Une Amie Quotes

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J'ai perdu ma force et ma vie, Et mes amis et ma gaieté; J'ai perdu jusqu'à la fierté Qui faisait croire à mon génie. Quand j'ai connu la Vérité, J'ai cru que c'était une amie ; Quand je l'ai comprise et sentie, J'en étais déjà dégoûté. Et pourtant elle est éternelle, Et ceux qui se sont passés d'elle Ici-bas ont tout ignoré. Dieu parle, il faut qu'on lui réponde. Le seul bien qui me reste au monde Est d'avoir quelquefois pleuré.
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Alfred de Musset
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Une bibliothĂšque est une chambre d'amis.
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Tahar Ben Jelloun (Éloge de l'amitiĂ©: La soudure fraternelle)
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Une vie! Quelques jours et puis plus rien! On naĂźt, on grandit, on est heureux, on attend, puis on meurt.
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Guy de Maupassant
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Que l'on soit absent dans la piÚce voisine, ou sur l'autre versant de la planÚte, la différence n'est pas essentielle. La présence de l'ami qui en apparence s'est éloigné, peut se faire plus dense qu'une présence réelle.
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Antoine de Saint-Exupéry (Lettre à un otage)
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- Restons amis ! Cette phrase était vraiment pire que tout. - Je suis sûre qu'une fée meurt à chaque fois qu'on prononce ces mots quelque part, dis-je.
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Kerstin Gier (SmaragdgrĂŒn (Edelstein-Trilogie, #3))
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Le Chat Je souhaite dans ma maison: Une femme ayant sa raison. Un chat passant parmi les livres. Des amis en toute saison Sans lesquels je ne peux pas vivre.
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Guillaume Apollinaire (Alcools)
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Plus je vieillis et plus je trouve qu’on ne peut vivre qu’avec les ĂȘtres qui vous libĂšrent, qui vous aiment d’une affection aussi lĂ©gĂšre Ă  porter que forte Ă  Ă©prouver. La vie d’aujourd’hui est trop dure, trop amĂšre, trop anĂ©miante, pour qu’on subisse encore de nouvelles servitudes, venues de qui on aime [...]. C’est ainsi que je suis votre ami, j’aime votre bonheur, votre libertĂ©, votre aventure en un mot, et je voudrais ĂȘtre pour vous le compagnon dont on est sĂ»r, toujours. The older I get, the more I find that you can only live with those who free you, who love you from a lighter affection to bear as strong as you can to experience Today's life is too hard, too bitter, too anemic, for us to undergo new bondages, from whom we love [...]. This is how I am your friend, I love your happiness, your freedom, Your adventure in one word, and I would like to be for you the companion we are sure of, always. ---- Albert Camus Ă  RenĂ© Char, 17 septembre 1957 (in "Albert Camus - RenĂ© Char : Correspondance 1946-1959") ---- Albert Camus to RenĂ© Char, September 17, 1957 (via RenĂ© Char)
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Albert Camus (Correspondance (1944-1959))
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As-tu dĂ©jĂ  Ă©tĂ© amoureux? C'est horrible non? Ca rend si vulnĂ©rable. Ca t'ouvre la poitrine et le coeur en grand et du coup, n'importe qui peut venir te bousiller de l'intĂ©rieur. On se forge des dĂ©fenses, on se fabrique une belle armure pour que rien ne puisse jamais nous atteindre, et voilĂ  qu'un imbĂ©cile, pas bien diffĂ©rent des autres s'immisce dans notre imbĂ©cile de vie... On lui offre un morceau de soi alors que l'autre n'a rien demandĂ©. Il a juste fait un truc dĂ©bile un jour, genre t'embrasser ou te sourire, mais, depuis, ta vie ne t'appartient plus. L'amour te prend en otage. Il s'insinue en toi. Il te dĂ©vore de l'intĂ©rieur et te laisse tout seul Ă  chialer dans le noir, au point qu'un simple phrase comme "je crois qu'on devrait rester amis" te fait l'effet d'un Ă©clat de verre qu'on t'aurait plantĂ© dans le coeur. Ca fait mal. Pas juste dans ton imagination. Pas juste dans ta tĂȘte. C'est une douleur Ă  fendre l'Ăąme, qui s'incruste en toi et te dĂ©chire du dedans. Je hais l'amour.
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Neil Gaiman (The Sandman, Vol. 9: The Kindly Ones)
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C’est une folie de haĂŻr toutes les roses parce que une Ă©pine vous a piquĂ©, d’abandonner tous les rĂȘves parce que l’un d’entre eux ne s’est pas rĂ©alisĂ©, de renoncer Ă  toutes les tentatives parce qu’on a Ă©choué  C‘est une folie de condamner toutes les amitiĂ©s parce qu’une d’elles vous a trahi, de ne croire plus en l’amour juste parce qu’un d’entre eux a Ă©tĂ© infidĂšle, de jeter toutes les chances d’ĂȘtre heureux juste parce que quelque chose n’est pas allĂ© dans la bonne direction. Il y aura toujours une autre occasion, un autre ami, un autre amour, une force nouvelle. Pour chaque fin il y a toujours un nouveau dĂ©part.
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Antoine de Saint-Exupéry
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Pour lui, il y avait deux bénédictions dans la vie : les livres et les amis, qu'il fallait posséder en proportions inverses. Des livres en grand nombre mais seulement une poignée d'amis.
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Elif Shafak (The Architect's Apprentice)
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Ah ! cher ami, que les hommes sont pauvres en invention. Ils croient toujours qu'on se suicide pour une raison. Mais on peut trĂšs bien se suicider pour deux raisons. Non, ça ne leur entre pas dans la tĂȘte. Alors, Ă  quoi bon mourir volontairement, se sacrifier Ă  l'idĂ©e qu'on veut donner de soi ? Vous mort, ils en profiteront pour donner Ă  votre geste des motifs idiots, ou vulgaires. Les martyrs, cher ami, doivent choisir d'ĂȘtre oubliĂ©s, raillĂ©s ou utilisĂ©s. Quant Ă  ĂȘtre compris, jamais.
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Albert Camus (The Fall)
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J'ai un problĂšme avec la logique. Je n'ai jamais compris comment on pouvait dire une chose et son contraire. Jurer qu'on aime quelqu'un et le blesser, avoir un ami et l'oublier, se dire de la mĂȘme famille et s'ignorer comme des Ă©trangers, revendiquer des grands principes et ne pas les pratiquer, affirmer qu'on croit en Dieu et agir comme s'il n'existait pas, se prendre pour un hĂ©ros quand on se comporte comme un salaud. (p.173)
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Jean-Michel Guenassia (Le Club des incorrigibles optimistes)
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Le matin, quand tu te rĂ©veilles et que ça ne va pas fort, cherche la petite lumiĂšre qui Ă©clairera ta journĂ©e: un cafĂ© pris avec une amie, une balade, quelques pages d'un bon livre, un instant de musique
 Si tu ne la trouves pas, invente-la
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Janine Boissard
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- Pourquoi n'as-tu plus d'amis ? - Ils ont moisi. Je n'avais pas remarqué qu'ils avaient une date de péremption. Il faut faire attention à ça. Mes amis ont commencé à avoir des traces de pourriture, des taches vertes assez dégoûtantes. Ce qu'ils disaient commençait vraiment à sentir mauvais... ("Comment je suis devenu stupide", p210)
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Martin Page (Comment je suis devenu stupide)
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Je n'écris pas pour une petite élite dont je n'ai cure, ni pour cette entité platonique adulée qu'on surnomme la Masse. Je ne crois pas à ces deux abstractions, chÚres au démagogue. J'écris pour moi, pour mes amis et pour adoucir le cours du temps.
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Jorge Luis Borges (The Book of Sand and Shakespeare's Memory)
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Mes amis, j'Ă©cris ce petit mot pour vous dire que je vous aime, que je pars avec la fiertĂ© de vous avoir connus, l'orgueil d'avoir Ă©tĂ© choisi et apprĂ©ciĂ© par vous, et que notre amitiĂ© fut sans doute la plus belle Ɠuvre de ma vie. C'est Ă©trange, l'amitiĂ©. Alors qu'en amour, on parle d'amour, entre vrais amis on ne parle pas d'amitiĂ©. L'amitiĂ©, on la fait sans la nommer ni la commenter. C'est fort et silencieux. C'est pudique. C'est viril. C'est le romantisme des hommes. Elle doit ĂȘtre beaucoup plus profonde et solide que l'amour pour qu'on ne la disperse pas sottement en mots, en dĂ©clarations, en poĂšmes, en lettres. Elle doit ĂȘtre beaucoup plus satisfaisante que le sexe puisqu'elle ne se confond pas avec le plaisir et les dĂ©mangeaisons de peau. En mourant, c'est Ă  ce grand mystĂšre silencieux que je songe et je lui rends hommage. Mes amis, je vous ai vus mal rasĂ©s, crottĂ©s, de mauvaise humeur, en train de vous gratter, de pĂ©ter, de roter, et pourtant je n'ai jamais cessĂ© de vous aimer. J'en aurais sans doute voulu Ă  une femme de m'imposer toutes ses misĂšres, je l'aurais quittĂ©e, insultĂ©e, rĂ©pudiĂ©e. Vous pas. Au contraire. Chaque fois que je vous voyais plus vulnĂ©rables, je vous aimais davantage. C'est injuste n'est-ce pas? L'homme et la femme ne s'aimeront jamais aussi authentiquement que deux amis parce que leur relation est pourrie par la sĂ©duction. Ils jouent un rĂŽle. Pire, ils cherchent chacun le beau rĂŽle. Théùtre. ComĂ©die. Mensonge. Il n'y a pas de sĂ©curitĂ© en l'amour car chacun pense qu'il doit dissimuler, qu'il ne peut ĂȘtre aimĂ© tel qu'il est. Apparence. Fausse façade. Un grand amour, c'est un mensonge rĂ©ussi et constamment renouvelĂ©. Une amitiĂ©, c'est une vĂ©ritĂ© qui s'impose. L'amitiĂ© est nue, l'amour fardĂ©. Mes amis, je vous aime donc tels que vous ĂȘtes.
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Éric-Emmanuel Schmitt (La Part de l'autre)
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La rose complĂšte J’ai une telle conscience de ton ĂȘtre, rose complĂšte, que mon consentement te confond avec mon cƓur en fĂȘte. Je te respire comme si tu Ă©tais, rose, toute la vie, et je me sens l’ami parfait d’une telle amie.
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Rainer Maria Rilke (The Complete French Poems of Rainer Maria Rilke)
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Ma Solitude Pour avoir si souvent dormi Avec ma solitude Je m'en suis fait presqu'une amie Une douce habitude Ell' ne me quitte pas d'un pas FidĂšle comme une ombre Elle m'a suivi çà et lĂ  Aux quatre coins du monde Non, je ne suis jamais seul Avec ma solitude Quand elle est au creux de mon lit Elle prend toute la place Et nous passons de longues nuits Tous les deux face Ă  face Je ne sais pas vraiment jusqu'oĂč Ira cette complice Faudra-t-il que j'y prenne goĂ»t Ou que je rĂ©agisse? Non, je ne suis jamais seul Avec ma solitude Par elle, j'ai autant appris Que j'ai versĂ© de larmes Si parfois je la rĂ©pudie Jamais elle ne dĂ©sarme Et si je prĂ©fĂšre l'amour D'une autre courtisane Elle sera Ă  mon dernier jour Ma derniĂšre compagne Non, je ne suis jamais seul Avec ma solitude
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Georges Moustaki
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Pourquoi souffrons-nous ainsi ? demande le vieux poĂšte Norbert de Varenne Ă  Georges Duroy. C’est que nous Ă©tions nĂ©s sans doute pour vivre d’avantage selon la matiĂšre et moins selon l’esprit ; mais, Ă  force de penser, une disproportion s’est faite entre l’état de notre intelligence agrandie et les conditions immuables de notre vie.
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Guy de Maupassant (Bel-Ami)
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Nous savions que si l'intelligence du texte est une rude et solitaire conquĂȘte de l'esprit, la blague stupide Ă©tablit, elle, une connivence reposante qui ne se partage qu'entre amis de confiance. C'est avec nos intimes que nous Ă©changeons les histoires les plus bĂȘtes, façon de rendre un hommage implicite Ă  la finesse de leur esprit. Avec les autres, on fait les malins, on dĂ©balle son savoir, on en installe, on sĂ©duit.
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Daniel Pennac
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Je suis si persuadée que l'amour est une chose incommode que j'ai de la joie que mes amis et moi en soyons exempts.
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Madame de La Fayette
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La vie est une cîte. Tant qu'on monte, on regarde le sommet, et on se sent heureux; mais, lorsqu'on arrive en haut, on aperçoit tout d'un coup la descente, et la fin, qui est la mort. Ça va lentement quand on monte, mais ça va vite quand on descend. A votre ñge, on est joyeux. On espùre tant de choses, qui n'arrivent jamais d'ailleurs. Au mien, on n'attend plus rien... que la mort.
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Guy de Maupassant (Bel-Ami)
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Avec rien qu'un livre ouvert sur une serviette, vous passez du statut de petite-conne-toute-seule-qui-n'a-pas-d'amis-et-qui-se-fait-chier Ă  celui de petite-rebelle-peinarde-dans-sa-bulle-et-qui-vous-emmerde.
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Michel Bussi (Le temps est assassin)
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Elle aimait la vie, il aimait la mort, Il aimait la mort, et ses sombres promesses, Avenir incertain d'un garçon en dĂ©tresse, Il voulait mourir, laisser partir sa peine, Oublier tous ces jours Ă  la mĂȘme rengaine... Elle aimait la vie, heureuse d'exister, Voulait aider les gens et puis grandir en paix, C'Ă©tait un don du ciel, toujours souriante, Fleurs et nature, qu'il pleuve ou qu'il vente. Mais un beau jour, la chute commença, Ils tombĂšrent amoureux, mauvais choix, Elle aimait la vie et il aimait la mort, Qui d'entre les deux allait ĂȘtre plus fort? Ils s'aimaient tellement, ils auraient tout sacrifiĂ©, Amis et famille, capables de tout renier, Tout donner pour s'aimer, tel Ă©tait leur or, Mais elle aimait la vie et il aimait la mort... Si diffĂ©rents et pourtant plus proches que tout, Se comprenant pour protĂ©ger un amour fou, L'un ne rĂȘvait que de mourir et de s'envoler, L'autre d'une vie avec lui, loin des atrocitĂ©s... Fin de l'histoire : obligĂ©s de se sĂ©parer, Ils s'Ă©taient promis leur Ă©ternelle fidĂ©litĂ©. Aujourd'hui, le garçon torturĂ© vit pour elle, Puisque la fille, pour lui, a rendu ses ailes... Il aimait la mort, elle aimait la vie, Il vivait pour elle, elle est morte pour lui »
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William Shakespeare
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Oh! je voudrais tant que tu te souviennes Des jours heureux oĂč nous Ă©tions amis En ce temps-lĂ  la vie Ă©tait plus belle Et le soleil plus brĂ»lant qu'aujourd'hui. Les feuilles mortes se ramassent Ă  la pelle Tu vois, je n'ai pas oubliĂ© Les feuilles mortes se ramassent Ă  la pelle Les souvenirs et les regrets aussi. Et le vent du Nord les emporte, Dans la nuit froide de l'oubli. Tu vois je n'ai pas oubliĂ©, La chanson que tu me chantais... Les feuilles mortes se ramassent Ă  la pelle Les souvenirs et les regrets aussi, Mais mon amour silencieux et fidĂšle Sourit toujours et remercie la vie. Je t'aimais tant, tu Ă©tais si jolie, Comment veux-tu que je t'oublie? En ce temps-lĂ  la vie Ă©tait plus belle Et le soleil plus brĂ»lant qu'aujourd'hui. Tu Ă©tais ma plus douce amie Mais je n'ai que faire des regrets. Et la chanson que tu chantais, Toujours, toujours je l'entendrai. C'est une chanson qui nous ressemble, Toi tu m'aimais, moi je t'aimais Et nous vivions, tous deux ensemble, Toi qui m'aimais, moi qui t'aimais. Mais la vie sĂ©pare ceux qui s'aiment, Tout doucement, sans faire de bruit Et la mer efface sur le sable Les pas des amants dĂ©sunis. C'est une chanson qui nous ressemble, Toi tu m'aimais et je t'aimais Et nous vivions tous deux ensemble, Toi qui m'aimais, moi qui t'aimais. Mais la vie sĂ©pare ceux qui s'aiment, Tout doucement, sans faire de bruit Et la mer efface sur le sable Les pas des amants dĂ©sunis.
