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Voici mon secret. Il est trĂšs simple: on ne voit bien qu'avec le cĆur. L'essentiel est invisible pour les yeux.
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Antoine de Saint-Exupéry (Le Petit Prince)
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On ne voit bien qu'avec le cĆur. L'essentiel est invisible pour les yeux.
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Antoine de Saint-Exupéry
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Il y a des beautés qui sautent aux yeux et d'autres qui sont écrites en hyéroglyphes: on met du temps à déchiffrer leur splendeur mais, quand elle est apparue, elle est plus belle que la beauté.
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Amélie Nothomb
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Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux.
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Marcel Proust
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Mais les yeux sont aveugles. Il faut chercher avec le cĆur.
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Antoine de Saint-Exupéry (The Little Prince)
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L'essentiel est invisible pour les yeux, on ne voit bien qu'avec le coeur.
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Antoine de Saint-Exupéry (The Little Prince)
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Adieu, dit le renard. Voici mon secret. Il est trĂšs simple: on ne voit bien quâavec le cĆur. Lâessentiel est invisible pour les yeux.
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Antoine de Saint-Exupéry (Le Petit Prince)
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L'essentiel est invisible pour les yeux.
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Antoine de Saint-Exupéry
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Fuir, toujours, et courir sans relĂąche. Et puis, un jour, s'arrĂȘter pour dire Ă quelqu'un, en le regardant droit dans les yeux : c'est toi dont j'ai besoin, vraiment. Et le croire.
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FrĂ©dĂ©ric Beigbeder (L'ĂgoĂŻste romantique)
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de satan ou de dieu, qu'importe! ange ou sirĂšne,
qu'importe, si tu rends -- fée aux yeux de velours,
rythme, parfum, lueur, ĂŽ mon unique reine! --
l'univers moins hideux et les instants moins lourds?
â
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Charles Baudelaire (Les Fleurs du Mal)
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Tu nâĂ©tais plus quâun insecte prisonnier dâune araignĂ©e repue, qui te gardait en rĂ©serve pour un repas Ă venir. Elle tâavait capturĂ© pour te savourer en toute quiĂ©tude, quand lâenvie lui viendrait de goĂ»ter ton sang. Tu imaginais ses pattes velues, ses gros yeux globuleux, implacables, son ventre mou, gorgĂ© de viande, vibrant, gĂ©latineux, et ses crocs venimeux, sa bouche noire qui allait te sucer la vie.
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Thierry Jonquet (Mygale)
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Quand le monde sera réduit en un seul bois noir pour nos quatre yeux étonnés, - en une plage pour deux enfants fidÚles, - en une maison musicale pour notre claire sympathie, - je vous trouverai.
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Arthur Rimbaud (Les Illuminations)
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Paris at Night
Trois allumettes une à une allumées dans la nuit
La premiĂšre pour voir ton visage tout entier
La seconde pour voir tes yeux
La derniĂšre pour voir ta bouche
Et l'obscurité tout entiÚre pour me rappeler tout cela
En te serrant dans mes bras
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Jacques Prévert (Paroles)
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OĂč tu veux, Camille, chuchota-t-il. J'irai oĂč tu voudras. Je te suivrai partout, mĂȘme dans les Ă©toiles... Je veux juste que tu saches que vivre sans toi m'est impossible. Alors je t'en supplie, ne meurs plus, parce que sinon, moi, je vais mourir pour de bon... Parce que sans tes yeux, je suis aveugle. Sans tes mots, je me perds. Parce que sans toi, mon Ăąme est nue. Sans toi, je ne suis rien... Parce que... je t'aime...
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Pierre Bottero (Les FrontiĂšres de glace (La QuĂȘte d'Ewilan, #2))
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les yeux sont aveugles. Il faut chercher avec le coeur.
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Antoine de Saint-Exupéry (Le Petit Prince)
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Des larmes me venaient dans la gorge. Elles n'arrivaient pas Ă monter jusqu'Ă mes yeux. Nous portons en nous des larmes trop lourdes. Celles-lĂ , nous ne pourrons jamais les pleurer.
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Ărik Orsenna (La grammaire est une chanson douce (Plaisirs secrets de la grammaire #1))
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Dans le fond des forĂȘts votre image me suit.
La lumiĂšre du jour, les ombres de la nuit,
Tout retrace à mes yeux les charmes que j'évite.
Tout vous livre Ă l'envi le rebelle Hippolyte.
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Jean Racine (PhĂšdre)
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Le seul véritable voyage, le seul bain de Jouvence, ce ne serait pas d'aller vers de nouveaux paysages, mais d'avoir d'autres yeux, de voir l'univers avec les yeux d'un autre, de cent autres, de voir les cent univers que chacun d'eux voit, que chacun d'eux est;
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Marcel Proust (La PrisonniĂšre)
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Il y a bien des souvenirs, mais quelqu'un les a électrifiés et connectés à nos cils, dÚs qu'on y pense on a les yeux qui brûlent.
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Mathias Malzieu
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Voici mon secret. Il est tres simple. On ne voit bien qu'avec le coeur. L'essentiel est invisible pour les yeux.
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Antoine de Saint-Exupéry
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Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux.
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Mélissa Da Costa (Tout le bleu du ciel)
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La beautĂ© qui parle aux yeux, reprit-elle, nâest que le prestige dâun moment; lâĆuil du corps n'est pas toujours celui de l'Ăąme."
("The beauty that addresses itself to the eyes," she continued, "is only the spell of the moment; the eye of the body is not always that of the soul.")
[Le beau Laurence]
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George Sand (Pierre qui roule)
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Je ressemble à un personnage de Bretécher: une fille assise sur un banc avec une pancarte autour
du cou : "je veux de l'amour" et des larmes qui jaillissent comme deux fontaines de chaque cÎté des
yeux. Je m'y vois.
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Anna Gavalda (I Wish Someone Were Waiting for Me Somewhere)
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Le Chat
Viens, mon beau chat, sur mon coeur amoureux;
Retiens les griffes de ta patte,
Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,
MĂȘlĂ©s de mĂ©tal et d'agate.
Lorsque mes doigts caressent Ă loisir
Ta tĂȘte et ton dos Ă©lastique,
Et que ma main s'enivre du plaisir
De palper ton corps électrique,
Je vois ma femme en esprit. Son regard,
Comme le tien, aimable bĂȘte,
Profond et froid, coupe et fend comme un dard,
Et, des pieds jusques Ă la tĂȘte,
Un air subtil, un dangereux parfum,
Nagent autour de son corps brun.
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Charles Baudelaire (Les Fleurs du Mal)
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J'aimerais qu'il pleuve ailleurs que dans mes yeux.
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Malek Haddad (L'élÚve Et La Leçon)
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Je n'ai jamais imaginĂ© qu'on put ĂȘtre Ă ce point hantĂ© par une voix, par un cou, par des Ă©paules, par des mains. Ce que je veux dire, c'est qu'elle avait des yeux oĂč il faisait si bon vivre que je n'ai jamais su oĂč aller depuis.
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Romain Gary (Promise at Dawn)
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Mais il y a des moments oĂč le cĆur voit mieux et plus loin que les yeux les plus perçants
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Hector Malot (Sans Famille)
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Demain, dĂšs l'aube, Ă l'heure oĂč blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forĂȘt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyĂšre en fleur.
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Victor Hugo (Les Contemplations)
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La felicidad, pensĂł, estĂĄ hecha de pequeñas cosas. Siempre se la espera con mayĂșsculas, pero llega a nosotros de puntillas y puede pasar bajo nuestras narices sin darnos cuenta
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Katherine Pancol (Les yeux jaunes des crocodiles (Joséphine, #1))
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Je croyais voir des choses invisibles aux yeux des autres, j'étais encore plus aveugle qu'eux.
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Marc Levy (Le Voleur d'ombres)
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Le nom d'amant peut-ĂȘtre offense son courage;
Mais il en a les yeux, s'il n'en a le langage.
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Jean Racine
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Seule ma peine est ma propriété:
Larmes, sueurs et le plus dur effort.
Je ne suis plus qu'un objet de pitié
Sinon de honte aux yeux d'un monde fort.
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Paul Ăluard (Last Love Poems)
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- Mais au dĂ©but, vous avez dĂ» ĂȘtre heureuse?
- Juste le temps d'y voir clair. Vous croyez peut-ĂȘtre que l'amour est aveugle.. Et bien, le mariage ouvre les yeux.
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Agathe Colombier Hochberg (Ce crétin de prince charmant)
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Le monde sent la mort
Les oiseaux volent les yeux crevés
Tu es sombre comme un ciel noir.
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Georges Bataille
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âą On peut ĂȘtre avec quelquâun pour fuir sa solitude, on peut partager son quotidien pour digĂ©rer une rupture en continuant dâentretenir le souvenir dâun autre. On peut parler Ă quelquâun en Ă©coutant la voix dâun autre, regarder quelquâun dans les yeux en voyant ceux dâun autre.
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Marc Levy (Un sentiment plus fort que la peur)
â
L'amour est comme une fiÚvre qui va et vient tout à fait indépendamment de la volonté. ... Il n'y a pas de limite d'ùge pour l'amour. ... L'amour ne voit pas avec les yeux, mais avec l'esprit.
