Voir Dire Quotes

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In 2002, having spent more than three years in one residence for the first time in my life, I got called for jury duty. I show up on time, ready to serve. When we get to the voir dire, the lawyer says to me, “I see you’re an astrophysicist. What’s that?” I answer, “Astrophysics is the laws of physics, applied to the universe—the Big Bang, black holes, that sort of thing.” Then he asks, “What do you teach at Princeton?” and I say, “I teach a class on the evaluation of evidence and the relative unreliability of eyewitness testimony.” Five minutes later, I’m on the street. A few years later, jury duty again. The judge states that the defendant is charged with possession of 1,700 milligrams of cocaine. It was found on his body, he was arrested, and he is now on trial. This time, after the Q&A is over, the judge asks us whether there are any questions we’d like to ask the court, and I say, “Yes, Your Honor. Why did you say he was in possession of 1,700 milligrams of cocaine? That equals 1.7 grams. The ‘thousand’ cancels with the ‘milli-’ and you get 1.7 grams, which is less than the weight of a dime.” Again I’m out on the street.
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Neil deGrasse Tyson (Space Chronicles: Facing the Ultimate Frontier)
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Pour le voir, il faut bien regarder, chercher. Je dis aux jeunes: cherchez un peu, vous allez trouver. La pire des attitudes est l'indifférence, dire «je n'y peux rien, je me débrouille». En vous comportant ainsi, vous perdez l'une des composantes essentielles qui fait l'humain. Une des composantes indispensables: la faculté d'indignation et l'engagement qui en est la conséquence.
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Stéphane Hessel (Indignez-vous !)
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A qui Ă©cris-tu? -A toi. En fait, je ne t'Ă©cris pas vraiment, j'Ă©cris ce que j'ai envie de faire avec toi... Il y avait des feuilles partout. Autour d'elle, Ă  ses pieds, sur le lit. J'en ai pris une au hasard: "...Pique-niquer, faire la sieste au bord d'une riviĂšre, manger des pĂȘches, des crevettes, des croissants, du riz gluant, nager, danser, m'acheter des chaussures, de la lingerie, du parfum, lire le journal, lĂ©cher les vitrines, prendre le mĂ©tro, surveiller l'heure, te pousser quand tu prends toute la place, Ă©tendre le linge, aller Ă  l'OpĂ©ra, faire des barbecues, rĂąler parce que tu as oubliĂ© le charbon, me laver les dents en mĂȘme temps que toi, t'acheter des caleçons, tondre la pelouse, lire le journal par-dessus ton Ă©paule, t'empĂȘcher de manger trop de cacahuĂštes, visiter les caves de la Loire, et celles de la Hunter Valley, faire l'idiote, jacasser, cueillir des mĂ»res, cuisiner, jardiner, te rĂ©veiller encore parce que tu ronfles, aller au zoo, aux puces, Ă  Paris, Ă  Londres, te chanter des chansons, arrĂȘter de fumer, te demander de me couper les ongles, acheter de la vaisselle, des bĂȘtises, des choses qui ne servent Ă  rien, manger des glaces, regarder les gens, te battre aux Ă©checs, Ă©couter du jazz, du reggae, danser le mambo et le cha-cha-cha, m'ennuyer, faire des caprices, bouder, rire, t'entortiller autour de mon petit doigt, chercher une maison avec vue sur les vaches, remplir d'indĂ©cents Caddie, repeindre un plafond, coudre des rideaux, rester des heures Ă  table Ă  discuter avec des gens intĂ©ressants, te tenir par la barbichette, te couper les cheveux, enlever les mauvaises herbes, laver la voiture, voir la mer, t'appeler encore, te dire des mots crus, apprendre Ă  tricoter, te tricoter une Ă©charpe, dĂ©faire cette horreur, recueillir des chats, des chiens, des perroquets, des Ă©lĂ©phants, louer des bicyclettes, ne pas s'en servir, rester dans un hamac, boire des margaritas Ă  l'ombre, tricher, apprendre Ă  me servir d'un fer Ă  repasser, jeter le fer Ă  repasser par la fenĂȘtre, chanter sous la pluie, fuire les touristes, m'enivrer, te dire toute la vĂ©ritĂ©, me souvenir que toute vĂ©ritĂ© n'est pas bonne Ă  dire, t'Ă©couter, te donner la main, rĂ©cupĂ©rer mon fer Ă  repasser, Ă©couter les paroles des chansons, mettre le rĂ©veil, oublier nos valises, m'arrĂȘter de courir, descendre les poubelles, te demander si tu m'aimes toujours, discuter avec la voisine, te raconter mon enfance, faire des mouillettes, des Ă©tiquettes pour les pots de confiture..." Et ça continuais comme ça pendant des pages et des pages...
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Anna Gavalda (Someone I Loved (Je l'aimais))
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Il s’était tant de fois entendu dire ces choses, qu’elles n’avaient pour lui rien d’original. Emma ressemblait Ă  toutes les maĂźtresses ; et le charme de la nouveautĂ©, peu Ă  peu tombant comme un vĂȘtement, laissait voir Ă  nu l’éternelle monotonie de la passion, qui a toujours les mĂȘmes formes et le mĂȘme langage. Il ne distinguait pas, cet homme si plein de pratique, la dissemblance des sentiments sous la paritĂ© des expressions. Parce que des lĂšvres libertines ou vĂ©nales lui avaient murmurĂ© des phrases pareilles, il ne croyait que faiblement Ă  la candeur de celles-lĂ  ; on en devait rabattre, pensait-il, les discours exagĂ©rĂ©s cachant les affections mĂ©diocres ; comme si la plĂ©nitude de l’ñme ne dĂ©bordait pas quelquefois par les mĂ©taphores les plus vides, puisque personne, jamais, ne peut donner l’exacte mesure de ses besoins, ni de ses conceptions, ni de ses douleurs, et que la parole humaine est comme un chaudron fĂȘlĂ© oĂč nous battons des mĂ©lodies Ă  faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les Ă©toiles.
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Gustave Flaubert (Madame Bovary)
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Je l'aimais beaucoup. On ne peut pas dire cela à son amoureux. Dommage. De ma part, l'aimer beaucoup, c'était beaucoup. Il me rendait heureuse. J'étais toujours joyeuse de le voir. J'avais pour lui de l'amitié, de la tendresse. Quand il n'était pas là, il ne me manquait pas. Telle était l'équation de mon sentiment pour lui et je trouvais cette histoire merveilleuse. C'est pourquoi je redoutais des déclarations qui eussent exigés une réponse ou, pire, une réciprocité.
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Amélie Nothomb (Ni d'Ève ni d'Adam)
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During voir dire, the interviews for jury selection, each person is asked under oath about their experience with the criminal justice system, as defendant or victim, but usually not even the most elementary effort is made to corroborate those claims. One ADA [Associate District Attorney] told me about inheriting a murder case, after the first jury deadlocked. He checked the raps for the jurors and found that four had criminal records. None of those jurors were prosecuted. Nor was it policy to prosecute defense witnesses who were demonstrably lying--by providing false alibis, for example--because, as another ADA told me, if they win the case, they don't bother, and if they lose, "it looks like sour grapes." A cop told me about a brawl at court one day, when he saw court officers tackle a man who tried to escape from the Grand Jury. An undercover was testifying about a buy when the juror recognized him as someone he had sold to. Another cop told me about locking up a woman for buying crack, who begged for a Desk Appearance Ticket, because she had to get back to court, for jury duty--she was the forewoman on a Narcotics case, of course. The worst part about these stories is that when I told them to various ADAs, none were at all surprised; most of those I'd worked with I respected, but the institutionalized expectations were abysmal. They were too used to losing and it showed in how they played the game.
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Edward Conlon (Blue Blood by Conlon, Edward (2004) Paperback)
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Mais, dit Candide, n'y a-t-il pas du plaisir Ă  tout critiquer, Ă  sentir des dĂ©fauts oĂč les autres hommes croient voir des beautĂ©s ? — C'est-Ă -dire, reprit Martin, qu'il y a du plaisir Ă  n'avoir pas de plaisir ? — Oh bien ! dit Candide, il n'y a donc d'heureux que moi, quand je reverrai Mlle CunĂ©gonde. — C'est toujours bien fait d'espĂ©rer », dit Martin.
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Voltaire (Candide)
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Donc pas d'erreur Ce qu'on faisait Ă  se tirer dessus comme ça sans mĂȘme se voir n'Ă©tait pas dĂ©fendu Cela faisait partie des choses qu'on peut faire sans mĂ©riter une bonne engueulade. C'Ă©tait mĂȘme reconnu encouragĂ© sans doute par les gens sĂ©rieux comme le tirage au sort les fiançailles la chasse Ă  courre ... Rien Ă  dire. Je venais de dĂ©couvrir d'un coup la guerre tout entiĂšre. Je venais d'ĂȘtre dĂ©pucelĂ©.
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Louis-Ferdinand CĂ©line (Journey to the End of the Night)
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Et quand vint l'heure du courrier, je me dis ce soir-la comme tous les autres: Je vais recevoir une lettre de Gilberte, elle va me dire enfin qu'elle n'a jamais cessĂ© de m'aimer, et m'expliquera la raison mysterieuse pour laquelle elle a Ă©tĂ© forcĂ©e de ma le cacher jusqu'ici, de faire semblant de pouvoir ĂȘtre heureuse sans me voir, la raison pour laquelle elle a pris l'apparence de la Gilberte simple camarade.
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Marcel Proust (Du cÎté de chez Swann)
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Tu sais, je viens juste de voir que c'est l'automne et pourtant il y avait des tas de feuilles mortes dans la rue pour me le dire. Je ne pourrai pas poser mes lĂšvres sur tes bras avant le printemps. Triste, non ?
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Mihail Sebastian (La ville aux acacias (French Edition))
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Et que faudrait-il faire ? Chercher un protecteur puissant, prendre un patron, Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc Et s'en fait un tuteur en lui lĂ©chant l'Ă©corce, Grimper par ruse au lieu de s'Ă©lever par force ? Non, merci ! DĂ©dier, comme tous ils le font, Des vers aux financiers ? se changer en bouffon Dans l'espoir vil de voir, aux lĂšvres d'un ministre, NaĂźtre un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre ? Non, merci ! DĂ©jeuner, chaque jour, d'un crapaud ? Avoir un ventre usĂ© par la marche ? une peau Qui plus vite, Ă  l'endroit des genoux, devient sale ? ExĂ©cuter des tours de souplesse dorsale ?... Non, merci ! D'une main flatter la chĂšvre au cou Cependant que, de l'autre, on arrose le chou, Et donneur de sĂ©nĂ© par dĂ©sir de rhubarbe, Avoir son encensoir, toujours, dans quelque barbe ? Non, merci ! Se pousser de giron en giron, Devenir un petit grand homme dans un rond, Et naviguer, avec des madrigaux pour rames, Et dans ses voiles des soupirs de vieilles dames ? Non, merci ! Chez le bon Ă©diteur de Sercy Faire Ă©diter ses vers en payant ? Non, merci ! S'aller faire nommer pape par les conciles Que dans des cabarets tiennent des imbĂ©ciles ? Non, merci ! Travailler Ă  se construire un nom Sur un sonnet, au lieu d'en faire d'autres ? Non, Merci ! Ne dĂ©couvrir du talent qu'aux mazettes ? Être terrorisĂ© par de vagues gazettes, Et se dire sans cesse : "Oh ! pourvu que je sois Dans les petits papiers du Mercure François" ?... Non, merci ! Calculer, avoir peur, ĂȘtre blĂȘme, PrĂ©fĂ©rer faire une visite qu'un poĂšme, RĂ©diger des placets, se faire prĂ©senter ? Non, merci ! non, merci ! non, merci ! Mais... chanter, RĂȘver, rire, passer, ĂȘtre seul, ĂȘtre libre, Avoir l'Ɠil qui regarde bien, la voix qui vibre, Mettre, quand il vous plaĂźt, son feutre de travers, Pour un oui, pour un non, se battre, - ou faire un vers ! Travailler sans souci de gloire ou de fortune, À tel voyage, auquel on pense, dans la lune ! N'Ă©crire jamais rien qui de soi ne sortĂźt, Et modeste d'ailleurs, se dire : mon petit, Sois satisfait des fleurs, des fruits, mĂȘme des feuilles, Si c'est dans ton jardin Ă  toi que tu les cueilles ! Puis, s'il advient d'un peu triompher, par hasard, Ne pas ĂȘtre obligĂ© d'en rien rendre Ă  CĂ©sar, Vis-Ă -vis de soi-mĂȘme en garder le mĂ©rite, Bref, dĂ©daignant d'ĂȘtre le lierre parasite, Lors mĂȘme qu'on n'est pas le chĂȘne ou le tilleul, Ne pas monter bien haut, peut-ĂȘtre, mais tout seul !
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Edmond Rostand (Cyrano de Bergerac)
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Les langues ne sont pas seulement des langues : ce sont aussi des world views, c’est à dire des façons de voir et de comprendre le monde. Il y a de l’intraduisible là-dedans... et si vous avez plus d’une world view... vous n’en avez, d’une certaine façon, aucune.
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Nancy Huston (Nord Perdu, suivi de Douze France)
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A mon sens, dans ma façon de « voir », de « comprendre », l’image, la vision que propose ma photo, ne veut surtout rien « garder », seulement proposer un sentiment de dĂ©couverte, d’approfondissement soudain, de perception de ce que j’appelle ouverture, de clartĂ© qu’on pourrait dire intuitive.
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Lorand Gaspar
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s’était tant de fois entendu dire ces choses, qu’elles n’avaient pour lui rien d’original. Emma ressemblait Ă  toutes les maĂźtresses ; et le charme de la nouveautĂ©, peu Ă  peu tombant comme un vĂȘtement, laissait voir Ă  nu l’éternelle monotonie de la passion, qui a toujours les mĂȘmes formes et le mĂȘme langage.
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Gustave Flaubert (Madame Bovary)
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AT THE VOIR dire the judge asks all the potential jurors to swear that even if they regularly watch CSI, Law & Order, Cold Case Files, or any other television show featuring forensic science and criminal justice, that they have a firm grasp on the difference between television—even reality television—and reality itself, in which we are presumably now mired. One potential juror with several small children says that won’t be a problem for her, because she mostly watches the Cartoon Network; the judge quips that an afternoon spent with the Cartoon Network provides as much or more information about the criminal justice system as a full season of Law & Order.
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Maggie Nelson (The Red Parts: Autobiography of a Trial)
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ConnaĂźtre une vĂ©ritĂ©, peut-ĂȘtre n'est-ce que la voir en silence. ConnaĂźtre la vĂ©ritĂ©, c'est peut-ĂȘtre avoir droit enfin au silence Ă©ternel. J'ai coutume de dire que l'arbre est vrai, lequel est une certaine relation entre ses parties. Puis la forĂȘt laquelle est une certaine relation entre les arbres. Puis le domaine lequel est une certaine relation entre les arbres et les plaines et autres matĂ©riaux du domaine. Puis de l'empire lequel est une certaine relation entre les domaines et les villes et autres matĂ©riaux des empires. Puis de Dieu lequel est une relation parfaite entre les empires et quoi que ce soit dans le monde. Dieu est aussi vrai que l'arbre, bien que plus difficile Ă  lire.
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Antoine de Saint-Exupéry (Citadelle)
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Mais toutes ces Ă©toiles-lĂ  elles se taisent. Toi, tu auras des Ă©toiles comme personne n’en a... - Que veux-tu dire ? - Quand tu regarderas le ciel, la nuit, puisque j’habiterai dans l’une d’elles, puisque je rirai dans l’une d’elles, alors ce sera pour toi comme si riaient toutes les Ă©toiles. Tu auras, toi, des Ă©toiles qui savent rire ! Et il rit encore. - Et quand tu seras consolĂ© (on se console toujours) tu seras content de m’avoir connu. Tu seras toujours mon ami. Tu auras envie de rire avec moi. Et tu ouvriras parfois ta fenĂȘtre, comme ça, pour le plaisir... Et tes amis seront bien Ă©tonnĂ©s de te voir rire en regardant le ciel. Alors tu leur diras: "Oui, les Ă©toiles, ça me fait toujours rire !" Et ils te croiront fou.
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Antoine de Saint-Exupéry (The Little Prince)
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Eh bien, c'est l'histoire d'un petit ourson qui s'appelle
 Arthur. Et y'a une fĂ©e, un jour, qui vient voir le petit ourson et qui lui dit : Arthur tu vas partir Ă  la recherche du Vase Magique. Et elle lui donne une Ă©pĂ©e hmm
 magique (ouais, parce qu'y a plein de trucs magiques dans l'histoire, bref) alors le petit ourson il se dit : "Heu, chercher le Vase Magique ça doit ĂȘtre drĂŽlement difficile, alors il faut que je parte dans la forĂȘt pour trouver des amis pour m'aider." Alors il va voir son ami Lancelot
 le cerf (parce que le cerf c'est majestueux comme ça), heu, Bohort le faisan et puis LĂ©odagan
 heu
 l'ours, ouais c'est un ours aussi, c'est pas tout Ă  fait le mĂȘme ours mais bon. Donc LĂ©odagan qui est le pĂšre de la femme du petit ourson, qui s'appelle GueniĂšvre la truite
 non, non, parce que c'est la fille de
 non c'est un ours aussi puisque c'est la fille de l'autre ours, non parce qu'aprĂšs ça fait des machins mixtes, en fait un ours et une truite
 non en fait ça va pas. Bref, sinon y'a Gauvain le neveu du petit ourson qui est le fils de sa sƓur Anna, qui est restĂ©e Ă  Tintagel avec sa mĂšre Igerne la
 bah non, ouais du coup je suis obligĂ© de foutre des ours de partout sinon on pige plus rien dans la famille
 Donc c'est des ours, en gros, enfin bref
 Ils sont tous lĂ  et donc Petit Ourson il part avec sa troupe Ă  la recherche du Vase Magique. Mais il le trouve pas, il le trouve pas parce qu'en fait pour la plupart d'entre eux c'est
 c'est des nazes : ils sont hyper mous, ils sont bĂȘtes, en plus y'en a qu'ont la trouille. Donc il dĂ©cide de les faire bruler dans une grange pour s'en dĂ©barrasser
 Donc la fĂ©e revient pour lui dire : "Attention petit ourson, il faut ĂȘtre gentil avec ses amis de la forĂȘt" quand mĂȘme c'est vrai, et du coup Petit Ourson il lui met un taquet dans la tĂȘte Ă  la fĂ©e, comme ça : "BAH !". Alors la fĂ©e elle est comme ça et elle s'en va
 et voilĂ  et en fait il trouve pas le vase. En fait il est
 il trouve pas
 et Petit Ourson il fait de la dĂ©pression et tous les jours il se demande s'il va se tuer ou
 pas

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Alexandre Astier (Kaamelott, livre 3, premiùre partie : Épisodes 1 à 50)
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Sans doute, rien n'est plus naturel, aujourd'hui, que de voir des gens travailler du matin au soir et choisir ensuite de perdre aux cartes, au cafĂ©, et en bavardages, le temps qui leur reste pour vivre. Mais il est des villes ou des pays oĂč les gens ont, de temps en temps, le soupçon d'autre chose. En gĂ©nĂ©ral, cela ne change pas leur vie. Seulement, il y a eu le soupçon et c'est toujours cela de gagnĂ©. Oran, au contraire, est apparemment une ville sans soupçon, c'est-Ă -dire une ville tout Ă  fauit moderne. Il n'est pas nĂ©cessaire, en consĂ©quence, de prĂ©ciser la façon dont on s'aime chez nous. Les hommes et les femmes, ou bien se dĂ©vorent rapidement dans ce qu'on appelle l'acte d'amour, ou bien s'engagent dans une longue habitude Ă  eux. Entre ces deux extrĂȘmes, il n'y a pas souvent de milieu. Cela non plus n'est pas original. A Oran comme ailleurs, faute de temps et de rĂ©flexion, on est bien obligĂ© de s'aimer sans le savoir.