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Jacques Prévert
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Dans le mot défection, il y a une autre idée  : son pÚre lui a manqué. Et le double sens de ce verbe convient absolument. D'abord, une faute, une infraction, une violation. Il s'est dérobé à ses obligations, écarté des routes droites, il a enfreint les rÚgles non écrites, péché contre l'ordre établi, joué contre son camp, piétiné la confiance placée en lui, offensé ses proches, ses amis, il a trahi. Ensuite, une morsure, une douleur, un chagrin. Il n'a pas été présent alors qu'on comptait sur lui, il a laissé un vide que nul n'est venu combler, des questions auxquelles nul n'a su répondre, une frustration irréductible, une demande affective que nul n'a été en mesure d'étancher.
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Philippe Besson (« ArrĂȘte avec tes mensonges »)
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La vie est une succession de moments qui ne cessent de changer, comme les pensĂ©es. Parfois ça va, parfois ça ne va pas. MĂȘme si c'est dans la nature humaine de ruminer, il ne faut pas se laisser envahir par une pensĂ©e nĂ©gative, parce que les pensĂ©es sont comme des invitĂ©s, ou des amies des bons jours. SitĂŽt arrivĂ©es, certaines peuvent s'Ă©vaporer, et mĂȘme celles que l'on rumine longtemps peuvent disparaĂźtre en un instant. Les moments sont prĂ©cieux. Parfois ils trainent, d'autres fois ils nous Ă©chappent, et cependant on pourrait tant en profiter. Il suffit de les saisir...
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Cecelia Ahern (How to Fall in Love)
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Une légende court les livres. Elle parle de trois amis, trois persans qui ont marqué, chacun à sa façon, les débuts de notre millénaire : Omar Khayyam qui a observé le monde, Nizam-El Mok qui l'a gouverné, Hassan Sabbah qui l'a terrorisé.
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Amin Maalouf (Samarkand)
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Mais, comme il éprouvait une peine infinie à découvrir des idées, il prit la spécialité des déclamations sur la décadence des moeurs sur l'abaissement des caractÚres, l'affaissement du patriotisme et l'anémie de l'honneur français. (Il avait trouvé le mot "anémie" dont il était fier.)
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Guy de Maupassant (Bel-Ami)
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- Mon prince, rĂ©pliqua la duchesse avec Ă©nergie, voilĂ  ce qu’il en coĂ»te d’employer des scĂ©lĂ©rats de basse naissance. PlĂ»t Ă  Dieu que vous pussiez perdre un million, et ne jamais prĂȘter crĂ©ance aux bas coquins qui ont empĂȘchĂ© votre pĂšre de dormir pendant les six derniĂšres annĂ©es de son rĂšgne. Le mot basse naissance avait plu extrĂȘmement Ă  la princesse, qui trouvait que le comte et son amie avaient une estime trop exclusive pour l’esprit, toujours un peu cousin germain du jacobinisme.
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Stendhal
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L'éphémÚre est une divinité polymorphe ainsi que son nom. Sur ces trois pieds qui sonnent comme une légende peuplée d'yeux de farfadets, mon ami Robert Desnos, ce singulier sage moderne, qui a des navires étranges dans chaque pli de sa cervelle, s'est longuement penché, cherchant par l'échelle de soie philologique le sens de ce mot fertile mirages.
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Louis Aragon
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Muzil passa une matinée à l'hÎpital pour faire des examens, il me raconta à quel point le corps, il l'avait oublié, lancé dans les circuits médicaux, perd toute identité, ne reste plus qu'un paquet de chair involontaire, brinquebalé par-ci par-là, à peine un matricule, un nom passé dans la moulinette administrative, exsangue de son histoire et de sa dignité.
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HervĂ© Guibert (À l'ami qui ne m'a pas sauvĂ© la vie)
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Il était une fois un petit prince qui habitait une planÚte à peine plus grande que lui, et qui avait besoin d'un ami...
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Antoine de Saint-Exupéry (Le Petit Prince)
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Planchet, mon ami, dit d’Artagnan, tu raisonnes comme une fromage.
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Alexandre Dumas (Vingt ans aprĂšs, 1)
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- C'est étrange de penser qu'une déesse puisse avoir besoin d'amis. - Toutes les créatures qui ne sont pas folles en ont besoin.
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Madeline Miller (Circe)
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- Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis? ton pÚre, ta mÚre, ta soeur ou ton frÚre? - Je n'ai ni pÚre, ni mÚre, ni soeur, ni frÚre. - Tes amis? - Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu. - Ta patrie? - J'ignore sous quelle latitude elle est située. - La beauté? - Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle? - L'or? - Je le hais comme vous haïssez Dieu. - Eh! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger? - J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages!
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Charles Baudelaire
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Seule la littĂ©rature peut vous permettre d'entrer en contact avec l'esprit d'un mort, de maniĂšre plus directe, plus complĂšte et plus profonde que ne le ferait mĂȘme la conversation avec un ami – aussi profonde, aussi durable que soit une amitiĂ©, jamais on ne se livre, dans une conversation, aussi complĂštement qu'on ne le fait devant une feuille vide, s'adressant Ă  un destinataire inconnu.
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Michel Houellebecq (Soumission)
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Mais quelle Ă©trange leçon de gĂ©ographie je reçus lĂ ! Guillaumet ne m'enseignait pas l'Espagne; il me faisait de l'Espagne une amie. Il ne me parlait ni d'hydrographie, nie de populations, ni de cheptel. Il ne me parlait pas de Guadix, mais des trois orangers qui, prĂšs de Guadix, bordent un champ : " MĂ©fie-toi d'eux, marque-les sur ta carte... " Et les trois orangers y tenaient dĂ©sormais plus de place que la Sierra Nevada. Il ne me parlait pas de Lorca, mais d'une simple ferme prĂšs de Lorca. D'une ferme vivante. Et de son fermier. Et de sa fermiĂšre. Et ce couple prenait, perdu dans l'espace, Ă  quinze cents kilomĂštres de nous, une importance dĂ©mesurĂ©e. Bien installĂ©s sur le versant de leur montagne, pareils Ă  des gardiens de phare, ils Ă©taient prĂȘts, sous leur Ă©toiles, Ă  porter secours Ă  des hommes. (Terre des Hommes, ch. I)
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Antoine de Saint-Exupéry
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Il revoyait en souvenir la jolie citĂ© claire, dĂ©gringolant, comme une cascade de maisons plates, du haut de sa montagne dans la mer, mais il ne trouvait plus un mot pour exprimer ce qu’il avait vu, ce qu’il avait senti.
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Guy de Maupassant (Bel-Ami)
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Tristan contrefit sa voix et rĂ©pondit : « Aux noces de l'abbĂ© du Mont, qui est de mes amis. Il a Ă©pousĂ© une abbesse, une grosse dame voilĂ©e. De Besançon jusqu'au Mont tous les prĂȘtres, abbĂ©s, moines et clercs ordonnĂ©s ont Ă©tĂ© mandĂ©s Ă  ces Ă©pousailles : et tous sur la lande, portant bĂątons et crosses, jouent et dansent Ă  l'ombre des grands arbres. Mais je les ai quittĂ©s pour venir ici : car je dois aujourd'hui servir Ă  la table du roi. »
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Joseph Bédier (The Romance of Tristan and Iseult (Vintage Classics))
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Mon cher ami, pour moi un homme amoureux est rayé du nombre des vivants. Il devient idiot, pas seulement idiot, mais dangereux. Je cesse, avec les gens qui m'aiment d'amour, ou qui le prétendent, toute relation intime, parce qu'ils m'ennuient d'abord, et puis parce qu'ils me sont suspects comme un chien enragé qui peut avoir une crise. Je les mets donc en quarantaine morale jusqu'à ce que leur maladie soit passée. Ne l'oubliez point. Je sais bien que chez vous l'amour n'est autre chose qu'une espÚce d'appétit, tandis que chez moi ce serait, au contraire, une espÚce de... de... de communion des ùmes qui n'entre pas dans la religion des hommes. Vous en comprenez la lettre, et moi l'esprit.
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Guy de Maupassant (Bel-Ami)
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Car au soleil comme sous la pluie il n'y a pas de meilleure amie qu'une sƓur, une sƓur avec qui rĂȘver quand on s'ennuie une sƓur pour se retrouver dans la nuit, une sƓur pour nous relever, une sƓur qui donne la force de se soulever.
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Christina Rossetti (Laura, Lizzie et les hommes-gobelins)
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Il admirait le curieux aveuglement par quoi les hommes, si renseignĂ©s pourtant sur ce qui change en eux, imposent Ă  leurs amis l'image qu'une fois pour toutes ils se sont faite d'eux. Pour lui, on le jugeait selon ce qu'il avait Ă©tĂ©. Comme un chien ne change pas de caractĂšre, les hommes sont des chiens pour l'homme. Et dans la mesure mĂȘme oĂč CĂ©leste, RenĂ© et les autres l'avaient beaucoup connu, il leur devenait aussi Ă©tranger et aussi fermĂ© qu'une planĂšte inhabitĂ©e.
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Albert Camus (A Happy Death)
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Les vies gays sont souvent des vies diffĂ©rĂ©es ; elles commencent lorsqu'un individu se rĂ©invente lui-mĂȘme, en sortant de son silence, de sa clandestinitĂ© honteuse, ou en tout cas en s'amĂ©nageant des espaces oĂč il lui est possible d'ĂȘtre ce qu'il est et veut ĂȘtre. Lorsqu'il choisit au lieu de subir, et par exemple, lorsqu'il se compose une autre famille - constituĂ©e de ses amis, de ses amants, de ses anciens amants devenus ses amis et des amis de ses anciens amants - et reconstruit ainsi son identitĂ© aprĂšs avoir quittĂ© le champ clos et Ă©touffant de sa famille d'origine et de ses injonctions tacites ou explicites Ă  l'hĂ©tĂ©rosexualitĂ©. Une telle fuite ne signifie pas nĂ©cessairement, cela va de soi, la rupture totale avec sa famille, mais plutĂŽt la nĂ©cessitĂ© de s'en tenir Ă©loignĂ© et de la tenir Ă  distance. Avant cela, les vies gays ne sont que des vies vĂ©cues par procuration, des vies imaginĂ©es, ou des vies attendues, espĂ©rĂ©es autant que redoutĂ©es. (p. 46)
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Didier Eribon (Insult and the Making of the Gay Self (Series Q))
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Les amants, en effet, regrettent le bien qu’ils ont fait, une fois que leur dĂ©sir est Ă©teint. Ceux qui n’ont pas d’amour, au contraire, n’ont jamais occasion seyante au repentir, car ce n’est point par contrainte, mais librement, comme s’ils s’occupaient excellemment des biens de leurs demeures, qu’ils font, dans la mesure de leurs moyens, du bien Ă  leurs amis. Les amants considĂšrent en outre, et les dommages que leur amour fit Ă  leurs intĂ©rĂȘts et les largesses qu’ils ont dĂ» consentir ; puis, en y ajoutant la peine qu’ils ont eue, ils pensent depuis longtemps avoir dĂ©jĂ  payĂ© Ă  leurs aimĂ©s le juste prix des faveurs obtenues. Par contre, ceux qui ne sont pas Ă©pris ne peuvent, ni prĂ©texter les affaires nĂ©gligĂ©es par amour, ni mettre en ligne de compte les souffrances passĂ©es, ni allĂ©guer les diffĂ©rends familiaux qu’ils ont eus. Exempts de tous ces maux, il ne leur reste plus qu’à s’empresser de mettre en acte tout ce qu’ils croient devoir leur donner du plaisir.
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Plato (Phaedrus (Hackett Classics))
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- Les gens ont des Ă©toiles qui ne sont pas les mĂȘme. Pour les uns, qui voyagent, les Ă©toiles sont des guides. Pour d'autres elles ne sont rien que de petites lumiĂšres. Pour d'autres, qui sont savants, elles sont des problĂšmes.[...] Mais toutes ces Ă©toiles-lĂ  se taisent. Toi, tu auras des Ă©toiles comme personne n'en a... - Que veux-tu dire? - Quand tu regarderas le ciel, la nuit, puisque j'habiterai dan l'une d'elles, puisque je rirai dans l'une d'elles, alors ce sera pour toi comme si risaient toutes les Ă©toiles. Tu auras, toi, des Ă©toiles qui savent rire! Et il rit encore. - Et quand tu seras consolĂ© (on se console toujours) tu seras content de m'avoir connu. Tu seras toujours mon ami. Tu auras envie de rire avec moi.
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Antoine de Saint-Exupéry (Le Petit Prince (French Edition))
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Quand j'ai cessĂ© de voir trouble, j'ai aperçu une belle brune qui m'observait. Alice m'avait vu dĂ©gouliner. Je ne sais pas si c'est l'Ă©motion, ou le contraste avec le lieu, mais j'ai ressenti une immense attirance pour cette mystĂ©rieuse apparition en pull moulant noir. Plus tard, Alice m'avoua qu'elle m'avait trouvĂ© trĂšs beau: mettons cette erreur d'apprĂ©ciation sur le compte de l'instinct maternel. L'essentiel, c'est que mon attirance Ă©tait rĂ©ciproque - elle avait envie de me consoler, cela se voyait. Cette rencontre m'a appris que la meilleure chose Ă  faire dans un enterrement, c'est de tomber amoureux. C'Ă©tait une amie d'une cousine. Elle me prĂ©senta son mari, Antoine, trĂšs sympa, trop, peut-ĂȘtre. Pendant qu'elle embrassait mes joues mouillĂ©es, elle comprit que j'avais compris qu'elle avait vu que j'avais vu qu'elle m'avait regardĂ© comme elle m'avait regardĂ©. Je me souviendrai toujours de la premiĂšre chose que je lui ai dite: — J'aime bien la structure osseuse de ton visage.
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Frédéric Beigbeder (L'amour dure trois ans (Marc Marronnier, #3))
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Rares sont les amis fondamentaux, ceux dont nous pouvons dire qu'ils ont changĂ© notre vie, avec cette certitude Ă©trange que, sans eux, notre vie tout simplement n'aurait pas Ă©tĂ© la mĂȘme, avec l'intime conviction que l'incidence de ce lien, son influence, ne se limite pas Ă  quelques dĂźners, soirĂ©es ou vacances, mais que ce lien a irradiĂ©, rayonnĂ© bien au-delĂ , qu'il a agi sur les choix importants que nous avons faits, qu'il a profondĂ©ment modifiĂ© notre maniĂšre d'ĂȘtre et contribuĂ© Ă  affirmer notre mode de vie.
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Delphine de Vigan (D'aprĂšs une histoire vraie)
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ce qui diffĂšre essentiellement entre un livre et un ami, ce n’est pas leur plus ou moins grande sagesse, mais la maniĂšre dont on communique avec eux, la lecture, au rebours de la conversation, consistant pour chacun de nous Ă  recevoir communication d’une autre pensĂ©e, mais tout en restant seul, c’est-Ă -dire en continuant Ă  jouir de la puissance intellectuelle qu’on a dans la solitude et que la conversation dissipe immĂ©diatement, en continuant Ă  pouvoir ĂȘtre inspirĂ©, Ă  rester en plein travail fĂ©cond de l’esprit sur lui-mĂȘme.
