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In 2002, having spent more than three years in one residence for the first time in my life, I got called for jury duty. I show up on time, ready to serve. When we get to the voir dire, the lawyer says to me, âI see youâre an astrophysicist. Whatâs that?â I answer, âAstrophysics is the laws of physics, applied to the universeâthe Big Bang, black holes, that sort of thing.â Then he asks, âWhat do you teach at Princeton?â and I say, âI teach a class on the evaluation of evidence and the relative unreliability of eyewitness testimony.â Five minutes later, Iâm on the street.
A few years later, jury duty again. The judge states that the defendant is charged with possession of 1,700 milligrams of cocaine. It was found on his body, he was arrested, and he is now on trial. This time, after the Q&A is over, the judge asks us whether there are any questions weâd like to ask the court, and I say, âYes, Your Honor. Why did you say he was in possession of 1,700 milligrams of cocaine? That equals 1.7 grams. The âthousandâ cancels with the âmilli-â and you get 1.7 grams, which is less than the weight of a dime.â Again Iâm out on the street.
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Neil deGrasse Tyson (Space Chronicles: Facing the Ultimate Frontier)
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Pour le voir, il faut bien regarder, chercher. Je dis aux jeunes: cherchez un peu, vous allez trouver. La pire des attitudes est l'indifférence, dire «je n'y peux rien, je me débrouille». En vous comportant ainsi, vous perdez l'une des composantes essentielles qui fait l'humain. Une des composantes indispensables: la faculté d'indignation et l'engagement qui en est la conséquence.
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Stéphane Hessel (Indignez-vous !)
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A qui écris-tu?
-A toi. En fait, je ne t'écris pas vraiment, j'écris ce que j'ai envie de faire avec toi...
Il y avait des feuilles partout. Autour d'elle, Ă ses pieds, sur le lit. J'en ai pris une au hasard:
"...Pique-niquer, faire la sieste au bord d'une riviĂšre, manger des pĂȘches, des crevettes, des croissants, du riz gluant, nager, danser, m'acheter des chaussures, de la lingerie, du parfum, lire le journal, lĂ©cher les vitrines, prendre le mĂ©tro, surveiller l'heure, te pousser quand tu prends toute la place, Ă©tendre le linge, aller Ă l'OpĂ©ra, faire des barbecues, rĂąler parce que tu as oubliĂ© le charbon, me laver les dents en mĂȘme temps que toi, t'acheter des caleçons, tondre la pelouse, lire le journal par-dessus ton Ă©paule, t'empĂȘcher de manger trop de cacahuĂštes, visiter les caves de la Loire, et celles de la Hunter Valley, faire l'idiote, jacasser, cueillir des mĂ»res, cuisiner, jardiner, te rĂ©veiller encore parce que tu ronfles, aller au zoo, aux puces, Ă Paris, Ă Londres, te chanter des chansons, arrĂȘter de fumer, te demander de me couper les ongles, acheter de la vaisselle, des bĂȘtises, des choses qui ne servent Ă rien, manger des glaces, regarder les gens, te battre aux Ă©checs, Ă©couter du jazz, du reggae, danser le mambo et le cha-cha-cha, m'ennuyer, faire des caprices, bouder, rire, t'entortiller autour de mon petit doigt, chercher une maison avec vue sur les vaches, remplir d'indĂ©cents Caddie, repeindre un plafond, coudre des rideaux, rester des heures Ă table Ă discuter avec des gens intĂ©ressants, te tenir par la barbichette, te couper les cheveux, enlever les mauvaises herbes, laver la voiture, voir la mer, t'appeler encore, te dire des mots crus, apprendre Ă tricoter, te tricoter une Ă©charpe, dĂ©faire cette horreur, recueillir des chats, des chiens, des perroquets, des Ă©lĂ©phants, louer des bicyclettes, ne pas s'en servir, rester dans un hamac, boire des margaritas Ă l'ombre, tricher, apprendre Ă me servir d'un fer Ă repasser, jeter le fer Ă repasser par la fenĂȘtre, chanter sous la pluie, fuire les touristes, m'enivrer, te dire toute la vĂ©ritĂ©, me souvenir que toute vĂ©ritĂ© n'est pas bonne Ă dire, t'Ă©couter, te donner la main, rĂ©cupĂ©rer mon fer Ă repasser, Ă©couter les paroles des chansons, mettre le rĂ©veil, oublier nos valises, m'arrĂȘter de courir, descendre les poubelles, te demander si tu m'aimes toujours, discuter avec la voisine, te raconter mon enfance, faire des mouillettes, des Ă©tiquettes pour les pots de confiture..."
Et ça continuais comme ça pendant des pages et des pages...
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Anna Gavalda (Someone I Loved (Je l'aimais))
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Il sâĂ©tait tant de fois entendu dire ces choses, quâelles nâavaient pour lui rien dâoriginal. Emma ressemblait Ă toutes les maĂźtresses ; et le charme de la nouveautĂ©, peu Ă peu tombant comme un vĂȘtement, laissait voir Ă nu lâĂ©ternelle monotonie de la passion, qui a toujours les mĂȘmes formes et le mĂȘme langage. Il ne distinguait pas, cet homme si plein de pratique, la dissemblance des sentiments sous la paritĂ© des expressions. Parce que des lĂšvres libertines ou vĂ©nales lui avaient murmurĂ© des phrases pareilles, il ne croyait que faiblement Ă la candeur de celles-lĂ ; on en devait rabattre, pensait-il, les discours exagĂ©rĂ©s cachant les affections mĂ©diocres ; comme si la plĂ©nitude de lâĂąme ne dĂ©bordait pas quelquefois par les mĂ©taphores les plus vides, puisque personne, jamais, ne peut donner lâexacte mesure de ses besoins, ni de ses conceptions, ni de ses douleurs, et que la parole humaine est comme un chaudron fĂȘlĂ© oĂč nous battons des mĂ©lodies Ă faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les Ă©toiles.
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Gustave Flaubert (Madame Bovary)
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Je l'aimais beaucoup. On ne peut pas dire cela à son amoureux. Dommage. De ma part, l'aimer beaucoup, c'était beaucoup. Il me rendait heureuse. J'étais toujours joyeuse de le voir. J'avais pour lui de l'amitié, de la tendresse. Quand il n'était pas là , il ne me manquait pas. Telle était l'équation de mon sentiment pour lui et je trouvais cette histoire merveilleuse. C'est pourquoi je redoutais des déclarations qui eussent exigés une réponse ou, pire, une réciprocité.
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AmĂ©lie Nothomb (Ni d'Ăve ni d'Adam)
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During voir dire, the interviews for jury selection, each person is asked under oath about their experience with the criminal justice system, as defendant or victim, but usually not even the most elementary effort is made to corroborate those claims. One ADA [Associate District Attorney] told me about inheriting a murder case, after the first jury deadlocked. He checked the raps for the jurors and found that four had criminal records. None of those jurors were prosecuted. Nor was it policy to prosecute defense witnesses who were demonstrably lying--by providing false alibis, for example--because, as another ADA told me, if they win the case, they don't bother, and if they lose, "it looks like sour grapes." A cop told me about a brawl at court one day, when he saw court officers tackle a man who tried to escape from the Grand Jury. An undercover was testifying about a buy when the juror recognized him as someone he had sold to. Another cop told me about locking up a woman for buying crack, who begged for a Desk Appearance Ticket, because she had to get back to court, for jury duty--she was the forewoman on a Narcotics case, of course. The worst part about these stories is that when I told them to various ADAs, none were at all surprised; most of those I'd worked with I respected, but the institutionalized expectations were abysmal. They were too used to losing and it showed in how they played the game.
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Edward Conlon (Blue Blood by Conlon, Edward (2004) Paperback)
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Mais, dit Candide, n'y a-t-il pas du plaisir Ă tout critiquer, Ă sentir des dĂ©fauts oĂč les autres hommes croient voir des beautĂ©s ? â C'est-Ă -dire, reprit Martin, qu'il y a du plaisir Ă n'avoir pas de plaisir ? â Oh bien ! dit Candide, il n'y a donc d'heureux que moi, quand je reverrai Mlle CunĂ©gonde. â C'est toujours bien fait d'espĂ©rer », dit Martin.
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Voltaire (Candide)
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Donc pas d'erreur Ce qu'on faisait Ă se tirer dessus comme ça sans mĂȘme se voir n'Ă©tait pas dĂ©fendu Cela faisait partie des choses qu'on peut faire sans mĂ©riter une bonne engueulade. C'Ă©tait mĂȘme reconnu encouragĂ© sans doute par les gens sĂ©rieux comme le tirage au sort les fiançailles la chasse Ă courre ... Rien Ă dire. Je venais de dĂ©couvrir d'un coup la guerre tout entiĂšre. Je venais d'ĂȘtre dĂ©pucelĂ©.
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Louis-Ferdinand Céline (Journey to the End of the Night)
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Et quand vint l'heure du courrier, je me dis ce soir-la comme tous les autres: Je vais recevoir une lettre de Gilberte, elle va me dire enfin qu'elle n'a jamais cessĂ© de m'aimer, et m'expliquera la raison mysterieuse pour laquelle elle a Ă©tĂ© forcĂ©e de ma le cacher jusqu'ici, de faire semblant de pouvoir ĂȘtre heureuse sans me voir, la raison pour laquelle elle a pris l'apparence de la Gilberte simple camarade.
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Marcel Proust (Du cÎté de chez Swann)
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Tu sais, je viens juste de voir que c'est l'automne et pourtant il y avait des tas de feuilles mortes dans la rue pour me le dire. Je ne pourrai pas poser mes lĂšvres sur tes bras avant le printemps.
Triste, non ?
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Mihail Sebastian (La ville aux acacias (French Edition))
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Et que faudrait-il faire ?
Chercher un protecteur puissant, prendre un patron,
Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc
Et s'en fait un tuteur en lui léchant l'écorce,
Grimper par ruse au lieu de s'élever par force ?
Non, merci ! Dédier, comme tous ils le font,
Des vers aux financiers ? se changer en bouffon
Dans l'espoir vil de voir, aux lĂšvres d'un ministre,
NaĂźtre un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre ?
Non, merci ! Déjeuner, chaque jour, d'un crapaud ?
Avoir un ventre usé par la marche ? une peau
Qui plus vite, Ă l'endroit des genoux, devient sale ?
Exécuter des tours de souplesse dorsale ?...
Non, merci ! D'une main flatter la chĂšvre au cou
Cependant que, de l'autre, on arrose le chou,
Et donneur de séné par désir de rhubarbe,
Avoir son encensoir, toujours, dans quelque barbe ?
Non, merci ! Se pousser de giron en giron,
Devenir un petit grand homme dans un rond,
Et naviguer, avec des madrigaux pour rames,
Et dans ses voiles des soupirs de vieilles dames ?
Non, merci ! Chez le bon éditeur de Sercy
Faire éditer ses vers en payant ? Non, merci !
S'aller faire nommer pape par les conciles
Que dans des cabarets tiennent des imbéciles ?
Non, merci ! Travailler Ă se construire un nom
Sur un sonnet, au lieu d'en faire d'autres ? Non,
Merci ! Ne découvrir du talent qu'aux mazettes ?
Ătre terrorisĂ© par de vagues gazettes,
Et se dire sans cesse : "Oh ! pourvu que je sois
Dans les petits papiers du Mercure François" ?...
Non, merci ! Calculer, avoir peur, ĂȘtre blĂȘme,
Préférer faire une visite qu'un poÚme,
Rédiger des placets, se faire présenter ?
Non, merci ! non, merci ! non, merci ! Mais... chanter,
RĂȘver, rire, passer, ĂȘtre seul, ĂȘtre libre,
Avoir l'Ćil qui regarde bien, la voix qui vibre,
Mettre, quand il vous plaĂźt, son feutre de travers,
Pour un oui, pour un non, se battre, - ou faire un vers !
Travailler sans souci de gloire ou de fortune,
Ă tel voyage, auquel on pense, dans la lune !
N'écrire jamais rien qui de soi ne sortßt,
Et modeste d'ailleurs, se dire : mon petit,
Sois satisfait des fleurs, des fruits, mĂȘme des feuilles,
Si c'est dans ton jardin Ă toi que tu les cueilles !
Puis, s'il advient d'un peu triompher, par hasard,
Ne pas ĂȘtre obligĂ© d'en rien rendre Ă CĂ©sar,
Vis-Ă -vis de soi-mĂȘme en garder le mĂ©rite,
Bref, dĂ©daignant d'ĂȘtre le lierre parasite,
Lors mĂȘme qu'on n'est pas le chĂȘne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-ĂȘtre, mais tout seul !
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Edmond Rostand (Cyrano de Bergerac)
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Les langues ne sont pas seulement des langues : ce sont aussi des world views, câest Ă dire des façons de voir et de comprendre le monde. Il y a de lâintraduisible lĂ -dedans... et si vous avez plus dâune world view... vous nâen avez, dâune certaine façon, aucune.
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Nancy Huston (Nord Perdu, suivi de Douze France)
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A mon sens, dans ma façon de « voir », de « comprendre », lâimage, la vision que propose ma photo, ne veut surtout rien « garder », seulement proposer un sentiment de dĂ©couverte, dâapprofondissement soudain, de perception de ce que jâappelle ouverture, de clartĂ© quâon pourrait dire intuitive.
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Lorand Gaspar
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sâĂ©tait tant de fois entendu dire ces choses, quâelles nâavaient pour lui rien dâoriginal. Emma ressemblait Ă toutes les maĂźtresses ; et le charme de la nouveautĂ©, peu Ă peu tombant comme un vĂȘtement, laissait voir Ă nu lâĂ©ternelle monotonie de la passion, qui a toujours les mĂȘmes formes et le mĂȘme langage.
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Gustave Flaubert (Madame Bovary)
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AT THE VOIR dire the judge asks all the potential jurors to swear that even if they regularly watch CSI, Law & Order, Cold Case Files, or any other television show featuring forensic science and criminal justice, that they have a firm grasp on the difference between televisionâeven reality televisionâand reality itself, in which we are presumably now mired. One potential juror with several small children says that wonât be a problem for her, because she mostly watches the Cartoon Network; the judge quips that an afternoon spent with the Cartoon Network provides as much or more information about the criminal justice system as a full season of Law & Order.
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Maggie Nelson (The Red Parts: Autobiography of a Trial)
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ConnaĂźtre une vĂ©ritĂ©, peut-ĂȘtre n'est-ce que la voir en silence. ConnaĂźtre la vĂ©ritĂ©, c'est peut-ĂȘtre avoir droit enfin au silence Ă©ternel. J'ai coutume de dire que l'arbre est vrai, lequel est une certaine relation entre ses parties. Puis la forĂȘt laquelle est une certaine relation entre les arbres. Puis le domaine lequel est une certaine relation entre les arbres et les plaines et autres matĂ©riaux du domaine. Puis de l'empire lequel est une certaine relation entre les domaines et les villes et autres matĂ©riaux des empires. Puis de Dieu lequel est une relation parfaite entre les empires et quoi que ce soit dans le monde. Dieu est aussi vrai que l'arbre, bien que plus difficile Ă lire.
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Antoine de Saint-Exupéry (Citadelle)
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Mais toutes ces Ă©toiles-lĂ elles se taisent. Toi, tu auras des Ă©toiles comme personne nâen a...
- Que veux-tu dire ?
- Quand tu regarderas le ciel, la nuit, puisque jâhabiterai dans lâune dâelles, puisque je rirai dans lâune dâelles, alors ce sera pour toi comme si riaient toutes les Ă©toiles. Tu auras, toi, des Ă©toiles qui savent rire !
Et il rit encore.
- Et quand tu seras consolĂ© (on se console toujours) tu seras content de mâavoir connu. Tu seras toujours mon ami. Tu auras envie de rire avec moi. Et tu ouvriras parfois ta fenĂȘtre, comme ça, pour le plaisir... Et tes amis seront bien Ă©tonnĂ©s de te voir rire en regardant le ciel. Alors tu leur diras: "Oui, les Ă©toiles, ça me fait toujours rire !" Et ils te croiront fou.