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Albert Camus (The Plague)
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certains pourraient s’étonner de nous voir affirmer que la rĂ©incarnation est une idĂ©e exclusivement moderne. Trop de confusions et de notions fausses ont cours depuis un siĂšcle pour que bien des gens, mĂȘme en dehors des milieux « nĂ©o-spiritualistes », ne s’en trouvent pas gravement influencĂ©s ; cette dĂ©formation est mĂȘme arrivĂ©e Ă  un tel point que les orientalistes officiels, par exemple, interprĂštent couramment dans un sens rĂ©incarnationniste des textes oĂč il n’y a rien de tel, et qu’ils sont devenus complĂštement incapables de les comprendre autrement, ce qui revient Ă  dire qu’ils n’y comprennent absolument rien.
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René Guénon (The Spiritist Fallacy (Collected Works of Rene Guenon))
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Il n'existe pas une Histoire, entitĂ© mystĂ©rieuse Ă©crite avec un h majuscule. Ce sont les hommes, tant qu'ils sont vraiment des hommes, qui font et dĂ©font l'histoire; l'historicisme est plus ou moins la mĂȘme chose que ce que, dans les milieu de gauche, on appelle le progressisme et il ne veut, aujourd'hui, qu'une chose : fomenter la passivitĂ© face au courant qui grossit et nous mĂšne toujours plus bas. Et, taxĂ© de rĂ©actionnaires, vous leur rĂ©pondez : Vous voudriez que pendant que vous agissez, dĂ©truisez et profanez, nous ne rĂ©agissions pas mais restions Ă  regarder et mĂȘme vous voudriez nous voire dire : Bravo, continuez ?
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Julius Evola (Orientamenti: undici punti)
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Le dĂ©sir de dire, le souci impĂ©rieux de porter tĂ©moignage, se trouve immĂ©diatement confrontĂ© Ă  toute une sĂ©rie de rĂ©ticences et de rĂ©sistances, nĂ©e de la disproportion entre ce que ces gens ont vĂ©cu et le rĂ©cit qu'il est possible - ou impossible - d'en faire. À peine commence-t-on Ă  raconter qu'on suffoque : nous avons affaire Ă  l'une de ces rĂ©alitĂ©s qui font dire qu'elles dĂ©passent l'entendement ou l'imagination. Je songe Ă  Robert Antelme, au tout dĂ©but de L'espĂšce humaine, quand il Ă©voque le sentiment de l'insuffisance ou de l'inutilitĂ© du langage pour ces hommes qui ont vu "ce que les hommes ne doivent pas voir". (p. 166)
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Michaël Ferrier (Fukushima : Récit d'un désastre)
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Il y a quelqu'un que je n'ai encore jamais eu envie de tuer. C'est toi. Tu peux marcher dans les rues, tu peux boire et marcher dans les rues, je ne te tuerai pas. N'aie pas peur. La ville est sans danger. Le seul danger dans la ville, c'est moi. Je marche, je marche dans les rues, je tue. Mais toi, tu n'as rien Ă  craindre. Si je te suis, c'est parce que j'aime le rythme de tes pas. Tu titubes. C'est beau. On pourrait dire que tu boites. Et que tu es bossu. Tu ne l'es pas vraiment. De temps en temps tu te redresses, et tu marches droit. Mais moi, je t'aime dans les heures avancĂ©es de la nuit, quand tu es faible, quand tu trĂ©buches, quand tu te voĂ»tes. Je te suis, tu trembles. De froid ou de peur. Il fait chaud pourtant. Jamais, presque jamais, peut-ĂȘtre jamais il n'avait fait si chaud dans notre ville. Et de quoi pourrais-tu avoir peur? De moi? Je ne suis pas ton ennemi. Je t'aime. Et personne d'autre ne pourrait te faire du mal. N'aie pas peur. je suis lĂ . Je te protĂšge. Pourtant, je souffre aussi. Mes larmes - grosses gouttes de pluie - me coulent sur le visage. La nuit me voile. La lune m'Ă©claire. Les nuages me cachent. Le vent me dĂ©chire. J'ai une sorte de tendresse pour toi. Cela m'arrive parfois. Tres rarement. Pourquoi pour toi? Je n'en sais rien. Je veux te suivre trĂšs loin, partout, longtemps. Je veux te voir souffrir encore plus. Je veux que tu en aies assez de tout le reste. Je veux que tu viennes me supplier de te prendre. Je veux que tu me dĂ©sires. Que tu aies envie de moi, que tu m'aimes, que tu m'appelles. Alors, je te prendrai dans mes bras, je te serrerai sur mon coeur, tu seras mon enfant, mon amant, mon amour. Je t'emporterai. Tu avais peur de naĂźtre, et maintenant tu as peur de mourir. Tu as peur de tout. Il ne faut pas avoir peur. Il y a simplement une grande roue qui tourne. Elle s'appelle ÉternitĂ©. C'est moi qui fais tourner la grande roue. Tu ne dois pas avoir peur de moi. Ni de la grande roue. La seule chose qui puisse faire peur, qui puisse faire mal, c'est la vie, et tu la connais dĂ©jĂ .
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Ágota Kristóf
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Dans les Cent Vingt JournĂ©es, le libertin se dĂ©clare excitĂ© non par les « objets qui sont ici », mais par l’Objet qui n’est pas lĂ , c’est-Ă -dire l’« idĂ©e du mal ». Or cette idĂ©e de ce qui n’est pas, cette idĂ©e du Non ou de la nĂ©gation, qui n’est pas donnĂ©e ni donnable dans l’expĂ©rience, ne peut ĂȘtre qu’objet de dĂ©monstration (au sens oĂč le mathĂ©maticien parle de vĂ©ritĂ©s qui gardent tout leur sens mĂȘme si nous dormons, et mĂȘme si elles n’existent pas dans la nature). C’est pourquoi aussi les hĂ©ros sadiques dĂ©sespĂšrent et enragent de voir leurs crimes rĂ©els si minces par rapport Ă  cette idĂ©e qu’ils ne peuvent atteindre que par la toute-puissance du raisonnement. Ils rĂȘvent d’un crime universel et impersonnel
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Gilles Deleuze (Venus in Furs)
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La pensĂ©e de la mort Vivre au milieu de ce dĂ©dale de ruelles, de besoins, de voix suscite en moi un bonheur mĂ©lancolique : que de jouissance, d'impatience, de dĂ©sir, que de vie assoiffĂ©e et d'ivresse de vivre se rĂ©vĂšle ici Ă  chaque instant ! Et pourtant tous ces ĂȘtres bruyants, vivants, assoiffĂ©s de vie plongeront bientĂŽt dans un tel silence ! Comme chacun est suivi par son ombre, le sombre compagnon qu'il emmĂšne avec lui ! Il en est toujours comme Ă  l'ultime moment avant le dĂ©part d'un navire d'Ă©migrants : on a plus de choses Ă  se dire que jamais, l'heure presse, l'ocĂ©an et son mutisme dĂ©solĂ© attend, impatient, derriĂšre tout ce bruit–si avide, si sĂ»r de tenir sa proie. Et tous, tous pensent que le temps Ă©coulĂ© jusqu'alors n'est rien ou peu de chose, que le proche avenir est tout : d'oĂč cette hĂąte, ces cris, cet Ă©tourdissement de soi-mĂȘme, cette duperie de soi-mĂȘme ! Chacun veut ĂȘtre le premier dans cet avenir,–et pourtant c'est la mort et le silence de mort qui est l'unique certitude et le lot commun Ă  tous dans cet avenir ! Qu'il est Ă©trange que cette unique certitude et ce lot commun n'aient presque aucun pouvoir sur les hommes et qu'ils soient Ă  mille lieues de se sentir comme une confrĂ©rie de la mort ! Cela me rend heureux de voir que les hommes ne veulent absolument pas penser la pensĂ©e de la mort ! J'aimerais contribuer en quelque maniĂšre Ă  leur rendre la pensĂ©e de la vie encore cent fois plus digne d'ĂȘtre pensĂ©e.
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Friedrich Nietzsche (The Gay Science: With a Prelude in Rhymes and an Appendix of Songs)
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C’était une femme originale et solitaire. Elle entretenait un commerce Ă©troit avec les esprits, Ă©pousait leurs querelles et refusait de voir certaines personnes de sa famille mal considĂ©rĂ©es dans le monde oĂč elle se rĂ©fugiait. Un petit hĂ©ritage lui Ă©chut qui venait de sa soeur. Ces cinq mille francs, arrivĂ©s Ă  la fin d’une vie, se rĂ©vĂ©lĂšrent assez encombrants. Il fallait les placer. Si presque tous les hommes sont capables de se servir d’une grosse fortune, la difficultĂ© commence quand la somme est petite. Cette femme resta fidĂšle Ă  elle-mĂȘme. PrĂšs de la mort, elle voulut abriter ses vieux os. Une vĂ©ritable occasion s’offrait Ă  elle. Au cimetiĂšre de sa ville, une concession venait d’expirer et, sur ce terrain, les propriĂ©taires avaient Ă©rigĂ© un somptueux caveau, sobre de lignes, en marbre noir, un vrai trĂ©sor Ă  tout dire, qu’on lui laissait pourla somme de quatre mille francs. Elle acheta ce caveau. C’était lĂ  une valeur sĂ»re, Ă  l’abri des fluctuations boursiĂšres et des Ă©vĂ©nements politiques. Elle fit amĂ©nager la fosse intĂ©rieure, la tint prĂȘte Ă  recevoir son propre corps. Et, tout achevĂ©, elle fit graver son nom en capitales d’or. Cette affaire la contenta si profondĂ©ment qu’elle fut prise d’un vĂ©ritable amour pour son tombeau. Elle venait voir au dĂ©but les progrĂšs des travaux Elle finit par se rendre visite tous les dimanches aprĂšs-midi. Ce fut son unique sortie et sa seule distraction. Vers deux heures de l’aprĂšs-midi, elle faisait le long trajet qui l’amenait aux portes de la ville oĂč se trouvait le cimetiĂšre. Elle entrait dans le petit caveau, refermait soigneusement la porte, et s’agenouillait sur le prie-Dieu. C’est ainsi que, mise en prĂ©sence d’elle-mĂȘme, confrontant ce qu’elle Ă©tait et ce qu’elle devait ĂȘtre, retrouvant l’anneau d’une chaĂźne toujours rompue, elle perça sans effort les desseins secrets de la Providence. Par un singulier symbole, elle comprit mĂȘme un jour qu’elle Ă©tait morte aux yeux du monde. À la Toussaint, arrivĂ©e plus tard que d’habitude, elle trouva le pas de la porte pieusement jonchĂ© de violettes. Par une dĂ©licate attention, des inconnus compatissants devant cette tombe laissĂ©e sans fleurs, avaient partagĂ© les leurs et honorĂ© la mĂ©moire de ce mort abandonnĂ© Ă  lui-mĂȘme.
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Albert Camus (L'envers et l'endroit)
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276. Pour la nouvelle annĂ©e. Je vis encore, je pense encore : il faut encore que je vive, car il faut encore que je pense. Sum, ergo cogito : cogito, ergo sum. Aujourd’hui je permets Ă  tout le monde d’exprimer son dĂ©sir et sa pensĂ©e la plus chĂšre : et, moi aussi, je vais dire ce qu’aujourd’hui je souhaite de moi-mĂȘme et quelle est la pensĂ©e que, cette annĂ©e, j’ai prise Ă  cƓur la premiĂšre — quelle est la pensĂ©e qui devra ĂȘtre dorĂ©navant pour moi la raison, la garantie et la douceur de vivre ! Je veux apprendre toujours davantage Ă  considĂ©rer comme la beautĂ© ce qu’il y a de nĂ©cessaire dans les choses : c’est ainsi que je serai de ceux qui rendent belles les choses. Amor fati : que cela soit dorĂ©navant mon amour. Je ne veux pas entrer en guerre contre la laideur. Je ne veux pas accuser, je ne veux mĂȘme pas accuser les accusateurs. DĂ©tourner mon regard, que ce soit lĂ  ma seule nĂ©gation ! Et, somme toute, pour voir grand : je veux, quelle que soit la circonstance, n’ĂȘtre une fois qu’affirmateur !
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Friedrich Nietzsche (Oeuvres complÚtes (24 titres annotés))
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– Je crois que je comprends pourquoi vous aimez voler dans cette rĂ©gion, ajouta-t-elle. On se sent comme un oiseau. Il lui jeta un regard surpris. – C'est vrai ; vous avez raison, c'est pour cela que j'aime voler. Mais je suis encore plus proche de l'oiseau quand je fais de la chute libre. – Vous voulez dire du parachute ? – Pas tout Ă  fait. Vous ne vous contentez pas de sauter d'un avion et de tirer sur un cordon. Les premiĂšres centaines de mĂštres se font sans le parachute. Pendant que vous tombez, vous vous mouvez en tous sens. On dirait un ballet dans le ciel. C'est une sensation indescriptible. On se sent libre. – Ce doit ĂȘtre trĂšs dangereux, remarqua-t-elle. – Oui, trĂšs... On joue avec la mort. On peut mĂȘme ĂȘtre fascinĂ© par ce sentiment intense de libertĂ© au point d'oublier de tirer sur le cordon et d'ouvrir le parachute. – Cela vous est-il arrivé ? – Plusieurs fois. J'ai attendu jusqu'au dernier instant, pour voir ce qu'il se passerait si je ne faisais rien ; mais Ă  chaque fois j'ai reculĂ© devant la mort.
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Flora Kidd (Marriage in Mexico)
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Bergson, on s'en souvient, voyait dans l'Ă©volution l'expression d'une force crĂ©atrice, absolue en ce sens qu'il ne la supposait pas tendue Ă  une autre fin que la crĂ©ation en elle-mĂȘme et pour elle-mĂȘme. En cela il diffĂšre radicalement des animistes (qu'il s'agisse d'Engels, de Teilhard ou des positivistes optimistes tels que Spencer) qui tous voient dans l'Ă©volution le majestueux dĂ©roulement d'un programme inscrit dans la trame mĂȘme de l'Univers. Pour eux, par consĂ©quent, l'Ă©volution n'est pas vĂ©ritablement crĂ©ation, mais uniquement 'rĂ©vĂ©lation' des intentions jusque-lĂ  inexprimĂ©es de la nature. D'oĂč la tendance Ă  voir dans le dĂ©veloppement embryonnaire une Ă©mergence de mĂȘme ordre que l'Ă©mergence Ă©volutive. Selon la thĂ©orie moderne, la notion de 'rĂ©vĂ©lation' s'applique au dĂ©veloppement Ă©pigĂ©nĂ©tique, mais non, bien entendu, Ă  l'Ă©mergence Ă©volutive qui, grĂące prĂ©cisĂ©ment au fait qu'elle prend sa source dans l'imprĂ©visible essentiel, est crĂ©atrice de nouveautĂ© absolue. Cette convergence apparente entre les voies de la mĂ©taphysique bergsonienne et celles de la science serait-elle encore l'effet d'une pure coĂŻncidence? Peut-ĂȘtre pas: Bergson, en artiste et poĂšte qu'il Ă©tait, trĂšs bien informĂ© par ailleurs des sciences naturelles de son temps, ne pouvait manquer d'ĂȘtre sensible Ă  l'Ă©blouissante richesse de la biosphĂšre, Ă  la variĂ©tĂ© prodigieuse des formes et des comportements qui s'y dĂ©ploient, et qui paraissent tĂ©moigner presque directement, en effet, d'une prodigalitĂ© crĂ©atrice inĂ©puisable, libre de toute contrainte. Mais lĂ  oĂč Bergson voyait la preuve la plus manifeste que le 'principe de la vie' est l'Ă©volution elle-mĂȘme, la biologie moderne reconnaĂźt, au contraire, que toutes les propriĂ©tĂ©s des ĂȘtres vivants reposent sur un mĂ©canisme fondamental de conservation molĂ©culaire. Pour la thĂ©orie moderne l'Ă©volution n'est nullement une propriĂ©tĂ© des ĂȘtres vivants puisqu'elle a sa racine dans les imperfections mĂȘmes du mĂ©canisme conservateur qui, lui, constitute bien leur unique privilĂšge. Il faut donc dire que la mĂȘme source de perturbations, de 'bruit', qui, dans un systĂšme non vivant, c'est-Ă -dire non rĂ©plicatif, abolirait peu Ă  peu toute structure, est Ă  l'origine de l'Ă©volution dans la biosphĂšre, et rend compte de sa totale libertĂ© crĂ©atrice, grĂące Ă  ce conservatoire du hasard, sourd au bruit autant qu'Ă  la musique: la structure rĂ©plicative de l'ADN.
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Jacques Monod (Chance and Necessity: An Essay on the Natural Philosophy of Modern Biology)
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Oui, la vie m’a traversĂ©e, je n’ai pas rĂȘvĂ©, ces hommes, des milliers, dans mon lit, dans ma bouche, je n’ai rien inventĂ© de leur sperme sur moi, sur ma figure, dans mes yeux, j’ai tout vu et ça continue encore, tous les jours ou presque, des bouts d’homme, leur queue seulement, des bouts de queue qui s’émeuvent pour je ne sais quoi car ce n’est pas de moi qu’ils bandent, ça n’a jamais Ă©tĂ© de moi, c’est de ma putasserie, du fait que je suis lĂ  pour ça, les sucer, les sucer encore, ces queues qui s’enfilent les unes aux autres comme si j’allais les vider sans retour, faire sortir d’elles une fois pour toutes ce qu’elles ont à dire, et puis de toute façon je ne suis pour rien dans ces Ă©panchements, ça pourrait ĂȘtre une autre, mĂȘme pas une putain mais une poupĂ©e d’air, une parcelle d’image cristallisĂ©e, le point de fuite d’une bouche qui s’ouvre sur eux tandis qu’ils jouissent de l’idĂ©e qu’ils se font de ce qui fait jouir, tandis qu’ils s’affolent dans les draps en faisant apparaĂźtre çà et là un visage grimaçant, des mamelons durcis, une fente trempĂ©e et agitĂ©e de spasmes, tandis qu’ils tentent de croire que ces bouts de femme leur sont destinĂ©s et qu’ils sont les seuls à savoir les faire parler, les seuls à pouvoir les faire plier sous le dĂ©sir qu’ils ont de les voir plier.