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Stendhal (Love)
â
Ils ont découvert le principe de la «lettre volée» d'Edgar Allan Poe : le meilleur cachette est celle qui crÚve les yeux, car on pense toujours à aller chercher plus loin ce qui se trouve tout prÚs.
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Bernard Werber (La Trilogie des Fourmis)
â
Ce qu'il faut pouvoir, ce qu'il faut savoir,
C'est garder son rĂȘve...
C'est avoir des yeux qui, voyant le laid,
Voient le beau quand mĂȘme;
C'est savoir rester, parmi ce qu'on hait
Avec ce qu'on aime.
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Edmond Rostand
â
Adieu, dit-ilâŠ
- Adieu, dit le renard. Voici mon secret. Il est trĂšs simple : on ne voit bien quâavec le coeur. Lâessentiel est invisible pour les yeux.
- Lâessentiel est invisible pour les yeux, rĂ©pĂ©ta le petit prince, afin de se souvenir.
- Câest le temps que tu a perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.
- Câest le temps que jâai perdu pour ma rose⊠fit le petit prince, afin de se souvenir.
- Les hommes ont oubliĂ© cette vĂ©ritĂ©, dit le renard. Mais tu ne dois pas lâoublier. Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisĂ©. Tu es responsable de ta roseâŠ
- Je suis responsable de ma rose⊠répéta le petit prince, afin de se souvenir.
â
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Antoine de Saint-Exupéry (The Little Prince)
â
Elle ferma les yeux quelques secondes, lutta pour faire refluer son désir naissant. Elle savait que les sentiments étaient souvent plus destructeurs et dangereux qu'une balle d'un 9 mm ou que la lame tranchante d'un sabre.
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Guillaume Musso (Que serais-je sans toi?)
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Le blanc bleutĂ© de ses yeux, presque aussi bleu que sa claire robe dâĂ©tĂ©, lâarrangement parfait et superflu de sa joue, de sa bouche et de ses paupiĂšres, ne le touchĂšrent pas.
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Colette Gauthier-Villars (La Chatte)
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Le serpent qui danse
Que j'aime voir, chĂšre indolente,
De ton corps si beau,
Comme une étoffe vacillante,
Miroiter la peau!
Sur ta chevelure profonde
Aux acres parfums,
Mer odorante et vagabonde
Aux flots bleus et bruns,
Comme un navire qui s'éveille
Au vent du matin,
Mon Ăąme rĂȘveuse appareille
Pour un ciel lointain.
Tes yeux oĂč rien ne se rĂ©vĂšle
De doux ni d'amer,
Sont deux bijoux froids oĂč se mĂȘlent
Lâor avec le fer.
A te voir marcher en cadence,
Belle d'abandon,
On dirait un serpent qui danse
Au bout d'un bĂąton.
Sous le fardeau de ta paresse
Ta tĂȘte d'enfant
Se balance avec la mollesse
Dâun jeune Ă©lĂ©phant,
Et ton corps se penche et s'allonge
Comme un fin vaisseau
Qui roule bord sur bord et plonge
Ses vergues dans l'eau.
Comme un flot grossi par la fonte
Des glaciers grondants,
Quand l'eau de ta bouche remonte
Au bord de tes dents,
Je crois boire un vin de bohĂȘme,
Amer et vainqueur,
Un ciel liquide qui parsĂšme
DâĂ©toiles mon coeur!
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â
Charles Baudelaire (Les Fleurs du Mal)
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Est-ce que j'ai seulement envie de quelque chose? J'ai tout. Chaque matin j'ouvre les yeux et je me découvre milliardaire: la vie est là , discrÚte, bruyante, colorée, petite, immense.
[...]
Vraiment, j'ai tout. Pourquoi aurais-je envie de quelques chose de plus? Y a-t-il quelque chose de plus que tout?
[...]
Je ne comprends rien à ce monde. J'adore regarder ce monde auquel je ne comprends rien. Le regarder et l'écouter.
[...]
Voir, entendre, aimer. La vie est un cadeau dont je défais les ficelles chaque matin, au réveil. La vie est un trésor dont je découvre le plus beau chaque soir, avant de fermer les paupiÚres: Geai assise au pied du lit, souriante.
â
â
Christian Bobin (ۧۚÙÙ Ù
ŰÙÙ)
â
Ta voix, tes yeux, tes mains, tes lĂšvres,
Nos silences, nos paroles,
La lumiĂšre qui sâen va, la lumiĂšre qui revient,
Un seul sourire pour nous deux,
Par besoin de savoir, jâai vu la nuit crĂ©er le jour sans que nous changions dâapparence,
Ă bien-aimĂ© de tous et bien-aimĂ© dâun seul,
En silence ta bouche a promis dâĂȘtre heureuse,
De loin en loin, ni la haine,
De proche en proche, ni lâamour,
Par la caresse nous sortons de notre enfance,
Je vois de mieux en mieux la forme humaine,
Comme un dialogue amoureux, le cĆur ne fait quâune seule bouche
Toutes les choses au hasard, tous les mots dits sans y penser,
Les sentiments à la dérive, les hommes tournent dans la ville,
Le regard, la parole et le fait que je tâaime,
Tout est en mouvement, il suffit dâavancer pour vivre,
Dâaller droit devant soi vers tout ce que lâon aime,
Jâallais vers toi, jâallais sans fin vers la lumiĂšre,
Si tu souris, câest pour mieux mâenvahir,
Les rayons de tes bras entrouvraient le brouillard.
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Paul Ăluard
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Tu sais, pÚre, la douleur, soit elle arrive à fondre et à s'écouler par les yeux, soit elle devient tranchante comme une lame et jaillit de la bouche, soit elle se transforme en bombe à l'intérieur, une bombe qui explose un beau jour et qui te fait exploser.
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Atiq Rahimi (Earth and Ashes)
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Lâamour, câest trĂšs compliquĂ©. Câest Ă la fois la plus extraordinaire et la pire chose qui puisse arriver. Vous le dĂ©couvrirez un jour. Lâamour, ça peut faire trĂšs mal. Vous ne devez pas pour autant avoir peur de tomber, et surtout pas de tomber amoureux, car lâamour, câest aussi trĂšs beau, mais comme tout ce qui est beau, ça vous Ă©blouit et ça vous fait mal aux yeux. Câest pour ça que souvent, on pleure aprĂšs.
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Joël Dicker (La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert (Marcus Goldman, #1))
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Zadig dirigeait sa route sur les étoiles... Il admirait ces vastes globes de lumiÚre qui ne paraissent que de faibles étincelles à nos yeux, tandis que la terre, qui n'est en effet qu'un point imperceptible dans la nature, paraßt à notre cupidité quelque chose de si grand et de si noble. Il se figurait alors les hommes tels qu'ils sont en effet, des insectes se dévorant les uns les autres sur un petit atome de boue.
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Voltaire (Zadig et autres contes)
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- Nous allons nous quitter maintenant. Tu vas descendre d'un cotĂ©, moi de l'autre et si nos ĂȘtres demeurent Ă jamais liĂ©s, nos prĂ©sents dĂ©sormais divergent.
- Non, hoqueta Ellana, pas maintenant. Demain. Plus tard.
Il secoua la tĂȘte.
- Quel autre moment plus beau, plus favorable choisir ? Tu es au sommet Ellana. Offre-moi le bonheur de te voir t'envoler.
Il ferma les yeux une seconde.
- S'il te plaĂźt.
Un murmure.
Qui perça le cĆur d'Ellana.
Elle le caressa du regard une derniÚre fois, lui sourit comme on fait une promesse et de détourna.
Il ne pleura que lorsqu'elle fut loin.
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Pierre Bottero (Ellana, l'Envol (Le Pacte des MarchOmbres, #2))
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Nous avions inventĂ© la lumiĂšre pour nier l'obscuritĂ©. Nous avons mis les Ă©toiles dans le ciel, nous avons plantĂ© les rĂ©verbĂšres tous les deux mĂštres dans les rues. Et des lampes dans nos maisons. Ăteignez les Ă©toiles et contemplez le ciel. Que voyez-vous? Rien. Vous ĂȘtes en face de l'infini que votre esprit limitĂ© ne peut pas concevoir et vous ne voyez plus rien. Et cela vous angoisse. C'est angoissant d'ĂȘtre en face de l'infini. Rassurez vous; vos yeux s'arrĂȘteront toujours sur les Ă©toiles qui obscures leur vision et n'iront pas plus loin. Aussi ignorez le vide qu'elles dissimulent. Ăteignez la lumiĂšre et ouvrez grand les yeux. Vous ne voyez rien. Que l'obscuritĂ© que vous la percevez plutĂŽt que vous ne la voyez. L'obscuritĂ© n'est pas hors de vous, l'obscuritĂ© est en vous.
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Lolita Pille (Hell)
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Je vois personne sur la route", dit Alice.
"Comme je voudrais avoir d'aussi bons yeux", remarqua le roi d'un ton amer. "Voir Personne! Et Ă cette distance encore! Moi, tout ce dont je suis capable de voir, sous cette lumiĂšre, c'est des gens!
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Lewis Carroll (Alice in Wonderland)
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Elle faisait confiance à la vie pour lui envoyer des indices, des idées, des détails qu'elle convertirait en histoires. C'est comme ça qu'elle avait écrit son premier livre. En ouvrant grand les yeux sur le monde. En écoutant, en observant, en reniflant.
