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J'ai perdu ma force et ma vie,
Et mes amis et ma gaieté;
J'ai perdu jusqu'à la fierté
Qui faisait croire à mon génie.
Quand j'ai connu la Vérité,
J'ai cru que c'Ă©tait une amie ;
Quand je l'ai comprise et sentie,
J'en étais déjà dégoûté.
Et pourtant elle est Ă©ternelle,
Et ceux qui se sont passés d'elle
Ici-bas ont tout ignoré.
Dieu parle, il faut qu'on lui réponde.
Le seul bien qui me reste au monde
Est d'avoir quelquefois pleuré.
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Alfred de Musset
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Une vie! Quelques jours et puis plus rien! On naĂźt, on grandit, on est heureux, on attend, puis on meurt.
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Guy de Maupassant
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Une bibliothĂšque est une chambre d'amis.
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Tahar Ben Jelloun (Ăloge de l'amitiĂ©: La soudure fraternelle)
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Que l'on soit absent dans la piÚce voisine, ou sur l'autre versant de la planÚte, la différence n'est pas essentielle. La présence de l'ami qui en apparence s'est éloigné, peut se faire plus dense qu'une présence réelle.
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Antoine de Saint-Exupéry (Lettre à un otage)
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- Restons amis !
Cette phrase Ă©tait vraiment pire que tout.
- Je suis sûre qu'une fée meurt à chaque fois qu'on prononce ces mots quelque part, dis-je.
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Kerstin Gier (SmaragdgrĂŒn (Edelstein-Trilogie, #3))
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Le Chat
Je souhaite dans ma maison:
Une femme ayant sa raison.
Un chat passant parmi les livres.
Des amis en toute saison
Sans lesquels je ne peux pas vivre.
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Guillaume Apollinaire (Alcools)
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Câest une folie de haĂŻr toutes les roses parce que une Ă©pine vous a piquĂ©, dâabandonner tous les rĂȘves parce que lâun dâentre eux ne sâest pas rĂ©alisĂ©, de renoncer Ă toutes les tentatives parce quâon a Ă©choué⊠Câest une folie de condamner toutes les amitiĂ©s parce quâune dâelles vous a trahi, de ne croire plus en lâamour juste parce quâun dâentre eux a Ă©tĂ© infidĂšle, de jeter toutes les chances dâĂȘtre heureux juste parce que quelque chose nâest pas allĂ© dans la bonne direction. Il y aura toujours une autre occasion, un autre ami, un autre amour, une force nouvelle. Pour chaque fin il y a toujours un nouveau dĂ©part.
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Antoine de Saint-Exupéry
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Plus je vieillis et plus je trouve quâon ne peut vivre quâavec les ĂȘtres qui vous libĂšrent, qui vous aiment dâune affection aussi lĂ©gĂšre Ă porter que forte Ă Ă©prouver. La vie dâaujourdâhui est trop dure, trop amĂšre, trop anĂ©miante, pour quâon subisse encore de nouvelles servitudes, venues de qui on aime [...]. Câest ainsi que je suis votre ami, jâaime votre bonheur, votre libertĂ©, votre aventure en un mot, et je voudrais ĂȘtre pour vous le compagnon dont on est sĂ»r, toujours.
The older I get, the more I find that you can only live with those who free you, who love you from a lighter affection to bear as strong as you can to experience Today's life is too hard, too bitter, too anemic, for us to undergo new bondages, from whom we love [...]. This is how I am your friend, I love your happiness, your freedom, Your adventure in one word, and I would like to be for you the companion we are sure of, always.
---- Albert Camus à René Char, 17 septembre 1957 (in "Albert Camus - René Char : Correspondance 1946-1959")
---- Albert Camus to René Char, September 17, 1957 (via René Char)
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Albert Camus (Correspondance (1944-1959))
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As-tu dĂ©jĂ Ă©tĂ© amoureux? C'est horrible non? Ca rend si vulnĂ©rable. Ca t'ouvre la poitrine et le coeur en grand et du coup, n'importe qui peut venir te bousiller de l'intĂ©rieur. On se forge des dĂ©fenses, on se fabrique une belle armure pour que rien ne puisse jamais nous atteindre, et voilĂ qu'un imbĂ©cile, pas bien diffĂ©rent des autres s'immisce dans notre imbĂ©cile de vie... On lui offre un morceau de soi alors que l'autre n'a rien demandĂ©. Il a juste fait un truc dĂ©bile un jour, genre t'embrasser ou te sourire, mais, depuis, ta vie ne t'appartient plus. L'amour te prend en otage. Il s'insinue en toi. Il te dĂ©vore de l'intĂ©rieur et te laisse tout seul Ă chialer dans le noir, au point qu'un simple phrase comme "je crois qu'on devrait rester amis" te fait l'effet d'un Ă©clat de verre qu'on t'aurait plantĂ© dans le coeur. Ca fait mal. Pas juste dans ton imagination. Pas juste dans ta tĂȘte. C'est une douleur Ă fendre l'Ăąme, qui s'incruste en toi et te dĂ©chire du dedans. Je hais l'amour.
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Neil Gaiman (The Sandman, Vol. 9: The Kindly Ones)
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Pour lui, il y avait deux bénédictions dans la vie : les livres et les amis, qu'il fallait posséder en proportions inverses. Des livres en grand nombre mais seulement une poignée d'amis.
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Elif Shafak (The Architect's Apprentice)
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Ah ! cher ami, que les hommes sont pauvres en invention. Ils croient toujours qu'on se suicide pour une raison. Mais on peut trĂšs bien se suicider pour deux raisons. Non, ça ne leur entre pas dans la tĂȘte. Alors, Ă quoi bon mourir volontairement, se sacrifier Ă l'idĂ©e qu'on veut donner de soi ? Vous mort, ils en profiteront pour donner Ă votre geste des motifs idiots, ou vulgaires. Les martyrs, cher ami, doivent choisir d'ĂȘtre oubliĂ©s, raillĂ©s ou utilisĂ©s. Quant Ă ĂȘtre compris, jamais.
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Albert Camus (The Fall)
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J'ai un problĂšme avec la logique. Je n'ai jamais compris comment on pouvait dire une chose et son contraire. Jurer qu'on aime quelqu'un et le blesser, avoir un ami et l'oublier, se dire de la mĂȘme famille et s'ignorer comme des Ă©trangers, revendiquer des grands principes et ne pas les pratiquer, affirmer qu'on croit en Dieu et agir comme s'il n'existait pas, se prendre pour un hĂ©ros quand on se comporte comme un salaud. (p.173)
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Jean-Michel Guenassia (Le Club des incorrigibles optimistes)
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Le matin, quand tu te réveilles et que ça ne va pas fort, cherche la petite lumiÚre qui éclairera ta journée: un café pris avec une amie, une balade, quelques pages d'un bon livre, un instant de musique⊠Si tu ne la trouves pas, invente-la
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Janine Boissard
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- Pourquoi n'as-tu plus d'amis ?