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Nelly Arcan (Putain)
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Je n'osais pas le dire aux autres mais j'avais peur de Francis. Je n'aimais pas trop quand Gino insistait sur la bagarre et la baston pour protĂ©ger l'impasse parce que je voyais bien que les copains Ă©taient de plus en plus motivĂ©s par ce qu'il racontait. Moi aussi, je l'Ă©tais un peu, mais je prĂ©fĂ©rais quand on fabriquait des bateaux avec des troncs de bananiers pour descendre la Muha, ou quand on observait aux jumelles les oiseaux dans les champs de maĂŻs derriĂšre le LycĂ©e international, ou encore quand on construisait des cabanes dans les ficus du quartier et qu'on vivait des tas de pĂ©ripĂ©ties d'Indiens et de Far West. On connaissait tous les recoins de l'impasse et on voulait y rester pour la vie entiĂšre, tous les cinq, ensemble. J'ai beau chercher, je ne me souviens pas du moment oĂč l'on s'est mis Ă  penser diffĂ©remment. A considĂ©rer que, dorĂ©navant, il y aurait nous d'un cĂŽtĂ© et, de l'autre, des ennemis, comme Francis. J'ai beau retourner mes souvenirs dans tous les sens, je ne parviens pas Ă  me rappeler clairement l'instant oĂč nous avons dĂ©cidĂ© de ne plus nous contenter de partager le peu que nous avions et de cesser d'avoir confiance de voir l'autre comme un danger, de crĂ©er cette frontiĂšre invisible avec le monde extĂ©rieur en faisant de notre quartier une forteresse et de notre impasse un enclos. Je me demande encore quand, les copains et moi, nous avons commencĂ© Ă  avoir peur.
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Gaël Faye (Petit pays)
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En florĂ©al, cet Ă©norme buisson, libre derriĂšre sa grille et dans ses quatre murs, entrait en rut dans le sourd travail de la germination universelle, tressaillait au soleil levant presque comme une bĂȘte qui aspire les effluves de l’amour cosmique et qui sent la sĂšve d’avril monter et bouillonner dans ses veines, et, secouant au vent sa prodigieuse chevelure verte, semait sur la terre humide, sur les statues frustes, sur le perron croulant du pavillon et jusque sur le pavĂ© de la rue dĂ©serte, les fleurs en Ă©toiles, la rosĂ©e en perles, la fĂ©conditĂ©, la beautĂ©, la vie, la joie, les parfums. À midi mille papillons blancs s’y rĂ©fugiaient, et c’était un spectacle divin de voir lĂ  tourbillonner en flocons dans l’ombre cette neige vivante de l’étĂ©. LĂ , dans ces gaies tĂ©nĂšbres de la verdure, une foule de voix innocentes parlaient doucement Ă  l’ñme, et ce que les gazouillements avaient oubliĂ© de dire, les bourdonnements le complĂ©taient. Le soir une vapeur de rĂȘverie se dĂ©gageait du jardin et l’enveloppait ; un linceul de brume, une tristesse cĂ©leste et calme, le couvraient ; l’odeur si enivrante des chĂšvrefeuilles et des liserons en sortait de toute part comme un poison exquis et subtil ; on entendait les derniers appels des grimpereaux et des bergeronnettes s’assoupissant sous les branchages ; on y sentait cette intimitĂ© sacrĂ©e de l’oiseau et de l’arbre ; le jour les ailes rĂ©jouissent les feuilles, la nuit les feuilles protĂ©gent les ailes.
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Victor Hugo (Les Misérables)
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Il etait plutot fin, donc, le sable, delie, ne s'agglomerait pas, c'etait de la pierre, en fait, de la pierre pilee, rien a voir ou presque avec la poussiere, c'est ce que je veux dire. Mais plus maintenant. C'est que ca vole, quand meme, le sable. Et il volait, la, sous les pieds des enfants, et partout ca retombait, et pour la premiere fois j'ai vu la plage comme une grande plage de poussiere. Je dis grande parce que j n'avais jamais vu autant de poussiere, meme chez moi, apres le depart de Constance. Et j'ai forcement pense a Laura, mais ce n'est pas ca, je n'ai pas eu a y penser, bien sur, j'y pensais, je ne faisais que ca, mais j'y pensais avec recul, enfin j'essayais, parce que le moins qu'on puisse dire c'est que j'avais besoin de distance, sauf que je n'arrivais pas a' en prendre, de la distance, je souffrais, c'est egalement le moins qu'on puisse dire, et le seul resultat de mes efforts c'etait ca: penser que je m'etais trompe, que Laura en fin de compte n'avait jamais convenu, depuis le debut, ni pour le menage, ni comme femme, donc, comme femme susceptible d'apporter un peu d'order, dans ma vie, et alors j'en trouvais la verfication maintenant, sur le sable, ce sable que je n'avais jamais aime, au fond, pas plus que la poussiere, ou Laura me laissait, jusqu'a la mordre. Et j'ai vu que le gens s'y couchaient, dans ce sable, que n'etait plus que poussiere, maintenant, et je me suis dit je suis comme eux, a cette difference pres qu'ils sont beaucoup plus forts, eux. Parce qu'ils s'entrainen, en fait. A y retourner, donc. A la poussiere, oui. Je pensais ca aussi parce que je me sentais mort, bien sur, mais tout de meme. Et je le pensais encore parce que j n'etais pas pret, moi. Je me sentais mort depuis deux minutes, seulement. Mort, mais supris.
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Christian Oster (Une femme de ménage)
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L'objectivitĂ©, vĂ©cue dans ce rĂȘve et dans ces visions, relĂšve de l'individuation accomplie. Elle est dĂ©tachement des jugements de valeur et de ce que nous dĂ©signons par attachement affectif. En gĂ©nĂ©ral, l'homme attribue une grande importance Ă  cet attachement affectif. Or, celui-ci renferme toujours des projections et ce sont celles-ci qu'il s'agit de retirer et de rĂ©cupĂ©rer, pour parvenir Ă  soi-mĂȘme et Ă  l'objectivitĂ©. Les relations affectives sont des relations de dĂ©sir et d'exigences, alourdies par des contraintes et des servitudes : on attend quelque chose de l'autre, ce par quoi cet autre et soi-mĂȘme perdent leur libertĂ©. La connaissance objective se situe au-delĂ  des intrications affectives, elle semble ĂȘtre le mystĂšre central. Elle seule rend possible la vĂ©ritable conjuctio*. * Ces pensĂ©e de Jung soulĂšvent beaucoup de problĂšmes et il faut Ă©viter les malentendus, surtout de la part des lecteurs jeunes. La vie affective est d'importance ! Le fin du fin de la sagesse n'est pas du tout une maniĂšre d'indiffĂ©rence, indiffĂ©rence qui, Ă  des phases plus juvĂ©niles de la vie, caractĂ©rise au contraire certaines maladies mentales. C'est Ă  force d'indiffĂ©rence et d'inaffectivitĂ© que le malade schizophrĂšne, par exemple, se trouve coupĂ© de la vie et du monde. Ce que Jung veut dire, c'est qu'il s'agit, aprĂšs avoir vĂ©cu les liens affectifs dans leur plĂ©nitude, de les laisser Ă©voluer vers une sĂ©rĂ©nitĂ©, voire un dĂ©tachement. Car les liens affectifs ayant rempli leurs bons offices d'insertion au monde, et ayant fait leurs temps, comportent pour tous les partenaires, par leur maturitĂ© mĂȘme, d'ĂȘtre dĂ©passĂ©s. Jung parle ici en tant qu'homme de grand Ăąge, d'expĂ©rience, de sagesse humaine, qui, en tant que tel, s'est dĂ©tachĂ© de ce que l'affectivitĂ© comporte nĂ©cessairement de subjectif et de contraignant. Sand doute avait-il atteint, lorsqu'il Ă©crivit ces pages, Ă  travers son individuation Ă  ce que nous appelons pour notre compte la "simplicitĂ© de retour". (Dr Roland Cahen) p. 467
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C.G. Jung (Memories, Dreams, Reflections)
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Quand elle Ă©tait petite, elle voulait m’épouser. J’étais son prince charmant. AnnĂ©e aprĂšs annĂ©e, j’avais bien vu dans son regard que le mythe s’était Ă©parpillĂ© dans les affres de la rĂ©alitĂ©. J’étais tombĂ© de mon piĂ©destal et, si je ne cherchais pas Ă  mentir sur qui j’étais, j’avais toujours eu envie qu’elle me voie au meilleur de ma forme. Au fond, je pouvais dire que nous n’avions jamais rĂ©ellement eu une relation saine. La preuve : cette incapacitĂ© physique d’aller voir son appartement, ce lieu oĂč elle vivait en femme. Il faudrait des siĂšcles pour admettre que nos enfants sont devenus adultes. On dit souvent qu’il est difficile de vieillir ; moi, je pourrais vieillir indĂ©finiment du moment que mes enfants, eux, ne grandiraient pas. Je ne sais pas pourquoi j’éprouvais tant de difficultĂ©s Ă  vivre cette transition que tout parent connaĂźt. Je n’avais pas l’impression qu’autour de moi les gens avaient les mĂȘmes. Pire, j’entendais des parents soulagĂ©s du dĂ©part de leurs enfants. Enfin, ils allaient retrouver la libertĂ©, disaient-ils. Il y avait ce film oĂč le garçon, Tanguy, s’éternisait chez ses parents, prolongeant sans cesse ses Ă©tudes. Le mien Ă©tait parti Ă  l’autre bout du monde dĂšs ses dix-huit ans. C’est toujours comme ça : ceux qui veulent se dĂ©barrasser de leurs enfants hĂ©ritent de boulets, tandis que ceux qui veulent couver Ă  loisir leur progĂ©niture se retrouvent avec des prĂ©coces de l’autonomie. Mon fils me manquait atrocement. Et je ne supportais plus d’échanger avec lui des messages par Skype, ou par e-mails. D’ailleurs, ces messages et ces moments virtuels Ă©taient de plus en plus courts. Nous n’avions rien Ă  nous dire. L’amour entre un parent et un enfant n’est pas dans les mots, pas dans la discussion. Ce que j’aimais, c’était simplement que mon fils soit lĂ , Ă  la maison. On pouvait ne pas se parler de la journĂ©e, ce n’était pas grave, je sentais sa prĂ©sence, ça me suffisait. Étais-je si tordu ? Je ne sais pas. Je ne peux qu’essayer de mettre des mots sur mes sentiments. Et je peux affirmer maintenant ce que je sais depuis le dĂ©but : je vis mal la sĂ©paration avec mes enfants. Elle me paraĂźt normale, justifiĂ©e, humaine, biologique, tout ce que vous voulez, pourtant elle me fait mal.
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David Foenkinos (Je vais mieux)
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La diffĂ©rence entre la psychologie moderne et la psychologie sacrĂ©e apparaĂźt dĂ©jĂ  dans le fait que, pour la plupart des psychologues modernes, la morale n'a plus rien Ă  faire avec la psychologie. GĂ©nĂ©ralement, ils rĂ©duisent l'Ă©thique Ă  la morale sociale, plus ou moins forgĂ©e par de simples habitudes et la considĂšrent comme une sorte de barrage psychique, utile Ă  l'occasion, mais le plus souvent contraignant, voire nĂ©faste, pour l'Ă©panouissement « normale » de la psychĂš individuelle. Cette conception a surtout Ă©tĂ© propagĂ©e par la psychanalyse freudienne, qui, comme on le sait, est devenu d'un usage courant dans certains pays, oĂč elle joue pratiquement le rĂŽle qui revient ailleurs au sacrement de la confession. Le psychiatre remplace le prĂȘtre et l'Ă©clatement des instincts refoulĂ©s sert d'absolution. Dans la confession sacramentelle, le prĂȘtre n'est que le reprĂ©sentant impersonnel – et donc tenu au secret – de la VĂ©ritĂ© divine, qui Ă  la fois juge et pardonne ; en confessant ses fautes, le pĂ©cheur transforme les tendances qui les sous-tendent en quelque chose qui n'est plus « lui-mĂȘme » ; il les « objectivise » ; en se repentant, il s'en dĂ©tache, et en recevant l'absolution, son Ăąme retrouve son Ă©quilibre initial, centrĂ© sur son axe divin. Dans le cas de la psychanalyse freudienne, en revanche (1), l'homme met Ă  nu ses entrailles psychiques non pas devant Dieu, mais devant son prochain ; il ne prend pas de recul par rapport aux fonds chaotiques et obscurs de son Ăąme que l'analyse lui dĂ©voile, mais au contraire se les approprie, puisqu'il doit se dire Ă  lui-mĂȘme : « C'est ainsi que je suis fait en rĂ©alitĂ© ». Et s'il ne parvient pas Ă  surmonter cette dĂ©sillusion avilissante grĂące Ă  quelque influence salutaire, il en conserve comme une souillure intĂ©rieure. Dans la plupart des cas, il tente de se sauver en se plongeant dans la mĂ©diocritĂ© psychique du plus grand nombre, car on supporte mieux son propre avilissement en le partageant avec autrui. Quelle que puisse ĂȘtre l'utilitĂ© occasionnelle et partielle d'une telle analyse, son rĂ©sultat est gĂ©nĂ©ralement celui-lĂ , Ă©tant donnĂ© les prĂ©misses dont elle part.(2) (1) Cette prĂ©cision est nĂ©cessaire dans la mesure oĂč il existe Ă©galement aujourd'hui des formes plus inoffensives de psychanalyse, ce qui ne veut pas dire que nous entendons par lĂ  justifier une forme quelconque de psychanalyse. (2) Il y a une rĂšgle selon laquelle quiconque pratique la psychanalyse doit auparavant avoir subi lui-mĂȘme la psychanalyse. D'oĂč la question de savoir qui a inaugurĂ© cette sĂ©rie, qui imite Ă©trangement la « succession apostolique ».
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Titus Burckhardt (Science moderne et Sagesse traditionnelle)
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C'est drÎle de constater que les gens en qui nous avons le plus confiance, ceux qui nous entourent, ne sont pas nécessairement ceux dont on a besoin. On peut passer des jours, voire des années avec ces personnes et ne rien recevoir en retour. Par contre, dans les instants les plus inattendus, un parfait inconnu peut nous accorder quelques minutes et nous dire quelques paroles qui ont le pouvoir de nous donner des ailes. En fin de compte, ces brÚves minutes valent plus que tout le temps passé avec notre entourage. En fin de compte, ces minutes allument un feu brûlant au fond de nous. Ce feu brûlant, c'est l'espoir et avec l'espoir, tout est possible.
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Emmie Wesline (Objectif Vancouver)
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Je me redisais en Ă©touffant mes sanglots les mots oĂč Gilberte avait laissĂ© Ă©clater sa joie de ne pas venir de longtemps aux Champs-ÉlysĂ©es. Mais dĂ©jĂ  le charme dont, par son simple fonctionnement, se remplissait mon esprit dĂšs qu'il songeait Ă  elle, la position particuliĂšre, unique,—fĂ»t elle affligeante,—oĂč me plaçait inĂ©vitablement par rapport Ă  Gilberte, la contrainte interne d'un pli mental, avaient commencĂ© Ă  ajouter, mĂȘme Ă  cette marque d'indiffĂ©rence, quelque chose de romanesque, et au milieu de mes larmes se formait un sourire qui n'Ă©tait que l'Ă©bauche timide d'un baiser. Et quand vint l'heure du courrier, je me dis ce soir-lĂ  comme tous les autres: Je vais recevoir une lettre de Gilberte, elle va me dire enfin qu'elle n'a jamais cessĂ© de m'aimer, et m'expliquera la raison mystĂ©rieuse pour laquelle elle a Ă©tĂ© forcĂ©e de me le cacher jusqu'ici, de faire semblant de pouvoir ĂȘtre heureuse sans me voir, la raison pour laquelle elle a pris l'apparence de la Gilberte simple camarade. Tous les soirs je me plaisais Ă  imaginer cette lettre, je croyais la lire, je m'en rĂ©citais chaque phrase. Tout d'un coup je m'arrĂȘtais effrayĂ©. Je comprenais que si je devais recevoir une lettre de Gilberte, ce ne pourrait pas en tous cas ĂȘtre celle-lĂ  puisque c'Ă©tait moi qui venais de la composer. Et dĂšs lors, je m'efforçais de dĂ©tourner ma pensĂ©e des mots que j'aurais aimĂ© qu'elle m'Ă©crivĂźt, par peur en les Ă©nonçant, d'exclure justement ceux-lĂ ,—les plus chers, les plus dĂ©sirĂ©s—, du champ des rĂ©alisations possibles. MĂȘme si par une invraisemblable coĂŻncidence, c'eĂ»t Ă©tĂ© justement la lettre que j'avais inventĂ©e que de son cĂŽtĂ© m'eĂ»t adressĂ©e Gilberte, y reconnaissant mon Ɠuvre je n'eusse pas eu l'impression de recevoir quelque chose qui ne vĂźnt pas de moi, quelque chose de rĂ©el, de nouveau, un bonheur extĂ©rieur Ă  mon esprit, indĂ©pendant de ma volontĂ©, vraiment donnĂ© par l'amour.
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Marcel Proust
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[...] le renversement des rapports peut s’exprimer de la façon suivante : au lieu de regarder l’ordre social tout entier comme dĂ©rivant de la religion, comme y Ă©tant suspendu en quelque sorte et ayant en elle son principe, ainsi qu’il en Ă©tait dans la « ChrĂ©tientĂ© » du moyen Ăąge, et ainsi qu’il en est Ă©galement dans l’Islam qui lui est fort comparable Ă  cet Ă©gard, on ne veut aujourd’hui voir tout au plus dans la religion qu’un des Ă©lĂ©ments de l’ordre social, un Ă©lĂ©ment parmi les autres et au mĂȘme titre que les autres ; c’est l’asservissement du spirituel au temporel, ou mĂȘme l’absorption de celui-lĂ  dans celui-ci, en attendant la complĂšte nĂ©gation du spirituel qui en est l’aboutissement inĂ©vitable. En effet, envisager les choses de cette façon revient forcĂ©ment Ă  « humaniser » la religion, nous voulons dire Ă  la traiter comme un fait purement humain, d’ordre social ou mieux « sociologique » pour les uns, d’ordre plutĂŽt psychologique pour les autres ; et alors, Ă  vrai dire, ce n’est plus la religion, car celle-ci comporte essentiellement quelque chose de « supra-humain », faute de quoi nous ne sommes plus dans le domine spirituel, le temporel et l’humain Ă©tant en rĂ©alitĂ© identiques au fond, suivant ce que nous avons expliquĂ© prĂ©cĂ©demment ; c’est donc lĂ  une vĂ©ritable nĂ©gation implicite de la religion et du spirituel, quelles que puissent ĂȘtre les apparences, de telle sorte que la nĂ©gation explicite et avĂ©rĂ©e sera moins l’instauration d’un nouvel Ă©tat de choses que la reconnaissance d’un fait accompli.
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René Guénon (Spiritual Authority & Temporal Power)
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Il ne faut pas juger les livres un par un. Je veux dire : il ne faut pas les voir comme des choses indĂ©pendantes. Un livre n’est jamais complet en lui-mĂȘme ; si on veut le comprendre, il faut le mettre en rapport avec d’autres livres, non seulement avec les livres du mĂȘme auteur, mais aussi avec des livres Ă©crits par d’autres personnes. Ce que l’on croit ĂȘtre un livre n’est la plupart du temps qu’une partie d’un autre livre plus vaste auquel plusieurs auteurs ont collaborĂ© sans le savoir.
