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De quoi en effet deux hommes auraient-ils bien pu discuter, Ă partir dâun certain Ăąge ? Quelle raison deux hommes auraient-ils pu dĂ©couvrir dâĂȘtre ensemble, hormis bien sĂ»r le cas dâun conflit dâintĂ©rĂȘts, hormis aussi le cas oĂč un projet quelconque (renverser un gouvernement, construire une autoroute, Ă©crire un scĂ©nario de bande dessinĂ©e, exterminer les Juifs) les rĂ©unissait ? Ă partir dâun certain Ăąge (je parle dâhommes dâun certain niveau dâintelligence, et non de brutes vieillies), il est bien Ă©vident que tout est dit. Comment un projet intrinsĂšquement aussi vide que celui de passer un moment ensemble aurait-il pu, entre deux hommes, dĂ©boucher sur autre chose que sur lâennui, la gĂȘne, et au bout du compte lâhostilitĂ© franche ? Alors quâentre un homme et une femme il subsistait toujours, malgrĂ© tout, quelque chose : une petite attraction, un petit espoir, un petit rĂȘve. Fondamentalement destinĂ©e Ă la controverse et au dĂ©saccord, la parole restait marquĂ©e par cette origine belliqueuse. La parole dĂ©truit, elle sĂ©pare, et lorsque entre un homme et une femme il ne demeure plus quâelle on considĂšre avec justesse que la relation est terminĂ©e. Lorsque au contraire elle est accompagnĂ©e, adoucie et en quelque sorte sanctifiĂ©e par les caresses, la parole elle-mĂȘme peut prendre un sens diffĂ©rent, moins dramatique mais plus profond, celui dâun contrepoint intellectuel dĂ©tachĂ©, sans enjeu immĂ©diat, libre.
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