C'est comme ça aussi qu'on ne vieillit pas. On vieillit quand on s'enferme, on refuse de voir, d'entendre ou de respirer. La vie et lâĂ©criture, ça va souvent ensemble.
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Katherine Pancol (La valse lente des tortues (Joséphine, #2))
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Il me semblait entendre ces paroles sur un rythme d'une douceur infinie, car son regard avait presque la sonorité, et les phrases que ses yeux m'envoyaient retentissaient au fond de mon coeur comme si une bouche invisible les eût soufflées dans mon ùme.
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Théophile Gautier
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Les gens ne regardent plus le ciel. Ils gardent les yeux baissĂ©s sur leurs petits soucis, ils oublient que le monde peut ĂȘtre plus vaste, qu'il y a des couleurs, des arcs-en-ciel, des nuages et des oiseaux fantastiques qui pourraient changer leurs vies.
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Carina Rozenfeld (Le Brasier des souvenirs (PhĂŠnix, #2))
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Voyager, c'est bien utile, ça fait travailler l'imagination. Tout le reste n'est que déceptions et fatigues. Notre voyage à nous est entiÚrement imaginaire. Voilà sa force.
Il va de la vie Ă la mort. Hommes, bĂȘtes, villes et choses, tout est imaginĂ©. C'est un roman, rien qu'une histoire fictive. LittrĂ© le dit, qui ne se trompe jamais.
Et puis d'abord tout le monde peut en faire autant. Il suffit de fermer les yeux.
C'est de l'autre cÎté de la vie.
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Louis-Ferdinand Céline (Voyage au bout de la nuit)
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Il y a des Ă©poques fatales oĂč la priĂšre, cet hymne naturel que Dieu a mis au fond du cĆur de lâhomme, devient suspecte aux yeux des hommes, car la priĂšre est un acte dâespoir ou de reconnaissance.
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Alexandre Dumas (The Knight of Maison-Rouge)
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vivre dans la vĂ©ritĂ©, ne mentir ni Ă soi-mĂȘme ni aux autres, ce n'est possible qu'Ă la condition de vivre sans public. DĂšs lors qu'il y a un tĂ©moin Ă nos actes, nous nous adaptons bon grĂ© mal grĂ© aux yeux qui nous observent, et plus rien de ce que nous faisons n'est vrai. Avoir un public, penser Ă un public, c'est vivre dans le mensonge (partie III, ch. 7)
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Milan Kundera (The Unbearable Lightness of Being)
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Ma vie est un film doublé, mal monté, mal interprété, mal ajusté, une erreur en somme.
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Marguerite Duras (Les Yeux verts)
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C'est comme une furie en moi, une perversion qui me pousse à désirer ce que je méprise le plus au monde.
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Katherine Pancol (Les yeux jaunes des crocodiles (Joséphine, #1))
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Tout ce temps, tous ces visages, tous ces cris de jouissance, ces étreintes sans ùme au petit matin, quand la nuit n'est plus, le jour n'est pas encore, ton orgasme prend fin, et tes yeux se dessillent, ta chambre n'est qu'un bordel, Baudelaire est mort et, dans tes bras, il n'y a qu'une putain...
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Lolita Pille (Hell)
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Je fus encore une fois surprise par la vue de mon visage dans la glace: il n'avait rien Ă voir avec mes dĂ©combres. Ce n'Ă©tait pas un visage de vaincu. MarquĂ© par la fatigue, mais au fond des yeux il restait encore quelque chose. Je ne dis pas : quelque chose d'invincible. Et pourtant, peut-ĂȘtre y a-t-il invincibilitĂ©. Les hommes oublient toujours que ce qu'ils vivent n'est pas mortel.
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Romain Gary (Clair de femme)
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Rien n'est jamais acquis Ă l'homme Ni sa force
Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix
Et quand il croit serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un étrange et douloureux divorce
Il n'y a pas d'amour heureux
Sa vie Elle ressemble Ă ces soldats sans armes
Qu'on avait habillés pour un autre destin
A quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu'on retrouve au soir désoeuvrés incertains
Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes
Il n'y a pas d'amour heureux
Mon bel amour mon cher amour ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
Et ceux-lĂ sans savoir nous regardent passer
Répétant aprÚs moi les mots que j'ai tressés
Et qui pour tes grands yeux tout aussitĂŽt moururent
Il n'y a pas d'amour heureux
Le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard
Que pleurent dans la nuit nos coeurs Ă l'unisson
Ce qu'il faut de malheur pour la moindre chanson
Ce qu'il faut de regrets pour payer un frisson
Ce qu'il faut de sanglots pour un air de guitare
Il n'y a pas d'amour heureux
Il n'y a pas d'amour qui ne soit Ă douleur
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit meurtri
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit flétri
Et pas plus que de toi l'amour de la patrie
Il n'y a pas d'amour qui ne vive de pleurs
Il n'y a pas d'amour heureux
Mais c'est notre amour Ă tous les deux
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â
Louis Aragon (La Diane française: En Ătrange Pays dans mon pays lui-mĂȘme)
â
« Il se taisait toujours sur les images qu'il voyait derriĂšre ses yeux fermĂ©s. On aurait dit qu'il aimait cette douleur, qu'il l'aimait comme il m'avait aimĂ©e, trĂšs fort, jusqu'Ă mourir peut-ĂȘtre, et que maintenant il la prĂ©fĂ©rait Ă moi. »
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Marguerite Duras (The Lover)
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Je t'ai vu en companie de cet homme, et le regard que tu lui portais Ă©tait celui que j'aurais rĂȘvĂ© voir dans tes yeux alors que tu me regardais. Il avait l'air si grand Ă tes cĂŽtĂ©s, et moi si petit dans cette allĂ©e. Si j'avais pu ĂȘtre cet homme, je t'aurais tout donnĂ©, mais je n'Ă©tais que moi, l'ombre de celui que tu avais aimĂ© alors que nous Ă©tions enfants, l'ombre de l'adulte que j'Ă©tais devenu.
â
â
Marc Levy (Le Voleur d'ombres)
â
Tout mâavale. Quand jâai les yeux fermĂ©s, câest par mon ventre que je suis avalĂ©e, câest dans mon
ventre que jâĂ©touffe. Quand jâai les yeux ouverts, câest parce que je vois que je suis avalĂ©e, câest dans
le ventre de ce que je vois que je suffoque. Je suis avalée par le fleuve trop grand, par le ciel trop
haut, par les fleurs trop fragiles, par les papillons trop craintifs, par le visage trop beau de ma mĂšre.
â
â
Réjean Ducharme (L'avalée des avalés)
â
Je lis des vieux livres parce que les pages tournĂ©es de nombreuses fois et marquĂ©es par les doigts ont plus de poids pour les yeux, parce que chaque exemplaire d'un livre peut appartenir Ă plusieurs vies. Les livres devraient rester sans surveillance dans les endroits publics pour se dĂ©placer avec les passants qui les apporteraient un moment avec eux, puis ils devraient mourir comme eux, usĂ©s par les malheurs, contaminĂ©s, noyĂ©s en tombant d'un pont avec les suicidĂ©s, fourrĂ©s dans un poĂȘle l'hiver, dĂ©chirĂ©s par les enfants pour en faire des petits bateaux, bref ils devraient mourir n'importe comment sauf d'ennui et de propriĂ©tĂ© privĂ©e, condamnĂ©s Ă vie Ă lâĂ©tagĂšre. (p.22)
â
â
Erri De Luca (Tre cavalli)
â
La Courbe de tes yeux
La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu
C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.
Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumiĂšre,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs,
Parfums éclos d'une couvée d'aurores
Qui gĂźt toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l'innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.
â
â
Paul Ăluard (Capital of Pain)
â
Depuis, elle pleurait des baignoires.
â
â
Katherine Pancol (Les yeux jaunes des crocodiles (Joséphine, #1))
â
Il y a ceux qui n'ont jamais lu et qui s'en font une honte, ceux qui n'ont plus le temps de lire et qui en cultivent le regret, il y a ceux qui ne lisent pas de romans, mais des livres *utiles*, mais des essais, mais des ouvrages techniques, mais des biographies, mais des livres d'histoire, il y a ceux qui lisent tout et n'importe quoi, ceux qui "dévorent" et dont les yeux brillent, il y a ceux qui ne lisent que les classiques, monsieur, "car il n'est meilleur critique que le tamis du temps", ceux qui passent leur maturité à "relire", et ceux qui ont lu le dernier untel et le dernier tel autre, car il faut bien, monsieur, se tenir au courant...
Mais tous, tous, au nom de la nécessité de lire.
Le dogme. (p. 78-79)
â
â
Daniel Pennac (Comme un roman)
â
«La prunelle de mes yeux.» Lâexpression peine Ă rendre ce qui lie le parent Ă son nouveau-nĂ©. La prunelle de ses yeux, on pouvait la lui arracher sans quâil tombe â la moelle de mes os sâapprocherait davantage, pour dire que ça parcourt tout ce quâon est, et quâil sâagit du lien qui sâĂ©tablit, avant mĂȘme quâon soit capable de reconnaĂźtre son enfant parmi les autres.
â
â
Virginie Despentes (Vernon Subutex 1 (Vernon Subutex, #1))
â
Il y a donc de "bons" et de "mauvais" romans.
Le plus souvent, ce sont les seconds que nous trouvons d'abord sur notre route.
