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TrĂšs vite dans ma vie il a Ă©tĂ© trop tard. A dix-huit ans il Ă©tait dĂ©jĂ trop tard. Entre dix-huit ans et vingt-cinq ans mon visage est parti dans une direction imprĂ©vue. A dix-huit ans jâai vieilli.
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Marguerite Duras (The Lover)
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Les journĂ©es qui s'Ă©coulent, les gens que tu rencontres, les expĂ©riences auxquelles tu es confrontĂ©e forment ce qu'on appelle une vie. Ta vie. Et des vies, Lahira, tu n'en vivras qu'une. C'est Ă toi de la prendre en main, de lui donner les couleurs que tu aimes et la direction dont tu rĂȘves. A toi et Ă personne d'autre.
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Pierre Bottero (Ellana, l'Envol (Le Pacte des MarchOmbres, #2))
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Câest une folie de haĂŻr toutes les roses parce que une Ă©pine vous a piquĂ©, dâabandonner tous les rĂȘves parce que lâun dâentre eux ne sâest pas rĂ©alisĂ©, de renoncer Ă toutes les tentatives parce quâon a Ă©choué⊠Câest une folie de condamner toutes les amitiĂ©s parce quâune dâelles vous a trahi, de ne croire plus en lâamour juste parce quâun dâentre eux a Ă©tĂ© infidĂšle, de jeter toutes les chances dâĂȘtre heureux juste parce que quelque chose nâest pas allĂ© dans la bonne direction. Il y aura toujours une autre occasion, un autre ami, un autre amour, une force nouvelle. Pour chaque fin il y a toujours un nouveau dĂ©part.
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Antoine de Saint-Exupéry
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Si on bouge sans cesse, on impose un sens, une direction au temps. Mais si on s'arrĂȘte en se butant comme un Ăąne au milieu du sentier, si on se laisse emporter par la rĂȘverie, alors mĂȘme le temps s'arrĂȘte et n'est plus ce fardeau qui pĂšse sur nos Ă©paules. Si on ne le porte pas il verse, il se rĂ©pand tout autour comme la tache d'encre que ma plume faisait toute seule, droite en Ă©quilibre sur le buvard, pour retomber ensuite, vide.
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Erri De Luca (Pas ici, pas maintenant)
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Mais surtout, nous ne retrouverons pas ce qui nous a poussés l'un vers l'autre, un jour. Cette urgence trÚs pure. Ce moment unique. Il y a eu des circonstances, une conjonction de hasards, une somme de coïncidences, une simultanéité de désirs, quelque chose dans l'air, quelque chose aussi qui tenait à l'époque, à l'endroit, et ça a formé un moment, et ça a provoqué la rencontre, mais tout s'est distendu, tout est reparti dans des directions différentes, tout a éclaté, à la maniÚre d'un feu d'artifice dont les fusées explosent au ciel nocturne dans tous les sens et dont les éclats retombent en pluie, et meurent à mesure qu'ils chutent et disparaissent avant de pouvoir toucher le sol, pour que ça ne brûle personne, pour que ça ne blesse personne, et le moment est terminé, mort, il ne reviendra pas  ; c'est cela qui nous est arrivé.
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Philippe Besson (" ArrĂȘte avec tes mensonges ")
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Aucun des sophismes de la folie, - la folie qu'on enferme, - n'a été oublié par moi : je pourrais les redire tous, je tiens le systÚme.
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Arthur Rimbaud (Une saison en enfer & Le bateau ivre: A season in hell & The drunken boat)
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Le vert absolu est la couleur la plus anesthésiante qui soit. Elle ne se meut dans aucune direction et n'a aucune consonance de joie, de tristesse ou de passion ; elle ne réclame rien, n'attire vers rien. [...] Ce vert est semblable à une grosse vache, pleine de santé, couchée, figée, capable seulement de ruminer en contemplant le monde de ses yeux stupides et inexpressifs.
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Kandinsky Vasily
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Le savoir des Ă©coles se borne Ă enseigner le "comment". C'est un savoir Ă©parpillĂ©, sans unitĂ© et sans direction. Ce n'est pas un chemin qui conduit vers le sommet de la montagne d'oĂč l'on pourra voir l'horizon et comprendre dans tous ses dĂ©tails l'ordonnance du paysage, c'est une plaine de sable dont on propose Ă l'homme d'Ă©tudier chaque grain. Ce savoir ne peut donner naissance qu'Ă une sociĂ©tĂ© de technique, sans sagesse et sans raison, aussi absurde et dangereuse dans son comportement qu'un camion-citerne lancĂ© sans conducteur sur une autoroute en pente.
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René Barjavel
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Toute grande oeuvre est soit une Iliade soit une OdysĂ©e, les odysĂ©es Ă©tant beaucoup plus nombreuse que les iliades: le Satiricon, La Divine ComĂ©die, Pantagruel, Don Quichotte, et naturellement Ulysse (oĂč l'on reconnaĂźt d'ailleurs l'influence directe de Bouvard et PĂ©cuchet) sont des odysĂ©es, c'est-Ă -dire des rĂ©cits de temps pleins. Les iliades sont au contraire des recherches du temps perdu: devant Troie, sur une Ăźle dĂ©serte ou chez les Guermantes.
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Raymond Queneau
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Je dĂ©couvre la morsure de l'attente. Parce qu'il y a ce refus de s'avouer vaincu, de croire que c'est sans lendemain, que ça ne se reproduira pas. Je me persuade qu'il accomplira un geste dans ma direction, que c'est impossible autrement, que la mĂ©moire des corps emmĂȘlĂ©s vaincra sa rĂ©sistance. Je me dis que ce n'Ă©tait pas seulement une histoire de corps, mais de nĂ©cessitĂ©. Qu'on ne lutte pas contre la nĂ©cessitĂ©. Ou, si on lutte, elle finit par avoir raison de nous.
Je découvre la morsure du manque.
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Philippe Besson (" ArrĂȘte avec tes mensonges ")
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[...] Et câest lĂ , en mĂȘme temps, ce qui donne lâillusion du progrĂšs Ă ceux qui, ne connaissant quâune civilisation, voient exclusivement la direction dans laquelle elle se dĂ©veloppe, croient quâelle est la seule possible, et ne se rendent pas compte que ce dĂ©veloppement sur un point peut ĂȘtre largement compensĂ© par une rĂ©gression sur dâautres points.
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René Guénon (Introduction to the Study of the Hindu Doctrines)
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Un choc qui nous atteint dans une direction imprĂ©vue nous donne brusquement une sensation nouvelle de lâexistence de notre corps en tant quâinconnu; nous ne savions pas tout ce que nous Ă©tions, et il arrive que cette sensation brutale nous rende elle-mĂȘme sensibles, par un effet secondaire, Ă une grandeur et Ă une figure inattendues de notre domaine vivant.
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Paul Valéry (Regards sur le monde actuel et autres essais)
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Je me mis dĂšs lors Ă lire avec aviditĂ© et bientĂŽt la lecture fut ma passion. Tous mes nouveaux besoins, toutes mes aspirations rĂ©centes, tous les Ă©lans encore vagues de mon adolescence qui sâĂ©levaient dans mon Ăąme dâune façon si troublante et qui Ă©taient provoquĂ©s par mon dĂ©veloppement si prĂ©coce, tout cela, soudainement, se prĂ©cipita dans une direction, parut se satisfaire complĂštement de ce nouvel aliment et trouver lĂ son cours rĂ©gulier. BientĂŽt mon cĆur et ma tĂȘte se trouvĂšrent si charmĂ©s, bientĂŽt ma fantaisie se dĂ©veloppa si largement, que jâavais lâair dâoublier tout ce qui mâavait entourĂ©e jusquâalors. Il semblait que le sort lui mĂȘme mâarrĂȘtĂąt sur le seuil de la nouvelle vie dans laquelle je me jetais, Ă laquelle je pensais jour et nuit, et, avant de mâabandonner sur la route immense, me faisait gravir une hauteur dâoĂč je pouvais contempler lâavenir dans un merveilleux panorama, sous une perspective brillante, ensorcelante. Je me voyais destinĂ©e Ă vivre tout cet avenir en lâapprenant dâabord par les livres ; de vivre dans les rĂȘves, les espoirs, la douce Ă©motion de mon esprit juvĂ©nile. Je commençai mes lectures sans aucun choix, par le premier livre qui me tomba sous la main. Mais, le destin veillait sur moi. Ce que jâavais appris et vĂ©cu jusquâĂ ce jour Ă©tait si noble, si austĂšre, quâune page impure ou mauvaise nâeĂ»t pu dĂ©sormais me sĂ©duire. Mon instinct dâenfant, ma prĂ©cocitĂ©, tout mon passĂ© veillaient sur moi ; et maintenant ma conscience mâĂ©clairait toute ma vie passĂ©e.
En effet, presque chacune des pages que je lisais mâĂ©tait dĂ©jĂ connue, semblait dĂ©jĂ vĂ©cue, comme si toutes ces passions, toute cette vie qui se dressaient devant moi sous des formes inattendues, en des tableaux merveilleux, je les avais dĂ©jĂ Ă©prouvĂ©es.
Et comment pouvais-je ne pas ĂȘtre entraĂźnĂ©e jusquâĂ lâoubli du prĂ©sent, jusquâĂ lâoubli de la rĂ©alitĂ©, quand, devant moi dans chaque livre que je lisais, se dressaient les lois dâune mĂȘme destinĂ©e, le mĂȘme esprit dâaventure qui rĂšgnent sur la vie de lâhomme, mais qui dĂ©coulent de la loi fondamentale de la vie humaine et sont la condition de son salut et de son bonheur ! Câest cette loi que je soupçonnais, que je tĂąchais de deviner par toutes mes forces, par tous mes instincts, puis presque par un sentiment de sauvegarde. On avait lâair de me prĂ©venir, comme sâil y avait en mon Ăąme quelque chose de prophĂ©tique, et chaque jour lâespoir grandissait, tandis quâen mĂȘme temps croissait de plus en plus mon dĂ©sir de me jeter dans cet avenir, dans cette vie. Mais, comme je lâai dĂ©jĂ dit, ma fantaisie lâemportait sur mon impatience, et, en vĂ©ritĂ©, je nâĂ©tais trĂšs hardie quâen rĂȘve ; dans la rĂ©alitĂ©, je demeurais instinctivement timide devant lâavenir.
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Fyodor Dostoevsky (Netochka Nezvanova)
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Ressaisir notre vie ; et aussi la vie des autres ; car le style, pour lâĂ©crivain aussi bien que pour le peintre, est une question non de technique, mais de vision. Il est la rĂ©vĂ©lation, qui serait impossible par des moyens directs et conscients, de la diffĂ©rence qualitative quâil y a dans la façon dont nous apparaĂźt le monde, diffĂ©rence qui, sâil nây avait pas lâart, resterait le secret Ă©ternel de chacun.
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Marcel Proust (Ă la recherche du temps perdu)
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Mais la connaissance du passĂ© rendu vivant et prĂ©sent, oĂč la trouve-t-on ? Eh bien, avant tout, dans la littĂ©rature ! Et lĂ est Ă mes yeux la merveille. On la trouve dans les textes français et Ă©trangers, modernes et anciens. Aussi cela me paraĂźt-il une erreur trĂšs grave que de reprĂ©senter lâenseignement de la littĂ©rature comme une espĂšce dâĂ©lĂ©gance superflue et gratuite. En fait, câest grĂące Ă la littĂ©rature que se forme presque toute notre idĂ©e de la vie ; le dĂ©tour par les textes conduit directement Ă la formation de lâhomme. Ils nous apportent les analyses et les idĂ©es, mais aussi les images, les personnages, les mythes, et les rĂȘves qui se sont succĂ©dĂ© dans lâesprit des hommes ; ils nous ont un jour Ă©mus parce quâils Ă©taient exprimĂ©s ou dĂ©crits avec force ; et câest de cette expĂ©rience que se nourrit la nĂŽtre.
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Jacqueline de Romilly
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Antonio José Bolivar Îta son dentier, le rangea dans son mouchoir et sans cesser de maudire le gringo, responsable de la tragédie, le maire, les chercheurs d'or, tous ceux qui souillaient la virginité de son Amazonie, il coupa une grosse branche d'un coup de machette, s'y appuya, et prit la direction d'El Idilio, de sa cabane et ses romans qui parlaient d'amour avec des mots si beaux que, parfois, ils lui faisaient oublier la barbarie des hommes.
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Luis SepĂșlveda (The Old Man Who Read Love Stories)
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Il disait ce qu'il pensait, et jugeait perturbant que son interlocuteur n'en fasse pas autant. Certains auraient pu se mĂ©prendre et le trouver simplet. Mais ceux qui vont toujours directement au cĆur des choses ne possĂšdent-ils pas une sorte de gĂ©nie?
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Madeline Miller (The Song of Achilles)
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Plus la science approfondit la nature du corps dans la direction de sa "rĂ©alitĂ©", plus elle rĂ©duit dĂ©jĂ chaque propriĂ©tĂ© de ce corps, et par consĂ©quent son existence mĂȘme, aux relations qu'il entretient avec le reste de la matiĂšre capable de l'influencer.
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Henri Bergson (Le cerveau et la pensée : Une illusion philosophique)
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Je feuilletais aussi sans succĂšs toute une bibliothĂšque, dans lâespoir de dĂ©couvrir quelque chose sur Abraxas. Mais ce genre de recherches directes et conscientes nâĂ©tait pas mon affaire. De cette façon, lâon ne trouve que des vĂ©ritĂ©s qui sont comme des pierres dans votre main.
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Hermann Hesse (Demian)
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Il y a toujours chez les hommes de guerre quelque chose de direct quâils tiennent peut-ĂȘtre de leur habitude de donner la mort. Il faut, pour frapper quelquâun, mĂȘme au combat, se libĂ©rer dâun poids de civilisation qui enferme la plupart dâentre nous dans la faussetĂ© et une douceur forcĂ©e.
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Jean-Christophe Rufin (Le Grand CĆur)
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Comment en suis-je arrivée là ?
Mais il n'y a pas qu'un seul moment. Il y en a toute une sĂ©rie. Et votre vie peut partir dans des centaines de directions diffĂ©rentes. Peut-ĂȘtre existe-t-il des versions de votre vie correspondant Ă tous les choix que vous avez faits et tous ceux que vous n'avez pas faits.
Peut-ĂȘtre existe-t-il une version de ma vie oĂč je suis bel et bien malade, finalement.
Et une autre oĂč je meurs Ă HawaĂŻ.
Une autre encore oĂč mon pĂšre et mon frĂšre survivent Ă leur accident, et oĂč ma mĂšre n'est pas dĂ©truite.
Il y a peut-ĂȘtre mĂȘme une version de ma vie sans Olly.
Mais ce n'est pas celle-ci.
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Nicola Yoon (Everything, Everything)
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Ce principe Ă©tabli, il s'ensuit que la femme est faite spĂ©cialement pour plaire Ă l'homme. Si l'homme doit lui plaire Ă son tour, c'est d'une nĂ©cessitĂ© moins directe : son mĂ©rite est dans sa puissance ; il plaĂźt par cela seul qu'il est fort. Ce n'est pas ici la loi de l'amour, j'en conviens ; mais c'est celle de la nature, antĂ©rieure Ă l'amour mĂȘme.
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Jean-Jacques Rousseau (Emile, or On Education)
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Jetez sur une Ă©toile un rapide coup d'Ćil, regardez-la obliquement, en tournant vers elle la partie latĂ©rale de la rĂ©tine (beaucoup plus sensible Ă une lumiĂšre faible que la partie centrale), et vous verrez l'Ă©toile plus distinctement; vous aurez l'apprĂ©ciation la plus juste de son Ă©clat, Ă©clat qui s'obscurcit Ă proportion que vous dirigez votre vue en plein sur elle. Dans le dernier cas, il tombe sur l'Ćil un plus grand nombre de rayons; mais dans le premier, il y a une rĂ©ceptibilitĂ© plus complĂšte, une susceptibilitĂ© beaucoup plus vive. Une profondeur outrĂ©e affaiblit la pensĂ©e et la rend perplexe; et il est possible de faire disparaĂźtre VĂ©nus elle-mĂȘme du firmament par une attention trop soutenue, trop concentrĂ©e, trop directe.
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Edgar Allan Poe (Histoires extraordinaires)
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Seule la littĂ©rature peut vous permettre d'entrer en contact avec l'esprit d'un mort, de maniĂšre plus directe, plus complĂšte et plus profonde que ne le ferait mĂȘme la conversation avec un ami â aussi profonde, aussi durable que soit une amitiĂ©, jamais on ne se livre, dans une conversation, aussi complĂštement qu'on ne le fait devant une feuille vide, s'adressant Ă un destinataire inconnu.
