Vous Me Manques Quotes

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Attendez!... Je choisis mes rimes... Là, j'y suis. (Il fait ce qu'il dit, à mesure.) Je jette avec grâce mon feutre, Je fais lentement l'abandon Du grand manteau qui me calfeutre, Et je tire mon espadon; Élégant comme Céladon, Agile comme Scaramouche, Je vous préviens, cher Mirmidon, Qu'à la fin de l'envoi, je touche! (Premier engagement de fer.) Vous auriez bien dû rester neutre; Où vais-je vous larder, dindon ?... Dans le flanc, sous votre maheutre ?... Au coeur, sous votre bleu cordon ?... - Les coquilles tintent, ding-don ! Ma pointe voltige: une mouche ! Décidément... c'est au bedon, Qu'à la fin de l'envoi, je touche. Il me manque une rime en eutre... Vous rompez, plus blanc qu'amidon ? C'est pour me fournir le mot pleutre ! - Tac! je pare la pointe dont Vous espériez me faire don: - J'ouvre la ligne, - je la bouche... Tiens bien ta broche, Laridon ! A la fin de l'envoi, je touche. (Il annonce solennellement:) Envoi Prince, demande à Dieu pardon ! Je quarte du pied, j'escarmouche, Je coupe, je feinte... (Se fendant.) Hé! Là donc! (Le vicomte chancelle, Cyrano salue.) A la fin de l'envoi, je touche.
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Edmond Rostand (Cyrano de Bergerac)
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« Quand tu es pris de nostalgie, ce n’est pas un manque, c’est une présence, c’est une visite, des personnes, des pays arrivent de loin et te tiennent un peu compagnie. » Alors don Rafaniè, les fois où il me vient la pensée d’un manque, je dois l’appeler présence ? « C’est ça, et à chaque manque tu souhaites la bienvenue, tu lui fais bon accueil. » Alors quand vous vous serez envolé, je ne dois pas sentir votre manque, moi ? « Non, dit-il, quand il t’arrive de penser à moi, moi je suis présent. »
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Erri De Luca (Montedidio)
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L'isolement Souvent sur la montagne, à l'ombre du vieux chêne, Au coucher du soleil, tristement je m'assieds ; Je promène au hasard mes regards sur la plaine, Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds. Ici gronde le fleuve aux vagues écumantes ; Il serpente, et s'enfonce en un lointain obscur ; Là le lac immobile étend ses eaux dormantes Où l'étoile du soir se lève dans l'azur. Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres, Le crépuscule encor jette un dernier rayon ; Et le char vaporeux de la reine des ombres Monte, et blanchit déjà les bords de l'horizon. Cependant, s'élançant de la flèche gothique, Un son religieux se répand dans les airs : Le voyageur s'arrête, et la cloche rustique Aux derniers bruits du jour mêle de saints concerts. Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente N'éprouve devant eux ni charme ni transports ; Je contemple la terre ainsi qu'une ombre errante Le soleil des vivants n'échauffe plus les morts. De colline en colline en vain portant ma vue, Du sud à l'aquilon, de l'aurore au couchant, Je parcours tous les points de l'immense étendue, Et je dis : " Nulle part le bonheur ne m'attend. " Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières, Vains objets dont pour moi le charme est envolé ? Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères, Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé ! Que le tour du soleil ou commence ou s'achève, D'un oeil indifférent je le suis dans son cours ; En un ciel sombre ou pur qu'il se couche ou se lève, Qu'importe le soleil ? je n'attends rien des jours. Quand je pourrais le suivre en sa vaste carrière, Mes yeux verraient partout le vide et les déserts : Je ne désire rien de tout ce qu'il éclaire; Je ne demande rien à l'immense univers. Mais peut-être au-delà des bornes de sa sphère, Lieux où le vrai soleil éclaire d'autres cieux, Si je pouvais laisser ma dépouille à la terre, Ce que j'ai tant rêvé paraîtrait à mes yeux ! Là, je m'enivrerais à la source où j'aspire ; Là, je retrouverais et l'espoir et l'amour, Et ce bien idéal que toute âme désire, Et qui n'a pas de nom au terrestre séjour ! Que ne puîs-je, porté sur le char de l'Aurore, Vague objet de mes voeux, m'élancer jusqu'à toi ! Sur la terre d'exil pourquoi resté-je encore ? Il n'est rien de commun entre la terre et moi. Quand là feuille des bois tombe dans la prairie, Le vent du soir s'élève et l'arrache aux vallons ; Et moi, je suis semblable à la feuille flétrie : Emportez-moi comme elle, orageux aquilons !
