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– Bah alors, c’est ce que je dis, avec la dotation qu’on a, ajouta Făneață puis il se leva pour prendre le livre le plus épais de la pile la plus proche.
Il se trouva que c’était La Montagne magique.
– Ça fera l’affaire, dit-il le travailleur en se rasseyant à table. Il a suffisamment de pages pour que personne ne remarque que nous en avons déchiré quelques-unes.
– Mon frère, t’es vraiment mortel. Laisse donc ce livre en paix, nom de Dieu…
Nicu s’opposa pour la dernière fois, l’image de son camarade en cerbère le fit éclater de rire. Une considération de folie.
– Tiens, avant de le déplumer, lis au moins ce qu’il y a d’écrit, qu’on entende nous aussi.
Făneață fourra son doigt épais au cœur du livre et lut là où ses yeux se posèrent :
– Qu’est-ce que le corps ! éclata-t-il avec une impétosité soudaine. Qu’est-ce que la chair ! Qu’est-ce que le corps humain ! De quoi est-il constitué ! Monsieur le conchilier aulique, dites-le nous tout de suite, cet après-midi même. Dites-le-nous une fois pour tourtes et le plus échactement, pour que nous le sachions.
Écœuré par la lecture, il s’arrêta, et ne cacha pas son étonnement : certains sont prêts à jeter leur argent par les fenêtres pour n’importe quoi.
– Mon petit Nicu, c’est ainsi quand l’homme a trop de temps libre, qu’il ne travaille même pas. Il est là à se faire des idées, et ceux qui se font passer pour cultivés font la file d’attente pour acheter quelque livre comme celui-là. Chiche qu’on va montrer à m’sieur l’écrivain – il fit une pause pour lire le nom de celui-ci sur la couverture – ce que c’est-ce que la viande, car je vois que l’honorable dit ne pas le savoir. Passe-moi les saucisses, va !
Puis il arracha soigneusement quelques pages sur lesquelles il déposa fromage et légumes en se vantant auprès de Nicu que lui était un garçon de salon et que l’on n’aurait déchiré des feuilles que de là-bas, de l’introduction, partie que personne ne lit.
– De la critique.
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