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Michel Houellebecq (Soumission)
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Une trĂšs jolie jeune fille, traitĂ©e avec des Ă©gards constants et des attentions dĂ©mesurĂ©es par l'ensemble de la population masculine, y compris par ceux - l'immense majoritĂ© - qui n'ont plus aucun espoir d'en obtenir une faveur d'ordre sexuel, et mĂȘme Ă vrai dire tout particuliĂšrement par eux, avec une Ă©mulation abjecte confinant chez certains quinquagĂ©naires au gĂątisme pur et simple, une trĂšs jolie jeune fille devant qui tous les visages s'ouvrent, toutes les difficultĂ©s s'aplanissent, accueillie partout comme si elle Ă©tait la reine du monde, devient naturellement une espĂšce de monstre d'Ă©goĂŻsme et de vanitĂ© autosatisfaite. La beautĂ© physique joue ici exactement Ie mĂȘme rĂŽle que la noblesse de sang sous l'Ancien RĂ©gime, et la brĂšve conscience qu'elles pourraient prendre Ă l'adolescence de l'origine purement accidentelle de leur rang cĂšde rapidement la place chez la plupart des trĂšs jolies jeunes filles Ă une sensation de supĂ©rioritĂ© innĂ©e, naturelle, instinctive, qui les place entiĂšrement en dehors, et largement au-dessus du reste de l'humanitĂ©. Chacun autour d'elle n'ayant pour objectif que de lui Ă©viter toute peine, et de prĂ©venir Ie moindre de ses dĂ©sirs, c'est tout uniment (sic) qu'une trĂšs jolie jeune fille en vient Ă considĂ©rer Ie reste du monde comme composĂ© d'autant de serviteurs, elle-mĂȘme n'ayant pour seule tĂąche que d'entretenir sa propre valeur Ă©rotique - dans l'attente de rencontrer un garçon digne d'en recevoir l'hommage. La seule chose qui puisse la sauver sur le plan moral, c'est d'avoir la responsabilitĂ© concrĂšte d'un ĂȘtre plus faible, d'ĂȘtre directement et personnellement responsable de la satisfaction de ses besoins physiques, de sa santĂ©, de sa survie - cet ĂȘtre pouvant ĂȘtre un frĂšre ou une soeur plus jeune, un animal domestique, peu importe. (La possibilitĂ© d'une Ăźle, Daniel 1,15)
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Michel Houellebecq
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Au bout d'un parcours cahoteux, l'appareil décolla et elle ressentit quelque chose d'extraordinaire. Le rugissement du moteur se transforma en bourdonnement et elle eu l'impression de flotter. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, ils avaient pris de l'altitude et le monde en dessous avait changé de taille. Rassemblés devant la clÎture, toute la famille agitait la main et rapetissait sans cesse. Puis Billy survola la ville direction Milwaukee.
Pour Fritzi, ce fut une révélation.
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Fannie Flagg (The All-Girl Filling Station's Last Reunion)
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La conception populiste de la dĂ©mocratie prĂ©sente sur cette base trois caractĂ©ristiques. Elle entend dâabord privilĂ©gier la dĂ©mocratie directe, en appelant notamment Ă multiplier les rĂ©fĂ©rendums dâinitiative populaire ; elle dĂ©fend ensuite le projet dâune dĂ©mocratie polarisĂ©e, dĂ©nonçant le caractĂšre non dĂ©mocratique des autoritĂ©s non Ă©lues et des cours constitutionnelles. Elle exalte enfin, et câest le point nodal, une conception immĂ©diate et spontanĂ©e de lâexpression populaire.
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Pierre Rosanvallon (Le SiÚcle du populisme. Histoire, théorie, critique (French Edition))
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Ils se laissĂšrent porter en direction du nord, vers la gare de Perdido. Ils tournaient lentement, revigorĂ©s par cette prĂ©sence urbaine massive, profane, en dessous d'eux, par ce lieu fĂ©cond, grouillant, tel qu'aucun de leurs semblables n'en avait jamais connu jusque lĂ . Partout, le moindre secteur â ponts obscurs, hĂŽtels particuliers vieux de cinq siĂšcles, bazars tortueux, entrepĂŽts de bĂ©ton, tours, pĂ©niches d'habitation, taudis rĂ©pugnants et parcs au cordeau â grouillait de nourriture. C'Ă©tait une jungle dĂ©pourvue de prĂ©dateurs. Un terrain de chasse.
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China Miéville (Perdido Street Station: Tome 1)
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Il est possible qu'Ă des Ă©poques antĂ©rieures, oĂč les ours Ă©taient nombreux, la virilitĂ© ait pu jouer un rĂŽle spĂ©cifique et irremplaçable; mais depuis quelques siĂšcles, les hommes ne servaient visiblement Ă peu prĂšs plus Ă rien. Ils trompaient parfois leur ennui en faisant des parties de tennis, ce qui Ă©taient un moindre mal; mais parfois aussi ils estimaient utile de faire avancer l'histoire, c'est-Ă -dire essentiellement de provoquer des rĂ©volutions et des guerres. Outre les souffrances absurdes qu'elles provoquaient, les rĂ©volutions et les guerres dĂ©truisaient le meilleurs du passĂ©, obligeant Ă chaque fois Ă faire table rase pour rebĂątir. Non inscrite dans le cours rĂ©gulier d'une ascension progressive, l'Ă©volution humaine acquĂ©rait ainsi un tour chaotique, dĂ©structurĂ©, irrĂ©gulier et violent. Tout cela les hommes (avec leur goĂ»t du risque et du jeu, leur vanitĂ© grotesque, leur irresponsabilitĂ©, leur violence fonciĂšre) en Ă©taient directement et exclusivement responsables. Un monde composĂ© de femmes serait Ă tous points de vue infiniment supĂ©rieur; il Ă©voluerait plus lentement, mais avec rĂ©gularitĂ©, sans retours en arriĂȘre et sans remises en cause nĂ©fastes, vers un Ă©tat de bonheur commun.
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Michel Houellebecq
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Câest une folie de haĂŻr toutes les roses parce que une Ă©pine vous a piquĂ©, dâabandonner tous les rĂȘves parce que lâun dâentre eux ne sâest pas rĂ©alisĂ©, de renoncer Ă toutes les tentatives parce quâon a Ă©choué⊠C âest une folie de condamner toutes les amitiĂ©s parce quâune dâelles vous a trahi, de ne croire plus en lâamour juste parce quâun dâentre eux a Ă©tĂ© infidĂšle, de jeter toutes les chances dâĂȘtre heureux juste parce que quelque chose nâest pas allĂ© dans la bonne direction. Il y aura toujours une autre occasion, un autre ami, un autre amour, une force nouvelle. Pour chaque fin il y a toujours un nouveau dĂ©part.
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Antoine de Saint-Exupéry
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En rĂ©alitĂ©, dĂšs que Lyautey est arrivĂ© au Maroc, connaissant lâappĂ©tit des colons de lâOranie, il a tout fait pour cloisonner le pays. Tous ceux qui lâont suivi se sont aussi efforcĂ©s quâil nây ait pas de contact direct entre lâAlgĂ©rie et le Maroc. Plus encore, quand on entre dans le dĂ©tail, on se rend compte que les colons français au Maroc Ă©taient les concurrents directs de ceux de lâOranie. Tout ceci pour une raison simple : le Maroc et lâAlgĂ©rie ne dĂ©pendaient pas de la mĂȘme administration. Nous dĂ©pendions du ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres alors que les AlgĂ©riens Ă©taient rattachĂ©s au ministĂšre de lâIntĂ©rieur.
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Vous considérez les textes sacrés comme des contes, des épopées grandioses. Plus vous étudiez, moins vous y croyez.
Un autre clin d'Ćil et vous avez vingt-quatre ans. Vous parcourez l'Europe en pensant - en espĂ©rant - que cette expĂ©rience vous stimulera, qu'avoir un aperçu du vaste monde rendra le vĂŽtre plus net. Ce sera le cas, au dĂ©but. Mais vous n'avez ni emploi ni avenir. Une fois terminĂ© l'intermĂšde, votre compte bancaire est vide et vous n'avez toujours rien trouvĂ©.
Nouveau clin dâĆil. Ă vingt-six ans, vous ĂȘtes convoquĂ© dans le bureau du doyen de la facultĂ©. Voyant que vous n'avez plus le cĆur Ă l'ouvrage, il vous conseille de changer de voie et vous assure que vous finirez par trouver votre vocation. Tout le problĂšme est lĂ : vous n'avez jamais ressenti d'appel pour quoi que ce soit. Pas de poussĂ©e violente dans une direction prĂ©cise, mais une succession de lĂ©gers mouvements dans une multitude de directions qui, Ă prĂ©sent, vous semblent toutes hors de portĂ©e.
Au clin dâĆil suivant, vous avez vingt-huit ans. Alors que tous les autres ont dĂ©jĂ bien avancĂ© sur la route, vous en ĂȘtes encore Ă chercher votre chemin. L'ironie de la situation ne vous aura pas Ă©chappĂ© : en voulant vivre, apprendre et vous trouver, vous vous ĂȘtes perdu.
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Victoria E. Schwab (The Invisible Life of Addie LaRue)
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Il y a un moment dans sa vie oĂč on a Ă traverser des crises. Quelque chose vient Ă vous et vous dit : âsi tu continues dans cette direction tu vas te renier complĂštement. Dâaccord, cela semble plus sĂ»r, mais tu vas te renier.â On continue par devoir, par fidĂ©litĂ©, mais aussi par une secrĂšte lĂąchetĂ©, tout en sachant bien, au fond de soi, que lâon est en train de se renier. La question centrale consiste Ă se demander non pas si je suis fidĂšle mais : Ă quoi le suis-je ? Quâest-ce qui nous semble le plus important ? Cette question provoque souvent une crise et chaque ĂȘtre humain dans sa vie y est un jour ou lâautre confrontĂ©.
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Fabrice Midal
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Le dĂ©veloppement des connaissances prĂ©historiques et archĂ©ologiques tend Ă Ă©taler dans l'espace des formes de civilisation que nous Ă©tions portĂ©s Ă imaginer comme Ă©chelonnĂ©es dans le temps. Cela signifie deux choses : d'abord que le "progrĂšs" (si ce terme convient encore pour dĂ©signer une rĂ©alitĂ© trĂšs diffĂ©rente de celle Ă laquelle on l'avait d'abord appliquĂ©) n'est ni nĂ©cessaire, ni continue ; il procĂšde par sauts, par bonds, ou, comme diraient les biologistes, par mutations. Ces sauts et ces bonds ne consistent pas Ă aller toujours plus loin dans la mĂȘme direction ; ils s'accompagnent de changements d'orientation, un peu Ă la maniĂšre du cavalier des Ă©checs qui a toujours Ă sa disposition plusieurs progressions mais jamais dans le mĂȘme sens. L'humanitĂ© en progrĂšs ne ressemble guĂšre Ă un personnage gravissant un escalier, ajoutant par chacun de ses mouvements une marche nouvelle Ă toutes celles dont la conquĂȘte lui est acquise ; elle Ă©voque plutĂŽt le joueur dont la chance est rĂ©partie sur plusieurs dĂ©s et qui, chaque fois qu'il les jette, les voit s'Ă©parpiller sur le tapis, amenant autant de comptes diffĂ©rents. Ce que l'on gagne sur un, on est toujours exposĂ© Ă le perdre sur l'autre, et c'est seulement de temps Ă autre que l'histoire est cumulative, c'est-Ă -dire que les comptes s'additionnent pour former une combinaison favorable. (p.29-30)
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Claude LĂ©vi-Strauss (Race et histoire)
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Ces derniĂšres dĂ©cennies, le rĂ©fĂ©rendum a souvent Ă©tĂ© mis en avant comme un moyen efficace de rĂ©former la dĂ©mocratie. Ă une Ă©poque oĂč la sociĂ©tĂ© sâindividualise et oĂč la sociĂ©tĂ© civile pĂšse moins lourd quâautrefois, il a paru utile Ă beaucoup dâobservateurs de demander directement Ă la population son avis sur des dossiers controversĂ©s. Les rĂ©fĂ©rendums sur la Constitution europĂ©enne aux Pays-Bas, en France et en Irlande ont quelque peu refroidi le zĂšle en faveur de ce mode de dĂ©cision. Pourtant, il bĂ©nĂ©ficie encore dâune grande popularitĂ©, comme en tĂ©moignent les rĂ©fĂ©rendums projetĂ©s sur lâautonomie de la Catalogne et de lâĂcosse, et sur le retrait du Royaume-Uni de lâUnion europĂ©enne. Les rĂ©fĂ©rendums et la dĂ©mocratie dĂ©libĂ©rative sont apparentĂ©s dans la mesure oĂč, dans un cas comme dans lâautre, le citoyen ordinaire est consultĂ©, mais les mĂ©canismes sont pour le reste totalement opposĂ©s : lors dâun rĂ©fĂ©rendum, on demande Ă tout le monde de voter sur un sujet Ă propos duquel, le plus souvent, peu de gens sont informĂ©s ; lors dâun projet dĂ©libĂ©ratif, on demande Ă un Ă©chantillon reprĂ©sentatif de la population de dĂ©libĂ©rer sur un sujet Ă propos duquel il obtient le plus dâinformations possible. Lors dâun rĂ©fĂ©rendum, les gens rĂ©agissent encore trĂšs souvent avec leurs tripes ; lors dâune dĂ©libĂ©ration, câest une opinion publique Ă©clairĂ©e qui sâexprime.
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David Van Reybrouck (Tegen verkiezingen)
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La terreur irrationnelle transforme en choses les hommes, "bacilles planĂ©taires" selon la formule de Hitler. Elle se propose la destruction, non seulement de la personne, mais des possibilitĂ©s universelles de la personne, la rĂ©flexion, la solidaritĂ©, l'appel vers l'amour absolu. La propagande, la torture, sont des moyens directs de dĂ©sintĂ©gration; plus encore la dĂ©chĂ©ance systĂ©matique, l'amalgame avec le criminel cynique, la complicitĂ© force. Celui qui tue ou torture ne connait q'une ombre a sa victoire: il ne peut pas se sentir innocent: Il lui faut donc crĂ©er la culpabilitĂ© chez la victime elle-mĂȘme pour que, dans un monde sans direction, la culpabilitĂ© gĂ©nĂ©rale ne lĂ©gitime plus que l'exercice de la force, ne consacre plus que le succĂšs. Quand l'idĂ©e d'innocence disparaĂźt chez l'innocent lui-mĂȘme, la valeur de puissance rĂšgne dĂ©finitivement sur un monde dĂ©sespĂ©rĂ©. C'est pourquoi une ignoble et cruelle pĂ©nitence rĂšgne sur ce monde oĂč seuls les pierres sont innocentes. Les condamnĂ©s sont obligĂ©s de se prendre les uns les autres. Le ci pur de la maternitĂ© est lui-mĂȘme tuĂ©, comme chez cette mĂšre grecque q'un officier força de choisir celui de ses trois fils qui serait fusillĂ©. C'est ainsi qu'on est enfin libre. La puissance de tuer et d'avilir sauve lâĂąme servile du nĂ©ant. La libertĂ© allemande se chante alors, au son d'orchestre de bagnards, dans les camps de la mort.
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Albert Camus (The Rebel)
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MalgrĂ© leur nombre et un siĂšcle de recherches, l'Ă©criture libyque garde encore aujourd'hui une grande partie de ses secrets. En effet, ces inscriptions demeurent pour l'essentiel indĂ©chiffrĂ©s, mĂȘme si quelques-unes bilingues ont apportĂ© quelques lueurs. "Aussi, c'est sans surprise que l'on constate qu'il a pu rĂ©gner chez certains auteurs, un doute tenace quant Ă la parentĂ© du libyque et du berbĂšre. ... C'est pourquoi L. Galand en arrivait Ă se demander si ces inscriptions libyques (ou, du moins, un certain nombre d'entre elles) n'Ă©taient pas rĂ©digĂ©es dans une langue qui n'aurait pas de rapports directs avec le berbĂšre". Il faut espĂ©rer qu'un jour, les spĂ©cialistes en libyque pourront apporter une solution Ă ce problĂšme.
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Ait Ali Yahia Samia (Les stĂšles Ă inscriptions libyques de la Grande Kabylie)
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Nous entrerons demain dans la nuit. Que mon pays soit encore quand reviendra le jour ! Que faut-il faire pour le sauver ? Comment Ă©noncer une solution simple ? Les nĂ©cessitĂ©s sont contradictoires. Il importe de sauver lâhĂ©ritage spirituel, sans quoi la race sera privĂ©e de son gĂ©nie. Il importe de sauver la race, sans quoi lâhĂ©ritage sera perdu. Les logiciens, faute dâun langage qui concilierait les deux sauvetages, seront tentĂ©s de sacrifier ou lâĂąme, ou le corps. Mais je me moque bien des logiciens. Je veux que mon pays soit â dans son esprit et dans sa chair â quand reviendra le jour. Pour agir selon le bien de mon pays il me faudra peser Ă chaque instant dans cette direction, de tout mon amour. Il nâest point de passage que la mer ne trouve, si elle pĂšse.
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Antoine de Saint-Exupéry
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Dans un monde d'ultracommunication manipulĂ©e, oĂč les peuples sont gouvernĂ©s et orientĂ©s par les mensonges d'une poignĂ©e d'individus qui ne servent que leurs propres intĂ©rĂȘts, la paranoĂŻa ne serait-elle pas l'instrument de survie moderne ?
Je rencontre bien gens sur le net. Beaucoup considĂšrent la race humaine comme un troupeau de moutons qui paĂźt sagement, chaque ĂȘtre faisant comme tous les autres sans se soucier de ce qui l'entoure ou de la direction dans laquelle ll va. Parmi celles et ceux qui parlent ainsi, certains sourient Ă mes propos, je les appelle les "chiens de berger" car ils pensent avoir suffisamment de connaissances et d'intelligence pour manoeuvrer au-dessus du troupeau. Ils pensent ĂȘtre assez fins pour ne pas se faire manoeuvrer eux-mĂȘmes. L'intelligence n'a rien Ă voir lĂ -dedans.
C'est de la vigilance qu'il faut. Et cette touche de paranoïa désormais salvatrice.
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Maxime Chattam (Les Arcanes du chaos (Le Cycle de l'homme, #1))
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Quant Ă la question de savoir si un tribunal saisi d'un litige relatif Ă un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur peut apprĂ©cier d'office le caractĂšre abusif d'une clause de ce contrat, il convient de rappeler que le systĂšme de protection mis en Ćuvre par la directive europĂ©enne repose sur l'idĂ©e que le consommateur se trouve dans une situation d'infĂ©rioritĂ© Ă l'Ă©gard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de nĂ©gociation que le niveau d'information. L'objectif poursuivi par la directive, qui impose aux Ătats membres de prĂ©voir que des clauses abusives ne lient pas les consommateurs, ne pourrait ĂȘtre atteint si ces derniers se trouvaient dans l'obligation d'en soulever eux-mĂȘmes le caractĂšre abusif. Il s'ensuit qu'une protection efficace du consommateur ne peut ĂȘtre atteinte que si le juge national se voit reconnaĂźtre la facultĂ© d'apprĂ©cier d'office une telle clause.