Et ma foi, quand ce fut mon tour d'y passer, j'ai le souvenir d'avoir trouvé ça "vachement bien". J'ai eu beaucoup de chance : on ne s'est pas moqué de moi, on n'a pas levé les yeux au ciel, on ne m'a pas traité de crétin. On a juste laissé traßner sur mon passage quelques "bons" romans en se gardant bien de m'interdire les autres.
C'était la sagesse. (p. 182)
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Daniel Pennac (Comme un roman)
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â Les jours les plus sombres, on doit chercher un coin de clartĂ© ; les jours les plus froids, on doit chercher un coin de chaleur ; les jours les plus lugubres, on doit laisser ses yeux sâĂ©merveiller, et les jours les plus tristes, on doit garder les yeux ouverts pour laisser les larmes couler. Puis les laisser sĂ©cher. Leur donner lâoccasion de dissiper la douleur pour y voir clair et y croire encore.
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Tahereh Mafi (Unravel Me (Shatter Me, #2))
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Je ne juge pas? Si, je juge, je passe mon temps Ă juger. Ils m'irritent profondĂ©ment ceux qui vous demandent, les yeux faussement horrifiĂ©s : "Ne seriez-vous pas en train de me juger?" Si, bien sĂ»r, je vous juge, je n'arrĂȘte pas de vous juger. Tout ĂȘtre dotĂ© d'une conscience Ă l'obligation de juger. Mais les sentences que je prononce n'affectent pas l'existence des "prĂ©venus". J'accorde mon estime ou je la retire, je dose mon affabilitĂ©, je suspends mon amitiĂ© en attendant un complĂ©ment de preuves, je m'Ă©loigne, je me rapproche, je me dĂ©tourne, j'accorde un sursis, je passe l'Ă©ponge -ou je fais semblant. La plupart des intĂ©ressĂ©s ne s'en rendent mĂȘme pas compte. Je ne communique pas mes jugements, je ne suis pas un donneur de leçons, l'observation du monde ne suscite chez moi qu-un dialogue intĂ©rieur, un interminable dialogue avec moi-mĂȘme.
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Amin Maalouf (Les désorientés)
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Je ne vois rien, dit Josette, mais si je voyais, je haĂŻrais tout ce que je vois. Je haĂŻrais les hortensias rouges sur mon passage, et je haĂŻrais les pochettes de disques, je haĂŻrais les images de la tĂ©lĂ©vision, je haĂŻrais le visage de mon pĂšre et de ma mĂšre, je haĂŻrais le ciel et je haĂŻrais la nuit, je haĂŻrais la transparence des larmes, je nâaimerais aucune couleur que celle de tes yeux dĂ©colorĂ©s, je nâaimerais voir que toi.
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Hervé Guibert
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Femelle, je te traiterai en femelle, et c'est bassement que je te séduirai, comme tu le mérites et comme tu le veux. A notre prochaine rencontre, et ce sera bientÎt, en deux heures je te séduirai par les moyens qui leur plaisent à toutes, les sales, sales moyens, et tu tomberas en grand imbécile amour, et ainsi vengerai-je les vieux et les laids, et tous les naïfs qui ne savent pas vous séduire, et tu partiras avec moi, extasiée et les yeux frits !
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Albert Cohen (Belle du Seigneur)
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Quand je serai la longue chrysalide, pareille Ă ce mort inconnu fleuri de corolles jaunes et portĂ© comme un arbre vers les bĂ»chers, quand mon front sera de cire, ma chevelure sĂšche et noyĂ©e, mon corps une corne creuse oĂč mugiront les tritons de la mort, quand mes doigts seront gantĂ©s de cuir mou, lorsque mes yeux seront de chaux, astĂ©ries torturĂ©es.
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Gabrielle Wittkop (Chaque jour est un arbre qui tombe)
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- J'ai un million de choses à te raconter, commença Salim. Si tu savais ce que j'ai vécu...
- Ăa peut attendre, Salim.
- Comment ça, ça peut attendre ?
- Eh bien, tu as peut ĂȘtre des choses plus urgentes Ă faire.
- Tu plaisantes ! Imagine que je...
-J'insiste, Salim. Je crois que tu as mieux Ă faire pour l'instant.
- Quoi ?
Camille regarda son ami avec un air extrĂȘmement sĂ©rieux.
- T'habiller, par exemple.
Salim baissa les yeux sans pouvoir retenir un cri horrifié.
Il était nu comme un ver.
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Pierre Bottero (L'Ăźle du destin (La QuĂȘte d'Ewilan, #3))
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Sur un mĂȘme ring de boxe sont rĂ©unis Mike Tyson, le champion du monde en titre des poids lourds, et un chĂŽmeur bengali sous-alimentĂ©.
Que disent les ayatollahs du dogme nĂ©olibĂ©ral ? Justice est assurĂ©e, puisque les gants de boxe des deux protagonistes sont de mĂȘme facture, le temps du combat Ă©gal pour eux, l'espace de l'affrontement unique, et les rĂšgles du jeu constantes. Alors que le meilleur gagne !
L'arbitre impartial, c'est le marché.
L'absurdité du dogme néolibéral saute aux yeux. (p. 193)
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Jean Ziegler (Destruction massive : Géopolitique de la faim)
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DâoĂč viennent ces influences mystĂ©rieuses qui changent en dĂ©couragement notre bonheur et notre confiance en dĂ©tresse ? On dirait que lâair, lâair invisible est plein dâinconnaissables Puissances, dont nous subissons les voisinages mystĂ©rieux. Je mâĂ©veille plein de gaietĂ©, avec des envies de chanter dans la gorge. â Pourquoi ? â Je descends le long de lâeau ; et soudain, aprĂšs une courte promenade, je rentre dĂ©solĂ©, comme si quelque malheur mâattendait chez moi. â Pourquoi ? â Est-ce un frisson de froid qui, frĂŽlant ma peau, a Ă©branlĂ© mes nerfs et assombri mon Ăąme ? Est-ce la forme des nuages, ou la couleur du jour, la couleur des choses, si variable, qui, passant par mes yeux, a troublĂ© ma pensĂ©e ? Sait-on ? Tout ce qui nous entoure, tout ce que nous voyons sans le regarder, tout ce que nous frĂŽlons sans le connaĂźtre, tout ce que nous touchons sans le palper, tout ce que nous rencontrons sans le distinguer, a sur nous, sur nos organes et, par eux, sur nos idĂ©es, sur notre cĆur lui-mĂȘme, des effets rapides, surprenants et inexplicables ?
â
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Guy de Maupassant (Le Horla et autres contes fantastiques (Classiques hachette))
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Il pleut, c'est merveilleux. Je t'aime
Nous resterons Ă la maison
Rien ne nous plait plus ue nous-mĂȘmes
Par ce temps d'arriĂšre-saison
Il pleut. Les taxis vont et viennent
On voit rouler les autobus
Et les remorqueurs sur le Seine
Font un bruit ... qu'onne s'entend plus.
C'est merveilleux: il pleut. J'écoute
La pluie dont le crépitement
Heurte la vitre goutte Ă goutte ...
Et tu me souris tendrement.
Je t'aime. Oh! ce bruit d'eau qui pleure,
Qui sanglote comme un adieu.
Tu vas me quitter tout Ă l'heure:
On dirait qu'il pleut dans tes yeux.
â
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Francis Carco
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Cependant mon pÚre fut atteint d'une maladie qui le conduisit en peu de jours au tombeau. II expira dans mes bras. J'appris à connaßtre la mort sur les lÚvres de celui qui m'avait donné la vie. Cette impression fut grande; elle dure encore. C'est la premiÚre fois que l'immortalité de l'ùme s'est présentée clairement à mes yeux. Je ne pus croire que ce corps inanimé était en moi l'auteur de la pensée: je sentis qu'elle me devait venir d'une autre source; et dans une sainte douleur qui approchait de la joie, j'espérai me rejoindre un jour à l'esprit de mon pÚre.
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François-René de Chateaubriand
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CYRANO Ă LE BRET :
Regarde-moi, mon cher, et dis quelle espérance
Pourrait bien me laisser cette protubérance !
Oh ! je ne me fais pas d'illusion ! - Parbleu,
Oui, quelquefois, je m'attendris, dans le soir bleu ;
J'entre en quelque jardin oĂč l'heure se parfume ;
Avec mon pauvre grand diable de nez je hume
L'avril, - je suis des yeux, sous un rayon d'argent,
Au bras d'un cavalier, quelque femme, en songeant
Que pour marcher, Ă petits pas, dans de la lune,
Aussi moi j'aimerais au bras en avoir une,
Je m'exalte, j'oublie... et j'aperçois soudain
L'ombre de mon profil sur le mur du jardin !
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Edmond Rostand (Cyrano de Bergerac)
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La vida no es una novela, es algo mĂĄs y mejor que una novela; es mĂĄs imprevisible, mĂĄs loca y menos tierna que una historia narrada en un libro. Una novela traiciona a la vida, porque cualquiera puede abrirla y empezar a leer por el Ășltimo capĂtuloâ. En la vida existe, para cada cual, un Ășltimo capĂtulo, se sabe cĂłmo acaba la historia, se sabe el desenlace final, pero nadie puede decir cuĂĄndo, dĂłnde y en quĂ© condiciones se desarrolla el final
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Tahar Ben Jelloun (Les Yeux baissés)
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En Méditerranée
Dans ce bassin oĂč jouent
Des enfants aux yeux noirs,
Il y a trois continents
Et des siĂšcles d'histoire,
Des prophĂštes des dieux,
Le Messie en personne.
