Au Natural Quotes

We've searched our database for all the quotes and captions related to Au Natural. Here they are! All 100 of them:

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I was glad to be made aware that “Veimke” (jeune fille au pair), is subject to natural law, and can be made fat, by such things as poor diet, and alcohol.
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Roman Payne
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On s'ennuie de tout, mon ange, c'est une loi de la nature; ce n'est pas ma faute. Si donc, je m'ennuie aujourd'hui d'une aventure qui m'a occupĂ© entiĂšrement depuis quatre mortels mois, ce n'est pas ma faute. Si, par exemple, j'ai eu juste autant d'amour que toi de vertu, et c'est surement beaucoup dire, il n'est pas Ă©tonnant que l'un ait fini en mĂȘme temps que l'autre. Ce n'est pas ma faute. Il suit de lĂ , que depuis quelque temps je t'ai trompĂ©e: mais aussi ton impitoyable tendresse m'y forçait en quelque sorte! Ce n'est pas ma faute. Aujourd'hui, une femme que j'aime Ă©perdument exige que je te sacrifie. Ce n'est pas ma faute. Je sens bien que voilĂ  une belle occasion de crier au parjure: mais si la Nature n'a accordĂ© aux hommes que la constance, tandis qu'elle donnait aux femmes l'obstination, ce n'est pas ma faute. Crois-moi, choisis un autre amant, comme j'ai fait une maĂźtresse. Ce conseil est bon, trĂšs bon; si tu le trouve mauvais, ce n'est pas ma faute. Adieu, mon ange, je t'ai prise avec plaisir, je te quitte sans regrets: je te reviendrai peut-ĂȘtre. Ainsi va le monde. Ce n'est pas ma faute.
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Pierre Choderlos de Laclos (Les liaisons dangereuses)
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The maid told him that a girl and a child had come looking for him, but since she didn't know them, she hadn't cared to ask them in, and had told them to go on to Mers. "Why didn't you let them in?" asked Germain angrily. "People must be very suspicious in this part of the world, if they won't open the front door to a neighbor." "Well, naturally!" replied the maid. "In a house as rich as this, you have to keep a close watch on things. While the master's away I'm responsible for everything, and I can't just open the door to anyone at all." "That's a mean way to live," said Germain; "I'd rather be poor than live in fear like that. Good-bye to you, miss, and good-bye to this horrible country of yours!
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George Sand (La mare au diable)
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Next morning Jean-Guy Beauvoir was waiting by the car with two travel mugs of cafĂ© au lait from the bistro and two chocolatines. “Just because we’re going to Mordor doesn’t mean we can’t enjoy ourselves on the way,” he said, opening the passenger-side door for Armand.
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Louise Penny (The Nature of the Beast (Chief Inspector Armand Gamache #11))
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Aucun penseur n'oserait dire que le parfum des aubĂ©pines est inutile aux constellations..." Prolonger la question hugolienne : qui prĂ©tendrait que le ressac n'est pour rien dans les rĂȘves du faon, que le vent n'Ă©prouve rien Ă  se heurter au mur, que l'aube est insensible aux trilles des mĂ©sanges ?
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Sylvain Tesson
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TĂąchez de garder toujours un morceau de ciel au-dessus de votre vie, petit garçon, ajoutait-il en se tournant vers moi. Vous avez une jolie Ăąme, d’une qualitĂ© rare, une nature d’artiste, ne la laissez pas manquer de ce qu’il lui faut.» Quand,
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Marcel Proust (A la recherche du temps perdu: édition Intégrale, tous les volumes (French Edition))
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On suffoquait, les chevelures s'alourdissaient sur les tĂȘtes en sueur. Depuis trois heures qu'on Ă©tait lĂ , les haleines avaient chauffĂ© l'air d'une odeur humaine. Dans le flamboiement du gaz, les poussiĂšres en suspension s'Ă©paississaient, immobiles au-dessous du lustre. La salle entiĂšre vacillait, glissait Ă  un vertige, lasse et excitĂ©e, prise de ces dĂ©sirs ensommeillĂ©s de minuit qui balbutient au fond des alcĂŽves. Et Nana, en face de ce public pĂąmĂ©, de ces quinze cents personnes entassĂ©es, noyĂ©es dans l'affaissement et le dĂ©traquement nerveux d'une fin de spectacle, restait victorieuse avec sa chair de marbre, son sexe assez fort pour dĂ©truire tout ce monde et n'en ĂȘtre pas entamĂ©.
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Émile Zola (Nana)
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Get the natural better and be au naturel no more.
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Anyaele Sam Chiyson (The Sagacity of Sage)
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Seule la totalite personnifie la verite. Neanmoins, la totalite represente simplement la nature essentielle parvenant a son etat complet au travers du processus de son propre developpement. Il doit etre dit que, fondamentalement, l'Absolu est un resultat, et c'est seulement a la fin qu'il represente ce qu'il est veritablement.
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Georg Wilhelm Friedrich Hegel
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Oamenii comunica intre ei prin semne conventionale si astfel si-au facut iluzia desarta ca se si inteleg. In realitate fiecare atribuie celorlalti ceea ce simte dinsul si atata tot. Legaturi directe omul numai cu Dumnezeu poate sa aiba de la care a si dobandit constiinta existentei. Tragediile ca si bucuriile cele mai mari omul le traieste intotdeauna in deplina singuratate si de aceea, cand isi simte sufletul mai sfisiat, isi simte singuratatea si mai mare.
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Liviu Rebreanu (Ciuleandra)
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Il est urgent de placer l’humain et la nature au cƓur de nos prĂ©occupations et l’économie Ă  leur service. S’obstiner Ă  maintenir le profit illimitĂ© et la croissance indĂ©finie comme fondement de l’ordre mondial est totalement suicidaire.
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Pierre Rabhi (La part du colibri: L'EspĂšce humaine face Ă  son devenir)
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It must be this overarching commitment to what is really an abstraction, to one's children right or wrong, that can be even more fierce than the commitment to them as explicit, difficult people, and that can consequently keep you devoted to them when as individuals they disappoint. On my part it was this broad covenant with children-in-theory that I may have failed to make and to which I was unable to resort when Kevin finally tested my maternal ties to a perfect mathematical limit on Thursday. I didn't vote for parties, but for candidates. My opinions were as ecumenical as my larder, then still chock full of salsa verde from Mexico City, anchovies from Barcelona, lime leaves from Bangkok. I had no problem with abortion but abhorred capital punishment, which I suppose meant that I embraced the sanctity of life only in grown-ups. My environmental habits were capricious; I'd place a brick in our toilet tank, but after submitting to dozens of spit-in-the-air showers with derisory European water pressure, I would bask under a deluge of scalding water for half an hour. My closet wafter with Indian saris, Ghanaian wraparounds, and Vietnamese au dais. My vocabulary was peppered with imports -- gemutlich, scusa, hugge, mzungu. I so mixed and matched the planet that you sometimes worried I had no commitments to anything or anywhere, though you were wrong; my commitments were simply far-flung and obscenely specific. By the same token, I could not love a child; I would have to love this one. I was connected to the world by a multitude of threads, you by a few sturdy guide ropes. It was the same with patriotism: You loved the idea of the United States so much more powerfully than the country itself, and it was thanks to your embrace of the American aspiration that you could overlook the fact that your fellow Yankee parents were lining up overnight outside FAO Schwartz with thermoses of chowder to buy a limited release of Nintendo. In the particular dwells the tawdry. In the conceptual dwells the grand, the transcendent, the everlasting. Earthly countries and single malignant little boys can go to hell; the idea of countries and the idea of sons triumph for eternity. Although neither of us ever went to church, I came to conclude that you were a naturally religious person.
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Lionel Shriver (We Need to Talk About Kevin)
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C’est la nature, dis-tu, qui me donne tous ces biens. Ne vois-tu pas qu’en parlant ainsi tu ne fais que changer le nom de Dieu ? La nature est-elle autre chose que Dieu et la raison divine, incorporĂ©e au monde entier et Ă  chacune de ses parties ?
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Seneca
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L'homme lutte contre la peur mais, contrairement Ă  ce qu'on rĂ©pĂšte toujours, cette peur n'est pas celle de la mort, car la peur de la mort, tout le monde ne l'Ă©prouve pas, certains n'ayant aucune imagination, d'autres se croyant immortels, d'autres encore espĂ©rant des rencontres merveilleuses aprĂšs leur trĂ©pas ; la seule peur universelle, la peur unique, celle qui conduit toutes nos pensĂ©es, car la peur de n'ĂȘtre rien. Parce que chaque individu a Ă©prouvĂ© ceci, ne fĂ»t-ce qu'une seconde au cours d'une journĂ©e : se rendre compte que, par nature, ne lui appartient aucune des identitĂ©s qui le dĂ©finissent, qu'il aurait pu ne pas ĂȘtre dotĂ© de ce qui le caractĂ©rise, qu'il s'en est fallu d'un cheveu qu'il naisse ailleurs, apprenne une autre langue, reçoive une Ă©ducation religieuse diffĂ©rente, qu'on l'Ă©lĂšve dans une autre culture, qu'on l'instruise dans une autre idĂ©ologie, avec d'autres parents, d'autres tuteurs, d'autres modĂšles. Vertige !
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Éric-Emmanuel Schmitt
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il existait sans doute entre les inquiĂ©tes crĂ©atures humaines des rĂ©pulsions et des haines surgies du plus profond de leur nature, et qui, le jour oĂč il ne serait plus de mode de s'exterminer pour cause de religion, se donneraient cours autrement. (La promenade sur la dune)
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Marguerite Yourcenar (L'ƒuvre au noir)
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Supprime donc en toi toute aversion pour ce qui ne dĂ©pend pas de nous et, cette aversion, reporte-la sur ce qui dĂ©pend de nous et n’est pas en accord avec la nature. Quant au dĂ©sir, pour le moment, supprime-le complĂštement. Car si tu dĂ©sires une chose qui ne dĂ©pend pas de nous, tu ne pourras qu’échouer, sans compter que tu te mettras dans l’impossibilitĂ© d’atteindre ce qui est Ă  notre portĂ©e et qu’il est plus sage de dĂ©sirer. Borne-toi Ă  suivre tes impulsions, tes rĂ©pulsions, mais fais-le avec lĂ©gĂšretĂ©, de façon non systĂ©matique et sans effort excessif.
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Epictetus (The Discourses)
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Cette encombrante enveloppe qu'il lui fallait laver, remplir, rĂ©chauffer au coin du feu ou sous la toison d'une bĂȘte morte, coucher le soir comme un enfant ou comme un vieillard imbĂ©cile, servait contre lui d'otage Ă  la nature entiĂšre et, pis encore, Ă  la sociĂ©tĂ© des hommes. (L'abĂźme)
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Marguerite Yourcenar (L'ƒuvre au noir)
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Les hommes y tiennent Ă  leurs sales souvenirs, Ă  tous leurs malheurs et on ne peut pas les en faire sortir. Ca leur occupe l'Ăąme. Ils se vengent de l'injustice de leur prĂ©sent en besognant l'avenir au fond d'eux-mĂȘmes avec de la merde. Justes et lĂąches qu'ils sont tout au fond. C'est leur nature.
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Louis-Ferdinand CĂ©line (Journey to the End of the Night)
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HĂ© quoi ? vous ne ferez nulle distinction Entre l'hypocrisie et la dĂ©votion? Vous les voulez traiter d'un semblable langage, Et rendre mĂȘme honneur au masque qu'au visage, Égaler l'artifice Ă  la sincĂ©ritĂ©, Confondre l'apparence avec la vĂ©ritĂ©, Estimer le fantĂŽme autant que la personne, Et la fausse monnaie Ă  l'Ă©gal de la bonne ? Les hommes la plupart sont Ă©trangement faits ! Dans la juste nature on ne les voit jamais ; La raison a pour eux des bornes trop petites ; En chaque caractĂšre ils passent ses limites ; Et la plus noble chose, ils la gĂątent souvent Pour la vouloir outrer et pousser trop avant.
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MoliĂšre (The Misanthrope)
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Dans chaque dĂ©mocratie libĂ©rale s'est Ă©laborĂ© un imaginaire de citoyennetĂ© au sein duquel la projection dans l'avenir est devenue plus significative que le poids du passĂ©. Cet imaginaire s'est traduit par des normes juridiques, et a mĂȘme pĂ©nĂ©trĂ© par la suite Ă  l'intĂ©rieur du systĂšme Ă©ducatif Ă©tatique.[...] La souffrance du passĂ© justifie le prix exigĂ© de la part des citoyens dans le prĂ©sent. L'hĂ©roĂŻsme des temps qui s'Ă©loignent promet un avenir rayonnant pour l'individu, du moins sĂ»rement pour la nation. L'idĂ©e nationale est devenue, avec l'aide des historiens, une idĂ©ologie optimiste par nature. De lĂ , notamment, vient son succĂšs.
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Shlomo Sand (The Invention of the Jewish People)
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Des trombes marines se dressaient lĂ  accumulĂ©es et en apparence immobiles comme les piliers noirs d'un temple. Elles supportaient, renflĂ©es Ă  leurs extrĂ©mitĂ©s, la voĂ»te sombre et basse de la tempĂȘte, mais, au travers des dĂ©chirures de la voĂ»te, des pans de lumiĂšre tombaient, et la pleine lune rayonnait, entre les piliers, sur les dalles froides de la mer.
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Antoine de Saint-Exupéry (Wind, Sand and Stars)
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C'Ă©tait d'une beautĂ© cruelle, Ă  vous ravir le souffle, presque humaine mais en mĂȘme temps au-delĂ  de tout souci humain.
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Jonathan Littell
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...Un simț al libertății absolute. Un sentiment asemănător poți avea doar Ăźn mormĂąnt și la WC. Interesant e că ambele au aproximativ aceleași dimensiuni.
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Georgi Gospodinov (Un roman natural)
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Au seuil de la science est assis ce principe : Rien n’est sorti de rien. Rien n’est l’Ɠuvre des dieux.
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Lucretius (De la nature des choses)
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Combien de gens exercent-ils le travail de leur choix ? Certains scientifiques, artistes, quelques travailleurs trĂšs qualifiĂ©s ou certaines professions libĂ©rales ont peut-ĂȘtre cette satisfaction, mais la plupart des gens ne sont pas libres de choisir leur activitĂ©. C'est la nĂ©cessitĂ© Ă©conomique qui les y oblige. C'est pourquoi on peut parler de "travail aliĂ©nĂ©". En outre, la plupart des travailleurs produisent des biens et des services destinĂ©s Ă  devenir des marchandises qu'ils n'ont pas eux-mĂȘmes choisi de produire et qui appartiennent Ă  un autre : le capitaliste qui les emploie. Les travailleurs sont donc, en outre, parfaitement Ă©trangers au produit de leur labeur. Le travail s'effectue dans des conditions industrielles modernes qui privilĂ©gient la concurrence plutĂŽt que la collaboration et l'isolement plutĂŽt que l'association. Les travailleurs sont donc Ă©galement Ă©trangers les uns aux autres. ConcentrĂ©s dans les villes et les usines, ils sont pour finir Ă©trangers Ă  la nature.
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Howard Zinn (Disobedience and Democracy: Nine Fallacies on Law and Order (Radical 60s))
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Vivre d'un troupeau, c'est en grande partie le parasiter quelle que soit la prĂ©ocupation qu'on ait de son bien-ĂȘtre. Nous sommes Ă  la fois le lĂ©gislatif et l'exĂ©cutif. On ne peut enfermer des animaux dans une Ă©treinte intĂ©ressĂ©e sans aller Ă  l'encontre de leur nature. La dĂ©marche soucieuse de vivre avec et non de peut dĂ©jĂ  attĂ©nuer l'arbitraire. Il s'agit alors de vivre des rĂ©ciprocitĂ©s. (p.238)
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Pierre Rabhi (Du Sahara aux Cévennes : Itinéraire d'un homme au service de la Terre-MÚre)
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PremiÚre maxime. - Les sujets d'un Etat doivent contribuer au soutien du gouvernement, chacun le plus possible en proportion de ses facultés, c'est-à-dire en proportion du revenu dont il jouit sous la protection de l'Etat.
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Adam Smith (An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations)
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Pour Ă©lever un État du dernier degrĂ© de barbarie au plus haut degrĂ© d’opulence, il ne faut que trois choses : la paix, des taxes modĂ©rĂ©es et une administration tolĂ©rable de la justice. Tout le reste est amenĂ© par le cours naturel des choses.
