Bon Qui Qui Quotes

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PensĂ©e d’un philosophe polonais Il y a des gens formidables Qu’on rencontre au mauvais moment. Et il y a des gens qui sont formidables Parce qu’on les rencontre au bon moment.
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David Foenkinos (Delicacy)
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Ce qui m'effraie, ce n'est pas l'oppression des méchants; c'est l'indifférence des bons.
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Martin Luther King Jr.
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Celui-la seul qui a eprouve l'extreme infortune est apte a ressentir l'extreme felicite. Il faut avoir voulu mourir pour savoir combien el est bon de vivre.
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Alexandre Dumas (Le Comte de Monte-Cristo: Tome 1)
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Il m'arrive de penser que ce serait sympa de trouver des mecs intelligents qui veuillent bien travailler seize heures par jour pour des clopinettes –mais bon, s'ils le voulaient bien, ils ne seraient pas si intelligents.
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Luke Rhinehart
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Le sage, le bon gĂ©nĂ©ral ou le mĂ©decin clairvoyant est celui qui sait voir et lire lĂ  oĂč les autres ne voient encore rien.
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Marcel Granet
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L'Occident : une pourriture qui sent bon, un cadavre parfumé.
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Emil M. Cioran
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Il serait peut-ĂȘtre bon, il serait peut-ĂȘtre temps de se demander si la perfection n’est pas dans l’enfance, si l’adulte n’est pas qu’un enfant qui a commencĂ© Ă  pourrir.
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René Barjavel (La Nuit des temps)
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On s'ennuie de tout, mon ange, c'est une loi de la nature; ce n'est pas ma faute. Si donc, je m'ennuie aujourd'hui d'une aventure qui m'a occupĂ© entiĂšrement depuis quatre mortels mois, ce n'est pas ma faute. Si, par exemple, j'ai eu juste autant d'amour que toi de vertu, et c'est surement beaucoup dire, il n'est pas Ă©tonnant que l'un ait fini en mĂȘme temps que l'autre. Ce n'est pas ma faute. Il suit de lĂ , que depuis quelque temps je t'ai trompĂ©e: mais aussi ton impitoyable tendresse m'y forçait en quelque sorte! Ce n'est pas ma faute. Aujourd'hui, une femme que j'aime Ă©perdument exige que je te sacrifie. Ce n'est pas ma faute. Je sens bien que voilĂ  une belle occasion de crier au parjure: mais si la Nature n'a accordĂ© aux hommes que la constance, tandis qu'elle donnait aux femmes l'obstination, ce n'est pas ma faute. Crois-moi, choisis un autre amant, comme j'ai fait une maĂźtresse. Ce conseil est bon, trĂšs bon; si tu le trouve mauvais, ce n'est pas ma faute. Adieu, mon ange, je t'ai prise avec plaisir, je te quitte sans regrets: je te reviendrai peut-ĂȘtre. Ainsi va le monde. Ce n'est pas ma faute.
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Pierre Choderlos de Laclos (Les liaisons dangereuses)
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Le bon sens est la chose du monde la mieux partagĂ©e : car chacun pense en ĂȘtre si bien pourvu, que ceux mĂȘme qui sont les plus difficiles Ă  contenter en toute autre chose, n'ont point coutume d'en dĂ©sirer plus qu'ils en ont.
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René Descartes (Discourse on Method)
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La personne, homme ou femme, qui n'Ă©prouve pas de plaisir Ă  la lecture d'un bon roman ne peut qu'ĂȘtre d'une bĂȘtise intolĂ©rable.
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Jane Austen (Northanger Abbey)
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Le mal qui est dans le monde vient presque toujours de l'ignorance, et la bonne volonté peut faire autant de dégùts que la méchanceté, si elle n'est pas éclairée. Les hommes sont plutÎt bons que mauvais, et en vérité ce n'est pas la question. Mais ils ignorent plus ou moins, et c'est ce qu'on appelle vertu ou vice, le vice le plus désespérant étant celui de l'ignorance qui croit tout savoir et qui s'autorise alors à tuer. L'ùme du meurtrier est aveugle et il n'y a pas de vraie bonté ni de bel amour sans toute la clairvoyance possible.
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Albert Camus
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Dit comme ça, c'Ă©tait un peu cucul Ă©videmment, mais bon, c'Ă©tait la vĂ©ritĂ© et il y avait bien longtemps que le ridicule ne les tuait plus: pour la premiĂšre fois et tous autant qu'ils Ă©taient, ils eurent l'impression d'avoir une vraie famille. Mieux qu'une vraie d'ailleurs, une voulue, une pour laquelle ils s'Ă©taient battus et qui ne leur demandait rien d'autre en Ă©change que d'ĂȘtre heureux ensemble. MĂȘme pas heureux d'ailleurs, ils n'Ă©taient plus si exigeants. D'ĂȘtre ensemble, c'est tout. Et dĂ©jĂ  c'Ă©tait inesperĂ©.
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Anna Gavalda (Hunting and Gathering)
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C'est aux arabes que les habitants de l'Europe empruntÚrent, avec les lois de la chevalerie, le respect galant des femmes, qu'imposaient ces lois. Ce ne fut donc pas le christianisme, ainsi qu'on le croit généralement, mais bien l'Islam qui révéla la femme.
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Gustave Le Bon (ۭ۶ۧ۱۩ Ű§Ù„Űč۱ۚ)
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Un bon livre se retrouve toujours entre les mains d'un lecteur libre. Sinon il n'y reste pas longtemps, le mauvais lecteur cherche Ă  se dĂ©barrasser de tout ce qui ne ressemble pas Ă  ce qu'il a dĂ©jĂ  lu. Lire n'est pas nĂ©cessaire pour le corps (cela peut mĂȘme se rĂ©vĂ©ler nocif), seul l'oxygĂšne l'est. Mais un bon livre oxygĂšne l'esprit.
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Dany LaferriĂšre (L'art presque perdu de ne rien faire)
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vivre dans la vĂ©ritĂ©, ne mentir ni Ă  soi-mĂȘme ni aux autres, ce n'est possible qu'Ă  la condition de vivre sans public. DĂšs lors qu'il y a un tĂ©moin Ă  nos actes, nous nous adaptons bon grĂ© mal grĂ© aux yeux qui nous observent, et plus rien de ce que nous faisons n'est vrai. Avoir un public, penser Ă  un public, c'est vivre dans le mensonge (partie III, ch. 7)
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Milan Kundera (The Unbearable Lightness of Being)
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Je suis trĂšs content de mon bonheur, je puis encore le subir un bon moment. Seulement, quand il me donne une heure de rĂ©pit pour prendre conscience, pour redevenir nostalgique, alors toute cette nostalgie tend non pas Ă  garder toujours ce bonheur, mais Ă  souffrir encore, en plus grand, en plus beau qu'autrefois. Je me consume du besoin d'une souffrance qui me rende prĂȘt et dĂ©sireux de mourir.
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Hermann Hesse (Steppenwolf)
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Je ne vois que las condamnation a mort qui distingue un homme, pensa Mathilde, c'est la seule chose qui ne s'achete pas. Ah! c'est un bon mot que je viens de me dire! quel dommage qu'il ne soit pas venu de facon a m'en faire honneur. Mathilde avait trop de gout pour amener dans la conversation un bon mot fait d'avance, mais elle avait aussie trop de vanite pour ne pas etre enchantee d'elle-meme.
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Stendhal (Le Rouge Et Le Noir, Stendhal)
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Le matin, quand tu te rĂ©veilles et que ça ne va pas fort, cherche la petite lumiĂšre qui Ă©clairera ta journĂ©e: un cafĂ© pris avec une amie, une balade, quelques pages d'un bon livre, un instant de musique
 Si tu ne la trouves pas, invente-la
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Janine Boissard
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la moquerie peut avoir du bon pour rĂ©former un caractĂšre vicieux, mais lorsqu’elle s’adresse Ă  l’ignorance, elle est une marque de sottise chez celui qui l’emploie.
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Hector Malot (Sans Famille)
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Le bon cĂŽtĂ© du temps qui passe trop lentement, c’est qu’il finit quand mĂȘme par passer : la fin de l’annĂ©e approche.
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Riad Sattouf (Les Cahiers d'Esther : Histoires de mes 12 ans (Tome 3))
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Les corbeaux se souviennent des visages humains. Ils n'oublient pas ceux qui les ont nourris, qui se sont montrés bons avec eux. Pas plus que ceux qui leur ont fait du mal.
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Leigh Bardugo (Six of Crows (Six of Crows, #1))
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A quelque chose malheur est bon, pour qui sait réfléchir.
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George Sand
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Et je voudrais mourir, un soir, sous un ciel rose En faisant un bon mot, pour une belle cause ! Oh ! frappĂ© par la seule arme noble qui soit, Et par un ennemi qu'on sait digne de soi, Sur un gazon de gloire et loin d'un lit de fiĂšvres, Tomber la pointe au coeur en mĂȘme temps qu'aux lĂšvres !
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Edmond Rostand (Cyrano de Bergerac)
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Comment, avec votre bon sens, pouvez-vous ĂȘtre aussi loyalement aveuglĂ©e sur la sottise d’autrui ? Il n’y a que vous qui ayez assez de candeur pour ne voir jamais chez les gens que leur bon cĂŽtĂ©...
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Jane Austen (Pride and Prejudice)
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Mais je me bats pour lui. Du moins, pour les hommes comme lui. Les gens biens. Ceux qui sont bons et sages, qui voient le monde tel qu'il devrait ĂȘtre, mais qui parlent moins fort que les connards.
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Pierce Brown (Morning Star (Red Rising Saga, #3))
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Il est bon de savoir quelque chose des moeurs de divers peuples, afin de juger des notres plus sainement et que nous ne pensions pas que tout ce qui est contre nos modes soit ridicule et contre raison, ainsi qu'ont coutume de faire ceux qui n'ont rien vu; mais lorsqu'on emploie trop de temps à voyager on devient enfin étranger en son pays; et lorsqu'on est trop curieux des choses qui se pratiquaient aux siÚcles passés, on demeure ordinairement fort ignorant de celles qui se pratiquent en celui-ci.
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René Descartes (Discours de la méthode: suivi des Méditations métaphysiques)
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Elle ne faisait que divaguer de bonheur et d'optimisme, comme tous les gens qui sont du bon cÎté de la vie, celui des privilÚges, de la santé, de la sécurité et qui en ont encore pour longtemps à vivre
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Louis-Ferdinand CĂ©line (Voyage au bout de la nuit)
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Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie. Le Renard s'en saisit, et dit : "Mon bon Monsieur, Apprenez que tout flatteur Vit aux dépens de celui qui l'écoute : Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute.
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Jean de la Fontaine (La Fontaine - La Totale (illustré) - Toutes les Fables (Les fables de Lafontaine t. 1) (French Edition))
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La vie est une succession de moments qui ne cessent de changer, comme les pensĂ©es. Parfois ça va, parfois ça ne va pas. MĂȘme si c'est dans la nature humaine de ruminer, il ne faut pas se laisser envahir par une pensĂ©e nĂ©gative, parce que les pensĂ©es sont comme des invitĂ©s, ou des amies des bons jours. SitĂŽt arrivĂ©es, certaines peuvent s'Ă©vaporer, et mĂȘme celles que l'on rumine longtemps peuvent disparaĂźtre en un instant. Les moments sont prĂ©cieux. Parfois ils trainent, d'autres fois ils nous Ă©chappent, et cependant on pourrait tant en profiter. Il suffit de les saisir...
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Cecelia Ahern (How to Fall in Love)
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je finirai bien par te rencontrer quelque part bon dieu! et contre tout ce qui me rend absent et douloureux par le mince regard qui me reste au fond du froid j'affirme ĂŽ mon amour que tu existes je corrige notre vie nous n'irons plus mourir de langueur Ă  des milles de distance dans nos rĂȘves bourrasques des filets de sang dans la soif craquelĂ©e de nos lĂšvres les Ă©paules baignĂ©es de vols de mouettes non j'irai te chercher nous vivrons sur la terre la dĂ©tresse n'est pas incurable qui fait de moi une Ă©pave de dĂ©rision, un ballon d'indĂ©cence un pitre aux larmes d'Ă©tincelles et de lĂ©sions profondes frappe l'air et le feu de mes soifs coule-moi dans tes mains de ciel de soie la tĂȘte la premiĂšre pour ne plus revenir
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Gaston Miron (L'Homme rapaillé)
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Elle aurait écouté des heures durant cette parole arrachée à l'épaisseur des jours. Parce que le temps passé à se parler ainsi n'est pas du temps, c'est de la lumiÚre. Le temps passé à se parler ainsi, c'est de l'eau qui lave l'ùme, le bon ange.
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Yanick Lahens (Bain de lune)
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Seuls ceux qui sont amoureux de la sagesse auraient envie de penser. Cela revient Ă  une tautologie dĂ©cevante. Pour ĂȘtre apte Ă  penser, il faudrait aimer la beautĂ© et la justice et donc avoir une Ăąme bonne. Le monde serait divisĂ© en bons et en mĂ©chants sans qu’on sache pourquoi. Cette division, c’est exactement ce que nous ne cherchions pas. DĂšs lors il faut reprendre l’analyse.
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Hannah Arendt
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Nous sommes les joyeux drilles, les boute-en-train, toi, moi et les autres. Nous faisons front contre la marée de ceux qui veulent plonger le monde dans la désolation en suscitant le conflit entre la théorie et la pensée. Nous avons les doigts accrochés au parapet. Tenons bon. Ne laissons pas le torrent de la mélancolie et de la triste philosophie noyer notre monde. Nous comptons sur toi. Je ne crois pas que tu te rendes compte de ton importance, de notre importance pour protéger l'optimisme de notre monde actuel.
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Ray Bradbury (Fahrenheit 451)
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Quand on parvient Ă  s’aimer vraiment, on attire Ă  soi les bonnes personnes, et le bon niveau d’échange et de complicitĂ© se crĂ©e. C’est l’association de deux ĂȘtres indĂ©pendants, qui peuvent d’autant plus s’aimer qu’ils n’ont pas besoin l’un de l’autre pour le quotidien.
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Bernard Werber (La Voix de la terre)
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Mais comment l'avez-vous remarquĂ©e? Vous allez Ă  la mosquĂ©e mais vous prĂȘtez plus d'attention aux gens qui vous entourent qu'Ă  Dieu. Si vous Ă©tiez les bons croyants que vous prĂ©tendez ĂȘtre, vous ne vous seriez mĂȘme pas aperçu de la prĂ©sence de cette femme, eut-elle Ă©tĂ© nue.
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Elif Shafak (The Forty Rules of Love)
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Pourquoi nous haĂŻr? Nous sommes solidaires, emportĂ©s par la mĂȘme planĂȘte, Ă©quipage d'un mĂȘme navire. Et s'il est bon que des civilisations s'opposent pour favoriser des synthĂšses nouvelles, il est monstrueux qu'elles s'entre-dĂ©vorent. Puisqu'il suffit, pour nous dĂ©livrer, de nous aider Ă  prendre conscience d'un but qui nous relie les uns aux autres, autant le chercher lĂ  oĂč il nous unit tous. (Terre des Hommes, ch. VIII)
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Antoine de Saint-Exupéry
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Des quantitĂ©s de livres dorment ainsi en moi, des bons et des mauvais, de tout genre. Des phrases, des mots, des alinĂ©as et des vers qui, pareils Ă  des locataires remuants, reviennent brusquement Ă  la vie, errent solitaires ou entament dans ma tĂȘte de bruyants bavardages que je suis incapable de faire taire.