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Jacques Poulin (Volkswagen Blues)
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Le reproche que l’on peut faire aux modernistes n'est pas de constater les « affaiblissements » et « durcissements » qui se produisent au sein des civilisations traditionnelles, — car on ne saurait reprocher Ă  quelqu’un de voir une chose qui existe, — mais de conclure Ă  l’infĂ©rioritĂ© globale desdites civilisations ; or, pour avoir le droit de juger ainsi, le monde moderne devrait lui-mĂȘme possĂ©der les valeurs spirituelles — donc fondamentales — de toute civilisation normale, ce qui prĂ©cisĂ©ment n’est pas le cas, ou en d’autres termes, il devrait dĂ©montrer comment il est possible Ă  l’esprit humain de porter toute son attention sur les domaines les plus divergents, ou encore, comment une civilisation peut concilier pratiquement les progrĂšs modernes — fruits de tant d’efforts intenses conditionnĂ©s par une surestimation des choses terrestres — avec un esprit contemplatif,c’est-Ă -dire tournĂ© vers les rĂ©alitĂ©s transcendantes et par consĂ©quent indiffĂ©rent Ă  l’égard des choses de ce monde. Car toute la question se rĂ©duit en somme Ă  l’alternative suivante : ou bien le monde moderne possĂšde les valeurs spirituelles des civilisations normales, et dans ce cas, il peut citer en exemple ses progrĂšs qui,lorsqu'on les isole artificiellement de leur ambiance de compossibles, sont incontestables ; ou bien, le monde moderne ne possĂšde pas lesdites valeurs, mais alors il est dĂ©pourvu de ce qui seul donne un sens Ă  la vie et la rend digne d’ĂȘtre vĂ©cue. FatalitĂ© et ProgrĂ©s
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Frithjof Schuon
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Je savais que nous devions passer par ces mauvais moments, pour ensuite connaĂźtre une humanitĂ© bienveillante. C’est du moins ce que nous avait dit notre FĂŒhrer Adolf Hitler. Rien de cela n’existe. Qu’il repose en paix. Je ne lui en veux pas plus Ă  lui qu’à tous les autres grands dirigeants de ce monde. Lui, au moins, bĂ©nĂ©ficie du doute puisqu’il n’a pas eu l’occasion d’établir ces lendemains de victoire. Tandis que les autres, qui ont organisĂ© leur petite paix grelottante aux quatre coins du monde, les autres qui, stupidement hantĂ©s par une frousse injustifiĂ©e, et au nom d’une Ă©volution Ă©ducatrice, ont laissĂ© aux primates du globe l’occasion d’allumer un peu partout des incendies menaçants, ces autres lĂ  peuvent ĂȘtre jugĂ©s. Des commerçants pendables. Des commerçants qui ne pouvant plus vendre de nĂšgres, ont alors trouvĂ© une astuce presque aussi rentable et qui vendent Ă  prĂ©sent les blancs aux nĂšgres ! Tout ceci enrobĂ© dans une petite politique mielleuse de vieille femme. Une politique qui ne prend pas position. Sait-on jamais ? Le vent peut tourner. Evidemment, dans l’attitude de Hitler ou de Mussolini il y avait un autre style. Ceux-lĂ  se permirent de dire non aux vieilles convenances. A tous les potentats : industriels, francs-maçons, juifs ou culs-bĂ©nits. A cette Ă©poque, tous ces indolents Ă©taient comme des carpettes : fous d’inquiĂ©tude devant leurs tirelires dans lesquelles le chef d’orchestre Hitler puisait Ă  deux mains. Cela, Ă©videmment, les rendait blĂȘmes de voir gaspiller tout cet argent pour rĂ©aliser un grand opĂ©ra. Alors, les spectateurs chiasseux et apeurĂ©s grimpĂšrent sur la scĂšne et Ă©touffĂšrent le metteur en scĂšne prodigue. Mais ils ne connaissent pas la paix. Les coliques les travaillent sans arrĂȘt. Ils sont Ă  la merci du premier chef de musique, noir ou jaune qui risque de les faire danser une autre danse. Mais, cette danse-lĂ  ne sera pas europĂ©enne et ils ne comprendront pas.
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Guy Sajer (The Forgotten Soldier)
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L'aube venait et l'on s'est dit : "Qu'est-ce que c'est ça qui nous arrive lĂ  ?" Des hommes en file sur le rouge du ciel, des hommes chargĂ©s de caisses et de paquets. Ils ont tout quittĂ© dans l'herbe ; on s'est levĂ©, on est allĂ© voir. Il y a des cartouches, des grenades, du chocolat, du camembert, de grands couteaux de boucherie et voilĂ  le retardataire qui vient lĂ -bas avec ses seaux d'alcool truquĂ©. Olivier a regardĂ© Daniel. — Ça y est encore !... — Seulement, voilĂ , a dit Daniel : cette fois, ça n'est plus comme d'habitude. On est lĂ  en plein dans le champ. Depuis hier, on marche en tirailleurs. Pas un seul n'a l'air de savoir. Le commandant est venu ; il a parlĂ© avec le capitaine et les lieutenants : "OĂč va-t-on ?" lui a demandĂ© le capitaine. Il a fait comme ça des bras pour dire : "Je ne sais pas." Et puis il a dit : "Non, on ne sait rien. On ne sait pas oĂč ça va se produire. On nous emploiera lĂ  oĂč ça sera utile et ça, on ne peut savoir oĂč." Alors, tu vois, ça n'a pas l'air d'ĂȘtre une attaque. On est plutĂŽt des poignĂ©es de mortier et lĂ  oĂč ça craquera on nous Ă©crasera dessus la fente pour boucher.
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Jean Giono (Refus d'obéissance)
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Mon pÚre suppliait du regard; il demandait encore une heur, encore quelques minutes, il avait encore quelque chose à me dire -je demande que ton pardon me soit accordé... AprÚs celui qui possÚde mon ame pourra l'emporter ou il veut, dans ses jardin fleuris, dans ses riviÚres paisibles, ou la jeter dans le cratÚre d'un volcan. mais avant, accorde-moi la grùce de l'oublie. c'est cela le pardon, tu es libre à présent. va-t'en, quitte cette maison maudite, fais des voyages, vis!... vis! ... et ne retourne pas pour voir le désastre que je laisse. oublie et prends le temps de vivre... oublie cette ville... en cette nuit j'ai su que ton déstin serais meilleurs que celui de toutes les femmes de ce pays. je suis lucide, je n'invente rien. je vois ton visage auréollé d'une lumiÚre extraordinaire. tu viens de naitre, cette nuit... tu es une femme... laisse ta beauté te guider. il n'y a plus rien à craindre. la nuit du destin te nome Zahra, enfant de l'éternité tu ees le temps qui se maintient dans le versant du silence... sur le sommet du feu ...parmi les arbres... c'est toi que je vois ma fille c'est toi qui me tend la main Mon pÚre suppliait du regard; il demandait encore une heur, encore quelques minutes, il avait encore quelque chose à me dire -je demande que ton pardon me soit accordé... AprÚs celui qui possÚde mon ame pourra l'emporter ou il veut, dans ses jardin fleuris, dans ses riviÚres paisibles, ou la jeter dans le cratÚre d'un volcan. mais avant, accorde-moi la grùce de l'oublie. c'est cela le pardon, tu es libre à présent. va-t'en, quitte cette maison maudite, fais des voyages, vis!... vis! ... et ne retourne pas pour voir le désastre que je laisse. oublie et prends le temps de vivre... oublie cette ville... en cette nuit j'ai su que ton déstin serais meilleurs que celui de toutes les femmes de ce pays. je suis lucide, je n'invente rien. je vois ton visage auréollé d'une lumiÚre extraordinaire. tu viens de naitre, cette nuit... tu es une femme... laisse ta beauté te guider. il n'y a plus rien à craindre. la nuit du destin te nome Zahra, enfant de l'éternité tu ees le temps qui se maintient dans le versant du silence... sur le sommet du feu ...parmi les arbres... c'est toi que je vois ma fille c'est toi qui me tend la main
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Tahar Ben Jelloun
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Mon pÚre suppliait du regard; il demandait encore une heur, encore quelques minutes, il avait encore quelque chose à me dire -je demande que ton pardon me soit accordé... AprÚs celui qui possÚde mon ame pourra l'emporter ou il veut, dans ses jardin fleuris, dans ses riviÚres paisibles, ou la jeter dans le cratÚre d'un volcan. mais avant, accorde-moi la grùce de l'oublie. c'est cela le pardon, tu es libre à présent. va-t'en, quitte cette maison maudite, fais des voyages, vis!... vis! ... et ne retourne pas pour voir le désastre que je laisse. oublie et prends le temps de vivre... oublie cette ville... en cette nuit j'ai su que ton déstin serais meilleurs que celui de toutes les femmes de ce pays. je suis lucide, je n'invente rien. je vois ton visage auréollé d'une lumiÚre extraordinaire. tu viens de naitre, cette nuit... tu es une femme... laisse ta beauté te guider. il n'y a plus rien à craindre. la nuit du destin te nome Zahra, enfant de l'éternité tu ees le temps qui se maintient dans le versant du silence... sur le sommet du feu ...parmi les arbres... c'est toi que je vois ma fille c'est toi qui me tend la main
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Tahar Ben Jelloun (L'enfant de sable / La nuit sacrée)
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La phrase de Brecht : le parti a mille yeux mais l'individu n'en a que deux, est fausse comme toutes les vĂ©ritĂ©s premiĂšres. L'imagination exacte d'un dissident peut voir plus que mille yeux auxquels on a mis les lunettes roses de l'unitĂ© et qui ensuite confondent ce qu'ils perçoivent avec l'universalitĂ© du vrai, et rĂ©gressent. C'est Ă  cela que s'oppose l'individuation de la connaissance. De celle-ci, de la diffĂ©renciation, ne dĂ©pend pas seulement la perception de l'objet : elle est tout autant elle-mĂȘme constituĂ©e Ă  partir de l'objet qui en elle rĂ©clame pour ainsi dire sa restitutio in integrum. NĂ©anmoins, les modes de rĂ©action subjectifs dont l'objet a besoin ont eux-mĂȘmes besoin d'ĂȘtre incessamment corrigĂ©s sur l'objet. Cela s'accomplit dans l'autorĂ©flexion, ferment de l'expĂ©rience spirituelle. Le processus de l'objectivation philosophique serait, pour l'exprimer mĂ©taphoriquement, vertical, infratemporel, face Ă  l'horizontal, abstraitement quantifiant, de la science : c'est lĂ  toute la vĂ©ritĂ© de la mĂ©taphysique du temps de Bergson.
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Theodor W. Adorno (Negative Dialectics)
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L’Occident dispose de la force et d’une organisation suffisante pour circonscrire ce qui s’oppose Ă  lui, Ă  dĂ©faut de pouvoir l’éradiquer complĂštement. S’il a peur, c’est parce qu’il commence Ă  comprendre, mĂȘme s’il refuse encore Ă  l’admettre (17), que la voie du modernisme et du « progrĂšs » proclamĂ© l’a menĂ© Ă  une impasse ; c’est-Ă -dire : parce qu’il est fondĂ©, tout entier et dĂšs l’origine, sur une erreur, le monde moderne a peur de la vĂ©ritĂ© ; parce qu’il se nourrit d’illusions, il a peur d’une rĂ©alitĂ© dont l’essence est divine ; parce qu’il a nĂ©gligĂ© le DĂ©pĂŽt de confiance (amĂąna) (18) que Dieu a confiĂ© Ă  l’homme, il a peur de voir que celui-ci ne maĂźtrise plus son destin ; parce qu’il a trahi les alliances traditionnelles, il a peur d’ĂȘtre sanctionnĂ© et chĂątiĂ©. Telles sont les raisons profondes, en grande partie mal perçues, qui explique sa peur de l’islĂąm. 17) Par exemple en promouvant l’idĂ©e, typiquement antĂ©christique d’une « conquĂȘte de l’espace ».
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Charles-André Gilis (L'intégrité islamique : Ni intégrisme ni intégration)
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– Parce que tu crois que c’est mon ex-petit-ami ? Ou que j’ai envie de me le taper ? Est-ce que ça veut dire que maintenant que tu es un homme mariĂ©, tu vas arrĂȘter de voir toutes tes anciennes maĂźtresses ? demanda Elianor avec une naĂŻvetĂ© exagĂ©rĂ©e. Et avant mĂȘme que Tristan n’ait le temps de rĂ©pondre, elle repartit en fou rire. – Ah mais, suis-je bĂȘte ! enchaĂźna-t-elle en se frappant le front avec la paume de la main. Ce serait synonyme de ne plus adresser la parole Ă  la totalitĂ© de la gent fĂ©minine, je me trompe ? – Est-ce une pointe de jalousie que je perçois dans ta voix ? se moqua-t-il. – Pas du tout, c’est de la fatalitĂ©.
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Elisia Blade (Séduire & Conquérir (Crush Story #5))
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BAILIFF Juror [who is Asian] says she does not speak English. THE COURT [who is Asian] That’ll be denied. COUNSEL I request to voir-dire her. THE COURT That’ll be denied. The Asians pull that all the time. Bad
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Charles M. Sevilla (Law and Disorder: Absurdly Funny Moments from the Courts)
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DEFENSE COUNSEL And then the defense? THE COURT It’s the Court’s practice to start with the prosecution, and I would ask the D.A. to voir-dire the jury ad seriatim. DEFENSE COUNSEL Would you run that by me again? THE COURT Ad seriatim. DEFENSE COUNSEL I’m sorry. All at once? One at a time? THE COURT That means one, two, three, four, five, six, seven, eight, nine, ten . . . DEFENSE COUNSEL One through twelve? THE COURT Yes, in that order, not bouncing around, ad seriatim. And that means, when he’s done, you can ask your questions ad seriatim. DEFENSE COUNSEL I’d prefer to ask them ad nauseam, if you don’t mind. What
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Charles M. Sevilla (Law and Disorder: Absurdly Funny Moments from the Courts)
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Mais ils dormaient dĂ©jĂ , en vĂ©ritĂ©, et tout ce temps ne fut qu'un long sommeil. La ville Ă©tait peuplĂ©e de dormeurs Ă©veillĂ©s qui n'Ă©chappaient rĂ©ellement Ă  leur sort que ces rares fois oĂč, dans la nuit, leur blessure apparemment fermĂ©e se rouvrait brusquement. Et rĂ©veillĂ©s en sursaut, ils en tĂątaient alors, avec une sorte de distraction, les lĂšvres irritĂ©es, retrouvant en un Ă©clair leur souffrance, soudain rajeunie, et, avec elle, le visage bouleversĂ© de leur amour. Au matin, ils revenaient au flĂ©au, c'est-Ă -dire Ă  la routine. Mais de quoi, dira-t-on, ces sĂ©parĂ©s avaient-ils l'air ? Eh bien, cela est simple, ils n'avaient l'air de rien. Ou, si on prĂ©fĂšre, ils avaient l'air de tout le monde, un air tout Ă  fait gĂ©nĂ©ral. Ils partageaient la placiditĂ©, et les agitations puĂ©riles de la citĂ©. Ils perdaient les apparences du sens critique, tout en gagnant les apparences du sang-froid. On pouvait voir, par exemple, les plus intelligents d'entre eux faire mine de chercher comme tout le monde dans les journaux, ou bien dans les Ă©missions radiophoniques, des raisons de croire Ă  une fin rapide de la peste, et concevoir apparemment des espoirs chimĂ©riques, ou Ă©prouver des craintes sans fondement, Ă  la lecture de considĂ©rations qu'un journaliste avait Ă©crites un peu au hasard, en bĂąillant d'ennui. Pour le reste, ils buvaient leur biĂšre ou soignaient leurs malades, paressaient ou s'Ă©puisaient, classaient des fiches ou faisaient tourner des disques sans se distinguer autrement les uns des autres. Autrement dit, ils ne choisissaient plus rien. La peste avait supprimĂ© les jugements de valeur. Et cela se voyait Ă  la façon dont personne ne s'occupait plus de la qualitĂ© des vĂȘtements ou des aliments qu'on achetait. On acceptait tout en bloc.
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Albert Camus (The Plague)
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Dans son rapport inaugural, le Forum, Ă  propos de la mondialisation qu'il a symbolisĂ©e sous ses formes les plus conquĂ©rantes et sĂ»res d'elles-mĂȘmes, Ă©voque avec un sens exquis de l'euphĂ©misme "un risque de dĂ©sillusion". Mais dans les conversations, c'est autre chose. DĂ©sillusion ? Crise ? InĂ©galitĂ©s ? D'accord, si vous y tenez, mais enfin, comme nous le dit le trĂšs cordial et chaleureux PDG de la banque amĂ©ricaine Western Union, soyons clairs : si on ne paie pas les leaders comme ils le mĂ©ritent, ils s'en iront voir ailleurs. Et puis, capitalisme, ça veut dire quoi ? Si vous avez 100 dollars d'Ă©conomies et que vous les mettez Ă  la banque en espĂ©rant en avoir bientĂŽt 105, vous ĂȘtes un capitaliste, ni plus ni moins que moi. Et plus ces capitalistes comme vous et moi (il a rĂ©ellement dit "comme vous et moi", et mĂȘme si nous gagnons fort dĂ©cemment notre vie, mĂȘme si nous ne connaissons pas le salaire exact du PDG de la Western Union, pour ne rien dire de ses stock-options, ce "comme vous et moi" mĂ©rite Ă  notre sens le pompon de la "brĂšve de comptoir" version Davos), plus ces capitalistes comme vous et moi, donc, gagneront d'argent, plus ils en auront Ă  donner, pardon Ă  redistribuer, aux pauvres. L'idĂ©e ne semble pas effleurer cet homme enthousiaste, et Ă  sa façon, gĂ©nĂ©reux, que ce ne serait pas plus mal si les pauvres Ă©taient en mesure d'en gagner eux-mĂȘms et ne dĂ©pendaient pas des bonnes dispositions des riches. Faire le maximum d'argent, et ensuite le maximum de bien, ou pour les plus sophistiquĂ©s faire le maximum de bien en faisant le maximum d'argent, c'est le mantra du Forum, oĂč on n'est pas grand-chose si on n'a pas sa fondation caritative, et c'est mieux que rien, sans doute "(vous voudriez quoi ? Le communisme ?"). Ce qui est moins bien que rien, en revanche, beaucoup moins bien, c'est l'effarante langue de bois dans laquelle ce mantra se dĂ©cline. Ces mots dont tout le monde se gargarise : prĂ©occupation sociĂ©tale, dimension humaine, conscience globale, changement de paradigme
 De mĂȘme que l'imagerie marxiste se reprĂ©sentait autrefois les capitalistes ventrus, en chapeau haut de forme et suçant avec voluptĂ© le sang du prolĂ©tariat, on a tendance Ă  se reprĂ©senter les super-riches et super-puissants rĂ©unis Ă  Davos comme des cyniques, Ă  l'image de ces traders de Chicago qui, en rĂ©ponse Ă  Occupy Wall Street, ont dĂ©ployĂ© au dernier Ă©tage de leur tour une banderole proclamant : "Nous sommes les 1%". Mais ces petits cyniques-lĂ  Ă©taient des naĂŻfs, alors que les grands fauves qu'on cĂŽtoie Ă  Davos ne semblent, eux, pas cyniques du tout. Ils semblent sincĂšrement convaincus des bienfaits qu'ils apportent au monde, sincĂšrement convaincus que leur ingĂ©nierie financiĂšre et philanthropique (Ă  les entendre, c'est pareil) est la seule façon de nĂ©gocier en douceur le fameux changement de paradigme qui est l'autre nom de l'entrĂ©e dans l'Ăąge d'or. Ça nous a Ă©tonnĂ©s dĂšs le premier jour, le parfum de new age qui baigne ce jamboree de mĂąles dominants en costumes gris. Au second, il devient entĂȘtant, et au troisiĂšme on n'en peut plus, on suffoque dans ce nuage de discours et de slogans tout droit sortis de manuels de dĂ©veloppement personnel et de positive thinking. Alors, bien sĂ»r, on n'avait pas besoin de venir jusqu'ici pour se douter que l'optimisme est d'une pratique plus aisĂ©e aux heureux du monde qu'Ă  ses gueux, mais son inflation, sa dĂ©connexion de toute expĂ©rience ordinaire sont ici tels que l'observateur le plus modĂ©rĂ© se retrouve Ă  osciller entre, sur le versant idĂ©aliste, une indignation rĂ©volutionnaire, et, sur le versant misanthrope, le sarcasme le plus noir. (p. 439-441)
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Emmanuel CarrĂšre (Il est avantageux d'avoir oĂč aller)
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L'erreur est souvent mal interprĂ©tĂ©e. Lorsqu'un enfant se trompe, il se dit facilement : "Je suis nul, je n'y arrive pas, mes copains vont le voir", alors qu'il serait plus juste qu'il se dire : "Je me suis trompĂ©e
 C'est normal puisque je suis en train d'apprendre. Pourquoi est-ce que ne j'y arrive pas ? Comment pourrais-je procĂ©der autrement ?" (p. 46)
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Isabelle Peloux (L'école du Colibri: La pédagogie de la coopération (Domaine du possible) (French Edition))
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Comme la vie est lente... Comme l'espĂ©rance est violente..." Ce sont les mots d'un poĂšte. DostoĂŻevski a probablement montrĂ© l'inverse et le constat qui est le sien serait plutĂŽt que la vie est violente et l'espĂ©rance lente Ă  porter son fruit. Il aura, en revanche, donnĂ© Ă  voir le dĂ©chirement induit par la diffĂ©rence d'allure que pointait Apollinaire. [...] Ce que le poĂšte a dĂ©signĂ© n'en est pas moins rĂ©vĂ©lateur de cela mĂȘme qui fonde les romans de DostoĂŻevski et, peut-ĂȘtre, la littĂ©rature en son principe. Il ne s'agit en effet rien de moins que du constat que la vie ne parvient pas Ă  s'Ă©tablir sur la pointe de ses bonheurs. D'oĂč ce dĂ©sĂ©quilibre entre elle et le dĂ©sir. D'oĂč ce dĂ©calage entre le vĂ©cu et l'espĂ©rance. Ce n'est pas Ă  dire que la joie y manque forcĂ©ment, mais qu'on ne sait pas durer le souffle coupĂ© par l'Ă©motion d'un surcroĂźt. Or la parole littĂ©raire, en ce qu'elle nous ressemble, en ce qu'elle ressemble Ă  nos vĂ©cus, ne sĂ©journe pas davantage sur les points d'intensitĂ© heureuse qu'on voudrait y reprĂ©senter.