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Adam Smith (Recherches sur la Nature et les Causes de la Richesse des Nations (Intégrale livres 1 à 5) (French Edition))
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read as to eat. I was greatly taken with this new way of talking and derived considerable pleasure from speaking it to the waiter. I asked him for a luster of water freshly drawn from the house tap and presented au nature in a cylinder of glass, and when he came around with the bread rolls I entreated him to present me a tonged rondelle of blanched wheat, oven baked and masked in a poppy-seed coating. I was just getting warmed up to this and about to ask for a fanned lap coverlet, freshly laundered and scented with a delicate hint of Lemon Daz, to replace the one that had slipped from my lap and now lay recumbent on the horizontal walking surface subjacent to my feet, when he handed me a card that said “Sweets Menu” and I realized that we were back in the no-nonsense world of English. It’s a funny thing about English diners. They’ll let you dazzle them with piddly duxelles of this and fussy little noisettes of that, but don’t mess with their puddings,
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Bill Bryson (Notes from a Small Island)
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Notre plus grande peur est la peur d'aimer. Toute souffrance a commencĂ© par l'amour ; l'amour bafouĂ©, reniĂ©, ignorĂ©. L'abandon ou les cris dans une chambre d'enfant. Si c'est cette peur qui nous fait souhaiter construire un univers oĂč nous n'aurons plus peur - oĂč rĂ©gnera une atmosphĂšre de sĂ©curitĂ©- , alors l'impulsion crĂ©atrice n'est pas la bonne. Si c'est la peur qui nous fait rĂȘver d'un monde sans violence, nous y programmons aussitĂŽt la violence. "Qui prĂ©fĂšre la sĂ©curitĂ© Ă  la libertĂ© aura vite fait de perdre les deux." Il faut sortir de l'illusion sĂ©curisante. L'amour, par nature, met en danger. L'amour nous emporte au large, loin des estuaires et des ports de plaisance. Il dĂ©coiffe les anxieux, les craintifs, les inquiets. (p. 79-80)
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Christiane Singer (N'oublie pas les chevaux écumants du passé)
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Then she reached for her bag and took out a small book. She explained she had found it at a store near her home, and that it described the nature of your character based on the date of your birth. (...) I thought some of it was true and some of it was not, but the real truth was how such things allowed someone to talk about you, or what you had done or why you did it, in a way that unraveled your character into distinct traits. It made you seem readable to them, or to yourself, which could feel like a revelation.
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Jessica Au (Cold Enough for Snow)
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Ferme tes yeux Ă  demi, Croise tes bras sur ton sein, Et de ton cƓur endormi Chasse Ă  jamais tout dessein."   "Je chante la nature, Les Ă©toiles du soir, les larmes du matin, Les couchers de soleil Ă  l'horizon lointain, Le ciel qui parle au cƓur d'existence future!
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Robert W. Chambers (The King in Yellow)
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[...] la foi, l'acte de croire Ă  des mythes, des idĂ©ologies ou des lĂ©gendes surnaturels, est la consĂ©quence de la biologie. [...] Il est dans notre nature de survivre. La foi est une rĂ©ponse instinctive Ă  des aspects de l'existence que nous ne pouvons expliquer autrement, que ce soit le vide moral que nous percevons dans l'univers, la certitude de la mort, le mystĂšre des origines, le sens de notre propre vie ou son absence de sens. Ce sont des aspects Ă©lĂ©mentaires et d'une extraordinaire simplicitĂ©, mais nos propres limitations nous empĂȘchent de donner des rĂ©ponses sans Ă©quivoque Ă  ces questions et, pour cette raison, nous gĂ©nĂ©rons pour nous dĂ©fendre une rĂ©ponse Ă©motionnelle. C'est de la pure et simple biologie. [...] Toute interprĂ©tation ou observation de la rĂ©alitĂ© l'est par nĂ©cessitĂ©. En l’occurrence, le problĂšme rĂ©side dans le fait que l'homme est un animal moral abandonnĂ© dans un monde amoral, condamnĂ© Ă  une existence finie et sans autre signification que de perpĂ©tuer le cycle naturel de l'espĂšce. Il est impossible de survivre dans un Ă©tat prolongĂ© de rĂ©alitĂ©, au moins pour un ĂȘtre humain.
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Carlos Ruiz ZafĂłn (The Angel's Game (The Cemetery of Forgotten Books, #2))
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L'amour est un grand maĂźtre "Il le faut avouer, l'amour est un grand maĂźtre Ce qu'on ne sut jamais il nous enseigne Ă  l'ĂȘtre ; Et souvent de nos moeurs l'absolu changement Devient, par ses leçons, l'ouvrage d'un moment ; De la nature, en nous, il force les obstacles, Et ses effets soudains ont de l'air des miracles ; D'un avare Ă  l'instant il fait un libĂ©ral, Un vaillant d'un poltron, un civil d'un brutal ; Il rend agile Ă  tout l'Ăąme la plus pesante, Et donne de l'esprit Ă  la plus innocente." L'Ecole des femmes, III, 4 (v. 900-909)
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MoliĂšre (L'Ecole Des Femmes / La Critique de L'Ecole Des Femmes / Remerciment Au Roi / L'Impromptu de Versailles / La Princesse D'Elide)
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Il ne faut pas avoir peur de regarder les choses en face. La vie est le rĂ©sultat de la malpropretĂ©. Si la nature avait Ă©tĂ© bien tenue, la vie ne serait jamais apparue. La vie est nĂ©e de quelques vagues saletĂ©s au fond d'une flaque d'eau boueuse. La vie, donc l'homme. Il n'y a vraiment pas de quoi ĂȘtre fier.
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François Cavanna
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QuatriĂšme maxime. - Tout impĂŽt doit ĂȘtre conçu de maniĂšre Ă  ce qu'il fasse sortir des mains du peuple le moins d'argent possible au-delĂ  de ce qui entre dans le TrĂ©sor de l'Etat, et en mĂȘme temps Ă  ce qu'il tienne le moins longtemps possible cet argent hors des mains du peuple avant d'entrer dans ce TrĂ©sor.
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Adam Smith (An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations)
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Le regard analytique et le regard intuitif sur la vie ne peuvent s'harmoniser dans un mĂȘme ĂȘtre que dans la mesure oĂč le premier est subordonnĂ© au second. C'est du second, et notamment du sentiment de beautĂ© et de compassion qu'il enferme, que dĂ©coule le sens de la totalitĂ© de mĂȘme que celui des Ă©quilibres et de la limite. Le regard intuitif est la condition de la sagesse sans laquelle le regard analytique peut conduire Ă  des excĂšs suicidaires. L'analyse des phĂ©nomĂšnes donne de la puissance sur eux, elle permet de dominer la nature, mais elle n'enferme aucune indication quant aux limites qu'il convient d'assigner Ă  cette puissance.
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James E. Lovelock
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Si donc les corps premiers sont, comme je l'ai montré, solides et sans vide, ils sont nécessairement doués d'éternité. Du reste si la matiÚre n'avait pas été éternelle, depuis longtemps déjà les choses seraient toutes et tout entiÚres retournées au néant, et c'est du néant que serait né de nouveau tout ce que nous voyons.
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De la nature = De rerum natura: Texte original
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Quant Ă  moi, j’étais tout Ă  fait tranquille sur mon sort. Moi aussi, j’aimais passionnĂ©ment mon art ; mais je savais dĂšs le commencement de ma carriĂšre que je resterais, au sens littĂ©ral du mot, un ouvrier de l’art. En revanche, je suis fier de ne pas avoir enfoui, comme l’esclave paresseux, ce que m’avait donnĂ© la nature, et, au contraire, de l’avoir augmentĂ© considĂ©rablement. Et si on loue mon jeu impeccable, si l’on vante ma technique, tout cela je le dois au travail ininterrompu, Ă  la conscience nette de mes forces, Ă  l’éloignement que j’eus toujours pour l’ambition, la satisfaction de soi-mĂȘme et la paresse, consĂ©quence de cette satisfaction.
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Fyodor Dostoevsky
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Quand je considĂšre ma vie, je suis Ă©pouvantĂ© de la trouver informe. L'existence des hĂ©ros, celle qu'on nous raconte, est simple ; elle va droit au but comme une flĂšche. Et la plupart des hommes aiment Ă  rĂ©sumer leur vie dans une formule, parfois dans une vanterie ou dans une plainte, presque toujours dans une rĂ©crimination ; leur mĂ©moire leur fabrique complaisamment une existence explicable et claire. Ma vie a des contours moins fermes... Le paysage de mes jours semble se composer, comme les rĂ©gions de montagne, de matĂ©riaux divers entassĂ©s pĂȘle-mĂȘle. J'y rencontre ma nature, dĂ©jĂ  composite, formĂ©e en parties Ă©gales d'instinct et de culture. Ça et lĂ , affleurent les granits de l'inĂ©vitable ; partout, les Ă©boulements du hasard. Je m'efforce de reparcourir ma vie pour y trouver un plan, y suivre une veine de plomb ou d'or, ou l'Ă©coulement d'une riviĂšre souterraine, mais ce plan tout factice n'est qu'un trompe-l'oeil du souvenir. De temps en temps, dans une rencontre, un prĂ©sage, une suite dĂ©finie d'Ă©vĂ©nements, je crois reconnaĂźtre une fatalitĂ©, mais trop de routes ne mĂšnent nulle part, trop de sommes ne s'additionnent pas. Je perçois bien dans cette diversitĂ©, dans ce dĂ©sordre, la prĂ©sence d'une personne, mais sa forme semble presque toujours tracĂ©e par la pression des circonstances ; ses traits se brouillent comme une image reflĂ©tĂ©e sur l'eau. Je ne suis pas de ceux qui disent que leurs actions ne leur ressemblent pas. Il faut bien qu'elles le fassent, puisqu'elles sont ma seule mesure, et le seul moyen de me dessiner dans la mĂ©moire des hommes, ou mĂȘme dans la mienne propre ; puisque c'est peut-ĂȘtre l'impossibilitĂ© de continuer Ă  s'exprimer et Ă  se modifier par l'action que constitue la diffĂ©rence entre l'Ă©tat de mort et celui de vivant. Mais il y a entre moi et ces actes dont je suis fait un hiatus indĂ©finissable. Et la preuve, c'est que j'Ă©prouve sans cesse le besoin de les peser, de les expliquer, d'en rendre compte Ă  moi-mĂȘme. Certains travaux qui durĂšrent peu sont assurĂ©ment nĂ©gligeables, mais des occupations qui s'Ă©tendirent sur toute la vie ne signifient pas davantage. Par exemple, il me semble Ă  peine essentiel, au moment oĂč j'Ă©cris ceci, d'avoir Ă©tĂ© empereur..." (p.214)
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Marguerite Yourcenar (Les Yeux ouverts : Entretiens avec Matthieu Galey)
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Certains animaux connaissent des extases peut-ĂȘtre plus puissantes ontologiquement Ă  partir de leur silence et au sein de leur appartenance au milieu, que nous-mĂȘmes Ă  partir du langage et dans notre dĂ©sappartenance progressive encore qu’intermittente Ă  la nature. Certains cerfs d’automne pris dans leur brume sont plus au courant de l’intrigue originelle que les dieux.
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Pascal Quignard (AbĂźmes (Dernier Royaume #3))
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En effet, c'est une impression gĂ©nĂ©rale qu'Ă©prouvent tous les hommes, quoiqu'ils ne l'observent pas tous, que sur les hautes montagnes, oĂč l'air est pur et subtil, on se sent plus de facilitĂ© dans la respiration, plus de lĂ©gĂšretĂ© dans le corps, plus de sĂ©rĂ©nitĂ© dans l'esprit; les plaisirs y sont moins ardents, les passions plus modĂ©rĂ©es. (...) Il semble qu'en s'Ă©levant au-dessus du sĂ©jour des hommes, on y laisse tous les sentiments bas et terrestres, et qu'Ă  mesure qu'on approche des rĂ©gions Ă©thĂ©rĂ©es, l'Ăąme contracte quelque chose de leur inaltĂ©rable puretĂ©. On y est grave sans mĂ©lancolie, paisible sans indolence, content d'ĂȘtre et de penser : tous les dĂ©sirs trop vifs s'Ă©moussent, ils perdent cette pointe aiguĂ« qui les rend douloureux ; ils ne laissent au fond du cƓur qu'une Ă©motion lĂ©gĂšre et douce...
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Jean-Jacques Rousseau (Julie ou la Nouvelle HĂ©loĂŻse (French Edition))
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Sade, au moins, n’a pas montrĂ© le vice agrĂ©able ou riant : il l’a montrĂ© apathique. Et sans doute, de cette apathie dĂ©coule un plaisir intense ; mais Ă  la limite, ce n’est plus le plaisir d’un Moi qui participe Ă  la nature seconde (fĂ»t-ce un moi criminel participant Ă  une nature criminelle), c’est au contraire le plaisir de nier la nature en moi et hors de moi, et de nier le Moi lui-mĂȘme. En un mot, c’est un plaisir de dĂ©monstration.
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Gilles Deleuze (Venus in Furs)
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Mason prefers to switch over to Tea, when it is Dixon’s turn to begin shaking his head. “Can’t understand how anyone abides that stuff.” “How so?” Mason unable not to react. “Well, it’s disgusting, isn’t it? Half-rotted Leaves, scalded with boiling Water and then left to lie, and soak, and bloat?” “Disgusting? this is Tea, Friend, Cha,— what all tasteful London drinks,— that,” pollicating the Coffee-Pot, “is what’s disgusting.” “Au contraire,” Dixon replies, “Coffee is an art, where precision is all,— Water-Temperature, mean particle diameter, ratio of Coffee to Water or as we say, CTW, and dozens more Variables I’d mention, were they not so clearly out of thy technical Grasp,— ” “How is it,” Mason pretending amiable curiosity, “that of each Pot of Coffee, only the first Cup is ever worth drinking,— and that, by the time I get to it, someone else has already drunk it?” Dixon shrugs. “You must improve your Speed . . . ? As to the other, why aye, only the first Cup’s any good, owing to Coffee’s Sacramental nature, the Sacrament being Penance, entirely absent from thy sunlit World of Tay,— whereby the remainder of the Pot, often dozens of cups deep, represents the Price for enjoying that first perfect Cup.” “Folly,” gapes Mason. “Why, ev’ry cup of Tea is perfect . . . ?” “For what? curing hides?
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Thomas Pynchon (Mason & Dixon)
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MĂȘme dans le plus creux de ma peine, je ne suis pas certaine d'avoir eu l'air aussi dĂ©vastĂ©e. J'imagine que ça dĂ©pend de la nature de ce qui nous a brisĂ©s. Justin m'a fendu le coeur en deux quand il m'a laissĂ©e. Ça m'a fait mal, mais la coupure est nette et je sais que je vais me recoller, Ă©ventuellement. Jack, lui, semble cassĂ© en mille morceaux. Au point que, peu importe ce qu'il fera, il ne retrouvera sĂ»rement jamais tous les Ă©clats.
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Marie-Christine Chartier (Le sommeil des loutres)
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J'Ă©tais entiĂšre avant de rencontrer Toumani. J'Ă©tais entiĂšre alors que je ne ressentais rien, mais j'ai succombĂ© Ă  la vanitĂ© et, dĂšs l,instant oĂč la nature m'a saisie, je me suis brisĂ©e au sol. À prĂ©sent, je m'en allais en resserrant mon chĂąle autour de mes Ă©paules, comme dans le but de rassembler mes fragments Ă©pars. Mais mĂȘme ainsi, recollĂ©e, j'Ă©tais une femme lĂ©zardĂ©e, et les courants d'air s'engouffraient dans les failles entre mes morceaux.
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Ryad Assani-Razaki (La main d'Iman)
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Robert Louis Stevenson wa Uskochi aliponukuu nahau ya ‘kamera haiwezi kudanganya’ katika kitabu chake cha ‘South Seas’ mwaka 1896, miaka 57 baada ya sanaa ya upigaji wa picha kugunduliwa, hakumaanisha tuwe asili. Hakumaanisha tusizirekebishe picha zetu baada ya kuzipiga na kuzisafisha! Alimaanisha tuwe nadhifu tuonekanapo mbele za watu au mbele ya vyombo vya habari; ambapo picha itapigwa, itasafishwa, itachapishwa na itauzwa kama ilivyo bila kurekebishwa.
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Enock Maregesi
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Je ne pense plus Ă  la misĂšre, mais Ă  la beautĂ© qui survivra. VoilĂ  la grande diffĂ©rence entre MĂšre et moi. Quand on est dĂ©couragĂ© ou triste elle conseille : "Pensons aux malheurs du monde, et soyons contents d'ĂȘtre Ă  l'abri". Et moi je conseille "Sors, sors dans les champs, regarde la nature et le soleil, va au grand air et tĂąche de retrouver le bonheur en toi-mĂȘme et en Dieu. Pense Ă  la beautĂ© qui se trouve encore en toi et autour de toi, sois heureuse !