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Imre Kertész (Liquidation)
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... m'emplissait d'un bonheur vivant, d'un vrai bonheur. J'en avais sur la peau, j'en avais dans la chair, j'en avais dans le sang; il descendait jusque dans l'Ăąme. A cet Ăąge-lĂ  on est ignorant. Mais je sentais bien que ma joie de vivre Ă©tait plus grande que mon corps, et je me disais: "Pascalet, c'est l'ange du Bon Dieu qui remue de plaisir en toi. Traite-le bien." Pascalet ~ "L'enfant et la riviĂšre Traduction en grecque: ... ΌΔ ÎłÎ­ÎŒÎčζΔ ΌΔ ÎŒÎčα Î”Ï…Ï„Ï…Ï‡ÎŻÎ± Î¶Ï‰ÎœÏ„Î±ÎœÎź, ΌΔ ÎŒÎčα Ï€ÏÎ±ÎłÎŒÎ±Ï„ÎčÎșÎź Î”Ï…Ï„Ï…Ï‡ÎŻÎ±. ΀ηΜ αÎčÏƒÎžÎ±ÎœÏŒÎŒÎżÏ…Îœ Ï€ÎŹÎœÏ‰ ÏƒÏ„Îż ΎέρΌα ÎŒÎżÏ…, Όέσα στη ÏƒÎŹÏÎșα ÎŒÎżÏ…, Όέσα ÏƒÏ„Îż Î±ÎŻÎŒÎ± ÎŒÎżÏ… · ÎșατέÎČαÎčΜΔ ΌέχρÎč τηΜ ÏˆÏ…Ï‡Îź ÎŒÎżÏ…. ΔΔΜ ÎźÎŸÎ”ÏÎ± τÎč Î”ÎŻÎœÎ±Îč η ÏˆÏ…Ï‡Îź. ΣΔ Î±Ï…Ï„Îź τηΜ ηλÎčÎșία ΎΔ ÎłÎœÏ‰ÏÎŻÎ¶ÎżÏ…ÎŒÎ” Ï€ÎżÎ»Î»ÎŹ. ΌΌως αÎčÏƒÎžÎ±ÎœÏŒÎŒÎżÏ…Îœ Î­ÎœÏ„ÎżÎœÎ± ότÎč η Ï‡Î±ÏÎŹ Ï„ÎżÏ… Μα ζω ÎźÏ„Î±Îœ ÎŒÎ”ÎłÎ±Î»ÏÏ„Î”ÏÎ· από Ï„Îż σώΌα ÎŒÎżÏ… ÎșαÎč έλΔγα ÏƒÏ„ÎżÎœ Δαυτό ÎŒÎżÏ…: "ΠασÎșαλέ, Î”ÎŻÎœÎ±Îč Îż ÎŹÎłÎłÎ”Î»ÎżÏ‚ Ï„ÎżÏ… ÎšÎ±Î»ÎżÏ Î˜Î”ÎżÏ Ï€ÎżÏ… ÎșÎčÎœÎ”ÎŻ τηΜ Î”Ï…Ï„Ï…Ï‡ÎŻÎ± Όέσα ÏƒÎżÏ…. ÎŠÎ­ÏÏƒÎżÏ… της ÎșαλΏ".
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Henri Bosco (L'enfant et la riviĂšre)
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Vouloir 'contrĂŽler la nature' est une arrogante prĂ©tention, nĂ©e d'une biologie et d'une philosophie qui en sont encore Ă  l'Ăąge de NĂ©andertal, oĂč l'on pouvait croire la nature destinĂ©e Ă  satisfaire le bon plaisir de l'homme. Les concepts et les pratiques de l'entomologie appliquĂ©e reflĂštent cet Ăąge de pierre de la science. Le malheur est qu'une si primitive pensĂ©e dispose actuellement des moyens d'action les plus puissants, et que, en orientant ses armes contre les insectes, elle les pointe aussi contre la terre.
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Rachel Carson (Silent Spring)
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dans la ville sur le trottoir en face de quelqu'un qui nous énerve en ne marchant pas du bon cÎté qui ne se tassera évidemment pas comme un poÚte qui ne finit pas son
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Philippe Chagnon (Arroser l'asphalte)
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Il (l'homme) ne te donnera jamais que ce qui ne lui est bon Ă  rien, et te demandera toujours ce qui lui est utile.
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Denis Diderot
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Nous seules savons ce qui est bon pour nous. C’est juste que, des fois, on ne cherche pas à la bonne place.
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Amélie Riopel (Partir de nulle part (French Edition))
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comme tout ignorant qui triomphe. Rien n’était poignant et terrible comme cette figure oĂč se montrait ce qu’on pourrait appeler tout le mauvais du bon.
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Victor Hugo (Les Misérables: Roman (French Edition))
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De mĂȘme, ces obsĂ©dĂ©s des points de suspension semblent vous dire : ah, si on me laissait faire, vous verriez cette superbe description que je vous brosserais lĂ , et ce dialogue percutant, et cette analyse brillante. J'ai tout ça au bout des doigts, mais bon je me retiens. pour cette fois ! On a envie de leur suggĂ©rer Ă  l'oreille : laissez-vous donc tenter, mon vieux, ne muselez plus ainsi ce gĂ©nie qu'on devine en vous et qui ne demande qu'Ă  nous exploser Ă  la gueule. LĂąchez-vous et le monde de la littĂ©rature en sera sous le choc, je vous le garantis.
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Anne-Laure Bondoux (Et je danse, aussi)
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Sous quelque habit que ce soit, je n’en sentirai pas moins les misĂšres de l’existence humaine. Je suis trop vieux pour jouer encore, trop jeune pour ĂȘtre sans dĂ©sirs. Qu’est-ce que le monde peut m’offrir de bon ? Tout doit te manquer, tu dois manquer de tout ! VoilĂ  l’éternel refrain qui tinte aux oreilles de chacun de nous, et ce que, toute notre vie, chaque heure nous rĂ©pĂšte d’une voix cassĂ©e.
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Johann Wolfgang von Goethe (Faust (tomes 1 et 2) (French Edition))
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D'ailleurs, les hommes sont peut-ĂȘtre indiffĂ©rents au pouvoir... Ce qui les fascine dans cette idĂ©e, voyez-vous, ce n'est pas le pouvoir rĂ©el, c'est l'illusion du bon plaisir. Le pouvoir du roi, c'est de gouverner, n'est-ce pas ? Mais l'homme n'a pas envie de gouverner : il a envie de contraindre, vous l'avez dit. D'ĂȘtre plus qu'un homme dans un monde d'hommes. Échapper Ă  la condition humaine, vous disais-je. Non pas puissant : tout-puissant. La maladie chimĂ©rique, dont la volontĂ© de puissance n'est que la justification intellectuelle, c'est la volontĂ© de dĂ©itĂ© : tout homme rĂȘve d'ĂȘtre dieu.
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André Malraux (Man's Fate)
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Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai, J’ai compris qu'en toutes circonstances, J’étais Ă  la bonne place, au bon moment. Et alors, j'ai pu me relaxer. Aujourd'hui je sais que cela s'appelle... l'Estime de soi. Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai, J’ai pu percevoir que mon anxiĂ©tĂ© et ma souffrance Ă©motionnelle N’étaient rien d'autre qu'un signal Lorsque je vais Ă  l'encontre de mes convictions. Aujourd'hui je sais que cela s'appelle... l'AuthenticitĂ©. Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai, J'ai cessĂ© de vouloir une vie diffĂ©rente Et j'ai commencĂ© Ă  voir que tout ce qui m'arrive Contribue Ă  ma croissance personnelle. Aujourd'hui, je sais que cela s'appelle... la MaturitĂ©. Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai, J’ai commencĂ© Ă  percevoir l'abus Dans le fait de forcer une situation ou une personne, Dans le seul but d'obtenir ce que je veux, Sachant trĂšs bien que ni la personne ni moi-mĂȘme Ne sommes prĂȘts et que ce n'est pas le moment... Aujourd'hui, je sais que cela s'appelle... le Respect. Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai, J’ai commencĂ© Ă  me libĂ©rer de tout ce qui n'Ă©tait pas salutaire, personnes, situations, tout ce qui baissait mon Ă©nergie. Au dĂ©but, ma raison appelait cela de l'Ă©goĂŻsme. Aujourd'hui, je sais que cela s'appelle... l'Amour propre. Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai, J’ai cessĂ© d'avoir peur du temps libre Et j'ai arrĂȘtĂ© de faire de grands plans, J’ai abandonnĂ© les mĂ©ga-projets du futur. Aujourd'hui, je fais ce qui est correct, ce que j'aime Quand cela me plait et Ă  mon rythme. Aujourd'hui, je sais que cela s'appelle... la SimplicitĂ©. Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai, J’ai cessĂ© de chercher Ă  avoir toujours raison, Et je me suis rendu compte de toutes les fois oĂč je me suis trompĂ©. Aujourd'hui, j'ai dĂ©couvert ... l'HumilitĂ©. Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai, J’ai cessĂ© de revivre le passĂ© Et de me prĂ©occuper de l'avenir. Aujourd'hui, je vis au prĂ©sent, LĂ  oĂč toute la vie se passe. Aujourd'hui, je vis une seule journĂ©e Ă  la fois. Et cela s'appelle... la PlĂ©nitude. Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai, J’ai compris que ma tĂȘte pouvait me tromper et me dĂ©cevoir. Mais si je la mets au service de mon coeur, Elle devient une alliĂ©e trĂšs prĂ©cieuse ! Tout ceci, c'est... le Savoir vivre. Nous ne devons pas avoir peur de nous confronter. Du chaos naissent les Ă©toiles.
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Charlie Chaplin
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Aucun changement fonctionnel ou structurel ne peut garantir une sociĂ©tĂ© parfaitement dĂ©mocratique. Nous acceptons mal ce fait parce que nous avons Ă©tĂ© Ă©levĂ©s dans une culture technologique oĂč l'on pense gĂ©nĂ©ralement que, si on pouvait seulement trouver le bon instrument, tou irait enfin pour le mieux et qu'il serait alors possible de se relĂącher un peu. Mais on ne peut jamais se relĂącher. L'expĂ©rience des Noirs amĂ©ricains, comme celle des Indiens, des femmes, des Hispaniques et des pauvres, nous apprend cela. Nulle constitution, nulle dĂ©claration des droits, nul systĂšme Ă©lectoral, nulle loi ne peuvent garantir la paix, la justice et l'Ă©galitĂ©. Tout cela exige un combat permanent, des dĂ©bats incessants impliquant l'ensemble des citoyens et un nombre infini d'organisations et de mouvements qui imposent leur pression sur tous les systĂšmes Ă©tablis.
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Howard Zinn (Disobedience and Democracy: Nine Fallacies on Law and Order (Radical 60s))
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Qu’ils se contentaient au fond de bons sentiments, qu’ils se terraient dans le confort d’une vie minable et qu’ils passaient Ă  cĂŽtĂ© de sensations merveilleuses, qui sont probablement les seules Ă  justifier l’existence.
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Joël Dicker (La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert)
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Et que faudrait-il faire ? Chercher un protecteur puissant, prendre un patron, Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc Et s'en fait un tuteur en lui lĂ©chant l'Ă©corce, Grimper par ruse au lieu de s'Ă©lever par force ? Non, merci ! DĂ©dier, comme tous ils le font, Des vers aux financiers ? se changer en bouffon Dans l'espoir vil de voir, aux lĂšvres d'un ministre, NaĂźtre un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre ? Non, merci ! DĂ©jeuner, chaque jour, d'un crapaud ? Avoir un ventre usĂ© par la marche ? une peau Qui plus vite, Ă  l'endroit des genoux, devient sale ? ExĂ©cuter des tours de souplesse dorsale ?... Non, merci ! D'une main flatter la chĂšvre au cou Cependant que, de l'autre, on arrose le chou, Et donneur de sĂ©nĂ© par dĂ©sir de rhubarbe, Avoir son encensoir, toujours, dans quelque barbe ? Non, merci ! Se pousser de giron en giron, Devenir un petit grand homme dans un rond, Et naviguer, avec des madrigaux pour rames, Et dans ses voiles des soupirs de vieilles dames ? Non, merci ! Chez le bon Ă©diteur de Sercy Faire Ă©diter ses vers en payant ? Non, merci ! S'aller faire nommer pape par les conciles Que dans des cabarets tiennent des imbĂ©ciles ? Non, merci ! Travailler Ă  se construire un nom Sur un sonnet, au lieu d'en faire d'autres ? Non, Merci ! Ne dĂ©couvrir du talent qu'aux mazettes ? Être terrorisĂ© par de vagues gazettes, Et se dire sans cesse : "Oh ! pourvu que je sois Dans les petits papiers du Mercure François" ?... Non, merci ! Calculer, avoir peur, ĂȘtre blĂȘme, PrĂ©fĂ©rer faire une visite qu'un poĂšme, RĂ©diger des placets, se faire prĂ©senter ? Non, merci ! non, merci ! non, merci ! Mais... chanter, RĂȘver, rire, passer, ĂȘtre seul, ĂȘtre libre, Avoir l'Ɠil qui regarde bien, la voix qui vibre, Mettre, quand il vous plaĂźt, son feutre de travers, Pour un oui, pour un non, se battre, - ou faire un vers ! Travailler sans souci de gloire ou de fortune, À tel voyage, auquel on pense, dans la lune ! N'Ă©crire jamais rien qui de soi ne sortĂźt, Et modeste d'ailleurs, se dire : mon petit, Sois satisfait des fleurs, des fruits, mĂȘme des feuilles, Si c'est dans ton jardin Ă  toi que tu les cueilles ! Puis, s'il advient d'un peu triompher, par hasard, Ne pas ĂȘtre obligĂ© d'en rien rendre Ă  CĂ©sar, Vis-Ă -vis de soi-mĂȘme en garder le mĂ©rite, Bref, dĂ©daignant d'ĂȘtre le lierre parasite, Lors mĂȘme qu'on n'est pas le chĂȘne ou le tilleul, Ne pas monter bien haut, peut-ĂȘtre, mais tout seul !
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Edmond Rostand (Cyrano de Bergerac)
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PlacĂ©e plus prĂšs du plafond que ne le sont d'habitude les simples mortels, Tonia sombrait dans la brume des souffrances qu'elle avait traversĂ©es, elle paraissait nimbĂ©e d'Ă©puisement. Elle s'Ă©levait au milieu de la salle comme, au milieu d'une baie, un navire qui viendrait de jeter l'ancre et se serait vidĂ© de son chargement d'Ăąmes nouvelles, amenĂ©es on ne sait d'oĂč sur le continent de la vie Ă  travers l'ocĂ©an de la mort. Elle venait seulement de dĂ©barquer l'une de ces Ăąmes, et maintenant elle Ă©tait en rade et se reposait, de toute la vacuitĂ© de ses flancs allĂ©gĂ©s. Ses agrĂšs et sa carĂšne abĂźmĂ©s et surmenĂ©s se reposaient en mĂȘme temps qu'elle, ainsi que son oubli, le souvenir effacĂ© de l'endroit d'oĂč elle venait, de sa traversĂ©e et de son arrivĂ©e Ă  bon port. Et comme personne ne connaissait la gĂ©ographie du pays sous le pavillon duquel elle Ă©tait amarrĂ©e, on ne savait dans quelle langue lui adresser la parole.