- Ils ont moisi. Je n'avais pas remarqué qu'ils avaient une date de péremption. Il faut faire attention à ça. Mes amis ont commencé à avoir des traces de pourriture, des taches vertes assez dégoûtantes. Ce qu'ils disaient commençait vraiment à sentir mauvais... ("Comment je suis devenu stupide", p210)
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Martin Page (Comment je suis devenu stupide (French Edition))
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La rose complĂšte
Jâai une telle conscience de ton
ĂȘtre, rose complĂšte,
que mon consentement te confond
avec mon cĆur en fĂȘte.
Je te respire comme si tu Ă©tais,
rose, toute la vie,
et je me sens lâami parfait
dâune telle amie.
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Rainer Maria Rilke (The Complete French Poems of Rainer Maria Rilke)
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Ma Solitude
Pour avoir si souvent dormi
Avec ma solitude
Je m'en suis fait presqu'une amie
Une douce habitude
Ell' ne me quitte pas d'un pas
FidĂšle comme une ombre
Elle m'a suivi çà et lĂ
Aux quatre coins du monde
Non, je ne suis jamais seul
Avec ma solitude
Quand elle est au creux de mon lit
Elle prend toute la place
Et nous passons de longues nuits
Tous les deux face Ă face
Je ne sais pas vraiment jusqu'oĂč
Ira cette complice
Faudra-t-il que j'y prenne goût
Ou que je réagisse?
Non, je ne suis jamais seul
Avec ma solitude
Par elle, j'ai autant appris
Que j'ai versé de larmes
Si parfois je la répudie
Jamais elle ne désarme
Et si je préfÚre l'amour
D'une autre courtisane
Elle sera Ă mon dernier jour
Ma derniĂšre compagne
Non, je ne suis jamais seul
Avec ma solitude
â
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Georges Moustaki
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Mes amis, j'Ă©cris ce petit mot pour vous dire que je vous aime, que je pars avec la fiertĂ© de vous avoir connus, l'orgueil d'avoir Ă©tĂ© choisi et apprĂ©ciĂ© par vous, et que notre amitiĂ© fut sans doute la plus belle Ćuvre de ma vie. C'est Ă©trange, l'amitiĂ©. Alors qu'en amour, on parle d'amour, entre vrais amis on ne parle pas d'amitiĂ©. L'amitiĂ©, on la fait sans la nommer ni la commenter. C'est fort et silencieux. C'est pudique. C'est viril. C'est le romantisme des hommes. Elle doit ĂȘtre beaucoup plus profonde et solide que l'amour pour qu'on ne la disperse pas sottement en mots, en dĂ©clarations, en poĂšmes, en lettres. Elle doit ĂȘtre beaucoup plus satisfaisante que le sexe puisqu'elle ne se confond pas avec le plaisir et les dĂ©mangeaisons de peau. En mourant, c'est Ă ce grand mystĂšre silencieux que je songe et je lui rends hommage.
Mes amis, je vous ai vus mal rasĂ©s, crottĂ©s, de mauvaise humeur, en train de vous gratter, de pĂ©ter, de roter, et pourtant je n'ai jamais cessĂ© de vous aimer. J'en aurais sans doute voulu Ă une femme de m'imposer toutes ses misĂšres, je l'aurais quittĂ©e, insultĂ©e, rĂ©pudiĂ©e. Vous pas. Au contraire. Chaque fois que je vous voyais plus vulnĂ©rables, je vous aimais davantage. C'est injuste n'est-ce pas? L'homme et la femme ne s'aimeront jamais aussi authentiquement que deux amis parce que leur relation est pourrie par la sĂ©duction. Ils jouent un rĂŽle. Pire, ils cherchent chacun le beau rĂŽle. ThĂ©Ăątre. ComĂ©die. Mensonge. Il n'y a pas de sĂ©curitĂ© en l'amour car chacun pense qu'il doit dissimuler, qu'il ne peut ĂȘtre aimĂ© tel qu'il est. Apparence. Fausse façade. Un grand amour, c'est un mensonge rĂ©ussi et constamment renouvelĂ©. Une amitiĂ©, c'est une vĂ©ritĂ© qui s'impose. L'amitiĂ© est nue, l'amour fardĂ©.
Mes amis, je vous aime donc tels que vous ĂȘtes.
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Ăric-Emmanuel Schmitt (La Part de l'autre)
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Je n'écris pas pour une petite élite dont je n'ai cure, ni pour cette entité platonique adulée qu'on surnomme la Masse. Je ne crois pas à ces deux abstractions, chÚres au démagogue. J'écris pour moi, pour mes amis et pour adoucir le cours du temps.
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Jorge Luis Borges (The Book of Sand and Shakespeare's Memory)
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Pourquoi souffrons-nous ainsi ? demande le vieux poĂšte Norbert de Varenne Ă Georges Duroy. Câest que nous Ă©tions nĂ©s sans doute pour vivre dâavantage selon la matiĂšre et moins selon lâesprit ; mais, Ă force de penser, une disproportion sâest faite entre lâĂ©tat de notre intelligence agrandie et les conditions immuables de notre vie.
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Guy de Maupassant (Bel-Ami)
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Nous savions que si l'intelligence du texte est une rude et solitaire conquĂȘte de l'esprit, la blague stupide Ă©tablit, elle, une connivence reposante qui ne se partage qu'entre amis de confiance. C'est avec nos intimes que nous Ă©changeons les histoires les plus bĂȘtes, façon de rendre un hommage implicite Ă la finesse de leur esprit. Avec les autres, on fait les malins, on dĂ©balle son savoir, on en installe, on sĂ©duit.
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Daniel Pennac
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Je suis si persuadée que l'amour est une chose incommode que j'ai de la joie que mes amis et moi en soyons exempts.
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Madame de La Fayette
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La vie est une cĂŽte. Tant qu'on monte, on regarde le sommet, et on se sent heureux; mais, lorsqu'on arrive en haut, on aperçoit tout d'un coup la descente, et la fin, qui est la mort. Ăa va lentement quand on monte, mais ça va vite quand on descend. A votre Ăąge, on est joyeux. On espĂšre tant de choses, qui n'arrivent jamais d'ailleurs. Au mien, on n'attend plus rien... que la mort.
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Guy de Maupassant (Bel-Ami)
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Avec rien qu'un livre ouvert sur une serviette, vous passez du statut de petite-conne-toute-seule-qui-n'a-pas-d'amis-et-qui-se-fait-chier Ă celui de petite-rebelle-peinarde-dans-sa-bulle-et-qui-vous-emmerde.