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Marcel Proust (Days of Reading (Penguin Great Ideas))
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Deslauriers, qui couchait dans le cabinet au bois, prĂšs de la fontaine, poussait un long bĂąillement. FrĂ©dĂ©ric s'asseyait au pied de son lit. D'abord il parlait du dĂźner, puis il racontait mille dĂ©tails insignifiants, oĂč il voyait des marques de mĂ©pris ou d'affection. Une fois, par exemple, elle avait refusĂ© son bras, pour prendre celui de Dittmer, et FrĂ©dĂ©ric se dĂ©solait. - Ah ! quelle bĂȘtise! Ou bien elle l'avait appelĂ© son "ami". - Vas-y gaiement, alors! - Mais je n'ose pas, disait FrĂ©dĂ©ric. - Eh bien, n'y pense plus. Bonsoir.
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Gustave Flaubert (Sentimental Education)
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L'heure s'est dĂ©roulĂ©e rapidement : rĂ©cits de combats ; batailles gagnĂ©es sur des guerres qui seraient forcĂ©ment perdues ; espoirs auxquels se raccrocher ; familles Ă  la fois vantĂ©es et accusĂ©es ; accord gĂ©nĂ©ral sur le fait que les amis n'y pigeaient rien ; larmes versĂ©es ; rĂ©confort prodiguĂ©. (
) - J'ai peur de l'oubli. J'en ai peur comme un aveugle que je connais a peur du noir. - Futur aveugle, a prĂ©cisĂ© Isaac avec une Ă©bauche de sourire. - Je suis trop dur ? a demandĂ© Augustus. C'est vrai qu'il m'arrive d'ĂȘtre aveugle aux sentiments des autres.
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John Green (The Fault in Our Stars)
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Avez-vous remarquĂ© que la mort seule rĂ©veille nos sentiments? Comme nous aimons les amis qui viennent de nous quitter, n’est-ce pas? Comme nous admirons ceux de nos maĂźtres qui ne parlent plus, la bouche pleine de terre! L’hommage vient alors tout naturellement, cet hommage que, peut-ĂȘtre, ils avaient attendu de nous toute leur vie. Mais savez-vous pourquoi nous sommes toujours plus justes et plus gĂ©nĂ©reux avec les morts? La raison est simple ! Avec eux, il n’y a pas d’obligation. Ils nous laissent libres, nous pouvons prendre notre temps, caser l’hommage entre le cocktail et une gentille maĂźtresse, Ă  temps perdu, en somme. S’ils nous obligeaient Ă  quelque chose, ce serait Ă  la mĂ©moire, et nous avons la mĂ©moire courte. Non, c’est le mort frais que nous aimons chez nos amis, le mort douloureux, notre Ă©motion, nous-mĂȘmes enfin!
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Albert Camus (The Fall)
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C’est une folie de haĂŻr toutes les roses parce que une Ă©pine vous a piquĂ©, d’abandonner tous les rĂȘves parce que l’un d’entre eux ne s’est pas rĂ©alisĂ©, de renoncer Ă  toutes les tentatives parce qu’on a Ă©choué  C ‘est une folie de condamner toutes les amitiĂ©s parce qu’une d’elles vous a trahi, de ne croire plus en l’amour juste parce qu’un d’entre eux a Ă©tĂ© infidĂšle, de jeter toutes les chances d’ĂȘtre heureux juste parce que quelque chose n’est pas allĂ© dans la bonne direction. Il y aura toujours une autre occasion, un autre ami, un autre amour, une force nouvelle. Pour chaque fin il y a toujours un nouveau dĂ©part.
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Antoine de Saint-Exupéry
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Il s'avança un fauteuil, s'installa entre sa femme et sa mÚre et, tandis que Dawn parlait, il lui prit la main. Il y a cent façons de prendre la main de quelqu'un. Selon que c'est la main d'un enfant, la main d'un ami, la main d'un parent agé, la main de celui qui part, la main du mourant, la main du mort. Il tenait la main de Dawn comme on tient la main d'une femme adorée, toute sa ferveur passant dans son étreinte, comme si, par cette pression de sa paume, il arrivait à échanger leurs ùmes, comme si ces doigts enlacés symbolisaient toute leur intimité. Il tenait la main de Dawn comme s'il ne savait rien de leur situation présente.
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Philip Roth (American Pastoral)
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Il n’y avait que nous : nous sept, les arbres, le ciel, le lac, la lune, et bien sĂ»r, Shakespeare. Il vivait avec nous comme une huitiĂšme colocataire, un ami plus vieux et plus sage. Toujours loin des yeux, mais jamais loin du cƓur, comme s’il venait tout juste de quitter la piĂšce. Grande est la force de la divine poĂ©sie.
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M. L. Rio (If We Were Villains)
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AussitĂŽt, je pense au monde dont je suis exclu, aux fraternitĂ©s qu'il a construites et oĂč je n'ai pas ma place, Ă  ses jours ordinaires Ă©galement, oĂč je ne figure pas. L'ami incarne tout cela, le serrement de main symbolise tout cela. Moi, je suis le monde invisible, souterrain, extraordinaire. D'habitude, cette singularitĂ© me rend heureux. Ce soir, elle me fait bĂȘtement souffrir. Car, tout de mĂȘme, il y a l'intimitĂ© foudroyante entre nous, parfois, l'insurpassable proximitĂ©, mais l'ignorance le reste du temps, l'absolue sĂ©paration  : une telle schizophrĂ©nie, avouez que ça peut venir Ă  bout de la raison des plus Ă©quilibrĂ©s. Et je n'Ă©tais pas le plus Ă©quilibrĂ©.
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Philippe Besson (« ArrĂȘte avec tes mensonges »)
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— Le patron ? Un vrai juif ! Et vous savez, les juifs on ne les changera jamais. Quelle race ! Et il cita des traits Ă©tonnants d’avarice, de cette avarice particuliĂšre aux fils d’IsraĂ«l, des Ă©conomies de dix centimes, des marchandages de cuisiniĂšre, des rabais honteux demandĂ©s et obtenus, toute une maniĂšre d’ĂȘtre d’usurier, de prĂȘteur Ă  gages.
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Guy de Maupassant (Bel-Ami)
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Cette sociĂ©tĂ©, que j'ai remarquĂ©e la premiĂšre dans ma vie, est aussi la premiĂšre qui ait disparu Ă  mes yeux. J'ai vu la mort entrer sous ce toit de paix et de bĂ©nĂ©diction, le rendre peu Ă  peu solitaire, fermer une chambre et puis une autre qui ne se rouvrait plus. J'ai vu ma grand'mĂšre forcĂ©e de renoncer Ă  son quadrille, faute des partners accoutumĂ©s; j'ai vu diminuer le nombre de ces constantes amies, jusqu'au jour oĂč mon aĂŻeule tomba la derniĂšre. Elle et sa sƓur s'Ă©taient promis de s'entre-appeler aussitĂŽt que l'une aurait devancĂ© l'autre; elles se tinrent parole, et madame de BedĂ©e ne survĂ©cut que peu de mois Ă  mademoiselle de Boisteilleul. Je suis peut-ĂȘtre le seul homme au monde qui sache que ces personnes ont existĂ©. Vingt fois, depuis cette Ă©poque, j'ai fait la mĂȘme observation; vingt fois des sociĂ©tĂ©s se sont formĂ©es et dissoutes autour de moi. Cette impossibilitĂ© de durĂ©e et de longueur dans les liaisons humaines, cet oubli profond qui nous suit, cet invincible silence qui s'empare de notre tombe et s'Ă©tend de lĂ  sur notre maison, me ramĂšnent sans cesse Ă  la nĂ©cessitĂ© de l'isolement. Toute main est bonne pour nous donner le verre d'eau dont nous pouvons avoir besoin dans la fiĂšvre de la mort. Ah! qu'elle ne nous soit pas trop chĂšre! car comment abandonner sans dĂ©sespoir la main que l'on a couverte de baisers et que l'on voudrait tenir Ă©ternellement sur son cƓur?
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François-René de Chateaubriand (Mémoires d'Outre-Tombe)
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Ma libertĂ© Longtemps je t'ai gardĂ©e Comme une perle rare Ma libertĂ© c'est toi qui m'as aidĂ© A larguer les amarres Pour aller n'importe oĂč Pour aller jusqu'au bout Des chemins de fortune Pour cueillir en rĂȘvant Une rose des vents Sur un rayon de lune Ma libertĂ© Devant tes volontĂ©s Mon Ăąme Ă©tait soumise Ma libertĂ© je t'avais tout donnĂ© Ma derniĂšre chemise Et combien j'ai souffert Pour pouvoir satisfaire Tes moindres exigences J'ai changĂ© de pays J'ai perdu mes amis Pour gagner ta confiance Ma libertĂ© Tu as su dĂ©sarmer Toutes mes habitudes Ma libertĂ© toi qui m'as fait aimer MĂȘme la solitude Toi qui m'as fait sourire Quand je voyais finir Une belle aventure Toi qui m'as protĂ©gĂ© Quand j'allais me cacher Pour soigner mes blessures Ma libertĂ© Pourtant je t'ai quittĂ©e Une nuit de dĂ©cembre J'ai dĂ©sertĂ© les chemins Ă©cartĂ©s Que nous suivions ensemble Lorsque sans me mĂ©fier Les pieds et poings liĂ©s Je me suis laissĂ© faire Et je t'ai trahie pour Une prison d'amour Et sa belle geĂŽliĂšre Et je t'ai trahie pour Une prison d'amour Et sa belle geĂŽliĂšre
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Georges Moustaki
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e dois donc toujours me rappeler que Warner et moi sommes 2 noms diffĂ©rents. Nous sommes synonymes, mais diffĂ©rents. Les synonymes se connaissent comme de vieux collĂšgues, comme des amis qui ont voyagĂ© ensemble. Ils Ă©changent des anecdotes, Ă©voquent leurs origines et oublient que, bien qu’étant semblables, ils sont totalement diffĂ©rents ; et que mĂȘme s’ils partagent certains attributs, l’un ne pourra jamais ĂȘtre l’autre. Parce qu’une nuit paisible n’est pas la mĂȘme qu’une nuit silencieuse, un homme solide n’est pas le mĂȘme qu’un homme stable, et une lumiĂšre vive n’est pas la mĂȘme qu’une lumiĂšre Ă©clatante, parce que la maniĂšre dont ces mots s’insĂšrent dans une phrase change tout. Ils ne sont pas identiques.
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Tahereh Mafi (Unravel Me (Shatter Me, #2))
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Ces hommes l'opinion publique et l'opinion publique est terrible dans un pays qui a la charte. Un homme douĂ© d’une Ăąme noble, gĂ©nĂ©reuse, et qui eĂ»t Ă©tĂ© votre ami, mais qui habite Ă  cent lieues, juge de vous par l’opinion publique de votre ville, laquelle est faite par les sots que le hasard a fait naĂźtre nobles, riches et modĂ©rĂ©s. Malheur Ă  qui se distingue.
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Stendhal (Le Rouge et le Noir)
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Mais toutes ces Ă©toiles-lĂ  elles se taisent. Toi, tu auras des Ă©toiles comme personne n’en a... - Que veux-tu dire ? - Quand tu regarderas le ciel, la nuit, puisque j’habiterai dans l’une d’elles, puisque je rirai dans l’une d’elles, alors ce sera pour toi comme si riaient toutes les Ă©toiles. Tu auras, toi, des Ă©toiles qui savent rire ! Et il rit encore. - Et quand tu seras consolĂ© (on se console toujours) tu seras content de m’avoir connu. Tu seras toujours mon ami. Tu auras envie de rire avec moi. Et tu ouvriras parfois ta fenĂȘtre, comme ça, pour le plaisir... Et tes amis seront bien Ă©tonnĂ©s de te voir rire en regardant le ciel. Alors tu leur diras: "Oui, les Ă©toiles, ça me fait toujours rire !" Et ils te croiront fou.
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Antoine de Saint-Exupéry (The Little Prince)
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La solitude est une chose bien Ă©trange. Elle vous envahit, tout doucement et sans faire de bruit, s’assoit Ă  vos cĂŽtĂ©s dans le noir, vous caresse les cheveux pendant votre sommeil. Elle s’enroule autour de vous, vous serre si fort que vous pouvez Ă  peine respirer, que vous n’entendez presque plus la pulsation du sang dans vos veines, tandis qu’elle file sur votre peau et effleure de ses lĂšvres le fin duvet de votre nuque. Elle s’installe dans votre cƓur, s’allonge prĂšs de vous la nuit, dĂ©vore comme une sangsue la lumiĂšre dans le moindre recoin. C’est une compagne de chaque instant, qui vous serre la main pour mieux vous tirer vers le bas quand vous luttez pour vous redresser. Vous vous rĂ©veillez le matin et vous vous demandez qui vous ĂȘtes. Vous n’arrivez pas Ă  vous endormir le soir et tremblez comme une feuille. Vous doutez vous doutez vous doutez. je dois je ne dois pas je devrais pourquoi je ne vais pas Et mĂȘme quand vous ĂȘtes prĂȘt Ă  lĂącher prise. Quand vous ĂȘtes prĂȘt Ă  vous libĂ©rer. Quand vous ĂȘtes prĂȘt Ă  devenir quelqu’un de nouveau. La solitude est une vieille amie debout Ă  votre cĂŽtĂ© dans le miroir ; elle vous regarde droit dans les yeux, vous met au dĂ©fi de mener votre vie sans elle. Vous ne pouvez pas trouver les mots pour lutter contre vous-mĂȘme, lutter contre les mots qui hurlent que vous n’ĂȘtes pas Ă  la hauteur, que vous ne le serez jamais vraiment, jamais vraiment. La solitude est une compagne cruelle, maudite. Parfois, elle ne veut simplement pas vous abandonner
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Tahereh Mafi (Unravel Me (Shatter Me, #2))
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J’aime beaucoup les cimetiĂšres, moi, ça me repose et me mĂ©lancolise j’en ai besoin. Et puis, il y a aussi de bons amis lĂ  dedans, de ceux qu’on ne va plus voir ; et j’y vais encore, moi, de temps en temps. Justement, dans ce cimetiĂšre Montmartre, j’ai une histoire de cƓur, une maĂźtresse qui m’avait beaucoup pincĂ©, trĂšs Ă©mu, une charmante petite femme dont le souvenir, en mĂȘme temps qu’il me peine Ă©normĂ©ment, me donne des regrets
 des regrets de toute nature. Et je vais rĂȘver sur sa tombe
 C’est fini pour elle. Et puis, j’aime aussi les cimetiĂšres, parce que ce sont des villes monstrueuses, prodigieusement habitĂ©es. Songez donc Ă  ce qu’il y a de morts dans ce petit espace, Ă  toutes les gĂ©nĂ©rations de Parisiens qui sont logĂ©s lĂ , pour toujours, troglodytes dĂ©finitifs enfermĂ©s dans leurs petits caveaux, dans leurs petits trous couverts d’une pierre ou marquĂ©s d’une croix, tandis que les vivants occupent tant de place et font tant de bruit, ces imbĂ©ciles. Me voici donc entrant dans le cimetiĂšre Montmartre, et tout Ă  coup imprĂ©gnĂ© de tristesse, d’une tristesse qui ne faisait pas trop, de mal, d’ailleurs, une de ces tristesses qui vous font penser, quand on se porte bien : « Ça n’est pas drĂŽle, cet endroit-lĂ , mais le moment n’en est pas encore venu pour moi
 » L’impression de l’automne, de cette humiditĂ© tiĂšde qui sent la mort des feuilles et le soleil affaibli, fatiguĂ©, anĂ©mique, aggravait en la poĂ©tisant la sensation de solitude et de fin dĂ©finitive flottant sur ce lieu, qui sent la mort des hommes.
