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Stoian Ă©tait arrivĂ© avec un bouquet de tĂąches. Il prenait donc par la main les colonels, certains plus cultivĂ©s, dâautres plus Ă©clectiques, certains plus dĂ©gourdis, quelques-uns plus persĂ©cutĂ©s dans la premiĂšre phase de leur rĂ©incarnation, leur montrait la pomme ou la clĂ©mentine, leur rĂ©citait un mandala, leur apprenait Ă bourdonner systĂ©matiquement et, aprĂšs leur avoir soutirĂ© un billet de cent lei, leur demandait de raconter leur journĂ©e de travail. Et câest ainsi quâun tas de colonels fanatiques et dĂ©vouĂ©s jusquâaux cimes de lâhĂ©roĂŻsme, qui auraient rĂ©sistĂ© Ă la panoplie complĂšte de torture de lâarsenal du pĂšre de Winnetou, officiers supĂ©rieurs de la Securitate, qui pour des millions de dollars nâauraient pas trahi les secrets de leurs opĂ©rations, se disaient que puisquâils ont dĂ©boursĂ© un billet de cent lei, il leur fallait profiter, purifier leurs Ăąmes en disant tout ce quâils avaient fait au travail, pour que ça continue Ă aller bien pour eux et sans se rendre compte quâils jouaient avec le feu. Je nâai jamais compris pour quelle raison le pauvre Victor SÄhleanu a eu Ă en pĂątir, puisque, en rĂ©alitĂ©, parmi les intellectuels « transcendantaux », mis Ă part PleĆu, aucun nâĂ©tait dangereux.
Une fois que les colonels de la Securitate eurent racontĂ© Ă Stoian ce quâils faisaient au boulot, moyennant argent dans lâautre sens, puisquâils payaient pour ĂȘtre autorisĂ© Ă trahir, cas unique dans lâhistoire de lâhumanitĂ©
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