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Gabrielle Althen (Dostoïevski, Le meurtre et l'espérance)
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C’était Ă  lui de faire le premier geste. Ce n’était ni un test ni un jeu, mais April ne pouvait pas restĂ©e mariĂ©e avec lui sans un minimum de dĂ©sir, de passion et d’efforts de sa part. Si c’était elle qui proposait de le retrouver, elle ne saurait jamais s’il avait acceptĂ© par pitiĂ© ou par mauvaise conscience. Il fallait que Troy lui montre ce qu’elle reprĂ©sentait pour lui. En toute honnĂȘtetĂ©, elle n’aurait su dire si le Troy d’autrefois serait venu la voir en France ou s’il aurait attendu son retour Ă  New York pour la retrouver. Depuis quelques mois, elle avait tendance Ă  confondre l’homme dont elle Ă©tait tombĂ©e amoureuse avec l’homme qu’elle aurait voulu qu’il soit.
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Michelle Gable (L'appartement oublié)
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C’est exactement ça que je veux. On croirait que tu lis dans mes pensĂ©es. Peux-tu me dire ce que je pense là ? — « Va te faire voir » ? — Bien jouĂ©.
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Joanna Bolouri (Comment ne pas faire pitié à Noël quand on est célibataire)
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Il Ă©tait passĂ© la voir le lendemain et avait bu une biĂšre sans mĂȘme s'asseoir, pire que froid, un Ă©tranger. Jenn avait compris. Elle Ă©tait de toute façon de ces femmes qui doivent toujours comprendre, les colĂšres et les lĂąchetĂ©s, se trimballer les gosses et torcher les vieux, ĂȘtre toujours moins bien payĂ©e et dire amen. De mĂšre en mĂšre, c'Ă©tait comme ça. - Mais toi, t'as envie de quoi ? avait tout de mĂȘme demandĂ© Greg. - Je sais pas. Ce qui signifiait Ă  l'Ă©vidence qu'elle envisageait moyennement de se dĂ©barrasser de l'avenir qui lui poussait dans le ventre. Le pĂšre de Bilal s'Ă©tait cassĂ© depuis longtemps et elle en avait bavĂ© pour refaire sa vie, entre ses journĂ©es Ă  rallonge et son gosse qui n'Ă©tait pas si facile. Elle avait tenu bon, farouche et souriante, sans jamais renoncer toutefois Ă  la possibilitĂ© d'une vie Ă  deux, la seule envisageable Ă  ses yeux. Dans ce domaine, elle n'avait pas tellement de prĂ©tentions d'ailleurs, et sur l'amour, plus guĂšre d'illusions. Il n'Ă©tait plus question pour elle de coup de foudre ni de passion pied au plancher, le cƓur Ă  cent Ă  l'heure et les mains moites. LĂ -dessus, Hollywood et la collection Harlequin pouvaient aller se faire mettre. À trente-deux ans, Jennifer ne se racontait plus d'histoire. Elle avait eu dans sa vie des gentils garçons et des intĂ©rimaires fumeurs de pet', des allumĂ©s de la console, des brutaux ou des zombies comme le pĂšre de Bilal qui pouvait passer des heures devant la tĂ©lĂ© sans dire un mot. Elle avait eu des mecs qui la baisaient vite et mal Ă  deux heures du mat sur le parking d'un quelconque Papagayo. Elle avait Ă©tĂ© amoureuse et trompĂ©e. Elle avait trompĂ© et s'en Ă©tait voulu. Elle avait passĂ© des heures Ă  chialer comme une conne dans son oreiller pour des menteurs ou des jaloux. Elle avait eu quinze ans, et comme n'importe qui, sa dose de lettes et de flirts hĂ©sitants. On lui avait tenu la main, on l'avait emmenĂ©e au cinĂ©. On lui avait dit je t'aime, je veux ton cul, par texto et Ă  mi-voix dans l'intimitĂ© d'une chambre Ă  coucher. À prĂ©sent, Jenn Ă©tait grande. Elle savait Ă  quoi s'en tenir. L'amour n'Ă©tait pas cette symphonie qu'on vous serinait partout, publicitaire et enchantĂ©e. L'amour c'Ă©taient des listes de courses sur le frigo, une pantoufle sous un lit, un rasoir rose et l'autre bleu dans la salle de bains. Des cartables ouverts et des jouets qui trainent, une belle-mĂšre qu'on emmĂšne chez le pĂ©dicure pendant que l'autre va porter de vieux meubles Ă  la dĂ©chetterie, et tard le soir, dans le noir, deux voix qui se rĂ©chauffent, on les entend Ă  peine, qui disent des choses simples et sans relief, il n'y a plus de pain pour le petit-dĂ©jeuner, tu sais j'ai peur quand t'es pas lĂ . Mais justement, je suis lĂ . Jenn n'aurait pas su le dire avec des mots, mais tout cela, elle le savait de source sĂ»re.
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Nicolas Mathieu (Connemara)
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Vous savez, Madame, que j’ajoute un grand prix Ă  l’étude des nuances qu’il y a entre le caractĂšre des difĂ©rentes nations, et je crois pouvoir dĂ©montrer un jour qu’à moins de n’en venirjusque lĂ , jusqu’à dĂ©velopper le caractĂšre de chaque nation, je dirais mĂȘme de chaque peuplade d’aprĂšs ses nuances individuelles, on travaillera toujours en vain tant en morale, qu’en politique. On s’occupe beaucoup trop peu de l’homme et beaucoup trop des ouvrages qu’il fait et des institutions qui doivent le diriger, et on nĂ©glige surtout de l’étudier dans l’ensemble de son individu. C’est lĂ  surtout ce qui rend, ce me semble, la philosophie en France si vague et la poĂ©sie pour la plupart aussi froide et peu intĂ©ressante. Tout ce qui ne consiste qu’en gĂ©nĂ©ralitĂ©s, tou- jours abstraites, ne saurait all au cƓur ni ĂȘtre appliquĂ© avec fruit Ă  la vie sociale. C’est encore lĂ  pourquoi le systĂšme de la perfectibilitĂ© trouve plus d’adversaires en France qu’en nul autre pays. Car ce systĂšme, comme vous l’avez si bien dĂ©montrĂ©, ne se fonde que sur ce que le dĂ©veloppe- ment des facultĂ©s de l’homme ne connait aucunes bornes que l’homme lui-mĂȘme pĂ»t leur as- signer. On ne peut le combattre qu’en s’attachant aux choses, aux ouvrages qu’il produit. On part de l’idĂ©e dĂ©terminĂ©e et circonscrite qu’on s’est formĂ© de ces ouvrages et il est aisĂ© de dire pour lors qu’il serait impossible d’aller plus loin. Il est si facile de voir les rĂ©sultats heureux que produit la difĂ©rence entre le gĂ©nie et le caractĂšre des individus comme des nations; on n’a qu’à comparer la littĂ©rature français et allemande pour s’en convaincre. NĂ©anmoins on voudrait se priver de ces mĂȘmes avantages et au lieu de cultiver, de dĂ©velopper et de purifier la sociĂ©tĂ© des caractĂšres, on voudrait l’annuler, et n’établir partout qu’une mĂȘme maniĂšre de voir, de penser et de s’énoncer. On ne voit donc qu’il doit nĂ©cessairement chercher de nouveaux idiomes puisqu’il entrevoit toujours des idĂ©es que ceux qu’il connait, n’expriment qu’imparfaitement.
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Wilhelm von Humboldt
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rallumant une nouvelle clope. Tu ne m’as pas toujours respectĂ© pourtant
 — Mais non
 mais
 pour
 pourquoi
 vous
 tu
 mais qu’est-ce que je t’ai fait, bon sang ! Vouvoiement, tutoiement, sacrĂ© dilemme dans son crĂąne de piaf. C’est au moins la cinquiĂšme fois qu’il me pose la question et il ne sait toujours pas comment s’y prendre. Finalement, ça m’amuse de le voir jouer les Ă©quilibristes. Moi, je n’hĂ©site pas un seul instant. Tutoiement. C’est bon, ça fait un an que je lui balance du « vous » Ă  toutes les sauces, que je suis Ă  ses petits soins, que dis-je, que je m’agenouille devant lui comme un serf devant son suzerain. Alors maintenant, on arrĂȘte la comĂ©die, c’est fini. On joue d’égal Ă  Ă©gal. Si nous avions Ă©tĂ© deux personnes raisonnables, nous nous serions attablĂ©s autour de son bureau, nous aurions discutĂ© de nos diffĂ©rends et peut-ĂȘtre, je dis bien peut-ĂȘtre, serions-nous arrivĂ©s Ă  un accord. Mais lĂ , au vu des circonstances et de tout ce qui nous sĂ©pare, il n’y a plus de discussion possible. J’ai choisi mon camp. Je serai le dominant et lui le dominĂ©. Les rĂŽles sont donc changĂ©s. — Qu’est-ce que tu m’as fait ? m’indignĂ©-je en recrachant la fumĂ©e de ma tige sur son visage. Non, mais tu te fous de moi ? Ça fait un an que tu me pourris la vie ! Douze mois consĂ©cutifs, bordel de merde ! — Je
 je ne vous ai pas
 je ne t’ai pas pourri la vie ! Jamais ! Vous
 tu
 tu sais que tu vas au-devant de graves ennuis ? Adam a tout entendu et lĂ , il est parti donner l’alerte. Les forces d’intervention vont arriver ici d’une minute Ă  l’autre ! Tu ne sais pas dans quel pĂ©trin tu t’es fourrĂ©, mon pauvre ami. Alors le mieux pour toi, c’est que tu me dĂ©taches de ce fauteuil et que l’on oublie rapidement cette histoire ! La sonnerie du tĂ©lĂ©phone stoppe subitement ses « conseils avisĂ©s ». J’hĂ©site un instant. Je n'ai pas forcĂ©ment envie de dĂ©crocher et Ă  vrai dire, j'ai une vague idĂ©e de la personne qui se trouve derriĂšre le combinĂ©, mais comme je suis de nature curieuse, je dĂ©cide tout de mĂȘme d'en savoir un peu plus. Deux secondes aprĂšs avoir rĂ©pondu « allÎ », j’arrache violemment le fil qui relie le tĂ©lĂ©phone Ă  la prise murale et envoie valdinguer l’appareil Ă  l’autre bout de la piĂšce. Fin de la discussion. — C’est bien ce que je pensais
 un nĂ©gociateur. — Tu aurais dĂ» Ă©couter ce qu’il avait Ă  te dire, reprend l’autre empaffĂ© en me gratifiant d’un sourire qui pue la haine. Maintenant, c’est sĂ»r que tu vas devoir te coltiner le RAID. Et crois-moi, ça va te coĂ»ter cher ! Ils sont sans pitiĂ© avec les preneurs d’otage
 Non vraiment, Adam a fait du bon boulot. Je suis fier de
 Un mollard gros comme une balle de 22 Long Rifle fuse alors sur son visage. Façon de lui signifier qu’il peut d’ores et dĂ©jĂ  la mettre en sourdine. Adam, c’est le veilleur de nuit de la tour. Je ne le connais pas bien. La seule chose que je peux dire sur lui, c’est que je le croise plus souvent que ma femme et mon fils
 À mon grand dĂ©sarroi. Je lui rĂ©torque quand bien mĂȘme : — Ces graves ennuis comme tu dis si bien, je ne les ai eus qu’avec toi ! Alors tu sais, les flics peuvent descendre en rappel par les fenĂȘtres ou balancer des lance-roquettes sur cette tour de merde, ce ne sera que de la roupie de sansonnet Ă  cĂŽtĂ© de ce que j’ai subi ! Tiens, prends ça ! Clac ! Cette baffe est douloureuse. Je le vois Ă  sa grimace. C’est vrai que je ne l’ai pas ratĂ©. Ça fait deux heures que je suis sur lui Ă  viser sa joue rougie par le feu de mes allers-retours, alors forcĂ©ment, Ă  un moment donnĂ© on attrape le coup de main. Je craque mes phalanges pour lui faire comprendre
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Thierry Vernhes (FrĂšres de sang - Nouvelle (French Edition))
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Me voici donc prĂȘt Ă  me libĂ©rer de mes anciens attachements pour pouvoir me consacrer pleinement Ă  la recherche du bien suprĂȘme. Un doute pourtant me retient
 Ce choix n’est-il pas dangereux ? Les plaisirs, les richesses et les honneurs ne sont certes pas des biens suprĂȘmes, mais au moins, ils existent
 Ce sont des biens certains. Alors que ce bien suprĂȘme qui est censĂ© me combler en permanence de joie n’est pour l’instant qu’une supposition de mon esprit
 Ne suis-je pas en train de m’engager dans une voie pĂ©rilleuse ? Non : Ă  la rĂ©flexion je vois bien que je ne cours aucun risque en changeant de vie : c’est au contraire en continuant Ă  vivre comme avant que je courrais le plus grand danger. Car l’attachement aux biens relatifs est un mal certain puisque aucun d’eux ne peut m’apporter le bonheur !!! Au contraire, la recherche des moyens du bonheur est un bien certain : elle seule peut m’offrir la possibilitĂ© d’ĂȘtre un jour rĂ©ellement heureux, ou au moins plus heureux
 Le simple fait de comprendre cela me dĂ©termine Ă  prendre dĂ©finitivement et fermement la rĂ©solution de me dĂ©tacher immĂ©diatement de la recherche des plaisirs, des richesses et des honneurs, pour me consacrer en prioritĂ© Ă  la crĂ©ation de mon bonheur, c’est-Ă -dire Ă  la culture des joies les plus solides et les plus durables, par la recherche des biens vĂ©ritables. Au moment mĂȘme oĂč cette pensĂ©e jaillit, je sens apparaĂźtre en moi un immense sentiment d’enthousiasme, une sorte de libĂ©ration de mon esprit. J’éprouve un incroyable soulagement, comme si j’avais attendu ce moment toute ma vie. Une joie toute nouvelle vient de se lever en moi, une joie que je n’avais jamais ressentie auparavant : la joie de la libertĂ© que je viens d’acquĂ©rir en dĂ©cidant de ne vivre dĂ©sormais que pour crĂ©er mon bonheur. J’ai l’impression d’avoir Ă©chappĂ© Ă  immense danger
 Comme si je me trouvais Ă  prĂ©sent en sĂ©curitĂ© sur le chemin du salut
 Car mĂȘme si je ne suis pas encore sauvĂ©, mĂȘme si je ne sais pas encore en quoi consistent exactement ces biens absolus, ni mĂȘme s’il existe rĂ©ellement un bien suprĂȘme, je me sens dĂ©jĂ  sauvĂ© d’une vie insensĂ©e, privĂ©e d’enthousiasme et vouĂ©e Ă  une Ă©ternelle insatisfaction
 J’ai un peu l’impression d’ĂȘtre comme ces malades qui sont proches d’une mort certaine s’ils ne trouvent pas un remĂšde, n’ayant pas d’autre choix que de rassembler leurs forces pour chercher ce remĂšde sauveur. Comme eux je ne suis certes pas certain de le dĂ©couvrir, mais comme eux, je ne peux pas faire autrement que de placer toute mon espĂ©rance dans sa quĂȘte. Je l’ai maintenant compris avec une totale clartĂ©, les plaisirs, les richesses et l’opinion d’autrui sont inutiles et mĂȘme le plus souvent nĂ©fastes pour ĂȘtre dans le bonheur. Mieux : je sais Ă  prĂ©sent que mon dĂ©tachement Ă  leur Ă©gard est ce qu’il y a de plus nĂ©cessaire dans ma vie, si je veux pouvoir vivre un jour dans la joie. Du reste, que de maux ces attachements n’ont-ils pas engendrĂ© sur la Terre, depuis l’origine de l’humanitĂ© ! N’est-ce pas toujours le dĂ©sir de les possĂ©der qui a dressĂ© les hommes les uns contre les autres, engendrant la violence, la misĂšre et mĂȘme parfois la mort des hommes qui les recherchaient, comme en tĂ©moigne chaque jour encore le triste spectacle de l’humanitĂ© ? N’est-ce pas l’impuissance Ă  se dĂ©tacher de ces faux biens qui explique le malheur qui rĂšgne presque partout sur le Terre ? Au contraire, chacun peut voir que les sociĂ©tĂ©s et les familles vraiment heureuses sont formĂ©es d’ĂȘtres forts, paisibles et doux qui passent leur vie Ă  construire leur joie et celle des autres sans accorder beaucoup d’importance ni aux plaisirs, ni aux richesses, ni aux honneurs

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Bruno Giuliani
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Je suis en train de me dire que le problĂšme noir aux États-Unis pose une question qui le rend prati- quement insoluble: celui de la BĂȘtise. Il a ses racines dans les profondeurs de la plus grande puissance spi- rituelle de tous les temps, qui est la Connerie. Jamais, dans l'histoire, l'intelligence n'est arrivĂ©e Ă  rĂ©soudre des problĂšmes humains lorsque leur nature essen- tielle est celle de la BĂȘtise. Elle est arrivĂ©e Ă  les contourner, Ă  s'arranger avec eux par l'habiletĂ© ou par la force, mais neuf fois sur dix, lorsque l'intel- ligence croyait dĂ©jĂ  en sa victoire, elle a vu surgir en son milieu toute la puissance de la BĂȘtise immortelle. Il suffit de voir ce que la BĂȘtise a fait des victoires du communisme, par exemple, du dĂ©ferlement des spermatzoĂŻdes de la « rĂ©volution culturelle », ou au moment oĂč j’ecrIs, de l’assassinat du « printemps de Prague » au nom de la « pensĂ©e marxiste correcte ». (Chien blanc)
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Romain Gary
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Mais dans d'autres situations, la notion de hasard prend une signification essentielle et non plus simplement opĂ©rationnelle. C'est le cas, par exemple, de ce que 'on peut appeler les 'coĂŻncidences absolues', c'est-Ă -dire celles qui rĂ©sultent de l'intersection de deux chaĂźnes causales totalement indĂ©pendantes l'une de l'autre. Supposons par exemple que le Dr Dupont soit appelĂ© d'urgence Ă  visiter un nouveau malade, tandis que le plombier Dubois travaille Ă  la rĂ©paration urgente de la toiture d'un immeuble voisin. Lorsque le Dr Dupont passe au pied de l'immeuble, le plombier lĂąche par inadvertance son marteau, dont la trajectoire (dĂ©terministe) se trouve intercepter celle du mĂ©decin, qui en meurt le crĂąne fracassĂ©. Nous disons qu'il n'y a pas eu de chance. Quel autre terme employer pour un tel Ă©vĂ©nement imprĂ©visible par sa nature mĂȘme? Le hasard ici doit Ă©videmment ĂȘtre considĂ©rĂ© comme essentiel, inhĂ©rent Ă  l'indĂ©pendance totale des deux sĂ©ries d'Ă©vĂ©nements dont la rencontre produit l'accident. Or entre les Ă©vĂ©nements qui peuvent provoquer ou permettre une erreur dans la rĂ©plication du message gĂ©nĂ©tique et ses consĂ©quences fonctionnelles, il y a Ă©galement indĂ©pendance totale. L'effet fonctionnel dĂ©pend de la structure, du rĂŽle actuel de la protĂ©ine modifiĂ©e, des interactions qu'elle assure, des rĂ©actions qu'elle catalyse. Toutes choses qui n'ont rien Ă  voir avec l'Ă©vĂ©nement mutationnel lui-mĂȘme, comme avec ses causes immĂ©diates ou lointaines, et quelle que soit d'ailleurs la nature, dĂ©terministe ou non, de ces 'causes'.