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Anne Frank (Anne Frank: The Diary Of A Young Girl)
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- Vous croyez que mes crimes rendent vos mauvaises actions moins condamnables ? Vos petitesses et vos vices moins hideux ? Vous croyez qu'il y a les meurtriers, les violeurs, les criminels d'un cĂŽtĂ© et vous de l'autre ? C'est cela qu'il vous faut comprendre : il n'y a pas une membrane Ă©tanche qui empĂȘcherait le mal de circuler. Il n'y a pas deux sortes d'humanitĂ©. Quand vous mentez Ă  votre femme et Ă  vos enfants, quand vous abandonnez votre vieille mĂšre dans une maison de retraite pour ĂȘtre plus libre de vos mouvements, quand vous vous enrichissez sur le dos des autres, quand vous rechignez Ă  verser une partie de votre salaire Ă  ceux qui n'ont rien, quand vous faites souffrir par Ă©goĂŻsme ou par indiffĂ©rence, vous vous rapprochez de ce que je suis. Au fond, vous ĂȘtes beaucoup plus proches de moi et des autres pensionnaires que vous ne le croyez. C'est une question de degrĂ©, pas une question de nature. Notre nature est commune : c'est celle de l'humanitĂ© toute entiĂšre.
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Bernard Minier
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Ecoute : l'intellectuel essaie de connaĂźtre et de reprĂ©senter au moyen de la logique l'essence du monde. Il sait que notre intelligence et son instrument, la logique, sont des outils imparfaits - tout comme un artiste sensĂ© n'ignore pas que son pinceau ou son ciseau ne pourront jamais exprimer parfaitement la splendeur d'un ange ou d'un saint. Pourtant tous deux essaient, le penseur comme l'artiste, chacun Ă  sa maniĂšre. Ils ne peuvent pas faire autrement, ils n'en ont pas le droit. Car un ĂȘtre humain s'acquitte de sa tĂąche la plus haute, la plus normale, en cherchant Ă  mettre en valeur les dons qu'il a reçus de la nature. [...] Nous autres, nous sommes changeants, en devenir, nous sommes un ensemble de possibles, il n'y a pas pour nous de perfection, pas d'ĂȘtre absolu. Mais lĂ  oĂč nous passons de la puissance Ă  l'acte, de la possibilitĂ© Ă  la rĂ©alisation, nous avons part Ă  l'ĂȘtre vĂ©ritable, nous nous rapprochons d'un pas du divin et de la perfection. Se rĂ©aliser, c'est cela. (p. 309-310)
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Hermann Hesse (Narcissus and Goldmund)
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Vous avez joué au ballon, et vous avez été sobre, lui dit Zadig: apprenez qu'il n'y a point de basilic dans la nature, qu'on se porte toujours bien avec de la sobriété et de l'exercice, et que l'art de faire subsister ensemble l'intempérance et la santé est un art aussi chimérique que la pierre philosophale, l'astrologie judiciaire, et la théologie des mages. Le premier médecin d'Ogul, sentant combien cet homme était dangereux pour la médecine, s'unit avec l'apothicaire du corps pour envoyer Zadig chercher des basilics dans l'autre monde.
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Voltaire (Zadig et autres contes)
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Gardez-vous, surtout et ce sera mon dernier conseil, d'Ă©couter jamais des interprĂ©tations sinistres et des discours envenimĂ©s dont les motifs secrets sont souvent plus dangereux que les actions qui en sont l'objet. Toute une maison s'Ă©veille et se tient en alarmes aux premiers cris d'un bon et fidĂšle gardien qui n'aboie jamais qu'Ă  l'approche des voleurs; mais on hait l'importunitĂ© de ces animaux bruyants qui troublent sans cesse le repos public, et dont les avertissements continuels et dĂ©placĂ©s ne se font pas mĂȘme Ă©couter au moment qu'ils sont nĂ©cessaires.
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Jean-Jacques Rousseau (Discourse on the Origin of Inequality (Dover Thrift Editions: Philosophy))
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Certainement tu es la sagesse, la vĂ©ritĂ© ; tu es la bontĂ©, le bonheur, l'Ă©ternitĂ©; tu es tout ce qui constitue le vrai bien. Toutes ces choses sont nombreuses, mon intelligence Ă©troite et captive ne peut voir tant d'objets d'un seul coup, et jouir de tous Ă  la fois. Comment donc, Seigneur, es-tu tous ces objets? Sont-ils tes diverses parties, ou chacun d'eux n'est-il pas tout entier ton essence? Car, tout ce qui est composĂ© de parties n'est pas vĂ©ritablement un. Il est, en quelque maniĂšre, plusieurs et diffĂ©rent de lui-mĂȘme ; il peut ĂȘtre dĂ©suni et dans le fait et par la pensĂ©e, conditions Ă©trangĂšres Ă  ta nature, au-dessus de laquelle on ne saurait rien concevoir. Il n'y a donc point de parties en toi, Seigneur ! Tu n'es pas multiple ; mais tu es tellement un et si complĂštement semblable Ă  toi-mĂȘme, que tu ne diffĂšres en aucun point de ta propre nature. Bien plus, tu es l'unitĂ© vĂ©ritable et absolue, indivisible mĂȘme par la pensĂ©e. Ainsi donc, la vie, la sagesse, et toutes les autres vertus que nous avons Ă©numĂ©rĂ©es, ne sont pas des parties de ton ĂȘtre, mais toutes ensemble ne font qu'un, et chacune est, tout entiĂšre, et ton essence et l'essence des autres.
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Anselm of Canterbury (Proslogion)
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Il me semble qu'ils confondent but et moyen ceux qui s'effraient par trop de nos progrĂšs techniques. Quiconque lutte dans l'unique espoir de biens matĂ©riels, en effet, ne rĂ©colte rien qui vaille de vivre. Mais la machine n'est pas un but. L'avion n'est pas un but : c'est un outil, un outil comme la charrue. Si nous croyons que la machine abĂźme l'homme c'est que, peut-ĂȘtre, nous manquons un peu de recul pour juger les effets de transformations aussi rapides que celles que nous avons subies. Que sont les cent annĂ©es de l'histoire de la machine en regard des deux cent mille annĂ©es de l'histoire de l'homme? C'est Ă  peine si nous nous installons dans ce paysage de mines et de centrales Ă©lectriques. C'est Ă  peine si nous commençons d'habiter cette maison nouvelle, que nous n'avons mĂȘme pas achevĂ© de bĂątir. Tout a changĂ© si vite autour de nous : rapports humains, conditions de travail, coutumes. Notre psychologie elle-mĂȘme a Ă©tĂ© bousculĂ©e dans ses bases les plus intimes. Les notions de sĂ©paration, d'absence, de distance, de retour, si les mots sont demeurĂ©s les mĂȘmes, ne contiennent plus les mĂȘmes rĂ©alitĂ©s. Pour saisir le monde aujourd'hui, nous usons d'un langage qui fut Ă©tabli pour le monde d'hier. Et la vie du passĂ© nous semble mieux rĂ©pondre Ă  notre nature, pour la seule raison qu'elle rĂ©pond mieux Ă  notre langage. Pour le colonial qui fonde un empire, le sens de la vie est de conquĂ©rir. Le soldat mĂ©prise le colon. Mais le but de cette conquĂȘte n'Ă©tait-il pas l'Ă©tablissement de ce colon? Ainsi dans l'exaltation de nos progrĂšs, nous avons fait servir les hommes Ă  l'Ă©tablissement des voies ferrĂ©es, Ă  l'Ă©rection des usines, au forage de puits de pĂ©trole. Nous avions un peu oubliĂ© que nous dressions ces constructions pour servir les hommes. (Terre des Hommes, ch. III)
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Antoine de Saint-Exupéry
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Le culte des sens a Ă©tĂ© souvent dĂ©criĂ©, et Ă  juste titre : un instinct naturel inspire aux hommes la terreur de passions et de sensations qui leur semblent plus fortes qu'eux-mĂȘmes, et qu'ils ont conscience de partager avec les formes infĂ©rieures du monde organique. Mais Dorian Gray estimait que la vraie nature des sens n'avait jamais Ă©tĂ© bien comprise, qu'ils avaient gardĂ© leur animalitĂ© sauvage uniquement parce qu'on avait voulu les soumettre par la famine ou les tuer Ă  force de souffrance, au lieu de chercher Ă  en faire les Ă©lĂ©ments d'une spiritualitĂ© nouvelle, ayant pour trait dominant une sĂ»re divination de la beautĂ©. Quand il considĂ©rait la marche de l'homme Ă  travers l'Histoire, il Ă©tait poursuivi par une impression d'irrĂ©parable dommage. Que de choses on avait sacrifiĂ©es, et combien vainement ! Des privations sauvages, obstinĂ©es, des formes monstrueuses de martyre et d'immolation de soi, nĂ©es de la peur, avaient abouti Ă  une dĂ©gradation plus Ă©pouvantable que la dĂ©gradation tout imaginaire qu'avaient voulu fuir de pauvres ignorants : la Nature, dans sa merveilleuse ironie, avait amenĂ© les anachorĂštes Ă  vivre dans le dĂ©sert, mĂȘlĂ©s aux animaux sauvages ; aux ermites, elle avait donnĂ© pour compagnons les bĂȘtes des champs.
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Oscar Wilde (The Picture of Dorian Gray)
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la Tentation de Saint Antoine. C’est lĂ , certes, l’effort le plus puissant qu’ait jamais tentĂ© un esprit. Mais la nature mĂȘme du sujet, son Ă©tendue, sa hauteur inaccessible rendaient l’exĂ©cution d’un pareil livre presque au-dessus des forces humaines. Reprenant la vieille lĂ©gende des tentations du solitaire, il l’a fait assaillir non plus seulement par des visions de femmes nues et de nourritures succulentes mais par toutes les doctrines, toutes les croyances, toutes les superstitions oĂč s’est Ă©garĂ© l’esprit inquiet des hommes. C’est le dĂ©filĂ© colossal des religions escortĂ©es de toutes les conceptions Ă©tranges, naĂŻves ou compliquĂ©es, Ă©closes
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Guy de Maupassant (Oeuvres posthumes: Tome II - Les dimanches d'un bourgeois de Paris - La vie d'un paysagiste - Etude sur Gustave Flaubert - L'ùme étrangÚre - L'angélus (French Edition))
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De l’espĂšce d’ñme qui a la plus haute autoritĂ© en nous, voici l’idĂ©e qu’il faut s’en faire : c’est que Dieu nous l’a donnĂ©e comme un gĂ©nie, et c’est le principe que nous avons dit logĂ© au sommet de notre corps, et qui nous Ă©lĂšve de la terre vers notre parentĂ© cĂ©leste, car nous sommes une plante du ciel, non de la terre, nous pouvons l’affirmer en toute vĂ©ritĂ©. Car Dieu a suspendu notre tĂȘte et notre racine Ă  l’endroit oĂč l’ñme fut primitivement engendrĂ©e et a ainsi dressĂ© tout notre corps vers le ciel. Or, quand un homme s’est livrĂ© tout entier Ă  ses passions ou Ă  ses ambitions et applique tous ses efforts Ă  les satisfaire, toutes ses pensĂ©es deviennent nĂ©cessairement mortelles, et rien ne lui fait dĂ©faut pour devenir entiĂšrement mortel, autant que cela est possible, puisque c’est Ă  cela qu’il s’est exercĂ©. Mais lorsqu’un homme s’est donnĂ© tout entier Ă  l’amour de la science et Ă  la vraie sagesse et que, parmi ses facultĂ©s, il a surtout exercĂ© celle de penser Ă  des choses immortelles et divines, s’il parvient Ă  atteindre la vĂ©ritĂ©, il est certain que, dans la mesure oĂč il est donnĂ© Ă  la nature humaine de participer Ă  l’immortalitĂ©, il ne lui manque rien pour y parvenir ; et, comme il soigne toujours la partie divine et maintient en bon Ă©tat le gĂ©nie qui habite en lui, il doit ĂȘtre supĂ©rieurement heureux.
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Plato (Timaeus)
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Le rĂ©cit achevĂ©, l'abbĂ© rĂ©flĂ©chit profondĂ©ment. « Il y a, dit-il au bout d'un instant, un axiome de droit d'une grande profondeur, et qui en revient Ă  ce que je vous disais tout Ă  l'heure, c'est qu'Ă  moins que la pensĂ©e mauvaise ne naisse avec une organisation faussĂ©e, la nature humaine rĂ©pugne au crime. Cependant, la civilisation nous a donnĂ© des besoins, des vices, des appĂ©tits factices qui ont parfois l'influence de nous faire Ă©touffer nos bons instincts et qui nous conduisent au mal. De lĂ  cette maxime : Si vous voulez dĂ©couvrir le coupable, cherchez d'abord celuiĂ  qui le crime commis peut ĂȘtre utile  ! A qui votre disparition pouvait-elle ĂȘtre utile  ?
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Alexandre Dumas (The Count of Monte Cristo)
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What I dread is the moment when her understanding turns to compassion, and her tenderness, her concern, come dangerously close to pity and maternal solicitude as to change the very nature of our lovemaking. “No, no, my darling, we mustn’t, you will strain yourself....” p41 ... Of course I should have spoken to her frankly, from the first. But to name the Devil is to conjure him up. And the moods of lovers are contagious. There is that hazardous balance between them where the misery of the one brings on the insecurity and anxiety of the other; things quickly go from bad to worse , until they can no longer speak about it and the silence grows like a wall between them.
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Romain Gary (Au-delĂ  de cette limite votre ticket n'est plus valable)
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- Vous tenez tant que ça Ă  mourir ? Les rĂ©ponses sincĂšres ne sont jamais nettes, ni rapides. Elle [Sophie] rĂ©flĂ©chissait, fronçant les sourcils, ce qui lui donnait le front ridĂ© qu'elle aurait dans vingt ans. J'assistais Ă  cette mystĂ©rieuse pesĂ©e que Lazare fit sans doute trop tard, et aprĂšs sa rĂ©surrection, et oĂč la peur sert de contrepoids Ă  la fatigue, le dĂ©sespoir au courage, et le sentiment d'en avoir assez fait Ă  l'envie de manger encore quelques repas, de dormir encore quelques nuits, et de voir encore se lever le matin. Ajoutez Ă  cela deux ou trois douzaines de souvenirs heureux ou malheureux, qui, selon les natures, aident Ă  nous retenir, ou nous prĂ©cipitent vers la mort. (p. 242)
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Marguerite Yourcenar (Alexis ou le Traité du vain combat / Le Coup de grùce)
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On servit le souper, Milady sentit qu’elle avait besoin de forces, elle ne savait pas ce qui pouvait se passer pendant cette nuit qui s’approchait menaçante, car de gros nuages roulaient au ciel, et des Ă©clairs lointains annonçaient un orage. L’orage Ă©clata vers les dix heures du soir ; milady sentait une consolation Ă  voir la nature partager le dĂ©sordre de son cƓur ; la foudre grondait dans l’air comme la colĂšre dans sa pensĂ©e, il lui semblait que la rafale, en passant, Ă©chevelait son front comme les arbres dont elle courbait les branches et enlevait les feuilles ; elle hurlait comme l’ouragan, et sa voix se perdait dans la grande voix de la nature, qui, elle aussi, semblait gĂ©mir et se dĂ©sespĂ©rer.
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Alexandre Dumas (The Three Musketeers)
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Dans les Cent Vingt JournĂ©es, le libertin se dĂ©clare excitĂ© non par les « objets qui sont ici », mais par l’Objet qui n’est pas lĂ , c’est-Ă -dire l’« idĂ©e du mal ». Or cette idĂ©e de ce qui n’est pas, cette idĂ©e du Non ou de la nĂ©gation, qui n’est pas donnĂ©e ni donnable dans l’expĂ©rience, ne peut ĂȘtre qu’objet de dĂ©monstration (au sens oĂč le mathĂ©maticien parle de vĂ©ritĂ©s qui gardent tout leur sens mĂȘme si nous dormons, et mĂȘme si elles n’existent pas dans la nature). C’est pourquoi aussi les hĂ©ros sadiques dĂ©sespĂšrent et enragent de voir leurs crimes rĂ©els si minces par rapport Ă  cette idĂ©e qu’ils ne peuvent atteindre que par la toute-puissance du raisonnement. Ils rĂȘvent d’un crime universel et impersonnel
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Gilles Deleuze (Venus in Furs)
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Pierdut cĂąteodată Ăźn larga și neprihănita singurătate a naturii, cine n-a ascultat graiul duios si mistic, Ăźn care adierile călătoare ale dimineții ĂźÈ™i destăinuiesc frunzelor adormite ale codrului eterna lor dragoste? Al cui suflet n-a Ăźntinerit Ăźn fața unei picături de rouă, ce Ăźndoaie, sub greutatea răcoroasă și scĂąnteietoare, fruntea Ăźncărcată parcă de gĂąnduri a unei flori? Cu măsura scurtă și neĂźndestulătoare a inimii sale, cine n-a căutat totuși să socotească nemărginitul adĂąnc al patimii nevinovate, cu care o undă zglobie ĂźÈ™i lasă strălucitoarea-i goliciune Ăźn voia dezmierdărilor șăgalnice ale unei raze de lumină, spre a-și arunca Ăźn urmă, peste pudoarea-i parcă jignită, haina de umbră a pădurilor? De cĂąte ori, Ăźn mijlocul arborilor muți si neclintiți, nu ne-am simțit ca Ăźn tovărășia unor vechi și buni prieteni guralivi! De cĂąte ori nu le-am destăinuit lor durerile noastre și de cĂąte ori, mai cu seamă, nu ne-au alinat ei aceste dureri! Din nenumăratele generațiuni de foi putrede și Ăźngrămădite de vremuri unele peste altele, cine n-a văzut cum ĂźÈ™i ridică fruntea, rar și sfios, o floare albastră sau roșie, și cine, iarăși, n-a Ăźnțeles cum răsare viața din păturile eterne ale morții?... Și, Ăźn fața veșnicei nimiciri, cine nu s-a simțit el insuși lunecĂąnd pe rostul fatal al lucrurilor spre Ăźnsăși neĂźnlăturata și desăvĂąrșita sa neființă?... Și cine n-a Ăźndreptat atunci, din nestatornicia lumii acestea, o dureroasă amintire spre lumea de veșnică odihnă a celor ce nu mai sunt?... Și... al cui suflet n-a simțit răsărindu-i, fără de voie, o lacrimă caldă la capătul cugetărilor sale?...