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Boris Pasternak (Doctor Zhivago)
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Mais le narrateur est plutĂŽt tentĂ© de croire qu’en donnant trop d’importance aux belles actions, on rend finalement un hommage indirect et puissant au mal. Car on laisse supposer alors que ces belles actions n’ont tant de prix que parce qu’elles sont rares et que la mĂ©chancetĂ© et l’indiffĂ©rence sont des moteurs bien plus frĂ©quents dans les actions des hommes. C’est lĂ  une idĂ©e que le narrateur ne partage pas. Le mal qui est dans le monde vient presque toujours de l’ignorance, et la bonne volontĂ© peut faire autant de dĂ©gĂąts que la mĂ©chancetĂ©, si elle n’est pas Ă©clairĂ©e. Les hommes sont plutĂŽt bons que mauvais, et en vĂ©ritĂ© ce n’est pas la question. Mais ils ignorent plus ou moins, et c’est ce qu’on appelle vertu ou vice, le vice le plus dĂ©sespĂ©rant Ă©tant celui de l’ignorance qui croit tout savoir et qui s'autorise alors a tuer. L'Ăąme du meurtrier est aveugle et il n’y a pas de vraie bontĂ© ni de belle amour sans toute la clairvoyance possible.
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Albert Camus (The Plague)
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PlĂ»t au ciel que le lecteur, enhardi et devenu momentanĂ©ment fĂ©roce comme ce qu’il lit, trouve, sans se dĂ©sorienter, son chemin abrupt et sauvage, Ă  travers les marĂ©cages dĂ©solĂ©s de ces pages sombres et pleines de poison ; car, Ă  moins qu'il n’apporte dans sa lecture une logique rigoureuse et une tension d’esprit Ă©gale au moins Ă  sa dĂ©fiance, les Ă©manations mortelles de ce livre imbiberont son Ăąme comme l’eau le sucre. Il n’est pas bon que tout le monde lise les pages qui vont suivre ; quelques-uns seuls savoureront ce fruit amer sans danger. Par consĂ©quent, Ăąme timide, avant de pĂ©nĂ©trer plus loin dans de pareilles landes inexplorĂ©es, dirige tes talons en arriĂšre et non en avant. Écoute bien ce que je te dis : dirige tes talons en arriĂšre et non en avant.
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Comte de Lautréamont (Les Chants de Maldoror)
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Mais comment un prince pourra connaĂźtre son ministre, voici un moyen qui ne trompe jamais: quand tu vois le ministre penser plus Ă  soi qu'Ă  toi et que dans toutes les affaires il recherche lĂ -dedans son profit, un tel homme ainsi fait jamais ne sera bon ministre, jamais tu ne te pourras fier Ă  lui.
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NiccolĂČ Machiavelli
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Un peu comme lorsque je rentre d'un voyage quelque part et que tout le monde me demande comment c'Ă©tait : peu Ă  peu mes diffĂ©rentes rĂ©ponses n'en font plus qu'une, mes impressions se resserrent sur elles-mĂȘmes, ouais, c'est cool, lĂ -bas, et tiens, une anecdote marrante... puis ce discours unique se substitue Ă  la rĂ©alitĂ© du souvenir. Du coup, j'ai franchement eu peur. J'ai ressenti cette crainte familiĂšre, soudainement intense et sincĂšre, qu'une fois toute sensation Ă©chappĂ©e de ma vie, il ne reste plus de celle-ci qu'un clichĂ©. Et le jour de ma mort, saint Pierre me demanderait : - C'Ă©tait comment ? - Vraiment super, en bas. J'aimais bien la bouffe. m'enfin, avec la tourista... Bon, les gens sont tous trĂšs sympas quand mĂȘme. Et ça serait tout. (...) Et j'ai dĂ©cidĂ© de raconter quelque chose de nouveau sur mon sĂ©jour Ă  chaque personne qui voudrait que je lui en parle, sans me rĂ©pĂ©ter une seule fois.
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Benjamin Kunkel (Indecision)
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Lisez, et ne rĂȘvez pas. Plongez-vous dans de longues Ă©tudes. Il n’y a de continuellement bon que l’habitude d’un travail entĂȘtĂ©. Il s’en dĂ©gage un opium qui engourdit l’ñme
 Read and do not dream. The only thing that is continually good is the habit of stubborn work. It emits an opium that numbs the soul

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Gustave Flaubert
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La diffĂ©rence de ceux qui sont frappĂ©s demeure dans la ressemblance des maux qui les frappent ; et pour ĂȘtre exposĂ©s aux mĂȘmes tourments, la vertu et le vice ne se confondent pas. Car, comme un mĂȘme feu fait briller l’or et noircir la paille, comme un mĂȘme flĂ©au Ă©crase le chaume et purifie le froment, ou encore, comme le marc ne se mĂȘle pas avec l’huile, quoiqu’il soit tirĂ© de l’olive par le mĂȘme pressoir, ainsi un mĂȘme malheur, venant Ă  tomber sur les bons et sur les mĂ©chants, Ă©prouve, purifie et fait resplendir les uns, tandis qu’il damne, Ă©crase et anĂ©antit les autres. C’est pour cela qu’en une mĂȘme affliction, les mĂ©chants blasphĂšment contre Dieu, les bons, au contraire, le prient et le bĂ©nissent : tant il importe de considĂ©rer, non les maux qu’on souffre, mais l’esprit dans lequel on les subit ; car le mĂȘme mouvement qui tire de la boue une odeur fĂ©tide, imprimĂ© Ă  un vase de parfums, en fait sortir les plus douces exhalaisons.
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Augustine of Hippo (Saint Augustin: les 9 oeuvres majeures et complÚtes (Les confessions, La cité de Dieu, De la trinité, Traité du libre arbitre...) (French Edition))
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Je sentis que le seul homme avec qui je pouvais parler sur cet objet, sans me compromettre, Ă©tait mon Contesseur. AussitĂŽt je pris mon parti; je surmontai ma petite honte; et me vantant d'une faute que je n'avais pas commise, je m'accusai d'avoir fait tout ce que font les femmes. Ce fut mon expression; mais en parlant ainsi je ne savais en vĂ©ritĂ© quelle idĂ©e j'exprimais. Mon espoir ne fut ni tout Ă  fait trompĂ©, ni entiĂšrement rempli; la crainte de me trahir m'empĂȘchait de m'Ă©clairer : mais le bon PĂšre me fit le mal si grand que j'en conclus que le plaisir devait ĂȘtre extrĂȘme; et au dĂ©sir de le connaitre succĂ©da celui de le goĂ»ter.
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Pierre Choderlos de Laclos (Les Liaisons dangereuses)
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La probitĂ©, la sincĂ©ritĂ©, la candeur, la conviction, l'idĂ©e du devoir, sont des choses qui, en se trompant, peuvent devenir hideuses, mais qui, mĂȘme hideuses, restent grandes; leur majestĂ©, propre Ă  la conscience humaine, persiste dans l'horreur. Ce sont des vertus qui ont un vice, l'erreur. L'impitoyable joie honnĂȘte d'un fanatique en pleine atrocitĂ© conserve on ne sait quel rayonnement lugubrement vĂ©nĂ©rable. Sans qu'il s'en doutĂąt, Javert, dans son bonheur formidable, Ă©tait Ă  plaindre comme tout ignorant qui triomphe. Rien n'Ă©tait poignant et terrible comme cette figure oĂč se montrait ce qu'on pourrait appeler tout le mauvais du bon.
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Victor Hugo (Les Misérables 1)
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Toutes les nuits je ne pense qu'en celle Qui a le corps plus gent qu'une pucelle De quatorze ans, sur le point d'enrager: Et au dedans un cƓur, pour abrĂ©ger, Autant joyeux qu'eut oncques damoiselle. Elle a beau teint, un parler de bon zĂ©le, Et le tĂ©tin rond comme une grozelle; N'ai-je donc pas bien cause de songer Toutes les nuits?
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Clément Marot
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J'ai ri. Il a secouĂ© la tĂȘte et m'a regardĂ©e. - Quoi ? Ai-je demandĂ©. - Rien, a t-il rĂ©pondu. - Pourquoi tu me regardes comme ça ? Augustus a eu un petit sourire. - Parce-que tu es belle. J'aime regarder les gens beaux et, depuis un certain temps, j'ai dĂ©cidĂ© de ne me refuser aucun petit plaisir de la vie. D'autant plus que, comme tu l'as dĂ©licieusement fait remarquer, tout ceci tombera dans l'oubli. - Je ne suis pas bel... - Tu es belle comme mille Natalie Portman. Natalie Portman dans V pour Vendetta. (...) - Ah bon ? S'est-il Ă©tonnĂ©. Fille sublime, cheveux courts, dĂ©teste l'autoritĂ© et ne peut s'empĂȘcher de craquer pour le garçon qui ne lui apportera que des ennuies. Ta bio, en somme.
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John Green (The Fault in Our Stars)
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Comme je l’ai dit, le but unique des efforts de tout bon musulman est l’union intime avec Dieu. Divers procĂ©dĂ©s mystiques conduisent Ă  cet Ă©tat parfait, et chaque confĂ©dĂ©ration possĂšde sa mĂ©thode d’entraĂźnement. En gĂ©nĂ©ral, cette mĂ©thode mĂšne le simple adepte Ă  un Ă©tat d’abrutissement absolu, qui en fait un instrument aveugle et docile aux mains du chef.
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Guy de Maupassant (MAUPASSANT : L'INTÉGRALE (ILLUSTRÉ) (French Edition))
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Etre vivant, cela veut dire ĂȘtre conscient de sa vie, de son destin personnel, et rĂ©pandre la Vie autour de soi. Etre vivant, cela veut dire ĂȘtre libĂ©rĂ© de toute attitude unilatĂ©rale, de tout fanatisme et ĂȘtre ouvert Ă  tout ce qui est bon et grand, ĂȘtre prĂ©servĂ© de toute sclĂ©rose et de toute petrification du corps comme de lÂŽesprit. Etre vivant, cela signifie ĂȘtre toujours prĂȘt Ă  apprendre et, si besoin est, Ă  changer de mĂ©thode et de ne tenir aucune limitation pour insurmontable. Cela signifie prendre part Ă  tout, entendre en tout gronder le torrent dÂŽabondance et de plĂ©nitude, avoir part au royaume de vie dans tout ce qui se passe, aimer et louer tout ce qui est vĂ©ritablement vie et se dĂ©saltĂ©rer auprĂšs dÂŽelle comme Ă  une source rafraĂźchissante.
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K.O. Schmidt (Le Hasard n'existe pas (French Edition))
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Si quelqu’un a volĂ©, ou portĂ© atteinte Ă  autrui, ou mĂȘme tuĂ© un autre homme, on envoie quĂ©rir la Clairvoyante. Car certains font le mal sans en ressentir aucune honte. Et nombre d’entre eux parviennent Ă  cacher leurs scrupules au plus profond de leur conscience en se trouvant de multiples excuses. Ils vont parfois mĂȘme jusqu’à se convaincre qu’ils Ă©taient dans leur bon droit en commettant leur crime. Mais lorsqu’ils rencontrent la Clairvoyante, ils ne peuvent plus se cacher leurs mĂ©faits ni les dissimuler aux autres. La plupart des hommes connaissent le repentir. Et quand il m’arrive de rencontrer quelqu’un qui n’en Ă©prouve pas ou presque, je fais en sorte qu’il ressente une douleur. Car j’ai appris Ă  utiliser ce don inhabituel qui est aussi le tien.
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Lene Kaaberbþl (The Shamer’s Daughter: Book 1 (The Shamer Chronicles))
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J’aime beaucoup les cimetiĂšres, moi, ça me repose et me mĂ©lancolise j’en ai besoin. Et puis, il y a aussi de bons amis lĂ  dedans, de ceux qu’on ne va plus voir ; et j’y vais encore, moi, de temps en temps. Justement, dans ce cimetiĂšre Montmartre, j’ai une histoire de cƓur, une maĂźtresse qui m’avait beaucoup pincĂ©, trĂšs Ă©mu, une charmante petite femme dont le souvenir, en mĂȘme temps qu’il me peine Ă©normĂ©ment, me donne des regrets
 des regrets de toute nature. Et je vais rĂȘver sur sa tombe
 C’est fini pour elle. Et puis, j’aime aussi les cimetiĂšres, parce que ce sont des villes monstrueuses, prodigieusement habitĂ©es. Songez donc Ă  ce qu’il y a de morts dans ce petit espace, Ă  toutes les gĂ©nĂ©rations de Parisiens qui sont logĂ©s lĂ , pour toujours, troglodytes dĂ©finitifs enfermĂ©s dans leurs petits caveaux, dans leurs petits trous couverts d’une pierre ou marquĂ©s d’une croix, tandis que les vivants occupent tant de place et font tant de bruit, ces imbĂ©ciles. Me voici donc entrant dans le cimetiĂšre Montmartre, et tout Ă  coup imprĂ©gnĂ© de tristesse, d’une tristesse qui ne faisait pas trop, de mal, d’ailleurs, une de ces tristesses qui vous font penser, quand on se porte bien : « Ça n’est pas drĂŽle, cet endroit-lĂ , mais le moment n’en est pas encore venu pour moi
 » L’impression de l’automne, de cette humiditĂ© tiĂšde qui sent la mort des feuilles et le soleil affaibli, fatiguĂ©, anĂ©mique, aggravait en la poĂ©tisant la sensation de solitude et de fin dĂ©finitive flottant sur ce lieu, qui sent la mort des hommes.
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Guy de Maupassant (La Maison Tellier)
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Sophie lut: « Va prendre l'Ă©toile tombĂ©e Et fais enfanter la mandragore, cette racine pure. Dis-moi oĂč sont donc les annĂ©es Ă©coulĂ©es Ou qui du diable le sabot fend. Apprends-moi Ă  entendre des sirĂšnes le chant Ou Ă  retenir de l'envie les morsures Et trouve cĂ©ans Quel bon vent Permet Ă  l'esprit honnĂȘte d'aller de l'avant. DĂ©cide de ce qu'il en est Et le second couplet toi-mĂ©mĂ© Ă©criras. »
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Diana Wynne Jones
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C'est Ă©trange que les choses en soient venues Ă  ce point Ă  notre Ă©poque, et que la philosophie ne soit, mĂȘme pour les gens intelligents, qu'un mot creux et chimĂ©rique, qui ne soit d'aucune utilitĂ© et n'ait aucune valeur, ni dans l'opinion gĂ©nĂ©rale, ni dansla rĂ©alitĂ©. Je crois que la cause en est que ses grandes avenues ont Ă©tĂ© occupĂ©es par des discussions oiseuses. On a grand tort de la dĂ©crire comme quelque chose d'inaccessible aux enfants, et de lui faire un visage renfrognĂ©, sourcilleux et terrible : qui donc lui a mis ce masque d'un visage blĂȘme et hideux? Il n'est rien de plus gai, de plus allĂšgre et de plus enjouĂ©, et pour un peu, je dirais mĂȘme : folĂątre... Elle ne prĂȘche que la fĂȘte et le bon temps. Une mine triste et abattue : voila qui montre bien que ce n'est pas laqu'elle habite.