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Michel Bussi (Le temps est assassin)
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Dans le mot défection, il y a une autre idée  : son pÚre lui a manqué. Et le double sens de ce verbe convient absolument. D'abord, une faute, une infraction, une violation. Il s'est dérobé à ses obligations, écarté des routes droites, il a enfreint les rÚgles non écrites, péché contre l'ordre établi, joué contre son camp, piétiné la confiance placée en lui, offensé ses proches, ses amis, il a trahi. Ensuite, une morsure, une douleur, un chagrin. Il n'a pas été présent alors qu'on comptait sur lui, il a laissé un vide que nul n'est venu combler, des questions auxquelles nul n'a su répondre, une frustration irréductible, une demande affective que nul n'a été en mesure d'étancher.
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Philippe Besson (" ArrĂȘte avec tes mensonges ")
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La vie est une succession de moments qui ne cessent de changer, comme les pensĂ©es. Parfois ça va, parfois ça ne va pas. MĂȘme si c'est dans la nature humaine de ruminer, il ne faut pas se laisser envahir par une pensĂ©e nĂ©gative, parce que les pensĂ©es sont comme des invitĂ©s, ou des amies des bons jours. SitĂŽt arrivĂ©es, certaines peuvent s'Ă©vaporer, et mĂȘme celles que l'on rumine longtemps peuvent disparaĂźtre en un instant. Les moments sont prĂ©cieux. Parfois ils trainent, d'autres fois ils nous Ă©chappent, et cependant on pourrait tant en profiter. Il suffit de les saisir...
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Cecelia Ahern (How to Fall in Love)
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Oh! je voudrais tant que tu te souviennes
Des jours heureux oĂč nous Ă©tions amis
En ce temps-lĂ la vie Ă©tait plus belle
Et le soleil plus brûlant qu'aujourd'hui.
Les feuilles mortes se ramassent Ă la pelle
Tu vois, je n'ai pas oublié
Les feuilles mortes se ramassent Ă la pelle
Les souvenirs et les regrets aussi.
Et le vent du Nord les emporte,
Dans la nuit froide de l'oubli.
Tu vois je n'ai pas oublié,
La chanson que tu me chantais...
Les feuilles mortes se ramassent Ă la pelle
Les souvenirs et les regrets aussi,
Mais mon amour silencieux et fidĂšle
Sourit toujours et remercie la vie.
Je t'aimais tant, tu Ă©tais si jolie,
Comment veux-tu que je t'oublie?
En ce temps-lĂ la vie Ă©tait plus belle
Et le soleil plus brûlant qu'aujourd'hui.
Tu Ă©tais ma plus douce amie
Mais je n'ai que faire des regrets.
Et la chanson que tu chantais,
Toujours, toujours je l'entendrai.
C'est une chanson qui nous ressemble,
Toi tu m'aimais, moi je t'aimais
Et nous vivions, tous deux ensemble,
Toi qui m'aimais, moi qui t'aimais.
Mais la vie sépare ceux qui s'aiment,
Tout doucement, sans faire de bruit
Et la mer efface sur le sable
Les pas des amants désunis.
C'est une chanson qui nous ressemble,
Toi tu m'aimais et je t'aimais
Et nous vivions tous deux ensemble,
Toi qui m'aimais, moi qui t'aimais.
Mais la vie sépare ceux qui s'aiment,
Tout doucement, sans faire de bruit
Et la mer efface sur le sable
Les pas des amants désunis.
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Jacques Prévert
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Une légende court les livres. Elle parle de trois amis, trois persans qui ont marqué, chacun à sa façon, les débuts de notre millénaire : Omar Khayyam qui a observé le monde, Nizam-El Mok qui l'a gouverné, Hassan Sabbah qui l'a terrorisé.
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Amin Maalouf (Samarkand)
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Elle aimait la vie, il aimait la mort,
Il aimait la mort, et ses sombres promesses,
Avenir incertain d'un garçon en détresse,
Il voulait mourir, laisser partir sa peine,
Oublier tous ces jours Ă la mĂȘme rengaine...
Elle aimait la vie, heureuse d'exister,
Voulait aider les gens et puis grandir en paix,
C'Ă©tait un don du ciel, toujours souriante,
Fleurs et nature, qu'il pleuve ou qu'il vente.
Mais un beau jour, la chute commença,
Ils tombĂšrent amoureux, mauvais choix,
Elle aimait la vie et il aimait la mort,
Qui d'entre les deux allait ĂȘtre plus fort?
Ils s'aimaient tellement, ils auraient tout sacrifié,
Amis et famille, capables de tout renier,
Tout donner pour s'aimer, tel Ă©tait leur or,
Mais elle aimait la vie et il aimait la mort...
Si différents et pourtant plus proches que tout,
Se comprenant pour protéger un amour fou,
L'un ne rĂȘvait que de mourir et de s'envoler,
L'autre d'une vie avec lui, loin des atrocités...
Fin de l'histoire : obligés de se séparer,
Ils s'étaient promis leur éternelle fidélité.
Aujourd'hui, le garçon torturé vit pour elle,
Puisque la fille, pour lui, a rendu ses ailes...
Il aimait la mort, elle aimait la vie,
Il vivait pour elle, elle est morte pour lui »
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William Shakespeare
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Mais, comme il éprouvait une peine infinie à découvrir des idées, il prit la spécialité des déclamations sur la décadence des moeurs sur l'abaissement des caractÚres, l'affaissement du patriotisme et l'anémie de l'honneur français. (Il avait trouvé le mot "anémie" dont il était fier.)
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Guy de Maupassant (Bel-Ami)
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L'éphémÚre est une divinité polymorphe ainsi que son nom. Sur ces trois pieds qui sonnent comme une légende peuplée d'yeux de farfadets, mon ami Robert Desnos, ce singulier sage moderne, qui a des navires étranges dans chaque pli de sa cervelle, s'est longuement penché, cherchant par l'échelle de soie philologique le sens de ce mot fertile mirages.
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Louis Aragon
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Muzil passa une matinée à l'hÎpital pour faire des examens, il me raconta à quel point le corps, il l'avait oublié, lancé dans les circuits médicaux, perd toute identité, ne reste plus qu'un paquet de chair involontaire, brinquebalé par-ci par-là , à peine un matricule, un nom passé dans la moulinette administrative, exsangue de son histoire et de sa dignité.
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Hervé Guibert (à l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie)
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Il Ă©tait une fois un petit prince qui habitait une planĂšte Ă peine plus grande que lui, et qui avait besoin d'un ami...
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Antoine de Saint-Exupéry (Le Petit Prince)
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Une vie dâĂ©criture mâa appris Ă me mĂ©fier des mots. Ceux qui paraissent les plus limpides sont souvent les plus traĂźtres. Lâun de ces faux amis est justement « identité ».
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Anonymous
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- Qui aimes-tu le mieux, homme Ă©nigmatique, dis? ton pĂšre, ta mĂšre, ta soeur ou ton frĂšre?
- Je n'ai ni pĂšre, ni mĂšre, ni soeur, ni frĂšre.
- Tes amis?
- Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.
- Ta patrie?
- J'ignore sous quelle latitude elle est située.
- La beauté?
- Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle?