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Alphonse de Lamartine (Antologija francuskog pjesništva)
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- Je souhaite ne jamais te voir, répondit la Fadette très durement ; et n'importe quelle chose tu m'apporteras, tu peux bien compter que je te la jetterai au nez. - Voilà des paroles trop rudes pour quelqu'un qui vous offre réparation. Si tu ne veux point de cadeau, il y a peut-être moyen de te rendre service et de te montrer par là qu'on te veut du bien et non pas du mal. Allons, dis-moi ce que j'ai à faire pour te contenter. - Vous ne sauriez donc me demander pardon et souhaiter mon amitié ? dit la Fadette en s'arrêtant. - Pardon, c'est beaucoup demander, répondit Landry, qui ne pouvait vaincre sa hauteur à l'endroit d'une fille qui n'était point considérée en proportion de l'âge qu'elle commençait à avoir, et qu'elle ne portait pas toujours aussi raisonnablement qu'elle l'aurait dû ; quant à ton amitié, Fadette, tu es si drôlement bâtie dans ton esprit, que je ne saurais y avoir grand'fiance. Demande-moi donc une chose qui puisse se donner tout de suite, et que je ne sois pas obligé de te reprendre. - Eh bien, dit la Fadette d'une voix claire et sèche, il en sera comme vous le souhaitez, besson Landry. Je vous ai offert votre pardon, et vous n'en voulez point. À présent, je vous réclame ce que vous m'avez promis, qui est d'obéir à mon commandement, le jour où vous en serez requis. Ce jour-là, ce ne sera pas plus tard que demain à la Saint-Andoche, et voici ce que je veux : Vous me ferez danser trois bourrées après la messe, deux bourrées après vêpres, et encore deux bourrées après l'Angélus, ce qui fera sept. Et dans toute votre journée, depuis que vous serez levé jusqu'à ce que vous soyez couché, vous ne danserez aucune autre bourrée avec n'importe qui, fille ou femme. Si vous ne le faites, je saurai que vous avez trois choses bien laides en vous : l'ingratitude, la peur et le manque de parole. Bonsoir, je vous attends demain pour ouvrir la danse, à la porte de l'église. Et la petite Fadette, que Landry avait suivie jusqu'à sa maison, tira la corillette et entra si vite que la porte fut poussée et recorillée avant que le besson eût pu répondre un mot.
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George Sand (La Petite Fadette)
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JULIETTE.—Oh! manque, mon coeur! Pauvre banqueroutier, manque pour toujours; emprisonnez-vous, mes yeux; ne jetez plus un seul regard sur la liberté. Terre vile, rends-toi à la terre; que tout mouvement s’arrête, et qu’une même bière presse de son poids et Roméo et toi. LA NOURRICE.—O Tybalt, Tybalt! le meilleur ami que j’eusse! O aimable Tybalt, honnête cavalier, faut-il que j’aie vécu pour te voir mort! JULIETTE.—Quelle est donc cette tempête qui souffle ainsi dans les deux sens contraires? Roméo est-il tué, et Tybalt est-il mort? Mon cousin chéri et mon époux plus cher encore? Que la terrible trompette sonne donc le jugement universel. Qui donc est encore en vie, si ces deux-là sont morts? LA NOURRICE.—Tybalt est mort, et Roméo est banni: Roméo, qui l’a tué, est banni. JULIETTE.—O Dieu! la main de Roméo a-t-elle versé le sang de Tybalt? LA NOURRICE.—Il l’a fait, il l’a fait! O jour de malheur! il l’a fait! JULIETTE.