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Emmanuel CarrĂšre (D'autres vies que la mienne)
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La Grande Terreur ne fut ni la premiĂšre vague dâarrestations en Union soviĂ©tique, ni la plus grande : les prĂ©cĂ©dents accĂšs de terreur avaient Ă©tĂ© largement dirigĂ©s contre les paysants et les minoritĂ©s ethniques, notamment ceux qui vivaient Ă proximitĂ© de la frontiĂšre soviĂ©tique. Mais elle fut la premiĂšre Ă viser la haute direction du Parti, et suscita un profond malaise chez les communistes, au pays comme Ă lâĂ©tranger. Le moment venu, la Grande Terreur aurait pu conduire Ă une vĂ©ritable dĂ©sillusion. Mais, par un effet du hasard, la Seconde Guerre mondiale sauva le stalinisme â et Staline. MalgrĂ© le chaos et les erreurs, malgrĂ© les morts en masse et lâimmensitĂ© des destructions, la victoire conforta la lĂ©gitimitĂ© du sytĂšme et de son dirigeant, en « prouvant » la valeur. Au lendemain de la victoire, le culte quasi religieux de Staline atteignit de nouveaux sommets. La propagande soviĂ©tique dĂ©crivit le leader soviĂ©tique comme « lâincarnation de leur hĂ©roĂŻsme, de leur patriotisme et de leur dĂ©vouement Ă la Patrie socialiste »
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Anne Applebaum (Iron Curtain: The Crushing of Eastern Europe 1944-1956)
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Les travaux dâAlexander Todorov sont loin dâĂȘtre les seuls Ă avoir mis en Ă©vidence une influence dĂ©terminante de lâapparence physique. Dâautres Ă©tudes se sont, par exemple, concentrĂ©es directement sur lâimpact quâa la beautĂ© sur les relations sociales. LĂ aussi, les rĂ©sultats sont frappants. De nombreuses expĂ©riences ont montrĂ© que les individus considĂ©rĂ©s comme « beaux » sont aussi perçus globalement comme plus sociaux, plus puissants et plus compĂ©tents. Ils reçoivent plus facilement de lâaide lorsquâils en ont besoin. Sâils sont confrontĂ©s Ă la justice, ils ont tendance Ă ĂȘtre moins facilement jugĂ©s coupables et, quand ils sont condamnĂ©s, Ă©copent dâune sentence moins sĂ©vĂšre. Enfin, pour ce qui nous intĂ©resse directement : une Ă©tude a montrĂ© que les personnes jugĂ©es belles emportent plus facilement la conviction de leurs interlocuteurs. Cet impact massif de la beautĂ© sur les interactions sociales est une application directe de lâeffet de halo. Il a Ă©tĂ© synthĂ©tisĂ© en une formule cruelle, mais Ă©loquente : « Ce qui est beau nous paraĂźt bon10. »
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Clément Viktorovitch (Le Pouvoir rhétorique: Apprendre à convaincre et à décrypter les discours)
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Celles et ceux qui, aujourd'hui, voient des inconvĂ©nients Ă vivre dans ce laboratoire se heurtent souvent Ă l'incomprĂ©hension et Ă la dĂ©sapprobation de leurs contemporains. On leur reproche de remettre en question une sociĂ©tĂ© technicienne dont ils sont par ailleurs dĂ©pendants et dont ils apprĂ©cient le confort - mĂȘme si cet argument perd de sa portĂ©e au fur et Ă mesure que la crise Ă©cologique a des effets toujours plus directs et flagrants. Cette logique rappelle les tentatives pour faire taire les patients qui critiquent le systĂšme mĂ©dical, sous prĂ©texte que leur santĂ© et parfois leur vie en dĂ©pendent. Elle nous culpabilise et nous condamne Ă la soumission, Ă la rĂ©signation. Pouvons-nous ĂȘtre tenus pour responsables de la sociĂ©tĂ© dans laquelle nous avons vu le jour et par rapport Ă laquelle notre marge de manĆuvre est inĂ©vitablement limitĂ©e ? En tirer argument pour nous interdire de la critiquer aboutit Ă nous lier les mains face Ă la catastrophe, Ă dĂ©sarmer la pensĂ©e, et plus largement, Ă Ă©touffer l'imagination, l'envie et la capacitĂ© de se rappeler que les choses ne sont pas condamnĂ©es Ă ĂȘtre ce qu'elles sont. (p. 221)
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Mona Chollet (SorciÚres : La puissance invaincue des femmes)
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Cette qualitĂ© de la joie nâest-elle pas le fruit le plus prĂ©cieux de la civilisation qui est nĂŽtre ? Une tyrannie totalitaire pourrait nous satisfaire, elle aussi, dans nos besoins matĂ©riels. Mais nous ne sommes pas un bĂ©tail Ă lâengrais. La prospĂ©ritĂ© et le confort ne sauraient suffire Ă nous combler. Pour nous qui fĂ»mes Ă©levĂ©s dans le culte du respect de lâhomme, pĂšsent lourd les simples rencontres qui se changent parfois en fĂȘtes merveilleusesâŠ
Respect de lâhomme ! Respect de lâhomme !⊠LĂ est la pierre de touche ! Quand le Naziste respecte exclusivement qui lui ressemble, il ne respecte rien que soi-mĂȘme ; il refuse les contradictions crĂ©atrices, ruine tout espoir dâascension, et fonde pour mille ans, en place dâun homme, le robot dâune termitiĂšre. Lâordre pour lâordre chĂątre lâhomme de son pouvoir essentiel, qui est de transformer et le monde et soi-mĂȘme. La vie crĂ©e lâordre, mais lâordre ne crĂ©e pas la vie.
Il nous semble, Ă nous, bien au contraire, que notre ascension nâest pas achevĂ©e, que la vĂ©ritĂ© de demain se nourrit de lâerreur dâhier, et que les contradictions Ă surmonter sont le terreau mĂȘme de notre croissance. Nous reconnaissons comme nĂŽtres ceux mĂȘmes qui diffĂšrent de nous. Mais quelle Ă©trange parentĂ©Â ! elle se fonde sur lâavenir, non sur le passĂ©. Sur le but, non sur lâorigine. Nous sommes lâun pour lâautre des pĂšlerins qui, le long de chemins divers, peinons vers le mĂȘme rendez-vous.
Mais voici quâaujourdâhui le respect de lâhomme, condition de notre ascension, est en pĂ©ril. Les craquements du monde moderne nous ont engagĂ©s dans les tĂ©nĂšbres. Les problĂšmes sont incohĂ©rents, les solutions contradictoires. La vĂ©ritĂ© dâhier est morte, celle de demain est encore Ă bĂątir. Aucune synthĂšse valable nâest entrevue, et chacun dâentre nous ne dĂ©tient quâune parcelle de la vĂ©ritĂ©. Faute dâĂ©vidence qui les impose, les religions politiques font appel Ă la violence. Et voici quâĂ nous diviser sur les mĂ©thodes, nous risquons de ne plus reconnaĂźtre que nous nous hĂątons vers le mĂȘme but.
Le voyageur qui franchit sa montagne dans la direction dâune Ă©toile, sâil se laisse trop absorber par ses problĂšmes dâescalade, risque dâoublier quelle Ă©toile le guide. Sâil nâagit plus que pour agir, il nâira nulle part. La chaisiĂšre de cathĂ©drale, Ă se prĂ©occuper trop Ăąprement de la location de ses chaises, risque dâoublier quâelle sert un dieu. Ainsi, Ă mâenfermer dans quelque passion partisane, je risque dâoublier quâune politique nâa de sens quâĂ condition dâĂȘtre au service dâune Ă©vidence spirituelle. Nous avons goĂ»tĂ©, aux heures de miracle, une certaine qualitĂ© des relations humaines : lĂ est pour nous la vĂ©ritĂ©.
Quelle que soit lâurgence de lâaction, il nous est interdit dâoublier, faute de quoi cette action demeurera stĂ©rile, la vocation qui doit la commander. Nous voulons fonder le respect de lâhomme. Pourquoi nous haĂŻrions-nous Ă lâintĂ©rieur dâun mĂȘme camp ? Aucun dâentre nous ne dĂ©tient le monopole de la puretĂ© dâintention. Je puis combattre, au nom de ma route, telle route quâun autre a choisie. Je puis critiquer les dĂ©marches de sa raison. Les dĂ©marches de la raison sont incertaines. Mais je dois respecter cet homme, sur le plan de lâEsprit, sâil peine vers la mĂȘme Ă©toile.
Respect de lâHomme ! Respect de lâHomme !⊠Si le respect de lâhomme est fondĂ© dans le cĆur des hommes, les hommes finiront bien par fonder en retour le systĂšme social, politique ou Ă©conomique qui consacrera ce respect. Une civilisation se fonde dâabord dans la substance. Elle est dâabord, dans lâhomme, dĂ©sir aveugle dâune certaine chaleur. Lâhomme ensuite, dâerreur en erreur, trouve le chemin qui conduit au feu.
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Antoine de Saint-Exupéry (Lettre à un otage)
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En arrivant Ă Albany, nous nous rendĂźmes directement vers un grand bĂątiment moderne. Avec ses nombreuses vitres, son grand hall et ses standardistes, il ressemblait Ă n'importe quel immeuble de bureaux et collait parfaitement avec l'amĂ©nagement urbain de ce quartier de la ville. J'imaginais que c'Ă©tait exactement l'effet escomptĂ© par les potioneuses qui mettaient un point d'honneur Ă ne jamais se faire remarquer par les humains depuis la sombre Ă©poque des chasses aux sorciĂšres organisĂ©es par lâĂglise catholique en Europe.
- Tu es certaine que c'est lĂ ?
- Tu t'attendait Ă quoi ? A une vieille bĂątisse au fond d'un cimetiĂšre ?
- Pourquoi un cimetiĂšre ? Les potioneuses ne communiquent pas avec les esprits que je sache ?
Je levai les yeux au ciel.
- C'est fou ce que tu peux ĂȘtre vieux jeu parfois, tu sais ?
- J'ai le droit de trouver que ça manque d'originalitĂ©, tout de mĂȘme ?
- Pas la peine d'épiloguer là -dessus, de toute façon je vais le cramer.
Elle me jeta un regard surpris.
- Quoi ?
- Ben l'immeuble, je vais le cramer, répondis-je.
- Rebecca, c'est pas parce que je trouve qu'un Ă©difice a un style d'architecture un peu trop banal ou aseptisĂ© Ă mon goĂ»t quâil faut te sentir obligĂ©e de l'incendier... souligna-t-elle tandis que je sortais de la voiture en riant.
Dix minutes plus tard, le grimoire était en cendre, l'immeuble en flammes et le conseil des Huit entiÚrement décimé.
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Cassandra O'Donnell (Potion macabre (Rebecca Kean, #3))
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On les appelle, en roumain « CofetÄrii », mot qui vient de « cofeturi », signifiant en vieux roumain bonbons, douceurs ; Ă son tour le mot « cofeturi » vient de lâitalien « confetto », soit directement soit par lâintermĂ©diaire du grec moderne. Dans le Tarif de 1727, dressĂ© par les Autrichiens pour la province dâOltĂ©nie, mais qui indique les marchandises importĂ©es par toute la Valachie, donc en premier lieu par Bucarest, nous apprenons que les douceurs Ă©taient de trois sortes : vĂ©nitiennes, allemandes et turques. Dans la liste des patentes bucarestoises de 1832, nous trouvons 15 « coferati » pĂątissiers ; il y en avait davantage en rĂ©alitĂ© et leur produits Ă©taient particuliĂšrement apprĂ©ciĂ©s. Leurs louanges sont chantĂ©s non seulement par lâauteur dâune description de Bucarest publiĂ© dans « lâAlmanach dâOdessa » de 1840, mais aussi par le Français Fr. Jourdain dans « lâIllustration » Ă lâoccasion de la participation de la Roumanie Ă lâExposition Internationale de Paris. Lâart roumain de la pĂątisserie et de la confiserie sâest enrichi sans cesse, en empruntant Ă dâautres peuples divers produits et diverses maniĂšres de les prĂ©parer, souvent en les perfectionnant. Outre lâinfluence turque et grecque â plus ancienne â lâinfluence française dans ce domaine a Ă©tĂ© trĂšs grande au XIXe siĂšcle, ce qui a dĂ©terminĂ© toute une terminologie : « bomboane », « caramele », « sirop », « cremÄ», « nuga », « fondante » â mots qui nâont pas besoin dâĂȘtre traduits â il faut Ă©galement mentionner une certaine influence allemande et une autre, italienne, surtout en ce qui concerne les glaces et les sorbets.
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Constantin C. Giurescu
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Plus tard, un jeune professeur de philosophie, rompu Ă l'analyse logique, fit, sans le vouloir peut-ĂȘtre, la thĂ©orie de cette pratique politique (*). Il la dĂ©voila avec la plus grande clartĂ©, prĂ©cisĂ©ment parce que, Ă©tant un pur logicien et de bonne foi, il Ă©tait aveugle aux leçons de l'histoire (2). Au lieu de mettre cette pratique au compte d'une Ă©poque, d'un pays, d'une structure social ou d'un homme, il la mit directement en relation avec les prĂ©ceptes de la religion. Il alla jusqu'Ă faire l'apologie de la 'ubudiyya (servitude) islamique, opposĂ© au concept de muwatana (citoyennetĂ©) hellĂ©nique. Ce professeur ignorait sans doute que le procĂšs de la modernitĂ© et de la dĂ©mocratie Ă©tait courant au 19e siĂšcle, mĂȘme en Angleterre, patrie du libĂ©ralisme politique. Il n'avait qu'Ă revenir Ă l'autobiographie du cardinal Newman, qui retrace les Ă©tapes de sa conversion au catholicisme romain, pour retrouver l'essentiel de son argumentation. Ce qu'on peut lui reprocher, c'est qu'il se souciait peu des mobiles de sa pensĂ©e ; il s'attribuait une logique qui Ă©tait celle des faits, non celle des concepts qu'il s'acharnait Ă redĂ©finir ; il ne voyait pas qu'elle soutenait une politique Ă©ducative, poursuivie par diffĂ©rents moyens depuis plus d'une gĂ©nĂ©ration. Qu'un philosophe se dĂ©cide, Ă une certaine Ă©tape de sa carriĂšre, de s'affilier Ă l'un des ordres les plus fermĂ©s Ă l'influence du monde moderne, qu'il arrive par la seule force de ses dĂ©ductions - c'est du moins ce que je prĂ©sume, peut-ĂȘtre Ă tort - Ă justifier une totale dĂ©mission de l'esprit, Ă refuser l'idĂ©e de citoyennetĂ©, Ă accepter d'investir un homme, chef d'Etat ou dirigeant de confrĂ©rie, d'une pouvoir absolu, prouve Ă quel point cette politique avait rĂ©ussi et combien l'individu est mallĂ©able.
(*)créer, ou de recréer un type d'homme qui fut spontanément en phase à la fois avec son environement moderne et son héritage politique et social."
(2) (Hawla Tajdid Taqyim A-turath)
chapitre XI, pp 133-134
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Űčۚۯ ۧÙÙÙ Ű§ÙŰč۱ÙÙ (Le Maroc et Hassan II : Un tĂ©moignage)
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Bergson, on s'en souvient, voyait dans l'Ă©volution l'expression d'une force crĂ©atrice, absolue en ce sens qu'il ne la supposait pas tendue Ă une autre fin que la crĂ©ation en elle-mĂȘme et pour elle-mĂȘme. En cela il diffĂšre radicalement des animistes (qu'il s'agisse d'Engels, de Teilhard ou des positivistes optimistes tels que Spencer) qui tous voient dans l'Ă©volution le majestueux dĂ©roulement d'un programme inscrit dans la trame mĂȘme de l'Univers. Pour eux, par consĂ©quent, l'Ă©volution n'est pas vĂ©ritablement crĂ©ation, mais uniquement 'rĂ©vĂ©lation' des intentions jusque-lĂ inexprimĂ©es de la nature. D'oĂč la tendance Ă voir dans le dĂ©veloppement embryonnaire une Ă©mergence de mĂȘme ordre que l'Ă©mergence Ă©volutive. Selon la thĂ©orie moderne, la notion de 'rĂ©vĂ©lation' s'applique au dĂ©veloppement Ă©pigĂ©nĂ©tique, mais non, bien entendu, Ă l'Ă©mergence Ă©volutive qui, grĂące prĂ©cisĂ©ment au fait qu'elle prend sa source dans l'imprĂ©visible essentiel, est crĂ©atrice de nouveautĂ© absolue. Cette convergence apparente entre les voies de la mĂ©taphysique bergsonienne et celles de la science serait-elle encore l'effet d'une pure coĂŻncidence? Peut-ĂȘtre pas: Bergson, en artiste et poĂšte qu'il Ă©tait, trĂšs bien informĂ© par ailleurs des sciences naturelles de son temps, ne pouvait manquer d'ĂȘtre sensible Ă l'Ă©blouissante richesse de la biosphĂšre, Ă la variĂ©tĂ© prodigieuse des formes et des comportements qui s'y dĂ©ploient, et qui paraissent tĂ©moigner presque directement, en effet, d'une prodigalitĂ© crĂ©atrice inĂ©puisable, libre de toute contrainte.