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Jacques Monod (Chance and Necessity: An Essay on the Natural Philosophy of Modern Biology)
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VoilĂ . Ce soir, j'ai horreur d'ĂȘtre allĂ©e Ă  ce film soviĂ©tique inepte. Peut-ĂȘtre n'avait-il pas envie que je vienne. Et peut-ĂȘtre ne me tĂ©lĂ©phonera-t-il pas. Le seul point positif : le risque qu'il a pris en me suivant, alors que tous venaient de me voir partir. Vraiment le seul. Bien. Et moi ? Quelle conduite tenir ? Rompre – menacer de rompre – ne rien dire. Le choix est lĂ .
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Annie Ernaux (Se perdre (French Edition))
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« Est-ce que tu pars Ă  NoĂ«l ? » = ce serait mieux que tu partes, je ne serais pas obligĂ© de venir te voir – ou, ce serait bien si tu restais ? Il se peut aussi que ces phrases n'aient pas d'importance pour lui, qu'elles soient de celles qu'on dit pour dire...
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Annie Ernaux (Se perdre (French Edition))
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En rafale, le dĂ©grisement. Le voir comme un play-boy – ou gorby-boy ! – brutal (pas trop cependant) et jouisseur (pourquoi non). Me dire que j'ai perdu un an et de l'argent pour un homme qui, en partant, me demande s'il peut prendre le paquet de Marlboro ouvert, sur la table. On en vient toujours lĂ , Ă  vingt ans ou quarante-huit ans. Mais que faire sans homme, sans vie ?
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Annie Ernaux (Se perdre (French Edition))
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Un grand poĂšte Que fais-tu au juste voyons voir dit Mihaela trois heures de tĂ©lĂ©vision tu t’affaires dans la bibliothĂšque trois heures tu lis et voilĂ  ton temps qui passe quand tu ne peux plus Ă©crire tu as l’air d’une mite raidie par le froid sur le cadre de la fenĂȘtre et tu n’es mĂȘme pas un grand poĂšte tu as les yeux aqueux et vides tu as encore bu que vais-je faire de toi que vais-je dire Ă  tes parents les pauvres ils sont si ĂągĂ©s personne n’en prend soin dans cet Ă©tat personne ne leur demande s’ils ont mangĂ© un bout bientĂŽt ils mourront et toi si indiffĂ©rent tu ne vois pas que notre fille a grandi tu ne vois pas qu’elle porte une mini-jupe aujourd’hui et voilĂ  comme ta vie s’en va et tu n’es mĂȘme pas un grand poĂšte comme Nichita Stănescu
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Valentin Dolfi (Ma poésie comme biographie (French Edition))
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Je suis en train de me dire que le problĂšme noir aux États-Unis pose une question qui le rend pratiquement insoluble: celui de la BĂȘtise. Il a ses racines dans les profondeurs de la plus grande puissance spirituelle de tous les temps, qui est la Connerie. Jamais, dans l'histoire, l'intelligence n'est arrivĂ©e Ă  rĂ©soudre des problĂšmes humains lorsque leur nature essentielle est celle de la BĂȘtise. Elle est arrivĂ©e Ă  les contourner, Ă  s'arranger avec eux par l'habiletĂ© ou par la force, mais neuf fois sur dix, lorsque l'intellidence croyait dĂ©jĂ  en sa victoire, elle a vu surgir en son milieu toute la puissance de la BĂȘtise immortelle. Il suffit de voir ce que la BĂȘtise a fait des victoires du communisme, par exemple, du dĂ©ferlement des spermatzoĂŻdes de la « rĂ©volution culturelle », ou au moment oĂč j’ecrIs, de l’assassinat du « printemps de Prague » au nom de la « pensĂ©e marxiste correcte ». (Chien blanc)
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Romain Gary
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Mais Jackie pouvait aller se faire voir cette fois. Je me dĂ©voierais plus. J'avais droit Ă  une seconde chance et j'allais pas la gĂącher Ă  cause de sa jalousie maladive. Elle Ă©tait si imprĂ©visible, on aurait dit qu'elle avait ses ragnagnas en permanence. Tu vois ce que je veux dire, cette pĂ©riode du mois oĂč tu sais jamais sur quel pied danser avec les meufs. Un moment, elles te disent que t'es top et celui d'aprĂšs elles t'arrachent la tĂȘte ! Mais je me laisserais pas faire, je lĂącherais pas l'affaire, j'allais lui courir aprĂšs. AprĂšs tout j'avais couru aprĂšs tout ce que j'avais voulu dans la vie et je l'avais obtenu. Or je voulais Jackie.
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Neville Thompson (Jackie loves Johnser OK?)
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[...] Dans cette question des limites de fait ou de droit du sentiment patriotique, il convient de rappeler tout d’abord qu’il y a patrie et patrie : il y a celle de la terre et celle du Ciel ; la seconde est prototype et mesure de la premiĂšre, elle lui donne son sens et sa lĂ©gitimitĂ©. C’est ainsi que dans l’enseignement Ă©vangĂ©lique l’amour de Dieu prime, et peut par consĂ©quent contredire, l’amour des proches parents, sans qu’il y ait lĂ  aucune offense Ă  la charitĂ© ; la crĂ©ature doit d’ailleurs ĂȘtre aimĂ©e « en Dieu », c’est Ă  dire que l’amour ne lui appartient jamais en entier. Le Christ ne s’est souciĂ© que de la Patrie cĂ©leste, qui « n’est pas de ce monde » ; c’est suffisant, non pour renier le fait naturel d’une patrie terrestre, mais pour s’abstenir de tout culte abusif – et avant tout illogique – du pays d’origine. Si le Christ a dĂ©savouĂ© les attachements temporels, il n’en a pas moins admis les droits de la nature, dans le domaine qui est le leur, droits Ă©minemment relatifs qu’il ne s’agit pas d’ériger en idoles ; c’est ce que saint Augustin a magistralement traitĂ©, sous un certain rapport tout au moins, dans Civitas Dei. Le patriotisme normal est Ă  la fois dĂ©terminĂ© et limitĂ© par les valeurs Ă©ternelles ; « il ne s’enfle point » et ne pervertit pas l’esprit ; il n’est pas, comme le chauvinisme, l’oubli officiel de l’humilitĂ© et de la charitĂ© en mĂȘme temps que l’anesthĂ©sie de toute une partie de l’intelligence ; restant dans ses limites, il est capable de susciter les plus belles vertus, sans ĂȘtre un parasite de la religion. Il faut se garder des interprĂ©tations abusives du passĂ© historique ; l’Ɠuvre de Jeanne d’Arc n’a rien Ă  voir avec le nationalisme moderne, d’autant que la sainte Ă  suivi l’impulsion, non point d’un nationalisme naturel – ce qui eĂ»t Ă©tĂ© lĂ©gitime – mais celle d’une volontĂ© cĂ©leste, qui voyait loin. La France fut pendant des siĂšcles le pivot du Catholicisme ; une France anglaise eĂ»t signifiĂ© en fin de compte une Europe protestante et la fin de l’Eglise catholique ; c’est ce que voulurent prĂ©venir les « voix ». L’absence de toute passion, chez Jeanne, ses paroles sereines Ă  l’égard des Anglais, corroborent pleinement ce que nous venons de dire et devrait suffire pour mettre la sainte Ă  l’abri de toute imposture rĂ©trospective (1).[...] 1 – De mĂȘme, l’étendard de Jeanne fut tout autre chose qu’un drapeau rĂ©volutionnaire unissant, dans un mĂȘme culte profane, croyants et incroyants. ["Usurpations du sentiment religieux", Études Traditionnelles, dĂ©cembre 1965.]
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Frithjof Schuon (The Transfiguration of Man)
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[1:09:25s] mais moi je suis vraiment pressĂ© de mourir hein, ah si si si ! ça je peux vous le dire... vraiment... mais je veux pas... avant ma femme, c'est pas possible. Tenez, vous avez faire une chose, je ne vais pas vous dire pourquoi, mais plus tard, quand je laisserais un truc [testament] vous verrez Ă  quoi servira votre photo, venez voir. [il marche avec le cameraman] Voila, vous prenez cette longue enfilade, c'est un des endroit oĂč j'aurai le plus circulĂ© dans ma vie, et je marche au milieu de la rue, jamais sur un trottoir, vous savez pourquoi ? non ? eh bein je... il faut que vous le sachiez - si vous devez ĂȘtre agressĂ©, l’agresseur viendra sur le cotĂ©, il ne sera pas lui plantĂ© au centre - donc vous aurez le temps au moins de le voir venir. Interview video "Gilad Atzmon rencontre Robert Faurisson 10/11 juin 2014 @ 1:09:25s
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Robert Faurisson
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On ne perd jamaid ceuc qu'on aime en celui qu'on ne peut perdre" c'est Ă  dire en soi mĂȘme: Quel remĂšde magique, quel filtre composait-il, dans la nuit de sa chrysalide, pourt dĂ©faire la mort? Ne se cache-t-il pas Ă  ses amies pour les mieux voir?
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Marta Bibescu
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Dans ce monde d’absurde relativisme où nous vivons, qui dit « notre temps » croit avoir tout dit ; identifier des phénomènes quelconques avec un « autre temps », ou qui plus est, un « temps révolu », c’est les liquider ; et notons le sadisme hypocrite que recouvrent des mots comme « révolu », « suranné » ou « irréversible », lesquels remplacent la pensée par une sorte de suggestion imaginative, une « musique de préjugé » pourrions-nous dire. On constate par exemple que telle pratique liturgique ou cérémonielle offense les goûts scientistes ou démagogi­ques de notre époque, et on est tout heureux de se rappeler que l’usage en question date du Moyen Âge, voire de « By­zance », ce qui permet de conclure sans autre forme de procès qu’il n’a plus droit à l’existence ; on oublie totalement la seule question qui ait à se poser, à savoir pourquoi les Byzantins ont pratiqué telle chose ; il se trouve que ce pourquoi se situe le plus souvent en dehors du temps, qu’il a une raison d’être qui relève de facteurs intemporels. S’identifier soi-même avec un « temps » et enlever par là aux choses toute valeur intrinsèque ou presque, est une attitude toute nouvelle, que l’on projette arbitrairement dans ce que nous appelons rétrospectivement le « passé » ; en réalité, nos ancêtres ne vivaient pas dans un temps, subjectivement et intellectuellement parlant, mais dans un « espace », c’est-à- dire dans un monde de valeurs stables où le flux de la durée n’était pour ainsi dire qu’accidentel ; ils avaient un merveilleux sens de l’absolu dans les choses, et de l’enracinement des choses dans l’absolu.
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Frithjof Schuon (Light on the Ancient Worlds: A New Translation with Selected Letters (Library of Perennial Philosophy))
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Le matĂ©rialisme, par la logique des choses, aboutit Ă  l'Ă©galitarisme, donc Ă  ce qui est le plus contraire Ă  la nature humaine. En effet, si nous sommes tous Ă©gaux dans la matiĂšre, c'est-Ă -dire dans les besoins matĂ©riels et les lois physiques, cela n'a absolument rien Ă  voir avec notre qualitĂ© d'hommes ; or celle-ci est notre raison d'ĂȘtre, ou en d'autres termes, elle est ce qui seul nous distingue des animaux. Le matĂ©rialisme Ă©quivaut donc Ă  une rĂ©duction de l'homme Ă  l'animal, et mĂȘme Ă  l'animal le plus infĂ©rieur, puisque celui-ci est le plus collectif ; cela explique la haine des matĂ©rialistes pour tout ce qui est supra-terrestre, transcendant, spirituel, car c'est prĂ©cisĂ©ment par le spirituel que l'homme n'est pas animal. Qui renie le spirituel renie l'humain : la distinction lĂ©gale et morale entre l'homme et l'animal devient alors purement arbitraire, Ă  la façon d'une tyrannie quelconque ; c'est dire que l'homme perd, par son abdication, tous ses droits sur la vie des animaux qui, eux, ont les mĂȘmes droits que l'homme, puisqu'ils ont les mĂȘmes besoins matĂ©riels ; on peut Ă©videmment faire valoir le droit du plus fort, mais alors il n'est plus question d'Ă©galitĂ©, et ce droit vaudra aussi pour les hommes entre eux. Enfin, il est encore une chose dont les matĂ©rialistes ne tiennent aucun compte, et c'est le fait que l'homme normal souffre d'ĂȘtre dans la chair : la honte qu'il Ă©prouve de son existence physiologique est un indice suffisant du fait qu'il est, dans la matiĂšre, un Ă©tranger et un exilĂ© ; la transfiguration Ă©ventuelle de la chair par la beautĂ© humaine ne change rien aux lois humiliantes de l'existence physique.
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Frithjof Schuon (The Eye of the Heart: Metaphysics, Cosmology, Spiritual Life (Library of Traditional Wisdom))
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 Le Bouddha ne fut tout d’abord figurĂ© que par des empreintes de pieds, ou par des symboles tels que l’arbre ou la roue (et il est remarquable que, de la mĂȘme façon, le Christ aussi ne fut reprĂ©sentĂ© pendant plusieurs siĂšcles que par des figurations purement symboliques) ; comment et pourquoi en vint-on Ă  admettre par la suite une image anthropomorphique ? Il faut voir lĂ  comme une concession aux besoins d’une Ă©poque moins intellectuelle, oĂč la comprĂ©hension doctrinale Ă©tait dĂ©jĂ  affaiblie ; les « supports de contemplation », pour ĂȘtre aussi efficaces que possible, doivent en effet ĂȘtre adaptĂ©s aux conditions de chaque Ă©poque ; mais encore convient-il de remarquer que l’image humaine elle-mĂȘme, ici comme dans le cas des « dĂ©itĂ©s » hindoues, n’est rĂ©ellement « anthropomorphique » que dans une certaine mesure, en ce sens qu’elle n’est jamais « naturaliste » et qu’elle garde toujours, avant tout et dans tous ses dĂ©tails, un caractĂšre essentiellement symbolique. Cela ne veut d’ailleurs point dire qu’il s’agisse d’une reprĂ©sentation « conventionnelle » comme l’imaginent les modernes, car un symbole n’est nullement le produit d’une invention humaine ; « le symbolisme est un langage hiĂ©ratique et mĂ©taphysique, non un langage dĂ©terminĂ© par des catĂ©gories organiques ou psychologiques ; son fondement est dans la correspondance analogique de tous les ordres de rĂ©alitĂ©, Ă©tats d’ĂȘtre ou niveaux de rĂ©fĂ©rence ». La forme symbolique « est rĂ©vĂ©lĂ©e » et « vue » dans le mĂȘme sens que les incantations vĂȘdiques ont Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©es et « entendues », et il ne peut y avoir aucune distinction de principe entre vision et audition, car ce qui importe n’est pas le genre de support sensible qui est employĂ©, mais la signification qui y est en quelque sorte « incorporĂ©e ». L’élĂ©ment proprement « surnaturel » est partie intĂ©grante de l’image, comme il l’est des rĂ©cits ayant une valeur « mythique », au sens originel de ce mot ; dans les deux cas, il s’agit avant tout de moyens destinĂ©s, non Ă  communiquer, ce qui est impossible, mais Ă  permettre de rĂ©aliser le « mystĂšre », ce que ne saurait Ă©videmment faire ni un simple portrait ni un fait historique comme tel. C’est donc la nature mĂȘme de l’art symbolique en gĂ©nĂ©ral qui Ă©chappe inĂ©vitablement au point de vue « rationaliste » des modernes, comme lui Ă©chappe, pour les mĂȘmes raisons, le sens transcendant des « miracles » et le caractĂšre « thĂ©ophanique » du monde manifestĂ© lui-mĂȘme ; l’homme ne peut comprendre ces choses que s’il est Ă  la fois sensitif et spirituel, et s’il se rend compte que « l’accĂšs Ă  la rĂ©alitĂ© ne s’obtient pas en faisant un choix entre la matiĂšre et l’esprit supposĂ©s sans rapports entre eux, mais plutĂŽt en voyant dans les choses matĂ©rielles et sensibles une similitude formelle des prototypes spirituels que les sens ne peuvent atteindre directement » ; il s’agit lĂ  « d’une rĂ©alitĂ© envisagĂ©e Ă  diffĂ©rents niveaux de rĂ©fĂ©rence, ou, si l’on prĂ©fĂšre, de diffĂ©rents ordres de rĂ©alitĂ©, mais qui ne s’excluent pas mutuellement.