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Calistrat HogaƟ (Pe drumuri de munte)
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Au peu d’expĂ©riences que j’avais faites jusqu’à prĂ©sent sur le chemin de moi-mĂȘme, s’ajouta celle-ci : la contemplation des formes Ă©tranges, confuses, irrationnelles de la nature fait naĂźtre en nous le sentiment de l’harmonie qui existe entre notre Ăąme et la volontĂ© qui laissa ces formes se crĂ©er. BientĂŽt, nous sommes tentĂ©s de les prendre pour nos propres caprices, pour nos propres crĂ©ations. Nous voyons s’effacer et disparaĂźtre les limites qui nous sĂ©parent de la nature, et nous parvenons alors Ă  l’état dans lequel nous ne savons plus si les images imprimĂ©es sur notre rĂ©tine proviennent d’impressions extĂ©rieures ou intĂ©rieures. C’est alors que nous dĂ©couvrons, le plus facilement et le plus simplement, combien nous sommes crĂ©ateurs, combien notre Ăąme participe Ă  la crĂ©ation perpĂ©tuelle de l’univers.
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Hermann Hesse (Demian)
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S'efforcer de rendre la beautĂ© de quelque chose que l'on juge beau, sans plus, c'est fade, c'est sot. Les « MaĂźtres » crĂ©ent, par leur autoritĂ© suprĂȘme, une belle chose avec un rien, ou bien, tout en Ă©tant Ă©cƓurĂ©s par une chose laide, ils ne se cachent pas qu'ils la trouvent intĂ©ressante et se plaisent Ă  la reprĂ©senter. Bref, c'est grĂące Ă  Takeishi que me fut donnĂ© le secret original de la maniĂšre de peindre, qui ne tient pas compte de l'opinion. En me cachant des visiteuses, je me mis peu Ă  peu Ă  exĂ©cuter mes propres portraits. Je peignais des tableaux d'une cruautĂ© cachĂ©e qui m'Ă©tonnĂšrent moi-mĂȘme. Pourtant, comme je voulais dissimuler au fond de moi ma vrai nature, devant le monde je riais et je faisais rire, mais en vĂ©ritĂ© mon cƓur Ă©tait triste et Ă  cela il n'y avait rien Ă  faire, me disais-je intĂ©rieurement.
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Osamu Dazai
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Quand je vis avec mes semblables, ma pensĂ©e s'occupe d'eux si exclusivement, soit pour les aider Ă  vivre bien, soit pour comprendre pourquoi ils vivent mal, que j'oublie absolument de vivre pour mon compte. Quand je m'aperçois que j'ai fait pour eux mon possible et que je ne leur suis plus nĂ©cessaire, ou, ce qui arrive plus souvent, que je ne leur suis bon Ă  rien, j'Ă©prouve le besoin de vivre avec ce moi intĂ©rieur qui s'identifie Ă  la nature et au rĂȘve de la vie dans l'Ă©ternel et dans l'infini. La nature, je le sais, parle dans l'homme plus que dans les arbres et les rochers; mais elle y parle follement, elle y est plus souvent dĂ©lirante que sage, elle y est pleine d'illusions ou de mensonges. Les animaux sauvages eux-mĂȘmes sont tourmentĂ©s d'un besoin d'existence qui nous empĂȘche de savoir ce qu'ils pensent et si leurs obscures manifestations ne sont pas trompeuses. DĂšs qu'ils subissent des besoins et des passions, ils doivent les satisfaire Ă  tout prix, et toute logique de leur instinct de conservation doit cĂ©der Ă  cette sauvage logique de la faim et de l'amour. OĂč donc trouver, oĂč donc surprendre la voix du vrai absolu dans la nature? HĂ©las, dans le silence des choses inertes, dans le mutisme de ce qui ne ment pas! la face impassible du rocher qui boit le soleil, le front sans ombre du glacier qui regarde la lune, la morne altitude des lieux inaccessibles, exercent sur nous un rassĂ©rĂ©nement inexplicable. LĂ , nous nous sentons comme suspendus entre ciel et terre, dans une rĂ©gion d'idĂ©es oĂč il ne peut y avoir que Dieu ou rien, et, s'il n'y a rien, nous sentons que nous ne sommes rien nous-mĂȘmes et que nous n'existons pas; car rien ne peut se passer de sa raison d'ĂȘtre.
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George Sand (Le dernier amour)
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Qu'un homme vienne nous tenir ce langage : Mortels, je vous annonce la volontĂ© du TrĂšs-Haut ; reconnaissez Ă  ma voix celui qui m'envoie ; j'ordonne au soleil de changer sa course, aux Ă©toiles de former un autre arrangement, aux montagnes de s'aplanir, aux flots de s'Ă©lever, Ă  la terre de prendre un autre aspect. À ces merveilles, qui ne reconnaĂźtra pas Ă  l'instant le maĂźtre de la nature ! Elle n'obĂ©it point aux imposteurs ; leurs miracles se font dans des carrefours, dans des dĂ©serts, dans des chambres ; et c'est lĂ  qu'ils ont bon marchĂ© d'un petit nombre de spectateurs dĂ©jĂ  disposĂ©s Ă  tout croire. Qui est-ce qui m'osera dire combien il faut de tĂ©moins oculaires pour rendre un prodige digne de foi ? Si vos miracles, faits pour prouver votre doctrine, ont eux-mĂȘmes besoin d'ĂȘtre prouvĂ©s, de quoi servent-ils ? autant valait n'en point faire.
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Jean-Jacques Rousseau (Emile, or On Education)
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Je suis comme un Noir dans une sociĂ©tĂ© raciste qui a voulu se gratifier d'un esprit de tolĂ©rance. Autrement dit, je suis un "tolĂ©rĂ©". La tolĂ©rance, sache-le bien, est toujours purement nominale. Je ne connais pas un seul exemple ni un seul cas de tolĂ©rance rĂ©elle. Parce qu'une "tolĂ©rance rĂ©elle" serait une contradiction dans les termes. Le fait de "tolĂ©rer" quelqu'un revient Ă  le "condamner". La tolĂ©rance est mĂȘme une forme plus raffinĂ©e de condamnation. On dit en effet Ă  celui que l'on "tolĂšre" - mettons, au Noir que nous avons pris comme exemple - qu'il peut faire ce qu'il veut, qu'il a pleinement le droit de suivre sa nature, que son appartenance Ă  une minoritĂ© n'est pas un signe d'infĂ©rioritĂ©, etc. Mais sa "diffĂ©rence" - ou plutĂŽt sa "faute d'ĂȘtre diffĂ©rent" - reste la mĂȘme aux yeux de celui qui a dĂ©cidĂ© de le tolĂ©rer et de celui qui a dĂ©cidĂ© de la condamner.
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Pier Paolo Pasolini
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Comme elle Ă©couta, les premiĂšres fois, la lamentation sonore des mĂ©lancolies romantiques se rĂ©pĂ©tant Ă  tous les Ă©chos de la terre et de l'Ă©ternitĂ© ! Si son enfance se fut Ă©coulĂ©e dans l'arriĂšre-boutique d'un quartier marchand, elle se serait peut-ĂȘtre ouverte alors aux envahissements lyriques de la nature, qui, d'ordinaire, ne nous arrivent que par la traduction des Ă©crivains. Mais elle connaissait trop la campagne; elle savait le bĂȘlement des troupeaux, les laitages, les charrues. HabituĂ©e aux aspects calmes, elle se tournait, au contraire, vers les accidentĂ©s. Elle n'aimait la mer qu'Ă  cause de ses tempĂȘtes, et la verdure seulement lorsqu'elle Ă©tait clairsemĂ©e parmi les ruines. Il fallait qu'elle pĂ»t retirer des choses une sorte de profit personnel; et elle rejetait comme inutile tout ce qui ne contribuait pas Ă  la consomma- tion immĂ©diate de son cƓur, Ă©tant de tempĂ©rament plus sentimentale qu'artiste, cherchant des Ă©motions et non des paysages.
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Gustave Flaubert (Madame Bovary)
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Les habitants, dans leurs chambres assombries, avaient l’affolement que donnent les cataclysmes, les grands bouleversements meurtriers de la terre, contre lesquels toute sagesse et toute force sont inutiles. Car la mĂȘme sensation reparaĂźt chaque fois que l’ordre Ă©tabli des choses est renversĂ©, que la sĂ©curitĂ© n’existe plus, que tout ce que protĂ©geaient les lois des hommes ou celles de la nature se trouve Ă  la merci d’une brutalitĂ© inconsciente et fĂ©roce. Le tremblement de terre Ă©crasant sous les maisons croulantes un peuple entier ; le fleuve dĂ©bordĂ© qui roule les paysans noyĂ©s avec les cadavres des bƓufs et les poutres arrachĂ©es aux toits, ou l’armĂ©e glorieuse massacrant ceux qui se dĂ©fendent, emmenant les autres prisonniers, pillant au nom du Sabre et remerciant un Dieu au son du canon, sont autant de flĂ©aux effrayants qui dĂ©concertent toute croyance Ă  la Justice Éternelle, toute la confiance qu’on nous enseigne en la protection du Ciel et en la raison de l’Homme.
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Guy de Maupassant (ƒuvres complùtes)
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Existe-t-il donc une Providence diabolique qui prĂ©pare le malheur dĂšs le berceau, qui jette avec prĂ©mĂ©ditation des natures spirituelles et angĂ©liques dans des milieux hostiles, comme des martyrs dans les cirques ? Y a-t-il donc des Ăąmes sacrĂ©es, vouĂ©es Ă  l’autel, condamnĂ©es Ă  marcher Ă  la mort et Ă  la gloire Ă  travers leurs propres ruines ? Le cauchemar des TĂ©nĂšbres assiĂ©gera-t-il Ă©ternellement ces Ăąmes de choix ? – Vainement elles se dĂ©battent, vainement elles se forment au monde, Ă  ses prĂ©voyances, Ă  ses ruses ; elles perfectionneront la prudence, boucheront toutes les issues, matelasseront les fenĂȘtres contre les projectiles du hasard ; mais le Diable entrera par une serrure ; une perfection sera le dĂ©faut de leur cuirasse, et une qualitĂ© superlative le germe de leur damnation. Leur destinĂ©e est Ă©crite dans toute leur constitution, elle brille d’un Ă©clat sinistre dans leurs regards et dans leurs gestes, elle circule dans leurs artĂšres avec chacun de leurs globules sanguins.
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Charles Baudelaire
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En chinois, le mot n'a presque jamais de sens absolument dĂ©fini et limitĂ© ; le sens rĂ©sulte trĂšs gĂ©nĂ©ralement de la position dans la phrase, mais avant tout de son emploi dans tel ou tel livre plus ancien et de l'interprĂ©tation admise dans ce cas. Ici, point de « racines » au-delĂ  desquelles on n'atteint plus et qui justifient le sens des dĂ©rivĂ©s dans les divers idiomes ou dialectes d'une mĂȘme famille ; le mot n'a de valeur que par ses acceptions traditionnelles. On n'a pas, Ă  ma connaissance, tirĂ© tout le parti possible de cette particularitĂ© de la langue chinoise, au point de vue de l'Ă©tude et de la recherche de la nature rĂ©elle du langage humain. Le mot chinois nous apparaĂźt «comme si», expression naturelle et spontanĂ©e d'une pensĂ©e abstraite Ă©trangĂšre aux circonstances et aux conditions de la vie animale de l'homme, celui-ci, saisissant dans cette pensĂ©e un rapport avec les circonstances et les conditions de sa vie, avait empruntĂ© le son de cette expression pour crĂ©er sa parole raisonnĂ©e.
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Paul-Louis-FĂ©lix Philastre (Le Yi king)
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L’homme fut serpent autrefois » signifie que, dans les enseignements Ă©sotĂ©riques oĂč le Verbe est conçu comme un « serpent divin », l’homme primordial est nĂ©cessairement perçu Ă©tant lui-mĂȘme de nature ophidienne, car, avant la chute, « il n’avait pas d’articulations »; et ce n’est qu’aprĂšs avoir Ă©tĂ© « foudroyĂ© par le Nommo » que l’ancĂȘtre dĂ©tenteur de la norme primordiale se retrouvait « bras et jambes brisĂ©s, Ă  hauteur des coudes et des genoux qu’il n’avait pas jusque lĂ . » De la mĂȘme maniĂšre qu’Adam, dans le rĂ©cit de la GenĂšse, est dĂ©sormais obligĂ© de « gagner son pain Ă  la sueur de son front », de mĂȘme l’homme dĂ©chu issu de l’homme-serpent « reçoit les articulations propres Ă  la nouvelle forme humaine qui allait se rĂ©pandre sur la terre et qui Ă©tait vouĂ©e au travail ». C’est en vue du travail que le bras de l’homme s’est pliĂ©, car « les membres souples Ă©taient impropres aux tĂąches de la forge et des champs. Pour frapper le fer rouge et pour creuser la terre, il fallait le levier de l’avant-bras.
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Charles-André Gilis (Aperçus sur la doctrine akbarienne des Jinns : Suivi de L'Homme fut serpent autrefois)
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Ellana. Le prĂ©nom voletait au-dessus d'elle. Sans qu'elle parvienne Ă  l’attraper. Sans qu'il s’éloigne tout Ă  fait. Ellana. Comment s'appelait-elle avant ? Pourquoi son passĂ© lui Ă©tait-il devenu Ă©tranger ? Qui Ă©tait-elle dĂ©sormais ? Ellana. Elle ferma les yeux, tentant d'oublier l'odeur rance qui flottait dans la grande salle. Ellana. Les enfants Ă©taient partis. RentrĂ©s chez eux puisque tous avaient un chez eux. "À demain, Ellana." Ellana. Elle avait rĂ©sistĂ© Ă  l'envie de courir vers le large, vers la MĂšre Nature qui la guidait autrefois. Ne pas se retourner, aller de l'avant. Toujours. Elle s'Ă©tait arrangĂ© un coin dans la grande salle dĂ©serte, s'Ă©tait allongĂ©e. Ellana. Elle avait 18 ans. Des milliers de choses Ă  raconter. Et mille fois plus Ă  vivre. Elle s'endormit sans s'en apercevoir. Ellana. Doucement le prĂ©nom se posa sur ses paupiĂšres closes, se glissa le long de sa respiration rĂ©guliĂšre, se coula dans son cƓur, son Ăąme et chacune des cellules de son corps. Il devint elle. Elle devint lui. Ellana.
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Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
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L’homme jouit du bonheur qu’il ressent, et la femme de celui qu’elle procure. Cette diffĂ©rence, si essentielle et si peu remarquĂ©e, influe pourtant, d’une maniĂšre bien sensible, sur la totalitĂ© de leur conduite respective. Le plaisir de l’un est de satisfaire ses dĂ©sirs, celui de l’autre est surtout de les faire naĂźtre. Plaire, n’est pour lui qu’un moyen de succĂšs ; tandis que pour elle, c’est le succĂšs lui-mĂȘme. Et la coquetterie, si souvent reprochĂ©e aux femmes, n’est autre chose que l’abus de cette façon de sentir, et par lĂ  mĂȘme en prouve la vĂ©ritĂ©. Enfin ce goĂ»t exclusif, qui caractĂ©rise particuliĂšrement l’amour, n’est dans l’homme qu’une prĂ©fĂ©rence, qui sert, au plus, Ă  graduer un plaisir, qu’un autre objet affaiblirait peut-ĂȘtre, mais ne dĂ©truirait pas ; tandis que dans les femmes, c’est un sentiment profond, qui non seulement anĂ©antit tout dĂ©sir Ă©tranger, mais qui, plus fort que la nature, et soustrait Ă  son empire, ne leur laisse Ă©prouver que rĂ©pugnance et dĂ©goĂ»t, lĂ -mĂȘme oĂč semble devoir naĂźtre la voluptĂ©.