- L'or?
- Je le hais comme vous haĂŻssez Dieu.
- Eh! qu'aimes-tu donc, extraordinaire Ă©tranger?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... lĂ -bas... lĂ -bas... les merveilleux nuages!
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Charles Baudelaire
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Mais quelle Ă©trange leçon de gĂ©ographie je reçus lĂ ! Guillaumet ne m'enseignait pas l'Espagne; il me faisait de l'Espagne une amie. Il ne me parlait ni d'hydrographie, nie de populations, ni de cheptel. Il ne me parlait pas de Guadix, mais des trois orangers qui, prĂšs de Guadix, bordent un champ : " MĂ©fie-toi d'eux, marque-les sur ta carte... " Et les trois orangers y tenaient dĂ©sormais plus de place que la Sierra Nevada. Il ne me parlait pas de Lorca, mais d'une simple ferme prĂšs de Lorca. D'une ferme vivante. Et de son fermier. Et de sa fermiĂšre. Et ce couple prenait, perdu dans l'espace, Ă quinze cents kilomĂštres de nous, une importance dĂ©mesurĂ©e. Bien installĂ©s sur le versant de leur montagne, pareils Ă des gardiens de phare, ils Ă©taient prĂȘts, sous leur Ă©toiles, Ă porter secours Ă des hommes.
(Terre des Hommes, ch. I)
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Antoine de Saint-Exupéry
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Je ne me suis jamais vraiment intéressée à la psychogénéalogie ni aux phénomÚnes de répétition transmis d'une génération à une autre qui passionnent certains de mes amis. J'ignore comment ces choses (l'inceste, les enfants morts, le suicide, la folie) se transmettent.
Le fait est qu'elles traversent les familles de part en part, comme d'impitoyables malédictions, laissent des empreintes qui résistent au temps et au déni.
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Delphine de Vigan (Rien ne s'oppose Ă la nuit)
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Les faux savants sont comme tes amis qui chantent avec les chansons anglaises ; de loin, tu penses qu'ils connaissent les paroles par cĆur, mais une fois la chanson s'arrĂȘte, tu te rends compte qu'ils ne savent rien!
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Mohsen Sheha
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il [Conrad] Ă©tait de ces gens scrupuleux et dĂ©licats que le mĂ©pris atteint au cĆur, et qui doutent de leurs prĂ©dilections les plus chĂšres, dĂšs qu'ils les voient tourner en ridicule par une maĂźtresse ou un ami. (p. 144)
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Marguerite Yourcenar (Alexis ou le Traité du vain combat / Le Coup de grùce)
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Il revoyait en souvenir la jolie citĂ© claire, dĂ©gringolant, comme une cascade de maisons plates, du haut de sa montagne dans la mer, mais il ne trouvait plus un mot pour exprimer ce quâil avait vu, ce quâil avait senti.
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Guy de Maupassant (Bel-Ami)
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Mon cher ami, pour moi un homme amoureux est rayé du nombre des vivants. Il devient idiot, pas seulement idiot, mais dangereux. Je cesse, avec les gens qui m'aiment d'amour, ou qui le prétendent, toute relation intime, parce qu'ils m'ennuient d'abord, et puis parce qu'ils me sont suspects comme un chien enragé qui peut avoir une crise. Je les mets donc en quarantaine morale jusqu'à ce que leur maladie soit passée. Ne l'oubliez point. Je sais bien que chez vous l'amour n'est autre chose qu'une espÚce d'appétit, tandis que chez moi ce serait, au contraire, une espÚce de... de... de communion des ùmes qui n'entre pas dans la religion des hommes. Vous en comprenez la lettre, et moi l'esprit.
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Guy de Maupassant (Bel-Ami)
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Car au soleil comme sous la pluie
il n'y a pas de meilleure amie
qu'une sĆur,
une sĆur avec qui rĂȘver quand on s'ennuie
une sĆur pour se retrouver dans la nuit,
une sĆur pour nous relever,
une sĆur qui donne la force
de se soulever.
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Christina Rossetti (Laura, Lizzie et les hommes-gobelins)
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Il admirait le curieux aveuglement par quoi les hommes, si renseignĂ©s pourtant sur ce qui change en eux, imposent Ă leurs amis l'image qu'une fois pour toutes ils se sont faite d'eux. Pour lui, on le jugeait selon ce qu'il avait Ă©tĂ©. Comme un chien ne change pas de caractĂšre, les hommes sont des chiens pour l'homme. Et dans la mesure mĂȘme oĂč CĂ©leste, RenĂ© et les autres l'avaient beaucoup connu, il leur devenait aussi Ă©tranger et aussi fermĂ© qu'une planĂšte inhabitĂ©e.
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Albert Camus (A Happy Death)
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Les vies gays sont souvent des vies diffĂ©rĂ©es ; elles commencent lorsqu'un individu se rĂ©invente lui-mĂȘme, en sortant de son silence, de sa clandestinitĂ© honteuse, ou en tout cas en s'amĂ©nageant des espaces oĂč il lui est possible d'ĂȘtre ce qu'il est et veut ĂȘtre. Lorsqu'il choisit au lieu de subir, et par exemple, lorsqu'il se compose une autre famille - constituĂ©e de ses amis, de ses amants, de ses anciens amants devenus ses amis et des amis de ses anciens amants - et reconstruit ainsi son identitĂ© aprĂšs avoir quittĂ© le champ clos et Ă©touffant de sa famille d'origine et de ses injonctions tacites ou explicites Ă l'hĂ©tĂ©rosexualitĂ©. Une telle fuite ne signifie pas nĂ©cessairement, cela va de soi, la rupture totale avec sa famille, mais plutĂŽt la nĂ©cessitĂ© de s'en tenir Ă©loignĂ© et de la tenir Ă distance. Avant cela, les vies gays ne sont que des vies vĂ©cues par procuration, des vies imaginĂ©es, ou des vies attendues, espĂ©rĂ©es autant que redoutĂ©es. (p. 46)
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Didier Eribon (Insult and the Making of the Gay Self (Series Q))
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Les amants, en effet, regrettent le bien quâils
ont fait, une fois que leur dĂ©sir est Ă©teint. Ceux qui nâont pas dâamour, au contraire, nâont
jamais occasion seyante au repentir, car ce nâest point par contrainte, mais librement, comme
sâils sâoccupaient excellemment des biens de leurs demeures, quâils font, dans la mesure de
leurs moyens, du bien Ă leurs amis. Les amants considĂšrent en outre, et les dommages que
leur amour fit Ă leurs intĂ©rĂȘts et les largesses quâils ont dĂ» consentir ; puis, en y ajoutant la
peine quâils ont eue, ils pensent depuis longtemps avoir dĂ©jĂ payĂ© Ă leurs aimĂ©s le juste prix
des faveurs obtenues. Par contre, ceux qui ne sont pas épris ne peuvent, ni prétexter les
affaires négligées par amour, ni mettre en ligne de compte les souffrances passées, ni alléguer
les diffĂ©rends familiaux quâils ont eus. Exempts de tous ces maux, il ne leur reste plus quâĂ
sâempresser de mettre en acte tout ce quâils croient devoir leur donner du plaisir.