Il y a un bel été
Qui ne craint pas l'automne,
En Méditerranée.
Il y a l'odeur du sang
Qui flotte sur ses rives
Et des pays meurtris
Comme autant de plaies vives,
Des ßles barbelées,
Des murs qui emprisonnent.
Il y a un bel été
Qui ne craint pas l'automne,
En Méditerranée.
Il y a des oliviers
Qui meurent sous les bombes
LĂ oĂč est apparue
La premiĂšre colombe,
Des peuples oubliés
Que la guerre moissonne.
Il y a un bel été
Qui ne craint pas l'automne,
En Méditerranée.
Dans ce bassin, je jouais
Lorsque j'étais enfant.
J'avais les pieds dans l'eau.
Je respirais le vent.
Mes compagnons de jeux
Sont devenus des hommes,
Les frĂšres de ceux-lĂ
Que le monde abandonne,
En Méditerranée.
Le ciel est endeuillé,
Par-dessus l'Acropole
Et liberté ne se dit plus
En espagnol.
On peut toujours rĂȘver,
D'AthĂšnes et Barcelone.
Il reste un bel été
Qui ne craint pas l'automne,
En Méditerranée.
â
â
Georges Moustaki
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- Offre ton identité au Conseil, jeune apprentie.
La voix Ă©tait douce, lâordre sans appel.
- Je mâappelle Ellana Caldin.
- Ton Ăąge.
Ellana hĂ©sita une fraction de seconde. Elle ignorait son Ăąge exact, se demandait si elle nâavait pas intĂ©rĂȘt Ă se vieillir. Les apprentis quâelle avait discernĂ©s dans lâassemblĂ©e Ă©taient tous plus ĂągĂ©s quâelle, le Conseil ne risquait-il pas de la considĂ©rer comme une enfant ? Les yeux noirs dâEhrlime fixĂ©s sur elle la dissuadĂšrent de chercher Ă la tromper.
- Jâai quinze ans.
Des murmures Ă©tonnĂ©s sâĂ©levĂšrent dans son dos.
Imperturbable, Ehrlime poursuivit son interrogatoire.
- Offre-nous le nom de ton maĂźtre.
- Jilano AlhuĂŻn.
Les murmures, qui sâĂ©taient tus, reprirent. Plus marquĂ©s, Ehrlime leva une main pour exiger un silence quâelle obtint immĂ©diatement.
- Jeune Ellana, je vais te poser une sĂ©rie de questions. A ces questions, tu devras rĂ©pondre dans lâinstant, sans rĂ©flĂ©chir, en laissant les mots jaillir de toi comme une cascade vive. Les mots sont un cours dâeau, la source est ton Ăąme. Câest en remontant tes mots jusquâĂ ton Ăąme que je saurai discerner si tu peux avancer sur la voie des marchombres. Es-tu prĂȘte ?
- Oui.
Une esquisse de sourire traversa le visage ridĂ© dâEhrlime.
- Quây a-t-il au sommet de la montagne ?
- Le ciel.
- Que dit le loup quand il hurle ?
- Joie, force et solitude.
- Ă qui sâadresse-t-il ?
- Ă la lune.
- OĂč va la riviĂšre ?
LâanxiĂ©tĂ© dâEllana sâĂ©tait dissipĂ©e. Les questions dâEhrlime Ă©taient trop imprĂ©vues, se succĂ©daient trop rapidement pour quâelle ait dâautre solution quây rĂ©pondre ainsi quâon le lui avait demandĂ©. Impossible de tricher. Cette Ă©vidence se transforma en une onde paisible dans laquelle elle sâimmergea, laissant Ehrlime remonter le cours de ses mots jusquâĂ son Ăąme, puisque câĂ©tait ce quâelle dĂ©sirait.
- Remplir la mer.
- Ă qui la nuit fait-elle peur ?
- Ă ceux qui attendent le jour pour voir.
- Combien dâhommes as-tu dĂ©jĂ tuĂ©s ?
- Deux.
- Es-tu vent ou nuage ?
- Je suis moi.
- Es-tu vent ou nuage ?
- Vent.
- Méritaient-ils la mort ?
- Je lâignore.
- Es-tu ombre ou lumiĂšre ?
- Je suis moi.
- Es-tu ombre ou lumiĂšre ?
- Les deux.
- OĂč se trouve la voie du marchombre ?
- En moi.
Ellana sâexprimait avec aisance, chaque rĂ©ponse jaillissant dâelle naturellement, comme une expiration aprĂšs une inspiration. FluiditĂ©. Le sourire sur le visage dâEhrlime Ă©tait revenu, plus marquĂ©, et une pointe de jubilation perçait dans sa voix ferme.
- Que devient une larme qui se brise ?
- Une poussiĂšre dâĂ©toiles.
- Que fais-tu devant une riviĂšre que tu ne peux pas traverser ?
- Je la traverse.
- Que devient une étoile qui meurt ?
- Un rĂȘve qui vit.
- Offre-moi un mot.
- Silence.
- Un autre.
- Harmonie.
- Un dernier.
- Fluidité.
- Lâours et lâhomme se disputent un territoire. Qui a raison ?
- Le chat qui les observe.
- Marie tes trois mots.
- Marchombre.
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Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
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« Alors je prends mon stylo pour dire que je l'aime, qu'elle a les plus longs cheveux du monde et que ma vie s'y noie, et si tu trouves ça ridicule pauvre de toi, ses yeux sont pour moi, elle est moi, je suis elle, et quand elle crie je crie aussi et tout ce que je ferai jamais sera pour elle, toujours, toujours je lui donnerai tout et jusqu'Ă ma mort il n'y aura pas un mation oĂč je me lĂšverai pour autre chose que pour elle et lui donner envie de m'aimer et m'embrasser encore et encore ses poignets, ses Ă©paules, ses seins et alors je me suis rendu compte que quand on est amoureux on Ă©crit des phrases qui n'ont pas de fin, on n'a plus le temps de mettre des points, il faut continuer Ă Ă©crire, Ă©crire, courir plus loin que son coeur, et la phrase ne veut pas s'arrĂȘter, l'amour n'a pas de ponctuation, et de larmes de passion dĂ©goulinent, quand on aime on finit toujours par Ă©crire des choses interminables, quand on aime on finit toujours par se prendre pour Albert Cohen. »
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Frédéric Beigbeder
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La raison qui mâa conduit Ă profĂ©rer de la poĂ©sie (shiâr) est que jâai vu en songe un ange qui mâapportait un morceau de lumiĂšre blanche ; on eĂ»t dit quâil provenait du soleil. « Quâest-ce que cela ? », Demandai-je. « Câest la sourate al-shuâarĂą (Les PoĂštes) » me fut-il rĂ©pondu. Je lâavalai et je sentis un cheveu (shaâra) qui remontait de ma poitrine Ă ma gorge, puis Ă ma bouche. CâĂ©tait un animal avec une tĂȘte, une langue, des yeux et des lĂšvres. Il sâĂ©tendit jusquâĂ ce que sa tĂȘte atteigne les deux horizons, celui dâOrient et celui dâOccident. Puis il se contracta et revint dans ma poitrine ; je sus alors que ma parole atteindrait lâOrient et lâOccident. Quand je revins Ă moi, je dĂ©clamai des vers qui ne procĂ©daient dâaucune rĂ©flexion ni dâaucune intellection. Depuis lors cette inspiration nâa jamais cessĂ©.
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Ibn ÊżArabi
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Mais la connaissance du passĂ© rendu vivant et prĂ©sent, oĂč la trouve-t-on ? Eh bien, avant tout, dans la littĂ©rature ! Et lĂ est Ă mes yeux la merveille. On la trouve dans les textes français et Ă©trangers, modernes et anciens. Aussi cela me paraĂźt-il une erreur trĂšs grave que de reprĂ©senter lâenseignement de la littĂ©rature comme une espĂšce dâĂ©lĂ©gance superflue et gratuite. En fait, câest grĂące Ă la littĂ©rature que se forme presque toute notre idĂ©e de la vie ; le dĂ©tour par les textes conduit directement Ă la formation de lâhomme. Ils nous apportent les analyses et les idĂ©es, mais aussi les images, les personnages, les mythes, et les rĂȘves qui se sont succĂ©dĂ© dans lâesprit des hommes ; ils nous ont un jour Ă©mus parce quâils Ă©taient exprimĂ©s ou dĂ©crits avec force ; et câest de cette expĂ©rience que se nourrit la nĂŽtre.
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Jacqueline de Romilly
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Je cherchais une Ăąme qui et me ressemblĂąt, et je ne pouvais pas la trouver. Je fouillais tous les recoins de la terre; ma persĂ©vĂ©rance Ă©tait inutile. Cependant, je ne pouvais pas rester seul. Il fallait quelquâun qui approuvĂąt mon caractĂšre; il fallait quelquâun qui eĂ»t les mĂȘmes idĂ©es que moi. CâĂ©tait le matin; le soleil se leva Ă lâhorizon, dans toute sa magnificence, et voilĂ quâĂ mes yeux se lĂšve aussi un jeune homme, dont la prĂ©sence engendrait les fleurs sur son passage. Il sâapprocha de moi, et, me tendant la main: "Je suis venu vers toi, toi, qui me cherches. BĂ©nissons ce jour heureux." Mais, moi: "Va-tâen; je ne tâai pas appelĂ©: je nâai pas besoin de ton amitiĂ©."