—O coeur de serpent caché sous un visage semblable à une fleur! jamais dragon a-t-il choisi un si charmant repaire? Beau tyran, angélique démon, corbeau couvert des plumes d’une colombe, agneau transporté de la rage du loup, méprisable substance de la plus divine apparence, toi, justement le contraire de ce que tu paraissais à juste titre, damnable saint, traître plein d’honneur! O nature, qu’allais-tu donc chercher en enfer, lorsque de ce corps charmant, paradis sur la terre, tu fis le berceau de l’âme d’un démon? Jamais livre contenant une aussi infâme histoire porta-t-il une si belle couverture? et se peut-il que la trahison habite un si brillant palais? LA NOURRICE.—Il n’y a plus ni sincérité, ni foi, ni honneur dans les hommes; tous sont parjures, corrompus, hypocrites. Ah! où est mon valet? Donnez-moi un peu d’aqua vitæ….. Tous ces chagrins, tous ces maux, toutes ces peines me vieillissent. Honte soit à Roméo! JULIETTE.—Maudite soit ta langue pour un pareil souhait! Il n’est pas né pour la honte: la honte rougirait de s’asseoir sur son front; c’est un trône où on peut couronner l’honneur, unique souverain de la terre entière. Oh! quelle brutalité me l’a fait maltraiter ainsi? LA NOURRICE.—Quoi! vous direz du bien de celui qui a tué votre cousin? JULIETTE.—Eh! dirai-je du mal de celui qui est mon mari? Ah! mon pauvre époux, quelle langue soignera ton nom, lorsque moi, ta femme depuis trois heures, je l’ai ainsi déchiré? Mais pourquoi, traître, as-tu tué mon cousin? Ah! ce traître de cousin a voulu tuer mon époux.—Rentrez, larmes insensées, rentrez dans votre source; c’est au malheur qu’appartient ce tribut que par méprise vous offrez à la joie. Mon époux vit, lui que Tybalt aurait voulu tuer; et Tybalt est mort, lui qui aurait voulu tuer mon époux. Tout ceci est consolant, pourquoi donc pleuré-je? Ah! c’est qu’il y a là un mot, plus fatal que la mort de Tybalt, qui m’a assassinée.—Je voudrais bien l’oublier; mais, ô ciel! il pèse sur ma mémoire comme une offense digne de la damnation sur l’âme du pécheur. Tybalt est mort, et Roméo est….. banni! Ce banni, ce seul mot banni, a tué pour moi dix mille Tybalt. La mort de Tybalt était un assez grand malheur, tout eût-il fini là; ou si les cruelles douleurs se plaisent à marcher ensemble, et qu’il faille nécessairement que d’autres peines les accompagnent, pourquoi, après m’avoir dit: «Tybalt est mort,» n’a-t-elle pas continué: «ton père aussi, ou ta mère, ou tous les deux?» cela eût excité en moi les douleurs ordinaires. Mais par cette arrière-garde qui a suivi la mort de Tybalt, Roméo est banni; par ce seul mot, père, mère, Tybalt, Roméo, Juliette, tous sont assassinés, tous morts. Roméo banni! Il n’y a ni fin, ni terme, ni borne, ni mesure dans la mort qu’apporte avec lui ce mot, aucune parole ne peut sonder ce malheur.
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William Shakespeare (Romeo and Juliet)
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Il me manque tellement. Ça ne devient pas plus facile. Peu importe ce que les gens disent, le temps ne guérit pas les blessures. Il vous montre simplement de nouvelles, et encore plus douloureuses manières de souffrir de l'absence de quelqu'un. Plus cette personne est partie depuis longtemps, pire c'est, parce qu'on commence à oublier son sourire, sa façon de pencher la tête lorsqu'elle réfléchissait, de vous regarder et de deviner ce à quoi vous pensiez. Bientôt, on se met même à avoir la sensation que les souvenir sont étés remplacés par des images photographiques - comme si la seule façon de se rappeler cette personne se trouvait désormais sur un cliché, et qu'elle devenait bidimensionnelle. Et comme ça déchiré le cœur rien que d'y penser, on évite de le faire.