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Michel de Montaigne
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Je dĂ©couvris qu'en bluffant les psychiatres on pouvait tirer des trĂ©sors inĂ©puisables de divertissement gratifiants: vous les menez habilement en bateau, leur cachez soigneusement que vous connaissez toutes les ficelles du mĂ©tier; vous inventez Ă  leur intention des rĂȘves Ă©laborĂ©s, de purs classiques du genre qui provoquent chez eux, ces extorqueurs de rĂȘves, de tels cauchemars qu'ils se rĂ©veillent en hurlant; vous les affriolez avec des "scĂšnes primitives" apocryphes; le tout sans jamais leur permettre d'entrevoir si peu que ce soit le vĂ©ritable Ă©tat de votre sexualitĂ©. En soudoyant une infirmiĂšre, j'eus accĂšs Ă  quelques dossiers et dĂ©couvris, avec jubilation, des fiches me qualifiant d' "homosexuel en puissance" et d' "impuissant invĂ©tĂ©rĂ©". Ce sport Ă©tait si merveilleux, et ses rĂ©sultats - dans mon cas - si mirifiques, que je restai un bon mois supplĂ©mentaire aprĂšs ma guĂ©rison complĂšte (dormant admirablement et mangeant comme une Ă©coliĂšre). Puis j'ajoutai encore une semaine rien que pour le plaisir de me mesurer Ă  un nouveau venu redoutable, une cĂ©lĂ©britĂ© dĂ©placĂ©e (et manifestement Ă©garĂ©e) comme pour son habiletĂ© Ă  persuader ses patients qu'ils avaient Ă©tĂ© tĂ©moins de leur propre conception.
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Vladimir Nabokov (Lolita)
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Eh bien, c'est l'histoire d'un petit ourson qui s'appelle
 Arthur. Et y'a une fĂ©e, un jour, qui vient voir le petit ourson et qui lui dit : Arthur tu vas partir Ă  la recherche du Vase Magique. Et elle lui donne une Ă©pĂ©e hmm
 magique (ouais, parce qu'y a plein de trucs magiques dans l'histoire, bref) alors le petit ourson il se dit : "Heu, chercher le Vase Magique ça doit ĂȘtre drĂŽlement difficile, alors il faut que je parte dans la forĂȘt pour trouver des amis pour m'aider." Alors il va voir son ami Lancelot
 le cerf (parce que le cerf c'est majestueux comme ça), heu, Bohort le faisan et puis LĂ©odagan
 heu
 l'ours, ouais c'est un ours aussi, c'est pas tout Ă  fait le mĂȘme ours mais bon. Donc LĂ©odagan qui est le pĂšre de la femme du petit ourson, qui s'appelle GueniĂšvre la truite
 non, non, parce que c'est la fille de
 non c'est un ours aussi puisque c'est la fille de l'autre ours, non parce qu'aprĂšs ça fait des machins mixtes, en fait un ours et une truite
 non en fait ça va pas. Bref, sinon y'a Gauvain le neveu du petit ourson qui est le fils de sa sƓur Anna, qui est restĂ©e Ă  Tintagel avec sa mĂšre Igerne la
 bah non, ouais du coup je suis obligĂ© de foutre des ours de partout sinon on pige plus rien dans la famille
 Donc c'est des ours, en gros, enfin bref
 Ils sont tous lĂ  et donc Petit Ourson il part avec sa troupe Ă  la recherche du Vase Magique. Mais il le trouve pas, il le trouve pas parce qu'en fait pour la plupart d'entre eux c'est
 c'est des nazes : ils sont hyper mous, ils sont bĂȘtes, en plus y'en a qu'ont la trouille. Donc il dĂ©cide de les faire bruler dans une grange pour s'en dĂ©barrasser
 Donc la fĂ©e revient pour lui dire : "Attention petit ourson, il faut ĂȘtre gentil avec ses amis de la forĂȘt" quand mĂȘme c'est vrai, et du coup Petit Ourson il lui met un taquet dans la tĂȘte Ă  la fĂ©e, comme ça : "BAH !". Alors la fĂ©e elle est comme ça et elle s'en va
 et voilĂ  et en fait il trouve pas le vase. En fait il est
 il trouve pas
 et Petit Ourson il fait de la dĂ©pression et tous les jours il se demande s'il va se tuer ou
 pas

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Alexandre Astier (Kaamelott, livre 3, premiùre partie : Épisodes 1 à 50)
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Il faut vivre avec cette certitude que nous vieillirons et que ce ne sera pas beau, pas bon, pas gai. Et se dire que c'est maintenant qui importe : construire, maintenant, quelque chose, Ă  tout prix, de toutes ses forces. Toujours avoir en tĂȘte la maison de retraite pour se dĂ©passer chaque jour, le rendre impĂ©rissable. Gravir pas Ă  pas son Everest Ă  soi et le faire de telle sorte que chaque pas soit un peu d'Ă©ternitĂ©.
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Muriel Barbery (The Elegance of the Hedgehog)
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Maintenant qu'il n'y a plus et qu'il ne peut plus y avoir de Religion nationale exclusive, on doit tolĂ©rer toutes celles qui tolerent les autres, autant que leurs dogmes n'ont rien de contraire aux devoirs du Citoyen. Mais quiconque ose dire, hors de l'Eglise point de Salut, doit ĂȘtre chassĂ© de l'Etat; Ă  moins que l'Etat ne soit l'Eglise, et que le Prince ne soit le Pontife. Un tel dogme n'est bon que dans un Gouvernement ThĂ©ocratique.
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Jean-Jacques Rousseau (Le Contrat social, tome 3 et tome 4)
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Il est un cĂŽtĂ© de la « culture bourgeoise » qui en dĂ©voile toute la petitesse, c'est son aspect de « roulement » conventionnel, de manque d'imagination, bref d'inconscience et de vanitĂ© : on ne se demande pas un instant « Ă  quoi bon tout cela » ; aucun auteur ne se demande s'il vaut la peine d'Ă©crire une nouvelle histoire aprĂšs tant d'autres histoires ; on semble en Ă©crire simplement parce que d'autres en ont Ă©crit, et parce qu'on ne voit pas pourquoi on ne le ferait pas et pourquoi on ne gagnerait pas une gloire que d'autres ont gagnĂ©e. C'est un perpetuum mobile que rien ne peut arrĂȘter, sauf une catastrophe ou, moins tragiquement, la disparition progressive des lecteurs ; sans public point de cĂ©lĂ©britĂ©, nous l'avons dit plus haut. Et ceci est arrivĂ© dans une certaine mesure : on ne lit plus d'anciens auteurs dont le prestige paraissait assurĂ© ; le grand public a d'autres besoins, d'autres ressources et d'autres distractions, fussent-elle des plus basses. La culture c'est, de plus en plus, l'absence de culture : la manie de se couper de ses racines et d'oublier d'oĂč l'on vient. Une des raisons subjectives de ce que nous pouvons appeler le « roulement culturel » est que l'homme n'aime pas se perdre tout seul, qu'il aime par consĂ©quent trouver des complices pour une perdition commune ; c'est ce que fait la culture profane, inconsciemment ou consciemment, mais non innocemment car l'homme porte au fond de lui-mĂȘme l'instinct de sa raison d'ĂȘtre et de sa vocation. On a souvent reprochĂ© aux civilisations orientales leur stĂ©rilitĂ© culturelle, c'est-Ă -dire le fait qu'elles ne comportent pas un fleuve habituel de production littĂ©raire, artistique et philosophique ; nous croyons pouvoir nous dispenser Ă  prĂ©sent de la peine d'en expliquer les raisons.
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Frithjof Schuon (To Have a Center (Library of Traditional Wisdom))
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Plus tard, j'Ă©crirai sur le manque. Sur la privation insupportable de l'autre. Sur le dĂ©nuement provoquĂ© par cette privation  ; une pauvretĂ© qui s'abat. J'Ă©crirai sur la tristesse qui ronge, la folie qui menace. Cela deviendra la matrice de mes livres, presque malgrĂ© moi. Je me demande quelquefois si j'ai mĂȘme jamais Ă©crit sur autre chose. Comme si je ne m'Ă©tais jamais remis de ça  : l'autre devenu inaccessible. Comme si ça occupait tout l'espace mental. La mort de beaucoup de mes amis, dans le plus jeune Ăąge, aggravera ce travers, cette douleur. Leur disparition prĂ©maturĂ©e me plongera dans des abĂźmes de chagrin et de perplexitĂ©. Je devrai apprendre Ă  leur survivre. Et l'Ă©criture peut ĂȘtre un bon moyen pour survivre. Et pour ne pas oublier les disparus. Pour continuer le dialogue avec eux. Mais le manque prend probablement sa source dans cette premiĂšre dĂ©fection, dans une imbĂ©cile brĂ»lure amoureuse.
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Philippe Besson (" ArrĂȘte avec tes mensonges ")
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Maldoror fut bon pendant ses premiĂšres annĂ©es, oĂč il vĂ©cut heureux ; c’est fait. Il s’aperçut ensuite qu’il Ă©tait nĂ© mĂ©chant : fatalitĂ© extraordinaire ! Il cacha son caractĂšre tant qu’il put, pendant un grand nombre d’annĂ©es ; mais, Ă  la fin, Ă  cause de cette concentration qui ne lui Ă©tait pas naturelle, chaque jour le sang lui montait Ă  la tĂȘte ; jusqu’à ce que, ne pouvant plus supporter une pareille vie, il se jeta rĂ©solĂ»ment dans la carriĂšre du mal
 atmosphĂšre douce !
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Comte de Lautréamont (Les Chants de Maldoror)
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Nous allons te parler de gens qui vivaient en notre temps, soit il y a plus de cent ans, et ne sont guĂšre plus pour toi que des noms inscrits sur des croix inclinĂ©es ou des pierres tombales fissurĂ©es. D'une vie et de souvenirs qui ont disparu en vertu de l'implacable loi du temps. En cela, nous allons le changer. Nos paroles sont telles des brigades de sauveteurs qui jamais ne renoncent Ă  leur quĂȘte, leur but est d'arracher des Ă©vĂ©nements passĂ©s et des vies Ă©teintes au trou noir de l'oubli et cela n'a rien d'une petite entreprise, mais il se peut aussi qu'elles glanent en chemin quelques rĂ©ponses et qu'elles nous dĂ©livrent de l'endroit oĂč nous nous tenons avant qu'il ne soit trop tard. Contentons-nous de cela pour l'instant, nous t'envoyons ces mots, ces brigades de sauveteurs dĂ©semparĂ©es et Ă©parses. Elles sont incertaines de leur rĂŽle, toutes les boussoles sont hors d'usage, les cartes de gĂ©ographie dĂ©chirĂ©es ou obsolĂštes, mais rĂ©serve-leur tout de mĂȘme bon accueil. Ensuite, nous verrons bien. (p. 4)
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JĂłn Kalman StefĂĄnsson (HimnarĂ­ki og helvĂ­ti)
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Je ne sais plus quoi dire. La pluie tombe toujours, comme une chute de sable sur la mer. La ville est laide. Il fait froid - l’automne a commencĂ©. Jamais deux personnes ne seront ensemble - la chair est invisible, trop loin de toucher. Tout le monde parle sans rien dire, sans paroles, sans sens. Les mouvements des jambes deviennent ivres. Les anges dansent et la merde est partout. Je ne fais rien. Je n’écris pas, je ne pense pas. Tout est devenu lourd, difficile, pĂ©nible. Il n’y a ni commencement de commençant ni fin de finissant. Chaque fois qu’il est dĂ©truit, il paraĂźt encore parmi ses propres ruines. Je ne le questionne plus. Une fois fini je retourne et je commence encore. Je me dis, un petit peu plus, n’arrĂȘtes pas maintenant, un petit peu plus et tout changera, et je continue, mĂȘme si je ne comprends pas porquoi, je continue, et je pense que chaque fois sera la derniĂšre. Oui, je parle, je force les paroles Ă  sonner (Ă  quoi bon?), ces paroles anciennes, qui ne sont plus les miennes, ces paroles qui tombent sans cesse ma bouche

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Paul Auster (Report from the Interior)
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Tu viens d'incendier la BibliothĂšque ? - Oui. J'ai mis le feu lĂ . - Mais c'est un crime inouĂŻ ! Crime commis par toi contre toi-mĂȘme, infĂąme ! Mais tu viens de tuer le rayon de ton Ăąme ! C'est ton propre flambeau que tu viens de souffler ! Ce que ta rage impie et folle ose brĂ»ler, C'est ton bien, ton trĂ©sor, ta dot, ton hĂ©ritage Le livre, hostile au maĂźtre, est Ă  ton avantage. Le livre a toujours pris fait et cause pour toi. Une bibliothĂšque est un acte de foi Des gĂ©nĂ©rations tĂ©nĂ©breuses encore Qui rendent dans la nuit tĂ©moignage Ă  l'aurore. Quoi! dans ce vĂ©nĂ©rable amas des vĂ©ritĂ©s, Dans ces chefs-d'oeuvre pleins de foudre et de clartĂ©s, Dans ce tombeau des temps devenu rĂ©pertoire, Dans les siĂšcles, dans l'homme antique, dans l'histoire, Dans le passĂ©, leçon qu'Ă©pelle l'avenir, Dans ce qui commença pour ne jamais finir, Dans les poĂštes! quoi, dans ce gouffre des bibles, Dans le divin monceau des Eschyles terribles, Des HomĂšres, des jobs, debout sur l'horizon, Dans MoliĂšre, Voltaire et Kant, dans la raison, Tu jettes, misĂ©rable, une torche enflammĂ©e ! De tout l'esprit humain tu fais de la fumĂ©e ! As-tu donc oubliĂ© que ton libĂ©rateur, C'est le livre ? Le livre est lĂ  sur la hauteur; Il luit; parce qu'il brille et qu'il les illumine, Il dĂ©truit l'Ă©chafaud, la guerre, la famine Il parle, plus d'esclave et plus de paria. Ouvre un livre. Platon, Milton, Beccaria. Lis ces prophĂštes, Dante, ou Shakespeare, ou Corneille L'Ăąme immense qu'ils ont en eux, en toi s'Ă©veille ; Ébloui, tu te sens le mĂȘme homme qu'eux tous ; Tu deviens en lisant grave, pensif et doux ; Tu sens dans ton esprit tous ces grands hommes croĂźtre, Ils t'enseignent ainsi que l'aube Ă©claire un cloĂźtre À mesure qu'il plonge en ton coeur plus avant, Leur chaud rayon t'apaise et te fait plus vivant ; Ton Ăąme interrogĂ©e est prĂȘte Ă  leur rĂ©pondre ; Tu te reconnais bon, puis meilleur; tu sens fondre, Comme la neige au feu, ton orgueil, tes fureurs, Le mal, les prĂ©jugĂ©s, les rois, les empereurs ! Car la science en l'homme arrive la premiĂšre. Puis vient la libertĂ©. Toute cette lumiĂšre, C'est Ă  toi comprends donc, et c'est toi qui l'Ă©teins ! Les buts rĂȘvĂ©s par toi sont par le livre atteints. Le livre en ta pensĂ©e entre, il dĂ©fait en elle Les liens que l'erreur Ă  la vĂ©ritĂ© mĂȘle, Car toute conscience est un noeud gordien. Il est ton mĂ©decin, ton guide, ton gardien. Ta haine, il la guĂ©rit ; ta dĂ©mence, il te l'ĂŽte. VoilĂ  ce que tu perds, hĂ©las, et par ta faute ! Le livre est ta richesse Ă  toi ! c'est le savoir, Le droit, la vĂ©ritĂ©, la vertu, le devoir, Le progrĂšs, la raison dissipant tout dĂ©lire. Et tu dĂ©truis cela, toi ! - Je ne sais pas lire.