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Guy de Maupassant (La Maison Tellier)
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La nuit qui suivit ne fut pas celle de la lutte, mais celle du silence. Dans cette chambre retranchĂ©e du monde, au-dessus de ce corps mort maintenant habillĂ©, Rieux sentit planer le calme surprenant qui, bien des nuits auparavant, sur les terrasses au-dessus de la peste, avait suivi l'attaque des portes. DĂ©jĂ , Ă  cette Ă©poque, il avait pensĂ© Ă  ce silence qui s'Ă©levait des lits oĂč il avait laissĂ© mourir des hommes. C'Ă©tait partout la mĂȘme pause, le mĂȘme intervalle solennel, toujours le mĂȘme apaisement qui suivait les combats, c'Ă©tait le silence de la dĂ©faite. Mais pour celui qui enveloppait maintenant son ami, il Ă©tait si compact, il s'accordait si Ă©troitement au silence des rues et de la ville libĂ©rĂ©e de la peste, que Rieux sentait bien qu'il s'agissait cette fois de la dĂ©faite dĂ©finitive, celle qui termine les guerres et fait de la paix elle-mĂȘme une souffrance sans guĂ©rison. Le docteur ne savait pas si, pour finir, Tarrou avait retrouvĂ© la paix, mais, dans ce moment tout au moins, il croyait savoir qu'il n'y aurait jamais plus de paix possible pour lui-mĂȘme, pas plus qu'il n'y a d'armistice pour la mĂšre amputĂ©e de son fils ou pour l'homme qui ensevelit son ami.
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Albert Camus (The Plague)
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Êtes-vous ce qu’on appelle un heureux ? Eh bien, vous ĂȘtes triste tous les jours. Chaque jour a son grand chagrin ou son petit souci. Hier, vous trembliez pour une santĂ© qui vous est chĂšre, aujourd’hui vous craignez pour la vĂŽtre, demain ce sera une inquiĂ©tude d’argent, aprĂšs-demain la diatribe d’un calomniateur, l’autre aprĂšs-demain le malheur d’un ami ; puis le temps qu’il fait, puis quelque chose de cassĂ© ou de perdu, puis un plaisir que la conscience et la colonne vertĂ©brale vous reprochent ; une autre fois, la marche des affaires publiques. Sans compter les peines de cƓur. Et ainsi de suite. Un nuage se dissipe, un autre se reforme. À peine un jour sur cent de pleine joie et de plein soleil. Et vous ĂȘtes de ce petit nombre qui a le bonheur ! Quant aux autres hommes, la nuit stagnante est sur eux.
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Victor Hugo (Les Misérables)
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Eh bien, c'est l'histoire d'un petit ourson qui s'appelle
 Arthur. Et y'a une fĂ©e, un jour, qui vient voir le petit ourson et qui lui dit : Arthur tu vas partir Ă  la recherche du Vase Magique. Et elle lui donne une Ă©pĂ©e hmm
 magique (ouais, parce qu'y a plein de trucs magiques dans l'histoire, bref) alors le petit ourson il se dit : "Heu, chercher le Vase Magique ça doit ĂȘtre drĂŽlement difficile, alors il faut que je parte dans la forĂȘt pour trouver des amis pour m'aider." Alors il va voir son ami Lancelot
 le cerf (parce que le cerf c'est majestueux comme ça), heu, Bohort le faisan et puis LĂ©odagan
 heu
 l'ours, ouais c'est un ours aussi, c'est pas tout Ă  fait le mĂȘme ours mais bon. Donc LĂ©odagan qui est le pĂšre de la femme du petit ourson, qui s'appelle GueniĂšvre la truite
 non, non, parce que c'est la fille de
 non c'est un ours aussi puisque c'est la fille de l'autre ours, non parce qu'aprĂšs ça fait des machins mixtes, en fait un ours et une truite
 non en fait ça va pas. Bref, sinon y'a Gauvain le neveu du petit ourson qui est le fils de sa sƓur Anna, qui est restĂ©e Ă  Tintagel avec sa mĂšre Igerne la
 bah non, ouais du coup je suis obligĂ© de foutre des ours de partout sinon on pige plus rien dans la famille
 Donc c'est des ours, en gros, enfin bref
 Ils sont tous lĂ  et donc Petit Ourson il part avec sa troupe Ă  la recherche du Vase Magique. Mais il le trouve pas, il le trouve pas parce qu'en fait pour la plupart d'entre eux c'est
 c'est des nazes : ils sont hyper mous, ils sont bĂȘtes, en plus y'en a qu'ont la trouille. Donc il dĂ©cide de les faire bruler dans une grange pour s'en dĂ©barrasser
 Donc la fĂ©e revient pour lui dire : "Attention petit ourson, il faut ĂȘtre gentil avec ses amis de la forĂȘt" quand mĂȘme c'est vrai, et du coup Petit Ourson il lui met un taquet dans la tĂȘte Ă  la fĂ©e, comme ça : "BAH !". Alors la fĂ©e elle est comme ça et elle s'en va
 et voilĂ  et en fait il trouve pas le vase. En fait il est
 il trouve pas
 et Petit Ourson il fait de la dĂ©pression et tous les jours il se demande s'il va se tuer ou
 pas

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Alexandre Astier (Kaamelott, livre 3, premiùre partie : Épisodes 1 à 50)
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J’ai arpentĂ© les galeries sans fin des grandes bibliothĂšque, les rues de cette ville qui fĂ»t la nĂŽtre, celle oĂč nous partagions presque tous nos souvenirs depuis l’enfance. Hier, j’ai marchĂ© le long des quais, sur les pavĂ©s du marchĂ© Ă  ciel ouvert que tu aimais tant. Je me suis arrĂȘtĂ© par-ci par-lĂ , il me semblait que tu m’accompagnais, et puis je suis revenu dans ce petit bar prĂšs du port, comme chaque vendredi. Te souviendras-tu ? Je ne sais pas oĂč tu es. Je ne sais pas si tout ce que nous avons vĂ©cu avait un sens, si la vĂ©ritĂ© existe, mais si tu trouves ce petit mot un jour, alors tu sauras que j’ai tenu ma promesse, celle que je t’ai faite. A mon tour de te demander quelque chose, tu me le dois bien. Oublie ce que je viens d’écrire, en amitiĂ© on ne doit rien. Mais voici nĂ©anmoins ma requĂȘte : Dis-lui, dis-lui que quelque part sur cette terre, loin de vous, de votre temps, j’ai arpentĂ© les mĂȘmes rues, ri avec toi autour des mĂȘmes tables, et puisque les pierres demeurent, dis-lui que chacune de celles oĂč nous avons posĂ© nos mais et nos regards contient Ă  jamais une part de notre histoire. Dis-lui, que j’étais ton ami, que tu Ă©tais mon frĂšre, peut-ĂȘtre mieux encore puisque nous nous Ă©tions choisis, dis-lui que rien n’a jamais pu nous sĂ©parer, mĂȘme votre dĂ©part si soudain.
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Marc Levy (La prochaine fois)
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« Les grandes personnes aiment les chiffres. Quand vous leur parlez d'un nouvel ami, elles ne vous questionnent jamais sur l'essentiel. Elles ne vous disent jamais : "Quel est le son de sa voix ? Quels sont les jeux qu'il prĂ©fĂšre ? Est-ce qu'il collectionne les papillons ?" Elles vous demandent : "Quel age a-t-il ? Combien a-t-il de frĂšres ? Combien pĂšse-t-il ? Combien gagne son pĂšre ? " Alors seulement elles croient le connaitre. Si vous dites aux grandes personnes : "J'ai vu une belle maison en briques roses, avec des gĂ©raniums aux fenĂȘtres et des colombes sur le toit..." elles ne parviennent pas Ă  s'imaginer cette maison. Il faut leur dire : "J'ai vu une maison de cent mille francs." Alors elles s'Ă©crient : "Comme c'est joli!" [
] Elles sont comme ça. Il ne faut pas leur en vouloir. Les enfants doivent ĂȘtre trĂšs indulgents envers les grandes personnes. »
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Antoine de Saint-Exupéry (Le Petit Prince)
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Hypocrite qui s'enfonce dans la solitude pour se livrer mieux au debordement de ses convoitises! Tu te prives de viandes, de vin, d'etuves, d'esclaves et d'honneurs; mais comme tu laisses ton imagination t'offrir des banquets, des parfums, des femmes nues et des des foules applaudissantes! Ta chastete n'est qu'une corruption plus subtile, et ce mepris du monde l'impuissance de ta haine contre lui! C'est la ce qui rend tes pareils si lugubres, ou peut-etre parce qu'ils doutent. La possession de la verite donne la joie. Est-ce que Jesus etait triste? Il allait entoure d'amis, se reposait a l'ombre de l'olivier, entrait chez le publicain, multipliait les coupes, pardonnant a la pecheresse, guerissant toutes les douleurs. Toi, tu n'as de pitie que pour ta misere. C'est comme un remords qui t'agite et une demence farouche, jusqu'a repousser la caresse d'un chien ou le sourire d'un enfant.
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Gustave Flaubert (The Temptation of St. Antony)
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Plus tard, j'Ă©crirai sur le manque. Sur la privation insupportable de l'autre. Sur le dĂ©nuement provoquĂ© par cette privation  ; une pauvretĂ© qui s'abat. J'Ă©crirai sur la tristesse qui ronge, la folie qui menace. Cela deviendra la matrice de mes livres, presque malgrĂ© moi. Je me demande quelquefois si j'ai mĂȘme jamais Ă©crit sur autre chose. Comme si je ne m'Ă©tais jamais remis de ça  : l'autre devenu inaccessible. Comme si ça occupait tout l'espace mental. La mort de beaucoup de mes amis, dans le plus jeune Ăąge, aggravera ce travers, cette douleur. Leur disparition prĂ©maturĂ©e me plongera dans des abĂźmes de chagrin et de perplexitĂ©. Je devrai apprendre Ă  leur survivre. Et l'Ă©criture peut ĂȘtre un bon moyen pour survivre. Et pour ne pas oublier les disparus. Pour continuer le dialogue avec eux. Mais le manque prend probablement sa source dans cette premiĂšre dĂ©fection, dans une imbĂ©cile brĂ»lure amoureuse.
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Philippe Besson (« ArrĂȘte avec tes mensonges »)
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Je suis heureuse et fiĂšre de moi, mĂȘme quand je fais les courses. Je sors si j’en ai envie, sinon je reste Ă  la maison pour lire, regarder un film ou bien cuisiner pour moi ou mes amis. Parfois, je mange Ă  table. D’autres fois, je m’assieds par terre, adossĂ©e au canapĂ©. J’ouvre une bouteille de vin mĂȘme quand je suis seule. Je n’ai pas besoin de nĂ©gocier. Je suis indĂ©pendante. Je suis prĂȘte Ă  me battre de toutes mes forces pour prĂ©server cette situation. Pour toujours. Pourtant, moi aussi, j’aurais quelquefois besoin qu’on m’enlace. Besoin de baisser la garde et de me perdre dans les bras d’un homme. De me sentir protĂ©gĂ©e. MĂȘme si je me dĂ©brouille trĂšs bien toute seule, parfois, j’aimerais feindre le contraire juste pour le plaisir que quelqu’un s’occupe de moi. Seulement, je ne veux pas rester avec un homme pour ça. Je ne veux pas devoir accepter des compromis et je n’arrive pas Ă  renoncer Ă  tout ce que j’ai.
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Fabio Volo (One More Day)
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« Écoute, Egor PĂ©trovitch, lui dit-il. Qu’est ce que tu fais de toi ? Tu te perds seulement avec ton dĂ©sespoir. Tu n’as ni patience ni courage. Maintenant, dans un accĂšs de tristesse, tu dis que tu n’as pas de talent. Ce n’est pas vrai. Tu as du talent ; je t’assure que tu en as. Je le vois rien qu’à la façon dont tu sens et comprends l’art. Je te le prouverai par toute ta vie. Tu m’as racontĂ© ta vie d’autrefois. À cette Ă©poque aussi le dĂ©sespoirte visitait sans que tu t’en rendisses compte. À cette Ă©poque aussi, ton premier maĂźtre, cet homme Ă©trange, dont tu m’as tant parlĂ©, a Ă©veillĂ© en toi, pour la premiĂšre fois, l’amour de l’art et a devinĂ© ton talent. Tu l’as senti alors aussi fortement que maintenant. Mais tu ne savais pas ce qui se passait en toi. Tu ne pouvais pas vivre dans la maison du propriĂ©taire, et tu ne savais toi-mĂȘme ce que tu dĂ©sirais. Ton maĂźtre est mort trop tĂŽt. Il t’a laissĂ© seulement avec des aspirations vagues et, surtout, il ne t’a pas expliquĂ© toimĂȘme. Tu sentais le besoin d’une autre route plus large, tu pressentais que d’autres buts t’étaient destinĂ©s, mais tu ne comprenais pas comment tout cela se ferait et, dans ton angoisse, tu as haĂŻ tout ce qui t’entourait alors. Tes six annĂ©es de misĂšre ne sont pas perdues. Tu as travaillĂ©, pensĂ©, tu as reconnu et toi-mĂȘme et tes forces ; tu comprends maintenant l’art et ta destination. Mon ami, il faut avoir de la patience et du courage. Un sort plus enviĂ© que le mien t’est rĂ©servĂ©. Tu es cent fois plus artiste que moi, mais que Dieu te donne mĂȘme la dixiĂšme partie de ma patience. Travaille, ne bois pas, comme te le disait ton bonpropriĂ©taire, et, principalement, commence par l’a, b, c. « Qu’est-ce qui te tourmente ? La pauvretĂ©, la misĂšre ? Mais la pauvretĂ© et la misĂšre forment l’artiste. Elles sont insĂ©parables des dĂ©buts. Maintenant personne n’a encore besoin de toi ; personne ne veut te connaĂźtre. Ainsi va le monde. Attends, ce sera autre chose quand on saura que tu as du talent. L’envie, la malignitĂ©, et surtout la bĂȘtise t’opprimeront plus fortement que la misĂšre. Le talent a besoin de sympathie ; il faut qu’on le comprenne. Et toi, tu verras quelles gens t’entoureront quand tu approcheras du but. Ils tĂącheront de regarder avec mĂ©pris ce qui s’est Ă©laborĂ© en toi au prix d’un pĂ©nible travail, des privations, des nuits sans sommeil. Tes futurs camarades ne t’encourageront pas, ne te consoleront pas. Ils ne t’indiqueront pas ce qui en toi est bon et vrai. Avec une joie maligne ils relĂšveront chacune de tes fautes. Ils te montreront prĂ©cisĂ©ment ce qu’il y a de mauvais en toi, ce en quoi tu te trompes, et d’un air calme et mĂ©prisant ils fĂȘteront joyeusement chacune de tes erreurs. Toi, tu esorgueilleux et souvent Ă  tort. Il t’arrivera d’offenser une nullitĂ© qui a de l’amour-propre, et alors malheur Ă  toi : tu seras seul et ils seront plusieurs. Ils te tueront Ă  coups d’épingles. Moi mĂȘme, je commence Ă  Ă©prouver tout cela. Prends donc des forces dĂšs maintenant. Tu n’es pas encore si pauvre. Tu peux encore vivre ; ne nĂ©glige pas les besognes grossiĂšres, fends du bois, comme je l’ai fait un soir chez de pauvres gens. Mais tu es impatient ; l’impatience est ta maladie. Tu n’as pas assez de simplicitĂ© ; tu ruses trop, tu rĂ©flĂ©chis trop, tu fais trop travailler ta tĂȘte. Tu es audacieux en paroles et lĂąche quand il faut prendra l’archet en main. Tu as beaucoup d’amour-propre et peu de hardiesse. Sois plus hardi, attends, apprends, et si tu ne comptes pas sur tes forces, alors va au hasard ; tu as de la chaleur, du sentiment, peut-ĂȘtre arriveras-tu au but. Sinon, va quand mĂȘme au hasard. En tout cas tu ne perdras rien, si le gain est trop grand. Vois-tu, aussi, le hasard pour nous est une grande chose. »
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Fyodor Dostoevsky (Netochka Nezvanova)
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Les rois, comme les femmes, croient que tout leur est dĂ». Quelque triste que soit ce principe, il est vrai, mais ne dĂ©flore point l'Ăąme. Placez vos sentiments purs en des lieux inaccessibles oĂč leurs fleurs soient passionnĂ©ment admirĂ©es, oĂč l'artiste rĂȘvera presque amoureusement au chef-d'Ɠuvre. Les devoirs, mon ami, ne sont pas des sentiments. Faire ce qu'on doit n'est pas faire ce qui plaĂźt. Un homme doit aller mourir froidement pour son pays, et peut donner avec bonheur sa vie Ă  une femme.