Mais lĂ oĂč Bergson voyait la preuve la plus manifeste que le 'principe de la vie' est l'Ă©volution elle-mĂȘme, la biologie moderne reconnaĂźt, au contraire, que toutes les propriĂ©tĂ©s des ĂȘtres vivants reposent sur un mĂ©canisme fondamental de conservation molĂ©culaire. Pour la thĂ©orie moderne l'Ă©volution n'est nullement une propriĂ©tĂ© des ĂȘtres vivants puisqu'elle a sa racine dans les imperfections mĂȘmes du mĂ©canisme conservateur qui, lui, constitute bien leur unique privilĂšge. Il faut donc dire que la mĂȘme source de perturbations, de 'bruit', qui, dans un systĂšme non vivant, c'est-Ă -dire non rĂ©plicatif, abolirait peu Ă peu toute structure, est Ă l'origine de l'Ă©volution dans la biosphĂšre, et rend compte de sa totale libertĂ© crĂ©atrice, grĂące Ă ce conservatoire du hasard, sourd au bruit autant qu'Ă la musique: la structure rĂ©plicative de l'ADN.
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Jacques Monod (Chance and Necessity: An Essay on the Natural Philosophy of Modern Biology)
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Le monde dâaujourdâhui est un chaos dâopinions et dâaspirations dĂ©sordonnĂ©es : le soi-disant « monde libre » est un chaos fluide ; la partie totalitaire du monde moderne est un chaos rigide. Par opposition, le monde ancien constituait toujours un ordre, câest-Ă -dire une hiĂ©rarchie de concepts, chacun au niveau qui lui est propre. Le chaos a Ă©tĂ© provoquĂ©, nous lâavons vu, par le « tĂ©lescopage » humaniste de la hiĂ©rarchie jusquâau niveau psychique, et par lâintrusion, dans les considĂ©rations terrestres, dâaspirations vers lâautre monde, frustrĂ©es et perverties.
Lâhomme, en raison de sa vĂ©ritable nature, ne peut pas ne pas adorer ; si sa perspective est coupĂ©e du plan spirituel, il trouvera un « dieu » Ă adorer Ă un niveau infĂ©rieur, dotant ainsi quelque chose de relatif ce qui seul appartient Ă lâAbsolu. DâoĂč lâexistence aujourdâhui de tant de « mots tout-puissants » comme « libertĂ© », « Ă©galitĂ© », « instruction », « science », « civilisation », mots quâil suffit de prononcer pour quâune multitude dâĂąmes se prosterne en une adoration infra-rationnelle.
Les superstitions de la libertĂ© et de lâĂ©galitĂ© ne sont pas seulement le rĂ©sultat mais aussi, en partie, la cause du dĂ©sordre gĂ©nĂ©ral, car chacune, Ă sa maniĂšre, est une rĂ©volte contre la hiĂ©rarchie ; et elles sont dâautant plus pernicieuses quâelles sont des perversions de deux des Ă©lans les plus Ă©levĂ©s de lâhomme. Corruptio optimi pessima, la corruption du meilleur est la pire ; mais il suffit de rĂ©tablir lâordre ancien, et les deux idoles en question sâĂ©vanouiront de ce monde (laissant ainsi la place aux aspirations terrestres lĂ©gitimes vers la libertĂ© et lâĂ©galitĂ©) et, transformĂ©es, reprendront leur place au sommet mĂȘme de la hiĂ©rarchie.
Le dĂ©sir de libertĂ© est avant tout dĂ©sir de Dieu, la LibertĂ© Absolue Ă©tant un aspect essentiel de la DivinitĂ©. Ainsi, dans lâHindouisme, lâĂ©tat spirituel suprĂȘme qui marque la fin de la voie mystique est dĂ©signĂ© par le terme de dĂ©livrance (moksha), car câest un Ă©tat dâunion (yoga) avec lâAbsolu, lâInfini et lâĂternel, qui permet lâaffranchissement des liens de la relativitĂ©. Câest Ă©videmment, avant tout, cet affranchissement auquel le Christ faisait rĂ©fĂ©rence lorsquâil disait : « Recherchez la connaissance, car la connaissance vous rendra libre », Ă©tant donnĂ© que la connaissance directe, la Gnose, signifie lâunion avec lâobjet de la connaissance, câest-Ă -dire avec Dieu. (pp. 59-60)
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Martin Lings (Ancient Beliefs and Modern Superstitions)
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moi je suis fĂąchĂ© contre notre cercle patriarcal parce quâil y vient toujours un homme du type le plus insupportable. Vous tous, messieurs, le connaissez trĂšs bien. Son nom est LĂ©gion. Câest un homme qui a bon coeur, et nâa rien quâun bon coeur. Comme si câĂ©tait une chose rare Ă notre Ă©poque dâavoir bon coeur ; comme si, enfin, on avait besoin dâavoir bon coeur ; cet Ă©ternel bon coeur ! Lâhomme douĂ© dâune si belle qualitĂ© a lâair, dans la vie, tout Ă fait sĂ»r que son bon coeur lui suffira pour ĂȘtre toujours content et heureux. Il est si sĂ»r du succĂšs quâil nĂ©glige tout autre moyen en venant au monde. Par exemple, il ne connaĂźt ni mesure ni retenue. Tout, chez lui, est dĂ©bordant, Ă coeur ouvert. Cet homme est enclin Ă vous aimer soudain, Ă se lier dâamitiĂ©, et il est convaincu quâaussitĂŽt, rĂ©ciproquement, tous lâaimeront, par ce seul fait quâil sâest mis Ă aimer tout le monde. Son bon coeur nâa mĂȘme jamais pensĂ© que câest peu dâaimer chaudement, quâil faut possĂ©der lâart de se faire aimer, sans quoi tout est perdu, sans quoi la vie nâest pas la vie, ni pour son coeur aimant ni pour le malheureux que, naĂŻvement, il a choisi comme objet de son attachement profond. Si cet homme se procure un ami, aussitĂŽt celui-ci se transforme pour lui en un meuble dâusage, quelque chose comme un crachoir. Tout ce quâil a dans le coeur, nâimporte quelle saletĂ©, comme dit Gogol, tout sâenvole de la langue et tombe dans le coeur de lâami. Lâami est obligĂ© de tout Ă©couter et de compatir Ă tout. Si ce monsieur est trompĂ© par sa maĂźtresse, ou sâil perd aux cartes, aussitĂŽt, comme un ours, il fond, sans y ĂȘtre invitĂ©, sur lâĂąme de lâami et y dĂ©verse tous ses soucis. Souvent il ne remarque mĂȘme pas que lâami lui-mĂȘme a des chagrins par-dessus la tĂȘte : ou ses enfants sont morts, ou un malheur est arrivĂ© Ă sa femme, ou il est excĂ©dĂ© par ce monsieur au coeur aimant. Enfin on lui fait dĂ©licatement sentir que le temps est splendide et quâil faut en profiter pour une promenade solitaire. Si cet homme aime une femme, il lâoffensera mille fois par son caractĂšre avant que son coeur aimant le remarque, avant de remarquer (si toutefois il en est capable) que cette femme sâĂ©tiole de son amour, quâelle est dĂ©goĂ»tĂ©e dâĂȘtre avec lui, quâil empoisonne toute son existence. Oui, câest seulement dans lâisolement, dans un coin, et surtout dans un groupe que se forme cette belle oeuvre de la nature, ce « spĂ©cimen de notre matiĂšre brute », comme disent les AmĂ©ricains, en qui il nây a pas une goutte dâart, en qui tout est naturel. Un homme pareil oublie â il ne soupçonne mĂȘme pas â, dans son inconscience totale, que la vie est un art, que vivre câest faire oeuvre dâart par soi-mĂȘme ; que ce nâest que dans le lien des intĂ©rĂȘts, dans la sympathie pour toute la sociĂ©tĂ© et ses exigences directes, et non dans lâindiffĂ©rence destructrice de la sociĂ©tĂ©, non dans lâisolement, que son capital, son trĂ©sor, son bon coeur, peut se transformer en un vrai diamant taillĂ©.
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Fyodor Dostoevsky
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ROMĂO. â Elle parle : oh, parle encore, ange brillant ! car lĂ oĂč tu es, au-dessus de ma tĂȘte, tu me parais aussi splendide au sein de cette nuit que lâest un messager ailĂ© du ciel aux-regards Ă©tonnĂ©s des mortels ; lorsque rejetant leurs tĂȘtes en arriĂšre, on ne voit plus que le blanc de leurs yeux, tant leurs prunelles sont dirigĂ©es-en haut pour le contempler, pendant quâil chevauche sur les nuages Ă la marche indolente et navigue sur le sein de lâair.
JULIETTE. â Ă RomĂ©o, RomĂ©o ! pourquoi es-tu RomĂ©o ? Renie ton pĂšre, ou rejette ton nom ; ou si tu ne veux pas, lie-toi seulement par serment Ă mon amour, et je ne serai pas plus longtemps une Capulet.
ROMĂO, Ă part. â En entendrai-je davantage, ou rĂ©pondrai-je Ă ce quâelle rient de dire
JULIETTE. â Câest ton nom seul qui est mon ennemi. AprĂšs tout tu es toi-mĂȘme, et non un Montaigu. Quâest-ce quâun Montaigu ? Ce nâest ni une main, ni un pied, ni un bras, ni un, visage, ni toute autre partie du corps appartenant Ă un homme. Oh ! porte un autre nom ! Quây a-t-il dans un nom ? La fleur que nous nommons la rose, sentirait tout aussi bon sous un autre nom ; ainsi RomĂ©o, quand bien mĂȘme il ne serait pas appelĂ© RomĂ©o, nâen garderait pas moins la prĂ©cieuse perfection : quâil possĂšde. Renonce Ă ton nom RomĂ©o, et en place de ce nom qui ne fait pas partie de toi, prends-moi toute entiĂšre.
ROMĂO. â Je te prends au mot : appelle-moi seulement : ton amour, et je serai rebaptisĂ©, et dĂ©sormais je ne voudrai plus ĂȘtre RomĂ©o.
JULIETTE. â Qui es-tu, toi qui, protĂ©gĂ© par la nuit, viens ainsi surprendre les secrets de mon Ăąme ?
ROMĂO. â Je ne sais de quel nom me servir pour te dire qui je suis : mon nom, chĂšre sainte, mâest odieux Ă moi-mĂȘme, parce quâil tâest ennemi ; sâil Ă©tait Ă©crit, je dĂ©chirerais le mot quâil forme.
JULIETTE. â Mes oreilles nâont pas encore bu cent paroles de cette voix, et cependant jâen reconnais le son nâes-tu pas RomĂ©o, et un Montaigu ?
ROMĂO. â Ni lâun, ni lâautre, belle vierge, si lâun ou lâautre te dĂ©plaĂźt.
JULIETTE. â Comment es-tu venu ici, dis-le-moi, et pourquoi ? Les murs du jardin sont Ă©levĂ©s et difficiles Ă escalader, et considĂ©rant qui tu es, cette place est mortelle pour toi, si quelquâun de mes parents tây trouve.
ROMĂO. â Jâai franchi ces murailles avec les ailes lĂ©gĂšres de lâamour, car des limites de pierre ne peuvent arrĂȘter lâessor de lâamour ; et quelle chose lâamour peut-il oser quâil ne puisse aussi exĂ©cuter ? tes parents ne me, sont donc pas un obstacle.
JULIETTE. â Sâils te voient, ils tâassassineront.
ROMĂO. â HĂ©las ! il y a plus de pĂ©rils, dans tes yeux que dans vingt de leurs Ă©pĂ©es : veuille seulement abaisser un doux regard sĂ»r moi, et je suis cuirassĂ© contre leur inimitiĂ©.
JULIETTE. â Je ne voudrais pas, pour le monde entier, quâils te vissent ici.
ROMĂO. â Jâai le manteau de la nuit pour me dĂ©rober Ă leur vue et dâailleurs, Ă moins que tu ne mâaimes, ils peuvent me trouver, sâils veulent : mieux vaudrait que leur haine mĂźt fin Ă ma vie, que si ma mort Ă©tait retardĂ©e, sans que jâeusse ton amour ;
JULIETTE. â Quel est celui qui tâa enseignĂ© la direction de cette place ?
ROMĂO. â Câest lâAmour, qui mâa excitĂ© Ă la dĂ©couvrir ; il mâa prĂȘtĂ© ses conseils, et je lui ai prĂȘtĂ© mes yeux. Je ne suis pas pilote ; cependant fusses-tu aussi Ă©loignĂ©e que le vaste rivage baignĂ© par la plus lointaine nier, je mâaventurerais pour une marchandise telle que toi.
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William Shakespeare (Romeo and Juliet)
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On le voit, la question est systĂ©mique ; il faut une sorte boussole au leadership pour lui permettre dâassumer une fonction de prĂ©vention ; lâadage sâapplique alors Ă la gestion des affaires de la citĂ© : « Mieux vaut prĂ©venir que guĂ©rir ». On le pressent aussi, la direction de la citĂ© et le leadership ont besoin de la connaissance et de la sagesse, du savoir, mais dâun savoir qui est maturitĂ©. Le leadership et la gouvernance ont besoin dâune harmonie qui est un certain degrĂ© de consensus sur des valeurs et des principes essentiels, mais ceci suppose aussi un certain degrĂ© dâordre, de sĂ©curitĂ© et de discipline.
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Abdou Karim GUEYE Le Coeur et l'Esprit
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La bourgeoisie a joué dans l'histoire un rÎle éminemment révolutionnaire.
Partout oĂč elle a conquis le pouvoir, elle a dĂ©truit les relations fĂ©odales, patriarcales et idylliques. Tous les liens variĂ©s qui unissent l'homme fĂ©odal Ă ses supĂ©rieurs naturels, elle les a brisĂ©s sans pitiĂ© pour ne laisser subsister d'autre lien, entre l'homme et l'homme, que le froid intĂ©rĂȘt, les dures exigences du «paiement comptant». Elle a noyĂ© les frissons sacrĂ©s de l'extase religieuse, de l'enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalitĂ© petite-bourgeoise dans les eaux glacĂ©es du calcul Ă©goĂŻste. Elle a supprimĂ© la dignitĂ© de l'individu devenu simple valeur d'Ă©change; aux innombrables libertĂ©s dĂ»ment garanties et si chĂšrement conquises, elle a substituĂ© l'unique et impitoyable libertĂ© de commerce. En un mot, Ă l'exploitation que masquaient les illusions religieuses et politiques, elle a substituĂ© une exploitation ouverte, Ă©hontĂ©e, directe, brutale.
La bourgeoisie a dĂ©pouillĂ© de leur aurĂ©ole toutes les activitĂ©s considĂ©rĂ©es jusqu'alors, avec un saint respect, comme vĂ©nĂ©rables. Le mĂ©decin, le juriste, le prĂȘtre, le poĂšte, l'homme de science, elle en a fait des salariĂ©s Ă ses gages.
La bourgeoisie a déchiré le voile de sentimentalité touchante qui recouvrait les rapports familiaux et les a réduits à de simples rapports d'argent.
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Karl Marx
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A l'inhibition sexuelle résultant directement de la fixation aux parents, viennent s'ajouter les sentiments de culpabilité qui dérivent de l'énormité de la haine accumulée au cours d'années de vie familiale.
Si cette haine reste consciente elle peut devenir un puissant facteur révolutionnaire individuel : elle poussera le sujet à rompre les attaches familiales et pourra servir à promouvoir une action dirigée contre les conditions productrices de cette haine.
Si au contraire cette haine est refoulĂ©e, elle donne naissance aux attitudes inverses de fidĂ©litĂ© aveugle et d'obĂ©issance infantile. Ces attitudes constituent bien entendu un lourd handicap pour celui qui veut militer dans un mouvement libĂ©ral ; un individu de ce genre pourra fort bien ĂȘtre partisan d'une libertĂ© complĂšte, et en mĂȘme temps envoyer ses enfants Ă l'Ă©cole du dimanche, ou continuer Ă frĂ©quenter l'Ă©glise "pour ne pas faire de peine Ă ses vieux parents" ; il prĂ©sentera des symptĂŽmes d'indĂ©cision et de dĂ©pendance, sĂ©quelles de la fixation Ă la famille ; il ne pourra vraiment combattre pour la libertĂ©.
Mais la mĂȘme situation familiale peut aussi produire l'individu "nĂ©vrotiquement rĂ©volutionnaire", spĂ©cimen frĂ©quent chez les intellectuels bourgeois. Les sentiments de culpabilitĂ©, liĂ©s aux sentiments rĂ©volutionnaires, en font un militant peu sĂ»r dans un mouvement rĂ©volutionnaire. (p. 140)
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Wilhelm Reich (The Sexual Revolution: Toward a Self-governing Character Structure)
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Dans lâintellection, câest Dieu qui est « sujet », car lâhomme comme tel ne saurait exercer une activitĂ© sur Dieu, qui seul est pur Acte; la crĂ©ature est toujours passive Ă lâĂ©gard du CrĂ©ateur et de ses grĂąces. Il est impossible que Dieu soit lâobjet dâune connaissance dont il ne serait pas le sujet; Ă lâobjection quâen derniĂšre analyse Dieu est toujours le sujet de toute connaissance rĂ©elle, nous rĂ©pondrons que Dieu est sujet indirect dans la mesure oĂč la connaissance est indirecte, et sujet direct dans la mesure oĂč la connaissance est directe; or, la pure intellection se distingue prĂ©cisĂ©ment par son caractĂšre direct, bien quâil y ait, lĂ aussi, des degrĂ©s.