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Victor Hugo
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Patrice a vingt-quatre ans et, la premiĂšre fois que je l’ai vu, il Ă©tait dans son fauteuil inclinĂ© trĂšs en arriĂšre. Il a eu un accident vasculaire cĂ©rĂ©bral. Physiquement, il est incapable du moindre mouvement, des pieds jusqu’à la racine des cheveux. Comme on le dit souvent d’une maniĂšre trĂšs laide, il a l’aspect d’un lĂ©gume : bouche de travers, regard fixe. Tu peux lui parler, le toucher, il reste immobile, sans rĂ©action, comme s’il Ă©tait complĂštement coupĂ© du monde. On appelle ça le locked in syndrome.Quand tu le vois comme ça, tu ne peux qu’imaginer que l’ensemble de son cerveau est dans le mĂȘme Ă©tat. Pourtant il entend, voit et comprend parfaitement tout ce qui se passe autour de lui. On le sait, car il est capable de communiquer Ă  l’aide du seul muscle qui fonctionne encore chez lui : le muscle de la paupiĂšre. Il peut cligner de l’Ɠil. Pour l’aider Ă  s’exprimer, son interlocuteur lui propose oralement des lettres de l’alphabet et, quand la bonne lettre est prononcĂ©e, Patrice cligne de l’Ɠil.  Lorsque j’étais en rĂ©animation, que j’étais complĂštement paralysĂ© et que j’avais des tuyaux plein la bouche, je procĂ©dais de la mĂȘme maniĂšre avec mes proches pour pouvoir communiquer. Nous n’étions pas trĂšs au point et il nous fallait parfois un bon quart d’heure pour dicter trois pauvres mots. Au fil des mois, Patrice et son entourage ont perfectionnĂ© la technique. Une fois, il m’est arrivĂ© d’assister Ă  une discussion entre Patrice et sa mĂšre. C’est trĂšs impressionnant.La mĂšre demande d’abord : « Consonne ? » Patrice acquiesce d’un clignement de paupiĂšre. Elle lui propose diffĂ©rentes consonnes, pas forcĂ©ment dans l’ordre alphabĂ©tique, mais dans l’ordre des consonnes les plus utilisĂ©es. DĂšs qu’elle cite la lettre que veut Patrice, il cligne de l’Ɠil. La mĂšre poursuit avec une voyelle et ainsi de suite. Souvent, au bout de deux ou trois lettres trouvĂ©es, elle anticipe le mot pour gagner du temps. Elle se trompe rarement. Cinq ou six mots sont ainsi trouvĂ©s chaque minute.  C’est avec cette technique que Patrice a Ă©crit un texte, une sorte de longue lettre Ă  tous ceux qui sont amenĂ©s Ă  le croiser. J’ai eu la chance de lire ce texte oĂč il raconte ce qui lui est arrivĂ© et comment il se sent. À cette lecture, j’ai pris une Ă©norme gifle. C’est un texte brillant, Ă©crit dans un français subtil, lĂ©ger malgrĂ© la tragĂ©die du sujet, rempli d’humour et d’autodĂ©rision par rapport Ă  l’état de son auteur. Il explique qu’il y a de la vie autour de lui, mais qu’il y en a aussi en lui. C’est juste la jonction entre les deux mondes qui est un peu compliquĂ©e.Jamais je n’aurais imaginĂ© que ce texte si puissant ait Ă©tĂ© Ă©crit par ce garçon immobile, au regard entiĂšrement vide.  Avec l’expĂ©rience acquise ces derniers mois, je pensais ĂȘtre capable de diagnostiquer l’état des uns et des autres seulement en les croisant ; j’ai reçu une belle leçon grĂące Ă  Patrice.Une leçon de courage d’abord, Ă©tant donnĂ© la vitalitĂ© des propos que j’ai lus dans sa lettre, et, aussi, une leçon sur mes a priori. Plus jamais dorĂ©navant je ne jugerai une personne handicapĂ©e Ă  la vue seule de son physique. C’est jamais inintĂ©ressant de prendre une bonne claque sur ses propres idĂ©es reçues .
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Grand corps malade (Patients)
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La "volontĂ© de tous" est tout simplement la somme des volontĂ©s individuelles, qui reposent sur des rĂ©flexions parfois, mais surtout sur les intĂ©rĂȘts, les penchants, les opinions, les passions de chacun. Cette "volontĂ© de tous" peut fort bien se tromper ou non, chercher l'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral ou bien des intĂ©rĂȘts Ă©goĂŻstes divergents. La "volontĂ© gĂ©nĂ©rale" est sous la plume de Rousseau quelque chose de trĂšs diffĂ©rent : ce serait plutĂŽt ce que le peuple devrait vouloir s'il avait la connaissance intĂ©grale de ce qui est bon pour tous. (p. 60)
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Jean-Paul Jouary (Rousseau, citoyen du futur)
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« — Tu as entendu parler de Marcion, Martin ? Marcion Ă©tait un chrĂ©tien qui vivait il y a mille huit cents ans Ă  Rome. En regardant autour de lui, en regardant cet univers traversĂ© de souffrances, de massacres, de maladies, de guerres et de violence, Marcion l’hĂ©rĂ©tique en conclut que le Dieu qui avait crĂ©Ă© tout ça ne pouvait pas ĂȘtre bon, que le mal Ă©tait une composante de sa crĂ©ation. Les scĂ©naristes de la chrĂ©tientĂ© trouvĂšrent un rebondissement assez vaseux pour rĂ©pondre Ă  la question du mal : ils inventĂšrent Lucifer. Mais la version de Marcion Ă©tait bien meilleure : Dieu est responsable du mal comme de tout le reste, il est responsable de la maladie de Gustav aussi. Non seulement le mal fait partie de sa crĂ©ation, mais il en est un des leviers. C’est grĂące Ă  la violence et au conflit que la crĂ©ation Ă©volue vers des formes toujours supĂ©rieures. Regarde Rome. Selon Plutarque, Jules CĂ©sar a pris plus de huit cents villes, soumis trois cents nations, fait un million de prisonniers et tuĂ© un autre million de ses ennemis. Rome Ă©tait une sociĂ©tĂ© vicieuse, avec un goĂ»t certain pour la cruautĂ©. Pourtant, son ascension a permis au monde d’évoluer[
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Bernard Minier
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Mais oui, maĂźtresse... Tenez ! juste au-dessus de nous, voilĂ  le Chemin de saint Jacques (la Voie lactĂ©e). Il va de France droit sur l’Espagne. C’est saint Jacques de Galice qui l’a tracĂ© pour montrer sa route au brave Charlemagne lorsqu’il faisait la guerre aux Sarrasins. Plus loin, vous avez le Char des Ames (la Grande Ourse) avec ses quatre essieux resplendissants. Les trois Ă©toiles qui vont devant sont les Trois BĂȘtes, et cette toute petite contre la troisiĂšme c’est le Charretier. Voyez-vous tout autour cette pluie d’étoiles qui tombent ? Ce sont les Ăąmes dont le bon Dieu ne veut pas chez lui... Un peu plus bas, voici le RĂąteau ou les Trois Rois (Orion). C’est ce qui nous sert d’horloge, Ă  nous autres. Rien qu’en les regardant, je sais maintenant qu’il est minuit passĂ©. Un peu plus bas, toujours vers le midi, brille Jean de Milan, le flambeau des astres (Sirius). Sur cette Ă©toile-lĂ , voici ce que les bergers racontent. Il paraĂźt qu’une nuit Jean de Milan, avec les Trois Rois et la PoussiniĂšre (la PlĂ©iade), furent invitĂ©s Ă  la noce d’une Ă©toile de leurs amies. PoussiniĂšre, plus pressĂ©e, partit, dit-on, la premiĂšre, et prit le chemin haut. Regardez-la, lĂ -haut, tout au fond du ciel. Les Trois Rois coupĂšrent plus bas et la rattrapĂšrent ; mais ce paresseux de Jean de Milan, qui avait dormi trop tard, resta tout Ă  fait derriĂšre, et furieux, pour les arrĂȘter, leur jeta son bĂąton. C’est pourquoi les Trois Rois s’appellent aussi le BĂąton de Jean de Milan... Mais la plus belle de toutes les Ă©toiles, maĂźtresse, c’est la nĂŽtre, c’est l’Etoile du Berger, qui nous Ă©claire Ă  l’aube quand nous sortons le troupeau, et aussi le soir quand nous le rentrons. Nous la nommons encore Maguelonne, la belle Maguelonne qui court aprĂšs Pierre de Provence (Saturne) et se marie avec lui tous les sept ans
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Alphonse Daudet (Lettres de mon moulin)
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Les Poets de Sept ans Et la MĂšre, fermant le livre du devoir, S'en allait satisfaite et trĂšs fiĂšre sans voir, Dans les yeux bleus et sous le front plein d'Ă©minences, L'Ăąme de son enfant livrĂ©e aux rĂ©pugnances. Tout le jour, il suait d'obĂ©issance ; trĂšs Intelligent ; pourtant des tics noirs, quelques traits Semblaient prouver en lui d'Ăącres hypocrisies. Dans l'ombre des couloirs aux tentures moisies, En passant il tirait la langue, les deux poings A l'aine, et dans ses yeux fermĂ©s voyait des points. Une porte s'ouvrait sur le soir : Ă  la lampe On le voyait, lĂ -haut, qui rĂąlait sur la rampe, Sous un golfe de jour pendant du toit. L'Ă©tĂ© Surtout, vaincu, stupide, il Ă©tait entĂȘtĂ© A se renfermer dans la fraĂźcheur des latrines: Il pensait lĂ , tranquille et livrant ses narines. Quand, lavĂ© des odeurs du jour, le jardinet DerriĂšre la maison, en hiver, s'illunait , Gisant au pied d'un mur, enterrĂ© dans la marne Et pour des visions Ă©crasant son oeil darne, Il Ă©coutait grouiller les galeux espaliers. PitiĂ© ! Ces enfants seuls Ă©taient ses familiers Qui, chĂ©tifs, fronts nus, oeil dĂ©teignant sur la joue, Cachant de maigres doigts jaunes et noirs de boue Sous des habits puant la foire et tout vieillots, Conversaient avec la douceur des idiots ! Et si, l'ayant surpris Ă  des pitiĂ©s immondes, Sa mĂšre s'effrayait, les tendresses profondes, De l'enfant se jetaient sur cet Ă©tonnement. C'Ă©tait bon. Elle avait le bleu regard, - qui ment! A sept ans, il faisait des romans, sur la vie Du grand dĂ©sert oĂč luit la LibertĂ© ravie, ForĂȘts, soleils, rives, savanes ! - Il s'aidait De journaux illustrĂ©s oĂč, rouge, il regardait Des Espagnoles rire et des Italiennes. Quand venait, l'Oeil brun, folle, en robes d'indiennes, -Huit ans -la fille des ouvriers d'Ă  cĂŽtĂ©, La petite brutale, et qu'elle avait sautĂ©, Dans un coin, sur son dos, en secouant ses tresses, Et qu'il Ă©tait sous elle, il lui mordait les fesses, Car elle ne portait jamais de pantalons; - Et, par elle meurtri des poings et des talons, Remportait les saveurs de sa peau dans sa chambre. Il craignait les blafards dimanches de dĂ©cembre, OĂč, pommadĂ©, sur un guĂ©ridon d'acajou, Il lisait une Bible Ă  la tranche vert-chou; Des rĂȘves l'oppressaient, chaque nuit, dans l'alcĂŽve. Il n'aimait pas Dieu; mais les hommes qu'au soir fauve, Noirs, en blouse, il voyait rentrer dans le faubourg OĂč les crieurs, en trois roulements de tambour, Font autour des Ă©dits rire et gronder les foules. - Il rĂȘvait la prairie amoureuse, oĂč des houles Lumineuses, parfums sains, pubescences d'or, Font leur remuement calme et prennent leur essor ! Et comme il savourait surtout les sombres choses, Quand, dans la chambre nue aux persiennes closes, Haute et bleue, Ăącrement prise d'humiditĂ©, Il lisait son roman sans cesse mĂ©ditĂ©, Plein de lourds ciels ocreux et de forĂȘts noyĂ©es, De fleurs de chair aux bois sidĂ©rals dĂ©ployĂ©es, Vertige, Ă©croulement, dĂ©routes et pitiĂ© ! - Tandis que se faisait la rumeur du quartier, En bas, - seul et couchĂ© sur des piĂšces de toile Écrue et pressentant violemment la voile!
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Arthur Rimbaud
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De l’espĂšce d’ñme qui a la plus haute autoritĂ© en nous, voici l’idĂ©e qu’il faut s’en faire : c’est que Dieu nous l’a donnĂ©e comme un gĂ©nie, et c’est le principe que nous avons dit logĂ© au sommet de notre corps, et qui nous Ă©lĂšve de la terre vers notre parentĂ© cĂ©leste, car nous sommes une plante du ciel, non de la terre, nous pouvons l’affirmer en toute vĂ©ritĂ©. Car Dieu a suspendu notre tĂȘte et notre racine Ă  l’endroit oĂč l’ñme fut primitivement engendrĂ©e et a ainsi dressĂ© tout notre corps vers le ciel. Or, quand un homme s’est livrĂ© tout entier Ă  ses passions ou Ă  ses ambitions et applique tous ses efforts Ă  les satisfaire, toutes ses pensĂ©es deviennent nĂ©cessairement mortelles, et rien ne lui fait dĂ©faut pour devenir entiĂšrement mortel, autant que cela est possible, puisque c’est Ă  cela qu’il s’est exercĂ©. Mais lorsqu’un homme s’est donnĂ© tout entier Ă  l’amour de la science et Ă  la vraie sagesse et que, parmi ses facultĂ©s, il a surtout exercĂ© celle de penser Ă  des choses immortelles et divines, s’il parvient Ă  atteindre la vĂ©ritĂ©, il est certain que, dans la mesure oĂč il est donnĂ© Ă  la nature humaine de participer Ă  l’immortalitĂ©, il ne lui manque rien pour y parvenir ; et, comme il soigne toujours la partie divine et maintient en bon Ă©tat le gĂ©nie qui habite en lui, il doit ĂȘtre supĂ©rieurement heureux.