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Honoré de Balzac (Le Lys dans la vallée)
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Un jour il voyait des gens du pays trĂšs occupĂ©s Ă  arracher des orties ; il regarda ce tas de plantes dĂ©racinĂ©es Ăšt dĂ©jĂ  dessĂ©chĂ©es, et dit : — C’est mort. Cela serait pourtant bon si l’on savait s’en servir. Quant l’ortie est jeune, la feuille est un lĂ©gume excellent ; quand elle vieillit, elle a des filaments et des fibres comme le chanvre et le lin. La toile d’ortie vaut la toile de chanvre. HachĂ©e, l’ortie est bonne pour la volaille ; broyĂ©e, elle est bonne pour lĂšs bĂȘtes Ă  cornes, La graine de l’ortie mĂȘlĂ©e au fourrage donne du luisant au poil des animaux ; la racine mĂȘlĂ©e au sel produit une belle couleur jaune. C’est du reste un excellent foin qu’on peut faucher deux fois. Et que faut-il Ă  l’ortie ? Peu de terre, nul soin, nulle culture. Seulement la graine tombe Ă  mesure qu’elle mĂ»rit, et est difficile Ă  rĂ©colter. Avec quelque peine qu’on prendrait, l’ortie serait utile ; on la nĂ©glige, elle devient nuisible. Alors on la tue. Que d’hommes ressemblent Ă  l’ortie ! — Il ajouta aprĂšs un silence : Mes amis, retenez ceci, il n’y a ni mauvaises herbes ni mauvais hommes. Il n’y a que de mauvais cultivateurs.
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Victor Hugo (Les Misérables, tome I/3)
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Tout cette eau descendant avec son chargement de cris, de mĂ©lodies, et d'odeurs de jardins, pleine des lueurs cuivrĂ©es du ciel couchant et des ombres contorsionnĂ©es et grotesques des statues du pont Charles, apportait Ă  Mersault la conscience douloureuse et ardente d'une solitude sans ferveur oĂč l'amour n'avait plus de part. Et s'arrĂȘtant devant le parfum d'eaux et de feuilles qui montait jusqu'Ă  lui, la gorge serrĂ©e, il imaginait des larmes qui ne venaient pas. Il eĂ»t suffi d'un ami, ou des bras ouverts. Mais les larmes s'arrĂȘtaient Ă  la frontiĂšre du monde sans tendresse oĂč il Ă©tait plongĂ©.
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Albert Camus (A Happy Death)
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Mais oui, maĂźtresse... Tenez ! juste au-dessus de nous, voilĂ  le Chemin de saint Jacques (la Voie lactĂ©e). Il va de France droit sur l’Espagne. C’est saint Jacques de Galice qui l’a tracĂ© pour montrer sa route au brave Charlemagne lorsqu’il faisait la guerre aux Sarrasins. Plus loin, vous avez le Char des Ames (la Grande Ourse) avec ses quatre essieux resplendissants. Les trois Ă©toiles qui vont devant sont les Trois BĂȘtes, et cette toute petite contre la troisiĂšme c’est le Charretier. Voyez-vous tout autour cette pluie d’étoiles qui tombent ? Ce sont les Ăąmes dont le bon Dieu ne veut pas chez lui... Un peu plus bas, voici le RĂąteau ou les Trois Rois (Orion). C’est ce qui nous sert d’horloge, Ă  nous autres. Rien qu’en les regardant, je sais maintenant qu’il est minuit passĂ©. Un peu plus bas, toujours vers le midi, brille Jean de Milan, le flambeau des astres (Sirius). Sur cette Ă©toile-lĂ , voici ce que les bergers racontent. Il paraĂźt qu’une nuit Jean de Milan, avec les Trois Rois et la PoussiniĂšre (la PlĂ©iade), furent invitĂ©s Ă  la noce d’une Ă©toile de leurs amies. PoussiniĂšre, plus pressĂ©e, partit, dit-on, la premiĂšre, et prit le chemin haut. Regardez-la, lĂ -haut, tout au fond du ciel. Les Trois Rois coupĂšrent plus bas et la rattrapĂšrent ; mais ce paresseux de Jean de Milan, qui avait dormi trop tard, resta tout Ă  fait derriĂšre, et furieux, pour les arrĂȘter, leur jeta son bĂąton. C’est pourquoi les Trois Rois s’appellent aussi le BĂąton de Jean de Milan... Mais la plus belle de toutes les Ă©toiles, maĂźtresse, c’est la nĂŽtre, c’est l’Etoile du Berger, qui nous Ă©claire Ă  l’aube quand nous sortons le troupeau, et aussi le soir quand nous le rentrons. Nous la nommons encore Maguelonne, la belle Maguelonne qui court aprĂšs Pierre de Provence (Saturne) et se marie avec lui tous les sept ans
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Alphonse Daudet (Lettres de mon moulin)
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responsabilitĂ© de l'offre qu'elle venait lui faire. L'employĂ© fut pris en effet d'une sourde irritation. —Voyons, achĂšve! dit-il. Pourquoi veut-on marier cette jeune fille? —Elle sortait de pension, reprit la courtiĂšre d'une voix dolente, un homme l'a perdue, Ă  la campagne, chez les parents d'une de ses amies. Le pĂšre vient de s'apercevoir de la faute. Il voulait la tuer. La tante, pour sauver la chĂšre enfant, s'est faite complice, et, Ă  elles deux, elles ont contĂ© une histoire au pĂšre, elles lui ont dit que le coupable Ă©tait un honnĂȘte garçon qui ne demandait qu'Ă  rĂ©parer son Ă©garement d'une heure.
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Émile Zola (La curĂ©e (French Edition))
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Camille se tenait prĂšs de Salim. Elle apprĂ©ciait Ă  leur juste valeur les compliments de l'Empereur. En revanche, l'attitude de son ami l'inquiĂ©tait. Elle savait qu'arrivĂ© Ă  ce point du discours, il devait avoir beaucoup de mal Ă  se taire. Elle lui jeta un rapide coup d’Ɠil et se mordit les lĂšvres. Une petite flamme familiĂšre dansait dans ses yeux, annonciatrice d'une prise de parole intempestive, et certainement outrageante. Il fallait le contraindre au silence. Alors que Sil'Afian dressait un tableau hĂ©roĂŻque de leurs exploits, elle aplatit sauvagement les orteils de Salim, tout en lui faisant les gros yeux. HĂ©las, Ellana, qui le surveillait aussi, Ă©tait arrivĂ©e Ă  une conclusion similaire et, au mĂȘme instant, lui Ă©crasa l'autre pied. Le garçon aurait rĂ©ussi Ă  faire bonne figure si, derriĂšre lui, Bjorn et Maniel, sans se concerter, n'avaient pincĂ© son cou tandis que maĂźtre Duom se retournait Ă  moitiĂ© pour lui planter un index agressif dans l'estomac. - ...succĂšs est dĂ» Ă  l'entente parfaite qui Ă  soudĂ© tous les membres de votre groupe dans... Salim poussa soudain un effroyable cri de douleur et bondit au plafond, en essayant simultanĂ©ment d'attraper ses deux pieds, de se masser le cou et de se protĂ©ger le ventre. - ...une merveilleuse amitiĂ© ! conclut l'Empereur.
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Pierre Bottero (L'Ăźle du destin (La QuĂȘte d'Ewilan, #3))
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Être heureux, c’est apprendre Ă  choisir. Non seulement les plaisirs appropriĂ©s mais aussi sa voie, son mĂ©tier, sa maniĂšre de vivre et d’aimer. Choisir ses loisirs, ses amis, les valeurs sur lesquelles fonder sa vie. Bien vivre, c’est apprendre Ă  ne pas rĂ©pondre Ă  toutes les sollicitations, Ă  hiĂ©rarchiser ses prioritĂ©s. L’exercice de la raison permet une mise en cohĂ©rence de notre vie en fonction des valeurs ou des buts que nous poursuivons. Nous choisissons de satisfaire tel plaisir ou de renoncer Ă  tel autre parce que nous donnons un sens Ă  notre vie – et ce, aux deux acceptions du terme : nous lui donnons Ă  la fois une direction et une signification.
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SénÚque
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Pourquoi ce chemin plutĂŽt que cet autre ? OĂč mĂšne-t-il pour nous solliciter si fort ? Quels arbres et quels amis sont vivants derriĂšre l’horizon de ses pierres, dans le lointain miracle de la chaleur ? Nous sommes venus jusqu’ici car lĂ  oĂč nous Ă©tions ce n’était plus possible. On nous tourmentait et on allait nous asservir. Le monde, de nos jours, est hostile aux Transparents. Une fois de plus il a fallu partir
 Et ce chemin, qui ressemblait Ă  un long squelette, nous a conduits Ă  un pays qui n’avait que son souffle pour escalader l’avenir. Comment montrer, sans les trahir, les choses simples dessinĂ©es entre le crĂ©puscule et le ciel ? Par la vertu de la vie obstinĂ©e, dans la boucle du Temps artiste, entre la mort et la beautĂ©.
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René Char (La Postérité du soleil)
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En attendant, bien des hommes restent des « menhirs ». Et le plus triste est peut-ĂȘtre que nous en arrivons Ă  Ă©rotiser leur froideur et leur mutisme, Ă  y voir du mystĂšre, de la profondeur, un trait viril et attirant. C'est ce qu'une de mes amies et moi avons baptisĂ© l'« effet Don Draper ». Au cours d'une conversation, nous avions essayĂ© de cerner ce qui rendait le hĂ©ros de la sĂ©rie Mad Men aussi sĂ©duisant, et nous Ă©tions arrivĂ©es Ă  cette conclusion : l'attitude de ces hommes est si frustrante que la moindre ouverture de leur part, le moindre Ă©change authentique, si timide et Ă©phĂ©mĂšre soit-il, sont vĂ©cus comme une Ă©piphanie bouleversante. Le gars vous grommelle trois mots un peu personnels et vous vous convulsez d'Ă©motion sur la moquette, foudroyĂ©e par cet instant de communion sublime. (p. 203)
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Mona Chollet (Réinventer l'amour: Comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles)
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Sans doute, l’amitiĂ©, l’amitiĂ© qui a Ă©gard aux individus, est une chose frivole, et la lecture est une amitiĂ©. Mais du moins c’est une amitiĂ© sincĂšre, et le fait qu’elle s’adresse Ă  un mort, Ă  un absent, lui donne quelque chose de dĂ©sintĂ©ressĂ©, de presque touchant. C’est de plus une amitiĂ© dĂ©barrassĂ©e de tout ce qui fait la laideur des autres. Comme nous ne sommes tous, nous les vivants, que des morts qui ne sont pas encore entrĂ©s en fonctions, toutes ces politesses, toutes ces salutations dans le vestibule que nous appelons dĂ©fĂ©rence, gratitude, dĂ©vouement et oĂč nous mĂȘlons tant de mensonges, sont stĂ©riles et fatigantes. De plus, – dĂšs les premiĂšres relations de sympathie, d’admiration, de reconnaissance, – les premiĂšres paroles que nous prononçons, les premiĂšres lettres que nous Ă©crivons, tissent autour de nous les premiers fils d’une toile d’habitudes, d’une vĂ©ritable maniĂšre d’ĂȘtre, dont nous ne pouvons plus nous dĂ©barrasser dans les amitiĂ©s suivantes ; sans compter que pendant ce temps-lĂ  les paroles excessives que nous avons prononcĂ©es restent comme des lettres de change que nous devons payer, ou que nous paierons plus cher encore toute notre vie des remords de les avoir laissĂ© protester. Dans la lecture, l’amitiĂ© est soudain ramenĂ©e Ă  sa puretĂ© premiĂšre. Avec les livres, pas d’amabilitĂ©. Ces amis-lĂ , si nous passons la soirĂ©e avec eux, c’est vraiment que nous en avons envie. Eux, du moins, nous ne les quittons souvent qu’à regret. Et quand nous les avons quittĂ©s, aucune de ces pensĂ©es qui gĂątent l’amitiĂ© : Qu’ont-ils pensĂ© de nous ? – N’avons-nous pas manquĂ© de tact ? – Avons-nous plu ? – et la peur d’ĂȘtre oubliĂ© pour tel autre. Toutes ces agitations de l’amitiĂ© expirent au seuil de cette amitiĂ© pure et calme qu’est la lecture. Pas de dĂ©fĂ©rence non plus ; nous ne rions de ce que dit MoliĂšre que dans la mesure exacte oĂč nous le trouvons drĂŽle ; quand il nous ennuie nous n’avons pas peur d’avoir l’air ennuyĂ©, et quand nous avons dĂ©cidĂ©ment assez d’ĂȘtre avec lui, nous le remettons Ă  sa place aussi brusquement que s’il n’avait ni gĂ©nie ni cĂ©lĂ©britĂ©. L’atmosphĂšre de cette pure amitiĂ© est le silence, plus pur que la parole. Car nous parlons pour les autres, mais nous nous taisons pour nous-mĂȘmes. Aussi le silence ne porte pas, comme la parole, la trace de nos dĂ©fauts, de nos grimaces. Il est pur, il est vraiment une atmosphĂšre. Entre la pensĂ©e de l’auteur et la nĂŽtre il n’interpose pas ces Ă©lĂ©ments irrĂ©ductibles, rĂ©fractaires Ă  la pensĂ©e, de nos Ă©goĂŻsmes diffĂ©rents. Le langage mĂȘme du livre est pur (si le livre mĂ©rite ce nom), rendu transparent par la pensĂ©e de l’auteur qui en a retirĂ© tout ce qui n’était pas elle-mĂȘme jusqu’à le rendre son image fidĂšle, chaque phrase, au fond, ressemblant aux autres, car toutes sont dites par l’inflexion unique d’une personnalitĂ© ; de lĂ  une sorte de continuitĂ©, que les rapports de la vie et ce qu’ils mĂȘlent Ă  la pensĂ©e d’élĂ©ments qui lui sont Ă©trangers excluent et qui permet trĂšs vite de suivre la ligne mĂȘme de la pensĂ©e de l’auteur, les traits de sa physionomie qui se reflĂštent dans ce calme miroir. Nous savons nous plaire tour Ă  tour aux traits de chacun sans avoir besoin qu’ils soient admirables, car c’est un grand plaisir pour l’esprit de distinguer ces peintures profondes et d’aimer d’une amitiĂ© sans Ă©goĂŻsme, sans phrases, comme en soi-mĂȘme.