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Frithjof Schuon (Spiritual Perspectives and Human Facts)
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La reconnaissance des religions Ă©trangĂšres dĂ©pend de diverses contingences psychologiques ou mĂȘme simplement gĂ©ographiques, et surtout, elle nâa en soi aucun aspect de nĂ©cessitĂ© spirituelle : aucune rĂ©vĂ©lation ne la suggĂšre dâune maniĂšre directe, pour dire le moins; des sages comme Plotin et Porphyre, malgrĂ© leur Ă©sotĂ©risme pythagoricien et leur connaissance mĂ©taphysique, nâont pas compris le Christianisme. Dans un ordre dâidĂ©es analogue, lâexclusivisme rĂ©ciproque des Ă©coles hindoues, â Shankara ne fait nullement exception, â prouve bien que, dans les conditions normales, la comprĂ©hension de formes Ă©trangĂšres nâest point une manifestation nĂ©cessaire du dĂ©passement des formes ; nous dirons mĂȘme que, si un effort de comprĂ©hension nâa pas lieu, cela est en rapport avec la « foi » (non la « croyance », mais la «ferveur », shraddhĂą en sanscrit) qui exclut toute faiblesse et toute hĂ©sitation, et sans laquelle il nây a pas de voie possible.
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Frithjof Schuon (Spiritual Perspectives and Human Facts)
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André Comte-Sponville souligne à juste titre que « la sagesse indique une direction : celle du maximum de bonheur dans le maximum de lucidité ».
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Frédéric Lenoir (Du bonheur : un voyage philosophique (Documents) (French Edition))
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Les 8 Vallées (les noms des paliers de profondeur du vagin)
1) La Corde du Luth, profonde de 1 pouce (2,5 cm)
2) Les Dents de la ChĂątaigne dâeau, 2 pouces
3) Le Ruisselet, trois pouces
4) La Perle Noire, 4 pouces
5) Le Propre de la Vallée, 5 pouces
6) La Chambre profonde, 6 pouces
7) La Porte Intérieure, 7 pouces
8) Le PĂŽle Nord, 8 pouces
Les 9 maniĂšres d'agiter la Tige de Jade
1) Frapper Ă gauche et Ă droite comme un guerrier courageux qui tenterait de disperser les rangs de ses ennemis
2) Mouvoir de haut en bas (la tige de jade) comme un cheval sauvage fit le saut de mouton pour passer une riviĂšre
3) Se retirer et sâenfoncer comme une bande de mouettes jouant sur les vagues
4) Alterner rapidement pénétrations profondes et pénétrations superficielles comme un moineau bequetant les grains de riz
5) EnchaĂźner dâune façon rĂ©guliĂšre coups profonds et coups peu profonds comme de grosses pierres sâenfonçant dans la mer
6) Entrer avec lenteur comme un serpent se glisse dans son trou pour hiverner
7) Donner de petits coups rapides Ă la maniĂšre dâun rat effrayĂ© qui se prĂ©cipite dans son trou
8) SâĂ©lever lentement, puis foncer comme lâaigle attrapant une proie fuyante
9) SâĂ©lever puis piquer du nez comme un grand voilier bravant le coup de vent
Sou NĂŒ, la conseillĂšre de Huang Di (l'Empereur Jaune) ajoute:
«Profonde et superficielles, lentes et rapides, directes et obliques, toutes ces poussĂ©es ne sont nullement uniformes, et chacune possĂšde ses propres effets et caractĂ©ristiques. Une poussĂ©e lente doit ressembler au mouvement dâune carpe jouant avec lâhameçon; une poussĂ©e rapide, au vol des oiseaux contre le vent. Introduisant et retirant, remuant de bas en haut, de gauche Ă droite, marquant des pauses ou bien en une succession rapide, tous ces mouvements doivent se correspondre. Il faut appliquer chacun dâeux au moment voulu et ne pas sâen tenir toujours Ă un seul et mĂȘme style parce quâon y trouve son bon plaisir»
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Jolan Chang (The Tao of Love and Sex)
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Dans lâintemporel, la libertĂ© prĂȘtĂ©e aux ĂȘtres individuels retourne Ă sa source divine ; en « ce jour-là », Dieu seul est le « Roi absolu » : lâessence mĂȘme du libre arbitre », son fond inconditionnĂ©, sâidentifie dĂšs lors Ă lâActe divin. Câest en Dieu seul que la libertĂ©, lâacte et la vĂ©ritĂ© coĂŻncident, et câest pour cela que certains Soufis disent que les ĂȘtres, au jugement dernier, se jugeront eux-mĂȘmes en Dieu, conformĂ©ment dâailleurs Ă un texte coranique selon lequel ce sont les membres de lâhomme qui accusent ce dernier.
Lâhomme est jugĂ© dâaprĂšs sa tendance essentielle ; celle-ci peut ĂȘtre conforme Ă lâattraction divine, elle peut ĂȘtre opposĂ©e Ă elle ou encore indĂ©cise entre les deux directions ; ce sont lĂ respectivement les voies de « ceux sur lesquels est Ta grĂące », de « ceux qui subissent Ta colĂšre », et de « ceux qui errent », câest-Ă -dire qui se dispersent dans lâindĂ©finitĂ© de lâexistence, oĂč ils tournent pour ainsi dire en rond. En parlant de ces trois tendances, le ProphĂšte dessina une croix : la « voie droite » est la verticale ascendante ; la « colĂšre divine » agit en sens inverse ; la dispersion de ceux qui « errent » est dans lâhorizontale. Les mĂȘmes tendances fondamentales se retrouvent dans tout lâunivers ; elles constituent les dimensions ontologiques de la « hauteur » (at-tĂ»l), de la « profondeur » (al-âumq) et de lâ« ampleur » (al-âurd). LâHindouisme dĂ©signe ces trois tendances cosmiques (gĂ»nas) par les noms de sattva, rajas et tamas, sattva exprimant la conformitĂ© au Principe, rajas la dispersion centrifuge et tamas la chute, non seulement dans un sens dynamique et cyclique, bien entendu, mais aussi dans un sens statique et existentiel.
On peut dire Ă©galement quâil nây a, pour lâhomme, quâune seule tendance essentielle, celle qui le ramĂšne vers sa propre Essence Ă©ternelle ; toutes les autres tendances ne sont que lâexpression de lâignorance crĂ©aturielle, aussi seront-elles retranchĂ©es, jugĂ©es. La demande que Dieu nous conduise sur la voie droite nâest donc rien dâautre que lâaspiration vers notre propre Essence prĂ©temporelle. Selon lâexĂ©gĂšse Ă©sotĂ©rique, la « voie droite » (aç-çirĂąt al-mustaqĂźm) est lâEssence unique des ĂȘtres, comme lâindique ce verset de la sourate HĂ»d : « Il nây a pas dâĂȘtre vivant que Lui (Dieu) ne tienne par la mĂšche de son front ; en vĂ©ritĂ©, mon Seigneur est sur une voie droite ». Ainsi cette priĂšre correspond Ă la demande essentielle et fonciĂšre de toute crĂ©ature ; elle est exaucĂ©e par lĂ mĂȘme quâelle est profĂ©rĂ©e.
Lâaspiration de lâhomme vers Dieu comporte les deux aspects quâexprime le verset: « Câest Toi que nous adorons [ou servons], et câest auprĂšs de Toi que nous cherchons refuge [ou aide] » ; lâadoration, câest lâeffacement de la volontĂ© individuelle devant la VolontĂ© divine, qui se rĂ©vĂšle extĂ©rieurement par la Loi sacrĂ©e et intĂ©rieurement par les mouvements de la GrĂące ; le recours Ă lâaide divine, câest la participation Ă la RĂ©alitĂ© divine par la GrĂące et, plus directement, par la Connaissance. En derniĂšre analyse, les mots : « Câest Toi que nous adorons » correspondent Ă lâ« extinction » (al-fanĂą), et les mots « câest auprĂšs de Toi que nous cherchons refuge » Ă la « subsistance » (al-baqĂą) dans lâĂtre pur. Le verset que nous venons de mentionner est ainsi lâ« isthme » (al-barzakh) entre les deux « ocĂ©ans » de lâĂtre (absolu) et de lâexistence (relative).
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Titus Burckhardt (Introduction to Sufi Doctrine (Spiritual Classics))
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PremiĂšrement, la participation des citoyens sâexerçait directement. Câest en contradiction avec notre systĂšme actuel, oĂč la reprĂ©sentation populaire est beaucoup plus une affaire de spĂ©cialistes. Aujourdâhui, seul le jury dâun procĂšs dâassises se compose encore de simples citoyens. DeuxiĂšmement, des dĂ©cisions importantes Ă©taient prises par de trĂšs grandes masses de gens. LâAssemblĂ©e du peuple ou EcclĂ©sia rĂ©unissait des milliers dâhommes ; lâHĂ©liĂ©e ou Tribunal du peuple comptait 6 000 membres.
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David Van Reybrouck (Contre les Ă©lections)
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Ce quâil y a en effet de frappant dans lâ« accĂ©lĂ©ration de lâhistoire » que nous vivons, câest que cette vitesse vertigineuse Ă laquelle le monde court vers lâavenir sâaccompagne dâune absence de contrĂŽle sur la direction de marche.
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Romain Gary (La nuit sera calme)
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opĂ©ration. Et nous ne voulons pas de casse, ni chez vos hommes, ni pour nous, dâautant que Tel Aviv niera son implication si ça tourne mal. Mais, il y a moins de cinq ans, jâai moi-mĂȘme Ă©gorgĂ© un responsable du Esbollah qui faisait partie de la liste de lâopĂ©ration ColĂšre de Dieu. Au passage, jâai tuĂ© quatre de ses gardes du corps Ă lâarme blanche. Je vous rappelle, que nous sommes sous mandat direct de la Knesset, et quâil sâagit justement dâune prolongation de ColĂšre de Dieu. Les ordres donnĂ©s aux terroristes arabes Ă Munich en 72 lâont Ă©tĂ© depuis ici. Donc, je viens. Je suis garante des compĂ©tences dâEve, quant au jeune blanc bec derriĂšre vous, Ezra, câest notre meilleur homme de terrain. - Il nous faut une personne en support logistique, quoiquâil arrive, conclut le militaire vexĂ©. Donc, dĂ©merdez-vous comme vous voulez, Ă la courte paille si ça vous amuse. Mais, jâen emmĂšne deux sur les trois. Pas les trois. - Au fait, ça vous sera probablement utile dit Eve, en tendant les plans et compte-rendu de Menouha. Câest assez parcellaire comme informations, mais, elle a quand mĂȘme fait un bon boulot. 29 AoĂ»t 1990 â Rio de Janeiro â BrĂ©sil Sarah prĂ©parait Thomas dans la salle de bain. - Il est oĂč papa ? - Il est parti jouer au golf avec le monsieur qui nous a aidĂ©s Ă guĂ©rir ta sĆur. - Il rentre quand ? - Ce soir. Nous, on va aller Ă la plage avec ChloĂ©. Le petit garçon Ă©chappa aux mains de sa mĂšre qui venait de lui enfiler son t-shirt et courut dans le salon. - Isabella, tu viens avec nous Ă la plage ? - Je ne sais pas mon grand, rĂ©pondit la jeune infirmiĂšre. Maman veut peut-ĂȘtre rester seule avec ses deux bambins. - Non. Isabella, vous pouvez venir avec nous. Cela fera plaisir aux enfants, rĂ©pondit Sarah depuis la salle de bain. Le temps Ă©tait magnifique. Thomas courait devant, son ballon Ă la main, dans le sable blanc de la plage dâIpanema. Sarah et Isabella portĂšrent ChloĂ© qui arrivait maintenant Ă marcher sur des sols durs, mais pas encore dans le sable. Les deux jeunes femmes sâinstallĂšrent non loin de lâeau dans une zone surveillĂ©e par un maitre-nageur. Thomas sâĂ©tait arrĂȘtĂ© devant un petit groupe de brĂ©siliens Ă peine plus vieux que lui qui jouait au football sur un terrain improvisĂ©. Il aurait voulu jouer avec eux mais, il nâosait pas demander. Isabella sâapprocha des enfants et en quelques mots leur fit comprendre quâavec un joueur de plus, ils seraient en nombre pair, ce qui rendrait leur partie intĂ©ressante. - Mais, non⊠chuchota Thomas Ă lâoreille de la jeune infirmiĂšre. Regarde comme ils jouent bien. Ils vont se moquer de moi. - Je suis certaine que non. Et, puis, si câest le cas et que ça ne te convient pas, tu auras toujours la possibilitĂ© de revenir nous voir sous le parasol. Mais, si tu nâessaies pas, si tu ne te confrontes pas Ă eux, tu ne sauras jamais sâils Ă©taient vraiment meilleurs que toi, sâil sâagit dâenfants moqueurs ou de futurs copains. Tu comprends petit Thomas. Il faut tenter. Prendre des risques, sinon, on nâapprend rien. Allez, va. Ils tâattendent...
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Eric TERRIEN (Mein Grand-PĂšre: Roman d espionnage historique (French Edition))
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il faut dire que les progressistes ne se trompent pas tout Ă fait quand ils estiment quâil y a quelque chose, dans la religion, qui ne va plus ; en fait, lâargumentation individualiste et sentimentale avec laquelle opĂšre la piĂ©tĂ© traditionnelle ne mord plus guĂšre sur les consciences, et il en est ainsi, non seulement pour la simple raison que lâhomme moderne est irrĂ©ligieux, mais aussi parce que les arguments religieux habituels, nâallant pas suffisamment au fond des choses et nâayant dâailleurs pas eu besoin autrefois de le faire, sont quelque peu usĂ©s psychologiquement et ne rĂ©pondent pas Ă certains besoins de causalitĂ©. Câest un phĂ©nomĂšne paradoxal que les sociĂ©tĂ©s humaines, si dâune part elles dĂ©gĂ©nĂšrent avec le temps, accumulent dâautre part des expĂ©riences en vieillissant, ces derniĂšres fussent-elles mĂȘlĂ©es dâerreurs ; câest ce dont devrait tenir compte une « pastorale » soucieuse dâefficacitĂ©, non en puisant des directives nouvelles dans lâerreur commune, mais au contraire en utilisant des arguments dâun ordre supĂ©rieur, intellectuel et non sentimental ; de la sorte, on sauverait au moins quelques-uns, â et un plus grand nombre quâon ne serait tentĂ© de supposer, â alors quâavec la « pastorale » scientiste et dĂ©magogique on ne sauve personne.
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Frithjof Schuon (Form and Substance in the Religions (Library of Perennial Philosophy))
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Le processus selon lequel sâaccomplit la dĂ©chĂ©ance de lâOccident Ă lâĂ©poque moderne, doit finir normalement, en conformitĂ©, tant avec la nature des choses quâavec les donnĂ©es traditionnelles unanimes, par lâatteinte dâune certaine limite, marquĂ©e vraisemblablement par une catastrophe de civilisation. A partir de ce moment un changement de direction apparaĂźt comme inĂ©vitable, et les donnĂ©es traditionnelles tant dâOrient que dâOccident, indiquent quâil se produira alors un rĂ©tablissement de toutes les possibilitĂ©s traditionnelles que comporte encore lâactuelle humanitĂ©, ce qui coĂŻncidera avec une remanifestation de la spiritualitĂ© primordiale, et, en mĂȘme temps, les possibilitĂ©s anti-traditionnelles et les Ă©lĂ©ments humains qui les incarnent seront rejetĂ©s hors de cet ordre et dĂ©finitivement dĂ©gradĂ©s. Mais si la forme gĂ©nĂ©rale de ces Ă©vĂ©nements Ă venir apparaĂźt comme certaine, le sort qui serait rĂ©servĂ© au monde occidental dans ce « jugement » et la part quâil pourrait avoir dans la restauration finale, dĂ©pendra de lâĂ©tat mental que lâhumanitĂ© occidentale aura au moment oĂč ce changement se produira, et il est comprĂ©hensible que câest seulement dans la mesure oĂč lâOccident aura repris conscience des vĂ©ritĂ©s fondamentales communes Ă toute civilisation traditionnelle quâil pourra ĂȘtre compris dans cette restauration.
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Michel Vùlsan (L'Islam et la fonction de René Guénon)
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Les Grecs, il est vrai, nâont jamais fait mystĂšre de leur ascendance asiatique ; ils se disaient disciples des Ăgyptiens et des Babyloniens ; leur panthĂ©on Ă©tait arabe ; leurs cosmogonies et thĂ©ogonies directement inspirĂ©es dâAnatolie ou de Canaan. Le pĂšre dâHĂ©siode nâĂ©tait-il pas dâorigine Ă©olienne ? HĂ©rodote sâĂ©tonne quâon distingue lâEurope de lâAsie car il nây voit, et ses compatriotes avec lui, quâune seule et mĂȘme culture. Effectivement la GrĂšce est nĂ©e de lâAsie, recueillant par lâintermĂ©diaire de la colonisation phĂ©nicienne le fruit de quelque 4000 ans dâefforts menĂ©s par lâĂgypte et la Babylonie. Son Ă©closion certes fut tardive puisque 1000 ans avant HomĂšre, alors que les Grecs vĂ©gĂ©taient encore dans lâobscuritĂ©, les sujets de Thoutomosis jouissaient dans la vallĂ©e du Nil dâun art dâun confort raffinĂ©s. En transmettant Ă lâOccident sicilien et italique lâhĂ©ritage asiatique la GrĂšce devait y introduire les diverses religions arabes et notamment le christianisme puisque câest en grec que le nouveau Testament parvint en MĂ©diterranĂ©e occidentale.
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Pierre Rossi (La cité d'Isis : Histoire vraie des Arabes)
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Et au loin, comme Frodon passait l'Anneau Ă son doigt et le revendiquait pour sien, mĂȘme dans les
Sammath Naur, coeur mĂȘme du royaume, la Puissance de Barad-dĂ»r fut Ă©branlĂ©e et la Tour trembla de ses fondations Ă son fier et ultime couronnement. Le Seigneur TĂ©nĂ©breux fut soudain averti de sa prĂ©sence, et son oeil, perçant toutes les ombres, regarda par-dessus la plaine la porte qu'il avait faite, l'ampleur de sa propre folie lui fut rĂ©vĂ©lĂ©e en un Ă©clair aveuglant et tous les stratagĂšmes de ses ennemis lui apparurent enfin Ă nu. Sa colĂšre s'embrasa en un feu dĂ©vorant, mais sa peur s'Ă©leva comme une vaste fumĂ©e noire pour l'Ă©touffer. Car il
connaissait le pĂ©ril mortel oĂč il Ă©tait et le fil auquel son destin Ă©tait maintenant suspendu.