CâĂ©tait le soir; la nuit commençait Ă Ă©tendre la noirceur de son voile sur la nature. Une belle femme, que je ne faisais que distinguer, Ă©tendait aussi sur moi son influence enchanteresse, et me regardait avec compassion; cependant, elle nâosait me parler. Je dis: "Approche-toi de moi, afin que je distingue nettement les traits de ton visage; car, la lumiĂšre des Ă©toiles nâest pas assez forte, pour les Ă©clairer Ă cette distance." Alors, avec une dĂ©marche modeste, et les yeux baissĂ©s, elle foula lâherbe du gazon, en se dirigeant de mon cĂŽtĂ©. DĂšs que je la vis: "Je vois que la bontĂ© et la justice ont fait rĂ©sidence dans ton coeur: nous ne pourrions pas vivre ensemble. Maintenant, tu admires ma beautĂ©, qui a bouleversĂ© plus dâune; mais, tĂŽt ou tard, tu te repentirais de mâavoir consacrĂ© ton amour; car, tu ne connais pas mon Ăąme. Non que je te sois jamais infidĂšle: celle qui se livre Ă moi avec tant dâabandon et de confiance, avec autant de confiance et dâabandon, je me livre Ă elle; mais, mets-le dans ta tĂȘte, pour ne jamais lâoublier: les loups et les agneaux ne se regardent pas avec des yeux doux."
Que me fallait-il donc, Ă moi, qui rejetais, avec tant de dĂ©goĂ»t, ce quâil y avait de plus beau dans lâhumanitĂ©!
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Comte de Lautréamont (Les Chants de Maldoror)
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Je le vis, je rougis, je pĂąlis Ă sa vue ;
Un trouble sâĂ©leva dans mon Ăąme Ă©perdue ;
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler;
Je sentis tout mon corps et transir et brûler :
Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,
Dâun sang quâelle poursuit tourments inĂ©vitables !
Par des vĆux assidus je crus les dĂ©tourner :
Je lui bĂątis un temple, et pris soin de lâorner ;
De victimes moi-mĂȘme Ă toute heure entourĂ©e,
Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée :
Dâun incurable amour remĂšdes impuissants !
En vain sur les autels ma main brĂ»lait lâencens !
Quand ma bouche implorait le nom de la déesse,
Jâadorais Hippolyte ; et, le voyant sans cesse,
MĂȘme au pied des autels que je faisais fumer,
Jâoffrais tout Ă ce dieu que je nâosais nommer.
Je lâĂ©vitais partout. Ă comble de misĂšre !
Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son pĂšre.
Contre moi-mĂȘme enfin jâosai me rĂ©volter :
Jâexcitai mon courage Ă le persĂ©cuter.
Pour bannir lâennemi dont jâĂ©tais idolĂątre,
Jâaffectai les chagrins dâune injuste marĂątre ;
Je pressai son exil ; et mes cris éternels
LâarrachĂšrent du sein et des bras paternels.
Je respirais, ĆNONE ; et, depuis son absence,
Mes jours moins agitĂ©s coulaient dans lâinnocence :
Soumise à mon époux, et cachant mes ennuis,
De son fatal hymen je cultivais les fruits.
Vaines précautions ! Cruelle destinée !
Par mon Ă©poux lui-mĂȘme Ă TrĂ©zĂšne amenĂ©e,
Jâai revu lâennemi que jâavais Ă©loignĂ© :
Ma blessure trop vive aussitÎt a saigné.
Ce nâest plus une ardeur dans mes veines cachĂ©e :
Câest VĂ©nus tout entiĂšre Ă sa proie attachĂ©e.
Jâai conçu pour mon crime une juste terreur ;
Jâai pris la vie en haine, et ma flamme en horreur ;
Je voulais en mourant prendre soin de ma gloire,
Et dérober au jour une flamme si noire :
Je nâai pu soutenir tes larmes, tes combats :
Je tâai tout avouĂ© ; je ne mâen repens pas.
Pourvu que, de ma mort respectant les approches,
Tu ne mâaffliges plus par dâinjustes reproches,
Et que tes vains secours cessent de rappeler
Un reste de chaleur tout prĂȘt Ă sâexhaler.
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Jean Racine (PhĂšdre)
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Un piĂšge.
Dressé non pour Ellana mais pour lui.
Jilano bondit vers la porte.
Verrouillée, elle l'aurait à peine ralenti. Elle s'ouvrit sans difficulté.
Sur un mur de pierre.
Il leva les yeux. La mĂȘme substance huileuse qui l'avait fait glisser recouvrait tous les murs. La gouttiĂšre gisait au sol. Inutile de l'observer pour savoir qu'elle avait Ă©tĂ© sabotĂ©e.
Du joli travail.
Jilano inspira profondément, ralentissant son rythme cardiaque jusqu'à ce que son corps élimine l'injonction de survie induite par le danger.
Ce n'était plus la peine.
Il s'assit en tailleur contre un mur et attendit que la silhouette apparaisse au-dessus de lui.
Elle ne tarda pas.
Un sourire pĂąle erra sur les lĂšvres du maĂźtre marchombre lorsquâil reconnut l'assassin. La guilde Ă©tait donc tombĂ©e si bas ?
Il faillit parler, non pas pour tenter de convaincre, encore moins pour supplier, mais pour chercher à comprendre. Il préféra détourner les yeux afin de se concentrer sur l'essentiel.
Alors que l'assassin bandait son arc, les pensées de Jilano s'envolÚrent vers Ellana.
Bonheur.
Gratitude.
Amour.
- Garde-toi, murmura-t-il, et que ta route soit belle.
- Madame ! Que vous arrive-t-il ?
Ellana était brusquement devenue livide.
Elle poussa un cri rauque, leva la main Ă son cĆur et, avant qu'Aoro ait pu intervenir, elle s'effondra.
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Pierre Bottero (Ellana, l'Envol (Le Pacte des MarchOmbres, #2))
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Mais Ă cette heure, oĂč suis-je ? Et comment sĂ©parer ce cafĂ© dĂ©sert de cette chambre du passĂ©. Je ne sais plus si je vis ou si je me souviens. Les lumiĂšres des phares sont lĂ . Et lâArabe qui se dresse devant moi me dit quâil va fermer. Il faut sortir. Je ne veux plus descendre cette pente si dangereuse. Il est vrai que je regarde une derniĂšre fois la baie et ses lumiĂšres, que ce qui monte alors vers moi nâest pas lâespoir de jours meilleurs, mais une indiffĂ©rence sereine et primitive Ă tout et Ă moi-mĂȘme. Mais il faut briser cette courbe trop molle et trop facile. Et jâai besoin de ma luciditĂ©. Oui, tout est simple. Ce sont les hommes qui compliquent les choses. Quâon ne nous raconte pas dâhistoires. Quâon ne nous dise pas du condamnĂ© Ă mort : « Il va payer sa dette Ă la sociĂ©tĂ© », mais : « On va lui couper le cou. » Ăa nâa lâair de rien. Mais ça fait une petite diffĂ©rence. Et puis, il y a des gens qui prĂ©fĂšrent regarder leur destin dans les yeux.