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Cat Clarke (Undone)
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Monsieur l’Agent : Papiers’il vous plait ! Moi : j’ai oublié mon portefeuilles à la maison - Et comment je vais noter la contravention ? - Ne la notez pas s’il vous plait ! Mon fils m’a appelée sur Watsap, il me manque trop je n’ai pas résisté à répondre. - Mais il me faut les papiers, sinon c’est la fourrière. - C’est ma semaine de galères, je n’ai pas besoin de cela en plus. - Donnez-moi au moins un numéro de permis… - Je ne le connais pas. - Qu'est ce que je vais faire de vous? Je vous attends, vous reviendrez avec les papiers. Vous faites quoi dans la vie ? - Vous pouvez considérer que je ne travaille pas. - Kifach ? - Un travail qui ne permet pas de gagner sa vie n’'est pas un travail. - Pourquoi, qu’est ce que vous faites au juste ? - Je suis écrivain. - Vous les écrivains, vous êtes une devise rare dans ce pays où personne ne lit. Siri Allah iawnek - Amiiiiine! (FB, 25/04/2017)
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Mouna Hachim
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J’aurais voulu vivre la destinée de l’univers. S'il m’arrivait de rentrer un soir à la maison pour trouver qu’il n’y avait rien à manger, pas même pour la gosse, je faisais aussitôt demi-tour pour me mettre en quête. Mais, et c’est un trait de moi qui m’intrigue toujours, à peine me retrouvais-je dans la rue, galopant à la recherche de la croûte, je retombais en pleine Weltanschauung. Loin de penser exclusivement à notre bouffe, je pensais à la bouffe en général, à tous ses stades et dans le monde entier à l’heure qu’il était : comment on se la procurait, la préparait, ce que faisaient les gens qui n’avaient rien à se mettre sous la dent, et peut-être y avait-il moyen d’arranger les choses en sorte que tout le monde eût son contentement et qu’on ne gâchât plus de temps à résoudre un problème aussi simple et idiot. J’étais navré pour ma femme et ma gosse, bien sûr, mais je l’étais tout autant pour les Hottentots et les Bochimans d’Australie, sans oublier les Belges qui mouraient de faim, les Turcs et les Arméniens. J’étais navré pour toute la race humaine, pour la stupidité de l’homme et son manque d’imagination. Ne pas avoir de quoi manger à un repas n’était pas si terrible en soi – c’était le vide effroyable de la rue qui me bouleversait. Toutes ces putains de maisons, absolument identiques, plus vides et tristes les unes que les autres. Pavé fin sous le pied, coulée d’asphalte au centre de la rue, perrons en pierre brune, magnifiquement hideux d’élégance – ce qui n’empêche qu’un type peut passer sa journée, nuit comprise, à se balader sur ce matériau coûteux en quête d’une croûte de pain. Et cela me dépassait. Penser à l’incongruité d’un tel état de chose. Si seulement on pouvait se ruer dehors, brandissant une cloche à sonner les repas et hurlant – « Oyez, oyez, braves gens, vous avez devant vous un type qui la saute. Où y a-t-il des chaussures à cirer ? Des ordures à sortir ? Des tuyaux à déboucher ? » Si seulement on pouvait descendre dans la rue et s’expliquer avec les gens. Mais non, on n’ose pas l’ouvrir. Abordez le premier venu dans la rue, dites-lui que vous avez faim, la peur lui flanquera la chiasse et lui donnera des ailes. Cela aussi m’a toujours dépassé. C'est tellement simple pourtant – il suffit de dire Oui quand on s’approche de vous. Si vous ne pouvez dire Oui, qui vous empêche de prendre le type par le bras et de demander à un autre zigue de vous aider à le tirer d’affaire. Pourquoi a-t-on besoin de revêtir un uniforme pour aller tuer des gens qu’on ne connaît pas et se procurer de quoi croûter – c’est pour moi un mystère. Voilà ce qui me trotte par la tête, bien plus que l’image de la gueule qui dévore la croûte et que le prix de cette dernière.