Son esprit se libĂ©ra de toute sa politique et de ses trames de peur et de perfidie, de tous ses stratagĂšmes et de ses guerres, un frĂ©missement parcourut tout son royaume, ses esclaves flĂ©chirent, ses armĂ©es s'arrĂȘtĂšrent, et ses capitaines, soudain sans direction, hĂ©sitĂšrent et dĂ©sespĂ©rĂšrent. Car ils Ă©taient oubliĂ©s. Toute la pensĂ©e et toutes les fins de la Puissance qui les conduisait Ă©taient Ă prĂ©sent tournĂ©es avec une force irrĂ©sistible vers la Montagne. A son appel, vibrant avec un cri dĂ©chirant, volĂšrent en une derniĂšre course dĂ©sespĂ©rĂ©e les NazgĂ»l, les Chevaliers Servants de l'Anneau, qui, en un ouragan d'ailes, s'Ă©lançaient en direction du Sud, vers la Montagne du Destin.
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J.R.R. Tolkien
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Câest ainsi que, par exemple, lâidĂ©e de lâInfini, qui est en rĂ©alitĂ© la plus positive de toutes, puisque lâInfini ne peut ĂȘtre que le tout absolu, ce qui, nâĂ©tant limitĂ© par rien, ne laisse rien en dehors de soi, cette idĂ©e disons-nous, ne peut sâexprimer que par un terme de forme nĂ©gative, parce que, dans le langage, toute affirmation directe est forcĂ©ment lâaffirmation de quelque chose, câest-Ă -dire une affirmation particuliĂšre et dĂ©terminĂ©e ; mais la nĂ©gation dâune dĂ©termination ou dâune limitation est proprement la nĂ©gation dâune nĂ©gation, donc une affirmation rĂ©elle, de sorte que la nĂ©gation de toute dĂ©termination Ă©quivaut au fond Ă lâaffirmation absolue et totale.
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René Guénon (Introduction to the Study of the Hindu Doctrines)
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Souvent, quand les gens m'abordent, c'est pour me raconter un Ă©pisode de leur vie, par exemple : "J'ai vu votre reportage sur l'euthanasie, ma mĂšre m'en a parlĂ©, et je ne sais pas quoi en penser." Ăa va dans toutes les directions, et je ne considĂšre pas cela comme le symptĂŽme d'une crise des valeurs. C'est ce que prĂ©tend le Vatican et c'est de la foutaise. Au contraire, depuis que les gens ont quittĂ© les bancs d'Ă©glise, donc l'institution qui avait des rĂ©ponses toutes prĂ©parĂ©es aux interrogations sur le sens de la vie, ils ont entrepris un cheminement plus personnel et, mon dieu - si je puis dire -, plus authentique.
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Alain Crevier (à Propos de la vie: le sens de la vie selon 20 personnalités)
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« Capitant nous a rĂ©unis pour nous annoncer que Jean GuĂ©henno crĂ©ait un service dâĂ©ducation des adultes â un âbureau de lâĂ©ducation populaireâ â et a demandĂ© qui voulait sâen charger. Jâai levĂ© la main Ă la surprise gĂ©nĂ©rale. » DĂ©goĂ»tĂ©e de lâĂ©ducation nationale, Mlle Faure ne veut plus enseigner aux enfants. « La âlaĂŻcitĂ©â [Ă prendre ici au sens de « neutralitĂ© politique »] imposĂ©e aux enseignants ne me convenait plus. Elle empĂȘchait toute explication franche, directe, câest-Ă -dire politique, avec la jeunesse. La laĂŻcitĂ© devenait une religion qui isolait comme les autres. Dans un cadre dâĂ©ducation des adultes, il me semblait quâon pourrait dire tout ce quâon voudrait. DâoĂč mon choix pour lâĂ©ducation populaire : cadre neuf, cadre libre, oĂč pourrait se dĂ©velopper lâesprit critique. »
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Christiane Faure
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Pour votre question concernant la vie du ProphĂšte, la conception la plus orthodoxe est que lâimpeccabilitĂ© appartient rĂ©ellement Ă tous les prophĂštes, de sorte que, si mĂȘme il se trouve dans leurs actions quelque chose qui peut sembler choquant, cela mĂȘme doit sâexpliquer par des raisons qui dĂ©passent le point de vue de lâhumanitĂ© ordinaire (Ă un degrĂ© moindre, cela sâapplique aussi aux actions de tous ceux qui ont atteint un certain degrĂ© dâinitiation). Dâun autre cĂŽtĂ©, la mission dâun rasĂ»l, par lĂ mĂȘme quâelle sâadresse Ă tous les hommes indistinctement, implique une façon dâagir oĂč nâapparaissent pas les rĂ©alisations dâordre Ă©sotĂ©rique (ce qui constitue dâailleurs une sorte de sacrifice pour celui qui est revĂȘtu de cette mission). Câest pourquoi certains disent aussi que ce qui serait le plus intĂ©ressant au point de vue initiatique, sâil Ă©tait possible de le connaĂźtre exactement, câest la pĂ©riode de la vie de Mohammed antĂ©rieure Ă la risĂąlah (et ceci sâapplique Ă©galement Ă la « vie cachĂ©e » du Christ par rapport Ă sa « vie publique » : ces deux expressions, en elles-mĂȘmes, sâaccordent du reste tout Ă fait avec ce que je viens de dire et lâindiquent presque explicitement). II est dâailleurs bien entendu que les considĂ©rations historiques nâont pas dâintĂ©rĂȘt en elles-mĂȘmes, mais seulement par ce quâelles traduisent de certaines vĂ©ritĂ©s doctrinales. Enfin, on ne peut pas nĂ©gliger, dans une tradition qui forme nĂ©cessairement un tout, ce qui ne concerne pas directement la rĂ©alisation mĂ©taphysique (et il y a de tels Ă©lĂ©ments dans la tradition hindoue comme dans les autres, puisquâelle implique aussi, par exemple, une lĂ©gislation) ; il faut plutĂŽt sâefforcer de le comprendre par rapport Ă cette rĂ©alisation, ce qui revient en somme Ă en rechercher le « sens intĂ©rieur ».
Lettre de RenĂ© GuĂ©non Ă Louis Caudron dâAmiens, Le Caire, 22 mars 1936.
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René Guénon
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L'autre fait notable, c'est qu'un mĂ©diatique a dĂ©sormais le droit de plaisanter avec son outil professionnel, en certains cas. Un gĂ©nĂ©ral, par exemple, n'avait pas le droit de plaisanter Ă la tĂȘte de ses troupes, ou un juge en prononçant ses sentences, et je ne sais mĂȘme pas s'il est encore tout Ă fait permis au respon-sable d'une centrale oĂč l'on produit l'Ă©nergie nuclĂ©aire de plaisanter, au sens propre du mot, Ă l'instant oĂč il fait connaĂźtre ses directives. Mais il est littĂ©ralement hors de doute qu'un mĂ©diatique ne peut ĂȘtre privĂ© de ce droit. C'est un salariĂ© remarquablement spĂ©cial, qui ne reçoit d'ordre de personne, et qui sait tout sur tous les sujets dont il veut parler. Il porte donc, suivant sa dĂ©ontologie, qu'il ne saurait trahir sans hideuse concussion, littĂ©ralement toute la conscience de l'Ă©poque. S'il n'avait pas le droit de plaisanter, oĂč serait donc la libertĂ© de la presse et, partant, la dĂ©mocratie elle-mĂȘme?
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Guy Debord (Cette mauvaise réputation...)
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Les AmĂ©ricains, en 1945, dĂ©comptaient plus de 1 million de Noirs hommes et femmes mobilisĂ©s, dont plus de 200 000 furent envoyĂ©s pour la seule France. Comme ils Ă©vitaient dâarmer leurs soldats noirs, la plupart servaient dâauxiliaires (chauffeurs, mĂ©caniciens, etc.), particuliĂšrement exposĂ©s parce que dans lâincapacitĂ© de se dĂ©fendre. Seuls un peu plus de 30 000 dâentre eux participĂšrent directement au combat, dont une flottille aĂ©rienne dite Tuskeegee Airmen spĂ©cialisĂ©e dans des missions de bombardement en territoire ennemi (32 aviateurs noirs amĂ©ricains furent faits prisonniers)27.
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Catherine Coquery-Vidrovitch (Des victimes oubliées du nazisme (Documents) (French Edition))
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Elle traversa le 8e arrondissement dâun bon pas en direction de la Seine et de la rue Royale, une artĂšre courte situĂ©e entre la place de la Madeleine et la place de la Concorde, pas trĂšs loin de lâendroit oĂč Ă©taient vendus les nouveaux sacs hors de prix dont Chelsea sâĂ©tait entichĂ©e
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Michelle Gable (L'appartement oublié)
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Tsâin (Qin n.n.) qui nâavait (dâabord) quâun territoire fort restreint et qui nâavait quâune puissance de mille charsâ, fit venir Ă lui les huit provinces et obtint lâhommage de ceux qui Ă©taient du mĂȘme rang que lui, et cela dura pendant plus de cent annĂ©es. Dans la suite cependant, quand tout lâespace compris dans les directions de lâunivers Ă©tait sa demeure, quand Hiao et Hien Ă©taient son palais, il suffit quâun simple particulier soulevĂąt des difficultĂ©s pour que les sept temples ancestraux fussent ruinĂ©s et pour que (le souverain) lui-mĂȘme pĂ©rit de la main des hommes, ce qui fut la risĂ©e de lâempire. Comment cela se produisit-il ? Câest parce que la bontĂ© et la justice ne furent pas rĂ©pandues (par Tsâin) et parce que les conditions pour conquĂ©rir et les conditions pour conserver sont diffĂ©rentes]
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Sima Qian (MĂ©moires historiques - DeuxiĂšme Section (French Edition))
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Tous les soirs, le prĂ©sident reçoit une longue note confidentielle qui dit les drames, les dangers et les dĂ©rives de la sociĂ©tĂ© française. On ne ressort pas indemne dâune telle lecture⊠Le poids de la responsabilitĂ© vous tombe dessus. "Vous avez le singe sur lâĂ©paule", dit Emmanuel Macron. Il est au cĆur de ce mistigri tragique, il subit la mort, il peut la donner.
La nuit tombe deux fois. Il est tard, gĂ©nĂ©ralement, quand le chef de lâĂtat se plonge dans un amas de notes, des dizaines de pages qui disent tout de la noirceur humaine. Ici, des attentats sont dĂ©jouĂ©s, y compris en 2019 Ă deux pas de lâĂlysĂ©e, opĂ©ration fomentĂ©e par des terroristes en herbe â lâun des auteurs putatifs est ĂągĂ© de dix-sept ans. LĂ , des TchĂ©tchĂšnes, accompagnĂ©s dâun imam, rĂšglent leurs comptes dĂšs que leur commerce est menacĂ©. PrĂ©cisons quâil sâagit de drogue. La CĂŽte dâAzur accueille de nouveaux touristes : aprĂšs la mafia russe, les NigĂ©rians goĂ»tent la baie des Anges. Le crime est global, le crime est local, les faits divers sordides. Une grand-mĂšre violĂ©e par des migrants, ça frappeâŠ
Les informations viennent de la Direction gĂ©nĂ©rale de la sĂ©curitĂ© intĂ©rieure, du service central du Renseignement territorial, de la prĂ©fecture de police de Paris, de la Division du renseignement de la gendarmerie nationale. La bureaucratie française a du bon⊠Lâimpeccable prĂ©sentation de ces notes, sa rĂ©gularitĂ©, sa monotonie presque, permettent de crĂ©er de la distance entre la violence et la raison quâil faut garder Ă la tĂȘte de lâĂtat. Chaque jour, le prĂ©sident reçoit une synthĂšse de documents avec un titre, un rĂ©sumĂ© logĂ© dans un cartouche et une analyse Ă©tayĂ©e. La livraison du week-end couvre le samedi et le dimanche. Dans le bureau voisin, le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de lâĂlysĂ©e, Alexis Kohler, est destinataire dâun dossier identique. Il arrive aux deux hommes dâĂ©changer dans la foulĂ©e, comme pour se partager un fardeau.
[âŠ]
"Si ces notes Ă©taient publiĂ©es dans la presse⊠", relĂšve lâun de ceux qui les ont reçues. Comment ne pas cĂ©der Ă lâeffet de loupe, comment garder lâĂąme sereine, prĂ©server une forme de recul ? Bernard Cazeneuve, qui avait accĂšs aux mĂȘmes informations lorsquâil Ă©tait Ă Beauvau, Ă©crit dans son livre Ă lâĂ©preuve de la violence : "La question nâest plus de savoir si les Ă©lĂ©ments se dĂ©chaĂźneront, ou si par miracle nous serons Ă©pargnĂ©s, mais bien de deviner quand le tonnerre grondera, aprĂšs que la foudre se sera abattue sur nous.
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Corinne LhaĂŻk (La nuit tombe deux fois (Documents) (French Edition))
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Mais seule la littĂ©rature peut vous donner cette sensation de contact avec un autre esprit humain, avec lâintĂ©gralitĂ© de cet esprit, ses faiblesses et ses grandeurs, ses limitations, ses petitesses, ses idĂ©es fixes, ses croyances ; avec tout ce qui lâĂ©meut, lâintĂ©resse, lâexcite ou lui rĂ©pugne. Seule la littĂ©rature peut vous permettre dâentrer en contact avec lâesprit dâun mort, de maniĂšre plus directe, plus complĂšte et plus profonde que ne le ferait mĂȘme la conversation avec un ami - aussi profonde, aussi durable que soit une amitiĂ©, jamais on ne se livre, dans une conversation, aussi complĂštement quâon ne le fait devant une feuille vide, sâadressant Ă un destinataire inconnu.
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Michel Houellebecq (Soumission)
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De ceux qui ne diffusent pas autour d'eux un relent d'Ă©chec, on peut difficilement dire qu'ils ont vĂ©cu. La dĂ©composition est la seule trace que laisse la marche de la vie, cet Ă©trange pourrissement de la matiĂšre. CrĂ©ation et destruction sont les diffĂ©rentes directions d'une mĂȘme substance qui s'affirme en s'effilochant.
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Emil M. Cioran (Razne)
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Il y a des leçons qui procurent des renseignements sur les buts intellectuels et y prĂ©parent notre cerveau. Les leçons sont simples et peuvent ĂȘtre acquises et employĂ©es avec avantage. Mais il en est dâautres qui heurtent notre nature plus profonde et changent la direction de notre vie. Avant que nous les acceptions et que nous les payions par la rente de notre propre hĂ©ritage, nous devons nous arrĂȘter et rĂ©flĂ©chir. Dans lâhistoire de lâhomme, il survient des Ăąges de feux dâartifice qui nous Ă©blouissent par leur force et leur mouvement. Ils rient non seulement de la modeste lampe de notre foyer, mais jusque des Ă©toiles Ă©ternelles. Mais que cette provocation ne nous pousse pas Ă supprimer notre lampe. Supportons patiemment lâinsulte et comprenons que ces feux dâartifice ont de lâĂ©clat, mais ne sont pas permanents, Ă cause de lâexplosivitĂ© extrĂȘme qui est la cause de leur force et aussi de leur Ă©puisement. Ils dĂ©pensent une somme fatale dâĂ©nergie et de substance en comparaison de leur gain et de leur production.
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Rabindranath Tagore (Nationalisme (French Edition))
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Ă Tunis, les annĂ©es qui suivirent le congrĂšs de Korba, au cours duquel une « coalition » majoritaire d'opposants « destouriens de gauche », communistes, nationalistes arabes, et gauchistes ne put se faire Ă©lire et sortir l'UGET de la tutelle du Destour, furent celles de l'apogĂ©e du mouvement Ă©tudiant, et cela dura jusqu'en 1977. Les militants gauchistes firent, comme au Maroc, les frais d'une rĂ©pression policiĂšre brutale, mais le pouvoir ne put s'en prendre directement aux Ă©tudiants car les mouvements sociaux allaient bien au-delĂ de leurs rangs et trouvaient un large Ă©cho dans la population. Souffrant d'une crise Ă©conomique profonde, et soumise aux consignes de la BIRD, la Tunisie Ă©tait en proie Ă des troubles politiques graves que le gouvernement Nouira tenta de dĂ©samorcer dans le cadre de sa nouvelle politique Ă©conomique libĂ©rale. L'objectif de la lutte des Ă©tudiants fut avant tout, durant cette pĂ©riode, la lutte contre la « politique sĂ©lective » de l'enseignement et le rĂ©trĂ©cissement des dĂ©bouchĂ©s. Cette lutte, qui dĂ©marra Ă la rentrĂ©e 1971 par des AssemblĂ©es gĂ©nĂ©rales et mouvements de grĂšve dans les universitĂ©s, contre le renvoi des Ă©tudiants « cartouchards », ne fut pas couronnĂ©e de succĂšs. Le systĂšme des « cartouches » fut maintenu, et la sĂ©lection franchit un pas supplĂ©mentaire avec la mise en place de lâOrientation universitaire en 1976 .
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Pierre Vermeren (La formation des Ă©lites marocaines et tunisiennes)
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Le style pour l'écrivain aussi bien que la couleur pour le peintre est une question non de technique mais de vision. Il est la révélation, qui serait impossible par des moyens directs et conscients, de la différence qualitative qu'il y a dans la façon dont nous apparaßt le monde, différence qui, s'il n'y avait pas l'art, resterait le secret éternel de chacun.