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â
Plato (Phaedrus (Hackett Classics))
â
- Les gens ont des Ă©toiles qui ne sont pas les mĂȘme. Pour les uns, qui voyagent, les Ă©toiles sont des guides. Pour d'autres elles ne sont rien que de petites lumiĂšres. Pour d'autres, qui sont savants, elles sont des problĂšmes.[...] Mais toutes ces Ă©toiles-lĂ se taisent. Toi, tu auras des Ă©toiles comme personne n'en a...
- Que veux-tu dire?
- Quand tu regarderas le ciel, la nuit, puisque j'habiterai dan l'une d'elles, puisque je rirai dans l'une d'elles, alors ce sera pour toi comme si risaient toutes les Ă©toiles. Tu auras, toi, des Ă©toiles qui savent rire!
Et il rit encore.
- Et quand tu seras consolé (on se console toujours) tu seras content de m'avoir connu. Tu seras toujours mon ami. Tu auras envie de rire avec moi.
â
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Antoine de Saint-Exupéry (Le Petit Prince (French Edition))
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- Mon prince, rĂ©pliqua la duchesse avec Ă©nergie, voilĂ ce quâil en coĂ»te dâemployer des scĂ©lĂ©rats de basse naissance. PlĂ»t Ă Dieu que vous pussiez perdre un million, et ne jamais prĂȘter crĂ©ance aux bas coquins qui ont empĂȘchĂ© votre pĂšre de dormir pendant les six derniĂšres annĂ©es de son rĂšgne.
Le mot basse naissance avait plu extrĂȘmement Ă la princesse, qui trouvait que le comte et son amie avaient une estime trop exclusive pour lâesprit, toujours un peu cousin germain du jacobinisme.
â
â
Stendhal
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Quand j'ai cessé de voir trouble, j'ai aperçu une belle brune qui m'observait. Alice m'avait vu dégouliner. Je ne sais
pas si c'est l'émotion, ou le contraste avec le lieu, mais j'ai ressenti une immense attirance pour cette mystérieuse
apparition en pull moulant noir. Plus tard, Alice m'avoua qu'elle m'avait trouvé trÚs beau: mettons cette erreur
d'appréciation sur le compte de l'instinct maternel. L'essentiel, c'est que mon attirance était réciproque - elle avait
envie de me consoler, cela se voyait. Cette rencontre m'a appris que la meilleure chose Ă faire dans un enterrement,
c'est de tomber amoureux.
C'Ă©tait une amie d'une cousine. Elle me prĂ©senta son mari, Antoine, trĂšs sympa, trop, peut-ĂȘtre. Pendant qu'elle
embrassait mes joues mouillées, elle comprit que j'avais compris qu'elle avait vu que j'avais vu qu'elle m'avait
regardé comme elle m'avait regardé. Je me souviendrai toujours de la premiÚre chose que je lui ai dite:
â J'aime bien la structure osseuse de ton visage.
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Frédéric Beigbeder (L'amour dure trois ans (Marc Marronnier, #3))
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Rares sont les amis fondamentaux, ceux dont nous pouvons dire qu'ils ont changĂ© notre vie, avec cette certitude Ă©trange que, sans eux, notre vie tout simplement n'aurait pas Ă©tĂ© la mĂȘme, avec l'intime conviction que l'incidence de ce lien, son influence, ne se limite pas Ă quelques dĂźners, soirĂ©es ou vacances, mais que ce lien a irradiĂ©, rayonnĂ© bien au-delĂ , qu'il a agi sur les choix importants que nous avons faits, qu'il a profondĂ©ment modifiĂ© notre maniĂšre d'ĂȘtre et contribuĂ© Ă affirmer notre mode de vie.
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Delphine de Vigan (D'aprĂšs une histoire vraie)
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Deslauriers, qui couchait dans le cabinet au bois, prĂšs de la fontaine, poussait un long bĂąillement. FrĂ©dĂ©ric s'asseyait au pied de son lit. D'abord il parlait du dĂźner, puis il racontait mille dĂ©tails insignifiants, oĂč il voyait des marques de mĂ©pris ou d'affection. Une fois, par exemple, elle avait refusĂ© son bras, pour prendre celui de Dittmer, et FrĂ©dĂ©ric se dĂ©solait.
- Ah ! quelle bĂȘtise!
Ou bien elle l'avait appelé son "ami".
- Vas-y gaiement, alors!
- Mais je n'ose pas, disait Frédéric.
- Eh bien, n'y pense plus. Bonsoir.
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Gustave Flaubert (Sentimental Education)
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J'aurai voulu avoir plein d'amis tout en conservant ma solitude. Cela m'est apparu comme une impossibilité psychologique. Alors j'ai choisi la solitude. Je pourrai résister à tout, eux, ils auront toujours besoin de quelqu'un, mais moi, non, j'aurai mes propres pensées.
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Valérie ValÚre (Le Pavillon des enfants fous)
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Chaque fois que je levais les yeux je voyais mon petit ami complĂštement gaga parce que j'Ă©tais une reine de beautĂ© Ă la noix! T'Ă©tais un vrai gosse! Il a fallu que tu me transformes en princesse! Eh ben, regarde oĂč ça m'a menĂ©e. A l'asile! Elle chez les dingues, ta princesse!
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Philip Roth (American Pastoral)
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L'heure s'est déroulée rapidement : récits de combats ; batailles gagnées sur des guerres qui seraient forcément perdues ; espoirs auxquels se raccrocher ; familles à la fois vantées et accusées ; accord général sur le fait que les amis n'y pigeaient rien ; larmes versées ; réconfort prodigué.
(âŠ)
- J'ai peur de l'oubli. J'en ai peur comme un aveugle que je connais a peur du noir.
- Futur aveugle, a précisé Isaac avec une ébauche de sourire.
- Je suis trop dur ? a demandĂ© Augustus. C'est vrai qu'il m'arrive d'ĂȘtre aveugle aux sentiments des autres.
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John Green (The Fault in Our Stars)
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Avez-vous remarquĂ© que la mort seule rĂ©veille nos sentiments? Comme nous aimons les amis qui viennent de nous quitter, nâest-ce pas? Comme nous admirons ceux de nos maĂźtres qui ne parlent plus, la bouche pleine de terre! Lâhommage vient alors tout naturellement, cet hommage que, peut-ĂȘtre, ils avaient attendu de nous toute leur vie. Mais savez-vous pourquoi nous sommes toujours plus justes et plus gĂ©nĂ©reux avec les morts? La raison est simple ! Avec eux, il nây a pas dâobligation. Ils nous laissent libres, nous pouvons prendre notre temps, caser lâhommage entre le cocktail et une gentille maĂźtresse, Ă temps perdu, en somme. Sâils nous obligeaient Ă quelque chose, ce serait Ă la mĂ©moire, et nous avons la mĂ©moire courte. Non, câest le mort frais que nous aimons chez nos amis, le mort douloureux, notre Ă©motion, nous-mĂȘmes enfin!