â
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Albert Camus (L'envers et l'endroit)
â
L'Amour qui n'est pas un mot
Mon Dieu jusqu'au dernier moment
Avec ce coeur dĂ©bile et blĂȘme
Quand on est l'ombre de soi-mĂȘme
Comment se pourrait-il comment
Comment se pourrait-il qu'on aime
Ou comment nommer ce tourment
Suffit-il donc que tu paraisses
De l'air que te fait rattachant
Tes cheveux ce geste touchant
Que je renaisse et reconnaisse
Un monde habité par le chant
Elsa mon amour ma jeunesse
O forte et douce comme un vin
Pareille au soleil des fenĂȘtres
Tu me rends la caresse d'ĂȘtre
Tu me rends la soif et la faim
De vivre encore et de connaĂźtre
Notre histoire jusqu'Ă la fin
C'est miracle que d'ĂȘtre ensemble
Que la lumiĂšre sur ta joue
Qu'autour de toi le vent se joue
Toujours si je te vois je tremble
Comme Ă son premier rendez-vous
Un jeune homme qui me ressemble
M'habituer m'habituer
Si je ne le puis qu'on m'en blĂąme
Peut-on s'habituer aux flammes
Elles vous ont avant tué
Ah crevez-moi les yeux de l'Ăąme
S'ils s'habituaient aux nuées
Pour la premiĂšre fois ta bouche
Pour la premiĂšre fois ta voix
D'une aile Ă la cime des bois
L'arbre frémit jusqu'à la souche
C'est toujours la premiĂšre fois
Quand ta robe en passant me touche
Prends ce fruit lourd et palpitant
Jettes-en la moitié véreuse
Tu peux mordre la part heureuse
Trente ans perdus et puis trente ans
Au moins que ta morsure creuse
C'est ma vie et je te la tends
Ma vie en vérité commence
Le jour que je t'ai rencontrée
Toi dont les bras ont su barrer
Sa route atroce à ma démence
Et qui m'as montré la contrée
Que la bonté seule ensemence
Tu vins au coeur du désarroi
Pour chasser les mauvaises fiĂšvres
Et j'ai flambé comme un geniÚvre
A la Noël entre tes doigts
Je suis né vraiment de ta lÚvre
Ma vie est Ă partir de toi
â
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Louis Aragon
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Je condamne l'ignorance qui rĂšgne en ce moment dans les dĂ©mocraties aussi bien que dans les rĂ©gimes totalitaires. Cette ignorance est si forte, souvent si totale, qu'on la dirait voulue par le systĂšme, sinon par le rĂ©gime. J'ai souvent rĂ©flĂ©chi Ă ce que pourrait ĂȘtre l'Ă©ducation de l'enfant. Je pense qu'il faudrait des Ă©tudes de base, trĂšs simples, oĂč l'enfant apprendrait qu'il existe au sein de l'univers, sur une planĂšte dont il devra plus tard mĂ©nager les ressources, qu'il dĂ©pend de l'air, de l'eau, de tous les ĂȘtres vivants, et que la moindre erreur ou la moindre violence risque de tout dĂ©truire. Il apprendrait que les hommes se sont entre-tuĂ©s dans des guerres qui n'ont jamais fait que produire d'autres guerres, et que chaque pays arrange son histoire, mensongĂšrement, de façon Ă flatter son orgueil. On lui apprendrait assez du passĂ© pour qu'il se sente reliĂ© aux hommes qui l'ont prĂ©cĂ©dĂ©, pour qu'il les admire lĂ oĂč ils mĂ©ritent de l'ĂȘtre, sans s'en faire des idoles, non plus que du prĂ©sent ou d'un hypothĂ©tique avenir. On essaierait de le familiariser Ă la fois avec les livres et les choses ; il saurait le nom des plantes, il connaĂźtrait les animaux sans se livrer aux hideuses vivisections imposĂ©es aux enfants et aux trĂšs jeunes adolescents sous prĂ©texte de biologie ; il apprendrait Ă donner les premiers soins aux blessĂ©s ; son Ă©ducation sexuelle comprendrait la prĂ©sence Ă un accouchement, son Ă©ducation mentale la vue des grands malades et des morts. On lui donnerait aussi les simples notions de morale sans laquelle la vie en sociĂ©tĂ© est impossible, instruction que les Ă©coles Ă©lĂ©mentaires et moyennes n'osent plus donner dans ce pays. En matiĂšre de religion, on ne lui imposerait aucune pratique ou aucun dogme, mais on lui dirait quelque chose de toutes les grandes religions du monde, et surtout de celles du pays oĂč il se trouve, pour Ă©veiller en lui le respect et dĂ©truire d'avance certains odieux prĂ©jugĂ©s. On lui apprendrait Ă aimer le travail quand le travail est utile, et Ă ne pas se laisser prendre Ă l'imposture publicitaire, en commençant par celle qui lui vante des friandises plus ou moins frelatĂ©es, en lui prĂ©parant des caries et des diabĂštes futurs. Il y a certainement un moyen de parler aux enfants de choses vĂ©ritablement importantes plus tĂŽt qu'on ne le fait. (p. 255)
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Marguerite Yourcenar (Les Yeux ouverts : Entretiens avec Matthieu Galey)
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La solitude est une chose bien étrange.
Elle vous envahit, tout doucement et sans faire de bruit, sâassoit Ă vos cĂŽtĂ©s dans le noir, vous caresse les cheveux pendant votre sommeil. Elle sâenroule autour de vous, vous serre si fort que vous pouvez Ă peine respirer, que vous nâentendez presque plus la pulsation du sang dans vos veines, tandis quâelle file sur votre peau et effleure de ses lĂšvres le fin duvet de votre nuque. Elle sâinstalle dans votre cĆur, sâallonge prĂšs de vous la nuit, dĂ©vore comme une sangsue la lumiĂšre dans le moindre recoin. Câest une compagne de chaque instant, qui vous serre la main pour mieux vous tirer vers le bas quand vous luttez pour vous redresser.
Vous vous rĂ©veillez le matin et vous vous demandez qui vous ĂȘtes. Vous nâarrivez pas Ă vous endormir le soir et tremblez comme une feuille. Vous doutez vous doutez vous doutez.
je dois
je ne dois pas
je devrais
pourquoi je ne vais pas
Et mĂȘme quand vous ĂȘtes prĂȘt Ă lĂącher prise. Quand vous ĂȘtes prĂȘt Ă vous libĂ©rer. Quand vous ĂȘtes prĂȘt Ă devenir quelquâun de nouveau. La solitude est une vieille amie debout Ă votre cĂŽtĂ© dans le miroir ; elle vous regarde droit dans les yeux, vous met au dĂ©fi de mener votre vie sans elle. Vous ne pouvez pas trouver les mots pour lutter contre vous-mĂȘme, lutter contre les mots qui hurlent que vous nâĂȘtes pas Ă la hauteur, que vous ne le serez jamais vraiment, jamais vraiment.
La solitude est une compagne cruelle, maudite.
Parfois, elle ne veut simplement pas vous abandonner
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Tahereh Mafi (Unravel Me (Shatter Me, #2))
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A un moment jâai mĂȘme laissĂ© Ă©chapper un son qui sâest prolongĂ© malgrĂ© moi en prenant de plus en plus de force, un son qui avait attendu ce jour prĂ©cis pour partir du fond de mes annĂ©es de tĂ©nĂšbres Ă mal aimer des hommes qui mâont mal aimĂ©e en retour et recouvrir ta poitrine comme une brĂ»lure ; câĂ©tait dâabord un son rauque et traĂźnant, une plainte animale qui nâavait rien du sanglot et qui en un vĂ©ritable appel Ă la mort. A ce moment tout sâest arrĂȘtĂ©, je me suis soudain rappelĂ© cette mĂȘme scĂšne vĂ©cu avec toi alors quâon venait de se rencontrer ; ce hurlement avait dĂ©jĂ eu lieu et sa rĂ©pĂ©tition implacable mâa fait taire une fois pour toute. A ce moment aussi tu tâes Ă©cartĂ© de moi, sans doute pour la mĂȘme raison, tu tâes levĂ© dans une brusquerie qui a dĂ©logĂ© OrĂ©o de la chaise de ton bureau. Ne voulant pas te regarder dans les yeux, jâai regardĂ© tes pieds. Mon hurlement avait tracĂ© une ligne infranchissable entre nous, en hurlant je venais de sonner le glas de notre histoire. Tu as dit des paroles que tu avais dĂ©jĂ prononcĂ©es en dâautres circonstances et je suis partie, je savais que plus jamais on ne se reparlerait.
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Nelly Arcan (Folle)
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Le MétÚque
Avec ma gueule de métÚque, de juif errant, de pùtre grec
Et mes cheveux aux quatre vents
Avec mes yeux tout dĂ©lavĂ©s, qui me donnent l'air de rĂȘver
Moi qui ne rĂȘve plus souvent.
Avec mes mains de maraudeur, de musicien et de rĂŽdeur
Qui ont pillé tant de jardins
Avec ma bouche qui a bu, qui a embrassé et mordu
Sans jamais assouvir sa faim
Avec ma gueule de métÚque, de juif errant, de pùtre grec
De voleur et de vagabond
Avec ma peau qui s'est frottée au soleil de tous les étés
Et tout ce qui portait jupon
Avec mon coeur qui a su faire souffrir autant qu'il a souffert
Sans pour cela faire d'histoire
Avec mon Ăąme qui n'a plus la moindre chance de salut
Pour éviter le purgatoire.
Avec ma gueule de métÚque, de juif errant, de pùtre grec
Et mes cheveux aux quatre vents
Je viendrai ma douce captive, mon Ăąme soeur, ma source vive
Je viendrai boire tes vingt ans
Et je serai prince de sang, rĂȘveur, ou bien adolescent
Comme il te plaira de choisir
Et nous ferons de chaque jour, toute une éternité d'amour
Que nous vivrons Ă en mourir.
Et nous ferons de chaque jour, toute une éternité d'amour
Que nous vivrons Ă en mourir.
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Georges Moustaki
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deseo, esa «fuerza Misteriosa que hay detrĂĄs de cada cosa». ÂĄCĂłmo le gustaban esas palabras de Alfred de Musset! El deseo que hace que toda la superficie de la piel se alumbre y desee la superficie de otra piel de la que no se sabe nada. Antes de conocerse ya son Ăntimos. Ya no se puede vivir sin la mirada del otro, sin su sonrisa, sin su mano, sin sus labios. Se pierde el rumbo. Se vuelve uno loco. Se le seguirĂa al fin del mundo, mientras la razĂłn dice: Pero ÂżquĂ© sabes tĂș de Ă©l? Nada, nada, ayer mismo no sabĂamos ni su nombre. ÂĄQuĂ© hermoso ardid inventado por la biologĂa para el ser humano, que se creĂa tan fuerte! ÂĄQuĂ© triunfo el de la piel sobre el cerebro! El deseo se infiltra en las neuronas y las embota. Nos encadenamos, nos privamos de libertad. En la cama, en todo casoâŠ
El Ășltimo eslabĂłn de vida primitiva
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Katherine Pancol (Les yeux jaunes des crocodiles (Joséphine, #1))
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Les Poets de Sept ans
Et la MĂšre, fermant le livre du devoir,
S'en allait satisfaite et trĂšs fiĂšre sans voir,
Dans les yeux bleus et sous le front plein d'éminences,
L'ùme de son enfant livrée aux répugnances.