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Laclos Pierre Choderlos De (Les Liaisons dangereuses)
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Cette qualitĂ© de la joie n’est-elle pas le fruit le plus prĂ©cieux de la civilisation qui est nĂŽtre ? Une tyrannie totalitaire pourrait nous satisfaire, elle aussi, dans nos besoins matĂ©riels. Mais nous ne sommes pas un bĂ©tail Ă  l’engrais. La prospĂ©ritĂ© et le confort ne sauraient suffire Ă  nous combler. Pour nous qui fĂ»mes Ă©levĂ©s dans le culte du respect de l’homme, pĂšsent lourd les simples rencontres qui se changent parfois en fĂȘtes merveilleuses
 Respect de l’homme ! Respect de l’homme !
 LĂ  est la pierre de touche ! Quand le Naziste respecte exclusivement qui lui ressemble, il ne respecte rien que soi-mĂȘme ; il refuse les contradictions crĂ©atrices, ruine tout espoir d’ascension, et fonde pour mille ans, en place d’un homme, le robot d’une termitiĂšre. L’ordre pour l’ordre chĂątre l’homme de son pouvoir essentiel, qui est de transformer et le monde et soi-mĂȘme. La vie crĂ©e l’ordre, mais l’ordre ne crĂ©e pas la vie. Il nous semble, Ă  nous, bien au contraire, que notre ascension n’est pas achevĂ©e, que la vĂ©ritĂ© de demain se nourrit de l’erreur d’hier, et que les contradictions Ă  surmonter sont le terreau mĂȘme de notre croissance. Nous reconnaissons comme nĂŽtres ceux mĂȘmes qui diffĂšrent de nous. Mais quelle Ă©trange parenté ! elle se fonde sur l’avenir, non sur le passĂ©. Sur le but, non sur l’origine. Nous sommes l’un pour l’autre des pĂšlerins qui, le long de chemins divers, peinons vers le mĂȘme rendez-vous. Mais voici qu’aujourd’hui le respect de l’homme, condition de notre ascension, est en pĂ©ril. Les craquements du monde moderne nous ont engagĂ©s dans les tĂ©nĂšbres. Les problĂšmes sont incohĂ©rents, les solutions contradictoires. La vĂ©ritĂ© d’hier est morte, celle de demain est encore Ă  bĂątir. Aucune synthĂšse valable n’est entrevue, et chacun d’entre nous ne dĂ©tient qu’une parcelle de la vĂ©ritĂ©. Faute d’évidence qui les impose, les religions politiques font appel Ă  la violence. Et voici qu’à nous diviser sur les mĂ©thodes, nous risquons de ne plus reconnaĂźtre que nous nous hĂątons vers le mĂȘme but. Le voyageur qui franchit sa montagne dans la direction d’une Ă©toile, s’il se laisse trop absorber par ses problĂšmes d’escalade, risque d’oublier quelle Ă©toile le guide. S’il n’agit plus que pour agir, il n’ira nulle part. La chaisiĂšre de cathĂ©drale, Ă  se prĂ©occuper trop Ăąprement de la location de ses chaises, risque d’oublier qu’elle sert un dieu. Ainsi, Ă  m’enfermer dans quelque passion partisane, je risque d’oublier qu’une politique n’a de sens qu’à condition d’ĂȘtre au service d’une Ă©vidence spirituelle. Nous avons goĂ»tĂ©, aux heures de miracle, une certaine qualitĂ© des relations humaines : lĂ  est pour nous la vĂ©ritĂ©. Quelle que soit l’urgence de l’action, il nous est interdit d’oublier, faute de quoi cette action demeurera stĂ©rile, la vocation qui doit la commander. Nous voulons fonder le respect de l’homme. Pourquoi nous haĂŻrions-nous Ă  l’intĂ©rieur d’un mĂȘme camp ? Aucun d’entre nous ne dĂ©tient le monopole de la puretĂ© d’intention. Je puis combattre, au nom de ma route, telle route qu’un autre a choisie. Je puis critiquer les dĂ©marches de sa raison. Les dĂ©marches de la raison sont incertaines. Mais je dois respecter cet homme, sur le plan de l’Esprit, s’il peine vers la mĂȘme Ă©toile. Respect de l’Homme ! Respect de l’Homme !
 Si le respect de l’homme est fondĂ© dans le cƓur des hommes, les hommes finiront bien par fonder en retour le systĂšme social, politique ou Ă©conomique qui consacrera ce respect. Une civilisation se fonde d’abord dans la substance. Elle est d’abord, dans l’homme, dĂ©sir aveugle d’une certaine chaleur. L’homme ensuite, d’erreur en erreur, trouve le chemin qui conduit au feu.
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Antoine de Saint-Exupéry (Lettre à un otage)
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[On] a accoutumĂ© les peuples Ă  croire que leur intĂ©rĂȘt consistait Ă  ruiner tous leurs voisins ; chaque nation en est venue Ă  jeter un oeil d'envie sur la prospĂ©ritĂ© de toutes les nations avec lesquelles elle commerce, et Ă  regarder tout ce qu'elles gagnent comme une perte pour elle. Le commerce, qui naturellement devait ĂȘtre, pour les nations comme pour les individus, une lien de concorde et d'amitiĂ©, est devenu la source la plus fĂ©conde des haines et des querelles. Pendant ce siĂšcle et le prĂ©cĂ©dent, l'ambition capricieuse des rois et des ministres n'a pas Ă©tĂ© plus fatale au repos de l'Europe, que la sotte jalousie des marchands et des manufacturiers. L'humeur injuste et violente de ceux qui gouvernent les hommes est un mal d'ancienne date, pour lequel j'ai bien peur que la nature des choses humaines ne comporte pas de remĂšde ; mais quant Ă  cet esprit de monopole, Ă  cette rapacitĂ© basse et envieuse des marchands et des manufacturiers, qui ne sont, ni les uns ni les autres, chargĂ©s de gouverner les hommes, et qui ne sont nullement faits pour en ĂȘtre chargĂ©s, s'il n'y a peut-ĂȘtre pas moyen de corriger ce vice, au moins est-il bien facile d'empĂȘcher qu'il ne puisse troubler la tranquillitĂ© de personne, si ce n'est de ceux qui en sont possĂ©dĂ©s.
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Adam Smith (An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations)
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S’il est quelquefois logique de s’en rapporter Ă  l’apparence des phĂ©nomĂšnes, ce premier chant finit ici. Ne soyez pas sĂ©vĂšre pour celui qui ne fait encore qu’essayer sa lyre : elle rend un son si Ă©trange ! Cependant, si vous voulez ĂȘtre impartial, vous reconnaĂźtrez dĂ©jĂ  une empreinte forte, au milieu des imperfections. Quant Ă  moi, je vais me remettre au travail, pour faire paraĂźtre un deuxiĂšme chant, dans un laps de temps qui ne soit pas trop retardĂ©. La fin du dix-neuviĂšme siĂšcle verra son poĂšte (cependant, au dĂ©but, il ne doit pas commencer par un chef d’Ɠuvre, mais suivre la loi de la nature) ; il est nĂ© sur les rives amĂ©ricaines, Ă  l’embouchure de la Plata, lĂ  oĂč deux peuples, jadis rivaux, s’efforcent actuellement de se surpasser par le progrĂšs matĂ©riel et moral. Buenos-Ayres, la reine du Sud, et Montevideo, la coquette, se tendent une main amie, Ă  travers les eaux argentines du grand estuaire. Mais, la guerre Ă©ternelle a placĂ© son empire destructeur sur les campagnes, et moissonne avec joie des victimes nombreuses. Adieu, vieillard, et pense Ă  moi, si tu m’as lu. Toi, jeune homme, ne dĂ©sespĂšre point ; car, tu as un ami dans le vampire, malgrĂ© ton opinion contraire. En comptant l’acarus sarcopte qui produit la gale, tu auras deux amis !
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Comte de Lautréamont (Les Chants de Maldoror)
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Quand le soir, aprĂšs avoir conduit ma grand'mĂšre et ĂȘtre restĂ© quelques heures chez son amie, j'eus repris seul le train, du moins je ne trouvai pas pĂ©nible la nuit qui vint ; c'est que je n'avais pas Ă  la passer dans la prison d'une chambre dont l'ensommeillement me tiendrait Ă©veillĂ© ; j'Ă©tais entourĂ© par la calmante activitĂ© de tous ces mouvements du train qui me tenaient compagnie, s'offraient Ă  causer avec moi si je ne trouvais pas le sommeil, me berçaient de leurs bruits que j'accouplais comme le son des cloches Ă  Combray tantĂŽt sur un rythme, tantĂŽt sur un autre (entendant selon ma fantaisie d'abord quatre doubles croches Ă©gales, puis une double croche furieusement prĂ©cipitĂ©e contre une noire) ; ils neutralisaient la force centrifuge de mon insomnie en exerçant sur elle des pressions contraires qui me maintenaient en Ă©quilibre et sur lesquelles mon immobilitĂ© et bientĂŽt mon sommeil se sentirent portĂ©s avec la mĂȘme impression rafraĂźchissante que m'aurait donnĂ©e le repos dĂ» Ă  la vigilance de forces puissantes au sein de la nature et de la vie, si j'avais pu pour un moment m'incarner en quelque poisson qui dort dans la mer, promenĂ© dans son assoupissement par les courants et la vague, ou en quelque aigle Ă©tendu sur le seul appui de la tempĂȘte.
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Marcel Proust (A l'ombre des jeunes filles en fleurs TroisiĂšme partie)
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De nos jours, on vante l' "objectivitĂ©" d'un homme qui affirme calmement et froidement que deux et deux font cinq, et on accuse de subjectivitĂ© ou d'Ă©motivitĂ©, l'homme qui rĂ©plique avec indignation que cela fait quatre (2) ; on ne veut pas admettre que l'objectivitĂ© c'est l'adĂ©quation Ă  l'objet et non le ton ni la mimique ; ni surtout une placiditĂ© factice, inhumaine et insolente. On oublie surtout aussi que l'Ă©motion a ses droits dans l'arsenal de la dialectique humaine, et que ceux-ci -puisque ce sont des droits- ne sauraient ĂȘtre contraires Ă  l'objectivitĂ© ; mĂȘme la pensĂ©e la plus strictement objective -intellectuelle ou rationnelle- s'accompagne d'une facteur psychique, donc subjectif, Ă  savoir le sentiment de certitude ; sans quoi l'homme ne serait pas homme. Or l'homme est fait « Ă  l'image de Dieu », c'est toute sa raison d'ĂȘtre ; blĂąmer un trait naturel et foncier de l'homme reviendrait Ă  blĂąmer non seulement l'intention crĂ©atrice », mais la nature mĂȘme du CrĂ©ateur. (2)on connaĂźt le dicton populaire : « un tel se fĂąche, donc il a tort » que l'on applique souvent de travers. En rĂ©alitĂ©, ce mot se rĂ©fĂšre Ă  des gens qui se mettent en colĂšre parce que, dan leur tort, ils sont Ă  court d'arguments ; la colĂšre supplĂ©ant alors Ă  la preuve ou au droit.
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Frithjof Schuon (Résumé de métaphysique intégrale)
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Historiquement, il est probable que l'inflexion qui s'est produite Ă  la Renaissance Ă©tait inĂ©vitable. Le Moyen Age en Ă©tait venu naturellement Ă  l'Ă©puisement, en raison d'une rĂ©pression intolĂ©rable de la nature charnelle de l'homme en faveur de sa nature spirituelle. Mais en s'Ă©cartant de l'esprit, l'homme s'empara de tout ce qui est matĂ©riel, avec excĂšs et sans mesure. La pensĂ©e humaniste, qui s'est proclamĂ©e notre guide, n'admettait pas l'existence d'un mal intrinsĂšque en l'homme, et ne voyait pas de tĂąche plus noble que d'atteindre le bonheur sur terre. VoilĂ  qui engagea la civilisation occidentale moderne naissante sur la pente dangereuse de l'adoration de l'homme et de ses besoins matĂ©riels. Tout ce qui se trouvait au-delĂ  du bien-ĂȘtre physique et de l'accumulation de biens matĂ©riels, tous les autres besoins humains, caractĂ©ristiques d'une nature subtile et Ă©levĂ©e, furent rejetĂ©s hors du champ d'intĂ©rĂȘt de l'Etat et du systĂšme social, comme si la vie n'avait pas un sens plus Ă©levĂ©. De la sorte, des failles furent laissĂ©es ouvertes pour que s'y engouffre le mal, et son haleine putride souffle librement aujourd'hui. Plus de libertĂ© en soi ne rĂ©sout pas le moins du monde l'intĂ©gralitĂ© des problĂšmes humains, et mĂȘme en ajoute un certain nombre de nouveaux
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Aleksandr Solzhenitsyn
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Si nous avons accordé à l'Amérique le privilÚge de l'histoire cumulative, n'est-ce pas, en effet, seulement parce que nous lui reconnaissons la paternité d'un certain nombre de contributions que nous lui avons empruntées ou qui ressemblent aux nÎtres ? Mais quelle serait notre position, en présence d'une civilisation qui se serait attachée à développer des valeurs propres, dont aucune ne serait susceptible d'intéresser la civilisation de l'observateur ? Celui-ci ne serait-il pas porté à qualifier cette civilisation de stationnaire ? En d'autres termes la distinction entre les deux formes d'histoire dépend-elle de la nature intrinsÚque des cultures auxquelles on l'applique, ou ne résulte-t-elle pas de la perspective ethnocentrique dans laquelle nous nous plaçons toujours pour évaluer une culture différente ? Nous considérerions ainsi comme cumulative toute culture qui se développerait dans un sens analogue au nÎtre, c'est-à-dire dont le développement serait doté pour nous de signification. Tandis que les autres cultures nous apparaßtraient comme stationnaires, non pas nécessairement parce qu'elles le sont, mais parce que leur ligne de développement ne signifie rien pour nous, n'est pas mesurable dans les termes du systÚme de références que nous utilisons. (p.32-33)
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Claude LĂ©vi-Strauss (Race et histoire)
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Toƣi cei ce, savanƣi ori oameni de rñnd, se mulƣumesc a primi drept răspuns la marile üntrebări pe care Ɵi le pune omul despre rostul lui ün lume, despre univers Ɵi despre viaƣă, despre suferinƣă Ɵi nedreptate, fraze ca: universul a fost dintotdeauna Ɵi va fi mereu, viaƣa e un fenomen natural, üntñmplarea a creat totul, gñndirea e forma superioară a conƟtiinƣei omeneƟti, dovedesc că sunt tare puƣin exigenƣi. Asemenea răspunsuri sunt simple stereotipii simpliste Ɵi-Ɵi au echivalentul ün: cñnd vorbeƟti cu mine să taci din gură. Dimpotrivă, nimic nu e firesc Ɵi toul e de mirare Ɵi minunat. Evoluƣia e o taină Ɵi o minune. Întrebările pe care Ɵi le pune conƟtiinƣa sunt o taină. Natura Ɵi legile ei implacabile sunt o minune. Din toate părƣile minunile ne ümpresoară Ɵi tabără asupră-ne, neüntrerupt Ɵi mai persistent decñt razele cosmice. ƞi nici măcar prostia sau indiferenƣa nu pot constitui pñnă la urmă un cñmp magnetic care să ne apere de ele (...). Angoasa (ori exaltarea) pñnă la urmă tot scutură orice suflet, fie Ɵi cel mai obtuz: ül scutură ün celula din ünchisoare, pe patul de suferinƣă, ün clipa morƣii ori din senin, pe stradă, pe drum drept. Orice faptă e anti-destin. Orice operă e anti-natură. Orice hotărñre e anti-neant. Iubirea de aproapele e un mister de credinƣă. Dragostea Ɵi iertarea nu sunt naturale.