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Plato (Timaeus)
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La mĂ©ditation Ăąpre et profondĂ©ment sĂ©rieuse sur la non-valeur de tout ce qui est arrivĂ©, sur l'urgence qu'il y a Ă  mettre le monde en jugement, a fait place Ă  la conviction sceptique qu'il est, en tout cas, bon de connaĂźtre le passĂ©, puisqu'il est trop tard pour faire quelque chose de meilleur. Ainsi le sens historique rend ses serviteurs passifs et respectueux. C'est seulement quand, par suite d'un oubli momentanĂ©, ce sens est suspendu, que l'homme malade de la fiĂšvre historique devient actif. Mais, dĂšs que l'action est passĂ©e, il se met Ă  dissĂ©quer, pour l'empĂȘcher, par l'examen analytique auquel il la soumet, de prolonger son influence. Ainsi dĂ©pouillĂ©e, son action est alors du domaine de l' "Histoire". DeuxiĂšme ConsidĂ©ration intempestive, ch. 8
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Friedrich Nietzsche
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Quand je vis avec mes semblables, ma pensĂ©e s'occupe d'eux si exclusivement, soit pour les aider Ă  vivre bien, soit pour comprendre pourquoi ils vivent mal, que j'oublie absolument de vivre pour mon compte. Quand je m'aperçois que j'ai fait pour eux mon possible et que je ne leur suis plus nĂ©cessaire, ou, ce qui arrive plus souvent, que je ne leur suis bon Ă  rien, j'Ă©prouve le besoin de vivre avec ce moi intĂ©rieur qui s'identifie Ă  la nature et au rĂȘve de la vie dans l'Ă©ternel et dans l'infini. La nature, je le sais, parle dans l'homme plus que dans les arbres et les rochers; mais elle y parle follement, elle y est plus souvent dĂ©lirante que sage, elle y est pleine d'illusions ou de mensonges. Les animaux sauvages eux-mĂȘmes sont tourmentĂ©s d'un besoin d'existence qui nous empĂȘche de savoir ce qu'ils pensent et si leurs obscures manifestations ne sont pas trompeuses. DĂšs qu'ils subissent des besoins et des passions, ils doivent les satisfaire Ă  tout prix, et toute logique de leur instinct de conservation doit cĂ©der Ă  cette sauvage logique de la faim et de l'amour. OĂč donc trouver, oĂč donc surprendre la voix du vrai absolu dans la nature? HĂ©las, dans le silence des choses inertes, dans le mutisme de ce qui ne ment pas! la face impassible du rocher qui boit le soleil, le front sans ombre du glacier qui regarde la lune, la morne altitude des lieux inaccessibles, exercent sur nous un rassĂ©rĂ©nement inexplicable. LĂ , nous nous sentons comme suspendus entre ciel et terre, dans une rĂ©gion d'idĂ©es oĂč il ne peut y avoir que Dieu ou rien, et, s'il n'y a rien, nous sentons que nous ne sommes rien nous-mĂȘmes et que nous n'existons pas; car rien ne peut se passer de sa raison d'ĂȘtre.
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George Sand (Le dernier amour)
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je n'ai jamais contemplĂ© l'inceste sous cette terrible lueur de caveau et de damnation Ă©ternelle qu'une fausse morale s'est dĂ©libĂ©rĂ©ment appliquĂ©e Ă  jeter sur une forme d'exubĂ©rance sexuelle qui, pour moi, n'occupe qu'une place extrĂȘmement modeste dans l'Ă©chelle monumentale de nos dĂ©gradations. Toutes les frĂ©nĂ©sies de l'inceste me paraissent infiniment plus acceptables que celles d'Hiroshima, de Buchenwald, des pelotons d'exĂ©cution, de la terreur et de la torture policiĂšres, mille fois plus aimables que les leucĂ©mies et autres belles consĂ©quences gĂ©nĂ©tiques probables des efforts de nos savants. Personne ne me fera jamais voir dans le comportement sexuel des ĂȘtres le critĂšre du bien et du mal. La funeste physionomie d'un certain physicien illustre recommandant au monde civilisĂ© de poursuivre les explosions nuclĂ©aires m'est incomparablement plus odieuse que l'idĂ©e d'un fils couchant avec sa mĂšre. A cĂŽtĂ© des aberrations intellectuelles, scientifiques, idĂ©ologiques de notre siĂšcle, toutes celles de la sexualitĂ© Ă©veillent dans mon coeur les plus tendres pardons. Une fille qui se fait payer pour ouvrir ses cuisses au peuple me paraĂźt une soeur de charitĂ© et une honnĂȘte dispensatrice de bon pain lorsqu'on compare sa modeste vĂ©nalitĂ© Ă  la prostitution des savants prĂȘtant leurs cerveaux Ă  l'Ă©laboration de l'empoisonnement gĂ©nĂ©tique et de la terreur atomique. A cĂŽtĂ© de la perversion de l'Ăąme, de l'esprit et de l'idĂ©al Ă  laquelle se livrent ces traĂźtres Ă  l'espĂšce, nos Ă©lucubrations sexuelles, vĂ©nales ou non, incestueuses ou non, prennent, sur les trois humbles sphincters dont dispose notre anatomie, toute l'innocence angĂ©lique d'un sourire d'enfant. (La promesse de l'aube, ch. X)
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Romain Gary (Promise at Dawn)
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L'homme ne vit pas seulement sa vie personnelle comme individu, mais consciemment ou inconsciemment il participe aussi Ă  celle de son Ă©poque et de ses contemporains, et mĂȘme s'il devait considĂ©rer les bases gĂ©nĂ©rales et impersonnelles de son existence comme des donnĂ©es immĂ©diates, les tenir pour naturelles et ĂȘtre aussi Ă©loignĂ© de l'idĂ©e d'exercer contre elles une critique que le bon Hans Castorp l'Ă©tait rĂ©ellement, il est nĂ©anmoins possible qu'il sente son bien-ĂȘtre moral vaguement affectĂ© par leurs dĂ©fauts. L'individu peut envisager toute sorte de buts personnels, de fins, d'espĂ©rances, de perspectives oĂč il puise une impulsion Ă  de grands efforts et Ă  son activitĂ©, mais lorsque l'impersonnel autour de lui, l'Ă©poque elle-mĂȘme, en dĂ©pit de son agitation, manque de buts et d'espĂ©rances, lorsqu'elle se rĂ©vĂšle en secret dĂ©sespĂ©rĂ©e, dĂ©sorientĂ©e et sans issue, lorsqu'Ă  la question, posĂ©e consciemment ou inconsciemment, mais finalement posĂ©e en quelque maniĂšre, sur le sens suprĂȘme, plus que personnel et inconditionnĂ©, de tout effort et de toute activitĂ©, elle oppose le silence du vide, cet Ă©tat de choses paralysera justement les efforts d'un caractĂšre droit, et cette influence, par-delĂ  l'Ăąme et la morale, s'Ă©tendra jusqu'Ă  la partie physique et organique de l'individu. Pour ĂȘtre disposĂ© Ă  fournir un effort considĂ©rable qui dĂ©passe la mesure de ce qui est communĂ©ment pratiquĂ©, sans que l'Ă©poque puisse donner une rĂ©ponse satisfaisante Ă  la question " Ă  quoi bon? ", il faut une solitude et une puretĂ© morales qui sont rares et d'une nature hĂ©roĂŻque, ou une vitalitĂ© particuliĂšrement robuste. Hans Castorp ne possĂ©dait ni l'une ni l'autre, et il n'Ă©tait ainsi donc qu'un homme malgrĂ© tout moyen, encore que dans un sens des plus honorables. (ch. II)
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Thomas Mann (The Magic Mountain)
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Si l'habitude de penser de maniÚre critique se répandit au sein d'une société, elle prévaudrait partout, puisqu'elle est une maniÚre de faire face aux problÚmes de la vie. Les propos dithyrambiques de quelconques orateurs ne sauraient faire paniquer des personnes éduquées de la sorte. Celles-ci mettent du temps avant de croire et sont capables, sans difficulté et sans besoin de certitude, de tenir des choses pour probables à des degrés divers. Elles peuvent attendre les faits, puis les soupeser sans jamais se laisser influencer par l'emphase ou la confiance avec laquelle des propositions sont avancées par un parti ou par un autre. Ces personnes savent résister à ceux qui en appellent à leurs préjugés les plus solidement ancrés ou qui usent de la flatterie. L'éducation à cette capacité critique est la seule éducation dont on peut dire qu'elle fait les bons citoyens. William Graham Sumner (p. 269)
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Normand Baillargeon (Petit cours d'autodéfense intellectuelle)
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Revenons donc Ă  nos poncifs, ou plutĂŽt Ă  quelques-uns d’entre eux : 1° Le XIXe siĂšcle est le siĂšcle de la science. 2° Le XIXe siĂšcle est le siĂšcle du progrĂšs. 3° Le XIXe siĂšcle est le siĂšcle de la dĂ©mocratie, qui est progrĂšs et progrĂšs continu. 4° Les tĂ©nĂšbres du moyen Ăąge. 5° La RĂ©volution est sainte, et elle a Ă©mancipĂ© le peuple français. 6° La dĂ©mocratie, c’est la paix. Si tu veux la paix, prĂ©pare la paix. 7° L’avenir est Ă  la science. La Science est toujours bienfaisante. 8° L’instruction laĂŻque, c’est l’émancipation du peuple. 9° La religion est la fille de la peur. 10° Ce sont les États qui se battent. Les peuples sont toujours prĂȘts Ă  s’accorder. 11° Il faut remplacer l’étude du latin et du grec, qui est devenue inutile, par celle des langues vivantes, qui est utile. 12° Les relations de peuple Ă  peuple vont sans cesse en s’amĂ©liorant. Nous courons aux États-Unis d’Europe. 13° La science n’a ni frontiĂšres, ni patrie. 14° Le peuple a soif d’égalitĂ©. 15° Nous sommes Ă  l’aube d’une Ăšre nouvelle de fraternitĂ© et de justice. 16° La propriĂ©tĂ©, c’est le vol. Le capital, c’est la guerre. 17° Toutes les religions se valent, du moment qu’on admet le divin. 18° Dieu n’existe que dans et par la conscience humaine. Cette conscience crĂ©e Dieu un peu plus chaque jour. 19° L’évolution est la loi de l’univers. 20° Les hommes naissent naturellement bons. C’est la sociĂ©tĂ© qui les pervertit. 21° Il n’y a que des vĂ©ritĂ©s relatives, la vĂ©ritĂ© absolue n’existe pas. 22° Toutes les opinions sont bonnes et valables, du moment que l’on est sincĂšre. Je m’arrĂȘte Ă  ces vingt-deux Ăąneries, auxquelles il serait aisĂ© de donner une suite, mais qui tiennent un rang majeur par les innombrables calembredaines du XIXe siĂšcle, parmi ce que j’appellerai ses idoles. Idoles sur chacune desquelles on pourrait mettre un ou plusieurs noms.
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LĂ©on Daudet (Le Stupide XIXe siĂšcle (French Edition))
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« Écoute, Egor PĂ©trovitch, lui dit-il. Qu’est ce que tu fais de toi ? Tu te perds seulement avec ton dĂ©sespoir. Tu n’as ni patience ni courage. Maintenant, dans un accĂšs de tristesse, tu dis que tu n’as pas de talent. Ce n’est pas vrai. Tu as du talent ; je t’assure que tu en as. Je le vois rien qu’à la façon dont tu sens et comprends l’art. Je te le prouverai par toute ta vie. Tu m’as racontĂ© ta vie d’autrefois. À cette Ă©poque aussi le dĂ©sespoirte visitait sans que tu t’en rendisses compte. À cette Ă©poque aussi, ton premier maĂźtre, cet homme Ă©trange, dont tu m’as tant parlĂ©, a Ă©veillĂ© en toi, pour la premiĂšre fois, l’amour de l’art et a devinĂ© ton talent. Tu l’as senti alors aussi fortement que maintenant. Mais tu ne savais pas ce qui se passait en toi. Tu ne pouvais pas vivre dans la maison du propriĂ©taire, et tu ne savais toi-mĂȘme ce que tu dĂ©sirais. Ton maĂźtre est mort trop tĂŽt. Il t’a laissĂ© seulement avec des aspirations vagues et, surtout, il ne t’a pas expliquĂ© toimĂȘme. Tu sentais le besoin d’une autre route plus large, tu pressentais que d’autres buts t’étaient destinĂ©s, mais tu ne comprenais pas comment tout cela se ferait et, dans ton angoisse, tu as haĂŻ tout ce qui t’entourait alors. Tes six annĂ©es de misĂšre ne sont pas perdues. Tu as travaillĂ©, pensĂ©, tu as reconnu et toi-mĂȘme et tes forces ; tu comprends maintenant l’art et ta destination. Mon ami, il faut avoir de la patience et du courage. Un sort plus enviĂ© que le mien t’est rĂ©servĂ©. Tu es cent fois plus artiste que moi, mais que Dieu te donne mĂȘme la dixiĂšme partie de ma patience. Travaille, ne bois pas, comme te le disait ton bonpropriĂ©taire, et, principalement, commence par l’a, b, c. « Qu’est-ce qui te tourmente ? La pauvretĂ©, la misĂšre ? Mais la pauvretĂ© et la misĂšre forment l’artiste. Elles sont insĂ©parables des dĂ©buts. Maintenant personne n’a encore besoin de toi ; personne ne veut te connaĂźtre. Ainsi va le monde. Attends, ce sera autre chose quand on saura que tu as du talent. L’envie, la malignitĂ©, et surtout la bĂȘtise t’opprimeront plus fortement que la misĂšre. Le talent a besoin de sympathie ; il faut qu’on le comprenne. Et toi, tu verras quelles gens t’entoureront quand tu approcheras du but. Ils tĂącheront de regarder avec mĂ©pris ce qui s’est Ă©laborĂ© en toi au prix d’un pĂ©nible travail, des privations, des nuits sans sommeil. Tes futurs camarades ne t’encourageront pas, ne te consoleront pas. Ils ne t’indiqueront pas ce qui en toi est bon et vrai. Avec une joie maligne ils relĂšveront chacune de tes fautes. Ils te montreront prĂ©cisĂ©ment ce qu’il y a de mauvais en toi, ce en quoi tu te trompes, et d’un air calme et mĂ©prisant ils fĂȘteront joyeusement chacune de tes erreurs. Toi, tu esorgueilleux et souvent Ă  tort. Il t’arrivera d’offenser une nullitĂ© qui a de l’amour-propre, et alors malheur Ă  toi : tu seras seul et ils seront plusieurs. Ils te tueront Ă  coups d’épingles. Moi mĂȘme, je commence Ă  Ă©prouver tout cela. Prends donc des forces dĂšs maintenant. Tu n’es pas encore si pauvre. Tu peux encore vivre ; ne nĂ©glige pas les besognes grossiĂšres, fends du bois, comme je l’ai fait un soir chez de pauvres gens. Mais tu es impatient ; l’impatience est ta maladie. Tu n’as pas assez de simplicitĂ© ; tu ruses trop, tu rĂ©flĂ©chis trop, tu fais trop travailler ta tĂȘte. Tu es audacieux en paroles et lĂąche quand il faut prendra l’archet en main. Tu as beaucoup d’amour-propre et peu de hardiesse. Sois plus hardi, attends, apprends, et si tu ne comptes pas sur tes forces, alors va au hasard ; tu as de la chaleur, du sentiment, peut-ĂȘtre arriveras-tu au but. Sinon, va quand mĂȘme au hasard. En tout cas tu ne perdras rien, si le gain est trop grand. Vois-tu, aussi, le hasard pour nous est une grande chose. »
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Fyodor Dostoevsky (Netochka Nezvanova)
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Les travaux d’Alexander Todorov sont loin d’ĂȘtre les seuls Ă  avoir mis en Ă©vidence une influence dĂ©terminante de l’apparence physique. D’autres Ă©tudes se sont, par exemple, concentrĂ©es directement sur l’impact qu’a la beautĂ© sur les relations sociales. LĂ  aussi, les rĂ©sultats sont frappants. De nombreuses expĂ©riences ont montrĂ© que les individus considĂ©rĂ©s comme « beaux » sont aussi perçus globalement comme plus sociaux, plus puissants et plus compĂ©tents. Ils reçoivent plus facilement de l’aide lorsqu’ils en ont besoin. S’ils sont confrontĂ©s Ă  la justice, ils ont tendance Ă  ĂȘtre moins facilement jugĂ©s coupables et, quand ils sont condamnĂ©s, Ă©copent d’une sentence moins sĂ©vĂšre. Enfin, pour ce qui nous intĂ©resse directement : une Ă©tude a montrĂ© que les personnes jugĂ©es belles emportent plus facilement la conviction de leurs interlocuteurs. Cet impact massif de la beautĂ© sur les interactions sociales est une application directe de l’effet de halo. Il a Ă©tĂ© synthĂ©tisĂ© en une formule cruelle, mais Ă©loquente : « Ce qui est beau nous paraĂźt bon10. »
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Clément Viktorovitch (Le Pouvoir rhétorique: Apprendre à convaincre et à décrypter les discours)
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Elle ne sent plus rien. Juste l’air glacial des quais qui lui lĂšche le visage. Elle regarde Ă  peine devant elle. Elle est folle. ComplĂštement folle. Elle se rue vers la sortie. Elle ne ralentit pas d’un pouce. La laniĂšre de son sac glisse sur son Ă©paule. Elle agrippe le cuir. Elle a baissĂ© la tĂȘte Ă  peine une seconde. Elle a mal. Ça la secoue. Elle est par terre. Elle ne comprend rien. Encore. Plus rien du tout. Elle tente de se remettre sur pieds mais un cri de douleur l’empĂȘche de concentrer ses forces. Alors une main enserre son bras. Elle n’aperçoit qu’une manche de chemise. Instinctivement, elle se dĂ©gage. La main tient bon. Cinq doigts l’empĂȘchent de fuir. Elle est terrifiĂ©e. Son rythme cardiaque est dĂ©mesurĂ©. Encore plus que d’habitude. Elle pleure. C’est plus ou moins nerveux. Elle craque. Elle n’en peut plus. Tout ça devient beaucoup trop. La main desserre son Ă©treinte. Elle lĂąche un soupir entre deux sanglots. Alors seulement elle ose lever les yeux vers le propriĂ©taire de cette chemise Ă  carreaux. Un hoquet de surprise la prend de court. Ces prunelles bleues.