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Antoine de Saint-Exupéry (The Little Prince)
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Eh bien, c'est l'histoire d'un petit ourson qui s'appelle⊠Arthur. Et y'a une fĂ©e, un jour, qui vient voir le petit ourson et qui lui dit : Arthur tu vas partir Ă la recherche du Vase Magique. Et elle lui donne une Ă©pĂ©e hmm⊠magique (ouais, parce qu'y a plein de trucs magiques dans l'histoire, bref) alors le petit ourson il se dit : "Heu, chercher le Vase Magique ça doit ĂȘtre drĂŽlement difficile, alors il faut que je parte dans la forĂȘt pour trouver des amis pour m'aider." Alors il va voir son ami Lancelot⊠le cerf (parce que le cerf c'est majestueux comme ça), heu, Bohort le faisan et puis LĂ©odagan⊠heu⊠l'ours, ouais c'est un ours aussi, c'est pas tout Ă fait le mĂȘme ours mais bon. Donc LĂ©odagan qui est le pĂšre de la femme du petit ourson, qui s'appelle GueniĂšvre la truite⊠non, non, parce que c'est la fille de⊠non c'est un ours aussi puisque c'est la fille de l'autre ours, non parce qu'aprĂšs ça fait des machins mixtes, en fait un ours et une truite⊠non en fait ça va pas. Bref, sinon y'a Gauvain le neveu du petit ourson qui est le fils de sa sĆur Anna, qui est restĂ©e Ă Tintagel avec sa mĂšre Igerne la⊠bah non, ouais du coup je suis obligĂ© de foutre des ours de partout sinon on pige plus rien dans la famille⊠Donc c'est des ours, en gros, enfin bref⊠Ils sont tous lĂ et donc Petit Ourson il part avec sa troupe Ă la recherche du Vase Magique. Mais il le trouve pas, il le trouve pas parce qu'en fait pour la plupart d'entre eux c'est⊠c'est des nazes : ils sont hyper mous, ils sont bĂȘtes, en plus y'en a qu'ont la trouille. Donc il dĂ©cide de les faire bruler dans une grange pour s'en dĂ©barrasser⊠Donc la fĂ©e revient pour lui dire : "Attention petit ourson, il faut ĂȘtre gentil avec ses amis de la forĂȘt" quand mĂȘme c'est vrai, et du coup Petit Ourson il lui met un taquet dans la tĂȘte Ă la fĂ©e, comme ça : "BAH !". Alors la fĂ©e elle est comme ça et elle s'en va⊠et voilĂ et en fait il trouve pas le vase. En fait il est⊠il trouve pas⊠et Petit Ourson il fait de la dĂ©pression et tous les jours il se demande s'il va se tuer ou⊠pasâŠ
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Alexandre Astier (Kaamelott, livre 3, premiĂšre partie : Ăpisodes 1 Ă 50)
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Sans doute, rien n'est plus naturel, aujourd'hui, que de voir des gens travailler du matin au soir et choisir ensuite de perdre aux cartes, au cafĂ©, et en bavardages, le temps qui leur reste pour vivre. Mais il est des villes ou des pays oĂč les gens ont, de temps en temps, le soupçon d'autre chose. En gĂ©nĂ©ral, cela ne change pas leur vie. Seulement, il y a eu le soupçon et c'est toujours cela de gagnĂ©. Oran, au contraire, est apparemment une ville sans soupçon, c'est-Ă -dire une ville tout Ă fauit moderne. Il n'est pas nĂ©cessaire, en consĂ©quence, de prĂ©ciser la façon dont on s'aime chez nous. Les hommes et les femmes, ou bien se dĂ©vorent rapidement dans ce qu'on appelle l'acte d'amour, ou bien s'engagent dans une longue habitude Ă eux. Entre ces deux extrĂȘmes, il n'y a pas souvent de milieu. Cela non plus n'est pas original. A Oran comme ailleurs, faute de temps et de rĂ©flexion, on est bien obligĂ© de s'aimer sans le savoir.
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Albert Camus (The Plague)
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certains pourraient sâĂ©tonner de nous voir affirmer que la rĂ©incarnation est une idĂ©e exclusivement moderne. Trop de confusions et de notions fausses ont cours depuis un siĂšcle pour que bien des gens, mĂȘme en dehors des milieux « nĂ©o-spiritualistes », ne sâen trouvent pas gravement influencĂ©s ; cette dĂ©formation est mĂȘme arrivĂ©e Ă un tel point que les orientalistes officiels, par exemple, interprĂštent couramment dans un sens rĂ©incarnationniste des textes oĂč il nây a rien de tel, et quâils sont devenus complĂštement incapables de les comprendre autrement, ce qui revient Ă dire quâils nây comprennent absolument rien.
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René Guénon (The Spiritist Fallacy (Collected Works of Rene Guenon))
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Il n'existe pas une Histoire, entitĂ© mystĂ©rieuse Ă©crite avec un h majuscule. Ce sont les hommes, tant qu'ils sont vraiment des hommes, qui font et dĂ©font l'histoire; l'historicisme est plus ou moins la mĂȘme chose que ce que, dans les milieu de gauche, on appelle le progressisme et il ne veut, aujourd'hui, qu'une chose : fomenter la passivitĂ© face au courant qui grossit et nous mĂšne toujours plus bas. Et, taxĂ© de rĂ©actionnaires, vous leur rĂ©pondez : Vous voudriez que pendant que vous agissez, dĂ©truisez et profanez, nous ne rĂ©agissions pas mais restions Ă regarder et mĂȘme vous voudriez nous voire dire : Bravo, continuez ?
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Julius Evola (Orientamenti: undici punti)
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Le désir de dire, le souci impérieux de porter témoignage, se trouve immédiatement confronté à toute une série de réticences et de résistances, née de la disproportion entre ce que ces gens ont vécu et le récit qu'il est possible - ou impossible - d'en faire. à peine commence-t-on à raconter qu'on suffoque : nous avons affaire à l'une de ces réalités qui font dire qu'elles dépassent l'entendement ou l'imagination. Je songe à Robert Antelme, au tout début de L'espÚce humaine, quand il évoque le sentiment de l'insuffisance ou de l'inutilité du langage pour ces hommes qui ont vu "ce que les hommes ne doivent pas voir". (p. 166)
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Michaël Ferrier (Fukushima : Récit d'un désastre)
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Il y a quelqu'un que je n'ai encore jamais eu envie de tuer.
C'est toi.
Tu peux marcher dans les rues, tu peux boire et marcher dans les rues, je ne te tuerai pas.
N'aie pas peur. La ville est sans danger. Le seul danger dans la ville, c'est moi.
Je marche, je marche dans les rues, je tue.
Mais toi, tu n'as rien Ă craindre.
Si je te suis, c'est parce que j'aime le rythme de tes pas. Tu titubes. C'est beau. On pourrait dire que tu boites. Et que tu es bossu. Tu ne l'es pas vraiment. De temps en temps tu te redresses, et tu marches droit. Mais moi, je t'aime dans les heures avancées de la nuit, quand tu es faible, quand tu trébuches, quand tu te voûtes.
Je te suis, tu trembles. De froid ou de peur. Il fait chaud pourtant.
Jamais, presque jamais, peut-ĂȘtre jamais il n'avait fait si chaud dans notre ville.
Et de quoi pourrais-tu avoir peur?
De moi?
Je ne suis pas ton ennemi. Je t'aime.
Et personne d'autre ne pourrait te faire du mal.
N'aie pas peur. je suis lĂ . Je te protĂšge.
Pourtant, je souffre aussi.
Mes larmes - grosses gouttes de pluie - me coulent sur le visage. La nuit me voile. La lune m'éclaire. Les nuages me cachent. Le vent me déchire. J'ai une sorte de tendresse pour toi. Cela m'arrive parfois. Tres rarement.
Pourquoi pour toi? Je n'en sais rien.
Je veux te suivre trĂšs loin, partout, longtemps.
Je veux te voir souffrir encore plus.
Je veux que tu en aies assez de tout le reste.
Je veux que tu viennes me supplier de te prendre.
Je veux que tu me désires. Que tu aies envie de moi, que tu m'aimes, que tu m'appelles.
Alors, je te prendrai dans mes bras, je te serrerai sur mon coeur, tu seras mon enfant, mon amant, mon amour.
Je t'emporterai.
Tu avais peur de naĂźtre, et maintenant tu as peur de mourir.
Tu as peur de tout.
Il ne faut pas avoir peur.
Il y a simplement une grande roue qui tourne. Elle s'appelle ĂternitĂ©.
C'est moi qui fais tourner la grande roue.
Tu ne dois pas avoir peur de moi.
Ni de la grande roue.
La seule chose qui puisse faire peur, qui puisse faire mal, c'est la vie, et tu la connais déjà .
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Ăgota KristĂłf
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Dans les Cent Vingt JournĂ©es, le libertin se dĂ©clare excitĂ© non par les « objets qui sont ici », mais par lâObjet qui nâest pas lĂ , câest-Ă -dire lâ« idĂ©e du mal ». Or cette idĂ©e de ce qui nâest pas, cette idĂ©e du Non ou de la nĂ©gation, qui nâest pas donnĂ©e ni donnable dans lâexpĂ©rience, ne peut ĂȘtre quâobjet de dĂ©monstration (au sens oĂč le mathĂ©maticien parle de vĂ©ritĂ©s qui gardent tout leur sens mĂȘme si nous dormons, et mĂȘme si elles nâexistent pas dans la nature). Câest pourquoi aussi les hĂ©ros sadiques dĂ©sespĂšrent et enragent de voir leurs crimes rĂ©els si minces par rapport Ă cette idĂ©e quâils ne peuvent atteindre que par la toute-puissance du raisonnement. Ils rĂȘvent dâun crime universel et impersonnel
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Gilles Deleuze (Venus in Furs)
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La pensée de la mort
Vivre au milieu de ce dĂ©dale de ruelles, de besoins, de voix suscite en moi un bonheur mĂ©lancolique : que de jouissance, d'impatience, de dĂ©sir, que de vie assoiffĂ©e et d'ivresse de vivre se rĂ©vĂšle ici Ă chaque instant ! Et pourtant tous ces ĂȘtres bruyants, vivants, assoiffĂ©s de vie plongeront bientĂŽt dans un tel silence ! Comme chacun est suivi par son ombre, le sombre compagnon qu'il emmĂšne avec lui ! Il en est toujours comme Ă l'ultime moment avant le dĂ©part d'un navire d'Ă©migrants : on a plus de choses Ă se dire que jamais, l'heure presse, l'ocĂ©an et son mutisme dĂ©solĂ© attend, impatient, derriĂšre tout ce bruitâsi avide, si sĂ»r de tenir sa proie. Et tous, tous pensent que le temps Ă©coulĂ© jusqu'alors n'est rien ou peu de chose, que le proche avenir est tout : d'oĂč cette hĂąte, ces cris, cet Ă©tourdissement de soi-mĂȘme, cette duperie de soi-mĂȘme ! Chacun veut ĂȘtre le premier dans cet avenir,âet pourtant c'est la mort et le silence de mort qui est l'unique certitude et le lot commun Ă tous dans cet avenir ! Qu'il est Ă©trange que cette unique certitude et ce lot commun n'aient presque aucun pouvoir sur les hommes et qu'ils soient Ă mille lieues de se sentir comme une confrĂ©rie de la mort ! Cela me rend heureux de voir que les hommes ne veulent absolument pas penser la pensĂ©e de la mort ! J'aimerais contribuer en quelque maniĂšre Ă leur rendre la pensĂ©e de la vie encore cent fois plus digne d'ĂȘtre pensĂ©e.
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Friedrich Nietzsche (The Gay Science: With a Prelude in Rhymes and an Appendix of Songs)
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CâĂ©tait une femme originale et solitaire. Elle entretenait un commerce Ă©troit avec les esprits, Ă©pousait leurs querelles et refusait de voir certaines personnes de sa famille mal considĂ©rĂ©es dans le monde oĂč elle se rĂ©fugiait.
Un petit hĂ©ritage lui Ă©chut qui venait de sa soeur. Ces cinq mille francs, arrivĂ©s Ă la fin dâune vie, se rĂ©vĂ©lĂšrent assez encombrants. Il fallait les placer. Si presque tous les hommes sont capables de se servir dâune grosse fortune, la difficultĂ© commence quand la somme est petite.
Cette femme resta fidĂšle Ă elle-mĂȘme. PrĂšs de la mort, elle voulut abriter ses vieux os. Une vĂ©ritable occasion sâoffrait Ă elle. Au cimetiĂšre de sa ville, une concession venait dâexpirer et, sur ce terrain, les propriĂ©taires avaient Ă©rigĂ© un somptueux caveau, sobre de lignes, en marbre noir, un vrai trĂ©sor Ă tout dire, quâon lui laissait pourla somme de quatre mille francs. Elle acheta ce caveau. CâĂ©tait lĂ une valeur sĂ»re, Ă lâabri des fluctuations boursiĂšres et des Ă©vĂ©nements politiques.
Elle fit amĂ©nager la fosse intĂ©rieure, la tint prĂȘte Ă recevoir son propre corps. Et, tout achevĂ©, elle fit graver son nom en capitales dâor.
Cette affaire la contenta si profondĂ©ment quâelle fut prise dâun vĂ©ritable amour pour son tombeau. Elle venait voir au dĂ©but les progrĂšs des travaux Elle finit par se rendre visite tous les dimanches aprĂšs-midi. Ce fut son unique sortie et sa seule distraction.
Vers deux heures de lâaprĂšs-midi, elle faisait le long trajet qui lâamenait aux portes de la ville oĂč se trouvait le cimetiĂšre. Elle entrait dans le petit caveau, refermait soigneusement la porte, et sâagenouillait sur le prie-Dieu. Câest ainsi que, mise en prĂ©sence dâelle-mĂȘme, confrontant ce quâelle Ă©tait et ce quâelle devait ĂȘtre, retrouvant lâanneau dâune chaĂźne toujours rompue, elle perça sans effort les desseins secrets de la Providence. Par un singulier symbole, elle comprit mĂȘme un jour quâelle Ă©tait morte aux yeux du monde.
Ă la Toussaint, arrivĂ©e plus tard que dâhabitude, elle trouva le pas de la porte pieusement jonchĂ© de violettes. Par une dĂ©licate attention, des inconnus compatissants devant cette tombe laissĂ©e sans fleurs, avaient partagĂ© les leurs et honorĂ© la mĂ©moire de ce mort abandonnĂ© Ă lui-mĂȘme.
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Albert Camus (L'envers et l'endroit)
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Cependant, Goujet s'Ă©tait arrĂȘtĂ© devant une des machines Ă rivets. Il restait lĂ , songeur, la tĂȘte basse, les regards fixes.
La machine forgeait des rivets de quarante millimĂštres, avec une aisance tranquille de gĂ©ante. Et rien n'Ă©tait plus simple en vĂ©ritĂ©. Le chauffeur prenait le bout de fer dans le fourneau; le frappeur le plaçait dans la clouiĂšre, qu'un filet d'eau continu arrosait pour Ă©viter d'en dĂ©tremper l'acier; et c'Ă©tait fait, la vis s'abaissait, le boulon sautait Ă terre, avec sa tĂȘte ronde comme coulĂ©e au moule. En douze heures, cette sacrĂ©e mĂ©canique en fabriquait des centaines de kilogrammes. Goujet n'avait pas de mĂ©chancetĂ© ; mais, Ă certains moments, il aurait volontiers pris Fifine pour taper dans toute cette ferraille, par colĂšre de lui voir des bras plus solides que les siens. Ăa lui causait un gros chagrin, mĂȘme quand il se raisonnait, en se disant que la chair ne pouvait pas lutter contre le fer. Un jour, bien sĂ»r, la machine tuerait l'ouvrier ; dĂ©jĂ leurs journĂ©es Ă©taient tombĂ©es de douze francs Ă neuf francs, et on parlait de les diminuer encore; enfin, elles n'avaient rien de gai, ces grosses bĂȘtes, qui faisaient des rivets et des boulons comme elles auraient fait de la saucisse. Il regarda celle-lĂ trois bonnes minutes sans rien dire ; ses sourcils se fronçaient, sa belle barbe jaune avait un hĂ©rissement de menace. Puis, un air de douceur et de rĂ©signation amollit peu Ă peu ses traits. Il se tourna vers Gervaise qui se serrait contre lui, il dit avec un sourire triste :« Hein ! ça nous dĂ©gotte joliment ! Mais peut-ĂȘtre que plus tard ça servira au bonheur de tous. »Gervaise se moquait du bonheur de tous. Elle trouva les boulons Ă la mĂ©canique mal faits.
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Ămile Zola (L'Assommoir)
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Cependant, Goujet s'Ă©tait arrĂȘtĂ© devant une des machines Ă rivets. Il restait lĂ , songeur, la tĂȘte basse, les regards fixes.
La machine forgeait des rivets de quarante millimĂštres, avec une aisance tranquille de gĂ©ante. Et rien n'Ă©tait plus simple en vĂ©ritĂ©. Le chauffeur prenait le bout de fer dans le fourneau ; le frappeur le plaçait dans la clouiĂšre, qu'un filet d'eau continu arrosait pour Ă©viter d'en dĂ©tremper l'acier ; et c'Ă©tait fait, la vis s'abaissait, le boulon sautait Ă terre, avec sa tĂȘte ronde comme coulĂ©e au moule. En douze heures, cette sacrĂ©e mĂ©canique en fabriquait des centaines de kilogrammes. Goujet n'avait pas de mĂ©chancetĂ© ; mais, Ă certains moments, il aurait volontiers pris Fifine pour taper dans toute cette ferraille, par colĂšre de lui voir des bras plus solides que les siens. Ăa lui causait un gros chagrin, mĂȘme quand il se raisonnait, en se disant que la chair ne pouvait pas lutter contre le fer. Un jour, bien sĂ»r, la machine tuerait l'ouvrier ; dĂ©jĂ leurs journĂ©es Ă©taient tombĂ©es de douze francs Ă neuf francs, et on parlait de les diminuer encore ; enfin, elles n'avaient rien de gai, ces grosses bĂȘtes, qui faisaient des rivets et des boulons comme elles auraient fait de la saucisse. Il regarda celle-lĂ trois bonnes minutes sans rien dire ; ses sourcils se fronçaient, sa belle barbe jaune avait un hĂ©rissement de menace. Puis, un air de douceur et de rĂ©signation amollit peu Ă peu ses traits. Il se tourna vers Gervaise qui se serrait contre lui, il dit avec un sourire triste : « Hein ! ça nous dĂ©gotte joliment ! Mais peut-ĂȘtre que plus tard ça servira au bonheur de tous. » Gervaise se moquait du bonheur de tous. Elle trouva les boulons Ă la mĂ©canique mal faits.
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Ămile Zola (L'Assommoir)
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276. Pour la nouvelle annĂ©e. Je vis encore, je pense encore : il faut encore que je vive, car il faut encore que je pense. Sum, ergo cogito : cogito, ergo sum. Aujourdâhui je permets Ă tout le monde dâexprimer son dĂ©sir et sa pensĂ©e la plus chĂšre : et, moi aussi, je vais dire ce quâaujourdâhui je souhaite de moi-mĂȘme et quelle est la pensĂ©e que, cette annĂ©e, jâai prise Ă cĆur la premiĂšre â quelle est la pensĂ©e qui devra ĂȘtre dorĂ©navant pour moi la raison, la garantie et la douceur de vivre ! Je veux apprendre toujours davantage Ă considĂ©rer comme la beautĂ© ce quâil y a de nĂ©cessaire dans les choses : câest ainsi que je serai de ceux qui rendent belles les choses. Amor fati : que cela soit dorĂ©navant mon amour. Je ne veux pas entrer en guerre contre la laideur. Je ne veux pas accuser, je ne veux mĂȘme pas accuser les accusateurs. DĂ©tourner mon regard, que ce soit lĂ ma seule nĂ©gation ! Et, somme toute, pour voir grand : je veux, quelle que soit la circonstance, nâĂȘtre une fois quâaffirmateur !