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Nicolae Steinhardt (Jurnalul fericirii)
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Cher Monsieur Waters, Je reçois votre courrier Ă©lectronique en date du 14 avril dernier et suis comme il se doit impressionnĂ© par la complexitĂ© shakespearienne de votre drame. Chaque personnage dans votre histoire a une harmatia en bĂ©ton. La sienne : ĂȘtre trop malade. La vĂŽtre : ĂȘtre trop bien portant. FĂ»t-ce le contraire, vos Ă©toiles n'auraient pas Ă©tĂ© aussi contrariĂ©es, mais c'est dans la natures des Ă©toiles d'ĂȘtre contrariĂ©es. A ce propos, Shakespeare ne s'est jamais autant trompĂ© qu'en mettant ces mots dans la bouche de Cassius : « La faute, cher Brutus, n'en est pas Ă  nos Ă©toiles ; elle en est Ă  nous-mĂȘmes. » Facile Ă  dire lorsqu'on est un noble romain (ou Shakespeare!), mais nos Ă©toiles ne sont jamais Ă  court de tort. Puisque nous en sommes au chapitre des dĂ©faillances de ce cher vieux William, ce que vous me dites de la jeune Hazel me rappelle le sonnet 55, qui commence, bien entendu ainsi : « Ni le marbre, ni les mausolĂ©es dorĂ©s des princes ne dureront plus longtemps que ma rime puissante. Vous conserverez plus d'Ă©clat dans ces mesures que sous la dalle non balayĂ©e que le temps barbouille de sa lie. (Hors sujet, mais : quel cochon, ce temps ! Il bousille tout le monde.) Un bien joli poĂšme, mais trompeur : nul doute que la rime puissante de Shakespeare nous reste en mĂ©moire, mais que nous rappelons-nous de l'homme qu'il cĂ©lĂšbre ? Rien. Nous sommes certains qu'il Ă©tait de sexe masculin, le reste n'est qu'une hypothĂšse. Shakespeare nous raconte des clopinettes sur l'homme qu'il a enseveli Ă  l'intĂ©rieur de son sarcophage linguistique. (Remarquez que, lorsque nous parlons littĂ©rature, nous utilisons le prĂ©sent. Quand nous parlons d'un mort, nous ne sommes pas aussi gentils.) On ne peut pas immortaliser ceux qui nous ont quittĂ©s en Ă©crivant sur eux. La langue enterre, mais ne ressuscite pas. (Avertissement : je ne suis pas le premier Ă  faire cette observation, cf le poĂšme d'Archibald MacLeish « Ni le marbre, ni les mausolĂ©es dorĂ©s » qui renferme ce vers hĂ©roĂŻque : « Vous mourrez et nul ne se souviendra de vous ») Je m'Ă©loigne du sujet, mais votre le problĂšme : les morts ne sont visibles que dans l’Ɠil dĂ©nuĂ© de paupiĂšre de la mĂ©moire. Dieu merci, les vivants conservent l'aptitude de surprendre et de dĂ©cevoir. Votre Hazel est vivante, Waters, et vous ne pouvez imposer votre volontĂ© contre la dĂ©cision de quelqu'un d'autre, qui plus est lorsque celle-ci est mĂ»rement rĂ©flĂ©chie. Elle souhaite vous Ă©pargner de la peine et vous devriez l'accepter. Il se peut que la logique de la jeune Hazel ne vous convainque pas, mais j'ai parcouru cette vallĂ©e de larmes plus longtemps que vous, et de mon point de vue, Hazel n'est pas la moins saine d'esprit. Bien Ă  vous Peter Van Houten
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John Green (The Fault in Our Stars)
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Ndoto za wachawi ni tofauti kidogo na ndoto takatifu. Wachawi wanapokuwa hawahitaji kusafiri kutoka sehemu moja kwenda nyingine, lakini wana hamu ya kuona wenzao wanafanya nini au wanasema nini, huwa wanalala ubavu mmoja upande wa kushoto kwa jina la mungu wao na la mashetani wote. Kisha wanatoa mvuke wa bluu midomoni mwao. Kupitia mvuke huo, kwa nguvu za Shetani na kwa ruhusa ya Mwenyezi Mungu, wataona na watasikia kila kinachofanyika upande wa pili. Kile wanachotaka kukiona na kukisikia hujifunua katika ufahamu wao kama taswira au maono, kutoka katika akili isiyotambua, ya watu wakifanya au wakisema kitu. Kama wanataka kujua siri za watu wengine, hata wale ambao si wachawi, watazijua kupitia ndoto hizo; kwa sababu ya makubaliano ya wazi, si ya siri, waliyoingia na Shetani. Makubaliano hayo si ya lelemama; yaani yale ambayo hufanywa kwa kutoa kafara ya mnyama, au kufuru ya aina yoyote ile kwa Mwenyezi Mungu, au kwa kuabudu dini za kichawi. Lakini ni kwa sadaka halisi ya wao wenyewe ya mwili na roho kwa Shetani na kwa kufuru ya kuikana kabisa, imani ya Mwenyezi Mungu. Lakini hiyo ni kwa wale wanaotumia uchawi wa kishetani. Wale wanaotumia uchawi wa asili, kama vile kutumia risasi kumroga mtu kwa sababu risasi mungu wake ni sayari ya Zohali, au wale walioingia mkataba wa siri na Shetani, hawana uwezo wa kuota hivyo. Hivyo, si kila mchawi anaweza kuota ndoto za namna hiyo, ni kwa wale tu walioingia mkataba wa wazi na Shetani.
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Enock Maregesi
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Mais un soir que j'Ă©tois assis prĂšs de la tombe oĂč reposent LĂ©once et Delphine, tout Ă  coup un remords s'Ă©leva dans le fond de mon coeur, et je me reprochai d'avoir regardĂ© leur destinĂ©e comme la plus funeste de toutes. Peut-ĂȘtre dans ce moment, mes amis, touchĂ©s de mes regrets, vouloient-ils me consoler, cherchoient-ils Ă  me faire connoĂźtre qu'ils Ă©toient heureux, qu'ils s'aimoient, et que l'Être-suprĂȘme ne les avoit point abandonnĂ©s, puisqu'il n'avoit pas permis qu'ils survĂ©cussent l'un Ă  l'autre. Je passai la nuit Ă  rĂȘver sur le sort des hommes; ces heures furent les plus dĂ©licieuses de ma vie, et cependant le sentiment de la mort les a remplies tout entiĂšres; mais je n'en puis douter, du haut du ciel mes amis dirigeoient mes mĂ©ditations; ils Ă©cartoient de moi ces fantĂŽmes de l'imagination qui nous font horreur du terme de la vie; il me sembloit qu'au clair de la lune, je voyois leurs ombres lĂ©gĂšres passer Ă  travers les feuilles sans les agiter; une fois je leur ai demandĂ© si je ne ferois pas mieux de les rejoindre, s'il n'Ă©toit pas vrai que sur cette terre les Ăąmes fiĂšres et sensibles n'avoient rien Ă  attendre que des douleurs succĂ©dant Ă  des douleurs; alors il m'a semblĂ© qu'une voix, dont les sons se mĂȘloient au souffle du vent, me disoit :—Supporte la peine, attends la nature, et fais du bien aux hommes.— J'ai baissĂ© la tĂȘte, et je me suis rĂ©signĂ©; mais, avant de quitter ces lieux, j'ai Ă©crit, sur un arbre voisin de la tombe de mes amis, ce vers, la seule consolation des infortunĂ©s que la mort a privĂ© des objets de leur affection: On ne me rĂ©pond pas, mais peut-ĂȘtre on m'entend.»
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Madame de Staël (Delphine)
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En admettant que l’on ait compris ce qu’il y a de sacrilĂšge dans un pareil soulĂšvement contre la vie, tel qu’il est devenu presque sacro-saint dans la morale chrĂ©tienne, on aura, par cela mĂȘme et heureusement, compris autre chose encore : ce qu’il y a d’inutile, de factice, d’absurde, de mensonger dans un pareil soulĂšvement. Une condamnation de la vie de la part du vivant n’est finalement que le symptĂŽme d’une espĂšce de vie dĂ©terminĂ©e : sans qu’on se demande en aucune façon si c’est Ă  tort ou Ă  raison. Il faudrait prendre position en dehors de la vie et la connaĂźtre d’autre part tout aussi bien que quelqu’un qui l’a traversĂ©e, que plusieurs et mĂȘme tous ceux qui y ont passĂ©, pour ne pouvoir que toucher au problĂšme de la valeur de la vie : ce sont lĂ  des raisons suffisantes pour comprendre que ce problĂšme est en dehors de notre portĂ©e. Si nous parlons de la valeur, nous parlons sous l’inspiration, sous l’optique de la vie : la vie elle-mĂȘme nous force Ă  dĂ©terminer des valeurs, la vie elle-mĂȘme Ă©volue par notre entremise lorsque nous dĂ©terminons des valeurs
 Il s’ensuit que toute morale contre nature qui considĂšre Dieu comme l’idĂ©e contraire, comme la condamnation de la vie, n’est en rĂ©alitĂ© qu’une Ă©valuation de vie, — de quelle vie ? de quelle espĂšce de vie ? Mais j’ai dĂ©jĂ  donnĂ© ma rĂ©ponse : de la vie descendante, affaiblie, fatiguĂ©e, condamnĂ©e. La morale, telle qu’on l’a entendue jusqu’à maintenant — telle qu’elle a Ă©tĂ© formulĂ©e en dernier lieu par Schopenhauer, comme « nĂ©gation de la volontĂ© de vivre » — cette morale est l’instinct de dĂ©cadence mĂȘme, qui se transforme en impĂ©ratif : elle dit : « va Ă  ta perte ! » — elle est le jugement de ceux qui sont dĂ©jĂ  jugĂ©s

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Friedrich Nietzsche (Twilight of the Idols)
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L'engagement du disciple dans la voie initiatique consiste Ă  prendre progressivement conscience du « Regard » divin qui transcende celui des hommes. Bien au-delĂ  des rĂŽles sociaux, ce Regard se pose sur la vie intĂ©rieure de l'homme. « Dieu ne regarde pas vos formes ni vos actes, mais Il regarde ce qui se trouve dans vos cƓurs », dit un hadith attribuĂ© au ProphĂšte Muhammad. C'est dans la mesure oĂč l'homme agit pour Dieu, c'est-Ă -dire conformĂ©ment Ă  sa nature vĂ©ritable, et non pas seulement en vue d'un effet attendu chez les autres, qu'il devient intĂ©rieurement monothĂ©iste et Ă©vite le polythĂ©isme cachĂ© qui consiste Ă  associer au Regard de Dieu celui des autres humains. C'est par la grĂące de ce Regard auquel rien n'Ă©chappe que le disciple revient vers son propre moi et apprend Ă  se connaĂźtre avec toujours plus de finesse et de discernement. Le Regard de Dieu n'est pas seulement celui qui dĂ©voile, il est aussi celui qui transforme. C'est par la grĂące de ce Regard se posant sur l'Ăąme du disciple que celle-ci pourra ĂȘtre libĂ©rĂ©e de l'illusion des tĂ©nĂšbres dans laquelle elle se trouve, puis entrer dans un monde de lumiĂšre, celui de l'amour et de la connaissance. « L'Amour divin est comme une flamme, disait RĂ»mĂź, lorsqu'il entre dans le cƓur du disciple, il brĂ»le tout et Dieu seul reste. » Celui qui a goĂ»tĂ© Ă  cet Amour ne peut plus l'oublier et n'a de cesse de le retrouver. Cette flamme sacrĂ©e constitue un mystĂšre si profond que personne ne peut en parler sans le galvauder. En fait, on ne peut Ă©voquer que des conditions ou des effets de l'Amour, mas nul ne peut parler de sa rĂ©alitĂ©, car il est justement au-delĂ  de toute parole : il ne peut ĂȘtre qu'une expĂ©rience, une saveur, un vĂ©cu.
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Faouzi Skali (Le Souvenir de l'Être Profond)
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Mais la question ne se rĂ©duit pas seulement Ă  l'ennui que procure cette gent Ă©crivassiĂšre ; il faut aussi souligner sa nocivitĂ©, car la « stupiditĂ© intelligente », surtout dans l'Italie actuelle, est remarquablement organisĂ©e. C'est une sorte de franc-maçonnerie implantĂ©e dans diffĂ©rents milieux et qui dĂ©tient pratiquement toutes les positions-clĂ©s de l'Ă©dition, lorsque celles-ci ne sont pas dĂ©jĂ  tenues et contrĂŽlĂ©es par des Ă©lĂ©ments de gauche. Ses reprĂ©sentants possĂšdent un flair trĂšs dĂ©veloppĂ© pour reconnaĂźtre immĂ©diatement ceux qui ont une nature diffĂ©rente et pour les frapper d'ostracisme. Nous donnerons Ă  ce sujet un exemple banal mais significatif II existe en Italie un groupe d'intellectuels rassemblĂ©s autour d'une revue assez largement diffusĂ©e et bien faite, qui se voudrait anticonformiste et qui critique volontiers le rĂ©gime politique et les moeurs d'aujourd'hui. Mais cette revue s'est bien gardĂ©e de contacter les rares auteurs qui pourraient lui donner, si elle voulait faire un travail sĂ©rieux, une base positive en matiĂšre de principes et de vision traditionnelle du monde. Ces auteurs ne sont pas seulement ignorĂ©s, ils sont aussi rejetĂ©s, exactement comme fait la presse de gauche, prĂ©cisĂ©ment parce qu'on sent que ce sont des hommes d'une autre trempe. Cela montre clairement que ce brillant anticonformisme n'est qu'un moyen pour se faire remarquer et pour parader, tout restant sur le plan du dilettantisme. Au demeurant, le fondateur de la revue en question, mort il y a quelques annĂ©es, n'hĂ©sita pas Ă  dire un jour que si un rĂ©gime diffĂ©rent existait aujourd'hui, il changerait probablement de camp, de façon Ă  ĂȘtre toujours dans l'« opposition» - le but, Ă©videmment, Ă©tant de « briller » et d'Ă©taler son « intelligence ».
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Julius Evola (L'arco e la clava)
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Am avut un somn zbuciumat, din care am tresărit de cĂąteva ori, și de pe la 5 fără 10 n-am mai putut dormi. Trebuia să aflu ce s-a ĂźntĂąmplat cu Paul Moraru, și fără să mă vadă nimeni, m-am strecurat afară din pensiune. Mă simțeam sfĂąrșit, așa că am luat mașina și m-am dus la New Montana, unde mi-am comandat un mic dejun continental și un suc natural de portocale. Revigorant, am condus pĂąnă Ăźn satul lui Paul și m-am oprit la barul Ăźn care băusem cu el. În bar nu era nimeni. Barmanul, un tĂąnăr rotofei, cu o mutră somnoroasă, m-a recunoscut. -Ah, sunteți de la Loteria Vizelor și Ăźl căutați pe Paul, zise el, Ăźnviorat de faptul că mă recunoscuse. -Da, am Ăźngăimat eu, fără prea mare tragere de inimă. -Bietul Paul
 CĂąnd a Ăźnceput cu „bietul”, mi s-a ridicat părul pe mine. Bietul Paul a murit, mă așteptam să zică. -A avut un accident, chiar azi-noapte, după ce a băut cu dumneavoastră. A căzut Ăźn fĂąntĂąnă. Aia părăsită, de la intersecția cu Valea Morii. Ascultam cu sufletul la gură, fără să rostesc vreun cuvĂąnt. -Aia e o fĂąntĂąnă secată de vreo 15 ani, continuă barmanul, și frunzele și mizeria, care se aruncă acolo de toată lumea au Ăźnălțat groapa și norocul lui a fost că fĂąntĂąna n-a fost adĂąncă decĂąt de vreo doi metri jumate. Spre dimineață l-au scos niște oameni. Are doar cĂąteva zgĂąrieturi. Am răsuflat ușurat. Bețivul avusese noroc. Dar ce noroc avusesem eu! -Tre’ să vină acuma, că asta-i ora lui. Și barmanul se uită pe gemulețul crăpat din lateral. -Ia uite-l că vine! Vorbim de lup și lupul la ușă. Să fug, să stau
 Era prea tĂąrziu să mai fug. Paul intră Ăźn bar, nu se uită la mine și ceru 100 de grame de votcă. -Ce faci, măi, Păulică, zise barmanul, nu-l mai recunoști pe domnul de aseară, de la Loterie? -Nu, zise el, uitĂąndu-se fix la barman. Citește Ăźn continuare aici
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Nicole Duțu
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Cette sĂ©paration alchimique, si dangereuse que les philophes hermĂ©tiques n’en parlaient qu’à mots couverts, si ardue que de longues vies s’étaient usĂ©es en vain Ă  l’obtenir, il l’avait confondue jadis avec une rĂ©bellion facile. Puis, rejetant ce fatras de rĂȘvasseries aussi antiques que l’illusion humaine, ne retenant de ses maĂźtres alchimistes que quelques recettes pragmatiques, il avait choisi de dissoudre et de coaguler la matiĂšre dans le sens d’une expĂ©rimentation faite avec le corps des choses. Maintenant, les deux branches de la parabole se rejoignaient ; la mors philosophica, s’était accomplie : l’opĂ©rateur brĂ»lĂ© par les acides de la recherche Ă©tait Ă  la fois sujet et objet, alambic fragile et, au fond du rĂ©ceptacle, prĂ©cipitĂ© noir. L’expĂ©rience qu’on avait cru pouvoir confiner Ă  l’officine s’était Ă©tendue Ă  tout. S’en suivait-il que les phases subsĂ©quentes de l’aventure alchimique fussent autre chose que des songes, et qu’un jour il connaĂźtrait aussi la puretĂ© ascĂ©tique de l’ ƒuvre au Blanc, puis le triomphe de l’esprit et des sens qui caractĂ©rise l’ ƒuvre au Rouge ? Du fond de la lĂ©zarde naissait une ChimĂšre. Il disait Oui par audace, comme autrefois par audace il avait dit Non. Il s’arrĂȘtait soudain, tirant violemment sur ses propres rĂȘnes. La premiĂšre phase de l’ƒuvre avait demandĂ© toute sa vie. Le temps et les forces manquaient pour aller plus loin, Ă  supposer qu’il y eĂ»t une route, et que par cette route un homme pĂ»t passer. Ou ce pourrissement des idĂ©es, cette mort des instincts, ce broiement des formes preque insupportables Ă  la nature humaine seraient rapidement suivis par la mort vĂ©ritable, et il serait curieux de voir par quelle voie, ou l’esprit revenu des domaines du vertige reprendrait ses routines habituelles, muni seulement de facultĂ©s plus libres et comme nettoyĂ©es. Il serait beau d’en voir les effets.