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Albert Camus (The Fall)
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C'est ridiule et bizarre a dire mais je suis persuade qu'il y a encore nombre de gens d'une certaine societe, en particulier des femmes, qui auraient vu disparaitre instantanement leur amour pour leurs amis, pour leur mari, pour leurs enfants, si seulement on leur avait interdi d'en parler en francais
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Leo Tolstoy (Jeunesse)
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Il s'avança un fauteuil, s'installa entre sa femme et sa mÚre et, tandis que Dawn parlait, il lui prit la main. Il y a cent façons de prendre la main de quelqu'un. Selon que c'est la main d'un enfant, la main d'un ami, la main d'un parent agé, la main de celui qui part, la main du mourant, la main du mort. Il tenait la main de Dawn comme on tient la main d'une femme adorée, toute sa ferveur passant dans son étreinte, comme si, par cette pression de sa paume, il arrivait à échanger leurs ùmes, comme si ces doigts enlacés symbolisaient toute leur intimité. Il tenait la main de Dawn comme s'il ne savait rien de leur situation présente.
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Philip Roth (American Pastoral)
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AussitĂŽt, je pense au monde dont je suis exclu, aux fraternitĂ©s qu'il a construites et oĂč je n'ai pas ma place, Ă ses jours ordinaires Ă©galement, oĂč je ne figure pas. L'ami incarne tout cela, le serrement de main symbolise tout cela. Moi, je suis le monde invisible, souterrain, extraordinaire. D'habitude, cette singularitĂ© me rend heureux. Ce soir, elle me fait bĂȘtement souffrir.
Car, tout de mĂȘme, il y a l'intimitĂ© foudroyante entre nous, parfois, l'insurpassable proximitĂ©, mais l'ignorance le reste du temps, l'absolue sĂ©paration  : une telle schizophrĂ©nie, avouez que ça peut venir Ă bout de la raison des plus Ă©quilibrĂ©s. Et je n'Ă©tais pas le plus Ă©quilibrĂ©.
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Philippe Besson (" ArrĂȘte avec tes mensonges ")
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Je demande pardon aux enfants dâavoir dĂ©diĂ© ce livre Ă une grande personne. Jâai une excuse sĂ©rieuse : cette grande personne est le meilleur ami que jâai au monde. Jâai une autre excuse : cette grande personne peut tout comprendre, mĂȘme les livres pour enfants. Jâai une troisiĂšme excuse : cette grande personne habite la France oĂč elle a faim et froid. Elle a besoin dâĂȘtre consolĂ©e. Si toutes ces excuses ne suffisent pas, je veux bien dĂ©dier ce livre Ă lâenfant quâa Ă©tĂ© autrefois cette grande personne. Toutes les grandes personnes ont dâabord Ă©tĂ© des enfants. (Mais peu dâentre elles sâen souviennent.) Je corrige donc ma dĂ©dicace : A LĂ©on Werth quand il Ă©tait petit garçon
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Antoine de Saint-Exupéry (Livres de Antoine de Saint-Exupéry (Illustré): Le Petit Prince, Vol de nuit, Terre des hommes, Courrier sud, Citadelle (French Edition))
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Cette sociĂ©tĂ©, que j'ai remarquĂ©e la premiĂšre dans ma vie, est aussi la premiĂšre qui ait disparu Ă mes yeux. J'ai vu la mort entrer sous ce toit de paix et de bĂ©nĂ©diction, le rendre peu Ă peu solitaire, fermer une chambre et puis une autre qui ne se rouvrait plus. J'ai vu ma grand'mĂšre forcĂ©e de renoncer Ă son quadrille, faute des partners accoutumĂ©s; j'ai vu diminuer le nombre de ces constantes amies, jusqu'au jour oĂč mon aĂŻeule tomba la derniĂšre. Elle et sa sĆur s'Ă©taient promis de s'entre-appeler aussitĂŽt que l'une aurait devancĂ© l'autre; elles se tinrent parole, et madame de BedĂ©e ne survĂ©cut que peu de mois Ă mademoiselle de Boisteilleul.
Je suis peut-ĂȘtre le seul homme au monde qui sache que ces personnes ont existĂ©. Vingt fois, depuis cette Ă©poque, j'ai fait la mĂȘme observation; vingt fois des sociĂ©tĂ©s se sont formĂ©es et dissoutes autour de moi. Cette impossibilitĂ© de durĂ©e et de longueur dans les liaisons humaines, cet oubli profond qui nous suit, cet invincible silence qui s'empare de notre tombe et s'Ă©tend de lĂ sur notre maison, me ramĂšnent sans cesse Ă la nĂ©cessitĂ© de l'isolement.
Toute main est bonne pour nous donner le verre d'eau dont nous pouvons avoir besoin dans la fiĂšvre de la mort. Ah! qu'elle ne nous soit pas trop chĂšre! car comment abandonner sans dĂ©sespoir la main que l'on a couverte de baisers et que l'on voudrait tenir Ă©ternellement sur son cĆur?
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François-René de Chateaubriand (Mémoires d'Outre-Tombe)
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Ma liberté
Longtemps je t'ai gardée
Comme une perle rare
Ma liberté
c'est toi qui m'as aidé
A larguer les amarres
Pour aller n'importe oĂč
Pour aller jusqu'au bout
Des chemins de fortune
Pour cueillir en rĂȘvant
Une rose des vents
Sur un rayon de lune
Ma liberté
Devant tes volontés
Mon Ăąme Ă©tait soumise
Ma liberté
je t'avais tout donné
Ma derniĂšre chemise
Et combien j'ai souffert
Pour pouvoir satisfaire
Tes moindres exigences
J'ai changé de pays
J'ai perdu mes amis
Pour gagner ta confiance
Ma liberté
Tu as su désarmer
Toutes mes habitudes
Ma liberté
toi qui m'as fait aimer
MĂȘme la solitude
Toi qui m'as fait sourire
Quand je voyais finir
Une belle aventure
Toi qui m'as protégé
Quand j'allais me cacher
Pour soigner mes blessures
Ma liberté
Pourtant je t'ai quittée
Une nuit de décembre
J'ai déserté les chemins écartés
Que nous suivions ensemble
Lorsque sans me méfier
Les pieds et poings liés
Je me suis laissé faire
Et je t'ai trahie pour
Une prison d'amour
Et sa belle geĂŽliĂšre
Et je t'ai trahie pour
Une prison d'amour
Et sa belle geĂŽliĂšre
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Georges Moustaki
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e dois donc toujours me rappeler que Warner et moi sommes 2 noms différents.
Nous sommes synonymes, mais différents.