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Marcel Proust (A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU - Ădition intĂ©grale en 2 volumes - VOLUME I: Du cĂŽtĂ© de chez Swann - Ă l'ombre des jeunes filles en fleurs - Le cĂŽtĂ© de guermantes)
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Disent cela, je dĂ©signe dĂ©jĂ une des directions de cet essai : la constance dâune rĂ©fĂ©rence aux MĂ©moire diverses de la ville, mĂ©moires oubliĂ©es ou rejetĂ©es, brisĂ©es ou confuse qui sont le milieu naturel de lâurbanitĂ© et comme son aire de comprĂ©hension, un Ă©ther qui lâenveloppe.
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Anne Cauquelin (Essai de philosophie urbaine (La Politique éclatée) (French Edition))
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Le costume viril musulman est une synthĂšse des vĂȘtements sacerdotal et monastique et affirme en mĂȘme temps la dignitĂ© virile. C'est le turban qui, d'aprĂšs les dires du ProphĂšte, indique la dignitĂ© spirituelle, donc sacerdotale, de mĂȘme que la couleur blanche des vĂȘtements, le manteau aux larges plis et le haĂŻk enveloppant la tĂȘte et les Ă©paules. Certains vĂȘtements propres aux habitants du dĂ©sert ont Ă©tĂ© gĂ©nĂ©ralisĂ©s et "stylisĂ©s" dans un but spirituel.
Le caractĂšre monastique, par contre, s'affirme dans la simplicitĂ© du costume musulman et dans la prohibition plus ou moins rigoureuse des bijoux d'or et de la soie; seules les femmes peuvent porter l'or et la soie, et ce n'est pas en public mais seulement dans lâintĂ©rieur de la maison, - qui correspond au monde intĂ©rieur de l'Ăąme, - qu'elles peuvent montrer ces parures.
Partout oĂč la civilisation islamique commence Ă dĂ©choir, c'est d'abord le turban qu'on bannit, puis le port des vĂȘtements larges et souples, qui facilitent les gestes de la priĂšre rituelle. Quant Ă la campagne menĂ©e, en certains pays arabes, en faveur du chapeau, elle vise directement l'abolition des rites, car le bord du chapeau empĂȘche le front de toucher le sol lors des prosternations; la casquette Ă visiĂšre, avec son allure particuliĂšrement profane, n'est pas moins hostile Ă la tradition. Si l'usage des machines nĂ©cessite le port de tels vĂȘtements, cela prouve simplement, du point de vue de l'Islam, que le machinisme Ă©loigne l'homme de son centre existentiel, oĂč il est "debout devant Dieu".
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Titus Burckhardt (Sacred Art in East and West, 1st Edition (Wisdom Foundation Series))
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Lâhomme de lâAntiquitĂ© qui se reprĂ©sentait la terre comme une Ăźle entourĂ©e par lâocĂ©an primordial et le ciel comme une coupole protectrice posĂ©e par-dessus, ou lâhomme du Moyen Age qui se figurait les cieux comme des cercles concentriques Ă©chelonnĂ©s depuis le centre de la terre jusquâĂ la sphĂšre de lâesprit divin, englobant toute chose et ne connaissant plus de limite propre, ces hommes se trompaient certainement sur les vĂ©ritables relations rĂ©gnant dans lâunivers physique. En revanche, ils Ă©taient parfaitement conscients dâun fait beaucoup plus important, Ă savoir que le monde matĂ©riel ne reprĂ©sente pas toute la rĂ©alitĂ©, quâil est entourĂ© et pĂ©nĂ©trĂ© par une rĂ©alitĂ© Ă la fois plus vaste et plus subtile, laquelle est Ă son tour contenue dans lâesprit ; directement ou indirectement, ils savaient Ă©galement que lâimmensitĂ© de lâunivers nâest rien par rapport Ă lâInfini.
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Titus Burckhardt (Science moderne et Sagesse traditionnelle)
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« Lâouvrage de Rama P. Coomaraswamy, The Destruction of the Christian Tradition (...) est un exposĂ© brillamment Ă©crit et bien documentĂ© sur ce qui sâest dĂ©roulĂ© immĂ©diatement avant, pendant et aprĂšs le concile Vatican II. Lâauteur sâintĂ©resse avant tout Ă ce qui est orthodoxe et Ă ce qui est hĂ©rĂ©tique, et la maniĂšre tout Ă fait claire, directe et simple dont il traite son sujet est basĂ©e sur les dĂ©cisions des prĂ©cĂ©dents conciles et les dĂ©clarations des plus hautes autoritĂ©s de lâĂglise Ă travers les siĂšcles. Ce quâil a Ă©crit est suffisant et nâa pas besoin dâadditifs. Mais, Ă partir dâun angle lĂ©gĂšrement diffĂ©rent et en quelque sorte pour affronter les modernistes sur leur propre terrain, qui est celui de lâopportunisme psychique, nous voudrions nĂ©anmoins ajouter les remarques suivantes. Les responsables des changements en question ont fait valoir quâune religion doit se conformer aux temps, Ă quoi on doit rĂ©pondre : non, si se conformer veut dire cesser dâĂȘtre soi-mĂȘme et devenir complice des temps. La vĂ©ritable conformitĂ© est diffĂ©rente : la mĂ©decine, par exemple, afin de se conformer Ă une Ă©poque, doit ĂȘtre capable de fournir des antidotes Ă tout ce qui se prĂ©sente comme maladies. De mĂȘme, il ne serait pas dĂ©raisonnable de maintenir quâafin de se conformer Ă un Ăąge caractĂ©risĂ© par de violents changements et des troubles dĂ©sordonnĂ©s, la religion doit ĂȘtre plus prĂ©parĂ©e que jamais Ă manifester, et mĂȘme Ă proclamer, son inĂ©branlable stabilitĂ© sans laquelle, en tant que vĂ©hicule de la VĂ©ritĂ© Ăternelle, elle ne peut jamais ĂȘtre, en tout Ă©tat de cause, fidĂšle Ă elle-mĂȘme. Il ne fait guĂšre de doute que lâĂąme humaine a profondĂ©ment besoin dans son existence de quelque chose qui resterait toujours identique, et elle a le droit dâattendre de la religion quâelle soit la constante infaillible qui satisfasse ce besoin.
De telles considĂ©rations furent dissĂ©minĂ©es aux quatre vents par le concile Vatican II. Il nâest donc pas surprenant que celui-ci ait prĂ©cipitĂ© une crise sans prĂ©cĂ©dent. La gravitĂ© de la situation peut ĂȘtre mesurĂ©e, jusquâĂ un certain point, par les chiffres suivants : de 1914 Ă 1963, il nây eut que 810 prĂȘtres qui demandĂšrent Ă lâĂglise Catholique la permission dâabandonner le sacerdoce, et parmi ces demandes 355 seulement furent acceptĂ©es. Depuis le concile, il y a eu plus de 32 000 dĂ©fections au sein du clergĂ©. Il faut considĂ©rer que ces chiffres se rapportent en partie Ă ceux qui sont coupables de la crise et en partie Ă ceux qui en sont les victimes ; en ce qui concerne ces derniĂšres, qui sont des membres du clergĂ© ou des laĂŻques, il est significatif que non seulement lâusage de la liturgie traditionnelle a Ă©tĂ© dĂ©couragĂ© mais quâil a mĂȘme Ă©tĂ© expressĂ©ment interdit. Cette stratĂ©gie aurait totalement Ă©chouĂ© sâil nây avait eu le fait que lâimmense majoritĂ© des laĂŻques â et ceci sâapplique Ă©galement dans une certaine mesure aux membres du clergĂ© eux-mĂȘmes â sâimaginent que lâobĂ©issance due Ă la hiĂ©rarchie clĂ©ricale est absolue. Lâun des grands mĂ©rites de lâouvrage de Rama Coomaraswamy est de montrer Ă quel moment, selon la doctrine catholique strictement traditionnelle, lâobĂ©issance devient un pĂ©chĂ© et Ă quel moment lâautoritĂ©, mĂȘme celle dâun pape, devient nulle et non avenue. »
[recension dans "Croyances anciennes et Superstitions modernes", Appendice II.]
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Martin Lings (Ancient Beliefs and Modern Superstitions)
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Dans le dĂ©cor architectural et mĂȘme dans lâart du livre, la calligraphie se marie souvent Ă lâarabesque. Une des combinaisons les plus heureuses, Ă cet Ă©gard, est celle dâun kĂ»fi aux hampes verticales avec des rinceaux de vigne se dĂ©roulant en vague continue. Parfois, les rinceaux se greffent directement sur les lettres et câest lĂ , sans doute, lâorigine du kĂ»fi fleuri.
Lâunion de lâĂ©criture et de la plante stylisĂ©e Ă©voque lâanalogie qui existe entre le « livre du monde » et « lâarbre du monde », deux symboles bien connus dans lâĂ©sotĂ©risme musulman et ayant leur fondement dans le Coran.
Lâunivers est Ă la fois un livre rĂ©vĂ©lĂ© et un arbre dont les branches et les feuilles se dĂ©ploient Ă partir dâun seul tronc. Les lettres du livre rĂ©vĂ©lĂ© sont comme les feuilles de lâarabe et, de mĂȘme que celles-ci se rattachent aux branches et finalement au tronc, les lettres se rattachent aux paroles, aux phrases et finalement Ă la vĂ©ritĂ© totale et une du livre.
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Titus Burckhardt (Art of Islam: Language and Meaning (English and French Edition))
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VOUS TROUVEREZ LES MEILLEURS PRODUITS DLP SUR LES SITES OU LES AUTEURS COMMERCIALISENT DIRECTEMENT LEURS PROPRES CONTENUS, COMME ERICK PINEAULT SUR CLUB DROIT DE LABEL PRIVE D E CETTE MANIERE, LâAUTEUR MET LUI-MEME SA REPUTATION EN JEU ET SâEFFORCERA DE PROPOSER UN CONTENU INTERESSANT ! JâAI DEJA ACQUIS DES DLP DâEXCELLENTE QUALITE SUR CE SITE, CE QUI ME PERMET DE VOUS LE RECOMMANDER. VOUS POUVEZ EGALEMENT UTILISER GOOGLE POUR TROUVER DâAUTRES SITES TOUT AUSSI FIABLES. Une fois que vous avez acquis le produit, vous devez maintenant le
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A Haïk (Comment créer votre infoproduit rapidement: créer infoproduit (French Edition))
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Quand aux traditions «prĂ©-hindoues» dans lâInde, je me suis sans doute insuffisamment expliquĂ©. Il est bien entendu que tous les peuples sont ou ont Ă©tĂ© en possession de traditions qui dĂ©rivent dâune source unique, mais de façon plus ou moins distincte. Les traditions summĂ©riennes, dravidiennes, etc., paraissent procĂ©der de formes se rattachant plus spĂ©cialement Ă certains centres secondaires, tandis que la tradition «hindoue», venue du Nord, est celle qui provient le plus directement de la Tradition primordiale (pour notre Manvantara), indiquĂ© partout comme «polaire» Ă lâorigine. Ceci a naturellement un lien direct avec la question du «Paradis Terrestre» Ă laquelle vous faĂźtes allusion, et dont jâai dĂ©jĂ parlĂ© dans mon livre «Le Roi du Monde», ce qui nâempĂȘche que jây reviendrai peut-ĂȘtre encore quelque jour comme vous le me suggĂ©rez. - Pour ce qui est de lâanalogie des Ă©vĂ©nements historiques avec les principes, dâoĂč leur valeur symbolique (qui nâexclue aucunement leur rĂ©alitĂ© de fait), jây ai insistĂ© souvent; câest lĂ une chose que les occidentaux semblent avoir beaucoup de peine Ă comprendre en gĂ©nĂ©ral.
[lettre Ă Ananda Coomaraswamy 24 juin 1935]
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René Guénon
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[Le christianisme] occupe une place Ă part car câest la forme traditionnelle qui avait en charge lâOccident quand la dĂ©viation moderne sâest produite. On peut donc penser quâune certaine responsabilitĂ© incombe Ă cet Ă©gard au Catholicisme puisque câest le Saint-SiĂšge romain qui a vocation Ă rĂ©gir lâĂglise universelle.[...]
LâĂglise est rĂ©gie par le Saint-Esprit, non par une loi que JĂ©sus lui aurait apportĂ©e (20). Il rĂ©sulte de cette particularitĂ© que le droit appliquĂ© dĂ©coule uniquement de lâintuition spirituelle de ceux qui dirigent lâĂglise ; or cette intuition peut varier car elle dĂ©pend de leur qualification et de leur rĂ©alisation effective. Ceci explique pourquoi, sur une question aussi essentielle que celle que nous Ă©voquons ici [le prĂȘt Ă intĂ©rĂȘt], il y a une diffĂ©rence et mĂȘme une incompatibilitĂ© entre la doctrine catholique qui prĂ©valait au moyen Ăąge et celle qui est enseignĂ©e aujourdâhui ; ce qui peut paraĂźtre incomprĂ©hensible pour ceux qui suivent les lĂ©gislations sacrĂ©es. Au moyen Ăąge, le simple fait dâenvisager que le prĂȘt Ă intĂ©rĂȘt puisse ĂȘtre lĂ©gitime entraĂźnait lâexcommunication, alors quâaujourdâhui câest uniquement lâusure qui est interdite, non le prĂȘt Ă intĂ©rĂȘt en lui-mĂȘme. Cette Ă©volution est significative, car elle implique quâun enseignement fondĂ© sur une connaissance Ă©sotĂ©rique vĂ©ritable a fait place Ă un point de vue purement moral. Lâintuition intellectuelle sâĂ©tant affaiblie au point de devenir inopĂ©rante, les raisons profondes et lâinterdiction ont cessĂ© dâĂȘtre perçues. Or, ces raisons prĂ©sentent un lien direct avec la naissance et le dĂ©veloppement de la dĂ©viation antitraditionnelle de lâOccident, car le prĂȘt Ă intĂ©rĂȘt a Ă©tĂ© le moteur financier du monde moderne. RenĂ© GuĂ©non a montrĂ© le caractĂšre nĂ©faste de lâaltĂ©ration des monnaies par Philippe le Bel (21) et les consĂ©quences dĂ©sastreuses que celle-ci avaient eu pour lâOccident. Le prĂȘt Ă intĂ©rĂȘt est une autre modalitĂ© de cette altĂ©ration puisquâil a pour effet de soumettre la valeur de la monnaie Ă lâĂ©coulement du temps, qui est celui du prĂȘt, alors que la fonction premiĂšre de celle-ci est de garantir la stabilitĂ© des Ă©changes par rĂ©fĂ©rence Ă un principe immuable que la monnaie reprĂ©sente dans le domaine temporel.
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Charles-André Gilis
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Marie est la « servante du Seigneur », la servante par excellence, ce qui indique une similitude annonciatrice de la fonction du ProphĂšte de lâislĂąm. Ce caractĂšre servitorial est liĂ© au symbolisme du voile. Selon Michel VĂąlsan : « La RĂ©alitĂ© muhammadienne constitue le mystĂšre du Verbe suprĂȘme et universel, car elle est en mĂȘme temps la ThĂ©ophanie intĂ©grale (de lâEssence, des Attributs et des Actes) et son occultation sous le voile de la Servitude absolue et totale ». Câest parce quâelle est la servante parfaite que Marie est toujours voilĂ©e, aussi bien dans ses apparitions que dans les reprĂ©sentations de lâArt sacrĂ©, notamment celui des icĂŽnes. Comme elle est, par ailleurs, le modĂšle de toutes les vertus, lâEglise aurait Ă©tĂ© bien inspirĂ©e de reconnaĂźtre que lâattachement islamique au port du voile pouvait constituer un exemple pour les femmes catholiques. Les querelles et les rĂ©sistances modernes sur ce point sont rĂ©vĂ©latrices dâun Ă©tat dâesprit antitraditionnel. Ibn ArabĂź enseigne que le statut subordonnĂ© de la femme exprime, non pas un abaissement, mais au contraire sa supĂ©rioritĂ© spirituelle sur lâhomme qui, crĂ©Ă© directement Ă lâimage de Dieu, a tendance Ă oublier sa servitude et Ă se poser en rival de son CrĂ©ateur . Toute forme traditionnelle est fondĂ©e sur une alliance impliquant une soumission Ă la volontĂ© divine ; câest ce quâindique parfaitement le terme « islam » qui apparaĂźt, par lĂ mĂȘme, comme une dĂ©signation de la Tradition universelle. Au lieu de reconnaĂźtre cette signification traditionnelle du voile de Marie, lâĂglise, sur cette question comme sur beaucoup dâautres, donne lâimpression de suivre lâair du temps et, sans doute pour mieux se dĂ©marquer de lâislĂąm, dâencourager les femmes catholiques, en particulier les souveraines, Ă se montrer tĂȘte nue ailleurs quâau Vatican. Lâenseignement de saint Paul est cependant fort clair, et semblable Ă celui de lâislam : « Femmes, soyez soumises Ă vos maris, comme il se doit dans le Seigneur » (Col, 3, 18) ; « Je ne permets pas Ă la femme dâenseigner ni de faire la loi Ă lâhomme. Quâelle se tienne tranquille. Câest Adam en effet qui fut formĂ© le premier, Eve ensuite. Et ce nâest pas Adam qui se laissa sĂ©duire » (I Tim, 2, 12-13).
