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Canon 21. « Si quelquâun dit que le juste ait le pouvoir de persĂ©vĂ©rer sans un secours spĂ©cial de Dieu, ou quâil ne le puisse avec ce secours : quâil soit anathĂšme. » Canon 25. « Si quelquâun dit que le juste pĂšche en toute bonne Ćuvre vĂ©niellement, ou, ce qui est plus insupportable, mortellement, et quâil mĂ©rite la peine Ă©ternelle, mais quâil nâest pas damnĂ©, par cette seule raison que Dieu ne lui impute pas ses Ćuvres Ă damnation : quâil soit anathĂšme. » Par oĂč lâon voit, non-seulement que ces paroles, que « les commandemens ne sont pas impossibles aux justes, » sont restreintes Ă cette condition, quand ils sont secourus par la grĂące ; mais quâelles nâont que la mĂȘme force que celles-ci, que « les justes ne pĂšchent pas en toutes leurs actions ; » et enfin tant sâen faut que le pouvoir prochain soit Ă©tendu Ă tous les justes, quâil est dĂ©fendu de lâattribuer Ă ceux qui ne sont pas secourus de ce secours spĂ©cial, qui nâest pas commun Ă tous, comme il a Ă©tĂ© expliquĂ©. Concluons donc que tous les PĂšres ne tiennent pas un autre langage. Saint Augustin et les PĂšres qui lâont suivi, nâont jamais parlĂ© des commandemens, quâen disant quâils ne sont pas impossibles Ă la charitĂ©, et quâils ne nous sont faits que pour nous faire sentir le besoin que nous avons de la charitĂ©, qui seule les accomplit. « Dieu, juste et bon, nâa pu commander des choses impossibles ; ce qui nous avertit de faire ce qui est facile, et de demander ce qui est difficile. » (Aug., De nat. et grat., cap. LXIX.) « Car toutes choses sont faciles Ă la charitĂ©. » (De perfect. justit., cap. x.) Et ailleurs : « Qui ne sait que ce qui se fait par amour nâest pas difficile? Ceux-lĂ ressentent de la peine Ă accomplir les prĂ©ceptes, qui sâefforcent de les observer par la crainte ; mais la parfaite charitĂ© chasse la crainte, et rend le joug du prĂ©cepte doux ; et, bien loin dâaccabler par son poids, elle soulĂšve comme si elle nous donnoit des ailes. » Cette charitĂ© ne vient pas de notre libre arbitre (si la grĂące de JĂ©sus-Christ ne nous secourt), parce quâelle est infuse et mise dans nos cĆurs, non par nous-mĂȘmes, mais par le Saint-Esprit. Et lâĂcriture nous avertit que les prĂ©ceptes ne sont pas difficiles, par cette seule raison, qui est que lâĂąme qui les ressent pesans, entende quâelle nâa pas encore reçu les forces par lesquelles ils lui sont doux et lĂ©gers. « Quand il nous est commandĂ© de vouloir, notre devoir nous est marquĂ©Â ; mais parce que nous ne pouvons pas lâavoir de nous-mĂȘmes, nous sommes avertis Ă qui nous devons le demander ; mais toutefois nous ne pouvons pas faire cette demande, si Dieu nâopĂšre en nous de le vouloir. » (Fulg., lib. II, De verit. praedest., cap. iv.) « Les prĂ©ceptes ne nous sont donnĂ©s que par cette seule raison, qui est de nous faire rechercher le secours de celui qui nous commande, » etc. (Prosper, Epist. ad Demetriad.) « Les pĂ©lagiens sâimaginent dire quelque chose dâimportant, quand ils disent que Dieu ne commanderoit pas ce quâil saurait que lâhomme ne pourroit faire. Qui ne sait cela? Mais il commande des choses que nous ne pouvons pas, afin que nous connoissions Ă qui nous devons le demander. » (Aug., De nat. et grat., cap. xv et xvi.) « O homme! reconnois dans le prĂ©cepte ce que tu dois ; dans la correction, que câest par ton vice que tu ne le fais pas ; et dans la priĂšre, dâoĂč tu peux en avoir le pouvoir! (Aug., De corrept., cap. ni.) Car la loi commande, afin que lâhomme, sentant quâil manque de force pour lâaccomplir, ne sâenfle pas de superbe, mais Ă©tant fatiguĂ©, recoure Ă la grĂące, et quâainsi la loi lâĂ©pouvantant le mĂšne Ă lâamour de JĂ©sus-Christ » (Aug., De perfect. respons. et ratiocin. xj., cap.
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Blaise Pascal (Blaise Pascal - Oeuvres ComplÚtes LCI/40 (25 titres - Annoté, Illustré))