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Henry Miller (Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer)
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N.B. Vous pouvez constater que je me suis abstenu ici, de même que dans ma précédente lettre, de faire un procès de mes difficultés personnelles avec vous, mais puisque dans votre lettre vous dites que je n'ai "jamais pu comprendre votre nature", il me sera suffisant de vous répondre que c'est à vous qu'il incombait plutôt de connaître la mienne, et d'en tenir compte si cela était dans vos possibilités. D'autre part, quand vous dites que je n'ai "jamais voulu faire l'expérience sérieuse de certaines règles traditionnelles, ce qui seul eût pu me donner des lumières concernant votre rôle", je dois conclure que cette opinion est pour moi la meilleure preuve que vous ne vous êtes pas rendu compte de ce qu'a été mon cas véritable et combien ma situation a été inutilement pénible. Je n'insisterai pas d'avantage sur cette question qui est de toute façon sans intérêt maintenant. Quant à cette autre phrase, conçue selon la même manière "absolue" (on y trouve un troisième "jamais"): "Vous n'avez jamais compris le récit qorânique de la rencontre de Moïse avec el-Khidr", je vous dirai seulement ceci: ce qui avait manqué à Moïse ce fut la "patience", alors que moi, dans des circonstances incomparablement plus modestes, j'en ai tout de même eu assez pour que des gens bien placés et d'autorité estiment même que j'ai payé tout le tribut de la "soumission". De plus Moïse était obligé de croire dans la vérité d'el-Khidr, car c'est Allâh même qui l'y avait engagé et que, de ce fait, la question du manque de confiance ne devait pas se poser pour lui. (Lettre de M.Vâlsan à F.Schuon, novembre 1950)
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Michel Vâlsan
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Adam passa la main dans ses cheveux ras. Il sentit qu'en faisant cela, il ressemblait à un Américain. 'Vous savez quoi?' dit-il; 'vous savez quoi? Nous passons notre temps à faire de la saloperie de cinéma. Du cinéma, oui. Du théâtre aussi, et du roman psychologique. Nous n’avons plus grand-chose de simple, nous sommes des cafards, des demi-portions. De vieilles loques. On dirait que nous sommes nés sous la plume d’un écrivain des années trente, précieux, beaux, raffinés, pleins de culture, pleins de cette saloperie de culture. Ça me colle dans les dos comme un manteau mouillé. Ça me colle partout.' 'Eh - qu'est-ce qui est simple, à ce compte-là?' intervint, assez mal à propos, l'étudiant à lunettes. 'Comment, qu'est-ce qui est simple? Vous ne le savez pas? Vous ne vous en doutez donc pas quand même un peu, vous?' Adam eut un geste vers sa poche pour prendre le paquet de cigarettes, mais, nerveusement, sa main s'arrêta. 'Vous ne la voyez donc pas, cette vie, cette putain de vie, autour de vous? Vous ne voyez pas que les gens vivent, qu'ils vivent, qu'ils mangent, etc? Qu'ils sont heureux? Vous ne voyez pas que celui qui a écrit, "la terre est bleue comme une orange" est un fou, ou un imbécile? - Mais non , vous vous dites, c'est un génie, il a disloqué la réalité en deux mots. Ça décolle de la réalité. C'est un charme infantile. Pas de maturité. Tout ce que vous voudrez. Mais moi, j'ai besoin de systèmes, ou alors je deviens fou. Ou bien la terre est orange, ou bien l'orange est bleue. Mais dans le système qui consiste à se servir de la parole, la terre est bleu et les oranges sont orange. Je suis arrivé à un point où je ne peux plus souffrir d'incartades. Vous comprenez, j'ai trop de mal à trouver la réalité. Je manque d'humour? Parce que d'après vous il faut de l'humour pour comprendre ça? Vous savez ce que je dis? Je manque si peu d'humour que je suis allé beaucoup plus loin que vous. Et voilà. J'en reviens ruiné. Mon humour, à moi, il était dans l'indicible. Il était caché et je ne pouvais le dire. Et comme je ne pouvais le mettre en mots, il était beaucoup plus énorme que le vôtre. Hein. En fait il n'avait pas de dimensions. Vous savez. Moi je fais tout comme ça. La terre est bleue comme une orange, mais le ciel est nu comme une pendule, l'eau rouge comme un grêlon. Et même mieux: le ciel coléoptère inonde les bractées. Vouloir dormir. Cigarette cigare galvaude les âmes. 11è. 887. A, B, C, D, E, F, G, H, I, J, K, L, M, N, O, P, Q, R, S, T, U, V, W, X, Y, Z. et Cie.' 'Attendez, attendez un moment, je -' commença la jeune fille. Adam continua: 'Je voudrais arrêter ce jeu stupide. Si vous saviez comme je voudrais. Je suis écrasé, bientôt presque écrasé..." dit-il, la voix non pas plus faible, mais plus impersonnelle.