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Marcel Proust (Days of Reading (Penguin Great Ideas))
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Ecoutez, que vous importe Ă  vous que je meure assassiné  ? ĂȘtes-vous mon ami  ? ĂȘtes-vous un homme  ? avez-vous un coeur ?... Non, vous ĂȘtes mĂ©decin  !... Eh bien, je vous dis : « Non, ma fille ne sera pas traĂźnĂ©e par moi aux mains du bourreau  !... » Ah  ! voilĂ  une idĂ©e qui me dĂ©vore, qui me pousse comme un insensĂ© Ă  creuser ma poitrine avec mes ongles  !... Et si vous vous trompiez, docteur  ! si c'Ă©tait un autre que ma fille  ! Si, un jour, je venais, pĂąle comme un spectre, vous dire : Assassin  ! tu as tuĂ© ma fille... Tenez, si cela arrivait, je suis chrĂ©tien , monsieur d'Avrigny, et cependant je me tuerais  ! – C'est bien, dit le docteur aprĂšs un instant de silence, j 'attendrai. » Villefort le regarda comme s'il doutait encore de ses paroles.« Seulement, continua M. d'Avrigny d'une voix lente et solennelle, si quelque personne
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Alexandre Dumas (Le Comte de Monte-Cristo)
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26 octobre. Oui, mon cher Wilhelm, je me persuade chaque jour davantage que l’existence d’une crĂ©ature est peu de chose, bien peu de chose. Une amie de Charlotte Ă©tait venue la voir, et je passai dans la chambre voisine pour prendre un livre, et je ne pouvais lire : alors je pris une plume pour essayer d’écrire. Je les entendais causer doucement : elles se racontaient l’une Ă  l’autre des choses indiffĂ©rentes, des nouvelles de la ville ; que l’une se mariait, que l’autre Ă©tait malade, trĂšs-malade ; elle avait une toux sĂšche, la figure dĂ©charnĂ©e ; il lui prenait des faiblesses. « Je ne donnerais pas un sou de sa vie, » disait l’une. « N. N. est aussi fort mal, » dit Charlotte. « II est enflĂ©, » reprit l’amie Et mon imagination me transportait vivement au chevet de ces malheureux ; je voyais avec quelle rĂ©pugnance ils tournaient le dos Ă  la vie ; avec quel
. Wilhelm, et mes deux petites dames parlaient de cela prĂ©cisĂ©ment comme on parle d’un Ă©tranger qui meurt
. Et quand je porte les yeux autour de moi, quand je regarde cette chambre et, tout alentour, les habits de.Charlotte et les papiers d’Albert, et ces meubles auxquels je suis maintenant si accoutumĂ©, mĂȘme cet encrier, je me dis : « Vois ce que tu es’pour cette maison ! Tout pour tous. Tes amis te considĂšrent ; tu fais souvent leur joie, et il semble Ă  ton cƓur, qu’il ne pourrait vivre sans eux ; et pourtant
, si tu venais Ă  mourir, si tu disparaissais de ce cercle, sentiraient-ils, combien de temps sentiraient-ils, le vide que ta perte ferait dans leur existence ? combien de temps ?
 » Ah ! l’homme est si Ă©phĂ©mĂšre, qu’aux lieux mĂȘmes oĂč il a l’entiĂšre certitude de son ĂȘtre, oĂč il grave la seule vĂ©ritable impression de sa prĂ©sence dans le souvenir, dans l’ñme de ses amis, lĂ  mĂȘme, il doit s’effacer, disparaĂźtre, disparaĂźtre promptement !
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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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Cette histoire n’est point exagĂ©rĂ©e, point embellie ; je puis dire mĂȘme que je l’ai racontĂ©e faiblement, trĂšs faiblement, et qu’elle a perdu de sa dĂ©licatesse, parce que je l’ai rapportĂ©e avec nos formes de langage usuelles et rĂ©servĂ©es. Cet amour, cette fidĂ©litĂ©, cette passion, n’est donc pas une fiction poĂ©tique ; elle vit, elle existe, dans sa parfaite puretĂ©, parmi cette classe d’hommes que nous appelons incultes et grossiers, nous que la culture a formĂ©s pour nous dĂ©former. Lis cette histoire avec recueillement, je t’en prie. Je suis calme aujourd’hui en t’écrivant ces choses ; tu le vois Ă  mon Ă©criture, je ne me presse ni ne barbouille comme d’ordinaire. Lis, mon cher Wilhelm, et songe bien que c’est aussi l’histoire de ton ami. Oui, voilĂ  ce qui m’est arrivĂ©, voilĂ  ce qui m’arrivera, et je ne suis pas de moitiĂ© aussi courageux,, aussi rĂ©solu que ce pauvre malheureux, auquel j’ose Ă  peine me comparer.
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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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Mon ami, vous m'avez facilement appris Ă  ne vivre que pour vous ; apprenez-moi maintenant Ă  vivre loin de vous... Non, ce n'est pas lĂ  ce que je veux dire, c'est plutĂŽt que, loin de vous, je voudrais ne point vivre, ou au moins oublier mon existence. AbandonnĂ©e Ă  moi-mĂȘme, je ne puis supporter ni mon bonheur, ni ma peine; je sens le besoin du repos, et tout repos m'est impossible; j'ai vainement appelĂ© le sommeil, le sommeil a fui de moi; je ne puis ni m'occuper ni rester oisive; tour-Ă -tour un feu brĂ»lant me dĂ©vore, un frisson mortel m'anĂ©antit: tout mouvement me fatigue et je ne saurais rester en place. Enfin ! que dirai-je ? je souffrirais moins dans l'ardeur de la plus violente fiĂšvre, et, sans que je puisse ni l'expliquer ni le concevoir, je sens trĂšs bien pourtant que cet Ă©tat de souffrance ne vient que de mon impuissance Ă  contenir ou diriger une foule de sentiments au charme desquels cependant je me trouverais heureuse de pouvoir livrer mon Ăąme toute entiĂšre.
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Laclos Pierre Choderlos De (Les Liaisons dangereuses)
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Cependant, au milieu de ces circonstances, la rĂ©solution de quitter la vie avait pris toujours plus de force dans l’urne de Werther. Depuis son retour auprĂšs de Charlotte, cette rĂ©solution avait toujours Ă©tĂ© sa perspective et son espĂ©rance suprĂȘme ; mais il s’était dit que ce ne devait pas ĂȘtre une action soudaine, prĂ©cipitĂ©e ; qu’il voulait faire ce pas avec la plus sĂ©rieuse conviction, avec la rĂ©solution la plus calme. Ses doutes, ses combats intĂ©rieurs se rĂ©vĂšlent dans un petit billet, qui paraĂźt ĂȘtre le commencement d’une lettre Ă  Wilhelm, et qui s’est trouvĂ©, sans date, parmi ses papiers. « Sa prĂ©sence, sa destinĂ©e, l’intĂ©rĂȘt qu’elle prend Ă  la mienne, expriment la derniĂšre larme de mon cerveau calcinĂ©. « Lever le rideau et passer derriĂšre
. voilĂ  tout ! Et pourquoi craindre et balancer ? Parce qu’on ne sait pas ce qu’il y a derriĂšre ? parce qu’on n’en revient pas ? et que c’est le propre de notre esprit d’imaginer que tout est confusion et tĂ©nĂšbres, aux lieux dont nous ne savons rien de certain ? » Enfin il s’accoutuma et se familiarisa toujours plus avec cette triste pensĂ©e, et l’on trouve un tĂ©moignage de sa rĂ©solution ferme et irrĂ©vocable dans cette lettre ambiguĂ«, qu’il Ă©crivait Ă  son ami : 20 dĂ©cembre. « Je rends grice Ă  ton amitiĂ©, Wilhelm, d’avoir entendu ce mot comme tu l’as fait. Oui, tu as raison : le meilleur pour moi serait de partir. La proposition que tu me fais de retourner auprĂšs de vous ne me plaĂźt pas tout Ă  fait ; du moins je voudrais faire encore un dĂ©tour, d’autant plus que nous pouvons espĂ©rer une gelĂ©e soutenue et de bons chemins. Il m’est aussi trĂšsagrĂ©able que tu veuilles venir me chercher : seulement, laisse encore passer quinze jours, et attends encore une lettre de moi avec d’autres avis. Il ne faut rien cueillir avant qu’il soit mĂ»r, et quinze jours de plus ou de moins font beaucoup. Tu diras Ă  ma mĂšre de prier pour son fils, et de vouloir bien me pardonner tous les chagrins que je lui ai faits. C’était ma destinĂ©e d’affliger ceux que le devoir m’appelait Ă  rendre heureux. Adieu, mon trĂšs-cher ami. Que le ciel rĂ©pande sur toi toutes ses bĂ©nĂ©dictions ! Adieu. »
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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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Pourquoi n'allez vous pas Ă  l'Ă©cole? Tous les jours je vous vois en train de flĂąner. _ Oh, on se passe fort bien de moi! Je suis insociable, parait-il. Je ne m'intĂšgre pas. C'est vraiment bizarre. Je suis trĂšs sociable, au contraire. Mais tout dĂ©pend de ce qu'on entend par sociable, n'est-ce pas? Pour moi ça veut dire parler de choses et d'autres, comme maintenant. (...) Mais je ne pense pas que ce soit favoriser la sociabilitĂ© que de rĂ©unir tout un tas de gens et de les empĂȘcher ensuite de parler. (...) On ne pose jamais de question, en tout cas la plupart d'entre nous; les rĂ©ponses arrivent toutes seules, bing, bing, bing, et on reste assis quatre heures de plus Ă  Ă©couter le tĂ©lĂ©prof. Ce n'est pas ma conception de la sociabilitĂ©. (...) On nous abrutit tellement qu'Ă  la fin de la journĂ©e on a qu'une envie: se coucher ou aller dans un parc d'attraction bousculer les gens. (...) Au fond, je dois ĂȘtre ce qu'on m'accuse d'ĂȘtre. Je n'ai pas d'amis. C'est sensĂ© prouver que je suis anormale. Mais tous les gens que je connais passent leur temps Ă  brailler, Ă  danser comme des sauvages ou Ă  se taper dessus. Vous avez remarquĂ© Ă  quel point les gens se font du mal aujourd'hui?
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Ray Bradbury (Fahrenheit 451)
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) En outre, il est permis de croire qu’une disposition culturelle pour la psychanalyse existait parmi les Juifs de Vienne, du fait que le premier auditoire auquel Freud exposa ses idĂ©es sur la psychanalyse fut sa te SociĂ©tĂ© Juive » : B’nai B’rith, et que les premiers psychanalystes Ă©taient pratiquement tous Juifs. La principale personnalitĂ© non juive parmi eux Ă©tait Jung, qui sort d’une tradition nettement mystique dans le cadre du christianisme. Rappelons Ă  ce sujet les Ă©vĂ©nements qui se dĂ©roulĂšrent au deuxiĂšme CongrĂšs International de Psychanalyse de Nuremberg en 1910. Freud avait proposĂ© que Jung fĂ»t nommĂ© prĂ©sident perpĂ©tuel. Une rĂ©union de protestation se tint dans une chambre d’hĂŽtel ; Freud s’y rendit et dit : "La plupart d’entre vous sont Juifs et par consĂ©quent incapables de gagner des amis Ă  la nouvelle doctrine ; les Juifs doivent se contenter du modeste rĂŽle de dĂ©fricheurs du terrain. Il est absolument indispensable que je noue des liens avec le monde scientifique car je m’avance en Ăąge et je suis las des attaques perpĂ©tuelles dont je suis l’objet. Nous sommes tous en danger. Saisissant les revers de son veston, il s’écria : “ Ils ne me laisseront pas mĂȘme un habit sur le dos. Les Suisses [Jung Ă©tait suisse] nous sauveront, me sauveront et vous tous avec ” .
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David Bakan (Sigmund Freud and the Jewish Mystical Tradition)
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« Norbert de Varenne parlait d’une voix claire, mais retenue, qui aurait sonnĂ© dans le silence de la nuit s’il l’avait laissĂ©e s’échapper. Il semblait surexcitĂ© et triste, d’une de ces tristesses qui tombent parfois sur les Ăąmes et les rendent vibrantes comme la terre sous la gelĂ©e. Il reprit : « Qu’importe, d’ailleurs, un peu plus ou un peu moins de gĂ©nie, puisque tout doit finir ! » Et il se tut. Duroy, qui se sentait le cƓur gai, ce soir-lĂ , dit, en souriant : « Vous avez du noir, aujourd’hui, cher maĂźtre. » Le poĂšte rĂ©pondit. « J’en ai toujours, mon enfant, et vous en aurez autant que moi dans quelques annĂ©es. La vie est une cĂŽte. Tant qu’on monte, on regarde le sommet, et on se sent heureux ; mais, lorsqu’on arrive en haut, on aperçoit tout d’un coup la descente, et la fin qui est la mort. Ça va lentement quand on monte, mais ça va vite quand on descend. À votre Ăąge, on est joyeux. On espĂšre tant de choses, qui n’arrivent jamais d’ailleurs. Au mien, on n’attend plus rien... que la mort. » Duroy se mit Ă  rire : « Bigre, vous me donnez froid dans le dos. » Norbert de Varenne reprit : « Non, vous ne me comprenez pas aujourd’hui, mais vous vous rappellerez plus tard ce que je vous dis en ce moment. » « Il arrive un jour, voyez- vous, et il arrive de bonne heure pour beaucoup, oĂč c’est fini de rire, comme on dit, parce que derriĂšre tout ce qu’on regarde, c’est la mort qu’on aperçoit. » « Oh ! vous ne comprenez mĂȘme pas ce mot-lĂ , vous, la mort. À votre Ăąge, ça ne signifie rien. Au mien, il est terrible. » « Oui, on le comprend tout d’un coup, on ne sait pas pourquoi ni Ă  propos de quoi, et alors tout change d’aspect, dans la vie. Moi, depuis quinze ans, je la sens qui me travaille comme si je portais en moi une bĂȘte rongeuse. Je l’ai sentie peu Ă  peu, mois par mois, heure par heure, me dĂ©grader ainsi qu’une maison qui s’écroule. Elle m’a dĂ©figurĂ© si complĂštement que je ne me reconnais pas. Je n’ai plus rien de moi, de moi l’homme radieux, frais et fort que j’étais Ă  trente ans. Je l’ai vue teindre en blanc mes cheveux noirs, et avec quelle lenteur savante et mĂ©chante ! Elle m’a pris ma peau ferme, mes muscles, mes dents, tout mon corps de jadis, ne me laissant qu’une Ăąme dĂ©sespĂ©rĂ©e qu’elle enlĂšvera bientĂŽt aussi. » « Oui, elle m’a Ă©miettĂ©, la gueuse, elle a accompli doucement et terriblement la longue destruction de mon ĂȘtre, seconde par seconde. Et maintenant je me sens mourir en tout ce que je fais. Chaque pas m’approche d’elle, chaque mouvement, chaque souffle hĂąte son odieuse besogne. Respirer, dormir, boire, manger, travailler, rĂȘver, tout ce que nous faisons, c’est mourir. Vivre enfin, c’est mourir ! » » (de « Bel-Ami » par Guy de Maupassant)
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Guy de Maupassant
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Mais un soir que j'Ă©tois assis prĂšs de la tombe oĂč reposent LĂ©once et Delphine, tout Ă  coup un remords s'Ă©leva dans le fond de mon coeur, et je me reprochai d'avoir regardĂ© leur destinĂ©e comme la plus funeste de toutes. Peut-ĂȘtre dans ce moment, mes amis, touchĂ©s de mes regrets, vouloient-ils me consoler, cherchoient-ils Ă  me faire connoĂźtre qu'ils Ă©toient heureux, qu'ils s'aimoient, et que l'Être-suprĂȘme ne les avoit point abandonnĂ©s, puisqu'il n'avoit pas permis qu'ils survĂ©cussent l'un Ă  l'autre. Je passai la nuit Ă  rĂȘver sur le sort des hommes; ces heures furent les plus dĂ©licieuses de ma vie, et cependant le sentiment de la mort les a remplies tout entiĂšres; mais je n'en puis douter, du haut du ciel mes amis dirigeoient mes mĂ©ditations; ils Ă©cartoient de moi ces fantĂŽmes de l'imagination qui nous font horreur du terme de la vie; il me sembloit qu'au clair de la lune, je voyois leurs ombres lĂ©gĂšres passer Ă  travers les feuilles sans les agiter; une fois je leur ai demandĂ© si je ne ferois pas mieux de les rejoindre, s'il n'Ă©toit pas vrai que sur cette terre les Ăąmes fiĂšres et sensibles n'avoient rien Ă  attendre que des douleurs succĂ©dant Ă  des douleurs; alors il m'a semblĂ© qu'une voix, dont les sons se mĂȘloient au souffle du vent, me disoit :—Supporte la peine, attends la nature, et fais du bien aux hommes.— J'ai baissĂ© la tĂȘte, et je me suis rĂ©signĂ©; mais, avant de quitter ces lieux, j'ai Ă©crit, sur un arbre voisin de la tombe de mes amis, ce vers, la seule consolation des infortunĂ©s que la mort a privĂ© des objets de leur affection: On ne me rĂ©pond pas, mais peut-ĂȘtre on m'entend.»
