progressistes et libertaires, cette idĂ©ologie protĂšge un pouvoir mĂ©dical au fond trĂšs normalisant de la personnalitĂ© et du genre, ce que Foucault pourrait soutenir. De mĂȘme que sur le plan Ă©conomique, elle soutient le pouvoir et accroĂźt la clientĂšle des grandes firmes pharmaceutiques, dont certains mĂ©decins pro-trans sont parfois consultants, mode de fonctionnement non rare dans le monde mĂ©dical. Les rĂ©actionnaires ne sont pas du cĂŽtĂ© qu'on croit..., mais qui veut l'entendre ?
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Marie-Jo Bonnet (Quand les filles deviennent des garçons (French Edition))
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responsabilitĂ© de l'offre qu'elle venait lui faire. L'employĂ© fut pris en effet d'une sourde irritation. —Voyons, achĂšve! dit-il. Pourquoi veut-on marier cette jeune fille? —Elle sortait de pension, reprit la courtiĂšre d'une voix dolente, un homme l'a perdue, Ă  la campagne, chez les parents d'une de ses amies. Le pĂšre vient de s'apercevoir de la faute. Il voulait la tuer. La tante, pour sauver la chĂšre enfant, s'est faite complice, et, Ă  elles deux, elles ont contĂ© une histoire au pĂšre, elles lui ont dit que le coupable Ă©tait un honnĂȘte garçon qui ne demandait qu'Ă  rĂ©parer son Ă©garement d'une heure.
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Émile Zola (La curĂ©e (French Edition))
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— Je ne veux pas remettre ça sur le tapis, mais MĂ©dĂ©e a vraiment dit « agape » cette fois-ci, dĂ©clare Deimos. Ella affiche un large sourire amusĂ©. — Amour, on en a dĂ©jĂ  discutĂ©, MĂ©dĂ©e n’a que cinq mois. — Et alors ? Elle est en avance sur tout mortel de son Ăąge, bien sĂ»r. C’est notre fille. — Oui, tu es exceptionnelle ma puce, mais papa dit n’importe quoi. MĂ©dĂ©e, elle, gazouille, au comble du bonheur d’avoir ses deux parents penchĂ©s sur elle.
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Liv Stone (Insoumise Méroé (Witch and God, #3))
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Ainsi s’approchait-il du gouffre, aprĂšs avoir Ă©tĂ© tentĂ© par le gouffre, ne sachant plus qu’il en Ă©tait un. Et leur roman, le roman d’AurĂ©lien et de BĂ©rĂ©nice Ă©tait dominĂ© par cette contradiction dont leur premiĂšre entrevue avait portĂ© le signe : la dissemblance entre la BĂ©rĂ©nice qu’il voyait et la BĂ©rĂ©nice que d’autres pouvaient voir, le contraste entre cette enfant spontanĂ©e, gaie, innocente et l’enfer qu’elle portait en elle, la dissonance de BĂ©rĂ©nice et de son ombre. Peut-ĂȘtre Ă©tait-ce lĂ  ce qui expliquait ses deux visages, cette nuit et ce jour qui paraissaient deux femmes diffĂ©rentes. Cette petite fille qui s’amusait d’un rien, cette femme qui ne se contentait de rien. Car BĂ©rĂ©nice avait le goĂ»t de l’absolu.
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Louis Aragon (Aurélien)
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C'est pour cette raison que je suis devenue une putain, a-t-elle expliquĂ© en continuant Ă  dessiner. J'avais tellement peur d'ĂȘtre envoyĂ©e Ă  l'asile. Je couchais avec tous les hommes que je pouvais trouver. On n'essaie pas de guĂ©rir une femme qui couche avec des hommes. On la paie. Le plus drĂŽle, c'Ă©tait que mes parents, ça les dĂ©rangeait pas que j'aille avec des dizaines et des dizaines d'hommes. Ils trouvaient ça moins honteux que d'aller avec une fille. (...) Ne laisse pas un telle chose t'arriver, Betty. N'aie pas peur d'ĂȘtre toi-mĂȘme. Faut pas que tu vives aussi longtemps pour t'apercevoir Ă  la fin que tu n'as pas vĂ©cu du tout.