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Fanny R.J. (AprĂšs)
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Augmentez la dose de sports pour chacun, dĂ©veloppez l'esprit d'Ă©quipe, de compĂ©tition, et le besoin de penser est Ă©liminĂ©, non ? Organiser, organisez, super-organisez des super-super-sports. Multipliez les bandes dessinĂ©es, les films; l'esprit a de moins en moins d'appĂ©tits. L'impatience, les autos-trades sillonnĂ©es de foules qui sont ici, lĂ , partout, nulle part. Les rĂ©fugiĂ©s du volant. Les villes se transforment en auberges routiĂšres; les hommes se dĂ©placent comme des nomades suivant les phases de la lune, couchant ce soir dans la chambre oĂč tu dormais Ă  midi et moi la veille. (1re partie) On vit dans l'immĂ©diat. Seul compte le boulot et aprĂšs le travail l'embarras du choix en fait de distractions. Pourquoi apprendre quoi que ce soit sinon Ă  presser les boutons, brancher des commutateurs, serrer des vis et des Ă©crous ? Nous n'avons pas besoin qu'on nous laisse tranquilles. Nous avons besoin d'ĂȘtre sĂ©rieusement tracassĂ©s de temps Ă  autre. Il y a combien de temps que tu n'as pas Ă©tĂ© tracassĂ©e sĂ©rieusement ? Pour une raison importante je veux dire, une raison valable ? - Tu dois bien comprendre que notre civilisation est si vaste que nous ne pouvons nous permettre d'inquiĂ©ter ou de dĂ©ranger nos minoritĂ©s. Pose-toi la question toi-mĂȘme. Que recherchons-nous, par-dessus tout, dans ce pays ? Les gens veulent ĂȘtre heureux, d'accord ? Ne l'as-tu pas entendu rĂ©pĂ©ter toute la vie ? Je veux ĂȘtre heureux, dĂ©clare chacun. Eh bien, sont-ils heureux ? Ne veillons-nous pas Ă  ce qu'ils soient toujours en mouvement, toujours distraits ? Nous ne vivons que pour ça, c'est bien ton avis ? Pour le plaisir, pour l'excitation. Et tu dois admettre que notre civilisation fournit l'un et l'autre Ă  satiĂ©tĂ©. Si le gouvernement est inefficace, tyrannique, vous Ă©crase d'impĂŽts, peu importe tant que les gens n'en savent rien. La paix, Montag. Instituer des concours dont les prix supposent la mĂ©moire des paroles de chansons Ă  la mode, des noms de capitales d'État ou du nombre de quintaux de maĂŻs rĂ©coltĂ©s dans l'Iowa l'annĂ©e prĂ©cĂ©dente. Gavez les hommes de donnĂ©es inoffensives, incombustibles, qu'ils se sentent bourrĂ©s de "faits" Ă  Ă©clater, renseignĂ©s sur tout. Ensuite, ils s'imagineront qu'ils pensent, ils auront le sentiment du mouvement, tout en piĂ©tinant. Et ils seront heureux, parce que les connaissances de ce genre sont immuables. Ne les engagez pas sur des terrains glissants comme la philosophie ou la sociologie Ă  quoi confronter leur expĂ©rience. C'est la source de tous les tourments. Tout homme capable de dĂ©monter un Ă©cran mural de tĂ©lĂ©vision et de le remonter et, de nos jours ils le sont Ă  peu prĂšs tous, est bien plus heureux que celui qui essais de mesurer, d'Ă©talonner, de mettre en Ă©quations l'univers ce qui ne peut se faire sans que l'homme prenne conscience de son infĂ©rioritĂ© et de sa solitude. Nous sommes les joyeux drilles, les boute-en-train, toi, moi et les autres. Nous faisons front contre la marĂ©e de ceux qui veulent plonger le monde dans la dĂ©solation en suscitant le conflit entre la thĂ©orie et la pensĂ©e. Nous avons les doigts accrochĂ©s au parapet. Tenons bon. Ne laissons pas le torrent de la mĂ©lancolie et de la triste philosophie noyer notre monde. Nous comptons sur toi. Je ne crois pas que tu te rendes compte de ton importance, de notre importance pour protĂ©ger l'optimisme de notre monde actuel.
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Ray Bradbury (Fahrenheit 451)
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Prenez garde, mon enfant, Ă  ce qui se passe dans votre cƓur, dit le curĂ© fronçant le sourcil : je vous fĂ©licite de votre vocation, si c'est Ă  elle seule que vous devez le mĂ©pris d'une fortune plus que suffisante. Il y a cinquante-six ans sonnĂ©s que je suis curĂ© de VerriĂšres, et cependant, suivant toute apparence, je vais ĂȘtre destituĂ©. Ceci m'afflige, et toutefois j'ai huit cents livres de rente. Je vous fais part de ce dĂ©tail afin que vous ne vous fassiez pas d'illusions sur ce qui vous attend dans l'Ă©tat de prĂȘtre. Si vous songez Ă  faire la cour aux hommes qui ont la puissance, votre perte Ă©ternelle est assurĂ©e. Vous pourrez faire fortune, mais il faudra nuire aux misĂ©rables, flatter le sous-prĂ©fet, le maire, l'homme considĂ©rĂ©, et servir ses passions : cette conduite, qui dans le monde s'appelle savoir-vivre, peut, pour un laĂŻque, n'ĂȘtre pas absolument incompatible avec le salut ; mais, dans notre Ă©tat, il faut opter ; il s'agit de faire fortune dans ce monde ou dans l'autre, il n'y a pas de milieu. Allez, mon cher ami, rĂ©flĂ©chissez, et revenez dans trois jours me rendre une rĂ©ponse dĂ©finitive. J'entrevois avec peine, au fond de votre caractĂšre, une ardeur sombre qui ne m'annonce pas la modĂ©ration et la parfaite abnĂ©gation des avantages terrestres nĂ©cessaires Ă  un prĂȘtre ; j'augure bien de votre esprit ; mais, permettez-moi de vous le dire, ajouta le bon curĂ©, les larmes aux yeux, dans l'Ă©tat de prĂȘtre, je tremble pour votre salut.
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Stendhal (The Red and the Black)
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Nous entrons dans un temps oĂč il deviendra particuliĂšrement difficile de « distinguer l’ivraie du bon grain », d’effectuer rĂ©ellement ce que les thĂ©ologiens nomment le « discernement des esprits », en raison des manifestations dĂ©sordonnĂ©es qui ne feront que s’intensifier et se multiplier, et aussi en raison du dĂ©faut de vĂ©ritable connaissance chez ceux dont la fonction normale devrait ĂȘtre de guider les autres, et qui aujourd’hui ne sont trop souvent que des « guides aveugles ». On verra alors si, dans de pareilles circonstances, les subtilitĂ©s dialectiques sont de quelque utilitĂ©, et si c’est une « philosophie », fĂ»t-elle la meilleure possible, qui suffira Ă  arrĂȘter le dĂ©chaĂźnement des « puissances infernales » ; c’est lĂ  encore une illusion contre laquelle certains ont Ă  se dĂ©fendre, car il est trop de gens qui, ignorant ce qu’est l’intellectualitĂ© pure, s’imaginent qu’une connaissance simplement philosophique, qui, mĂȘme dans le cas le plus favorable, est Ă  peine une ombre de la vraie connaissance, est capable de remĂ©dier Ă  tout et d’opĂ©rer le redressement de la mentalitĂ© contemporaine, comme il en est aussi qui croient trouver dans la science moderne elle-mĂȘme un moyen de s’élever Ă  des vĂ©ritĂ©s supĂ©rieures, alors que cette science n’est fondĂ©e prĂ©cisĂ©ment que sur la nĂ©gation de ces vĂ©ritĂ©s. Toutes ces illusions sont autant de causes d’égarement ; bien des efforts sont par lĂ  dĂ©pensĂ©s en pure perte, et c’est ainsi que beaucoup de ceux qui voudraient sincĂšrement rĂ©agir contre l’esprit moderne sont rĂ©duits Ă  l’impuissance, parce que, n’ayant pas su trouver les principes essentiels sans lesquels toute action est absolument vaine, ils se sont laissĂ© entraĂźner dans des impasses dont il ne leur est plus possible de sortir.
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René Guénon (The Crisis of the Modern World)
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« Il dit rĂ©solument : « Je ne venais point vous voir parce que cela valait mieux. » Elle demanda, sans comprendre : « Comment ? Pourquoi ? – Pourquoi ? Vous ne devinez pas. – Non, pas du tout. – Parce que je suis amoureux de vous... oh ! un peu, rien qu’un peu... et que je ne veux pas le devenir tout Ă  fait... » Elle ne parut ni Ă©tonnĂ©e, ni choquĂ©e, ni flattĂ©e ; elle continuait Ă  sourire du mĂȘme sourire indiffĂ©rent, et elle rĂ©pondit avec tranquillitĂ© : « Oh ! vous pouvez venir tout de mĂȘme. On n’est jamais amoureux de moi longtemps. » Il fut surpris du ton plus encore que des paroles, et il demanda : « Pourquoi ? – Parce que c’est inutile et que je le fais comprendre tout de suite. Si vous m’aviez racontĂ© plus tĂŽt votre crainte, je vous aurais rassurĂ© et engagĂ© au contraire Ă  venir le plus possible. » Il s’écria, d’un ton pathĂ©tique : « Avec ça qu’on peut commander aux sentiments ! » Elle se tourna vers lui : « Mon cher ami, pour moi un homme amoureux est rayĂ© du nombre des vivants. Il devient idiot, pas seulement idiot, mais dangereux. Je cesse, avec les gens qui m’aiment d’amour, ou qui le prĂ©tendent, toute relation intime, parce qu’ils m’ennuient d’abord, et puis parce qu’ils me sont suspects comme un chien enragĂ© qui peut avoir une crise. Je les mets donc en quarantaine morale jusqu’à ce que leur maladie soit passĂ©e. Ne l’oubliez point. Je sais bien que chez vous l’amour n’est autre chose qu’une espĂšce d’appĂ©tit, tandis que chez moi ce serait, au contraire, une espĂšce de... de... de communion des Ăąmes qui n’entre pas dans la religion des hommes. Vous en comprenez la lettre, et moi l’esprit. Mais... regardez-moi bien en face... » Elle ne souriait plus. Elle avait un visage calme et froid et elle dit en appuyant sur chaque mot : « Je ne serai jamais, jamais votre maĂźtresse, entendez-vous. Il est donc absolument inutile, il serait mĂȘme mauvais pour vous de persister dans ce dĂ©sir... Et maintenant que... l’opĂ©ration est faite... voulez-vous que nous soyons amis, bons amis, mais lĂ , de vrais amis, sans arriĂšre-pensĂ©e ? » Il avait compris que toute tentative resterait stĂ©rile devant cette sentence sans appel. Il en prit son parti tout de suite, franchement, et, ravi de pouvoir se faire cette alliĂ©e dans l’existence, il lui tendit les deux mains : « Je suis Ă  vous, madame, comme il vous plaira. » » (de « Bel-Ami » par Guy de Maupassant)
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Guy de Maupassant
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moi je suis fĂąchĂ© contre notre cercle patriarcal parce qu’il y vient toujours un homme du type le plus insupportable. Vous tous, messieurs, le connaissez trĂšs bien. Son nom est LĂ©gion. C’est un homme qui a bon coeur, et n’a rien qu’un bon coeur. Comme si c’était une chose rare Ă  notre Ă©poque d’avoir bon coeur ; comme si, enfin, on avait besoin d’avoir bon coeur ; cet Ă©ternel bon coeur ! L’homme douĂ© d’une si belle qualitĂ© a l’air, dans la vie, tout Ă  fait sĂ»r que son bon coeur lui suffira pour ĂȘtre toujours content et heureux. Il est si sĂ»r du succĂšs qu’il nĂ©glige tout autre moyen en venant au monde. Par exemple, il ne connaĂźt ni mesure ni retenue. Tout, chez lui, est dĂ©bordant, Ă  coeur ouvert. Cet homme est enclin Ă  vous aimer soudain, Ă  se lier d’amitiĂ©, et il est convaincu qu’aussitĂŽt, rĂ©ciproquement, tous l’aimeront, par ce seul fait qu’il s’est mis Ă  aimer tout le monde. Son bon coeur n’a mĂȘme jamais pensĂ© que c’est peu d’aimer chaudement, qu’il faut possĂ©der l’art de se faire aimer, sans quoi tout est perdu, sans quoi la vie n’est pas la vie, ni pour son coeur aimant ni pour le malheureux que, naĂŻvement, il a choisi comme objet de son attachement profond. Si cet homme se procure un ami, aussitĂŽt celui-ci se transforme pour lui en un meuble d’usage, quelque chose comme un crachoir. Tout ce qu’il a dans le coeur, n’importe quelle saletĂ©, comme dit Gogol, tout s’envole de la langue et tombe dans le coeur de l’ami. L’ami est obligĂ© de tout Ă©couter et de compatir Ă  tout. Si ce monsieur est trompĂ© par sa maĂźtresse, ou s’il perd aux cartes, aussitĂŽt, comme un ours, il fond, sans y ĂȘtre invitĂ©, sur l’ñme de l’ami et y dĂ©verse tous ses soucis. Souvent il ne remarque mĂȘme pas que l’ami lui-mĂȘme a des chagrins par-dessus la tĂȘte : ou ses enfants sont morts, ou un malheur est arrivĂ© Ă  sa femme, ou il est excĂ©dĂ© par ce monsieur au coeur aimant. Enfin on lui fait dĂ©licatement sentir que le temps est splendide et qu’il faut en profiter pour une promenade solitaire. Si cet homme aime une femme, il l’offensera mille fois par son caractĂšre avant que son coeur aimant le remarque, avant de remarquer (si toutefois il en est capable) que cette femme s’étiole de son amour, qu’elle est dĂ©goĂ»tĂ©e d’ĂȘtre avec lui, qu’il empoisonne toute son existence. Oui, c’est seulement dans l’isolement, dans un coin, et surtout dans un groupe que se forme cette belle oeuvre de la nature, ce « spĂ©cimen de notre matiĂšre brute », comme disent les AmĂ©ricains, en qui il n’y a pas une goutte d’art, en qui tout est naturel. Un homme pareil oublie – il ne soupçonne mĂȘme pas –, dans son inconscience totale, que la vie est un art, que vivre c’est faire oeuvre d’art par soi-mĂȘme ; que ce n’est que dans le lien des intĂ©rĂȘts, dans la sympathie pour toute la sociĂ©tĂ© et ses exigences directes, et non dans l’indiffĂ©rence destructrice de la sociĂ©tĂ©, non dans l’isolement, que son capital, son trĂ©sor, son bon coeur, peut se transformer en un vrai diamant taillĂ©.