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René Guénon (Studies in Hinduism: Collected Works)
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Nous avons fait remarquer, en de prĂ©cĂ©dentes occasions, que les dĂ©formations les plus grossiĂšres, parmi celles qui ont cours en Occident, par exemple celle qui veut voir dans les mĂ©thodes du Yoga une sorte de « culture physique » ou de thĂ©rapeutique d’ordre simplement physiologique, sont, par leur grossiĂšretĂ© mĂȘme, moins dangereuses que celles qui se prĂ©sentent sous des aspects plus subtils. La raison n’en est pas seulement que ces derniĂšres risquent de sĂ©duire des esprits sur lesquels les autres ne sauraient avoir aucune prise ; cette raison existe assurĂ©ment, mais il y en a une autre, d’une portĂ©e beaucoup plus gĂ©nĂ©rale, qui est celle mĂȘme pour laquelle les conceptions matĂ©rialistes, comme nous l’avons expliquĂ©, sont moins dangereuses que celles qui font appel au psychisme infĂ©rieur. Or il n’est pas contestable que, dans les dĂ©formations oĂč intervient le plus bas psychisme, il faut ranger celles qui prĂ©tendent Ă©tablir une comparaison et mĂȘme une assimilation plus ou moins complĂšte entre les mĂȘmes mĂ©thodes du Yoga et les plus rĂ©centes techniques de la psychologie occidentale, nous voulons dire celles qui relĂšvent des diverses variĂ©tĂ©s de la « psychanalyse ». [L’erreur du « psychologisme »]
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RenĂ© GuĂ©non (Articles Et Comptes Rendus: Tome I,[Parus Dans] Le "Voile D'isis" [Puis Dans Les] Études Traditionnelles])
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Peut-ĂȘtre vaut-il la peine de rendre compte ici du phĂ©nomĂšne ambigu de la naĂŻvetĂ© : celle-ci est avant tout du manque d'expĂ©rience combinĂ© avec de la crĂ©dulitĂ©, comme le prouve l'exemple des enfants, mĂȘme les plus intelligents. La crĂ©dulitĂ© peut avoir un fond positif: elle peut ĂȘtre l'attitude de l'homme vĂ©ridique qui croit tout naturellement que tout le monde est comme lui ; il y a des peuplades qui sont crĂ©dules parce qu'elles ignorent le mensonge. Il va donc de soi que la naĂŻvetĂ© peut ĂȘtre chose toute relative : un homme qui ne connaĂźt pas la psychologie des fous est un naĂŻf aux yeux des psychiatres, mĂȘme s'il est fort loin d'ĂȘtre un sot. S'il faut ĂȘtre « prudents comme les serpents » — Ă  condition d'ĂȘtre « simples comme les colombes (7) » — c'est avant tout parce que l'ambiance dresse des embĂ»ches et qu'il faut savoir se dĂ©fendre, c'est-Ă -dire que notre imagination doit avoir conscience des caprices de la mĂąyĂą terrestre. (7) Ce qui du reste fait penser aux « pauvres dans l'esprit », qui ne sont certes pas censĂ©s manquer de facultĂ©s mentales. On connaĂźt cette histoire : les novices condisciples du jeune Thomas d'Aquin, connaissant sa crĂ©dulitĂ© - rĂ©elle ou apparente - l'appelĂšrent un jour pour lui montrer « un boeuf qui vole », puis se moquĂšrent de lui parce qu'il courut Ă  la fenĂȘtre pour voir le phĂ©nomĂšne; il leur rĂ©pondit : « Un boeuf qui vole est chose moins extraordinaire qu'un moine qui ment.
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Frithjof Schuon (Roots of the Human Condition (Library of Perennial Philosophy))
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[...] Dans cette question des limites de fait ou de droit du sentiment patriotique, il convient de rappeler tout d’abord qu’il y a patrie et patrie : il y a celle de la terre et celle du Ciel ; la seconde est prototype et mesure de la premiĂšre, elle lui donne son sens et sa lĂ©gitimitĂ©. C’est ainsi que dans l’enseignement Ă©vangĂ©lique l’amour de Dieu prime, et peut par consĂ©quent contredire, l’amour des proches parents, sans qu’il y ait lĂ  aucune offense Ă  la charitĂ© ; la crĂ©ature doit d’ailleurs ĂȘtre aimĂ©e « en Dieu », c’est Ă  dire que l’amour ne lui appartient jamais en entier. Le Christ ne s’est souciĂ© que de la Patrie cĂ©leste, qui « n’est pas de ce monde » ; c’est suffisant, non pour renier le fait naturel d’une patrie terrestre, mais pour s’abstenir de tout culte abusif – et avant tout illogique – du pays d’origine. Si le Christ a dĂ©savouĂ© les attachements temporels, il n’en a pas moins admis les droits de la nature, dans le domaine qui est le leur, droits Ă©minemment relatifs qu’il ne s’agit pas d’ériger en idoles ; c’est ce que saint Augustin a magistralement traitĂ©, sous un certain rapport tout au moins, dans Civitas Dei. Le patriotisme normal est Ă  la fois dĂ©terminĂ© et limitĂ© par les valeurs Ă©ternelles ; « il ne s’enfle point » et ne pervertit pas l’esprit ; il n’est pas, comme le chauvinisme, l’oubli officiel de l’humilitĂ© et de la charitĂ© en mĂȘme temps que l’anesthĂ©sie de toute une partie de l’intelligence ; restant dans ses limites, il est capable de susciter les plus belles vertus, sans ĂȘtre un parasite de la religion. Il faut se garder des interprĂ©tations abusives du passĂ© historique ; l’Ɠuvre de Jeanne d’Arc n’a rien Ă  voir avec le nationalisme moderne, d’autant que la sainte Ă  suivi l’impulsion, non point d’un nationalisme naturel – ce qui eĂ»t Ă©tĂ© lĂ©gitime – mais celle d’une volontĂ© cĂ©leste, qui voyait loin. La France fut pendant des siĂšcles le pivot du Catholicisme ; une France anglaise eĂ»t signifiĂ© en fin de compte une Europe protestante et la fin de l’Eglise catholique ; c’est ce que voulurent prĂ©venir les « voix ». L’absence de toute passion, chez Jeanne, ses paroles sereines Ă  l’égard des Anglais, corroborent pleinement ce que nous venons de dire et devrait suffire pour mettre la sainte Ă  l’abri de toute imposture rĂ©trospective (1).[...] 1 – De mĂȘme, l’étendard de Jeanne fut tout autre chose qu’un drapeau rĂ©volutionnaire unissant, dans un mĂȘme culte profane, croyants et incroyants. "Usurpations du sentiment religieux", Études Traditionnelles, dĂ©cembre 1965.
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Frithjof Schuon
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Faire dĂ©pendre la valeur d’une idĂ©e, c’est-Ă -dire en somme sa vĂ©ritĂ© mĂȘme (car, dĂšs lors qu’il s’agit d’une idĂ©e, nous ne voyons pas ce que sa valeur pourrait ĂȘtre d’autre), des vicissitudes des Ă©vĂ©nements humains, c’est lĂ  le propre de cet « historicisme » dont nous avons dĂ©noncĂ© l’erreur en d’autres occasions, et qui n’est qu’une des formes du « relativisme » moderne ; qu’un philosophe « traditionaliste » partage cette maniĂšre de voir, voilĂ  qui est bien fĂącheusement significatif ! Et, s’il accepte le point de vue profane comme tout aussi valable que le point de vue traditionnel, au lieu de n’y voir que la dĂ©gĂ©nĂ©rescence ou la dĂ©viation qu’il est en rĂ©alitĂ©, que pourra-t-il bien trouver encore Ă  redire Ă  la trop fameuse « tolĂ©rance », attitude, bien spĂ©cifiquement moderne et profane aussi, et qui consiste, comme l’on sait, Ă  accorder Ă  n’importe quelle erreur les mĂȘmes droits qu’à la vĂ©ritĂ© ?
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René Guénon
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I have a confession to make. I hate voir dire. I despise prying into other people's lives because I wouldn't want them prying into mine.
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Paul Levine (Bum Rap (Jake Lassiter #10))
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« En sortant, il trouva son ami devant le rideau en berne d'une libraire. - Je suis dĂ©solĂ© de te l'annoncer mais ce n'est pas la premiĂšre librairie qui met la clĂ© sous la porte. Et ça ne sera pas la derniĂšre. - Une librairie qui ferme, HervĂ©, c'est un phare qui s'Ă©teint, laissant les hommes dĂ©river, s'Ă©chouer ou se fracasser contre les rĂ©cifs d'une Ă©poque. - Tu ne peux pas dire, simplement : " Ça me fait mal au cƓur de voir cette librairie fermĂ©e? ” - Je pourrais, mais ça ne serait pas suffisant. Gageons qu'un magasin de vĂȘtements va vite prendre sa place, consacrant le triomphe de l'apparence. »
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Erik L'Homme (Le regard des princes Ă  minuit)
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Chaque fois que, parlant de mon travail, je versais dans l'ironie et le scepticisme, je pouvais compter sur lui [HervĂ©] pour me dire, par exemple : "Tu dis que tu ne crois pas Ă  la rĂ©surrection. Mais d'abord tu n'as aucune idĂ©e de ce que cela signifie, la rĂ©surrection. Et puis, en posant d'entrĂ©e cette incroyance, en en faisant un savoir et une supĂ©rioritĂ© sur les gens dont tu parles, tu t'interdis tout accĂšs Ă  ce qu'ils Ă©taient et croyaient. MĂ©fie-toi de ce savoir-lĂ . Ne commence pas par te dire que tu en sais plus qu'eux. Efforce-toi d'apprendre auprĂšs d'eux au lieu de leur faire la leçon. Ça n'a rien Ă  voir avec la contrainte mentale consistant Ă  essayer de croire quelque chose que tu ne crois pas. Ouvre-toi au mystĂšre, au lieu de l'Ă©carter a priori." Je protestais, pour la forme. Mais mĂȘme sans croire en Dieu, je lui ai toujours rendu grĂące, Ă  lui et Ă  notre marraine, d'avoir placĂ© HervĂ© auprĂšs de moi. (p. 392-393)
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Emmanuel CarrĂšre (Le Royaume)
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La plupart des EuropĂ©ens n’ont pas exactement Ă©valuĂ© l’importance de l’apport qu’ils ont reçu de la civilisation islamique, ni compris la nature de leurs emprunts Ă  cette civilisation dans le passĂ© et certains vont jusqu’à totalement mĂ©connaĂźtre tout ce qui s’y rapporte. Cela vient de ce que l’histoire telle qu’elle leur est enseignĂ©e travestit les faits et paraĂźt avoir Ă©tĂ© altĂ©rĂ©e volontairement sur beaucoup de points. C’est avec outrance que cet enseignement affiche le peu de considĂ©ration que lui inspire la civilisation islamique, et il a l’habitude d’en rabaisser le mĂ©rite chaque fois que l’occasion s’en prĂ©sente. Il importe de remarquer que l’enseignement historique des UniversitĂ©s d’Europe ne montre pas l’influence dont il s’agit. Au contraire, les vĂ©ritĂ©s qui devraient ĂȘtre dites Ă  ce sujet, qu’il s’agisse de professer ou d’écrire, sont systĂ©matiquement Ă©cartĂ©es, surtout pour les Ă©vĂ©nements les plus importants. Par exemple, s’il est gĂ©nĂ©ralement connu que l’Espagne est restĂ©e sous la loi islamique pendant plusieurs siĂšcles, on ne dit jamais qu’il en fut de mĂȘme d’autres pays, tels que la Sicile ou la partie mĂ©ridionale de la France actuelle. Certains veulent attribuer ce silence des historiens Ă  quelques prĂ©jugĂ©s religieux. Mais que dire des historiens actuels dont la plupart sont sans religion, sinon adversaires de toute religion, quand ils viennent confirmer ce que leurs devanciers ont dit de contraire Ă  la vĂ©ritĂ© ? Il faut donc voir lĂ  une consĂ©quence de l’orgueil et de la prĂ©somption des Occidentaux, travers qui les empĂȘchent de reconnaĂźtre la vĂ©ritĂ© et l’importance de leurs dettes envers l’Orient. Le plus Ă©trange en cette occurrence c’est de voir les EuropĂ©ens se considĂ©rer comme les hĂ©ritiers directs de la civilisation hellĂ©nique, alors que la vĂ©ritĂ© des faits infirme cette prĂ©tention. La rĂ©alitĂ© tirĂ©e de l’histoire mĂȘme Ă©tablit pĂ©remptoirement que la science et la philosophie grecques ont Ă©tĂ© transmises aux EuropĂ©ens par des intermĂ©diaires musulmans. En d’autres termes, le patrimoine intellectuel des HellĂšnes n’est parvenu Ă  l’Occident qu’aprĂšs avoir Ă©tĂ© sĂ©rieusement Ă©tudiĂ© par le Proche-Orient et n’étaient les savants de l’Islam et ses philosophes, les EuropĂ©ens seraient restĂ©s dans l’ignorance totale de ces connaissances pendant fort longtemps, si tant est qu’ils soient jamais parvenus Ă  les connaĂźtre.
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René Guénon (Scritti sull'esoterismo islamico e il Taoismo)
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[...] D’emblĂ©e, nous avons parlĂ© de la Marche Verte annoncĂ©e quelques heures plus tĂŽt. Il ne cachait pas sa colĂšre sans l’extĂ©rioriser brutalement. Il restait trĂšs maĂźtre de lui jusqu’à ce qu’à l’écran apparaissent les images du roi Hassan II prononçant un discours. LĂ , le visage de Boumediene s’est mĂ©tamorphosĂ©. Un mĂ©lange de sourire nerveux et de fureur crispait son visage. Un moment, le roi parle de l’AlgĂ©rie sur un ton conciliant et amical. Le PrĂ©sident lui lance, en arabe, une injure et, Ă  ma stupeur, il avance son bras droit et dĂ©livre un magistral bras d’honneur. Tel un voyou de Bab el Oued. Le PrĂ©sident austĂšre qui se donnait Ă  voir quelques instants plus tĂŽt avait disparu. J’avais devant moi un autre homme. Un jeune garnement des rues prĂȘt Ă  tout. Il s’est levĂ© de son fauteuil et s’est mis Ă  sautiller de façon Ă©trange. Un peu hystĂ©rique. Je ne saurais dire s’il sautait de joie ou de colĂšre, mais, je le revois trĂšs bien, il a bondi Ă  plusieurs reprises. Il trĂ©pignait, comme s’il avait perdu le contrĂŽle de son personnage. Les insultes contre Hassan II pleuvaient. J’étais stupĂ©fait. Jamais je n’avais vu un chef d’Etat dans cet Ă©tat. Ce n’était qu’un torrent d’invectives Ă  un niveau insoutenable de grossiĂšretĂ©, d’obscĂ©nitĂ©, de vulgaritĂ©. Sans transition, ont suivi les menaces. Hassan II ne l’emportera pas au paradis. Il ne sait pas ce qui l’attend. L’AlgĂ©rie ne se fera pas rouler dans la farine. J'Ă©tais d'autant plus abasourdi que l'affaire du Sahara trainait depuis longtemps. Les revendications du Maroc dataient de Mohamed V qui entendait affirmer sa souverainetĂ© non seulement sur le Sahara Occidental mais sur la Mauritanie tout entiĂšre. Je n'oubliais pas, et Boumediene non plus, la dĂ©faite de l'AlgĂ©rie pendant la guerre des sables d'octobre 1963. On sentait le goĂ»t de la revanche, le besoin d'effacer de mauvais souvenirs. Je n'ai plus souvenir des termes exacts mais l'idĂ©e Ă©tait bien celle d'une riposte qui fera regrette Ă  l'agresseur ses rodomontades. L'algĂ©rie ne se laissera pas marcher sur les pieds. Elle rĂ©torquera de tous ses moyens et on verra ce qu'on verra [19 Juillet 2013]
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Jean Daniel
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-Tu sais que j'avais bien envie d'aller à Churchill voir les ours polaires ? -Ça c'est vraiment un truc de touristes, se moqua-t-il. Je me tournai vers lui. -Tu n'as jamais voulu en voir un en vrai ? -Il y a des ours ici, si tu veux vraiment en voir un. Ils sont bruns, mais ça ne change pas grand chose. C'est gros, poilu, avec un caractùre de cochon. J'eus presque envie de lui dire que ça me faisait penser à quelqu'un...
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Julie Tremblay
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Je suis pourtant convaincu que la force de persuasion de la secte chrĂ©tienne tenait en grande partie Ă  sa capacitĂ© d'inspirer des gestes sidĂ©rants, des gestes - et pas seulement des paroles - qui allaient Ă  l'inverse du comportement humain normal. Les hommes sont ainsi faits qu'ils veulent - pour les meilleurs d'entre eux, ce n'est dĂ©jĂ  pas rien - du bien Ă  leurs amis et, tous, du mal Ă  leurs ennemis. Qu'ils aiment mieux ĂȘtre forts que faibles, riches que pauvres, grands que petits, dominants plutĂŽt que dominĂ©s. C'est ainsi, c'est normal, personne n'a jamais dit que c'Ă©tait mal. La sagesse grecque ne le dit pas, la piĂ©tĂ© juive non plus. Or voici que des hommes non seulement disent mais font exactement le contraire. D'abord on ne comprend pas, on ne voit pas l'intĂ©rĂȘt de cette extravagante inversion des valeurs. Et puis on commence Ă  comprendre. On commence Ă  voir l'intĂ©rĂȘt, c'est-Ă -dire la joie, la force, l'intensitĂ© de vie qu'ils tirent de cette conduite en apparence aberrante. Et alors on n'a plus qu'un dĂ©sir, c'est de faire comme eux. (p. 204)
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Emmanuel CarrĂšre (Le Royaume)
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(...) je me suis mis Ă  boire comme d'habitude. Personne ne m'a adressĂ© la parole jusque vers minuit et demi. Alors le pĂšre Manseau, restĂ© jusque-lĂ  impassible et Ă©tranger au dĂ©bat, s'est mis sur pied, pĂ©niblement, parce qu'il souffre de l'arthrite, et s'est approchĂ© de ma table. Sa figure bronzĂ©e, inexpressive, touchait presque mon oreille. - Je suis au courant de votre histoire, dit-il. MouĂ©, c'est pas de mes affaires. Mais vous ĂȘtes nouveau icitte. MouĂ©, ça fait soixante-deux ans que je promĂšne ma carcasse. Eh ben, c'est pas bon pour la santĂ© icitte de contrer les curĂ©s. Les ficelles, c'est eux autres qui les ont, vous comprenez... Il hĂ©sita quelques secondes puis ajouta en guise d'excuse: - Je dis ça, mouĂ©, au fond, personnellement, ça me fait ni chaud ni froid. Le jour, je travaille Ă  la manufacture; le soir, je bois ma biĂšre. Au fond, c'est pas ça qui me dĂ©range. Mais c'est pour vous dire, vous comprenez... Je m'Ă©tais levĂ© moi aussi et je m'aperçus que je serrais la main au pĂšre Manseau. Je ne sais s'il se rendit compte de mon Ă©motion. Peu probable. Il n'en laissa, en tout cas, rien voir. Sans doute, sa mise en garde ne m'apprenait-elle rien de nouveau. Je savais Ă  quoi m'en tenir. Mais c'Ă©tait l'intention qui me touchait, le sentiment de fraternitĂ©, de solidaritĂ© peut-ĂȘtre que le pĂšre Manseau avait voulu exprimer - la fraternitĂ© d'un simple voisin de table tenu Ă  l'Ă©cart par ses concitoyens bien-pensants Ă  cause de son alcoolisme... ll me tira d'embarras en portant deux doigts Ă  la visiĂšre de sa casquette de cuir: - À la revoyure, m'sieur Jodoin, pis bonne chance, lĂ . Et il s'Ă©loigna, oscillant, Ă©carquillĂ©, de sa dĂ©marche raide de pantin, sans presque plier les genoux. Mon Ă©motion tomba vite; heureusement, car je n'aime pas ĂȘtre Ă©mu. D'ailleurs, ayant bu tout mon soĂ»l, j'Ă©tais protĂ©gĂ© des cinglures du monde extĂ©rieur.