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Friedrich Nietzsche (Oeuvres complÚtes (24 titres annotés))
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â Je crois que je comprends pourquoi vous aimez voler dans cette rĂ©gion, ajouta-t-elle. On se sent comme un oiseau.
Il lui jeta un regard surpris.
â C'est vrai ; vous avez raison, c'est pour cela que j'aime voler. Mais je suis encore plus proche de l'oiseau quand je fais de la chute libre.
â Vous voulez dire du parachute ?
â Pas tout Ă fait. Vous ne vous contentez pas de sauter d'un avion et de tirer sur un cordon. Les premiĂšres centaines de mĂštres se font sans le parachute. Pendant que vous tombez, vous vous mouvez en tous sens. On dirait un ballet dans le ciel. C'est une sensation indescriptible. On se sent libre.
â Ce doit ĂȘtre trĂšs dangereux, remarqua-t-elle.
â Oui, trĂšs... On joue avec la mort. On peut mĂȘme ĂȘtre fascinĂ© par ce sentiment intense de libertĂ© au point d'oublier de tirer sur le cordon et d'ouvrir le parachute.
â Cela vous est-il arrivé ?
â Plusieurs fois. J'ai attendu jusqu'au dernier instant, pour voir ce qu'il se passerait si je ne faisais rien ; mais Ă chaque fois j'ai reculĂ© devant la mort.
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Flora Kidd (Marriage in Mexico)
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Bergson, on s'en souvient, voyait dans l'Ă©volution l'expression d'une force crĂ©atrice, absolue en ce sens qu'il ne la supposait pas tendue Ă une autre fin que la crĂ©ation en elle-mĂȘme et pour elle-mĂȘme. En cela il diffĂšre radicalement des animistes (qu'il s'agisse d'Engels, de Teilhard ou des positivistes optimistes tels que Spencer) qui tous voient dans l'Ă©volution le majestueux dĂ©roulement d'un programme inscrit dans la trame mĂȘme de l'Univers. Pour eux, par consĂ©quent, l'Ă©volution n'est pas vĂ©ritablement crĂ©ation, mais uniquement 'rĂ©vĂ©lation' des intentions jusque-lĂ inexprimĂ©es de la nature. D'oĂč la tendance Ă voir dans le dĂ©veloppement embryonnaire une Ă©mergence de mĂȘme ordre que l'Ă©mergence Ă©volutive. Selon la thĂ©orie moderne, la notion de 'rĂ©vĂ©lation' s'applique au dĂ©veloppement Ă©pigĂ©nĂ©tique, mais non, bien entendu, Ă l'Ă©mergence Ă©volutive qui, grĂące prĂ©cisĂ©ment au fait qu'elle prend sa source dans l'imprĂ©visible essentiel, est crĂ©atrice de nouveautĂ© absolue. Cette convergence apparente entre les voies de la mĂ©taphysique bergsonienne et celles de la science serait-elle encore l'effet d'une pure coĂŻncidence? Peut-ĂȘtre pas: Bergson, en artiste et poĂšte qu'il Ă©tait, trĂšs bien informĂ© par ailleurs des sciences naturelles de son temps, ne pouvait manquer d'ĂȘtre sensible Ă l'Ă©blouissante richesse de la biosphĂšre, Ă la variĂ©tĂ© prodigieuse des formes et des comportements qui s'y dĂ©ploient, et qui paraissent tĂ©moigner presque directement, en effet, d'une prodigalitĂ© crĂ©atrice inĂ©puisable, libre de toute contrainte.
Mais lĂ oĂč Bergson voyait la preuve la plus manifeste que le 'principe de la vie' est l'Ă©volution elle-mĂȘme, la biologie moderne reconnaĂźt, au contraire, que toutes les propriĂ©tĂ©s des ĂȘtres vivants reposent sur un mĂ©canisme fondamental de conservation molĂ©culaire. Pour la thĂ©orie moderne l'Ă©volution n'est nullement une propriĂ©tĂ© des ĂȘtres vivants puisqu'elle a sa racine dans les imperfections mĂȘmes du mĂ©canisme conservateur qui, lui, constitute bien leur unique privilĂšge. Il faut donc dire que la mĂȘme source de perturbations, de 'bruit', qui, dans un systĂšme non vivant, c'est-Ă -dire non rĂ©plicatif, abolirait peu Ă peu toute structure, est Ă l'origine de l'Ă©volution dans la biosphĂšre, et rend compte de sa totale libertĂ© crĂ©atrice, grĂące Ă ce conservatoire du hasard, sourd au bruit autant qu'Ă la musique: la structure rĂ©plicative de l'ADN.
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Jacques Monod (Chance and Necessity: An Essay on the Natural Philosophy of Modern Biology)
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Oui, la vie mâa traversĂ©e, je nâai pas rĂȘvĂ©, ces hommes, des milliers, dans mon lit, dans ma bouche, je nâai rien inventĂ© de leur sperme sur moi, sur ma figure, dans mes yeux, jâai tout vu et ça continue encore, tous les jours ou presque, des bouts dâhomme, leur queue seulement, des bouts de queue qui sâĂ©meuvent pour je ne sais quoi car ce nâest pas de moi quâils bandent, ça nâa jamais Ă©tĂ© de moi, câest de ma putasserie, du fait que je suis lĂ pour ça, les sucer, les sucer encore, ces queues qui sâenfilent les unes aux autres comme si jâallais les vider sans retour, faire sortir dâelles une fois pour toutes ce quâelles ont Ă Â dire, et puis de toute façon je ne suis pour rien dans ces Ă©panchements, ça pourrait ĂȘtre une autre, mĂȘme pas une putain mais une poupĂ©e dâair, une parcelle dâimage cristallisĂ©e, le point de fuite dâune bouche qui sâouvre sur eux tandis quâils jouissent de lâidĂ©e quâils se font de ce qui fait jouir, tandis quâils sâaffolent dans les draps en faisant apparaĂźtre çà et lĂ Â un visage grimaçant, des mamelons durcis, une fente trempĂ©e et agitĂ©e de spasmes, tandis quâils tentent de croire que ces bouts de femme leur sont destinĂ©s et quâils sont les seuls à savoir les faire parler, les seuls Ă Â pouvoir les faire plier sous le dĂ©sir quâils ont de les voir plier.
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Nelly Arcan (Putain)
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Je n'osais pas le dire aux autres mais j'avais peur de Francis. Je n'aimais pas trop quand Gino insistait sur la bagarre et la baston pour protéger l'impasse parce que je voyais bien que les copains étaient de plus en plus motivés par ce qu'il racontait. Moi aussi, je l'étais un peu, mais je préférais quand on fabriquait des bateaux avec des troncs de bananiers pour descendre la Muha, ou quand on observait aux jumelles les oiseaux dans les champs de maïs derriÚre le Lycée international, ou encore quand on construisait des cabanes dans les ficus du quartier et qu'on vivait des tas de péripéties d'Indiens et de Far West. On connaissait tous les recoins de l'impasse et on voulait y rester pour la vie entiÚre, tous les cinq, ensemble.
J'ai beau chercher, je ne me souviens pas du moment oĂč l'on s'est mis Ă penser diffĂ©remment. A considĂ©rer que, dorĂ©navant, il y aurait nous d'un cĂŽtĂ© et, de l'autre, des ennemis, comme Francis. J'ai beau retourner mes souvenirs dans tous les sens, je ne parviens pas Ă me rappeler clairement l'instant oĂč nous avons dĂ©cidĂ© de ne plus nous contenter de partager le peu que nous avions et de cesser d'avoir confiance de voir l'autre comme un danger, de crĂ©er cette frontiĂšre invisible avec le monde extĂ©rieur en faisant de notre quartier une forteresse et de notre impasse un enclos.
Je me demande encore quand, les copains et moi, nous avons commencé à avoir peur.
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Gaël Faye (Petit pays)
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En florĂ©al, cet Ă©norme buisson, libre derriĂšre sa grille et dans ses quatre murs, entrait en rut dans le sourd travail de la germination universelle, tressaillait au soleil levant presque comme une bĂȘte qui aspire les effluves de lâamour cosmique et qui sent la sĂšve dâavril monter et bouillonner dans ses veines, et, secouant au vent sa prodigieuse chevelure verte, semait sur la terre humide, sur les statues frustes, sur le perron croulant du pavillon et jusque sur le pavĂ© de la rue dĂ©serte, les fleurs en Ă©toiles, la rosĂ©e en perles, la fĂ©conditĂ©, la beautĂ©, la vie, la joie, les parfums. Ă midi mille papillons blancs sây rĂ©fugiaient, et câĂ©tait un spectacle divin de voir lĂ tourbillonner en flocons dans lâombre cette neige vivante de lâĂ©tĂ©. LĂ , dans ces gaies tĂ©nĂšbres de la verdure, une foule de voix innocentes parlaient doucement Ă lâĂąme, et ce que les gazouillements avaient oubliĂ© de dire, les bourdonnements le complĂ©taient. Le soir une vapeur de rĂȘverie se dĂ©gageait du jardin et lâenveloppait ; un linceul de brume, une tristesse cĂ©leste et calme, le couvraient ; lâodeur si enivrante des chĂšvrefeuilles et des liserons en sortait de toute part comme un poison exquis et subtil ; on entendait les derniers appels des grimpereaux et des bergeronnettes sâassoupissant sous les branchages ; on y sentait cette intimitĂ© sacrĂ©e de lâoiseau et de lâarbre ; le jour les ailes rĂ©jouissent les feuilles, la nuit les feuilles protĂ©gent les ailes.
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Victor Hugo (Les Misérables)
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Violettes sauvages
La fée du printemps, cette année aussi,
de banalitĂ©s plein le sac, sâest prĂ©sentĂ©e,
malgré cela, nous nous sommes réjouis
comme si pour la premiÚre fois elle était arrivée.
En me grondant moi-mĂȘme, enfin,
car je risquais dâabĂźmer mes souliers dans la boue,
je suis allée voir quelles fleurs étaient en train
dâĂ©clore dans le vaste parc, tout prĂšs de chez nous.
CâĂ©tait depuis longtemps que je nâavais plus senti
ce désir de vivre, cette hùte fébrile,
jâavais lâimpression que sous mes pieds a frĂ©mi
la terre que le soleil saurait rendre fertile.
Les arbres nus me semblaient tout Ă fait charmants,
jâaurais voulu les prendre dans mes bras, les [embrasser].
Je passais prĂšs dâeux, comme ça, auparavant,
autant de fois, mais sans vraiment les regarder.
Difficile à dire pourquoi était si beau
le ciel bleu comme les robes dont se lavent les couleurs,
je lâai regardĂ©, la tĂȘte renversĂ©e vers le dos,
et je lâai trouvĂ© absolument enchanteur.
Ensuite, jâai dĂ©couvert les violettes sauvages,
prĂšs dâun chĂȘne : elles Ă©taient dĂ©licates et bleues,
des miettes de ciel dont le printemps de passage
nous fait don, parmi les troncs ombrageux.
Le cĆur battant vite, je me suis inclinĂ©e,
jâĂ©tais sur le point de toucher Ă leurs feuilles,
et je ne sais pourquoi, par lâesprit mâest passĂ©e
lâidĂ©e que le verre nâest pour elles quâun cercueil.
Vers la maison, je suis revenue,
les pas alourdis par un fatigué bonheur,
et si mes mains Ă©taient aussi vides quâau dĂ©but,
jâavais des violettes sauvages dans le cĆur.
(traduit par Elisabeta Isanos)
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Magda Isanos
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Il etait plutot fin, donc, le sable, delie, ne s'agglomerait pas, c'etait de la pierre, en fait, de la pierre pilee, rien a voir ou presque avec la poussiere, c'est ce que je veux dire. Mais plus maintenant. C'est que ca vole, quand meme, le sable. Et il volait, la, sous les pieds des enfants, et partout ca retombait, et pour la premiere fois j'ai vu la plage comme une grande plage de poussiere. Je dis grande parce que j n'avais jamais vu autant de poussiere, meme chez moi, apres le depart de Constance. Et j'ai forcement pense a Laura, mais ce n'est pas ca, je n'ai pas eu a y penser, bien sur, j'y pensais, je ne faisais que ca, mais j'y pensais avec recul, enfin j'essayais, parce que le moins qu'on puisse dire c'est que j'avais besoin de distance, sauf que je n'arrivais pas a' en prendre, de la distance, je souffrais, c'est egalement le moins qu'on puisse dire, et le seul resultat de mes efforts c'etait ca: penser que je m'etais trompe, que Laura en fin de compte n'avait jamais convenu, depuis le debut, ni pour le menage, ni comme femme, donc, comme femme susceptible d'apporter un peu d'order, dans ma vie, et alors j'en trouvais la verfication maintenant, sur le sable, ce sable que je n'avais jamais aime, au fond, pas plus que la poussiere, ou Laura me laissait, jusqu'a la mordre. Et j'ai vu que le gens s'y couchaient, dans ce sable, que n'etait plus que poussiere, maintenant, et je me suis dit je suis comme eux, a cette difference pres qu'ils sont beaucoup plus forts, eux. Parce qu'ils s'entrainen, en fait. A y retourner, donc. A la poussiere, oui. Je pensais ca aussi parce que je me sentais mort, bien sur, mais tout de meme. Et je le pensais encore parce que j n'etais pas pret, moi. Je me sentais mort depuis deux minutes, seulement. Mort, mais supris.
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Christian Oster (Une femme de ménage)
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L'objectivitĂ©, vĂ©cue dans ce rĂȘve et dans ces visions, relĂšve de l'individuation accomplie. Elle est dĂ©tachement des jugements de valeur et de ce que nous dĂ©signons par attachement affectif. En gĂ©nĂ©ral, l'homme attribue une grande importance Ă cet attachement affectif. Or, celui-ci renferme toujours des projections et ce sont celles-ci qu'il s'agit de retirer et de rĂ©cupĂ©rer, pour parvenir Ă soi-mĂȘme et Ă l'objectivitĂ©. Les relations affectives sont des relations de dĂ©sir et d'exigences, alourdies par des contraintes et des servitudes : on attend quelque chose de l'autre, ce par quoi cet autre et soi-mĂȘme perdent leur libertĂ©. La connaissance objective se situe au-delĂ des intrications affectives, elle semble ĂȘtre le mystĂšre central. Elle seule rend possible la vĂ©ritable conjuctio*.
* Ces pensée de Jung soulÚvent beaucoup de problÚmes et il faut éviter les malentendus, surtout de la part des lecteurs jeunes.
La vie affective est d'importance ! Le fin du fin de la sagesse n'est pas du tout une maniÚre d'indifférence, indifférence qui, à des phases plus juvéniles de la vie, caractérise au contraire certaines maladies mentales. C'est à force d'indifférence et d'inaffectivité que le malade schizophrÚne, par exemple, se trouve coupé de la vie et du monde.
Ce que Jung veut dire, c'est qu'il s'agit, aprĂšs avoir vĂ©cu les liens affectifs dans leur plĂ©nitude, de les laisser Ă©voluer vers une sĂ©rĂ©nitĂ©, voire un dĂ©tachement. Car les liens affectifs ayant rempli leurs bons offices d'insertion au monde, et ayant fait leurs temps, comportent pour tous les partenaires, par leur maturitĂ© mĂȘme, d'ĂȘtre dĂ©passĂ©s.
Jung parle ici en tant qu'homme de grand ùge, d'expérience, de sagesse humaine, qui, en tant que tel, s'est détaché de ce que l'affectivité comporte nécessairement de subjectif et de contraignant.
Sand doute avait-il atteint, lorsqu'il écrivit ces pages, à travers son individuation à ce que nous appelons pour notre compte la "simplicité de retour". (Dr Roland Cahen)
p. 467
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C.G. Jung (Memories, Dreams, Reflections)
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Quand elle Ă©tait petite, elle voulait mâĂ©pouser. JâĂ©tais son prince charmant. AnnĂ©e aprĂšs annĂ©e, jâavais bien vu dans son regard que le mythe sâĂ©tait Ă©parpillĂ© dans les affres de la rĂ©alitĂ©. JâĂ©tais tombĂ© de mon piĂ©destal et, si je ne cherchais pas Ă mentir sur qui jâĂ©tais, jâavais toujours eu envie quâelle me voie au meilleur de ma forme. Au fond, je pouvais dire que nous nâavions jamais rĂ©ellement eu une relation saine. La preuve : cette incapacitĂ© physique dâaller voir son appartement, ce lieu oĂč elle vivait en femme. Il faudrait des siĂšcles pour admettre que nos enfants sont devenus adultes. On dit souvent quâil est difficile de vieillir ; moi, je pourrais vieillir indĂ©finiment du moment que mes enfants, eux, ne grandiraient pas. Je ne sais pas pourquoi jâĂ©prouvais tant de difficultĂ©s Ă vivre cette transition que tout parent connaĂźt. Je nâavais pas lâimpression quâautour de moi les gens avaient les mĂȘmes. Pire, jâentendais des parents soulagĂ©s du dĂ©part de leurs enfants. Enfin, ils allaient retrouver la libertĂ©, disaient-ils. Il y avait ce film oĂč le garçon, Tanguy, sâĂ©ternisait chez ses parents, prolongeant sans cesse ses Ă©tudes. Le mien Ă©tait parti Ă lâautre bout du monde dĂšs ses dix-huit ans. Câest toujours comme ça : ceux qui veulent se dĂ©barrasser de leurs enfants hĂ©ritent de boulets, tandis que ceux qui veulent couver Ă loisir leur progĂ©niture se retrouvent avec des prĂ©coces de lâautonomie. Mon fils me manquait atrocement. Et je ne supportais plus dâĂ©changer avec lui des messages par Skype, ou par e-mails. Dâailleurs, ces messages et ces moments virtuels Ă©taient de plus en plus courts. Nous nâavions rien Ă nous dire. Lâamour entre un parent et un enfant nâest pas dans les mots, pas dans la discussion. Ce que jâaimais, câĂ©tait simplement que mon fils soit lĂ , Ă la maison. On pouvait ne pas se parler de la journĂ©e, ce nâĂ©tait pas grave, je sentais sa prĂ©sence, ça me suffisait. Ătais-je si tordu ? Je ne sais pas. Je ne peux quâessayer de mettre des mots sur mes sentiments. Et je peux affirmer maintenant ce que je sais depuis le dĂ©but : je vis mal la sĂ©paration avec mes enfants. Elle me paraĂźt normale, justifiĂ©e, humaine, biologique, tout ce que vous voulez, pourtant elle me fait mal.