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Charles-AndrĂ© Gilis (La papautĂ© contre l'Islam - GenĂšse dâune dĂ©rive)
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⊠Le Bouddha ne fut tout dâabord figurĂ© que par des empreintes de pieds, ou par des symboles tels que lâarbre ou la roue (et il est remarquable que, de la mĂȘme façon, le Christ aussi ne fut reprĂ©sentĂ© pendant plusieurs siĂšcles que par des figurations purement symboliques) ; comment et pourquoi en vint-on Ă admettre par la suite une image anthropomorphique ? Il faut voir lĂ comme une concession aux besoins dâune Ă©poque moins intellectuelle, oĂč la comprĂ©hension doctrinale Ă©tait dĂ©jĂ affaiblie ; les « supports de contemplation », pour ĂȘtre aussi efficaces que possible, doivent en effet ĂȘtre adaptĂ©s aux conditions de chaque Ă©poque ; mais encore convient-il de remarquer que lâimage humaine elle-mĂȘme, ici comme dans le cas des « dĂ©itĂ©s » hindoues, nâest rĂ©ellement « anthropomorphique » que dans une certaine mesure, en ce sens quâelle nâest jamais « naturaliste » et quâelle garde toujours, avant tout et dans tous ses dĂ©tails, un caractĂšre essentiellement symbolique. Cela ne veut dâailleurs point dire quâil sâagisse dâune reprĂ©sentation « conventionnelle » comme lâimaginent les modernes, car un symbole nâest nullement le produit dâune invention humaine ; « le symbolisme est un langage hiĂ©ratique et mĂ©taphysique, non un langage dĂ©terminĂ© par des catĂ©gories organiques ou psychologiques ; son fondement est dans la correspondance analogique de tous les ordres de rĂ©alitĂ©, Ă©tats dâĂȘtre ou niveaux de rĂ©fĂ©rence ». La forme symbolique « est rĂ©vĂ©lĂ©e » et « vue » dans le mĂȘme sens que les incantations vĂȘdiques ont Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©es et « entendues », et il ne peut y avoir aucune distinction de principe entre vision et audition, car ce qui importe nâest pas le genre de support sensible qui est employĂ©, mais la signification qui y est en quelque sorte « incorporĂ©e ». LâĂ©lĂ©ment proprement « surnaturel » est partie intĂ©grante de lâimage, comme il lâest des rĂ©cits ayant une valeur « mythique », au sens originel de ce mot ; dans les deux cas, il sâagit avant tout de moyens destinĂ©s, non Ă communiquer, ce qui est impossible, mais Ă permettre de rĂ©aliser le « mystĂšre », ce que ne saurait Ă©videmment faire ni un simple portrait ni un fait historique comme tel. Câest donc la nature mĂȘme de lâart symbolique en gĂ©nĂ©ral qui Ă©chappe inĂ©vitablement au point de vue « rationaliste » des modernes, comme lui Ă©chappe, pour les mĂȘmes raisons, le sens transcendant des « miracles » et le caractĂšre « thĂ©ophanique » du monde manifestĂ© lui-mĂȘme ; lâhomme ne peut comprendre ces choses que sâil est Ă la fois sensitif et spirituel, et sâil se rend compte que « lâaccĂšs Ă la rĂ©alitĂ© ne sâobtient pas en faisant un choix entre la matiĂšre et lâesprit supposĂ©s sans rapports entre eux, mais plutĂŽt en voyant dans les choses matĂ©rielles et sensibles une similitude formelle des prototypes spirituels que les sens ne peuvent atteindre directement » ; il sâagit là « dâune rĂ©alitĂ© envisagĂ©e Ă diffĂ©rents niveaux de rĂ©fĂ©rence, ou, si lâon prĂ©fĂšre, de diffĂ©rents ordres de rĂ©alitĂ©, mais qui ne sâexcluent pas mutuellement.
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René Guénon (Studies in Hinduism: Collected Works)
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Ă ceux dont lâĂąme a faim et soif de la lumiĂšre dâamour libĂ©ratrice, je les invite Ă explorer certains travaux moins connus, tels que les manuscrits de la mer Morte et les manuscrits de Nag Hammadi. Ils y trouveront des traductions directes de discours du
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Claire Heartsong (Anna, grand-mĂšre de JĂ©sus: Lâhistoire extraordinaire dâune femme qui a changĂ© le monde en donnant naissance Ă une lignĂ©e spirituelle (French Edition))
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[...] lâesprit occidental est presque entiĂšrement dâessence chrĂ©tienne dans tout ce quâil a de positif. Il nâest pas au pouvoir des hommes de se dĂ©faire, par leurs propres moyens, câest-Ă -dire par de simples idĂ©ologies, dâune si profonde hĂ©rĂ©ditĂ© ; leurs intelligences sâexercent selon des habitudes sĂ©culaires, mĂȘme lorsquâelles inventent des erreurs. On ne peut faire abstraction de cette formation intellectuelle et mentale, si diminuĂ©e soit-elle (1) ; sâil en est ainsi, et si le point de vue traditionnel subsiste inconsciemment mĂȘme chez ceux qui estiment ne plus devoir se rĂ©clamer dâaucune tradition, ou chez ceux qui, par simple souci dâimpartialitĂ©, veulent se placer en dehors du point de vue chrĂ©tien ou juif, comment pourrait-on supposer que les Ă©lĂ©ments constitutifs dâune autre tradition puissent ĂȘtre interprĂ©tĂ©s dans leur vĂ©ritable sens ? Nâest-il pas frappant que les opinions courantes sur lâIslam par exemple, soient Ă peu prĂšs identiques chez la majoritĂ© des Occidentaux, quâils se disent chrĂ©tiens ou quâils se flattent de ne plus lâĂȘtre ? Les rĂ©serves quâils formulent Ă lâĂ©gard de lâIslam, â pour ne rien dire des cas dâignorance pure et simple ou dâune hostilitĂ© franchement moderniste, â proviennent gĂ©nĂ©ralement beaucoup moins dâune juste apprĂ©ciation des choses, quâelles ne sont le fait dâune hĂ©rĂ©ditĂ© mentale et psychique, qui subsiste dans la pensĂ©e occidentale et qui souvent nây est plus autre chose que le rĂ©sidu de la vraie spiritualitĂ© chrĂ©tienne."
1. Les erreurs philosophiques elles-mĂȘmes ne seraient pas concevables, si elles ne reprĂ©sentaient la nĂ©gation de certaines vĂ©ritĂ©s, et si ces nĂ©gations nâĂ©taient des rĂ©actions directes ou indirectes contre certaines limitations formelles de la tradition ; on voit par lĂ quâaucune erreur, philosophique ou religieuse, ne peut prĂ©tendre Ă une parfaite indĂ©pendance et autonomie vis-Ă -vis de la tradition ou de la conception traditionnelle quâelle rejette ou quâelle dĂ©figure.
"Christianisme et Islam", in Etudes Traditionnelles numéro spécial Tradition islamique, 1934.
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Frithjof Schuon
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Comme nous le disions au dĂ©but, il ne nous est pas possible de tout expliquer Ă la fois ; mais nous nâaffirmons rien gratuitement, et nous avons conscience dâavoir du moins, Ă dĂ©faut de bien dâautres mĂ©rites, celui de ne parler jamais que de ce que nous connaissons. Si donc il en est qui sâĂ©tonnent de certaines considĂ©rations auxquelles ils ne sont pas habituĂ©s, quâils veuillent bien prendre la peine dây rĂ©flĂ©chir plus attentivement, et peut-ĂȘtre sâapercevront-ils alors que ces considĂ©rations, loin dâĂȘtre inutiles ou superflues, sont prĂ©cisĂ©ment parmi les plus importantes, ou que ce qui leur semblait Ă premiĂšre vue sâĂ©carter de notre sujet est au contraire ce qui sây rapporte le plus directement. Il est en effet des choses qui sont liĂ©es entre elles dâune tout autre façon quâon ne le pense dâordinaire, et la vĂ©ritĂ© a bien des aspects que la plupart des Occidentaux ne soupçonnent guĂšre ; aussi craindrions-nous plutĂŽt, en toute occasion, de paraĂźtre trop limiter les choses par lâexpression que nous en donnons que de laisser entrevoir de trop vastes possibilitĂ©s.
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René Guénon (East and West)
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LâĂ©tat humain â ou tout autre Ă©tat « central » analogue â est comme entourĂ© dâun cercle de feu : il nây a lĂ quâun choix, ou bien Ă©chapper au « courant des formes » par le haut, en direction de Dieu, ou bien sortir de lâhumanitĂ© par le bas, Ă travers le feu, lequel est comme la sanction de la trahison de ceux qui nâont pas rĂ©alisĂ© le sens divin de la condition humaine; si « la condition humaine est difficile Ă atteindre», comme lâestiment les Asiates « transmigrationnistes », elle est Ă©galement difficile Ă quitter, pour la mĂȘme raison de position centrale et de majestĂ© thĂ©omorphe. Les hommes vont au feu parce quâils sont des dieux, et ils en sortent parce quâils ne sont que des crĂ©atures; Dieu seul pourrait aller Ă©ternellement en enfer sâil pouvait pĂ©cher. Ou encore : lâĂ©tat humain est tout prĂšs du Soleil divin, sâil est possible de parler ici de « proximitĂ© »; le feu est la rançon Ă©ventuelle â Ă rebours â de cette situation privilĂ©giĂ©e; on peut mesurer celle-ci Ă lâintensitĂ© et Ă lâinextin-guibilitĂ© du feu. Il faut conclure de la gravitĂ© de lâenfer Ă la grandeur de lâhomme, et non pas, inversement, de lâapparente innocence de lâhomme Ă lâinjustice supposĂ©e de lâenfer.
[...] Bien des hommes de notre temps tiennent en somme le langage suivant : « Dieu existe ou il n âexiste pas ; sâil existe et sâil est ce quâon dit, il reconnaĂźtra que nous sommes bons et que nous ne mĂ©ritons aucun chĂątiment » ; câest-a-dire quâils veulent bien croire Ă son existence sâil est conforme Ă ce quâils sâimaginent et sâil reconnaĂźt la valeur quâils sâattribuent Ă eux-mĂȘmes. Câest oublier, dâune part, que nous ne pouvons connaĂźtre les mesures avec lesquelles lâAbsolu nous juge, et dâautre part, que le « feu » dâoutre-tombe nâest rien d âautre, en dĂ©finitive, que notre propre intellect qui sâactualise Ă l'encontre de notre faussetĂ©, ou en dâautres termes, quâil est la vĂ©ritĂ© immanente qui Ă©clate au grand jour. A la mort, lâhomme est confrontĂ© avec lâespace inouĂŻ dâune rĂ©alitĂ©, non plus fragmentaire, mais totale, puis avec la norme de ce quâil a prĂ©tendu ĂȘtre, puisque cette norme fait partie du RĂ©el ; lâhomme se condamne donc lui-mĂȘme, ce sont â dâaprĂšs le Koran â ses membres mĂȘmes qui lâaccusent ; ses violations, une fois le mensonge dĂ©passĂ©, le transforment en flammes ; la nature dĂ©sĂ©quilibrĂ©e et faussĂ©e, avec toute sa vaine assurance, est une tunique de Nessus. Lâhomme ne brĂ»le pas que pour ses pĂ©chĂ©s; il brĂ»le pour sa majestĂ© dâimage de Dieu. Câest le parti pris dâĂ©riger la dĂ©chĂ©ance en norme et lâignorance en gage dâimpunitĂ© que le Koran stigmatise avec vĂ©hĂ©mence â on pourrait presque dire : par anticipation â en confrontant lâassurance de ses contradicteur avec les affres de la fin du monde (1).
En rĂ©sumĂ©, tout le problĂšme de la culpabilitĂ© se rĂ©duit au rapport de la cause Ă lâeffet. Que lâhomme soit loin d'ĂȘtre bon, lâhistoire ancienne et rĂ©cente le prouve surabondamment, lâhomme nâa pas lâinnocence de lâanimal, il a conscience de son imperfection, puisquâil en possĂšde la notion ; donc il est responsable. Ce quâon appelle en terminologie morale la faute de lâhomme et le chĂątiment de Dieu, nâest rien d âautre, en soi, que le heurt du dĂ©sĂ©quilibre humain avec lâEquilibre immanent ; cette notion est capitale.[...]
(1) C'est la mĂȘme un des thĂšmes les plus instamment rĂ©pĂ©tĂ©s de ce livre sacrĂ©, qui marque parfois son caractĂšre d'ultime message par une Ă©loquence presque dĂ©sespĂ©rĂ©e.
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Frithjof Schuon (Understanding Islam)
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L'inconnu Ă©tait une belle direction. Oui, en allant vers l'inconnu, on limitait les chances de se tromper de route.
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SIAUDEAU, Guillaume
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[...] câest que lâĂ©lite, par lĂ mĂȘme que le peuple est son extrĂȘme opposĂ©, trouve vĂ©ritablement en lui son reflet le plus direct, comme en toutes choses le point le plus haut se reflĂšte directement au point le plus bas et non en lâun ou lâautre des points intermĂ©diaires. Câest, il est vrai, un reflet obscur et inversĂ©, comme le corps lâest par rapport Ă lâesprit, mais qui nâen offre pas moins la possibilitĂ© dâun « redressement », comparable Ă celui qui se produit Ă la fin dâun cycle : ce nâest que lorsque le mouvement descendant a atteint son terme, donc le point le plus bas, que toutes choses peuvent ĂȘtre ramenĂ©es immĂ©diatement au point le plus haut pour commencer un nouveau cycle : et câest en cela quâil est exact de dire que « les extrĂȘmes se touchent » ou plutĂŽt se rejoignent. La similitude entre le peuple et le corps, Ă laquelle nous venons de faire allusion, se justifie dâailleurs encore par le caractĂšre dâĂ©lĂ©ment « substantiel » quâils prĂ©sentent Ă©galement lâun et lâautre, dans lâordre social et dans lâordre individuel respectivement, tandis que le mental, surtout si on lâenvisage spĂ©cialement sous son aspect de « rationalitĂ© », correspond plutĂŽt Ă la « classe moyenne ». Il rĂ©sulte aussi de lĂ que lâĂ©lite, en descendant en quelque sorte jusquâau peuple, y trouve tous les avantages de lâ« incorporation », en tant que celle-ci est nĂ©cessaire pour la constitution dâun ĂȘtre rĂ©ellement complet dans notre Ă©tat dâexistence ; et le peuple est pour elle un « support » et une « base », au mĂȘme titre que le corps lâest pour lâesprit manifestĂ© dans lâindividualitĂ© humaine.
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René Guénon (Initiation and Spiritual Realization)
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L'intelligence peut ĂȘtre contemplative ou scrutatrice, intuitive ou discursive, directe ou indirecte. Elle peut ĂȘtre simplement inventive ou constructive, ou mĂȘme se rĂ©duire au bon sens Ă©lĂ©mentaire. Dans chacun de ses modes, il y a des degrĂ©s, en sortes qu'un homme peut ĂȘtre plus intelligent qu'un autre, tout en lui restant infĂ©rieur au point de vue du mode, en d'autre termes, l'intelligence peut ĂȘtre centrĂ©e sur l'Intellect, qui est transcendant et infaillible en son essence, ou sur la raison, qui n'a aucune perception directe des rĂ©alitĂ©s transcendantes et ne saurait garantir, par consĂ©quent, contre l'intrusion de lâĂ©lĂ©ment passionnel dans la pensĂ©e. La raison peut ĂȘtre dĂ©terminĂ©e dans une mesure plus ou moins large par l'Intellect mais elle peut se borner aussi aux choses de la vie pratique, ou mĂȘme aux aspect les plus immĂ©diats et rudimentaires de celle ci.
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Frithjof Schuon (Caste e Razze)
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La Russie et lâEurope (publiĂ© en volume sĂ©parĂ© en 1871), Danilevski propose une union de tous les Slaves sous la direction de la Russie. Ce projet est dâabord motivĂ©, dâaprĂšs lui, par lâimpossibilitĂ© pour son pays de faire partie de lâEurope. La Russie est dâaprĂšs lui trop originale, trop diffĂ©rente, pour sâallier Ă lâOccident. Un premier facteur lâen empĂȘche, sa taille : âOn ne peut nier que la Russie soit trop Ă©norme et trop puissante pour ĂȘtre seulement lâune des grandes puissances europĂ©ennes
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Michel Eltchaninoff (Dans la tĂȘte de Vladimir Poutine)
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Question dâune influence directe du mazdĂ©isme sur le judaĂŻsme naissant est plus difficile Ă rĂ©soudre. On constate, par exemple, dans de nombreux psaumes de lâĂ©poque perse ainsi que dans dâautres textes, que Yhwh est prĂ©sentĂ© comme trĂŽnant au milieu de lâassemblĂ©e cĂ©leste et dĂ©passant tous les autres dieux, qui sont de fait dĂ©gradĂ©s en « anges » ou en « saints
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Thomas Römer (The Invention of God)
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On connaĂźt la considĂ©rable contribution de la psychanalyse Ă cette bĂȘtise modernisĂ©e. Le seul effet de la cure psychanalytique Ă©tait dĂ©jĂ de transformer le patient en analyste, capable de gloser indĂ©finiment sur ses malheurs. Et la psychanalyse peut bien dĂ©cliner en tant que petit commerce,elle s'est pleinement rĂ©alisĂ©e dans la fausse conscience de ce temps: le commentaire perpĂ©tuel et « l'analyse interminable» sont pris en charge par tout un chacun, dans l'impuissance gĂ©nĂ©rale Ă intervenir sur sa vie, Ă trancher. A ceux qui ne trouvent pas eux mĂȘmes leurs raisons dans ce qu'ils vivent directement, il faut toujours plus d'idĂ©es pour ne pas vivre: ils perfectionnent sans cesse leur ignorance au prĂšs des experts, c'est-Ă -dire de ceux qu'ils croient tels. L'existence n'est plus alors qu'une longue suite de« stages de formation» au cours desquels on accumule des connaissances, on thĂ©saurise des capacitĂ©s, pour la jouissance d'une vie imaginaire.
L'Encyclopédie des Nuisances, N°7.
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Encyclopedie des Nuisances