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Fyodor Dostoevsky
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J’ai remarquĂ© souvent que quand deux amis pĂ©tersbourgeois se rencontrent quelque part, aprĂšs s’ĂȘtre saluĂ©s, ils demandent en mĂȘme temps : Quoi de neuf ? il y a une tristesse particuliĂšre dans leurs voix, quelle qu’ait Ă©tĂ© l’intonation initiale de leur conversation. En effet, une dĂ©sespĂ©rance totale est liĂ©e Ă  cette question Ă  PĂ©tersbourg. Mais le plus agaçant c’est que, trĂšs souvent, l’homme qui la pose est tout Ă  fait indiffĂ©rent, un PĂ©tersbourgeois de naissance, qui connaĂźt trĂšs bien la coutume, sait d’avance qu’on ne lui rĂ©pondra rien, qu’il n’y a rien de nouveau, qu’il a posĂ© cette question peut-ĂȘtre mille fois sans aucun succĂšs ; cependant, il la pose, et il a l’air de s’y intĂ©resser, comme si les convenances l’obligeaient de participer lui aussi Ă  la vie publique, d’avoir des intĂ©rĂȘts publics. Mais les intĂ©rĂȘts publics... C’est-Ă -dire nous ne nions pas que nous ayons des intĂ©rĂȘts publics ; nous tous aimons ardemment la patrie, nous aimons notre cher PĂ©tersbourg, nous aimons jouer si l’occasion se prĂ©sente. En un mot il y a beaucoup d’intĂ©rĂȘts publics. Mais ce qu’il y a surtout chez nous, ce sont les groupes. On sait que PĂ©tersbourg n’est que la rĂ©union d’un nombre considĂ©rable de petits groupes dont chacun a ses statuts, ses conventions, ses lois, sa logique et son oracle. C’est en quelque sorte le produit de notre caractĂšre national qui a encore peur de la vie publique et tient plutĂŽt au foyer. En outre, la vie publique exige un certain art ; il faut s’y prĂ©parer ; il faut beaucoup de conditions. Aussi, l’on prĂ©fĂšre la maison. LĂ , tout est plus simple ; il ne faut aucun art ; on est plus tranquille. Dans le groupe, on vous rĂ©pondra bravement Ă  la question : Quoi de neuf ? La question reçoit tout de suite un sens particulier, et l’on vous rĂ©pond ou par un potin, ou par un bĂąillement, ou par quelque chose qui vous force vous-mĂȘme Ă  bĂąiller cyniquement, magistralement. Dans le groupe, on peut traĂźner de la façon la meilleure et la plus douce une vie utile entre le bĂąillement et le ragot, jusqu’au moment oĂč la grippe, ou bien la fiĂšvre chaude, visite votre demeure ; et vous quittez alors la vie stoĂŻquement, avec indiffĂ©rence, sans savoir comment et pourquoi tout cela Ă©tait avec vous jusqu’alors. Aujourd’hui, dans l’obscuritĂ©, au crĂ©puscule, aprĂšs une triste journĂ©e, plein d’étonnement que tout se soit arrangĂ© ainsi, il semble qu’on ait vĂ©cu, qu’on ait atteint quelque chose, et tout Ă  coup, on ne sait pas pourquoi, il faut quitter ce monde agrĂ©able et sans soucis pour Ă©migrer dans un monde meilleur. Dans certains groupes, d’ailleurs, on parle fortement de la cause. Quelques personnes instruites et bien intentionnĂ©es se rĂ©unissent. On bannit sĂ©vĂšrement tous les plaisirs innocents, comme les potins et la prĂ©fĂ©rence, et, avec un entrain incomprĂ©hensible, on parle de diffĂ©rents sujets trĂšs importants. Enfin, aprĂšs avoir bavardĂ©, parlĂ©, rĂ©solu quelques questions d’utilitĂ© gĂ©nĂ©rale, et aprĂšs avoir rĂ©ussi Ă  imposer aux uns et aux autres une opinion sur toutes choses, le groupe est saisi d’une irritation quelconque et commence Ă  s’affaiblir considĂ©rablement. Finalement, tous se fĂąchent les uns contre les autres. On se dit quelques dures vĂ©ritĂ©s. Quelques caractĂšres tranchants se font jour et tout se termine par la dislocation totale. Ensuite on se calme ; on fait provision de bon sens et, peu Ă  peu, l’on se rĂ©unit de nouveau dans le groupe dĂ©crit ci-dessus. Sans doute il est agrĂ©able de vivre ainsi. Mais Ă  la longue cela devient irritant ; cela irrite fortement.
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Fyodor Dostoevsky
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(...) la fonction du MusĂ©e, comme celle de la BibliothĂšque, n'est pas uniquement bienfaisante. Il nous donne bien le moyen de voir ensemble, comme moments d'un seul effort, des productions qui gisaient Ă  travers le monde, enlisĂ©es dans les cultes ou dans les civilisations dont elles voulaient ĂȘtre l'ornement, en ce sens il fonde notre conscience de la peinture comme peinture. Mais elle est d'abord dans chaque peintre qui travaille, et elle y est Ă  l'Ă©tat pur, tandis que le MusĂ©e la compromet avec les sombres plaisirs de la rĂ©trospection. Il faudrait aller au MusĂ©e comme les peintres y vont, dans la joie sobre [78] du travail, et non pas comme nous y allons, avec une rĂ©vĂ©rence qui n'est pas tout Ă  fait de bon aloi. Le MusĂ©e nous donne une conscience de voleurs. L'idĂ©e nous vient de temps Ă  autre que ces Ɠuvres n'ont tout de mĂȘme pas Ă©tĂ© faites pour finir entre ces murs moroses, pour le plaisir des promeneurs du dimanche ou des « intellectuels » du lundi. Nous sentons bien qu'il y a dĂ©perdition et que ce recueillement de nĂ©cropole n'est pas le milieu vrai de l'art, que tant de joies et de peines, tant de colĂšres, tant de travaux n'Ă©taient pas destinĂ©s Ă  reflĂ©ter un jour la lumiĂšre triste du MusĂ©e. Le MusĂ©e, transformant des tentatives en « Ɠuvres », rend possible une histoire de la peinture. Mais peut-ĂȘtre est-il essentiel aux hommes de n'atteindre Ă  la grandeur dans leurs ouvrages que quand ils ne la cherchent pas trop, peut-ĂȘtre n'est-il pas mauvais que le peintre et l'Ă©crivain ne sachent pas trop qu'ils sont en train de fonder l'humanitĂ©, peut-ĂȘtre enfin ont-ils, de l'histoire de l'art, un sentiment plus vrai et plus vivant quand ils la continuent dans leur travail que quand ils se font « amateurs » pour la contempler au MusĂ©e. Le MusĂ©e ajoute un faux prestige Ă  la vraie valeur des ouvrages en les dĂ©tachant des hasards au milieu desquels ils sont nĂ©s et en nous faisant croire que des fatalitĂ©s guidaient la main des artistes depuis toujours. Alors que le style en chaque peintre vivait comme la pulsation de son cƓur et le rendait justement capable de reconnaĂźtre tout autre effort que le sien, - le MusĂ©e convertit cette historicitĂ© secrĂšte, pudique, non dĂ©libĂ©rĂ©e, involontaire, vivante enfin, en histoire officielle et pompeuse. L'imminence d'une rĂ©gression donne Ă  notre amitiĂ© pour tel peintre une nuance pathĂ©tique qui lui Ă©tait bien Ă©trangĂšre. Pour lui, il a travaillĂ© toute une vie d'homme, - et nous, nous voyons son Ɠuvre comme des fleurs au bord d'un prĂ©cipice. Le MusĂ©e rend les peintres aussi mystĂ©rieux pour nous que les pieuvres ou les langoustes. Ces Ɠuvres qui sont nĂ©es dans la chaleur d'une vie, il les transforme en prodiges d'un autre monde, et le souffle qui les portait n'est plus, dans l'atmosphĂšre pensive du MusĂ©e et sous ses glaces protectrices, qu'une faible palpitation Ă  leur surface. Le MusĂ©e tue la vĂ©hĂ©mence de la peinture comme la bibliothĂšque, [79] disait Sartre, transforme en « messages » des Ă©crits qui ont Ă©tĂ© d'abord les gestes d'un homme. Il est l'historicitĂ© de mort. Et il y a une historicitĂ© de vie, dont il n'offre que l'image dĂ©chue : celle qui habite le peintre au travail, quand il noue d'un seul geste la tradition qu'il reprend et la tradition qu'il fonde, celle qui le rejoint d'un coup Ă  tout ce qui s'est jamais peint dans le monde, sans qu’il ait Ă  quitter sa place, son temps, son travail bĂ©ni et maudit, et qui rĂ©concilie les peintures en tant que chacune exprime l'existence entiĂšre, en tant qu'elles sont toutes rĂ©ussies, - au lieu de les rĂ©concilier en tant qu'elles sont toutes finies et comme autant de gestes vains.
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Merlau-Ponty
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J’ai d’ailleurs un ami qui, ces jours-ci, m’a affirmĂ© que nous ne savons mĂȘme pas ĂȘtre paresseux. Il prĂ©tend que nous paressons lourdement, sans plaisir, ni bĂ©atitude, que notre repos est fiĂ©vreux, inquiet, mĂ©content ; qu’en mĂȘme temps que la paresse, nous gardons notre facultĂ© d’analyse, notre opinion sceptique, une arriĂšre-pensĂ©e, et toujours sur les bras une affaire courante, Ă©ternelle, sans fin. Il dit encore que nous nous prĂ©parons Ă  ĂȘtre paresseux et Ă  nous reposer comme Ă  une affaire dure et sĂ©rieuse et que, par exemple, si nous voulons jouir de la nature, nous avons l’air d’avoir marquĂ© sur notre calendrier, encore la semaine derniĂšre, que tel et tel jour, Ă  telle et telle heure, nous jouirons de la nature. Cela me rappelle beaucoup cet Allemand ponctuel qui, en quittant Berlin, nota tranquillement sur son carnet. « En passant Ă  Nuremberg ne pas oublier de me marier. » Il est certain que l’Allemand avait, avant tout, dans sa tĂȘte, un systĂšme, et il ne sentait pas l’horreur du fait, par reconnaissance pour ce systĂšme. Mais il faut bien avouer que dans nos actes Ă  nous, il n’y a mĂȘme aucun systĂšme. Tout se fait ainsi comme par une fatalitĂ© orientale. Mon ami a raison en partie. Nous semblons traĂźner notre fardeau de la vie par force, par devoir, mais nous avons honte d’avouer qu’il est au-dessus de nos forces, et que nous sommes fatiguĂ©s. Nous avons l’air, en effet, d’aller Ă  la campagne pour nous reposer et jouir de la nature. Regardez avant tout les bagages rien laissĂ© de ce qui est usĂ©, de ce qui a servi l’hiver, au contraire, nous y avons ajoutĂ© des choses nouvelles. Nous vivons de souvenirs et l’ancien potin et la vieille affaire passent pour neufs. Autrement c’est ennuyeux ; autrement il faudra jouer au whist avec l’accompagnement du rossignol et Ă  ciel ouvert. D’ailleurs, c’est ce qui se fait. En outre, nous ne sommes pas bĂątis pour jouir de la nature ; et, en plus, notre nature, comme si elle connaissait notre caractĂšre, a oubliĂ© de se parer au mieux. Pourquoi, par exemple, est-elle si dĂ©veloppĂ©e chez nous l’habitude trĂšs dĂ©sagrĂ©able de toujours contrĂŽler, Ă©plucher nos impressions – souvent sans aucun besoin – et, parfois mĂȘme, d’évaluer le plaisir futur, qui n’est pas encore rĂ©alisĂ©, de le soupeser, d’en ĂȘtre satisfait d’avance en rĂȘve, de se contenter de la fantaisie et, naturellement, aprĂšs, de n’ĂȘtre bon Ă  rien pour une affaire rĂ©elle ? Toujours nous froisserons et dĂ©chirerons la fleur pour sentir mieux son parfum, et ensuite nous nous rĂ©volterons quand, au lieu de parfum, il ne restera plus qu’une fumĂ©e. Et cependant, il est difficile de dire ce que nous deviendrions si nous n’avions pas au moins ces quelques jours dans toute l’annĂ©e et si nous ne pouvions satisfaire par la diversitĂ© des phĂ©nomĂšnes de la nature notre soif Ă©ternelle, inextinguible de la vie naturelle, solitaire. Et enfin, comment ne pas tomber dans l’impuissance en cherchant Ă©ternellement des impressions, comme la rime pour un mauvais vers, en se tourmentant de la soif d’activitĂ© extĂ©rieure, en s’effrayant enfin, jusqu’à en ĂȘtre malade, de ses propres illusions, de ses propres chimĂšres, de sa propre rĂȘverie et de tous ces moyens auxiliaires par lesquels, en notre temps, on tĂąche, n’importe comment, de remplir le vide de la vie courante incolore. Et la soif d’activitĂ© arrive chez nous jusqu’à l’impatience fĂ©brile. Tous dĂ©sirent des occupations sĂ©rieuses, beaucoup avec un ardent dĂ©sir de faire du bien, d’ĂȘtre utiles, et, peu Ă  peu, ils commencent dĂ©jĂ  Ă  comprendre que le bonheur n’est pas dans la possibilitĂ© sociale de ne rien faire, mais dans l’activitĂ© infatigable, dans le dĂ©veloppement et l’exercice de toutes nos facultĂ©s.
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Fyodor Dostoevsky