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Marguerite Yourcenar
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A ce discours, Candide s’évanouit encore; mais revenue Ă  soi, et ayant dit tout ce qu’il devait dire, il s’enquit de la cause et de l’effet, et de la raison suffisante qui avait mis Pangloss dans un si piteux Ă©tat. HĂ©las! dit l’autre, c’est l’amour: l’amour, le consolateur du genre humain, le conservateur de l’univers, l’ñme de tous les ĂȘtres sensibles, le tender amour. HĂ©las! dit Candide, je l’ai connu cet amour, ce souverain des coeurs, cette Ăąme de notre Ăąme, il ne m’a jamais valu qu’un baiser et vingt coups de pied au cul. Comment cette belle cause a-t-elle pu produire en vous un effet si abominable? Pangloss rĂ©pondit en ces termes: O mon cher Candide! vous avez connu Paquette, cette jolie suivante de notre auguste baronne: j’ai goĂ»tĂ© dans ses bras les dĂ©lices du paradis, qui ont produit ces tourments d’enfer dont vous me voyez dĂ©vorĂ©; elle en Ă©tait infectĂ©e, elle en est peut-ĂȘtre morte. Paquette tenait ce present d’un Cordelier trĂšs savant qui avait remontĂ© Ă  la source, car il l’avait eu d’une vieille comtesse, qui l’avait reçu d’un capitaine de cavalerie, qui le devait Ă  une marquise, qui le tenait d’un page, qui l’avait reçu d’un jĂ©suite, qui, Ă©tant novice, l’avait eu en droite ligne d’un des compagnons de Christophe Colomb. Pour moi, je ne le donnerai Ă  personne, car je me meurs. O Pangloss! s’écria Candide, voilĂ  une Ă©trange gĂ©nĂ©alogie! n’est-ce pas le diable qui en fut la souche? Point du tout, rĂ©pliqua ce grand home; c’était une chose indispensable dans le meilleur des mondes, un ingredient nĂ©cessaire; car si Colomb n’avait pas attrapĂ© dans une Ăźle de l'AmĂ©rique cette maladie qui empoisonne la source de la generation, qui souvent meme empĂȘche la generation, et qui est Ă©videmment l’opposĂ© du grand but de la nature, nous n’aurions ni le chocolat ni la cochenille; il faut encore observer que jusqu’aujourd’hui, dans notre continent, cette maladie nous est particuliĂšre, comme la controverse.
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Voltaire (Candide)
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Cherchez en vous-mĂȘmes. Explorez la raison qui vous commande d'Ă©crire; examinez si elle plonge ses racines au plus profond de votre cour; faites-vous cet aveu : devriez-vous mourir s'il vous Ă©tait interdit d'Ă©crire. Ceci surtout : demandez-vous Ă  l'heure la plus silencieuse de votre nuit; me faut-il Ă©crire ? Creusez en vous-mĂȘmes Ă  la recherche d'une rĂ©ponse profonde. Et si celle-ci devait ĂȘtre affirmative, s'il vous Ă©tait donnĂ© d'aller Ă  la rencontre de cette grave question avec un fort et simple "il le faut", alors bĂątissez votre vie selon cette nĂ©cessitĂ©; votre vie, jusqu'en son heure la plus indiffĂ©rente et la plus infime, doit ĂȘtre le signe et le tĂ©moignage de cette impulsion. Puis vous vous approcherez de la nature. Puis vous essayerez, comme un premier homme, de dire ce que vous voyez et vivez, aimez et perdez. N'Ă©crivez pas de poĂšmes d'amour; Ă©vitez d'abord les formes qui sont trop courantes et trop habituelles : ce sont les plus difficiles, car il faut la force de la maturitĂ© pour donner, lĂ  oĂč de bonnes et parfois brillantes traditions se prĂ©sentent en foule, ce qui vous est propre. Laissez-donc les motifs communs pour ceux que vous offre votre propre quotidien; dĂ©crivez vos tristesses et vos dĂ©sirs, les pensĂ©es fugaces et la foi en quelque beautĂ©. DĂ©crivez tout cela avec une sincĂ©ritĂ© profonde, paisible et humble, et utilisez, pour vous exprimer, les choses qui vous entourent, les images de vos rĂȘves et les objets de votre souvenir. Si votre quotidien vous paraĂźt pauvre, ne l'accusez pas; accusez-vous vous-mĂȘme, dites-vous que vous n'ĂȘtes pas assez poĂšte pour appeler Ă  vous ses richesses; car pour celui qui crĂ©e il n'y a pas de pauvretĂ©, pas de lieu pauvre et indiffĂ©rent. Et fussiez-vous mĂȘme dans une prison dont les murs ne laisseraient parvenir Ă  vos sens aucune des rumeurs du monde, n'auriez-vous pas alors toujours votre enfance, cette dĂ©licieuse et royale richesse, ce trĂ©sor des souvenirs ? Tournez vers elle votre attention. Cherchez Ă  faire resurgir les sensations englouties de ce vaste passĂ©; votre personnalitĂ© s'affirmera, votre solitude s'Ă©tendra pour devenir une demeure de douce lumiĂšre, loin de laquelle passera le bruit des autres." (Lettres Ă  un jeune poĂšte)
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Rainer Maria Rilke (Letters to a Young Poet)
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Bergson, on s'en souvient, voyait dans l'Ă©volution l'expression d'une force crĂ©atrice, absolue en ce sens qu'il ne la supposait pas tendue Ă  une autre fin que la crĂ©ation en elle-mĂȘme et pour elle-mĂȘme. En cela il diffĂšre radicalement des animistes (qu'il s'agisse d'Engels, de Teilhard ou des positivistes optimistes tels que Spencer) qui tous voient dans l'Ă©volution le majestueux dĂ©roulement d'un programme inscrit dans la trame mĂȘme de l'Univers. Pour eux, par consĂ©quent, l'Ă©volution n'est pas vĂ©ritablement crĂ©ation, mais uniquement 'rĂ©vĂ©lation' des intentions jusque-lĂ  inexprimĂ©es de la nature. D'oĂč la tendance Ă  voir dans le dĂ©veloppement embryonnaire une Ă©mergence de mĂȘme ordre que l'Ă©mergence Ă©volutive. Selon la thĂ©orie moderne, la notion de 'rĂ©vĂ©lation' s'applique au dĂ©veloppement Ă©pigĂ©nĂ©tique, mais non, bien entendu, Ă  l'Ă©mergence Ă©volutive qui, grĂące prĂ©cisĂ©ment au fait qu'elle prend sa source dans l'imprĂ©visible essentiel, est crĂ©atrice de nouveautĂ© absolue. Cette convergence apparente entre les voies de la mĂ©taphysique bergsonienne et celles de la science serait-elle encore l'effet d'une pure coĂŻncidence? Peut-ĂȘtre pas: Bergson, en artiste et poĂšte qu'il Ă©tait, trĂšs bien informĂ© par ailleurs des sciences naturelles de son temps, ne pouvait manquer d'ĂȘtre sensible Ă  l'Ă©blouissante richesse de la biosphĂšre, Ă  la variĂ©tĂ© prodigieuse des formes et des comportements qui s'y dĂ©ploient, et qui paraissent tĂ©moigner presque directement, en effet, d'une prodigalitĂ© crĂ©atrice inĂ©puisable, libre de toute contrainte. Mais lĂ  oĂč Bergson voyait la preuve la plus manifeste que le 'principe de la vie' est l'Ă©volution elle-mĂȘme, la biologie moderne reconnaĂźt, au contraire, que toutes les propriĂ©tĂ©s des ĂȘtres vivants reposent sur un mĂ©canisme fondamental de conservation molĂ©culaire. Pour la thĂ©orie moderne l'Ă©volution n'est nullement une propriĂ©tĂ© des ĂȘtres vivants puisqu'elle a sa racine dans les imperfections mĂȘmes du mĂ©canisme conservateur qui, lui, constitute bien leur unique privilĂšge. Il faut donc dire que la mĂȘme source de perturbations, de 'bruit', qui, dans un systĂšme non vivant, c'est-Ă -dire non rĂ©plicatif, abolirait peu Ă  peu toute structure, est Ă  l'origine de l'Ă©volution dans la biosphĂšre, et rend compte de sa totale libertĂ© crĂ©atrice, grĂące Ă  ce conservatoire du hasard, sourd au bruit autant qu'Ă  la musique: la structure rĂ©plicative de l'ADN.
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Jacques Monod (Chance and Necessity: An Essay on the Natural Philosophy of Modern Biology)
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Le monde d’aujourd’hui est un chaos d’opinions et d’aspirations dĂ©sordonnĂ©es : le soi-disant « monde libre » est un chaos fluide ; la partie totalitaire du monde moderne est un chaos rigide. Par opposition, le monde ancien constituait toujours un ordre, c’est-Ă -dire une hiĂ©rarchie de concepts, chacun au niveau qui lui est propre. Le chaos a Ă©tĂ© provoquĂ©, nous l’avons vu, par le « tĂ©lescopage » humaniste de la hiĂ©rarchie jusqu’au niveau psychique, et par l’intrusion, dans les considĂ©rations terrestres, d’aspirations vers l’autre monde, frustrĂ©es et perverties. L’homme, en raison de sa vĂ©ritable nature, ne peut pas ne pas adorer ; si sa perspective est coupĂ©e du plan spirituel, il trouvera un « dieu » Ă  adorer Ă  un niveau infĂ©rieur, dotant ainsi quelque chose de relatif ce qui seul appartient Ă  l’Absolu. D’oĂč l’existence aujourd’hui de tant de « mots tout-puissants » comme « libertĂ© », « Ă©galitĂ© », « instruction », « science », « civilisation », mots qu’il suffit de prononcer pour qu’une multitude d’ñmes se prosterne en une adoration infra-rationnelle. Les superstitions de la libertĂ© et de l’égalitĂ© ne sont pas seulement le rĂ©sultat mais aussi, en partie, la cause du dĂ©sordre gĂ©nĂ©ral, car chacune, Ă  sa maniĂšre, est une rĂ©volte contre la hiĂ©rarchie ; et elles sont d’autant plus pernicieuses qu’elles sont des perversions de deux des Ă©lans les plus Ă©levĂ©s de l’homme. Corruptio optimi pessima, la corruption du meilleur est la pire ; mais il suffit de rĂ©tablir l’ordre ancien, et les deux idoles en question s’évanouiront de ce monde (laissant ainsi la place aux aspirations terrestres lĂ©gitimes vers la libertĂ© et l’égalitĂ©) et, transformĂ©es, reprendront leur place au sommet mĂȘme de la hiĂ©rarchie. Le dĂ©sir de libertĂ© est avant tout dĂ©sir de Dieu, la LibertĂ© Absolue Ă©tant un aspect essentiel de la DivinitĂ©. Ainsi, dans l’Hindouisme, l’état spirituel suprĂȘme qui marque la fin de la voie mystique est dĂ©signĂ© par le terme de dĂ©livrance (moksha), car c’est un Ă©tat d’union (yoga) avec l’Absolu, l’Infini et l’Éternel, qui permet l’affranchissement des liens de la relativitĂ©. C’est Ă©videmment, avant tout, cet affranchissement auquel le Christ faisait rĂ©fĂ©rence lorsqu’il disait : « Recherchez la connaissance, car la connaissance vous rendra libre », Ă©tant donnĂ© que la connaissance directe, la Gnose, signifie l’union avec l’objet de la connaissance, c’est-Ă -dire avec Dieu. (pp. 59-60)
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Martin Lings (Ancient Beliefs and Modern Superstitions)
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moi je suis fĂąchĂ© contre notre cercle patriarcal parce qu’il y vient toujours un homme du type le plus insupportable. Vous tous, messieurs, le connaissez trĂšs bien. Son nom est LĂ©gion. C’est un homme qui a bon coeur, et n’a rien qu’un bon coeur. Comme si c’était une chose rare Ă  notre Ă©poque d’avoir bon coeur ; comme si, enfin, on avait besoin d’avoir bon coeur ; cet Ă©ternel bon coeur ! L’homme douĂ© d’une si belle qualitĂ© a l’air, dans la vie, tout Ă  fait sĂ»r que son bon coeur lui suffira pour ĂȘtre toujours content et heureux. Il est si sĂ»r du succĂšs qu’il nĂ©glige tout autre moyen en venant au monde. Par exemple, il ne connaĂźt ni mesure ni retenue. Tout, chez lui, est dĂ©bordant, Ă  coeur ouvert. Cet homme est enclin Ă  vous aimer soudain, Ă  se lier d’amitiĂ©, et il est convaincu qu’aussitĂŽt, rĂ©ciproquement, tous l’aimeront, par ce seul fait qu’il s’est mis Ă  aimer tout le monde. Son bon coeur n’a mĂȘme jamais pensĂ© que c’est peu d’aimer chaudement, qu’il faut possĂ©der l’art de se faire aimer, sans quoi tout est perdu, sans quoi la vie n’est pas la vie, ni pour son coeur aimant ni pour le malheureux que, naĂŻvement, il a choisi comme objet de son attachement profond. Si cet homme se procure un ami, aussitĂŽt celui-ci se transforme pour lui en un meuble d’usage, quelque chose comme un crachoir. Tout ce qu’il a dans le coeur, n’importe quelle saletĂ©, comme dit Gogol, tout s’envole de la langue et tombe dans le coeur de l’ami. L’ami est obligĂ© de tout Ă©couter et de compatir Ă  tout. Si ce monsieur est trompĂ© par sa maĂźtresse, ou s’il perd aux cartes, aussitĂŽt, comme un ours, il fond, sans y ĂȘtre invitĂ©, sur l’ñme de l’ami et y dĂ©verse tous ses soucis. Souvent il ne remarque mĂȘme pas que l’ami lui-mĂȘme a des chagrins par-dessus la tĂȘte : ou ses enfants sont morts, ou un malheur est arrivĂ© Ă  sa femme, ou il est excĂ©dĂ© par ce monsieur au coeur aimant. Enfin on lui fait dĂ©licatement sentir que le temps est splendide et qu’il faut en profiter pour une promenade solitaire. Si cet homme aime une femme, il l’offensera mille fois par son caractĂšre avant que son coeur aimant le remarque, avant de remarquer (si toutefois il en est capable) que cette femme s’étiole de son amour, qu’elle est dĂ©goĂ»tĂ©e d’ĂȘtre avec lui, qu’il empoisonne toute son existence. Oui, c’est seulement dans l’isolement, dans un coin, et surtout dans un groupe que se forme cette belle oeuvre de la nature, ce « spĂ©cimen de notre matiĂšre brute », comme disent les AmĂ©ricains, en qui il n’y a pas une goutte d’art, en qui tout est naturel. Un homme pareil oublie – il ne soupçonne mĂȘme pas –, dans son inconscience totale, que la vie est un art, que vivre c’est faire oeuvre d’art par soi-mĂȘme ; que ce n’est que dans le lien des intĂ©rĂȘts, dans la sympathie pour toute la sociĂ©tĂ© et ses exigences directes, et non dans l’indiffĂ©rence destructrice de la sociĂ©tĂ©, non dans l’isolement, que son capital, son trĂ©sor, son bon coeur, peut se transformer en un vrai diamant taillĂ©.