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J.M.G. Le Clézio (Le Proces-Verbal (Collection Folio) (French Edition) by Jean-Marie Gustave Le Clezio(1973-03-16))
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À chaque porte qui s’ouvrait je voyais un nouveau monstre. Et puis, enfin, je tombai sur un pauvre idiot qui avait vraiment envie de se cultiver, et cela m’acheva. J’eus honte de moi, de mon pays, de ma race, de mon époque. Il me fallut un temps du diable pour le convaincre de ne pas acheter cette sacrée Encyclopédie. Il me demanda innocemment pourquoi, dans ce cas, j’avais frappé chez lui – et sans une minute d’hésitation je lui racontai un mensonge gros comme moi, un mensonge qui devait par la suite se révéler exact : une grande vérité. Je lui racontai que je faisais semblant de vendre cette Encyclopédie, à seule fin de rencontrer des gens et d’écrire à leur propos. Cela eut le don de l’intéresser énormément, plus même que l'Encyclopédie. Il voulut savoir ce que j’écrirais sur son compte – pouvais-je le lui dire ? Il m’a pris vingt ans de ma vie pour répondre à cette question. Mais la voici, ma réponse. « Si cela vous intéresse encore de le savoir, chez M. X., de Bayonne, voici... Je vous dois beaucoup parce que après ce mensonge que je vous avais raconté, en sortant de chez vous, je déchirai le prospectus que m’avait fourni l'Encyclopédie britannique et le jetai dans le caniveau. Je me dis que jamais plus je n’irais trouver les gens sous de faux prétextes, fût-ce pour leur distribuer la Sainte Bible. Jamais plus je n’irais rien vendre, dussé-je en crever de faim. Je rentre chez moi maintenant pour m’asseoir à mon bureau et coucher sur le papier ce que je sais des gens. Et si quelqu’un cogne à ma porte et vient me vendre quelque chose, entrez donc, lui dirai-je, pourquoi diable faites-vous ce métier ? Et s’il me dit que c’est parce qu’il a besoin de vivre, je lui offrirai tout l’argent que j’ai en poche et le supplierai de réfléchir encore une fois à ce qu’il fait. Je voudrais empêcher le plus de gens possible de feindre d’avoir à faire ceci ou cela pour gagner leur vie. Rien de plus faux. Mieux vaut encore crever vraiment de faim. Quiconque se laisse volontairement crever de faim ajoute une dent à l’engrenage du processus automatique. J’aimerais mieux voir un homme empoigner son fusil et tuer son prochain pour se procurer la nourriture qui lui manque, que d’entretenir le processus automatique en prétendant que cet homme doit gagner sa vie. Voilà ma réponse, cher M. X. »
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Henry Miller (Tropique du Capricorne / Tropique du Cancer)
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—Pourquoi essayez-vous de me haïr, Elisha? répliqua-t-il. Sa voix était douce, chaude, légèrement attristée. Elle se distinguait par son absence de curiosité. Pourquoi? pensais-je. Quelle question, John Dawson! Sans haine, tout ce que nous faisons, mes camarades et moi, n'aurait pas de sens. Sans haine, notre lutte n'aurait pas de chance de nous procurer la victoire. Pourquoi j'essai de vous haïr, John Dawson? Parce que mon peuple n'a jamais su haïr. Sa tragédie, au cours des siècles, s'explique par le manque de haine dont il fit preuve à l'égard de ceux qui tentèrent de l'exterminer, de ceux qui, souvent, réussirent à l'humilier. Notre seule chance, à présent, John Dawson, c'est de savoir vous haïr, c'est d'apprendre l'art et la nécessité de la haine.
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Elie Wiesel (Dawn)