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Madame de Staël (Delphine)
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FRÈRE LAURENCE.—Un arrĂȘt moins rigoureux s’est Ă©chappĂ© de sa bouche: ce n’est pas la mort de ton corps, mais son bannissement. ROMÉO.—Ah! le bannissement! aie pitiĂ© de moi; dis la mort. L’aspect de l’exil porte avec lui plus de terreur, beaucoup plus que la mort. Ah! ne me dis pas que c’est le bannissement. FRÈRE LAURENCE.—Tu es banni de VĂ©rone. Prends patience; le monde est grand et vaste. ROMÉO.—Le monde n’existe pas hors des murs de VĂ©rone; ce n’est plus qu’un purgatoire, une torture, un vĂ©ritable enfer. Banni de ce lieu, je le suis du monde, c’est la mort. Oui, le bannissement, c’est la mort sous un faux nom; et ainsi, en nommant la mort un bannissement, tu me tranches la tĂȘte avec une hache d’or, et souris au coup qui m’assassine. FRÈRE LAURENCE.—O mortel pĂ©chĂ©! ĂŽ farouche ingratitude! Pour ta faute, notre loi demandait la mort; mais le prince indulgent, prenant ta dĂ©fense, a repoussĂ© de cĂŽtĂ© la loi, et a changĂ© ce mot funeste de mort en celui de bannissement: c’est une rare clĂ©mence, et tu ne veux pas la reconnaĂźtre. ROMÉO.—C’est un supplice et non une grĂące. Le ciel est ici, oĂč vit Juliette: les chats, les chiens, la moindre petite souris, tout ce qu’il y a de plus misĂ©rable vivra ici dans le ciel, pourra la voir; et RomĂ©o ne le peut plus! La mouche qui vit de charogne jouira d’une condition plus digne d’envie, plus honorable, plus relevĂ©e que RomĂ©o; elle pourra s’ébattre sur les blanches merveilles de la chĂšre main de Juliette, et dĂ©rober le bonheur des immortels sur ces lĂšvres oĂč la pure et virginale modestie entretient une perpĂ©tuelle rougeur, comme si les baisers qu’elles se donnent Ă©taient pour elles un pĂ©chĂ©; mais RomĂ©o ne le peut pas, il est banni! Ce que l’insecte peut librement voler, il faut que je vole pour le fuir; il est libre et je suis banni; et tu me diras encore que l’exil n’est pas la mort!
 N’as-tu pas quelque poison tout prĂ©parĂ©, quelque poignard affilĂ©, quelque moyen de mort soudaine, fĂ»t-ce la plus ignoble? Mais banni! me tuer ainsi! banni! O moine, quand ce mot se prononce en enfer, les hurlements l’accompagnent.—Comment as-tu le coeur, toi un prĂȘtre, un saint confesseur, toi qui absous les fautes, toi mon ami dĂ©clarĂ©, de me mettre en piĂšces par ce mot bannissement? FRÈRE LAURENCE.—Amant insensĂ©, Ă©coute seulement une parole. ROMÉO.—Oh! tu vas me parler encore de bannissement. FRÈRE LAURENCE.—Je veux te donner une arme pour te dĂ©fendre de ce mot: c’est la philosophie, ce doux baume de l’adversitĂ©; elle te consolera, quoique tu sois exilĂ©. ROMÉO.—Encore l’exil! Que la philosophie aille se faire pendre: Ă  moins que la philosophie n’ait le pouvoir de crĂ©er une Juliette, de dĂ©placer une ville, ou de changer l’arrĂȘt d’un prince, elle n’est bonne Ă  rien, elle n’a nulle vertu; ne m’en parle plus. FRÈRE LAURENCE.—Oh! je vois maintenant que les insensĂ©s n’ont point d’oreilles. ROMÉO.—Comment en auraient-ils, lorsque les hommes sages n’ont pas d’yeux? FRÈRE LAURENCE.—Laisse-moi discuter avec toi ta situation. ROMÉO.—Tu ne peux parler de ce que tu ne sens pas. Si tu Ă©tais aussi jeune que moi, amant de Juliette, mariĂ© seulement depuis une heure, meurtrier de Tybalt, Ă©perdu d’amour comme moi, et comme moi banni, alors tu pourrais parler; alors tu pourrais t’arracher les cheveux et te jeter sur la terre comme je fais, pour prendre la mesure d’un tombeau qui n’est pas encore ouvert.
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William Shakespeare (Romeo and Juliet)
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JULIETTE.—Oh! manque, mon coeur! Pauvre banqueroutier, manque pour toujours; emprisonnez-vous, mes yeux; ne jetez plus un seul regard sur la libertĂ©. Terre vile, rends-toi Ă  la terre; que tout mouvement s’arrĂȘte, et qu’une mĂȘme biĂšre presse de son poids et RomĂ©o et toi. LA NOURRICE.—O Tybalt, Tybalt! le meilleur ami que j’eusse! O aimable Tybalt, honnĂȘte cavalier, faut-il que j’aie vĂ©cu pour te voir mort! JULIETTE.—Quelle est donc cette tempĂȘte qui souffle ainsi dans les deux sens contraires? RomĂ©o est-il tuĂ©, et Tybalt est-il mort? Mon cousin chĂ©ri et mon Ă©poux plus cher encore? Que la terrible trompette sonne donc le jugement universel. Qui donc est encore en vie, si ces deux-lĂ  sont morts? LA NOURRICE.—Tybalt est mort, et RomĂ©o est banni: RomĂ©o, qui l’a tuĂ©, est banni. JULIETTE.—O Dieu! la main de RomĂ©o a-t-elle versĂ© le sang de Tybalt? LA NOURRICE.—Il l’a fait, il l’a fait! O jour de malheur! il l’a fait! JULIETTE.—O coeur de serpent cachĂ© sous un visage semblable Ă  une fleur! jamais dragon a-t-il choisi un si charmant repaire? Beau tyran, angĂ©lique dĂ©mon, corbeau couvert des plumes d’une colombe, agneau transportĂ© de la rage du loup, mĂ©prisable substance de la plus divine apparence, toi, justement le contraire de ce que tu paraissais Ă  juste titre, damnable saint, traĂźtre plein d’honneur! O nature, qu’allais-tu donc chercher en enfer, lorsque de ce corps charmant, paradis sur la terre, tu fis le berceau de l’ñme d’un dĂ©mon? Jamais livre contenant une aussi infĂąme histoire porta-t-il une si belle couverture? et se peut-il que la trahison habite un si brillant palais? LA NOURRICE.—Il n’y a plus ni sincĂ©ritĂ©, ni foi, ni honneur dans les hommes; tous sont parjures, corrompus, hypocrites. Ah! oĂč est mon valet? Donnez-moi un peu d’aqua vité
.. Tous ces chagrins, tous ces maux, toutes ces peines me vieillissent. Honte soit Ă  RomĂ©o! JULIETTE.—Maudite soit ta langue pour un pareil souhait! Il n’est pas nĂ© pour la honte: la honte rougirait de s’asseoir sur son front; c’est un trĂŽne oĂč on peut couronner l’honneur, unique souverain de la terre entiĂšre. Oh! quelle brutalitĂ© me l’a fait maltraiter ainsi? LA NOURRICE.—Quoi! vous direz du bien de celui qui a tuĂ© votre cousin? JULIETTE.—Eh! dirai-je du mal de celui qui est mon mari? Ah! mon pauvre Ă©poux, quelle langue soignera ton nom, lorsque moi, ta femme depuis trois heures, je l’ai ainsi dĂ©chirĂ©? Mais pourquoi, traĂźtre, as-tu tuĂ© mon cousin? Ah! ce traĂźtre de cousin a voulu tuer mon Ă©poux.—Rentrez, larmes insensĂ©es, rentrez dans votre source; c’est au malheur qu’appartient ce tribut que par mĂ©prise vous offrez Ă  la joie. Mon Ă©poux vit, lui que Tybalt aurait voulu tuer; et Tybalt est mort, lui qui aurait voulu tuer mon Ă©poux. Tout ceci est consolant, pourquoi donc pleurĂ©-je? Ah! c’est qu’il y a lĂ  un mot, plus fatal que la mort de Tybalt, qui m’a assassinĂ©e.—Je voudrais bien l’oublier; mais, ĂŽ ciel! il pĂšse sur ma mĂ©moire comme une offense digne de la damnation sur l’ñme du pĂ©cheur. Tybalt est mort, et RomĂ©o est
.. banni! Ce banni, ce seul mot banni, a tuĂ© pour moi dix mille Tybalt. La mort de Tybalt Ă©tait un assez grand malheur, tout eĂ»t-il fini lĂ ; ou si les cruelles douleurs se plaisent Ă  marcher ensemble, et qu’il faille nĂ©cessairement que d’autres peines les accompagnent, pourquoi, aprĂšs m’avoir dit: «Tybalt est mort,» n’a-t-elle pas continuĂ©: «ton pĂšre aussi, ou ta mĂšre, ou tous les deux?» cela eĂ»t excitĂ© en moi les douleurs ordinaires. Mais par cette arriĂšre-garde qui a suivi la mort de Tybalt, RomĂ©o est banni; par ce seul mot, pĂšre, mĂšre, Tybalt, RomĂ©o, Juliette, tous sont assassinĂ©s, tous morts. RomĂ©o banni! Il n’y a ni fin, ni terme, ni borne, ni mesure dans la mort qu’apporte avec lui ce mot, aucune parole ne peut sonder ce malheur.
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William Shakespeare (Romeo and Juliet)
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Charlotte se trouvait seule ; aucun de ses frĂšres et sƓurs n’était autour d’elle ; elle s’abandonnait Ă  ses rĂ©flexions, qui passaient doucement sa situation en revue. Elle se voyait pour jamais unie Ă  un homme dont elle connaissait l’amour et la fidĂ©litĂ©, Ă  qui elle Ă©tait dĂ©vouĂ©e, dont le calme, la soliditĂ©, semblaient destinĂ©s par le ciel mĂȘme Ă  fonder, pour la vie, le bonheur d’une honnĂȘte femme ; elle sentait ce qu’il serait toujours pour elle et pour sa famille. D’un autre cĂŽtĂ©, Werther lui Ă©tait devenu bien cher ; dĂšs le premier moment oĂč ils avaient appris Ă  se connaĂźtre, la sympathie de leurs caractĂšres s’était rĂ©vĂ©lĂ©e de la maniĂšre la plus heureuse ; leur longue liaison, tant de situations diverses oĂč ils s’étaient trouvĂ©s, avaient fait sur le cƓur de Charlotte une impression ineffaçable. Tous les sentiments, toutes les pensĂ©es qui l’intĂ©ressaient, elle Ă©tait accoutumĂ©e Ă  les partager avec lui, et le dĂ©part de Werther menaçait de faire dans toute son existence un vide, qui ne pourrait plus ĂȘtre comblĂ©. Oh ! si elle avait pu dans ce moment le changer en un frĂšre ! qu’elle se serait trouvĂ©e heureuse !
 Si elle avait osĂ© le marier avec une de ses amies, elle aurait pu espĂ©rer de rĂ©tablir tout Ă  fait la bonne intelligence entre Albert et lui. Elle avait passĂ© en revue toutes ses amies, et trouvait Ă  chacune quelque dĂ©faut ; elle n’en voyait aucune Ă  qui elle eĂ»t donnĂ© Werther volontiers. En faisant toutes’ces rĂ©flexions, elle finit par sentir profondĂ©ment, sans se l’expliquer d’une maniĂšre bien claire, que le secret dĂ©sir, de son cƓur Ă©tait de le garder pour elle, et elle se disait en mĂȘme temps qu’elle ne pouvait, qu’elle ne devait pas le garder ; son Ăąme pure et belle, jusqu’alors si libre et si courageuse, sentit le poids d’une mĂ©lancolie Ă  laquelle est fermĂ©e la perspective du bonheur. Son cƓur Ă©tait oppressĂ©, et un sombre nuage couvrait ses yeux.
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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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PEER GYNT L'Ăąme, souffle et lumiĂšre du verbe, te viendra plus tard, ma fille Quand, en lettres d'or, sur le fond rose de l'Orient, apparaĂźtront ces mots : Voici le jour, alors commenceront les leçons ; ne crains rien, tu seras instruite. Mais je serais un sot de vouloir, dans le calme de cette tiĂšde nuit,me parer de quelques baillons d'un vieux savoir usĂ©, pour te traiter en maĂźtre d'Ă©cole. AprĂšs tout, le principal, quand on y rĂ©flĂ©chit, ce n'est point l'Ăąme, c'est le cƓur. ANITRA Parle seigneur. Quand tu parles, il me semble voir comme des lueurs d'opale. PBER GYNT La raison poussĂ©e Ă  l'excĂšs est de la bĂȘtise. La poltronnerie s'Ă©panouit en cruautĂ©. L'exagĂ©ration de la vĂ©ritĂ©, c'est de la sagesse Ă  l'envers. Oui, mon enfant, le diable m'emporte s'il n'y a pas de par le monde des ĂȘtres gavĂ©s d'Ăąme qui n'en ont que plus de peine Ă  voir clair. J'ai connu un individu de cette sorte, une vraie perle pourtant, qui a manquĂ© son but et perdu la boussole. Vois-tu ce dĂ©sert qui entoure l'oasis? Je n'aurais qu'Ă  agiter mon turban pour que les flots de l'OcĂ©an en comblassent toute l'Ă©tendue. Mais je serais un imbĂ©cile de crĂ©er ainsi des continents et des mers nouvelles. Sais-tu, ce que c'est que de vivre? ANITRA Enseigne-le-moi. PEER GYNT C'est planer au-dessus du temps qui coule, en descendre le courant sans se mouiller les pieds, et sans jamais rien perdre de soi-mĂȘme. Pour ĂȘtre celui qu'on est, ma petite amie, il faut la force de l'Ăąge! Un vieil aigle perd son piumage, une vieille rosse son allure, une vieille commĂšre ses dents. La peau se ride, et l'Ăąme aussi. Jeunesse ! jeunesse ! Par toi je veux rĂ©gner non sur les palmes et les vignes de quelque Gyntiana, mais sur la pensĂ©e vierge d'une femme dont je serai le sultan ardent et vigoureux. Je t'ai fait, ma petite, la grĂące de te sĂ©duire, d'Ă©lire ton cƓur pour y fonder un kalifat nouveau. Je veux ĂȘtre le maĂźtre de tes soupirs. Dans mon royaume, j'introduirai le rĂ©gime absolu. Nous sĂ©parer sera la mort... pour toi, s'entend. Pas une fibre, pas une parcelle de toi qei ne m'appartienne. Ni oui, ni non, tu n'auras d'autre volontĂ© que la mienne. Ta chevelure, noire comme la nuit, et tout ce qui, chez toi, est doux Ă  nommer, s'inclinera devant mon pouvoir souverain. Ce seront mes jardins de Babylone.