Tout le jour, il suait d'obéissance ; trÚs
Intelligent ; pourtant des tics noirs, quelques traits
Semblaient prouver en lui d'Ăącres hypocrisies.
Dans l'ombre des couloirs aux tentures moisies,
En passant il tirait la langue, les deux poings
A l'aine, et dans ses yeux fermés voyait des points.
Une porte s'ouvrait sur le soir : Ă la lampe
On le voyait, lĂ -haut, qui rĂąlait sur la rampe,
Sous un golfe de jour pendant du toit. L'été
Surtout, vaincu, stupide, il Ă©tait entĂȘtĂ©
A se renfermer dans la fraĂźcheur des latrines:
Il pensait lĂ , tranquille et livrant ses narines.
Quand, lavé des odeurs du jour, le jardinet
DerriĂšre la maison, en hiver, s'illunait ,
Gisant au pied d'un mur, enterré dans la marne
Et pour des visions écrasant son oeil darne,
Il écoutait grouiller les galeux espaliers.
Pitié ! Ces enfants seuls étaient ses familiers
Qui, chétifs, fronts nus, oeil déteignant sur la joue,
Cachant de maigres doigts jaunes et noirs de boue
Sous des habits puant la foire et tout vieillots,
Conversaient avec la douceur des idiots !
Et si, l'ayant surpris à des pitiés immondes,
Sa mĂšre s'effrayait, les tendresses profondes,
De l'enfant se jetaient sur cet étonnement.
C'était bon. Elle avait le bleu regard, - qui ment!
A sept ans, il faisait des romans, sur la vie
Du grand dĂ©sert oĂč luit la LibertĂ© ravie,
ForĂȘts, soleils, rives, savanes ! - Il s'aidait
De journaux illustrĂ©s oĂč, rouge, il regardait
Des Espagnoles rire et des Italiennes.
Quand venait, l'Oeil brun, folle, en robes d'indiennes,
-Huit ans -la fille des ouvriers d'à cÎté,
La petite brutale, et qu'elle avait sauté,
Dans un coin, sur son dos, en secouant ses tresses,
Et qu'il était sous elle, il lui mordait les fesses,
Car elle ne portait jamais de pantalons;
- Et, par elle meurtri des poings et des talons,
Remportait les saveurs de sa peau dans sa chambre.
Il craignait les blafards dimanches de décembre,
OĂč, pommadĂ©, sur un guĂ©ridon d'acajou,
Il lisait une Bible Ă la tranche vert-chou;
Des rĂȘves l'oppressaient, chaque nuit, dans l'alcĂŽve.
Il n'aimait pas Dieu; mais les hommes qu'au soir fauve,
Noirs, en blouse, il voyait rentrer dans le faubourg
OĂč les crieurs, en trois roulements de tambour,
Font autour des édits rire et gronder les foules.
- Il rĂȘvait la prairie amoureuse, oĂč des houles
Lumineuses, parfums sains, pubescences d'or,
Font leur remuement calme et prennent leur essor !
Et comme il savourait surtout les sombres choses,
Quand, dans la chambre nue aux persiennes closes,
Haute et bleue, ùcrement prise d'humidité,
Il lisait son roman sans cesse médité,
Plein de lourds ciels ocreux et de forĂȘts noyĂ©es,
De fleurs de chair aux bois sidérals déployées,
Vertige, écroulement, déroutes et pitié !
- Tandis que se faisait la rumeur du quartier,
En bas, - seul et couché sur des piÚces de toile
Ăcrue et pressentant violemment la voile!
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Arthur Rimbaud
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Quand je considÚre ma vie, je suis épouvanté de la trouver informe. L'existence des héros, celle qu'on nous raconte, est simple ; elle va droit au but comme une flÚche. Et la plupart des hommes aiment à résumer leur vie dans une formule, parfois dans une vanterie ou dans une plainte, presque toujours dans une récrimination ; leur mémoire leur fabrique complaisamment une existence explicable et claire. Ma vie a des contours moins fermes...
Le paysage de mes jours semble se composer, comme les rĂ©gions de montagne, de matĂ©riaux divers entassĂ©s pĂȘle-mĂȘle. J'y rencontre ma nature, dĂ©jĂ composite, formĂ©e en parties Ă©gales d'instinct et de culture. Ăa et lĂ , affleurent les granits de l'inĂ©vitable ; partout, les Ă©boulements du hasard. Je m'efforce de reparcourir ma vie pour y trouver un plan, y suivre une veine de plomb ou d'or, ou l'Ă©coulement d'une riviĂšre souterraine, mais ce plan tout factice n'est qu'un trompe-l'oeil du souvenir. De temps en temps, dans une rencontre, un prĂ©sage, une suite dĂ©finie d'Ă©vĂ©nements, je crois reconnaĂźtre une fatalitĂ©, mais trop de routes ne mĂšnent nulle part, trop de sommes ne s'additionnent pas. Je perçois bien dans cette diversitĂ©, dans ce dĂ©sordre, la prĂ©sence d'une personne, mais sa forme semble presque toujours tracĂ©e par la pression des circonstances ; ses traits se brouillent comme une image reflĂ©tĂ©e sur l'eau. Je ne suis pas de ceux qui disent que leurs actions ne leur ressemblent pas. Il faut bien qu'elles le fassent, puisqu'elles sont ma seule mesure, et le seul moyen de me dessiner dans la mĂ©moire des hommes, ou mĂȘme dans la mienne propre ; puisque c'est peut-ĂȘtre l'impossibilitĂ© de continuer Ă s'exprimer et Ă se modifier par l'action que constitue la diffĂ©rence entre l'Ă©tat de mort et celui de vivant. Mais il y a entre moi et ces actes dont je suis fait un hiatus indĂ©finissable. Et la preuve, c'est que j'Ă©prouve sans cesse le besoin de les peser, de les expliquer, d'en rendre compte Ă moi-mĂȘme. Certains travaux qui durĂšrent peu sont assurĂ©ment nĂ©gligeables, mais des occupations qui s'Ă©tendirent sur toute la vie ne signifient pas davantage. Par exemple, il me semble Ă peine essentiel, au moment oĂč j'Ă©cris ceci, d'avoir Ă©tĂ© empereur..." (p.214)
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Marguerite Yourcenar (Les Yeux ouverts : Entretiens avec Matthieu Galey)
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CâĂ©tait une femme originale et solitaire. Elle entretenait un commerce Ă©troit avec les esprits, Ă©pousait leurs querelles et refusait de voir certaines personnes de sa famille mal considĂ©rĂ©es dans le monde oĂč elle se rĂ©fugiait.
Un petit hĂ©ritage lui Ă©chut qui venait de sa soeur. Ces cinq mille francs, arrivĂ©s Ă la fin dâune vie, se rĂ©vĂ©lĂšrent assez encombrants. Il fallait les placer. Si presque tous les hommes sont capables de se servir dâune grosse fortune, la difficultĂ© commence quand la somme est petite.
Cette femme resta fidĂšle Ă elle-mĂȘme. PrĂšs de la mort, elle voulut abriter ses vieux os. Une vĂ©ritable occasion sâoffrait Ă elle. Au cimetiĂšre de sa ville, une concession venait dâexpirer et, sur ce terrain, les propriĂ©taires avaient Ă©rigĂ© un somptueux caveau, sobre de lignes, en marbre noir, un vrai trĂ©sor Ă tout dire, quâon lui laissait pourla somme de quatre mille francs. Elle acheta ce caveau. CâĂ©tait lĂ une valeur sĂ»re, Ă lâabri des fluctuations boursiĂšres et des Ă©vĂ©nements politiques.
Elle fit amĂ©nager la fosse intĂ©rieure, la tint prĂȘte Ă recevoir son propre corps. Et, tout achevĂ©, elle fit graver son nom en capitales dâor.
Cette affaire la contenta si profondĂ©ment quâelle fut prise dâun vĂ©ritable amour pour son tombeau. Elle venait voir au dĂ©but les progrĂšs des travaux Elle finit par se rendre visite tous les dimanches aprĂšs-midi. Ce fut son unique sortie et sa seule distraction.
Vers deux heures de lâaprĂšs-midi, elle faisait le long trajet qui lâamenait aux portes de la ville oĂč se trouvait le cimetiĂšre. Elle entrait dans le petit caveau, refermait soigneusement la porte, et sâagenouillait sur le prie-Dieu. Câest ainsi que, mise en prĂ©sence dâelle-mĂȘme, confrontant ce quâelle Ă©tait et ce quâelle devait ĂȘtre, retrouvant lâanneau dâune chaĂźne toujours rompue, elle perça sans effort les desseins secrets de la Providence. Par un singulier symbole, elle comprit mĂȘme un jour quâelle Ă©tait morte aux yeux du monde.
Ă la Toussaint, arrivĂ©e plus tard que dâhabitude, elle trouva le pas de la porte pieusement jonchĂ© de violettes. Par une dĂ©licate attention, des inconnus compatissants devant cette tombe laissĂ©e sans fleurs, avaient partagĂ© les leurs et honorĂ© la mĂ©moire de ce mort abandonnĂ© Ă lui-mĂȘme.
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Albert Camus (L'envers et l'endroit)