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Fyodor Dostoevsky
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je lui tendis les trois pommes vertes que je venais de voler dans le verger. Elle les accepta et m'annonça, comme en passant : — Janek a mangĂ© pour moi toute sa collection de timbres-poste. C'est ainsi que mon martyre commença. Au cours des jours qui suivirent, je mangeai pour Valentine plusieurs poignĂ©es de vers de terre, un grand nombre de papillons, un kilo de cerises avec les noyaux, une souris, et, pour finir, je peux dire qu'Ă  neuf ans, c'est-Ă -dire bien plus jeune que Casanova, je pris place parmi les plus grands amants de tous les temps, en accomplissant une prouesse amoureuse que personne, Ă  ma connaissance, n'est jamais venu Ă©galer. Je mangeai pour ma bien-aimĂ©e un soulier en caoutchouc. Ici, je dois ouvrir une parenthĂšse. Je sais bien que, lorsqu'il s'agit de leurs exploits amoureux, les hommes ne sont que trop portĂ©s Ă  la vantardise. A les entendre, leurs prouesses viriles ne connaissent pas de limite, et ils ne vous font grĂące d'aucun dĂ©tail. Je ne demande donc Ă  personne de me croire lorsque j'affirme que, pour ma bien-aimĂ©e, je consommai encore un Ă©ventail japonais, dix mĂštres de fil de coton, un kilo de noyaux de cerises — Valentine me mĂąchait, pour ainsi dire, la besogne, en mangeant la chair et en me tendant les noyaux — et trois poissons rouges, que nous Ă©tions allĂ©s pĂȘcher dans l'aquarium de son professeur de musique. Dieu sait ce que les femmes m'ont fait avaler dans ma vie, mais je n'ai jamais connu une nature aussi insatiable. C'Ă©tait une Messaline doublĂ©e d'une ThĂ©odora de Byzance. AprĂšs cette expĂ©rience, on peut dire que je connaissais tout de l'amour. Mon Ă©ducation Ă©tait faite. Je n'ai fait, depuis, que continuer sur ma lancĂ©e. Mon adorable Messaline n'avait que huit ans, mais son exigence physique dĂ©passait tout ce qu'il me fut donnĂ© de connaĂźtre au cours de mon existence. Elle courait devant moi, dans la cour, me dĂ©signait du doigt tantĂŽt un tas de feuilles, tantĂŽt du sable, ou un vieux bouchon, et je m'exĂ©cutais sans murmurer. Encore bougrement heureux d'avoir pu ĂȘtre utile. A un moment, elle s'Ă©tait mise Ă  cueillir un bouquet de marguerites, que je voyais grandir dans sa main avec apprĂ©hension — mais je mangeai les marguerites aussi, sous son oeil attentif — elle savait dĂ©jĂ  que les hommes essayent toujours de tricher, dans ces jeux-lĂ  — oĂč je cherchais en vain une lueur d'admiration. Sans une marque d'estime ou de gratitude, elle repartit en sautillant, pour revenir, au bout d'un moment, avec quelques escargots qu'elle me tendit dans le creux de la main. Je mangeai humblement les escargots, coquille et tout. A cette Ă©poque, on n'apprenait encore rien aux enfants sur le mystĂšre des sexes et j'Ă©tais convaincu que c'Ă©tait ainsi qu'on faisait l'amour. J'avais probablement raison. Le plus triste Ă©tait que je n'arrivais pas Ă  l'impressionner. J'avais Ă  peine fini les escargots qu'elle m'annonçait nĂ©gligemment : — Josek a mangĂ© dix araignĂ©es pour moi et il s'est arrĂȘtĂ© seulement parce que maman nous a appelĂ©s pour le thĂ©. Je frĂ©mis. Pendant que j'avais le dos tournĂ©, elle me trompait avec mon meilleur ami. Mais j'avalai cela aussi. Je commençais Ă  avoir l'habitude. (La promesse de l'aube, ch.XI)
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Romain Gary (Promise at Dawn)
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J’ai d’ailleurs un ami qui, ces jours-ci, m’a affirmĂ© que nous ne savons mĂȘme pas ĂȘtre paresseux. Il prĂ©tend que nous paressons lourdement, sans plaisir, ni bĂ©atitude, que notre repos est fiĂ©vreux, inquiet, mĂ©content ; qu’en mĂȘme temps que la paresse, nous gardons notre facultĂ© d’analyse, notre opinion sceptique, une arriĂšre-pensĂ©e, et toujours sur les bras une affaire courante, Ă©ternelle, sans fin. Il dit encore que nous nous prĂ©parons Ă  ĂȘtre paresseux et Ă  nous reposer comme Ă  une affaire dure et sĂ©rieuse et que, par exemple, si nous voulons jouir de la nature, nous avons l’air d’avoir marquĂ© sur notre calendrier, encore la semaine derniĂšre, que tel et tel jour, Ă  telle et telle heure, nous jouirons de la nature. Cela me rappelle beaucoup cet Allemand ponctuel qui, en quittant Berlin, nota tranquillement sur son carnet. « En passant Ă  Nuremberg ne pas oublier de me marier. » Il est certain que l’Allemand avait, avant tout, dans sa tĂȘte, un systĂšme, et il ne sentait pas l’horreur du fait, par reconnaissance pour ce systĂšme. Mais il faut bien avouer que dans nos actes Ă  nous, il n’y a mĂȘme aucun systĂšme. Tout se fait ainsi comme par une fatalitĂ© orientale. Mon ami a raison en partie. Nous semblons traĂźner notre fardeau de la vie par force, par devoir, mais nous avons honte d’avouer qu’il est au-dessus de nos forces, et que nous sommes fatiguĂ©s. Nous avons l’air, en effet, d’aller Ă  la campagne pour nous reposer et jouir de la nature. Regardez avant tout les bagages rien laissĂ© de ce qui est usĂ©, de ce qui a servi l’hiver, au contraire, nous y avons ajoutĂ© des choses nouvelles. Nous vivons de souvenirs et l’ancien potin et la vieille affaire passent pour neufs. Autrement c’est ennuyeux ; autrement il faudra jouer au whist avec l’accompagnement du rossignol et Ă  ciel ouvert. D’ailleurs, c’est ce qui se fait. En outre, nous ne sommes pas bĂątis pour jouir de la nature ; et, en plus, notre nature, comme si elle connaissait notre caractĂšre, a oubliĂ© de se parer au mieux. Pourquoi, par exemple, est-elle si dĂ©veloppĂ©e chez nous l’habitude trĂšs dĂ©sagrĂ©able de toujours contrĂŽler, Ă©plucher nos impressions – souvent sans aucun besoin – et, parfois mĂȘme, d’évaluer le plaisir futur, qui n’est pas encore rĂ©alisĂ©, de le soupeser, d’en ĂȘtre satisfait d’avance en rĂȘve, de se contenter de la fantaisie et, naturellement, aprĂšs, de n’ĂȘtre bon Ă  rien pour une affaire rĂ©elle ? Toujours nous froisserons et dĂ©chirerons la fleur pour sentir mieux son parfum, et ensuite nous nous rĂ©volterons quand, au lieu de parfum, il ne restera plus qu’une fumĂ©e. Et cependant, il est difficile de dire ce que nous deviendrions si nous n’avions pas au moins ces quelques jours dans toute l’annĂ©e et si nous ne pouvions satisfaire par la diversitĂ© des phĂ©nomĂšnes de la nature notre soif Ă©ternelle, inextinguible de la vie naturelle, solitaire. Et enfin, comment ne pas tomber dans l’impuissance en cherchant Ă©ternellement des impressions, comme la rime pour un mauvais vers, en se tourmentant de la soif d’activitĂ© extĂ©rieure, en s’effrayant enfin, jusqu’à en ĂȘtre malade, de ses propres illusions, de ses propres chimĂšres, de sa propre rĂȘverie et de tous ces moyens auxiliaires par lesquels, en notre temps, on tĂąche, n’importe comment, de remplir le vide de la vie courante incolore. Et la soif d’activitĂ© arrive chez nous jusqu’à l’impatience fĂ©brile. Tous dĂ©sirent des occupations sĂ©rieuses, beaucoup avec un ardent dĂ©sir de faire du bien, d’ĂȘtre utiles, et, peu Ă  peu, ils commencent dĂ©jĂ  Ă  comprendre que le bonheur n’est pas dans la possibilitĂ© sociale de ne rien faire, mais dans l’activitĂ© infatigable, dans le dĂ©veloppement et l’exercice de toutes nos facultĂ©s.
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Fyodor Dostoevsky
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JULIETTE.—Oh! manque, mon coeur! Pauvre banqueroutier, manque pour toujours; emprisonnez-vous, mes yeux; ne jetez plus un seul regard sur la libertĂ©. Terre vile, rends-toi Ă  la terre; que tout mouvement s’arrĂȘte, et qu’une mĂȘme biĂšre presse de son poids et RomĂ©o et toi. LA NOURRICE.—O Tybalt, Tybalt! le meilleur ami que j’eusse! O aimable Tybalt, honnĂȘte cavalier, faut-il que j’aie vĂ©cu pour te voir mort! JULIETTE.—Quelle est donc cette tempĂȘte qui souffle ainsi dans les deux sens contraires? RomĂ©o est-il tuĂ©, et Tybalt est-il mort? Mon cousin chĂ©ri et mon Ă©poux plus cher encore? Que la terrible trompette sonne donc le jugement universel. Qui donc est encore en vie, si ces deux-lĂ  sont morts? LA NOURRICE.—Tybalt est mort, et RomĂ©o est banni: RomĂ©o, qui l’a tuĂ©, est banni. JULIETTE.—O Dieu! la main de RomĂ©o a-t-elle versĂ© le sang de Tybalt? LA NOURRICE.—Il l’a fait, il l’a fait! O jour de malheur! il l’a fait! JULIETTE.—O coeur de serpent cachĂ© sous un visage semblable Ă  une fleur! jamais dragon a-t-il choisi un si charmant repaire? Beau tyran, angĂ©lique dĂ©mon, corbeau couvert des plumes d’une colombe, agneau transportĂ© de la rage du loup, mĂ©prisable substance de la plus divine apparence, toi, justement le contraire de ce que tu paraissais Ă  juste titre, damnable saint, traĂźtre plein d’honneur! O nature, qu’allais-tu donc chercher en enfer, lorsque de ce corps charmant, paradis sur la terre, tu fis le berceau de l’ñme d’un dĂ©mon? Jamais livre contenant une aussi infĂąme histoire porta-t-il une si belle couverture? et se peut-il que la trahison habite un si brillant palais? LA NOURRICE.—Il n’y a plus ni sincĂ©ritĂ©, ni foi, ni honneur dans les hommes; tous sont parjures, corrompus, hypocrites. Ah! oĂč est mon valet? Donnez-moi un peu d’aqua vité
.. Tous ces chagrins, tous ces maux, toutes ces peines me vieillissent. Honte soit Ă  RomĂ©o! JULIETTE.—Maudite soit ta langue pour un pareil souhait! Il n’est pas nĂ© pour la honte: la honte rougirait de s’asseoir sur son front; c’est un trĂŽne oĂč on peut couronner l’honneur, unique souverain de la terre entiĂšre. Oh! quelle brutalitĂ© me l’a fait maltraiter ainsi? LA NOURRICE.—Quoi! vous direz du bien de celui qui a tuĂ© votre cousin? JULIETTE.—Eh! dirai-je du mal de celui qui est mon mari? Ah! mon pauvre Ă©poux, quelle langue soignera ton nom, lorsque moi, ta femme depuis trois heures, je l’ai ainsi dĂ©chirĂ©? Mais pourquoi, traĂźtre, as-tu tuĂ© mon cousin? Ah! ce traĂźtre de cousin a voulu tuer mon Ă©poux.—Rentrez, larmes insensĂ©es, rentrez dans votre source; c’est au malheur qu’appartient ce tribut que par mĂ©prise vous offrez Ă  la joie. Mon Ă©poux vit, lui que Tybalt aurait voulu tuer; et Tybalt est mort, lui qui aurait voulu tuer mon Ă©poux. Tout ceci est consolant, pourquoi donc pleurĂ©-je? Ah! c’est qu’il y a lĂ  un mot, plus fatal que la mort de Tybalt, qui m’a assassinĂ©e.—Je voudrais bien l’oublier; mais, ĂŽ ciel! il pĂšse sur ma mĂ©moire comme une offense digne de la damnation sur l’ñme du pĂ©cheur. Tybalt est mort, et RomĂ©o est
.. banni! Ce banni, ce seul mot banni, a tuĂ© pour moi dix mille Tybalt. La mort de Tybalt Ă©tait un assez grand malheur, tout eĂ»t-il fini lĂ ; ou si les cruelles douleurs se plaisent Ă  marcher ensemble, et qu’il faille nĂ©cessairement que d’autres peines les accompagnent, pourquoi, aprĂšs m’avoir dit: «Tybalt est mort,» n’a-t-elle pas continuĂ©: «ton pĂšre aussi, ou ta mĂšre, ou tous les deux?» cela eĂ»t excitĂ© en moi les douleurs ordinaires. Mais par cette arriĂšre-garde qui a suivi la mort de Tybalt, RomĂ©o est banni; par ce seul mot, pĂšre, mĂšre, Tybalt, RomĂ©o, Juliette, tous sont assassinĂ©s, tous morts. RomĂ©o banni! Il n’y a ni fin, ni terme, ni borne, ni mesure dans la mort qu’apporte avec lui ce mot, aucune parole ne peut sonder ce malheur.
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William Shakespeare (Romeo and Juliet)
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Les hommes, disais-je, se plaignent souvent de compter peu de beaux jours et beaucoup de mauvais, et il me semble que, la plupart du temps, c’est mal Ă  propos. Si nous avions sans cesse le cƓur ouvert pour jouir des biens que Dieu nous dispense chaque jour, nous aurions assez de force pour supporter le mal quand il vient. — Mais nous ne sommes pas les maĂźtres de notre humeur, dit la mĂšre ; combien de choses dĂ©pendent de l’état du corps ! Quand on n’est pas bien, on est mal partout. » J’en tombai d’accord et j’ajoutai : « Eh bien, considĂ©rons la chose comme une maladie, et demandons-nous s’il n’y a point de remĂšde. — C’est parler sagement, dit Charlotte : pour moi, j’estime que nous y pouvons beaucoup. Je le sais par expĂ©rience. Si quelque chose me contrarie et veut me chagriner, je cours au jardin et me promĂšne, en chantant quelques contredanses : cela se passe aussitĂŽt. — C’est ce que je voulais dire, repris-je Ă  l’instant : il en est de la mauvaise humeur absolument comme de la paresse ; car c’est une sorte de paresse. Par notre nature, nous y sommes fort enclins, et cependant, si nous avons une fois la force de nous surmonter, le travail nous devient facile, et nous trouvons dans l’activitĂ© un vĂ©ritable plaisir. » FrĂ©dĂ©rique Ă©tait fort attentive, et le jeune homme m’objecta qu’on n’était pas maĂźtre de soi, et surtout qu’on ne pouvait commander Ă  ses sentiments. « II s’agit ici, rĂ©pliquai-je, d’un sentiment dĂ©sagrĂ©able, dont chacun est bien aise de se dĂ©livrer, et personne ne sait jusqu’oĂč ses forces s’étendent avant de les avoir essayĂ©es. AssurĂ©ment, celui qui est malade consultera tous les mĂ©decins, et il ne refusera pas les traitements les plus pĂ©nibles, les potions les plus amĂšres, pour recouvrer la santĂ© dĂ©sirĂ©e. [...] Vous avez appelĂ© la mauvaise humeur un vice : cela me semble exagĂ©rĂ©. — Nullement, lui rĂ©pondis-je, si une chose avec laquelle on nuit Ă  son prochain et Ă  soi-mĂȘme mĂ©rite ce nom. N’est-ce pas assez que nous ne puissions nous rendre heureux les uns les autres ? faut-il encore nous ravir mutuellement le plaisir que chacun peut quelquefois se procurer ? Et nommez-moi l’homme de mauvaise humeur, qui soit en mĂȘme temps assez ferme pour la dissimuler, la supporter seul, sans troubler la joie autour de lui ! N’est-ce pas plutĂŽt un secret dĂ©plaisir de notre propre indignitĂ©, un mĂ©contentement de nous-mĂȘmes, qui se lie toujours avec une envie aiguillonnĂ©e par une folle vanitĂ© ? Nous voyons heureux des gens qui ne nous doivent pas leur bonheur, et cela nous est insupportable. » Charlotte me sourit, en voyant avec quelle Ă©motion je parlais, et une larme dans les yeux de FrĂ©dĂ©rique m’excita Ă  continuer. « Malheur, m’écriai-je, Ă  ceux qui se servent de l’empire qu’ils ont sur un cƓur, pour lui ravir les joies innocentes dont il est lui-mĂȘme la source ! Tous les prĂ©sents, toutes les prĂ©venances du monde, ne peuvent compenser un moment de joie spontanĂ©e, que nous empoisonne une envieuse importunitĂ© de notre tyran. [...] Si seulement on se disait chaque jour : Tu ne peux rien pour tes amis que respecter leurs plaisirs et augmenter leur bonheur en le goĂ»tant avec eux. Peux-tu, quand le fond de leur ĂȘtre est tourmentĂ© par une passion inquiĂšte, brisĂ© par la souffrance, leur verser une goutte de baume consolateur ?
 Et, quand la derniĂšre, la plus douloureuse maladie surprendra la personne que tu auras tourmentĂ©e dans la fleur de ses jours, qu’elle sera couchĂ©e dans la plus dĂ©plorable langueur, que son Ɠil Ă©teint regardera le ciel, que la sueur de la mort passera sur son front livide, et que, debout devant le lit, comme un condamnĂ©, dans le sentiment profond qu’avec tout ton pouvoir tu ne peux rien, l’angoisse te saisira jusqu’au fond de l’ñme, Ă  la pensĂ©e que tu donnerais tout au monde pour faire passer dans le sein de la crĂ©ature mourante une goutte de rafraĂźchissement, une Ă©tincelle de courage !

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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)