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GĂ©rard Bessette (Le Libraire)
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De plus, le fait de structurer, de charpenter ses cours et d'inscrire son action pĂ©dagogique dans un cadre strict et prĂ©cis, en mĂȘme temps qu'original et attractif, peut contribuer Ă  rassurer les Ă©lĂšves, Ă  structurer leur pensĂ©e, Ă  canaliser leurs Ă©nergies, tout en ayant un effet bĂ©nĂ©fique pour l'enseignant lui aussi, lequel doit mettre en place des scĂ©narios et des stratĂ©gies appropriĂ©s pour vaincre son angoisse (proche parent et alimentĂ©e par celle des Ă©lĂšves) et trouver le calme intĂ©rieur en classe, mĂȘme au milieu des petites tempĂȘtes qui, parfois, agitent ce microcosme parcouru d'incidents divers. Faire fonctionner le cours harmonieusement est une victoire remportĂ©e non sur les Ă©lĂšves, mais sur l'adversitĂ©, sur les forces de dissolution, d'Ă©clatement et de dispersion, les forces qui agitent le groupe-classe. Dans le contexte actuel, il s'agit lĂ  d'un vĂ©ritable dĂ©fi pour les enseignants. Dans cet esprit-lĂ , dans cette logique relationnelle lĂ , il n'y a ni Ă©chec, ni succĂšs, ni amis, ni ennemis, mais seulement des personnes et des situations existentielles [
] dans lesquelles le comportement d'autrui (chef d'Ă©tablissement, mais aussi Ă©lĂšves, inspecteur, voir collĂšgues) Ă  notre Ă©gard permet de mettre Ă  jour nos propres faiblesses et de nous engager dans la voie de leur dĂ©passement progressif. Pour le dire avec les mots de Jung, "tout ce qui m'irrite chez les autres peut servir ma connaissance de moi-mĂȘme". (p. 88-89)
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Jean-Daniel Rohart (Comment réenchanter l'école ? : Plaidoyer pour une éducation postmoderne)
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Je vous propose alors une idĂ©e militante. Il serait trĂšs juste d’organiser une vaste manifestation pour une alliance des jeunes et des vieux, Ă  vrai dire dirigĂ©e contre les adultes d’aujourd’hui. Les plus rebelles des moins de trente ans et les plus coriaces des plus de soixante contre les quadras et les quinquas bien installĂ©s. Les jeunes diraient qu’ils en ont assez d’ĂȘtre errants, dĂ©sorientĂ©s, et interminablement dĂ©pourvus de toute marque de leur existence positive. Ils diraient aussi qu’il n’est pas bon que les adultes fassent semblant d’ĂȘtre Ă©ternellement jeunes. Les vieux diraient qu’ils en ont assez de payer leur dĂ©valorisation, leur sortie de l’image traditionnelle du vieux sage, par une mise Ă  la casse, une dĂ©portation dans des mouroirs mĂ©dicalisĂ©s, et leur totale absence de visibilitĂ© sociale. Ce serait trĂšs nouveau, trĂšs important, cette manifestation mixte ! J’ai du reste vu, durant mes nombreux voyages dans le monde entier, pas mal de confĂ©rences, pas mal de situations oĂč le public se composait d’un noyau de vieux briscards, de vieux rescapĂ©s, comme moi, des grands combats des sixties et des seventies, et puis d’une masse de jeunes qui venaient voir si le philosophe avait quelque chose Ă  dire concernant l’orientation de leur existence et la possibilitĂ© d’une vraie vie. J’ai donc vu, partout dans le monde, l’esquisse de l’alliance dont je vous parle. Comme Ă  saute-mouton, la jeunesse semble devoir sauter aujourd’hui par-dessus l’ñge dominant, celui qui va en gros de trente-cinq Ă  soixante-cinq ans, pour constituer avec le petit noyau des vieux rĂ©voltĂ©s, des non-rĂ©signĂ©s, l’alliance des jeunes dĂ©sorientĂ©s et des vieux baroudeurs de l’existence. Ensemble, nous imposerions que soit ouvert le chemin de la vraie vie.
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Alain Badiou (La vraie vie : Appel Ă  la corruption de la jeunesse)
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Ces considĂ©rations pourront encore aider Ă  comprendre pourquoi il est absolument vain de chercher Ă  Ă©tablir un accord ou un rapprochement quelconque entre les connaissances traditionnelles et les connaissances profanes, et pourquoi les premiĂšres n’ont pas Ă  demander aux secondes une « confirmation » dont, en elles-mĂȘmes, elles n’ont d’ailleurs nul besoin. Si nous y insistons, c’est que nous savons combien cette façon de voir est rĂ©pandue aujourd’hui chez ceux qui ont quelque idĂ©e des doctrines traditionnelles, mais une idĂ©e « extĂ©rieure », si l’on peut dire, et insuffisante pour leur permettre d’en pĂ©nĂ©trer la nature profonde, ainsi que pour les empĂȘcher d’ĂȘtre illusionnĂ©s par le prestige trompeur de la science moderne et de ses applications pratiques. Ceux-lĂ , en mettant ainsi sur le mĂȘme plan des choses qui ne sont nullement comparables, ne perdent pas seulement leur temps et leurs efforts ; ils risquent encore de s’égarer et d’égarer les autres dans toutes sortes de fausses conceptions ; et les multiples variĂ©tĂ©s de l’« occultisme » sont lĂ  pour montrer que ce danger n’est que trop rĂ©el.
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René Guénon
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– Le centre de gravitĂ© de l’Europe va se dĂ©placer. Vers le monde anglo-saxon et, finalement, vers l’AmĂ©rique. Vous voyez bien aujourd’hui comment la francophonie s’éteint Ă  petit feu
 La dĂ©rive nordique Ă©loignera la France de son histoire originelle, de sa parentĂ© affective, la MĂ©diterranĂ©e – mare nostrum. J’étais fascinĂ© par sa vaste culture et son sens de l’Histoire. Il me dit que, si elle se faisait, l’Europe de Maastricht se dĂ©tournerait de l’Afrique. Seule une Europe latine pouvait comprendre et fixer les populations sur place. Comme ces paroles rĂ©sonnent aujourd’hui ! Il me confia l’avoir rĂ©pĂ©tĂ© Ă  Roland Dumas : « Vous avez tort de soutenir ce sinistre traitĂ©. Il fera obstacle Ă  ce que la MĂ©diterranĂ©e puisse devenir, autour de la France, de l’Espagne et du Maroc, une zone d’équilibre, un lac de TibĂ©riade, autour duquel les trois religions et les fils d’Abraham pourraient trouver des points d’harmonie et prĂ©venir les grandes transhumances de la misĂšre et de l’envie. » Le roi paraissait fort mobilisĂ© sur ce sujet. Presque intarissable : – Vos Ă©lites sont ballotĂ©es sur des mers sans rivage, elles ont perdu toutes les boussoles. – De quelles boussoles parlez-vous ? – De celles qui nous conduisent dans l’espace et le temps : celles des cartes, des aiguilles et de la pĂ©rennitĂ©. La gĂ©ographie, qui est la seule composante invariable de l’Histoire ; et la famille, qui en est le principe et la sĂšve. Je ne vous envie pas. Il Ă©tait redevenu le souverain impĂ©rieux. Me voyant surpris, il lĂącha brutalement : – Vous parquez vos vieux. Dans des maisons de retraite. Vous exilez la sagesse. Vous avez aboli la gratitude, et donc l’espoir. Il n’y pas d’avenir pour un peuple qui perd ses livres vivants et n’a plus d’amour-propre. Qui abhorre son propre visage. Si vous ne retrouvez pas la fiertĂ©, vous ĂȘtes perdus. L’entretien dura encore quelque temps. Le roi Hassan II parlait beaucoup. Il se dĂ©solait de voir la France choir dans la haine de soi. Je n’ignorais pas qu’il dirigeait son pays d’une main de fer. Mais son amour sincĂšre pour la France me toucha. Il rĂ©pĂ©ta plusieurs fois le mot de PĂ©guy : « Quand une sociĂ©tĂ© ne peut plus enseigner, c’est que cette sociĂ©tĂ© ne peut pas s’enseigner. »" pp. 146-147
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Philippe de Villiers (Le moment est venu de dire ce que j'ai vu)
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Je sais papa que tu as fait ce que tu pouvais. Tu m'as aimĂ© Ă  ta maniĂšre, mĂȘme si au fond de moi je pensais que tu irais voir cette ordure, que tu me dĂ©fendrais comme tous les papas du monde.
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Camille Lellouche (Tout te dire)
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Violettes sauvages La fĂ©e du printemps, cette annĂ©e aussi, de banalitĂ©s plein le sac, s’est prĂ©sentĂ©e, malgrĂ© cela, nous nous sommes rĂ©jouis comme si pour la premiĂšre fois elle Ă©tait arrivĂ©e. En me grondant moi-mĂȘme, enfin, car je risquais d’abĂźmer mes souliers dans la boue, je suis allĂ©e voir quelles fleurs Ă©taient en train d’éclore dans le vaste parc, tout prĂšs de chez nous. C’était depuis longtemps que je n’avais plus senti ce dĂ©sir de vivre, cette hĂąte fĂ©brile, j’avais l’impression que sous mes pieds a frĂ©mi la terre que le soleil saurait rendre fertile. Les arbres nus me semblaient tout Ă  fait charmants, j’aurais voulu les prendre dans mes bras, les [embrasser]. Je passais prĂšs d’eux, comme ça, auparavant, autant de fois, mais sans vraiment les regarder. Difficile Ă  dire pourquoi Ă©tait si beau le ciel bleu comme les robes dont se lavent les couleurs, je l’ai regardĂ©, la tĂȘte renversĂ©e vers le dos, et je l’ai trouvĂ© absolument enchanteur. Ensuite, j’ai dĂ©couvert les violettes sauvages, prĂšs d’un chĂȘne : elles Ă©taient dĂ©licates et bleues, des miettes de ciel dont le printemps de passage nous fait don, parmi les troncs ombrageux. Le cƓur battant vite, je me suis inclinĂ©e, j’étais sur le point de toucher Ă  leurs feuilles, et je ne sais pourquoi, par l’esprit m’est passĂ©e l’idĂ©e que le verre n’est pour elles qu’un cercueil. Vers la maison, je suis revenue, les pas alourdis par un fatiguĂ© bonheur, et si mes mains Ă©taient aussi vides qu’au dĂ©but, j’avais des violettes sauvages dans le cƓur. (traduit par Elisabeta Isanos)
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Magda Isanos
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Alors qu'il vivait dans la peur et l'angoisse de perdre la mĂ©moire, tout ce qu'il voulait, c'Ă©tait que Mme KĂŽtake continue d'ĂȘtre une Ă©pouse avec lui. Ses pensĂ©es Ă©taient constamment tournĂ©es vers elle. MĂȘme si sa mĂ©moire disparaissait. VoilĂ  pourquoi il parcourait toujours des magazines de voyages. Mme KĂŽtake avait remarquĂ© un jour qu'il avait entourĂ© les noms des lieux oĂč ils Ă©taient allĂ©s voir des jardins. Sur le moment, elle avait attribuĂ© ça Ă  la persistance de son amour pour son mĂ©tier de paysagiste. Mais elle Ă©tait loin du compte. Il avait entourĂ© tous les lieux oĂč ils s'Ă©taient rendus ensemble. Et dire qu'elle ne l'avait pas compris. En prenant ces notes, M. Fusagi luttait pour ne pas oublier sa femme.
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Toshikazu Kawaguchi (Before the Coffee Gets Cold (Before the Coffee Gets Cold, #1))
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Il arrive à tout le monde d'avoir quelqu'un à la maison que l'on a envie de voir partir, quelqu'un que l'on aime bien, mais comme on est trÚs pressé ou trÚs fatigué, on voudrait bien que ce quelqu'un plie les gaules, si je puis dire, et c'est le moment qu'il choisit pour se caler contre le dossier en soupirant : "Qu'est-ce qu'on est bien, chez vous !".
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Fabien Maréchal (Nouvelles à ne pas y croire)
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Le totalitarisme contient une promesse de plenitude, de vie harmonieuse et de bonheur. Il est vrai qu'il ne la tient pas, mais la promesse reste la et on peut toujours se dire que la prochaine fois sera la bonne et qu'on sera sauve. La democratie liberale ne comporte pas de promesse semblable; elle s'engage seulement a permettre a chacun de chercher par soi-meme bonheur, harmonie et plenitude. Il y a une arrogance de la raison, insupportable a l'individu, de se voir depossede de son passe et du sens qu'il lui accordait, au nom de considerations qui lui sont etrangeres. Coupes de nos traditions et abrutis par les exigences d'une societe des loisirs, depourvus de curiosite spirituelle comme de familiarite avec les grandes oeuvres du passe, nous serios condamnes a la vanite de l'instant et au crime de l'oubli.
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Tzvetan Todorov (Memoria del mal, tentaciĂłn del bien (Spanish Edition))
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c’est n’est pas juste que je doive rester Ă  la maison comme une reclus alors que tu sors t’amuser. c’est n’est pas juste que je me sente comme de la merde pendant que ta confiance ne cesse d’augmenter. parce que qu’est-ce que j’avais fais de mal Ă  part ne pas toujours ĂȘtre d’accord avec toi qu’est-ce que j’avais fais de si mal quand mon coeur ne battait que pour toi peut ĂȘtre que je t’ai aimĂ©e trop fort et que tu en as eu marre ou peut ĂȘtre que j’étais trop stupide pour voir que notre amitiĂ© s’en allait quelque part parce que mĂȘme si on me rĂ©pĂ©tait des milliers de fois que c’était terminĂ©, je n’arrivais pas Ă  y croire. car j’étais certaine que si c’était la vĂ©ritĂ©, tu arriverais bien plus vite que moi Ă  effacer notre histoire. et ça me rends folle, folle, folle que tu m’aie oubliĂ©e si vite. ça me rends folle, folle, folle que maintenant tu ai une tout autre vie. parce que si les gens disent que le changement est bien. le tien je ne peux l’accepter. mon coeur ne fait que se serrer, parce que oui tu as changĂ©e. eh bien tu sais quoi, qu’importe le changement, je ne retiens que ta cruautĂ©. oh, et les gens m’appelleront Ă©goĂŻste parce que j’ai dĂ©cidĂ© de te haĂŻr. parce que l’amour est bien plus fort Ă©videmment et je ne suis sensĂ©e rien ressentir. parce que si je t’aime, je dois te souhaiter le meilleur. je t’aime, oui, mais n’ai je pas aussi le droit au bonheur  ? je pleure encore dans mon lit en pensant Ă  toi, Ă  ton odeur de lys et ton rire de grosse voix. je n’ai plus le droit de t’aimer je n’ai plus le droit de rien je dois tout laisser tomber comme si je n’étais qu’un grain et pourtant, dieu seul sait Ă  quel point tu me manques un coeur meurtri, une volontĂ© de nĂ©ant tout est terminĂ© Ă  prĂ©sent, je me dois de tourner la page. peut-ĂȘtre que tout s’en ira, comme si cela avait Ă©tĂ© un mirage. je ne te souhaite pas de paix. je ne te souhaite rien. vis comme tu l’étais, et je reprendrais le train . l’arrĂȘt Ă  Ă©tĂ© long oui, je dois te l’avouer. mais il est hors de question que je m’arrĂȘte pour m’agenouiller. ce sera difficile, je te l’accorde, mais je remets tout en ordre. j’aimerais te dire que tu as Ă©tĂ© une bonne expĂ©rience, mais en vĂ©ritĂ© tu n’as Ă©tĂ© que nuisance. il est temps pour moi de me retrouver, et d’enfin abandonner ce qui ne m’a jamais aimĂ©. au revoir, jeune fille blonde, nous nous retrouverons peut-ĂȘtre dans un autre monde. je ne fus pas heureuse de te rencontrer, Ă  vrai dire, maintenant, tu as Ă  peine existĂ©.
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emrulis
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Ma mĂšre Ă©crivait, vous pourriez venir vous reposer Ă  la maison, n'osant pas dire de venir les voir pour eux-mĂȘmes.
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Annie Ernaux (La place)
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Mensonge. Le prĂȘtre avait raison. C’était dommage de voir tant d’autoritĂ©, de vocation, d’habiletĂ© innĂ©e, au seul service d’animaux. On n’avait pas idĂ©e ! Le bĂ©lier le plus tĂȘtu, le plus bĂȘte, le plus mauvais, entre les mains de Gabriel changeait de nature. Il ne lui manquait plus que la parole. – Qu’est-ce que tu fais aux bĂȘtes, petit ! On dirait que tu les ensorcelles ! – Rien. Je les mĂšne au prĂ©, comme tout le monde. Il souriait. Et continuer d’éduquer les agneaux avec des mots et des gestes que personne ne savait dire et faire.
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Miguel Torga
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] Pendant seize ans, de 1835 jusqu'en 1851, la Moldavie a plus vĂ©cu qu'Ă  travers les 500 annĂ©es Ă©coulĂ©es depuis sa fondation par le voĂŻvode Dragoș, en 1359, et jusqu'Ă  nos jours. La vie de nos parents s'est dĂ©roulĂ©e comme celle de nos ancĂȘtres, sereine comme une riviĂšre qui coule Ă  travers les vergers et les jardins et se perd sans trop de bruit dans le Siret. Les Ă©vĂ©nements du monde avoisinant s'amenuisaient vers les frontiĂšres, le tourbillon de l'Ă©poque les dĂ©couvrait et les laissait tels quels. Notre vie n'a rien Ă  voir avec la leur ; on pourrait mĂȘme dire que nous ne sommes pas leurs enfants. Nos parents sont nĂ©s dans le berceau ancestral ; les hommes de 1835, qui inaugurent la gĂ©nĂ©ration d'aujourd'hui, sont issus de l'agitation de nouvelles idĂ©es. Le regard et la pensĂ©e des parents Ă©taient tournĂ©s vers l'Orient ; les nĂŽtres sont fixĂ©s vers l'Occident : la diffĂ©rence est grande. Il y a un dicton paysan qui circule en Moldavie depuis la nuit des temps : « Le pauvre roi Étienne, que dirait-il en les voyant ? » (traduit du roumain par Mălina Sgondea Vuillet)
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Alecu Russo (Opere complete)
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Voulez-vous un moment vivre entre ciel et terre, Respirer, Ă  plein cƓur, un air dĂ©licieux, Voir le monde Ă  vos pieds, planer dans la lumiĂšre, Et croire prĂšs de vous quelqu'un venu des cieux? Lisez ce chant d'amour... Le regard du vulgaire N'en pĂ©nĂ©trerait pas le sens mystĂ©rieux; Vous verrez, vous, comment on aime au monastĂšre, Et, dans ces murs sacrĂ©s, combien l'on est heureux. A quinze ans! Tendre fleur, petite Ăąme idĂ©ale, ThĂ©rĂšse offre Ă  JĂ©sus sa candeur virginale; Le Saint-PĂšre a bĂ©ni ce beau lis pour l'autel: La douceur de l'agneau, le cĂ©leste sourire, Les lyriques accents, tout en elle a fait dire: C'est un ange qu'on vit passer par le Carmel. P. N. Abbaye de Mondaye, 8 avril 1898.
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ThérÚse of Lisieux (Histoire d'une ùme)