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David Foenkinos (Je vais mieux)
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La diffĂ©rence entre la psychologie moderne et la psychologie sacrĂ©e apparaĂźt dĂ©jĂ dans le fait que, pour la plupart des psychologues modernes, la morale n'a plus rien Ă faire avec la psychologie. GĂ©nĂ©ralement, ils rĂ©duisent l'Ă©thique Ă la morale sociale, plus ou moins forgĂ©e par de simples habitudes et la considĂšrent comme une sorte de barrage psychique, utile Ă l'occasion, mais le plus souvent contraignant, voire nĂ©faste, pour l'Ă©panouissement « normale » de la psychĂš individuelle. Cette conception a surtout Ă©tĂ© propagĂ©e par la psychanalyse freudienne, qui, comme on le sait, est devenu d'un usage courant dans certains pays, oĂč elle joue pratiquement le rĂŽle qui revient ailleurs au sacrement de la confession. Le psychiatre remplace le prĂȘtre et l'Ă©clatement des instincts refoulĂ©s sert d'absolution. Dans la confession sacramentelle, le prĂȘtre n'est que le reprĂ©sentant impersonnel â et donc tenu au secret â de la VĂ©ritĂ© divine, qui Ă la fois juge et pardonne ; en confessant ses fautes, le pĂ©cheur transforme les tendances qui les sous-tendent en quelque chose qui n'est plus « lui-mĂȘme » ; il les « objectivise » ; en se repentant, il s'en dĂ©tache, et en recevant l'absolution, son Ăąme retrouve son Ă©quilibre initial, centrĂ© sur son axe divin. Dans le cas de la psychanalyse freudienne, en revanche (1), l'homme met Ă nu ses entrailles psychiques non pas devant Dieu, mais devant son prochain ; il ne prend pas de recul par rapport aux fonds chaotiques et obscurs de son Ăąme que l'analyse lui dĂ©voile, mais au contraire se les approprie, puisqu'il doit se dire Ă lui-mĂȘme : « C'est ainsi que je suis fait en rĂ©alitĂ© ». Et s'il ne parvient pas Ă surmonter cette dĂ©sillusion avilissante grĂące Ă quelque influence salutaire, il en conserve comme une souillure intĂ©rieure. Dans la plupart des cas, il tente de se sauver en se plongeant dans la mĂ©diocritĂ© psychique du plus grand nombre, car on supporte mieux son propre avilissement en le partageant avec autrui. Quelle que puisse ĂȘtre l'utilitĂ© occasionnelle et partielle d'une telle analyse, son rĂ©sultat est gĂ©nĂ©ralement celui-lĂ , Ă©tant donnĂ© les prĂ©misses dont elle part.(2)
(1) Cette prĂ©cision est nĂ©cessaire dans la mesure oĂč il existe Ă©galement aujourd'hui des formes plus inoffensives de psychanalyse, ce qui ne veut pas dire que nous entendons par lĂ justifier une forme quelconque de psychanalyse.
(2) Il y a une rĂšgle selon laquelle quiconque pratique la psychanalyse doit auparavant avoir subi lui-mĂȘme la psychanalyse. D'oĂč la question de savoir qui a inaugurĂ© cette sĂ©rie, qui imite Ă©trangement la « succession apostolique ».
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Titus Burckhardt (Science moderne et Sagesse traditionnelle)
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les jours passent vite alors quâon aurait pu croire le contraire lorsquâon est lĂ , assis, Ă attendre je ne sais quoi, Ă boire et Ă boire encore jusquâĂ devenir le prisonnier des vertiges, Ă voir la Terre tourner autour dâelle mĂȘme et du Soleil mĂȘme si je nâai jamais cru Ă ces thĂ©ories de merde que je rĂ©pĂ©tais Ă mes Ă©lĂšves lorsque jâĂ©tais encore un homme pareil aux autres, faut vraiment ĂȘtre un illuminĂ© pour dĂ©biter des Ă©normitĂ©s de ce genre parce que moi, Ă vrai dire, quand je bois mon pot,quand je suis assis peinard Ă lâentrĂ©e du CrĂ©dit a voyagĂ©, je ne rĂ©alise pas que la Terre que je vois lĂ puisse ĂȘtre ronde, quâelle puisse sâamuser Ă tourner au tour dâelle-mĂȘme et autour du Soleil comme si elle nâavait rien dâautre Ă foutre que de se causer des vertiges dâavion Ă papier, quâon me dĂ©montre donc Ă quel moment elle tourne autour dâelle-mĂȘme, Ă quel moment elle arrive Ă tourner autour du Soleil, faut ĂȘtre rĂ©aliste, voyons, ne mous laissons pas embobiner par ces penseurs qui devaient se raser Ă lâaide dâun vulgaire silex ou dâune pierre maladroitement taillĂ©e pendant que les plus modernes dâentre eux utilisaient de la pierre polie, en fait, grosso modo, si je devais analyser tout ça de trĂšs prĂšs, je dirais quâon distinguait jadis deux grandes catĂ©gories de penseurs, dâun cĂŽtĂ© y avait ceux qui pĂ©taient dans les baignoires pour crier Ă plusieurs reprises « jâai trouvĂ© , jâai trouvĂ© », mais quâest-ce quâon en a foutre quâils aient trouvĂ©, ils nâavaient quâĂ garder leur dĂ©couverte pour eux, moi jâai eu Ă mâimmerger quelques fois dans la riviĂšre Tchinouka qui a emportĂ© ma pauvre mĂšre, je nâai rien trouvĂ© de spectaculaire dans ces eaux grises oĂč tout corps quâon y plonge ne subit mĂȘme pas la fameuse poussĂ©e verticale de bas en haut, câest dâailleurs pour cela que toute la merde de notre quartier Trois â cents est tapie au fond des eaux, quâon me dise alors comment cette merde arrive Ă Ă©chapper Ă la poussĂ©e dâArchimerde, et puis y avait la deuxiĂšme grande catĂ©gorie dâilluminĂ©s qui nâĂ©taient que des oisifs, des vrais fainĂ©ants, ils Ă©taient toujours assis sous un pommier du coin et attendaient de recevoir des pommes sur la tĂȘte pour une histoire dâattraction ou de pesanteur, moi je suis contre ces idĂ©es reçues, et je dis que la Terre est plate comme lâavenue de lâindĂ©pendance qui passe devant Le CrĂ©dit a voyagĂ©, y a rien a rajouter, je proclame que la Terre est tristement immobile, que câest le Soleil qui sâexcite autour de nous parce que je le vois moi-mĂȘme parader au dessus de la toiture de mon bar prĂ©fĂ©rĂ©, quâon ne me raconte pas dâhistoire Ă dormir debout, et le premier qui vient encore mâexpliquer que la Terre est ronde, quâelle tourne autour dâelle âmĂȘme et autour du Soleil, celui lĂ je le dĂ©capite sur le champ, mĂȘme sâil sâĂ©crie « et pourtant elle tourne »
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Alain Mabanckou (Broken Glass)
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Vous savez, Madame, que jâajoute un grand prix Ă lâĂ©tude des nuances quâil y a entre le caractĂšre des difĂ©rentes nations, et je crois pouvoir dĂ©montrer un jour quâĂ moins de nâen venirjusque lĂ , jusquâĂ dĂ©velopper le caractĂšre de chaque nation, je dirais mĂȘme de chaque peuplade dâaprĂšs ses nuances individuelles, on travaillera toujours en vain tant en morale, quâen politique. On sâoccupe beaucoup trop peu de lâhomme et beaucoup trop des ouvrages quâil fait et des institutions qui doivent le diriger, et on nĂ©glige surtout de lâĂ©tudier dans lâensemble de son individu. Câest lĂ surtout ce qui rend, ce me semble, la philosophie en France si vague et la poĂ©sie pour la plupart aussi froide et peu intĂ©ressante. Tout ce qui ne consiste quâen gĂ©nĂ©ralitĂ©s, tou- jours abstraites, ne saurait all au cĆur ni ĂȘtre appliquĂ© avec fruit Ă la vie sociale. Câest encore lĂ pourquoi le systĂšme de la perfectibilitĂ© trouve plus dâadversaires en France quâen nul autre pays. Car ce systĂšme, comme vous lâavez si bien dĂ©montrĂ©, ne se fonde que sur ce que le dĂ©veloppe- ment des facultĂ©s de lâhomme ne connait aucunes bornes que lâhomme lui-mĂȘme pĂ»t leur as- signer. On ne peut le combattre quâen sâattachant aux choses, aux ouvrages quâil produit. On part de lâidĂ©e dĂ©terminĂ©e et circonscrite quâon sâest formĂ© de ces ouvrages et il est aisĂ© de dire pour lors quâil serait impossible dâaller plus loin. Il est si facile de voir les rĂ©sultats heureux que produit la difĂ©rence entre le gĂ©nie et le caractĂšre des individus comme des nations; on nâa quâĂ comparer la littĂ©rature français et allemande pour sâen convaincre. NĂ©anmoins on voudrait se priver de ces mĂȘmes avantages et au lieu de cultiver, de dĂ©velopper et de purifier la sociĂ©tĂ© des caractĂšres, on voudrait lâannuler, et nâĂ©tablir partout quâune mĂȘme maniĂšre de voir, de penser et de sâĂ©noncer. On ne voit donc quâil doit nĂ©cessairement chercher de nouveaux idiomes puisquâil entrevoit toujours des idĂ©es que ceux quâil connait, nâexpriment quâimparfaitement.
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Wilhelm von Humboldt
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Les croyances dogmatiques sont plus ou moins nombreuses, suivant les temps. Elles naissent de diffĂ©rentes maniĂšres, et peuvent changer de forme et d'objet; mais on ne saurait faire qu'il n'y ait pas de croyances dogmatiques, c'est-Ă -dire d'opinions que les hommes reçoivent de confiance et sans les discuter. Si chacun entreprenait lui-mĂȘme de former toutes ses opinions et de poursuivre isolĂ©ment la vĂ©ritĂ©, dans des chemins frayĂ©s par lui seul, il n'est pas probable qu'un grand nombre d'hommes dĂ»t jamais se rĂ©unir dans aucune croyance commune. Or, il est facile de voir qu'il n'y a pas de sociĂ©tĂ© qui puisse prospĂ©rer sans croyances semblables, ou plutĂŽt il n'y en a point qui subsistent ainsi; car, sans idĂ©es communes, il n'y a pas d'action commune, et, sans action commune, il existe encore des hommes, mais non un corps social.
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Alexis de Tocqueville (De La DĂ©mocratie En AmĂ©rique (INCLUANT TOUS LES TOMES, ANNOTĂ DâUNE BIOGRAPHIE))
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Utiliser son sac avec grace, c'est comme manger avec elegance, marcher avec prestance ou saisir un verre de champagne avec classe.
La beaute se definit en general par la sobriete et l'economie des moyens, par l'adaptation des formes a leur fin, des formes simples, pures et primaires.
Investir dans un sac de qualite, c'est non seulement se faire plaisir mais aussi se revolter contre la mediocrite et la consommation de masse grandissante qui peu a peu detruisent notre culture, notre civilisation et nos sens. Acheter de la qualite, c'est encourager une autre forme de commerce, respecter ce que nous possedons, vivre avec la lenteur d'un cuir qui se patine et pratiquer la simplicite: ne pas toujours chercher a acquerir plus tout en se contentant de ce que l'on a.
Mon conseil est donc celui-ci: ne regardez pas les sacs exposes dans les magasins pour choisir un modele mais ceux portes par les femmes, dans la rue. C'est la meilleure facon de voir comment le cuir se drappe, la forme se bombe, la matiere se patine et s'ils ont, visuellement, une belle architecture une fois portes.
L'argent devrait etre utilise pour vivre dans la qualite, y compris la qualite esthetique. Les belles choses apportent une joie durable.
Le choix d'un sac pour longtemps ne serait-il pas le besoin d'une certaine forme de stabilite, d'harmonie et de confort dans ses besoins materiels?
Affirmer son style, c'est exprimer par ses choix ses gouts et ses valeurs. Les exterioriser ensuite par le bon choix de vetements et de sacs est l'etape suivante.
Etre chic, c'est savoir resister a la tentation.
Faire des economies ce n'est pas acheter au meilleur prix l'objet convoite, c'est apprendre sereinement a s'en passer.
Le voyage est sans doute la meilleure des situations pour apprecier les bienfaits du minimalisme et s'en inspirer pour l'appliquer au quotidien.
Le voyage est l'occasion ideale de "refaire son bagage", c'est-a-dire de repenser la facon dont on vit sa vie et de l'ameliorer. On a tout son temps, en voyage, pour penser, reflechir a ce qui fait le "sel de la vie".
C'est sur la route qu'on apprend a se passer du superflu: pas de television, de distractions, de consommation et de shopping. La vie est simplifiee au profit de la mobilite. On a egalement plus de temps pour soi-meme et/ou les rencontres.
En voyage, on devient, comme le prescrit le zen, prepare a toutes les eventualites de la vie.
le voyage est un retour vers l'essentiel. Proverbe tibetain
Vivre avec peu est comme une invitation au voyage, a un vol interieur qui libere du reel et du poids de l'existence.
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Dominique Loreau (Mon sac, reflet de mon Ăąme. L'art de choisir, ranger et vider son sac (French Edition))
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Et pourtant je suis un homme. C'est ça que je voulais te dire : avant d'ĂȘtre un homme ou une femme, homo ou hĂ©tĂ©ro, on est une personne. Fort ou faible, dominant ou dominĂ©, ça a souvent Ă voir avec ce qu'on a entre les jambes, mais pas que. C'est pour ça que j'aime Bowie, regarde, il bouscule tous les codes : masculin et fĂ©minin, il couche avec des hommes, avec des femmes, il rĂ©volutionne la musique, se rĂ©invente chaque fois. Et en mĂȘme temps il ne revendique rien, ne veut pas ĂȘtre un porte-drapeau, ne marche pas pour une cause. C'est pas un modĂšle. Il nous ouvre juste des horizons.
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Jessie Magana (Nos elles déployées)
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mĂ©thodiquement parti de la possibilitĂ© dâune polysĂ©mie voulue qui, avec lâapparition dâun corps dâinterprĂštes professionnels, câest-Ă -dire professionnellement dĂ©terminĂ©s Ă trouver du sens et de la nĂ©cessitĂ©, au prix dâun travail dâinterprĂ©tation ou de surinterprĂ©tation, sâest trouvĂ©e inscrite dans le champ mĂȘme et, par lĂ , dans lâintention crĂ©atrice des producteurs. On comprend quâon ait pu dire de Duchamp quâil est « le seul peintre Ă sâĂȘtre fait une place dans le monde de lâart autant par ce quâil nâa pas fait que par ce quâil a fait52 » : le refus de peindre (marquĂ© par la retraite aprĂšs lâinachĂšvement du Grand Verre, en 1923) devient ainsi, au titre dâactualisation du refus dada de sĂ©parer lâart de la vie, un acte artistique, voire lâacte artistique suprĂȘme, semblable dans son ordre au silence contemplatif du berger de lâĂtre heideggĂ©rien.
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Pierre Bourdieu (Les RÚgles de l'art. GenÚse et structure du champ littéraire (LIBRE EXAMEN) (French Edition))
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Alors qu'il vivait dans la peur et l'angoisse de perdre la mĂ©moire, tout ce qu'il voulait, c'Ă©tait que Mme KĂŽtake continue d'ĂȘtre une Ă©pouse avec lui. Ses pensĂ©es Ă©taient constamment tournĂ©es vers elle. MĂȘme si sa mĂ©moire disparaissait. VoilĂ pourquoi il parcourait toujours des magazines de voyages.
Mme KĂŽtake avait remarquĂ© un jour qu'il avait entourĂ© les noms des lieux oĂč ils Ă©taient allĂ©s voir des jardins. Sur le moment, elle avait attribuĂ© ça Ă la persistance de son amour pour son mĂ©tier de paysagiste. Mais elle Ă©tait loin du compte. Il avait entourĂ© tous les lieux oĂč ils s'Ă©taient rendus ensemble. Et dire qu'elle ne l'avait pas compris. En prenant ces notes, M. Fusagi luttait pour ne pas oublier sa femme.
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Toshikazu Kawaguchi (Before the Coffee Gets Cold (Before the Coffee Gets Cold, #1))
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Ma mĂšre Ă©crivait, vous pourriez venir vous reposer Ă la maison, n'osant pas dire de venir les voir pour eux-mĂȘmes.
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Annie Ernaux (La place)
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Si nous partons du postulat que les hommes sont Ă Ă©duquer, nous pouvons aussi bien dire que, manquant d'Ă©ducation, voire d'humanisme, il conviendrait de ne pas leur laisser les rĂȘnes du commandement de la chose publique.