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Henrik Ibsen (Peer Gynt)
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Ses visites Ă©taient la grande distraction de ma tante LĂ©onie qui ne recevait plus guĂšre personne d’autre, en dehors de M. le CurĂ©. Ma tante avait peu Ă  peu Ă©vincĂ© tous les autres visiteurs parce qu’ils avaient le tort Ă  ses yeux de rentrer tous dans l’une ou l’autre des deux catĂ©gories de gens qu’elle dĂ©testait. Les uns, les pires et dont elle s’était dĂ©barrassĂ©e les premiers, Ă©taient ceux qui lui conseillaient de ne pas « s’écouter » et professaient, fĂ»t-ce nĂ©gativement et en ne la manifestant que par certains silences de dĂ©sapprobation ou par certains sourires de doute, la doctrine subversive qu’une petite promenade au soleil et un bon bifteck saignant (quand elle gardait quatorze heures sur l’estomac deux mĂ©chantes gorgĂ©es d’eau de Vichy !) lui feraient plus de bien que son lit et ses mĂ©decines. L’autre catĂ©gorie se composait des personnes qui avaient l’air de croire qu’elle Ă©tait plus gravement malade qu’elle ne pensait, qu’elle Ă©tait aussi gravement malade qu’elle le disait. Aussi, ceux qu’elle avait laissĂ© monter aprĂšs quelques hĂ©sitations et sur les officieuses instances de Françoise et qui, au cours de leur visite, avaient montrĂ© combien ils Ă©taient indignes de la faveur qu’on leur faisait en risquant timidement un : « Ne croyez-vous pas que si vous vous secouiez un peu par un beau temps », ou qui, au contraire, quand elle leur avait dit : « Je suis bien bas, bien bas, c’est la fin, mes pauvres amis », lui avaient rĂ©pondu : « Ah ! quand on n’a pas la santĂ© ! Mais vous pouvez durer encore comme ça », ceux-lĂ , les uns comme les autres, Ă©taient sĂ»rs de ne plus jamais ĂȘtre reçus. Et si Françoise s’amusait de l’air Ă©pouvantĂ© de ma tante quand de son lit elle avait aperçu dans la rue du Saint-Esprit une de ces personnes qui avait l’air de venir chez elle ou quand elle avait entendu un coup de sonnette, elle riait encore bien plus, et comme d’un bon tour, des ruses toujours victorieuses de ma tante pour arriver Ă  les faire congĂ©dier et de leur mine dĂ©confite en s’en retournant sans l’avoir vue, et, au fond admirait sa maĂźtresse qu’elle jugeait supĂ©rieure Ă  tous ces gens puisqu’elle ne voulait pas les recevoir. En somme, ma tante exigeait Ă  la fois qu’on l’approuvĂąt dans son rĂ©gime, qu’on la plaignĂźt pour ses souffrances et qu’on la rassurĂąt sur son avenir.
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Marcel Proust (Swann’s Way (In Search of Lost Time, #1))
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Il faut que je vous Ă©crive, mon aimable Charlotte, ici, dans la chambre d’une pauvre auberge de village, oĂč je me suis rĂ©fugiĂ© contre le mauvais temps. Dans ce triste gĂźte de D., oĂč je me traĂźne au milieu d’une foule Ă©trangĂšre, tout Ă  fait Ă©trangĂšre Ă  mes sentiments, je n’ai pas eu un moment, pas un seul, oĂč le cƓur in’ait dit de vous Ă©crire : et maintenant, dans cette cabane, dans cette solitude, dans cette prison, tandis que la neige et la grĂȘle se dĂ©chaĂźnent contre ma petite fenĂȘtre, ici, vous avez Ă©tĂ© ma premiĂšre pensĂ©e. DĂšs que je fus entrĂ©, votre image, ĂŽ Charlotte, votre pensĂ©e m’a saisi, si sainte, si vivante ! Bon Dieu, c’est le premier instant de bonheur que je retrouve. Si vous me voyiez, mon amie, dans ce torrent de dissipations ! Comme toute mon Ăąme se dessĂšche ! Pas un moment oĂč le cƓur soit plein ! pas une heure fortunĂ©e ! rien, rien ! Je suis lĂ  comme devant une chambre obscure : je vois de petits hommes et de petits chevaux tourner devant moi, et je me demande souvent si ce n’est pas une illusion d’optique. Je m’en amuse, ou plutĂŽt on s’amuse de moi comme d’une ma"rionnette ; je prends quelquefois mon voisin par sa main de bois, et je recule en frissonnant. Le soir, je fais le projet d’aller voir lever le soleil, et je reste au lit ; le jour, je me promets le plaisir du clair de lune, et je m’oublie dans ma chambre. Je ne sais trop pourquoi je me lĂšve, pourquoi je me coucha. Le levain qui faisait fermenter ma vie, je ne l’ai plus ; le charme qui me tenait Ă©veillĂ© dans les nuits profondes s’est Ă©vanoui ; l’enchantement qui, le matin, m’arrachait au sommeil a fui loin de moi. Je n’ai trouvĂ© ici qu’une femme, une seule, Mlle de B. Elle vous ressemble, ĂŽ Charlotte, si l’on peut vous ressembler. «.Eh quoi ? direz-vous, le voilĂ  qui fait de jolis compliments ! » Cela n’est pas tout Ă  fait imaginaire : depuis quelque temps je suis trĂšs-aimable, parce que je ne puis faire autre chose ; j’ai beaucoup d’esprit, at les dames disent que personne ne sait louer aussi finement
. «Ni mentir, ajouterez-vous, car l’un ne va pas sans l’autre, entendez-vous ?
 » Je voulais parler de Mlle B. Elle a beaucoup d’ñme, on le voit d’abord Ă  la flamme de ses yeux bleus. Son rang lui est Ă  charge ; il ne satisfait aucun des vƓux de son cƓur. Elle aspire Ă  sortir de ce tumulte, et nous rĂȘvons, des heures entiĂšres, au mijieu de scĂšnes champĂȘtres, un bonheur sans mĂ©lange ; hĂ©las ! nous rĂȘvons Ă  vous, Charlotte ! Que de fois n’est-elle pas obligĂ©e de vous rendre hommage !
 Non pas obligĂ©e : elle le fait de bon grĂ© ; elle entend volontiers parler de vous ; elle vous aime. Oh ! si j’étais assis Ă  vos pieds, dans la petite chambre, gracieuse et tranquille ! si nos chers petits jouaient ensemble autour de moi, et, quand leur bruit vous fatiguerait, si je pouvais les rassembler en cercle et les calmer avec une histoire effrayante ! Le soleil se couche avec magnificence sur la contrĂ©e Ă©blouissante de neige ; l’orage est passĂ© ; et moi
. il faut que je rentre dans ma cage
. Adieu. Albert est-il auprĂšs de vous ? Et comment ?
 Dieu veuille me pardonner cette question !
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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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J’ai fait ma visite au lieu natal avec toute la piĂ©tĂ© d’un pĂšlerin, et bien des sentiments inattendus m’ont saisi. Je fis arrĂȘter prĂšs du grand tilleul qui se trouve Ă  un quart de lieue de la ville du cĂŽtĂ© de S
 ; je quittai la voiture, et je l’envoyai en avant, afin de cheminer Ă  pied et de savourer Ă  mon grĂ© chaque souvenir, dans toute sa vie et sa nouveautĂ©. Je m’arrĂȘtai sous le tilleul, qui avait Ă©tĂ©, dans mon enfance, le but et le terme de mes promenades. Quelle diffĂ©rence ! Alors, dans une heureuse ignorance, je m’élançais avec ardeur vers ce monde inconnu, oĂč j’espĂ©rais pour mon cƓur tant de nourriture, tant de jouissances, qui devaient combler et satisfaire l’ardeur de mes dĂ©sirs. Maintenant, j’en reviens de ce vaste monde
. O mon ami, avec combien d’espĂ©rances déçues, avec combien de plans renversĂ©s !
 Les voilĂ  devant moi les montagnes qui mille fois avaient Ă©tĂ© l’objet de mes vƓux. Je pouvais rester des heures assis Ă  cette place, aspirant Ă  franchir ces hauteurs, Ă©garant ma pensĂ©e au sein des bois et des vallons, qui s’offraient Ă  mes yeux dans un gracieux crĂ©puscule, et, lorsqu’au moment fixĂ© il me fallait revenir, avec quel regret ne quittais-je pas cette place chĂ©rie !
 J’approchai de la ville : je saluai tous les anciens pavillons de jardin ; les nouveaux me dĂ©plurent, comme tous les changements qu’on avait faits. Je franchis la porte de la ville, et d’abord je me retrouvai tout Ă  fait. Mon ami, je ne veux pas m’arrĂȘter au dĂ©tail : autant il eut de charme pour moi, autant il serait monotone dans le rĂ©cit. J’avais rĂ©solu de me loger sur la place, tout Ă  cĂŽtĂ© de notre ancienne maison. Je remarquai, sur mon passage, que la chambre d’école, oĂč une bonne vieille femme avait parquĂ© notre enfance, s’était transformĂ©e en une boutique de dĂ©tail. Je me rappelai l’inquiĂ©tude, les chagrins, l’étourdissement, l’angoisse que j’avais endurĂ©s dans ce trou
. Je ne pouvais faire un pas qui ne m’offrĂźt quelque chose de remarquable. Un pĂšlerin ne trouve pas en terre sainte autant de places consacrĂ©es par de religieux souvenirs, et je doute que son ame soit aussi remplie de saintes Ă©motions
. Encore un exemple sur mille : je descendis le long de la riviĂšre, jusqu’à une certaine mĂ©tairie. C’était aussi mon chemin autrefois, et la petite place oĂč les enfants s’exerçaient Ă  qui ferait le plus souvent rebondir les pierres plates Ă  la surface de l’eau. Je me rappelai vivement comme je m’arrĂȘtais quelquefois Ă  suivre des yeux le cours de la riviĂšre ; avec quelles merveilleuses conjectures je l’accompagnais ; quelles Ă©tranges peintures je me faisais des contrĂ©es oĂč elle allait courir ; comme je trouvais bientĂŽt les bornes de mon imagination, et pourtant me sentais entraĂźnĂ© plus loin, toujours plus loin, et finissais par me perdre dans la contemplation d’un vague lointain
. Mon ami, aussi bornĂ©s, aussi heureux, Ă©taient les vĂ©nĂ©rables pĂšres du genre humain ; aussi enfantines, leurs impressions, leur poĂ©sie. Quand Ulysse parle de la mer immense et de la terre infinie, cela est vrai, humain, intime, saisissant et mystĂ©rieux. Que me sert maintenant de pouvoir rĂ©pĂ©ter, avec tous les Ă©coliers, qu’elle est ronde ? Il n’en faut Ă  l’homme que quelques mottes pour vivre heureux dessus, et moins encore pour dormir dessous

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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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Les hommes, disais-je, se plaignent souvent de compter peu de beaux jours et beaucoup de mauvais, et il me semble que, la plupart du temps, c’est mal Ă  propos. Si nous avions sans cesse le cƓur ouvert pour jouir des biens que Dieu nous dispense chaque jour, nous aurions assez de force pour supporter le mal quand il vient. — Mais nous ne sommes pas les maĂźtres de notre humeur, dit la mĂšre ; combien de choses dĂ©pendent de l’état du corps ! Quand on n’est pas bien, on est mal partout. » J’en tombai d’accord et j’ajoutai : « Eh bien, considĂ©rons la chose comme une maladie, et demandons-nous s’il n’y a point de remĂšde. — C’est parler sagement, dit Charlotte : pour moi, j’estime que nous y pouvons beaucoup. Je le sais par expĂ©rience. Si quelque chose me contrarie et veut me chagriner, je cours au jardin et me promĂšne, en chantant quelques contredanses : cela se passe aussitĂŽt. — C’est ce que je voulais dire, repris-je Ă  l’instant : il en est de la mauvaise humeur absolument comme de la paresse ; car c’est une sorte de paresse. Par notre nature, nous y sommes fort enclins, et cependant, si nous avons une fois la force de nous surmonter, le travail nous devient facile, et nous trouvons dans l’activitĂ© un vĂ©ritable plaisir. » FrĂ©dĂ©rique Ă©tait fort attentive, et le jeune homme m’objecta qu’on n’était pas maĂźtre de soi, et surtout qu’on ne pouvait commander Ă  ses sentiments. « II s’agit ici, rĂ©pliquai-je, d’un sentiment dĂ©sagrĂ©able, dont chacun est bien aise de se dĂ©livrer, et personne ne sait jusqu’oĂč ses forces s’étendent avant de les avoir essayĂ©es. AssurĂ©ment, celui qui est malade consultera tous les mĂ©decins, et il ne refusera pas les traitements les plus pĂ©nibles, les potions les plus amĂšres, pour recouvrer la santĂ© dĂ©sirĂ©e. [...] Vous avez appelĂ© la mauvaise humeur un vice : cela me semble exagĂ©rĂ©. — Nullement, lui rĂ©pondis-je, si une chose avec laquelle on nuit Ă  son prochain et Ă  soi-mĂȘme mĂ©rite ce nom. N’est-ce pas assez que nous ne puissions nous rendre heureux les uns les autres ? faut-il encore nous ravir mutuellement le plaisir que chacun peut quelquefois se procurer ? Et nommez-moi l’homme de mauvaise humeur, qui soit en mĂȘme temps assez ferme pour la dissimuler, la supporter seul, sans troubler la joie autour de lui ! N’est-ce pas plutĂŽt un secret dĂ©plaisir de notre propre indignitĂ©, un mĂ©contentement de nous-mĂȘmes, qui se lie toujours avec une envie aiguillonnĂ©e par une folle vanitĂ© ? Nous voyons heureux des gens qui ne nous doivent pas leur bonheur, et cela nous est insupportable. » Charlotte me sourit, en voyant avec quelle Ă©motion je parlais, et une larme dans les yeux de FrĂ©dĂ©rique m’excita Ă  continuer. « Malheur, m’écriai-je, Ă  ceux qui se servent de l’empire qu’ils ont sur un cƓur, pour lui ravir les joies innocentes dont il est lui-mĂȘme la source ! Tous les prĂ©sents, toutes les prĂ©venances du monde, ne peuvent compenser un moment de joie spontanĂ©e, que nous empoisonne une envieuse importunitĂ© de notre tyran. [...] Si seulement on se disait chaque jour : Tu ne peux rien pour tes amis que respecter leurs plaisirs et augmenter leur bonheur en le goĂ»tant avec eux. Peux-tu, quand le fond de leur ĂȘtre est tourmentĂ© par une passion inquiĂšte, brisĂ© par la souffrance, leur verser une goutte de baume consolateur ?
 Et, quand la derniĂšre, la plus douloureuse maladie surprendra la personne que tu auras tourmentĂ©e dans la fleur de ses jours, qu’elle sera couchĂ©e dans la plus dĂ©plorable langueur, que son Ɠil Ă©teint regardera le ciel, que la sueur de la mort passera sur son front livide, et que, debout devant le lit, comme un condamnĂ©, dans le sentiment profond qu’avec tout ton pouvoir tu ne peux rien, l’angoisse te saisira jusqu’au fond de l’ñme, Ă  la pensĂ©e que tu donnerais tout au monde pour faire passer dans le sein de la crĂ©ature mourante une goutte de rafraĂźchissement, une Ă©tincelle de courage !

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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)