Les synonymes se connaissent comme de vieux collĂšgues, comme des amis qui ont voyagĂ© ensemble. Ils Ă©changent des anecdotes, Ă©voquent leurs origines et oublient que, bien quâĂ©tant semblables, ils sont totalement diffĂ©rents ; et que mĂȘme sâils partagent certains attributs, lâun ne pourra jamais ĂȘtre lâautre. Parce quâune nuit paisible nâest pas la mĂȘme quâune nuit silencieuse, un homme solide nâest pas le mĂȘme quâun homme stable, et une lumiĂšre vive nâest pas la mĂȘme quâune lumiĂšre Ă©clatante, parce que la maniĂšre dont ces mots sâinsĂšrent dans une phrase change tout.
Ils ne sont pas identiques.
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Tahereh Mafi (Unravel Me (Shatter Me, #2))
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Mais toutes ces Ă©toiles-lĂ elles se taisent. Toi, tu auras des Ă©toiles comme personne nâen a...
- Que veux-tu dire ?
- Quand tu regarderas le ciel, la nuit, puisque jâhabiterai dans lâune dâelles, puisque je rirai dans lâune dâelles, alors ce sera pour toi comme si riaient toutes les Ă©toiles. Tu auras, toi, des Ă©toiles qui savent rire !
Et il rit encore.
- Et quand tu seras consolĂ© (on se console toujours) tu seras content de mâavoir connu. Tu seras toujours mon ami. Tu auras envie de rire avec moi. Et tu ouvriras parfois ta fenĂȘtre, comme ça, pour le plaisir... Et tes amis seront bien Ă©tonnĂ©s de te voir rire en regardant le ciel. Alors tu leur diras: "Oui, les Ă©toiles, ça me fait toujours rire !" Et ils te croiront fou.
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Antoine de Saint-Exupéry (The Little Prince)
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La solitude est une chose bien Ă©trange.
Elle vous envahit, tout doucement et sans faire de bruit, sâassoit Ă vos cĂŽtĂ©s dans le noir, vous caresse les cheveux pendant votre sommeil. Elle sâenroule autour de vous, vous serre si fort que vous pouvez Ă peine respirer, que vous nâentendez presque plus la pulsation du sang dans vos veines, tandis quâelle file sur votre peau et effleure de ses lĂšvres le fin duvet de votre nuque. Elle sâinstalle dans votre cĆur, sâallonge prĂšs de vous la nuit, dĂ©vore comme une sangsue la lumiĂšre dans le moindre recoin. Câest une compagne de chaque instant, qui vous serre la main pour mieux vous tirer vers le bas quand vous luttez pour vous redresser.
Vous vous rĂ©veillez le matin et vous vous demandez qui vous ĂȘtes. Vous nâarrivez pas Ă vous endormir le soir et tremblez comme une feuille. Vous doutez vous doutez vous doutez.
je dois
je ne dois pas
je devrais
pourquoi je ne vais pas
Et mĂȘme quand vous ĂȘtes prĂȘt Ă lĂącher prise. Quand vous ĂȘtes prĂȘt Ă vous libĂ©rer. Quand vous ĂȘtes prĂȘt Ă devenir quelquâun de nouveau. La solitude est une vieille amie debout Ă votre cĂŽtĂ© dans le miroir ; elle vous regarde droit dans les yeux, vous met au dĂ©fi de mener votre vie sans elle. Vous ne pouvez pas trouver les mots pour lutter contre vous-mĂȘme, lutter contre les mots qui hurlent que vous nâĂȘtes pas Ă la hauteur, que vous ne le serez jamais vraiment, jamais vraiment.
La solitude est une compagne cruelle, maudite.
Parfois, elle ne veut simplement pas vous abandonner
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Tahereh Mafi (Unravel Me (Shatter Me, #2))
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Jâaime beaucoup les cimetiĂšres, moi, ça me repose et me mĂ©lancolise jâen ai besoin. Et puis, il y a aussi de bons amis lĂ dedans, de ceux quâon ne va plus voir ; et jây vais encore, moi, de temps en temps.
Justement, dans ce cimetiĂšre Montmartre, jâai une histoire de cĆur, une maĂźtresse qui mâavait beaucoup pincĂ©, trĂšs Ă©mu, une charmante petite femme dont le souvenir, en mĂȘme temps quâil me peine Ă©normĂ©ment, me donne des regrets⊠des regrets de toute nature. Et je vais rĂȘver sur sa tombe⊠Câest fini pour elle.
Et puis, jâaime aussi les cimetiĂšres, parce que ce sont des villes monstrueuses, prodigieusement habitĂ©es. Songez donc Ă ce quâil y a de morts dans ce petit espace, Ă toutes les gĂ©nĂ©rations de Parisiens qui sont logĂ©s lĂ , pour toujours, troglodytes dĂ©finitifs enfermĂ©s dans leurs petits caveaux, dans leurs petits trous couverts dâune pierre ou marquĂ©s dâune croix, tandis que les vivants occupent tant de place et font tant de bruit, ces imbĂ©ciles.
Me voici donc entrant dans le cimetiĂšre Montmartre, et tout Ă coup imprĂ©gnĂ© de tristesse, dâune tristesse qui ne faisait pas trop, de mal, dâailleurs, une de ces tristesses qui vous font penser, quand on se porte bien : « Ăa nâest pas drĂŽle, cet endroit-lĂ , mais le moment nâen est pas encore venu pour moi⊠»
Lâimpression de lâautomne, de cette humiditĂ© tiĂšde qui sent la mort des feuilles et le soleil affaibli, fatiguĂ©, anĂ©mique, aggravait en la poĂ©tisant la sensation de solitude et de fin dĂ©finitive flottant sur ce lieu, qui sent la mort des hommes.
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Guy de Maupassant (La Maison Tellier)
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La nuit qui suivit ne fut pas celle de la lutte, mais celle du silence. Dans cette chambre retranchĂ©e du monde, au-dessus de ce corps mort maintenant habillĂ©, Rieux sentit planer le calme surprenant qui, bien des nuits auparavant, sur les terrasses au-dessus de la peste, avait suivi l'attaque des portes. DĂ©jĂ , Ă cette Ă©poque, il avait pensĂ© Ă ce silence qui s'Ă©levait des lits oĂč il avait laissĂ© mourir des hommes. C'Ă©tait partout la mĂȘme pause, le mĂȘme intervalle solennel, toujours le mĂȘme apaisement qui suivait les combats, c'Ă©tait le silence de la dĂ©faite. Mais pour celui qui enveloppait maintenant son ami, il Ă©tait si compact, il s'accordait si Ă©troitement au silence des rues et de la ville libĂ©rĂ©e de la peste, que Rieux sentait bien qu'il s'agissait cette fois de la dĂ©faite dĂ©finitive, celle qui termine les guerres et fait de la paix elle-mĂȘme une souffrance sans guĂ©rison. Le docteur ne savait pas si, pour finir, Tarrou avait retrouvĂ© la paix, mais, dans ce moment tout au moins, il croyait savoir qu'il n'y aurait jamais plus de paix possible pour lui-mĂȘme, pas plus qu'il n'y a d'armistice pour la mĂšre amputĂ©e de son fils ou pour l'homme qui ensevelit son ami.