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Calixthe Beyala (Lettre d'une africaine Ă ses sĆurs occidentales)
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Câest exactement ça que je veux. On croirait que tu lis dans mes pensĂ©es. Peux-tu me dire ce que je pense lĂ Â ? â « Va te faire voir » ? â Bien jouĂ©.
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Joanna Bolouri (Comment ne pas faire pitié à Noël quand on est célibataire)
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J'extrais de la "pochette de la honte" une serviette sanitaire emballĂ©e. Ăa a l'air d'un petit hamburger vĂ©gĂ© que quelqu'un aurait pris pour emporter. Je retourne Ă mon poste dans la cabine adjacente Ă celle de Sab, juchĂ©e sur la lunette de la toilette pour la voir. Je lui tends le petit hamburger vĂ©gĂ©. Sab le regarde comme si je venais de lui donner un paquet de viande hachĂ©e par cuite et que je la forçais Ă cuisiner ça drette lĂ .
- T'es tu sérieuse?
- Quoi?
- Ben lĂ , c'est...
Sab dĂ©plie la serviette sanitaire devant moi. Ăa a l'air d'un sac de couchage pour chat. Pour un gros chat, mĂȘme. On reste un moment sans rien dire, puis on Ă©clate de rire.
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Carolanne Foucher (Ma premiĂšre fois - Huit nouvelles pour changer les rĂšgles:)
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Je sais papa que tu as fait ce que tu pouvais. Tu m'as aimĂ© Ă ta maniĂšre, mĂȘme si au fond de moi je pensais que tu irais voir cette ordure, que tu me dĂ©fendrais comme tous les papas du monde.
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Camille Lellouche (Tout te dire)
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Le totalitarisme contient une promesse de plenitude, de vie harmonieuse et de bonheur. Il est vrai qu'il ne la tient pas, mais la promesse reste la et on peut toujours se dire que la prochaine fois sera la bonne et qu'on sera sauve. La democratie liberale ne comporte pas de promesse semblable; elle s'engage seulement a permettre a chacun de chercher par soi-meme bonheur, harmonie et plenitude.
Il y a une arrogance de la raison, insupportable a l'individu, de se voir depossede de son passe et du sens qu'il lui accordait, au nom de considerations qui lui sont etrangeres.
Coupes de nos traditions et abrutis par les exigences d'une societe des loisirs, depourvus de curiosite spirituelle comme de familiarite avec les grandes oeuvres du passe, nous serios condamnes a la vanite de l'instant et au crime de l'oubli.
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Tzvetan Todorov (Memoria del mal, tentaciĂłn del bien (Spanish Edition))
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câest nâest pas juste que je doive rester Ă la maison comme une reclus
alors que tu sors tâamuser.
câest nâest pas juste que je me sente comme de la merde pendant que ta confiance ne cesse dâaugmenter.
parce que quâest-ce que jâavais fais de mal Ă part ne pas toujours ĂȘtre dâaccord avec toi
quâest-ce que jâavais fais de si mal quand mon coeur ne battait que pour toi
peut ĂȘtre que je tâai aimĂ©e trop fort et que tu en as eu marre
ou peut ĂȘtre que jâĂ©tais trop stupide pour voir que notre amitiĂ© sâen allait quelque part
parce que mĂȘme si on me rĂ©pĂ©tait des milliers de fois que câĂ©tait terminĂ©, je nâarrivais pas Ă y croire.
car jâĂ©tais certaine que si câĂ©tait la vĂ©ritĂ©, tu arriverais bien plus vite que moi Ă effacer notre histoire.
et ça me rends folle, folle, folle que tu mâaie oubliĂ©e si vite.
ça me rends folle, folle, folle que maintenant tu ai une tout autre vie.
parce que si les gens disent que le changement est bien.
le tien je ne peux lâaccepter.
mon coeur ne fait que se serrer, parce que oui tu as changée.
eh bien tu sais quoi, quâimporte le changement, je ne retiens que ta cruautĂ©.
oh, et les gens mâappelleront Ă©goĂŻste parce que jâai dĂ©cidĂ© de te haĂŻr.
parce que lâamour est bien plus fort Ă©videmment et je ne suis sensĂ©e rien ressentir.
parce que si je tâaime, je dois te souhaiter le meilleur.
je tâaime, oui, mais nâai je pas aussi le droit au bonheur  ?
je pleure encore dans mon lit en pensant Ă toi,
Ă ton odeur de lys et ton rire de grosse voix.
je nâai plus le droit de tâaimer
je nâai plus le droit de rien
je dois tout laisser tomber
comme si je nâĂ©tais quâun grain
et pourtant, dieu seul sait Ă quel point tu me manques
un coeur meurtri, une volonté de néant
tout est terminé à présent, je me dois de tourner la page.
peut-ĂȘtre que tout sâen ira, comme si cela avait Ă©tĂ© un mirage.
je ne te souhaite pas de paix.
je ne te souhaite rien.
vis comme tu lâĂ©tais, et je reprendrais le train .
lâarrĂȘt Ă Ă©tĂ© long oui, je dois te lâavouer.
mais il est hors de question que je mâarrĂȘte pour mâagenouiller.
ce sera difficile, je te lâaccorde,
mais je remets tout en ordre.
jâaimerais te dire que tu as Ă©tĂ© une bonne expĂ©rience,
mais en vĂ©ritĂ© tu nâas Ă©tĂ© que nuisance.
il est temps pour moi de me retrouver,
et dâenfin abandonner ce qui ne mâa jamais aimĂ©.
au revoir, jeune fille blonde,
nous nous retrouverons peut-ĂȘtre dans un autre monde.
je ne fus pas heureuse de te rencontrer,
à vrai dire, maintenant, tu as à peine existé.
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emrulis
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Mais Jackie pouvait aller se faire voir cette fois. Je me dévoierais plus. J'avais droit à une seconde chance et j'allais pas la gùcher à cause de sa jalousie maladive.
Elle Ă©tait si imprĂ©visible, on aurait dit qu'elle avait ses ragnagnas en permanence. Tu vois ce que je veux dire, cette pĂ©riode du mois oĂč tu sais jamais sur quel pied danser avec les meufs. Un moment, elles te disent que t'es top et celui d'aprĂšs elles t'arrachent la tĂȘte ! Mais je me laisserais pas faire, je lĂącherais pas l'affaire, j'allais lui courir aprĂšs.
AprĂšs tout j'avais couru aprĂšs tout ce que j'avais voulu dans la vie et je l'avais obtenu. Or je voulais Jackie.
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Neville Thompson (Jackie loves Johnser OK?)
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Le client fait non seulement partie intégrante de l'usine mais il a une fantastique transcendance vis-à -vis d'elle puisqu'il peut lui rester fidÚle ou, au contraire, aller voir ailleurs dÚs qu'il le souhaite. Le client n'a rien à voir avec le contribuable. J'ai envie de dire que l'usine est comme un verbe dont le sujet est le client.
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François Michelin (Et pourquoi pas? (French Edition))
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How can you say one thing when your data shows something else. One doesn't know what was on the authors' minds and maybe they interpreted things differently but the sense is that the literature maintains an attitude somewhat like the approach of lawyers. If the jury buys it, it doesn't matter whether or not it's true. In scientific publishing, the jury are the reviewers and the editors. If they are already convinced of the conclusion, if there is no voir dire, you will surely win the case.
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Richard David Feinman (The World Turned Upside Down: The Second Low-Carbohydrate Revolution)
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[...] DâemblĂ©e, nous avons parlĂ© de la Marche Verte annoncĂ©e quelques heures plus tĂŽt. Il ne cachait pas sa colĂšre sans lâextĂ©rioriser brutalement. Il restait trĂšs maĂźtre de lui jusquâĂ ce quâĂ lâĂ©cran apparaissent les images du roi Hassan II prononçant un discours.
LĂ , le visage de Boumediene sâest mĂ©tamorphosĂ©. Un mĂ©lange de sourire nerveux et de fureur crispait son visage. Un moment, le roi parle de lâAlgĂ©rie sur un ton conciliant et amical. Le PrĂ©sident lui lance, en arabe, une injure et, Ă ma stupeur, il avance son bras droit et dĂ©livre un magistral bras dâhonneur. Tel un voyou de Bab el Oued. Le PrĂ©sident austĂšre qui se donnait Ă voir quelques instants plus tĂŽt avait disparu. Jâavais devant moi un autre homme. Un jeune garnement des rues prĂȘt Ă tout.
Il sâest levĂ© de son fauteuil et sâest mis Ă sautiller de façon Ă©trange. Un peu hystĂ©rique. Je ne saurais dire sâil sautait de joie ou de colĂšre, mais, je le revois trĂšs bien, il a bondi Ă plusieurs reprises. Il trĂ©pignait, comme sâil avait perdu le contrĂŽle de son personnage. Les insultes contre Hassan II pleuvaient. JâĂ©tais stupĂ©fait. Jamais je nâavais vu un chef dâEtat dans cet Ă©tat. Ce nâĂ©tait quâun torrent dâinvectives Ă un niveau insoutenable de grossiĂšretĂ©, dâobscĂ©nitĂ©, de vulgaritĂ©. Sans transition, ont suivi les menaces. Hassan II ne lâemportera pas au paradis. Il ne sait pas ce qui lâattend. LâAlgĂ©rie ne se fera pas rouler dans la farine.
J'étais d'autant plus abasourdi que l'affaire du Sahara trainait depuis longtemps. Les revendications du Maroc dataient de Mohamed V qui entendait affirmer sa souveraineté non seulement sur le Sahara Occidental mais sur la Mauritanie tout entiÚre. Je n'oubliais pas, et Boumediene non plus, la défaite de l'Algérie pendant la guerre des sables d'octobre 1963. On sentait le goût de la revanche, le besoin d'effacer de mauvais souvenirs. Je n'ai plus souvenir des termes exacts mais l'idée était bien celle d'une riposte qui fera regrette à l'agresseur ses rodomontades. L'algérie ne se laissera pas marcher sur les pieds. Elle rétorquera de tous ses moyens et on verra ce qu'on verra
[19 Juillet 2013]
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Jean Daniel
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Je vous propose alors une idĂ©e militante. Il serait trĂšs juste dâorganiser une vaste manifestation pour une alliance des jeunes et des vieux, Ă vrai dire dirigĂ©e contre les adultes dâaujourdâhui. Les plus rebelles des moins de trente ans et les plus coriaces des plus de soixante contre les quadras et les quinquas bien installĂ©s. Les jeunes diraient quâils en ont assez dâĂȘtre errants, dĂ©sorientĂ©s, et interminablement dĂ©pourvus de toute marque de leur existence positive. Ils diraient aussi quâil nâest pas bon que les adultes fassent semblant dâĂȘtre Ă©ternellement jeunes. Les vieux diraient quâils en ont assez de payer leur dĂ©valorisation, leur sortie de lâimage traditionnelle du vieux sage, par une mise Ă la casse, une dĂ©portation dans des mouroirs mĂ©dicalisĂ©s, et leur totale absence de visibilitĂ© sociale. Ce serait trĂšs nouveau, trĂšs important, cette manifestation mixte ! Jâai du reste vu, durant mes nombreux voyages dans le monde entier, pas mal de confĂ©rences, pas mal de situations oĂč le public se composait dâun noyau de vieux briscards, de vieux rescapĂ©s, comme moi, des grands combats des sixties et des seventies, et puis dâune masse de jeunes qui venaient voir si le philosophe avait quelque chose Ă dire concernant lâorientation de leur existence et la possibilitĂ© dâune vraie vie. Jâai donc vu, partout dans le monde, lâesquisse de lâalliance dont je vous parle. Comme Ă saute-mouton, la jeunesse semble devoir sauter aujourdâhui par-dessus lâĂąge dominant, celui qui va en gros de trente-cinq Ă soixante-cinq ans, pour constituer avec le petit noyau des vieux rĂ©voltĂ©s, des non-rĂ©signĂ©s, lâalliance des jeunes dĂ©sorientĂ©s et des vieux baroudeurs de lâexistence. Ensemble, nous imposerions que soit ouvert le chemin de la vraie vie.
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Alain Badiou (La vraie vie : Appel Ă la corruption de la jeunesse)
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Je suis pourtant convaincu que la force de persuasion de la secte chrĂ©tienne tenait en grande partie Ă sa capacitĂ© d'inspirer des gestes sidĂ©rants, des gestes - et pas seulement des paroles - qui allaient Ă l'inverse du comportement humain normal. Les hommes sont ainsi faits qu'ils veulent - pour les meilleurs d'entre eux, ce n'est dĂ©jĂ pas rien - du bien Ă leurs amis et, tous, du mal Ă leurs ennemis. Qu'ils aiment mieux ĂȘtre forts que faibles, riches que pauvres, grands que petits, dominants plutĂŽt que dominĂ©s. C'est ainsi, c'est normal, personne n'a jamais dit que c'Ă©tait mal. La sagesse grecque ne le dit pas, la piĂ©tĂ© juive non plus. Or voici que des hommes non seulement disent mais font exactement le contraire. D'abord on ne comprend pas, on ne voit pas l'intĂ©rĂȘt de cette extravagante inversion des valeurs. Et puis on commence Ă comprendre. On commence Ă voir l'intĂ©rĂȘt, c'est-Ă -dire la joie, la force, l'intensitĂ© de vie qu'ils tirent de cette conduite en apparence aberrante. Et alors on n'a plus qu'un dĂ©sir, c'est de faire comme eux. (p. 204)
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Emmanuel CarrĂšre (Le Royaume)
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L'erreur est souvent mal interprétée. Lorsqu'un enfant se trompe, il se dit facilement : "Je suis nul, je n'y arrive pas, mes copains vont le voir", alors qu'il serait plus juste qu'il se dire : "Je me suis trompée⊠C'est normal puisque je suis en train d'apprendre. Pourquoi est-ce que ne j'y arrive pas ? Comment pourrais-je procéder autrement ?" (p. 46)
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Isabelle Peloux (L'école du Colibri: La pédagogie de la coopération (Domaine du possible) (French Edition))
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Mais ils dormaient dĂ©jĂ , en vĂ©ritĂ©, et tout ce temps ne fut qu'un long sommeil. La ville Ă©tait peuplĂ©e de dormeurs Ă©veillĂ©s qui n'Ă©chappaient rĂ©ellement Ă leur sort que ces rares fois oĂč, dans la nuit, leur blessure apparemment fermĂ©e se rouvrait brusquement. Et rĂ©veillĂ©s en sursaut, ils en tĂątaient alors, avec une sorte de distraction, les lĂšvres irritĂ©es, retrouvant en un Ă©clair leur souffrance, soudain rajeunie, et, avec elle, le visage bouleversĂ© de leur amour. Au matin, ils revenaient au flĂ©au, c'est-Ă -dire Ă la routine.
Mais de quoi, dira-t-on, ces sĂ©parĂ©s avaient-ils l'air ? Eh bien, cela est simple, ils n'avaient l'air de rien. Ou, si on prĂ©fĂšre, ils avaient l'air de tout le monde, un air tout Ă fait gĂ©nĂ©ral. Ils partageaient la placiditĂ©, et les agitations puĂ©riles de la citĂ©. Ils perdaient les apparences du sens critique, tout en gagnant les apparences du sang-froid. On pouvait voir, par exemple, les plus intelligents d'entre eux faire mine de chercher comme tout le monde dans les journaux, ou bien dans les Ă©missions radiophoniques, des raisons de croire Ă une fin rapide de la peste, et concevoir apparemment des espoirs chimĂ©riques, ou Ă©prouver des craintes sans fondement, Ă la lecture de considĂ©rations qu'un journaliste avait Ă©crites un peu au hasard, en bĂąillant d'ennui. Pour le reste, ils buvaient leur biĂšre ou soignaient leurs malades, paressaient ou s'Ă©puisaient, classaient des fiches ou faisaient tourner des disques sans se distinguer autrement les uns des autres. Autrement dit, ils ne choisissaient plus rien. La peste avait supprimĂ© les jugements de valeur. Et cela se voyait Ă la façon dont personne ne s'occupait plus de la qualitĂ© des vĂȘtements ou des aliments qu'on achetait. On acceptait tout en bloc.