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Tiffany McDaniel, Betty
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En avançant dans l’écoute [d’un enregistrement d’une rĂ©union qui s’était tenue chez François] cependant j’ai commencĂ© Ă  faire la grimace. Du haut de mes trente-quatre ans, forte de mes lectures, de mon Ă©criture, baignĂ©e dans l’ùre post #metoo, l’ambiance m’est enfin apparue dans ce qu’elle avait de violent. Cette culture de la vanne bien placĂ©e, des rires gras, des piques incessantes, ne faisait aucune place Ă  un partage sincĂšre d’émotions. L’ironie Ă©tait partout, Ă©puisante. Dans les accents de ma voix j’ai reconnu le contentement, le si pathĂ©tique contentement, que je ressentais Ă  chaque fois que je parvenais avec l’une de mes rĂ©pliques Ă  tirer quelques Ă©clats de rire. J’ai reconnu la fiertĂ© que j’avais d’ĂȘtre cette jeune fille qui se fait sa place au milieu des hommes. Ça m’a frappĂ©, la façon que j’avais de m’occuper, seule, du bien-ĂȘtre de tous, « quelqu’un veut quelque chose Ă  boire ? », de l’avancement du repas, « Vincent, tu peux mettre la table ? ». Oh c’était subtile, ils ne restaient pas tous assis le cul sur leur chaise, sinon ça aurait Ă©tĂ© trop remarquable et je me serais insurgĂ©e, mais c’était en mĂȘme temps tout Ă  fait flagrant. Je ne parle mĂȘme pas des autres fonctions que je ne remplissais, la naĂŻve, la bourgeoise, sans que je ne me prenne jamais au sĂ©rieux, ni que d’autres le fassent Ă  ma place. Pendant que j’écoutais cette version plus jeune de moi-mĂȘme se tordre pour occuper la place qu’elle Ă©tait si avide de se faire, je me suis rendu compte d’une chose Ă©tonnante. Je ressentais pour elle de la pitiĂ©. Mieux : de l’indulgence. Pour la premiĂšre fois, je sentais la domination masculine, non comme quelque chose ayant une existence extĂ©rieure Ă  moi, apprĂ©hendĂ©e seulement par la raison, mais comme quelque chose dont j’avais fait l’expĂ©rience. Le fĂ©minisme m’était entrĂ© dans le corps. Ce qui valait pour ma place Ă  Fakir valait aussi pour ma relation avec François, et dans ce domaine-lĂ  aussi, la duretĂ© avec laquelle je m’étais jugĂ©e moi-mĂȘme a disparu. (p. 85-86)
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Johanna Silva (L'amour et la révolution)
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Tomber menstruĂ©e." Cette expression-lĂ  m'a longtemps titillĂ©e. C'est bizarre, parce que ça me rappelle une expression que ma grand-mĂšre disait souvent : "Tomber, c'est aussi se relever." C'est peut-ĂȘtre parce que j'ai cette idĂ©e-lĂ  en tĂȘte que j'imagine les menstruations comme une course Ă  obstacles. Des fois, on saute une journĂ©e, parfois on vise mal et on coule dans nos culottes, parfois on a chaud... Ça rend la semaine plus facile, de la voir comme un parcours d'athlĂ©tisme. Et puis, c'est drĂŽle, mais Ă  cause de cette image de course, j'ai toujours pensĂ© que les filles Ă©taient de bien meilleures cascadeuses que les garçons.
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GeneviĂšve Morin (Ma premiĂšre fois - Huit nouvelles pour changer les rĂšgles:)
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Les vacances arrivent. Agathe Ă©tudie l'art Ă  la Sorbonne. Ce matin, Ă  onze heures, son cours d'histoire de la peinture se termine. Avec son amie Émilie, elle sort de la salle. Elles discutent. Émilie : - Enfin, nous sommes en vacances! Quinze jours de libertĂ© et de repos ! Agathe : - C'est dĂ©cidĂ©, aujourd'hui, je cherche du travail ! Eva rejoint Agathe et Emilie Ă  la sortie de la facultĂ©. Cette jeune espagnole est une Ă©tudiante Erasmus. Elle apprend l'art et le français. Eva : - Attendez-moi, les filles ! Je prends le mĂ©tro avec vous. Émilie : - Tu connais la nouvelle du jour, Eva ? Agathe veut trouver du travail pendant les vacances. DrĂŽle d'idĂ©e ! Et elle commence ses recherches un vendredi aprĂšs-midi !
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Patricia Derycke (Agathe et autres petites histoires)
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Elle est trop belle. Trop intelligente. Mais trop jeune. Cette fille sera ta perte . . .” She is too beautiful. Too smart. But too young. This girl will be your undoing . .
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Kate Stewart (One Last Rainy Day: The Legacy of a Prince (Ravenhood Legacy, #1))
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Des milliers de filles ont monté un escalier, frappé à une porte derriÚre laquelle il y avait une femme dont elles ne savaient rien, à qui elles allaient abandonner leur sexe et leur ventre. Et cette femme, la seule personne alors capable de faire passer le malheur, ouvrait la porte, en tablier et en pantoufles à pois, un torchon à la main : « C'est pour quoi, mademoiselle ? »
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Annie Ernaux