“
Le sage parfait, selon la doctrine taoïste, est celui qui est parvenu au point central et qui y demeure en union indissoluble avec le Principe, participant de son immutabilité et imitant son « activité non-agissante » : « Celui qui est arrivé au maximum du vide, dit Lao-tseu, celui-là sera fixé solidement dans le repos… Retourner à sa racine (c’est-à-dire au Principe, à la fois origine première et fin dernière de tous les êtres) (4), c’est entrer dans l’état de repos » (5). Le « vide » dont il s’agit ici, c’est le détachement complet à l’égard de toutes les choses manifestées, transitoires et contingentes, détachement par lequel l’être échappe aux vicissitudes du « courant des formes », à l’alternance des états de « vie » et de « mort », de « condensation » et de « dissipation » (Aristote, dans un sens semblable, dit « génération » et « corruption »), passant de la circonférence de la « roue cosmique » à son centre, qui est désigné lui-même comme « le vide (le non-manifesté) qui unit les rayons et en fait une roue » (6). « La paix dans le vide, dit Lie-tseu, est un état indéfinissable ; on ne la prend ni ne la donne; on arrive à s’y établir » (7). « À celui qui demeure dans le non-manifesté, tous les êtres se manifestent… Uni au Principe, il est en harmonie, par lui, avec tous les êtres. Uni au Principe, il connaît tout par les raisons générales supérieures, et n’use plus, par suite, de ses divers sens, pour connaître en particulier et en détail. La vraie raison des choses est invisible, insaisissable, indéfinissable, indéterminable. Seul l’esprit rétabli dans l’état de simplicité parfaite, peut l’atteindre dans la contemplation profonde » (8). On voit ici la différence qui sépare la connaissance transcendante du sage du savoir ordinaire ou « profane » ; et la dernière phrase doit tout naturellement rappeler cette parole de l’Évangile : « Quiconque ne recevra point le Royaume de Dieu comme un enfant, n’y entrera point » (9). Du reste, les allusions à cette « simplicité », regardée comme caractéristique de l’« état primordial », ne sont pas rares dans le Taoïsme ; et de même, dans les doctrines hindoues, l’état d’« enfance » (en sanscrit bâlya), entendu au sens spirituel, est considéré comme une condition préalable pour l’acquisition de la connaissance par excellence.
[Le Centre du Monde dans les doctrines extrême-orientales. - Regnabit, mai 1927]
”
”