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Albert Camus (The Plague)
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Dans son rapport inaugural, le Forum, Ă propos de la mondialisation qu'il a symbolisĂ©e sous ses formes les plus conquĂ©rantes et sĂ»res d'elles-mĂȘmes, Ă©voque avec un sens exquis de l'euphĂ©misme "un risque de dĂ©sillusion". Mais dans les conversations, c'est autre chose. DĂ©sillusion ? Crise ? InĂ©galitĂ©s ? D'accord, si vous y tenez, mais enfin, comme nous le dit le trĂšs cordial et chaleureux PDG de la banque amĂ©ricaine Western Union, soyons clairs : si on ne paie pas les leaders comme ils le mĂ©ritent, ils s'en iront voir ailleurs. Et puis, capitalisme, ça veut dire quoi ? Si vous avez 100 dollars d'Ă©conomies et que vous les mettez Ă la banque en espĂ©rant en avoir bientĂŽt 105, vous ĂȘtes un capitaliste, ni plus ni moins que moi. Et plus ces capitalistes comme vous et moi (il a rĂ©ellement dit "comme vous et moi", et mĂȘme si nous gagnons fort dĂ©cemment notre vie, mĂȘme si nous ne connaissons pas le salaire exact du PDG de la Western Union, pour ne rien dire de ses stock-options, ce "comme vous et moi" mĂ©rite Ă notre sens le pompon de la "brĂšve de comptoir" version Davos), plus ces capitalistes comme vous et moi, donc, gagneront d'argent, plus ils en auront Ă donner, pardon Ă redistribuer, aux pauvres. L'idĂ©e ne semble pas effleurer cet homme enthousiaste, et Ă sa façon, gĂ©nĂ©reux, que ce ne serait pas plus mal si les pauvres Ă©taient en mesure d'en gagner eux-mĂȘms et ne dĂ©pendaient pas des bonnes dispositions des riches. Faire le maximum d'argent, et ensuite le maximum de bien, ou pour les plus sophistiquĂ©s faire le maximum de bien en faisant le maximum d'argent, c'est le mantra du Forum, oĂč on n'est pas grand-chose si on n'a pas sa fondation caritative, et c'est mieux que rien, sans doute "(vous voudriez quoi ? Le communisme ?"). Ce qui est moins bien que rien, en revanche, beaucoup moins bien, c'est l'effarante langue de bois dans laquelle ce mantra se dĂ©cline. Ces mots dont tout le monde se gargarise : prĂ©occupation sociĂ©tale, dimension humaine, conscience globale, changement de paradigme⊠De mĂȘme que l'imagerie marxiste se reprĂ©sentait autrefois les capitalistes ventrus, en chapeau haut de forme et suçant avec voluptĂ© le sang du prolĂ©tariat, on a tendance Ă se reprĂ©senter les super-riches et super-puissants rĂ©unis Ă Davos comme des cyniques, Ă l'image de ces traders de Chicago qui, en rĂ©ponse Ă Occupy Wall Street, ont dĂ©ployĂ© au dernier Ă©tage de leur tour une banderole proclamant : "Nous sommes les 1%". Mais ces petits cyniques-lĂ Ă©taient des naĂŻfs, alors que les grands fauves qu'on cĂŽtoie Ă Davos ne semblent, eux, pas cyniques du tout. Ils semblent sincĂšrement convaincus des bienfaits qu'ils apportent au monde, sincĂšrement convaincus que leur ingĂ©nierie financiĂšre et philanthropique (Ă les entendre, c'est pareil) est la seule façon de nĂ©gocier en douceur le fameux changement de paradigme qui est l'autre nom de l'entrĂ©e dans l'Ăąge d'or. Ăa nous a Ă©tonnĂ©s dĂšs le premier jour, le parfum de new age qui baigne ce jamboree de mĂąles dominants en costumes gris. Au second, il devient entĂȘtant, et au troisiĂšme on n'en peut plus, on suffoque dans ce nuage de discours et de slogans tout droit sortis de manuels de dĂ©veloppement personnel et de positive thinking. Alors, bien sĂ»r, on n'avait pas besoin de venir jusqu'ici pour se douter que l'optimisme est d'une pratique plus aisĂ©e aux heureux du monde qu'Ă ses gueux, mais son inflation, sa dĂ©connexion de toute expĂ©rience ordinaire sont ici tels que l'observateur le plus modĂ©rĂ© se retrouve Ă osciller entre, sur le versant idĂ©aliste, une indignation rĂ©volutionnaire, et, sur le versant misanthrope, le sarcasme le plus noir. (p. 439-441)
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Emmanuel CarrĂšre (Il est avantageux d'avoir oĂč aller)
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Mon pĂšre suppliait du regard; il demandait encore une heur, encore quelques minutes, il avait encore quelque chose Ă me dire
-je demande que ton pardon me soit accordé... AprÚs celui qui possÚde mon ame pourra l'emporter ou il veut, dans ses jardin fleuris, dans ses riviÚres paisibles, ou la jeter dans le cratÚre d'un volcan. mais avant, accorde-moi la grùce de l'oublie. c'est cela le pardon, tu es libre à présent.
va-t'en, quitte cette maison maudite, fais des voyages, vis!... vis! ... et ne retourne pas pour voir le désastre que je laisse. oublie et prends le temps de vivre...
oublie cette ville... en cette nuit j'ai su que ton déstin serais meilleurs que celui de toutes les femmes de ce pays.
je suis lucide, je n'invente rien. je vois ton visage auréollé d'une lumiÚre extraordinaire. tu viens de naitre, cette nuit... tu es une femme... laisse ta beauté te guider. il n'y a plus rien à craindre. la nuit du destin te nome Zahra, enfant de l'éternité tu ees le temps qui se maintient dans le versant du silence... sur le sommet du feu ...parmi les arbres... c'est toi que je vois ma fille c'est toi qui me tend la main
Mon pĂšre suppliait du regard; il demandait encore une heur, encore quelques minutes, il avait encore quelque chose Ă me dire
-je demande que ton pardon me soit accordé... AprÚs celui qui possÚde mon ame pourra l'emporter ou il veut, dans ses jardin fleuris, dans ses riviÚres paisibles, ou la jeter dans le cratÚre d'un volcan. mais avant, accorde-moi la grùce de l'oublie. c'est cela le pardon, tu es libre à présent.
va-t'en, quitte cette maison maudite, fais des voyages, vis!... vis! ... et ne retourne pas pour voir le désastre que je laisse. oublie et prends le temps de vivre...
oublie cette ville... en cette nuit j'ai su que ton déstin serais meilleurs que celui de toutes les femmes de ce pays.
je suis lucide, je n'invente rien. je vois ton visage auréollé d'une lumiÚre extraordinaire. tu viens de naitre, cette nuit... tu es une femme... laisse ta beauté te guider. il n'y a plus rien à craindre. la nuit du destin te nome Zahra, enfant de l'éternité tu ees le temps qui se maintient dans le versant du silence... sur le sommet du feu ...parmi les arbres... c'est toi que je vois ma fille c'est toi qui me tend la main
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Tahar Ben Jelloun
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Mon pĂšre suppliait du regard; il demandait encore une heur, encore quelques minutes, il avait encore quelque chose Ă me dire
-je demande que ton pardon me soit accordé... AprÚs celui qui possÚde mon ame pourra l'emporter ou il veut, dans ses jardin fleuris, dans ses riviÚres paisibles, ou la jeter dans le cratÚre d'un volcan. mais avant, accorde-moi la grùce de l'oublie. c'est cela le pardon, tu es libre à présent.
va-t'en, quitte cette maison maudite, fais des voyages, vis!... vis! ... et ne retourne pas pour voir le désastre que je laisse. oublie et prends le temps de vivre...
oublie cette ville... en cette nuit j'ai su que ton déstin serais meilleurs que celui de toutes les femmes de ce pays.
je suis lucide, je n'invente rien. je vois ton visage auréollé d'une lumiÚre extraordinaire. tu viens de naitre, cette nuit... tu es une femme... laisse ta beauté te guider. il n'y a plus rien à craindre. la nuit du destin te nome Zahra, enfant de l'éternité tu ees le temps qui se maintient dans le versant du silence... sur le sommet du feu ...parmi les arbres... c'est toi que je vois ma fille c'est toi qui me tend la main
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Tahar Ben Jelloun (L'enfant de sable / La nuit sacrée)
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La phrase de Brecht : le parti a mille yeux mais l'individu n'en a que deux, est fausse comme toutes les vĂ©ritĂ©s premiĂšres. L'imagination exacte d'un dissident peut voir plus que mille yeux auxquels on a mis les lunettes roses de l'unitĂ© et qui ensuite confondent ce qu'ils perçoivent avec l'universalitĂ© du vrai, et rĂ©gressent. C'est Ă cela que s'oppose l'individuation de la connaissance. De celle-ci, de la diffĂ©renciation, ne dĂ©pend pas seulement la perception de l'objet : elle est tout autant elle-mĂȘme constituĂ©e Ă partir de l'objet qui en elle rĂ©clame pour ainsi dire sa restitutio in integrum. NĂ©anmoins, les modes de rĂ©action subjectifs dont l'objet a besoin ont eux-mĂȘmes besoin d'ĂȘtre incessamment corrigĂ©s sur l'objet. Cela s'accomplit dans l'autorĂ©flexion, ferment de l'expĂ©rience spirituelle. Le processus de l'objectivation philosophique serait, pour l'exprimer mĂ©taphoriquement, vertical, infratemporel, face Ă l'horizontal, abstraitement quantifiant, de la science : c'est lĂ toute la vĂ©ritĂ© de la mĂ©taphysique du temps de Bergson.
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Theodor W. Adorno (Negative Dialectics)
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« En sortant, il trouva son ami devant le rideau en berne d'une libraire.
- Je suis désolé de te l'annoncer mais ce n'est pas la premiÚre librairie qui met la clé sous la porte. Et ça ne sera pas la derniÚre.
- Une librairie qui ferme, Hervé, c'est un phare qui s'éteint, laissant les hommes dériver, s'échouer ou se fracasser contre les récifs d'une époque.
- Tu ne peux pas dire, simplement : " Ăa me fait mal au cĆur de voir cette librairie fermĂ©e? â
- Je pourrais, mais ça ne serait pas suffisant. Gageons qu'un magasin de vĂȘtements va vite prendre sa place, consacrant le triomphe de l'apparence. »
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Erik L'Homme (Le regard des princes Ă minuit)
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Chaque fois que, parlant de mon travail, je versais dans l'ironie et le scepticisme, je pouvais compter sur lui [Hervé] pour me dire, par exemple :
"Tu dis que tu ne crois pas Ă la rĂ©surrection. Mais d'abord tu n'as aucune idĂ©e de ce que cela signifie, la rĂ©surrection. Et puis, en posant d'entrĂ©e cette incroyance, en en faisant un savoir et une supĂ©rioritĂ© sur les gens dont tu parles, tu t'interdis tout accĂšs Ă ce qu'ils Ă©taient et croyaient. MĂ©fie-toi de ce savoir-lĂ . Ne commence pas par te dire que tu en sais plus qu'eux. Efforce-toi d'apprendre auprĂšs d'eux au lieu de leur faire la leçon. Ăa n'a rien Ă voir avec la contrainte mentale consistant Ă essayer de croire quelque chose que tu ne crois pas. Ouvre-toi au mystĂšre, au lieu de l'Ă©carter a priori."
Je protestais, pour la forme. Mais mĂȘme sans croire en Dieu, je lui ai toujours rendu grĂące, Ă lui et Ă notre marraine, d'avoir placĂ© HervĂ© auprĂšs de moi. (p. 392-393)
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Emmanuel CarrĂšre (Le Royaume)
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â Le centre de gravitĂ© de lâEurope va se dĂ©placer. Vers le monde anglo-saxon et, finalement, vers lâAmĂ©rique. Vous voyez bien aujourdâhui comment la francophonie sâĂ©teint Ă petit feu⊠La dĂ©rive nordique Ă©loignera la France de son histoire originelle, de sa parentĂ© affective, la MĂ©diterranĂ©e â mare nostrum.
JâĂ©tais fascinĂ© par sa vaste culture et son sens de lâHistoire. Il me dit que, si elle se faisait, lâEurope de Maastricht se dĂ©tournerait de lâAfrique. Seule une Europe latine pouvait comprendre et fixer les populations sur place. Comme ces paroles rĂ©sonnent aujourdâhui ! Il me confia lâavoir rĂ©pĂ©tĂ© Ă Roland Dumas : « Vous avez tort de soutenir ce sinistre traitĂ©. Il fera obstacle Ă ce que la MĂ©diterranĂ©e puisse devenir, autour de la France, de lâEspagne et du Maroc, une zone dâĂ©quilibre, un lac de TibĂ©riade, autour duquel les trois religions et les fils dâAbraham pourraient trouver des points dâharmonie et prĂ©venir les grandes transhumances de la misĂšre et de lâenvie. »
Le roi paraissait fort mobilisé sur ce sujet. Presque intarissable :
â Vos Ă©lites sont ballotĂ©es sur des mers sans rivage, elles ont perdu toutes les boussoles.
â De quelles boussoles parlez-vous ?
â De celles qui nous conduisent dans lâespace et le temps : celles des cartes, des aiguilles et de la pĂ©rennitĂ©. La gĂ©ographie, qui est la seule composante invariable de lâHistoire ; et la famille, qui en est le principe et la sĂšve. Je ne vous envie pas.
Il était redevenu le souverain impérieux. Me voyant surpris, il lùcha brutalement :
â Vous parquez vos vieux. Dans des maisons de retraite. Vous exilez la sagesse. Vous avez aboli la gratitude, et donc lâespoir. Il nây pas dâavenir pour un peuple qui perd ses livres vivants et nâa plus dâamour-propre. Qui abhorre son propre visage. Si vous ne retrouvez pas la fiertĂ©, vous ĂȘtes perdus.
Lâentretien dura encore quelque temps. Le roi Hassan II parlait beaucoup. Il se dĂ©solait de voir la France choir dans la haine de soi. Je nâignorais pas quâil dirigeait son pays dâune main de fer. Mais son amour sincĂšre pour la France me toucha.
Il rĂ©pĂ©ta plusieurs fois le mot de PĂ©guy : « Quand une sociĂ©tĂ© ne peut plus enseigner, câest que cette sociĂ©tĂ© ne peut pas sâenseigner. »"
pp. 146-147
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Philippe de Villiers (Le moment est venu de dire ce que j'ai vu)
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BAILIFF Juror [who is Asian] says she does not speak English. THE COURT [who is Asian] Thatâll be denied. COUNSEL I request to voir-dire her. THE COURT Thatâll be denied. The Asians pull that all the time. Bad
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Charles M. Sevilla (Law and Disorder: Absurdly Funny Moments from the Courts)
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DEFENSE COUNSEL And then the defense? THE COURT Itâs the Courtâs practice to start with the prosecution, and I would ask the D.A. to voir-dire the jury ad seriatim. DEFENSE COUNSEL Would you run that by me again? THE COURT Ad seriatim. DEFENSE COUNSEL Iâm sorry. All at once? One at a time? THE COURT That means one, two, three, four, five, six, seven, eight, nine, ten . . . DEFENSE COUNSEL One through twelve? THE COURT Yes, in that order, not bouncing around, ad seriatim. And that means, when heâs done, you can ask your questions ad seriatim. DEFENSE COUNSEL Iâd prefer to ask them ad nauseam, if you donât mind. What
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Charles M. Sevilla (Law and Disorder: Absurdly Funny Moments from the Courts)
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Que resterait-il de son existence ? Rien ? Il ne pouvait pas accepter l'idĂ©e que la mort soit la fin de la vie. La considĂ©rer comme un accomplissement n'entrait pas non plus dans sa conception des choses. Son Ăąme et sa raison menaient un combat intĂ©rieur, l'une contre l'autre, mais dans le mĂȘme but. Ne pas voir en la mort une simple date-butoir dĂ©nuĂ©e de sens. Il avait passĂ© les quarante premiĂšres annĂ©es de sa vie Ă dĂ©velopper son ego, ce en quoi il avait particuliĂšrement bien rĂ©ussi. Mais maintenant, il devait apprendre le dĂ©tachement de soi pour se rĂ©concilier, non pas avec l'idĂ©e de la mort en gĂ©nĂ©ral, mais de sa propre mort. Et du coup, accepter sa vie. Plus facile Ă dire qu'Ă faire.
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Marc Voltenauer (Le Dragon du Muveran)
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LâOccident dispose de la force et dâune organisation suffisante pour circonscrire ce qui sâoppose Ă lui, Ă dĂ©faut de pouvoir lâĂ©radiquer complĂštement. Sâil a peur, câest parce quâil commence Ă comprendre, mĂȘme sâil refuse encore Ă lâadmettre (17), que la voie du modernisme et du « progrĂšs » proclamĂ© lâa menĂ© Ă une impasse ; câest-Ă -dire : parce quâil est fondĂ©, tout entier et dĂšs lâorigine, sur une erreur, le monde moderne a peur de la vĂ©ritĂ© ; parce quâil se nourrit dâillusions, il a peur dâune rĂ©alitĂ© dont lâessence est divine ; parce quâil a nĂ©gligĂ© le DĂ©pĂŽt de confiance (amĂąna) (18) que Dieu a confiĂ© Ă lâhomme, il a peur de voir que celui-ci ne maĂźtrise plus son destin ; parce quâil a trahi les alliances traditionnelles, il a peur dâĂȘtre sanctionnĂ© et chĂątiĂ©. Telles sont les raisons profondes, en grande partie mal perçues, qui explique sa peur de lâislĂąm.
17) Par exemple en promouvant lâidĂ©e, typiquement antĂ©christique dâune «
conquĂȘte de lâespace ».
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Charles-André Gilis (L'intégrité islamique : Ni intégrisme ni intégration)
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Selon Ibn Khaldoun, il ne faut jamais oublier l'importance du climat. Le visage soucieux et l'allure renfrognĂ©e du Fassi, s"expliqueraient par le climat rugueux qu'ils endurent avec cet hiver givrĂ© de glace et de ce vent mordant qui souffle du nord. Je me demande pourtant si le climat a une telle importance pour dĂ©terminer la place de le sĂ©duction dans une culture donnĂ©e. A fĂšs, il y a un mot pour dĂ©signer celui _ ou celle _ qui sourit sans raison. On dit qu'il "Farnass". C'est ce qu'on dit de quelqu'un qui a la lĂšvre supĂ©rieure qui fuit quelque peu et dĂ©couvre les dents de devant. Petite, je m'entendais dire sans cesse: " Seul l'Ăąne farnass". Serrer les lĂšvres 'avait donc rien Ă voir avec le froid! Cette attitude traduisait plutĂŽt un certain un certain recroquevillement de l'ĂȘtre, une certaine absence de gĂ©nĂ©rositĂ© au niveau du sentiment. A FĂšs, mĂȘme un sourire doit ĂȘtre calculĂ©, doit avoir un prix, une signification bien prĂ©cise dans un rĂ©seau de comportements dĂ©terminĂ©s....
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Fatema Mernissi (L'Amour dans les pays musulmans : A travers le miroir des textes anciens)
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C'est drÎle de constater que les gens en qui nous avons le plus confiance, ceux qui nous entourent, ne sont pas nécessairement ceux dont on a besoin. On peut passer des jours, voire des années avec ces personnes et ne rien recevoir en retour. Par contre, dans les instants les plus inattendus, un parfait inconnu peut nous accorder quelques minutes et nous dire quelques paroles qui ont le pouvoir de nous donner des ailes. En fin de compte, ces brÚves minutes valent plus que tout le temps passé avec notre entourage. En fin de compte, ces minutes allument un feu brûlant au fond de nous. Ce feu brûlant, c'est l'espoir et avec l'espoir, tout est possible.
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Emmie Wesline (Objectif Vancouver)
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â Parce que tu crois que câest mon ex-petit-ami ? Ou que jâai envie de me le taper ? Est-ce que ça veut dire que maintenant que tu es un homme mariĂ©, tu vas arrĂȘter de voir toutes tes anciennes maĂźtresses ? demanda Elianor avec une naĂŻvetĂ© exagĂ©rĂ©e.
Et avant mĂȘme que Tristan nâait le temps de rĂ©pondre, elle repartit en fou rire.
â Ah mais, suis-je bĂȘte ! enchaĂźna-t-elle en se frappant le front avec la paume de la main. Ce serait synonyme de ne plus adresser la parole Ă la totalitĂ© de la gent fĂ©minine, je me trompe ?
â Est-ce une pointe de jalousie que je perçois dans ta voix ? se moqua-t-il.
â Pas du tout, câest de la fatalitĂ©.
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Elisia Blade (Séduire & Conquérir (Crush Story #5))
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⊠Le Bouddha ne fut tout dâabord figurĂ© que par des empreintes de pieds, ou par des symboles tels que lâarbre ou la roue (et il est remarquable que, de la mĂȘme façon, le Christ aussi ne fut reprĂ©sentĂ© pendant plusieurs siĂšcles que par des figurations purement symboliques) ; comment et pourquoi en vint-on Ă admettre par la suite une image anthropomorphique ? Il faut voir lĂ comme une concession aux besoins dâune Ă©poque moins intellectuelle, oĂč la comprĂ©hension doctrinale Ă©tait dĂ©jĂ affaiblie ; les « supports de contemplation », pour ĂȘtre aussi efficaces que possible, doivent en effet ĂȘtre adaptĂ©s aux conditions de chaque Ă©poque ; mais encore convient-il de remarquer que lâimage humaine elle-mĂȘme, ici comme dans le cas des « dĂ©itĂ©s » hindoues, nâest rĂ©ellement « anthropomorphique » que dans une certaine mesure, en ce sens quâelle nâest jamais « naturaliste » et quâelle garde toujours, avant tout et dans tous ses dĂ©tails, un caractĂšre essentiellement symbolique. Cela ne veut dâailleurs point dire quâil sâagisse dâune reprĂ©sentation « conventionnelle » comme lâimaginent les modernes, car un symbole nâest nullement le produit dâune invention humaine ; « le symbolisme est un langage hiĂ©ratique et mĂ©taphysique, non un langage dĂ©terminĂ© par des catĂ©gories organiques ou psychologiques ; son fondement est dans la correspondance analogique de tous les ordres de rĂ©alitĂ©, Ă©tats dâĂȘtre ou niveaux de rĂ©fĂ©rence ». La forme symbolique « est rĂ©vĂ©lĂ©e » et « vue » dans le mĂȘme sens que les incantations vĂȘdiques ont Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©es et « entendues », et il ne peut y avoir aucune distinction de principe entre vision et audition, car ce qui importe nâest pas le genre de support sensible qui est employĂ©, mais la signification qui y est en quelque sorte « incorporĂ©e ». LâĂ©lĂ©ment proprement « surnaturel » est partie intĂ©grante de lâimage, comme il lâest des rĂ©cits ayant une valeur « mythique », au sens originel de ce mot ; dans les deux cas, il sâagit avant tout de moyens destinĂ©s, non Ă communiquer, ce qui est impossible, mais Ă permettre de rĂ©aliser le « mystĂšre », ce que ne saurait Ă©videmment faire ni un simple portrait ni un fait historique comme tel. Câest donc la nature mĂȘme de lâart symbolique en gĂ©nĂ©ral qui Ă©chappe inĂ©vitablement au point de vue « rationaliste » des modernes, comme lui Ă©chappe, pour les mĂȘmes raisons, le sens transcendant des « miracles » et le caractĂšre « thĂ©ophanique » du monde manifestĂ© lui-mĂȘme ; lâhomme ne peut comprendre ces choses que sâil est Ă la fois sensitif et spirituel, et sâil se rend compte que « lâaccĂšs Ă la rĂ©alitĂ© ne sâobtient pas en faisant un choix entre la matiĂšre et lâesprit supposĂ©s sans rapports entre eux, mais plutĂŽt en voyant dans les choses matĂ©rielles et sensibles une similitude formelle des prototypes spirituels que les sens ne peuvent atteindre directement » ; il sâagit là « dâune rĂ©alitĂ© envisagĂ©e Ă diffĂ©rents niveaux de rĂ©fĂ©rence, ou, si lâon prĂ©fĂšre, de diffĂ©rents ordres de rĂ©alitĂ©, mais qui ne sâexcluent pas mutuellement.
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René Guénon (Studies in Hinduism: Collected Works)
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I have a confession to make.
I hate voir dire.
I despise prying into other people's lives because I wouldn't want them prying into mine.
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Paul Levine (Bum Rap (Jake Lassiter #10))
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[...] Dans cette question des limites de fait ou de droit du sentiment patriotique, il convient de rappeler tout dâabord quâil y a patrie et patrie : il y a celle de la terre et celle du Ciel ; la seconde est prototype et mesure de la premiĂšre, elle lui donne son sens et sa lĂ©gitimitĂ©. Câest ainsi que dans lâenseignement Ă©vangĂ©lique lâamour de Dieu prime, et peut par consĂ©quent contredire, lâamour des proches parents, sans quâil y ait lĂ aucune offense Ă la charitĂ© ; la crĂ©ature doit dâailleurs ĂȘtre aimĂ©e « en Dieu », câest Ă dire que lâamour ne lui appartient jamais en entier. Le Christ ne sâest souciĂ© que de la Patrie cĂ©leste, qui « nâest pas de ce monde » ; câest suffisant, non pour renier le fait naturel dâune patrie terrestre, mais pour sâabstenir de tout culte abusif â et avant tout illogique â du pays dâorigine. Si le Christ a dĂ©savouĂ© les attachements temporels, il nâen a pas moins admis les droits de la nature, dans le domaine qui est le leur, droits Ă©minemment relatifs quâil ne sâagit pas dâĂ©riger en idoles ; câest ce que saint Augustin a magistralement traitĂ©, sous un certain rapport tout au moins, dans Civitas Dei. Le patriotisme normal est Ă la fois dĂ©terminĂ© et limitĂ© par les valeurs Ă©ternelles ; « il ne sâenfle point » et ne pervertit pas lâesprit ; il nâest pas, comme le chauvinisme, lâoubli officiel de lâhumilitĂ© et de la charitĂ© en mĂȘme temps que lâanesthĂ©sie de toute une partie de lâintelligence ; restant dans ses limites, il est capable de susciter les plus belles vertus, sans ĂȘtre un parasite de la religion.
Il faut se garder des interprĂ©tations abusives du passĂ© historique ; lâĆuvre de Jeanne dâArc nâa rien Ă voir avec le nationalisme moderne, dâautant que la sainte Ă suivi lâimpulsion, non point dâun nationalisme naturel â ce qui eĂ»t Ă©tĂ© lĂ©gitime â mais celle dâune volontĂ© cĂ©leste, qui voyait loin. La France fut pendant des siĂšcles le pivot du Catholicisme ; une France anglaise eĂ»t signifiĂ© en fin de compte une Europe protestante et la fin de lâEglise catholique ; câest ce que voulurent prĂ©venir les « voix ». Lâabsence de toute passion, chez Jeanne, ses paroles sereines Ă lâĂ©gard des Anglais, corroborent pleinement ce que nous venons de dire et devrait suffire pour mettre la sainte Ă lâabri de toute imposture rĂ©trospective (1).[...]
1 â De mĂȘme, lâĂ©tendard de Jeanne fut tout autre chose quâun drapeau rĂ©volutionnaire unissant, dans un mĂȘme culte profane, croyants et incroyants.
"Usurpations du sentiment religieux", Ătudes Traditionnelles, dĂ©cembre 1965.
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Frithjof Schuon
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Faire dĂ©pendre la valeur dâune idĂ©e, câest-Ă -dire en somme sa vĂ©ritĂ© mĂȘme (car, dĂšs lors quâil sâagit dâune idĂ©e, nous ne voyons pas ce que sa valeur pourrait ĂȘtre dâautre), des vicissitudes des Ă©vĂ©nements humains, câest lĂ le propre de cet « historicisme » dont nous avons dĂ©noncĂ© lâerreur en dâautres occasions, et qui nâest quâune des formes du « relativisme » moderne ; quâun philosophe « traditionaliste » partage cette maniĂšre de voir, voilĂ qui est bien fĂącheusement significatif ! Et, sâil accepte le point de vue profane comme tout aussi valable que le point de vue traditionnel, au lieu de nây voir que la dĂ©gĂ©nĂ©rescence ou la dĂ©viation quâil est en rĂ©alitĂ©, que pourra-t-il bien trouver encore Ă redire Ă la trop fameuse « tolĂ©rance », attitude, bien spĂ©cifiquement moderne et profane aussi, et qui consiste, comme lâon sait, Ă accorder Ă nâimporte quelle erreur les mĂȘmes droits quâĂ la vĂ©ritĂ© ?
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René Guénon
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Le matĂ©rialisme, par la logique des choses, aboutit Ă l'Ă©galitarisme, donc Ă ce qui est le plus contraire Ă la nature humaine. En effet, si nous sommes tous Ă©gaux dans la matiĂšre, c'est-Ă -dire dans les besoins matĂ©riels et les lois physiques, cela n'a absolument rien Ă voir avec notre qualitĂ© d'hommes ; or celle-ci est notre raison d'ĂȘtre, ou en d'autres termes, elle est ce qui seul nous distingue des animaux. Le matĂ©rialisme Ă©quivaut donc Ă une rĂ©duction de l'homme Ă l'animal, et mĂȘme Ă l'animal le plus infĂ©rieur, puisque celui-ci est le plus collectif ; cela explique la haine des matĂ©rialistes pour tout ce qui est supra-terrestre, transcendant, spirituel, car c'est prĂ©cisĂ©ment par le spirituel que l'homme n'est pas animal. Qui renie le spirituel renie l'humain : la distinction lĂ©gale et morale entre l'homme et l'animal devient alors purement arbitraire, Ă la façon d'une tyrannie quelconque ; c'est dire que l'homme perd, par son abdication, tous ses droits sur la vie des animaux qui, eux, ont les mĂȘmes droits que l'homme, puisqu'ils ont les mĂȘmes besoins matĂ©riels ; on peut Ă©videmment faire valoir le droit du plus fort, mais alors il n'est plus question d'Ă©galitĂ©, et ce droit vaudra aussi pour les hommes entre eux. Enfin, il est encore une chose dont les matĂ©rialistes ne tiennent aucun compte, et c'est le fait que l'homme normal souffre d'ĂȘtre dans la chair : la honte qu'il Ă©prouve de son existence physiologique est un indice suffisant du fait qu'il est, dans la matiĂšre, un Ă©tranger et un exilĂ© ; la transfiguration Ă©ventuelle de la chair par la beautĂ© humaine ne change rien aux lois humiliantes de l'existence physique.
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Frithjof Schuon (The Eye of the Heart: Metaphysics, Cosmology, Spiritual Life (Library of Traditional Wisdom))
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Dans ce monde dâabsurde relativisme ouÌ nous vivons, qui dit « notre temps » croit avoir tout dit ; identifier des pheÌnomeÌnes quelconques avec un « autre temps », ou qui plus est, un « temps reÌvolu », câest les liquider ; et notons le sadisme hypocrite que recouvrent des mots comme « reÌvolu », « suranneÌ Â» ou « irreÌversible », lesquels remplacent la penseÌe par une sorte de suggestion imaginative, une « musique de preÌjugeÌ Â» pourrions-nous dire. On constate par exemple que telle pratique liturgique ou ceÌreÌmonielle offense les gouÌts scientistes ou deÌmagogiÂques de notre eÌpoque, et on est tout heureux de se rappeler que lâusage en question date du Moyen AÌge, voire de « ByÂzance », ce qui permet de conclure sans autre forme de proceÌs quâil nâa plus droit aÌ lâexistence ; on oublie totalement la seule question qui ait aÌ se poser, aÌ savoir pourquoi les Byzantins ont pratiqueÌ telle chose ; il se trouve que ce pourquoi se situe le plus souvent en dehors du temps, quâil a une raison dâeÌtre qui releÌve de facteurs intemporels. Sâidentifier soi-meÌme avec un « temps » et enlever par laÌ aux choses toute valeur intrinseÌque ou presque, est une attitude toute nouvelle, que lâon projette arbitrairement dans ce que nous appelons reÌtrospectivement le « passeÌ Â» ; en reÌaliteÌ, nos anceÌtres ne vivaient pas dans un temps, subjectivement et intellectuellement parlant, mais dans un « espace », câest-aÌ- dire dans un monde de valeurs stables ouÌ le flux de la dureÌe nâeÌtait pour ainsi dire quâaccidentel ; ils avaient un merveilleux sens de lâabsolu dans les choses, et de lâenracinement des choses dans lâabsolu.
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Frithjof Schuon (Light on the Ancient Worlds: A New Translation with Selected Letters (The Library of Perennial Philosophy))
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On ne perd jamaid ceuc qu'on aime en celui qu'on ne peut perdre" c'est Ă dire en soi mĂȘme:
Quel remÚde magique, quel filtre composait-il, dans la nuit de sa chrysalide, pourt défaire la mort? Ne se cache-t-il pas à ses amies pour les mieux voir?
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Marta Bibescu
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[1:09:25s] mais moi je suis vraiment pressĂ© de mourir hein, ah si si si ! ça je peux vous le dire... vraiment... mais je veux pas... avant ma femme, c'est pas possible. Tenez, vous avez faire une chose, je ne vais pas vous dire pourquoi, mais plus tard, quand je laisserais un truc [testament] vous verrez Ă quoi servira votre photo, venez voir. [il marche avec le cameraman] Voila, vous prenez cette longue enfilade, c'est un des endroit oĂč j'aurai le plus circulĂ© dans ma vie, et je marche au milieu de la rue, jamais sur un trottoir, vous savez pourquoi ? non ? eh bein je... il faut que vous le sachiez - si vous devez ĂȘtre agressĂ©, lâagresseur viendra sur le cotĂ©, il ne sera pas lui plantĂ© au centre - donc vous aurez le temps au moins de le voir venir.
Interview video "Gilad Atzmon rencontre Robert Faurisson 10/11 juin 2014 @ 1:09:25s
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Robert Faurisson
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-Tu sais que j'avais bien envie d'aller Ă Churchill voir les ours polaires ?
-Ăa c'est vraiment un truc de touristes, se moqua-t-il.
Je me tournai vers lui.
-Tu n'as jamais voulu en voir un en vrai ?
-Il y a des ours ici, si tu veux vraiment en voir un. Ils sont bruns, mais ça ne change pas grand chose. C'est gros, poilu, avec un caractÚre de cochon.
J'eus presque envie de lui dire que ça me faisait penser à quelqu'un...
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Julie Tremblay
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Ces considĂ©rations pourront encore aider Ă comprendre pourquoi il est absolument vain de chercher Ă Ă©tablir un accord ou un rapprochement quelconque entre les connaissances traditionnelles et les connaissances profanes, et pourquoi les premiĂšres nâont pas Ă demander aux secondes une « confirmation » dont, en elles-mĂȘmes, elles nâont dâailleurs nul besoin. Si nous y insistons, câest que nous savons combien cette façon de voir est rĂ©pandue aujourdâhui chez ceux qui ont quelque idĂ©e des doctrines traditionnelles, mais une idĂ©e « extĂ©rieure », si lâon peut dire, et insuffisante pour leur permettre dâen pĂ©nĂ©trer la nature profonde, ainsi que pour les empĂȘcher dâĂȘtre illusionnĂ©s par le prestige trompeur de la science moderne et de ses applications pratiques. Ceux-lĂ , en mettant ainsi sur le mĂȘme plan des choses qui ne sont nullement comparables, ne perdent pas seulement leur temps et leurs efforts ; ils risquent encore de sâĂ©garer et dâĂ©garer les autres dans toutes sortes de fausses conceptions ; et les multiples variĂ©tĂ©s de lâ« occultisme » sont lĂ pour montrer que ce danger nâest que trop rĂ©el.
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René Guénon
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La plupart des EuropĂ©ens nâont pas exactement Ă©valuĂ© lâimportance de lâapport quâils ont reçu de la civilisation islamique, ni compris la nature de leurs emprunts Ă cette civilisation dans le passĂ© et certains vont jusquâĂ totalement mĂ©connaĂźtre tout ce qui sây rapporte. Cela vient de ce que lâhistoire telle quâelle leur est enseignĂ©e travestit les faits et paraĂźt avoir Ă©tĂ© altĂ©rĂ©e volontairement sur beaucoup de points. Câest avec outrance que cet enseignement affiche le peu de considĂ©ration que lui inspire la civilisation islamique, et il a lâhabitude dâen rabaisser le mĂ©rite chaque fois que lâoccasion sâen prĂ©sente. Il importe de remarquer que lâenseignement historique des UniversitĂ©s dâEurope ne montre pas lâinfluence dont il sâagit. Au contraire, les vĂ©ritĂ©s qui devraient ĂȘtre dites Ă ce sujet, quâil sâagisse de professer ou dâĂ©crire, sont systĂ©matiquement Ă©cartĂ©es, surtout pour les Ă©vĂ©nements les plus importants.
Par exemple, sâil est gĂ©nĂ©ralement connu que lâEspagne est restĂ©e sous la loi islamique pendant plusieurs siĂšcles, on ne dit jamais quâil en fut de mĂȘme dâautres pays, tels que la Sicile ou la partie mĂ©ridionale de la France actuelle. Certains veulent attribuer ce silence des historiens Ă quelques prĂ©jugĂ©s religieux. Mais que dire des historiens actuels dont la plupart sont sans religion, sinon adversaires de toute religion, quand ils viennent confirmer ce que leurs devanciers ont dit de contraire Ă la vĂ©ritĂ© ?
Il faut donc voir lĂ une consĂ©quence de lâorgueil et de la prĂ©somption des Occidentaux, travers qui les empĂȘchent de reconnaĂźtre la vĂ©ritĂ© et lâimportance de leurs dettes envers lâOrient.
Le plus Ă©trange en cette occurrence câest de voir les EuropĂ©ens se considĂ©rer comme les hĂ©ritiers directs de la civilisation hellĂ©nique, alors que la vĂ©ritĂ© des faits infirme cette prĂ©tention. La rĂ©alitĂ© tirĂ©e de lâhistoire mĂȘme Ă©tablit pĂ©remptoirement que la science et la philosophie grecques ont Ă©tĂ© transmises aux EuropĂ©ens par des intermĂ©diaires musulmans. En dâautres termes, le patrimoine intellectuel des HellĂšnes nâest parvenu Ă lâOccident quâaprĂšs avoir Ă©tĂ© sĂ©rieusement Ă©tudiĂ© par le Proche-Orient et nâĂ©taient les savants de lâIslam et ses philosophes, les EuropĂ©ens seraient restĂ©s dans lâignorance totale de ces connaissances pendant fort longtemps, si tant est quâils soient jamais parvenus Ă les connaĂźtre.
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René Guénon (Scritti sull'esoterismo islamico e il Taoismo)
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De plus, le fait de structurer, de charpenter ses cours et d'inscrire son action pĂ©dagogique dans un cadre strict et prĂ©cis, en mĂȘme temps qu'original et attractif, peut contribuer Ă rassurer les Ă©lĂšves, Ă structurer leur pensĂ©e, Ă canaliser leurs Ă©nergies, tout en ayant un effet bĂ©nĂ©fique pour l'enseignant lui aussi, lequel doit mettre en place des scĂ©narios et des stratĂ©gies appropriĂ©s pour vaincre son angoisse (proche parent et alimentĂ©e par celle des Ă©lĂšves) et trouver le calme intĂ©rieur en classe, mĂȘme au milieu des petites tempĂȘtes qui, parfois, agitent ce microcosme parcouru d'incidents divers. Faire fonctionner le cours harmonieusement est une victoire remportĂ©e non sur les Ă©lĂšves, mais sur l'adversitĂ©, sur les forces de dissolution, d'Ă©clatement et de dispersion, les forces qui agitent le groupe-classe. Dans le contexte actuel, il s'agit lĂ d'un vĂ©ritable dĂ©fi pour les enseignants. Dans cet esprit-lĂ , dans cette logique relationnelle lĂ , il n'y a ni Ă©chec, ni succĂšs, ni amis, ni ennemis, mais seulement des personnes et des situations existentielles [âŠ] dans lesquelles le comportement d'autrui (chef d'Ă©tablissement, mais aussi Ă©lĂšves, inspecteur, voir collĂšgues) Ă notre Ă©gard permet de mettre Ă jour nos propres faiblesses et de nous engager dans la voie de leur dĂ©passement progressif. Pour le dire avec les mots de Jung, "tout ce qui m'irrite chez les autres peut servir ma connaissance de moi-mĂȘme". (p. 88-89)
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Jean-Daniel Rohart (Comment réenchanter l'école ? : Plaidoyer pour une éducation postmoderne)
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VoilĂ . Ce soir, j'ai horreur d'ĂȘtre allĂ©e Ă ce film soviĂ©tique inepte. Peut-ĂȘtre n'avait-il pas envie que je vienne. Et peut-ĂȘtre ne me tĂ©lĂ©phonera-t-il pas. Le seul point positif : le risque qu'il a pris en me suivant, alors que tous venaient de me voir partir. Vraiment le seul. Bien. Et moi ? Quelle conduite tenir ? Rompre â menacer de rompre â ne rien dire. Le choix est lĂ .
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Annie Ernaux (Se perdre (French Edition))
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« Est-ce que tu pars Ă NoĂ«l ? » = ce serait mieux que tu partes, je ne serais pas obligĂ© de venir te voir â ou, ce serait bien si tu restais ? Il se peut aussi que ces phrases n'aient pas d'importance pour lui, qu'elles soient de celles qu'on dit pour dire...
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Annie Ernaux (Se perdre (French Edition))
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Mais dans d'autres situations, la notion de hasard prend une signification essentielle et non plus simplement opĂ©rationnelle. C'est le cas, par exemple, de ce que 'on peut appeler les 'coĂŻncidences absolues', c'est-Ă -dire celles qui rĂ©sultent de l'intersection de deux chaĂźnes causales totalement indĂ©pendantes l'une de l'autre. Supposons par exemple que le Dr Dupont soit appelĂ© d'urgence Ă visiter un nouveau malade, tandis que le plombier Dubois travaille Ă la rĂ©paration urgente de la toiture d'un immeuble voisin. Lorsque le Dr Dupont passe au pied de l'immeuble, le plombier lĂąche par inadvertance son marteau, dont la trajectoire (dĂ©terministe) se trouve intercepter celle du mĂ©decin, qui en meurt le crĂąne fracassĂ©. Nous disons qu'il n'y a pas eu de chance. Quel autre terme employer pour un tel Ă©vĂ©nement imprĂ©visible par sa nature mĂȘme? Le hasard ici doit Ă©videmment ĂȘtre considĂ©rĂ© comme essentiel, inhĂ©rent Ă l'indĂ©pendance totale des deux sĂ©ries d'Ă©vĂ©nements dont la rencontre produit l'accident.
Or entre les Ă©vĂ©nements qui peuvent provoquer ou permettre une erreur dans la rĂ©plication du message gĂ©nĂ©tique et ses consĂ©quences fonctionnelles, il y a Ă©galement indĂ©pendance totale. L'effet fonctionnel dĂ©pend de la structure, du rĂŽle actuel de la protĂ©ine modifiĂ©e, des interactions qu'elle assure, des rĂ©actions qu'elle catalyse. Toutes choses qui n'ont rien Ă voir avec l'Ă©vĂ©nement mutationnel lui-mĂȘme, comme avec ses causes immĂ©diates ou lointaines, et quelle que soit d'ailleurs la nature, dĂ©terministe ou non, de ces 'causes'.
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Jacques Monod (Chance and Necessity: An Essay on the Natural Philosophy of Modern Biology)
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The war between President Ronald John, Muslim nationals, Muslim immigrants, and the federal judiciary was peaking at the wrong time for Arya Khan and Zachary Blake. Picking a jury and conducting voir dire would be difficult if not impossible.
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Mark M. Bello (Betrayal of Justice (Zachary Blake Betrayal, #2))
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Un grand poĂšte
Que fais-tu au juste voyons voir dit Mihaela
trois heures de tĂ©lĂ©vision tu tâaffaires
dans la bibliothĂšque trois heures tu lis et voilĂ
ton temps qui passe quand tu ne peux plus écrire
tu as lâair dâune mite raidie par le froid sur le cadre
de la fenĂȘtre et tu nâes mĂȘme pas un grand poĂšte
tu as les yeux aqueux et vides tu as encore bu que vais-je
faire de toi que vais-je dire Ă tes parents
les pauvres ils sont si ĂągĂ©s personne nâen prend soin
dans cet état personne ne leur demande
sâils ont mangĂ© un bout bientĂŽt ils mourront et toi
si indifférent tu ne vois pas que notre fille
a grandi tu ne vois pas quâelle porte une mini-jupe aujourdâhui
et voilĂ comme ta vie sâen va et tu nâes mĂȘme
pas un grand poĂšte comme Nichita StÄnescu
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Valentin Dolfi (Ma poésie comme biographie (French Edition))
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[âŠ] Pendant seize ans, de 1835 jusqu'en 1851, la Moldavie a plus vĂ©cu qu'Ă travers les 500 annĂ©es Ă©coulĂ©es depuis sa fondation par le voĂŻvode DragoÈ, en 1359, et jusqu'Ă nos jours. La vie de nos parents s'est dĂ©roulĂ©e comme celle de nos ancĂȘtres, sereine comme une riviĂšre qui coule Ă travers les vergers et les jardins et se perd sans trop de bruit dans le Siret. Les Ă©vĂ©nements du monde avoisinant s'amenuisaient vers les frontiĂšres, le tourbillon de l'Ă©poque les dĂ©couvrait et les laissait tels quels. Notre vie n'a rien Ă voir avec la leur ; on pourrait mĂȘme dire que nous ne sommes pas leurs enfants. Nos parents sont nĂ©s dans le berceau ancestral ; les hommes de 1835, qui inaugurent la gĂ©nĂ©ration d'aujourd'hui, sont issus de l'agitation de nouvelles idĂ©es. Le regard et la pensĂ©e des parents Ă©taient tournĂ©s vers l'Orient ; les nĂŽtres sont fixĂ©s vers l'Occident : la diffĂ©rence est grande. Il y a un dicton paysan qui circule en Moldavie depuis la nuit des temps : « Le pauvre roi Ătienne, que dirait-il en les voyant ? »
(traduit du roumain par MÄlina Sgondea Vuillet)
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Alecu Russo (Opere complete)
Suzie Miller (Prima Facie (NHB Modern Plays))
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C'Ă©tait comme si son fils se tenait derriĂšre une vitre Ă©paisse, qu'il pouvait seulement le voir, le sentir bouger dans la lumiĂšre et dans le silence qui l'enveloppait dans un grand manteau noir. Une vitre froide et impitoyable sur laquelle il avait collĂ© son nez et qui l'empĂȘchait de lui dire quelques mots, de le toucher, de le serrer dans ses bras.
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Abdelkader DjemaĂŻ (Le nez sur la vitre)
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En rafale, le dĂ©grisement. Le voir comme un play-boy â ou gorby-boy ! â brutal (pas trop cependant) et jouisseur (pourquoi non). Me dire que j'ai perdu un an et de l'argent pour un homme qui, en partant, me demande s'il peut prendre le paquet de Marlboro ouvert, sur la table. On en vient toujours lĂ , Ă vingt ans ou quarante-huit ans. Mais que faire sans homme, sans vie ?
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Annie Ernaux (Se perdre (French Edition))
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Voulez-vous un moment vivre entre ciel et terre,
Respirer, Ă plein cĆur, un air dĂ©licieux,
Voir le monde Ă vos pieds, planer dans la lumiĂšre,
Et croire prĂšs de vous quelqu'un venu des cieux?
Lisez ce chant d'amour... Le regard du vulgaire
N'en pénétrerait pas le sens mystérieux;
Vous verrez, vous, comment on aime au monastĂšre,
Et, dans ces murs sacrés, combien l'on est heureux.
A quinze ans! Tendre fleur, petite ùme idéale,
ThérÚse offre à Jésus sa candeur virginale;
Le Saint-PÚre a béni ce beau lis pour l'autel:
La douceur de l'agneau, le céleste sourire,
Les lyriques accents, tout en elle a fait dire:
C'est un ange qu'on vit passer par le Carmel.
P. N. Abbaye de Mondaye, 8 avril 1898.
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ThérÚse of Lisieux (Histoire d'une ùme)
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Me voici donc prĂȘt Ă me libĂ©rer de mes anciens attachements pour pouvoir me consacrer pleinement Ă la recherche du bien suprĂȘme.
Un doute pourtant me retient⊠Ce choix nâest-il pas dangereux ? Les plaisirs, les richesses et les honneurs ne sont certes pas des biens suprĂȘmes, mais au moins, ils existent⊠Ce sont des biens certains. Alors que ce bien suprĂȘme qui est censĂ© me combler en permanence de joie nâest pour lâinstant quâune supposition de mon esprit⊠Ne suis-je pas en train de mâengager dans une voie pĂ©rilleuse ?
Non : Ă la rĂ©flexion je vois bien que je ne cours aucun risque en changeant de vie : câest au contraire en continuant Ă vivre comme avant que je courrais le plus grand danger. Car lâattachement aux biens relatifs est un mal certain puisque aucun dâeux ne peut mâapporter le bonheur !!! Au contraire, la recherche des moyens du bonheur est un bien certain : elle seule peut mâoffrir la possibilitĂ© dâĂȘtre un jour rĂ©ellement heureux, ou au moins plus heureuxâŠ
Le simple fait de comprendre cela me dĂ©termine Ă prendre dĂ©finitivement et fermement la rĂ©solution de me dĂ©tacher immĂ©diatement de la recherche des plaisirs, des richesses et des honneurs, pour me consacrer en prioritĂ© Ă la crĂ©ation de mon bonheur, câest-Ă -dire Ă la culture des joies les plus solides et les plus durables, par la recherche des biens vĂ©ritables.
Au moment mĂȘme oĂč cette pensĂ©e jaillit, je sens apparaĂźtre en moi un immense sentiment dâenthousiasme, une sorte de libĂ©ration de mon esprit. JâĂ©prouve un incroyable soulagement, comme si jâavais attendu ce moment toute ma vie. Une joie toute nouvelle vient de se lever en moi, une joie que je nâavais jamais ressentie auparavant : la joie de la libertĂ© que je viens dâacquĂ©rir en dĂ©cidant de ne vivre dĂ©sormais que pour crĂ©er mon bonheur.
Jâai lâimpression dâavoir Ă©chappĂ© Ă immense danger⊠Comme si je me trouvais Ă prĂ©sent en sĂ©curitĂ© sur le chemin du salut⊠Car mĂȘme si je ne suis pas encore sauvĂ©, mĂȘme si je ne sais pas encore en quoi consistent exactement ces biens absolus, ni mĂȘme sâil existe rĂ©ellement un bien suprĂȘme, je me sens dĂ©jĂ sauvĂ© dâune vie insensĂ©e, privĂ©e dâenthousiasme et vouĂ©e Ă une Ă©ternelle insatisfactionâŠ
Jâai un peu lâimpression dâĂȘtre comme ces malades qui sont proches dâune mort certaine sâils ne trouvent pas un remĂšde, nâayant pas dâautre choix que de rassembler leurs forces pour chercher ce remĂšde sauveur. Comme eux je ne suis certes pas certain de le dĂ©couvrir, mais comme eux, je ne peux pas faire autrement que de placer toute mon espĂ©rance dans sa quĂȘte. Je lâai maintenant compris avec une totale clartĂ©, les plaisirs, les richesses et lâopinion dâautrui sont inutiles et mĂȘme le plus souvent nĂ©fastes pour ĂȘtre dans le bonheur.
Mieux : je sais Ă prĂ©sent que mon dĂ©tachement Ă leur Ă©gard est ce quâil y a de plus nĂ©cessaire dans ma vie, si je veux pouvoir vivre un jour dans la joie. Du reste, que de maux ces attachements nâont-ils pas engendrĂ© sur la Terre, depuis lâorigine de lâhumanitĂ© !
Nâest-ce pas toujours le dĂ©sir de les possĂ©der qui a dressĂ© les hommes les uns contre les autres, engendrant la violence, la misĂšre et mĂȘme parfois la mort des hommes qui les recherchaient, comme en tĂ©moigne chaque jour encore le triste spectacle de lâhumanitĂ© ? Nâest-ce pas lâimpuissance Ă se dĂ©tacher de ces faux biens qui explique le malheur qui rĂšgne presque partout sur le Terre ?
Au contraire, chacun peut voir que les sociĂ©tĂ©s et les familles vraiment heureuses sont formĂ©es dâĂȘtres forts, paisibles et doux qui passent leur vie Ă construire leur joie et celle des autres sans accorder beaucoup dâimportance ni aux plaisirs, ni aux richesses, ni aux honneursâŠ
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Bruno Giuliani
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Je suis en train de me dire que le problĂšme noir aux Ătats-Unis pose une question qui le rend prati- quement insoluble: celui de la BĂȘtise. Il a ses racines dans les profondeurs de la plus grande puissance spi- rituelle de tous les temps, qui est la Connerie. Jamais, dans l'histoire, l'intelligence n'est arrivĂ©e Ă rĂ©soudre des problĂšmes humains lorsque leur nature essen- tielle est celle de la BĂȘtise. Elle est arrivĂ©e Ă les contourner, Ă s'arranger avec eux par l'habiletĂ© ou par la force, mais neuf fois sur dix, lorsque l'intel- ligence croyait dĂ©jĂ en sa victoire, elle a vu surgir en son milieu toute la puissance de la BĂȘtise immortelle. Il suffit de voir ce que la BĂȘtise a fait des victoires du communisme, par exemple, du dĂ©ferlement des spermatzoĂŻdes de la « rĂ©volution culturelle », ou au moment oĂč jâecrIs, de lâassassinat du « printemps de Prague » au nom de la « pensĂ©e marxiste correcte ». (Chien blanc)
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Romain Gary
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Je suis en train de me dire que le problĂšme noir aux Ătats-Unis pose une question qui le rend pratiquement insoluble: celui de la BĂȘtise. Il a ses racines dans les profondeurs de la plus grande puissance spirituelle de tous les temps, qui est la Connerie. Jamais, dans l'histoire, l'intelligence n'est arrivĂ©e Ă rĂ©soudre des problĂšmes humains lorsque leur nature essentielle est celle de la BĂȘtise. Elle est arrivĂ©e Ă les contourner, Ă s'arranger avec eux par l'habiletĂ© ou par la force, mais neuf fois sur dix, lorsque l'intellidence croyait dĂ©jĂ en sa victoire, elle a vu surgir en son milieu toute la puissance de la BĂȘtise immortelle. Il suffit de voir ce que la BĂȘtise a fait des victoires du communisme, par exemple, du dĂ©ferlement des spermatzoĂŻdes de la « rĂ©volution culturelle », ou au moment oĂč jâecrIs, de lâassassinat du « printemps de Prague » au nom de la « pensĂ©e marxiste correcte ». (Chien blanc)
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Romain Gary