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Albert Camus (The Plague)
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Eh bien, c'est l'histoire d'un petit ourson qui s'appelle⊠Arthur. Et y'a une fĂ©e, un jour, qui vient voir le petit ourson et qui lui dit : Arthur tu vas partir Ă la recherche du Vase Magique. Et elle lui donne une Ă©pĂ©e hmm⊠magique (ouais, parce qu'y a plein de trucs magiques dans l'histoire, bref) alors le petit ourson il se dit : "Heu, chercher le Vase Magique ça doit ĂȘtre drĂŽlement difficile, alors il faut que je parte dans la forĂȘt pour trouver des amis pour m'aider." Alors il va voir son ami Lancelot⊠le cerf (parce que le cerf c'est majestueux comme ça), heu, Bohort le faisan et puis LĂ©odagan⊠heu⊠l'ours, ouais c'est un ours aussi, c'est pas tout Ă fait le mĂȘme ours mais bon. Donc LĂ©odagan qui est le pĂšre de la femme du petit ourson, qui s'appelle GueniĂšvre la truite⊠non, non, parce que c'est la fille de⊠non c'est un ours aussi puisque c'est la fille de l'autre ours, non parce qu'aprĂšs ça fait des machins mixtes, en fait un ours et une truite⊠non en fait ça va pas. Bref, sinon y'a Gauvain le neveu du petit ourson qui est le fils de sa sĆur Anna, qui est restĂ©e Ă Tintagel avec sa mĂšre Igerne la⊠bah non, ouais du coup je suis obligĂ© de foutre des ours de partout sinon on pige plus rien dans la famille⊠Donc c'est des ours, en gros, enfin bref⊠Ils sont tous lĂ et donc Petit Ourson il part avec sa troupe Ă la recherche du Vase Magique. Mais il le trouve pas, il le trouve pas parce qu'en fait pour la plupart d'entre eux c'est⊠c'est des nazes : ils sont hyper mous, ils sont bĂȘtes, en plus y'en a qu'ont la trouille. Donc il dĂ©cide de les faire bruler dans une grange pour s'en dĂ©barrasser⊠Donc la fĂ©e revient pour lui dire : "Attention petit ourson, il faut ĂȘtre gentil avec ses amis de la forĂȘt" quand mĂȘme c'est vrai, et du coup Petit Ourson il lui met un taquet dans la tĂȘte Ă la fĂ©e, comme ça : "BAH !". Alors la fĂ©e elle est comme ça et elle s'en va⊠et voilĂ et en fait il trouve pas le vase. En fait il est⊠il trouve pas⊠et Petit Ourson il fait de la dĂ©pression et tous les jours il se demande s'il va se tuer ou⊠pasâŠ
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Alexandre Astier (Kaamelott, livre 3, premiĂšre partie : Ăpisodes 1 Ă 50)
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Elle [Catherine de Mainau] avait, dit-on, inspiré des passions trÚs vives ; elle en avait ressenti ; elle avait eu des peines, qu'elle n'avais pas longtemps portées. Il en était de ses chagrins, je suppose, comme de ses robes de bal, qu'elle ne mettait qu'une fois. Mais elle les gardait toutes ; elle avait, ainsi, des armoires de souvenirs. Vous disiez, mon amie, que la princesse Catherine avait une ùme de dentelle. (p. 86-87)
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Marguerite Yourcenar (Alexis ou le Traité du vain combat / Le Coup de grùce)
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Jâai arpentĂ© les galeries sans fin des grandes bibliothĂšque, les rues de cette ville qui fĂ»t la nĂŽtre, celle oĂč nous partagions presque tous nos souvenirs depuis lâenfance. Hier, jâai marchĂ© le long des quais, sur les pavĂ©s du marchĂ© Ă ciel ouvert que tu aimais tant. Je me suis arrĂȘtĂ© par-ci par-lĂ , il me semblait que tu mâaccompagnais, et puis je suis revenu dans ce petit bar prĂšs du port, comme chaque vendredi. Te souviendras-tu ?
Je ne sais pas oĂč tu es. Je ne sais pas si tout ce que nous avons vĂ©cu avait un sens, si la vĂ©ritĂ© existe, mais si tu trouves ce petit mot un jour, alors tu sauras que jâai tenu ma promesse, celle que je tâai faite.
A mon tour de te demander quelque chose, tu me le dois bien. Oublie ce que je viens dâĂ©crire, en amitiĂ© on ne doit rien. Mais voici nĂ©anmoins ma requĂȘte : Dis-lui, dis-lui que quelque part sur cette terre, loin de vous, de votre temps, jâai arpentĂ© les mĂȘmes rues, ri avec toi autour des mĂȘmes tables, et puisque les pierres demeurent, dis-lui que chacune de celles oĂč nous avons posĂ© nos mais et nos regards contient Ă jamais une part de notre histoire. Dis-lui, que jâĂ©tais ton ami, que tu Ă©tais mon frĂšre, peut-ĂȘtre mieux encore puisque nous nous Ă©tions choisis, dis-lui que rien nâa jamais pu nous sĂ©parer, mĂȘme votre dĂ©part si soudain.
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Marc Levy (La prochaine fois)
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Hypocrite qui s'enfonce dans la solitude pour se livrer mieux au debordement de ses convoitises! Tu te prives de viandes, de vin, d'etuves, d'esclaves et d'honneurs; mais comme tu laisses ton imagination t'offrir des banquets, des parfums, des femmes nues et des des foules applaudissantes! Ta chastete n'est qu'une corruption plus subtile, et ce mepris du monde l'impuissance de ta haine contre lui! C'est la ce qui rend tes pareils si lugubres, ou peut-etre parce qu'ils doutent. La possession de la verite donne la joie. Est-ce que Jesus etait triste? Il allait entoure d'amis, se reposait a l'ombre de l'olivier, entrait chez le publicain, multipliait les coupes, pardonnant a la pecheresse, guerissant toutes les douleurs. Toi, tu n'as de pitie que pour ta misere. C'est comme un remords qui t'agite et une demence farouche, jusqu'a repousser la caresse d'un chien ou le sourire d'un enfant.
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Gustave Flaubert (The Temptation of St. Antony)
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Plus tard, j'Ă©crirai sur le manque. Sur la privation insupportable de l'autre. Sur le dĂ©nuement provoquĂ© par cette privation  ; une pauvretĂ© qui s'abat. J'Ă©crirai sur la tristesse qui ronge, la folie qui menace. Cela deviendra la matrice de mes livres, presque malgrĂ© moi. Je me demande quelquefois si j'ai mĂȘme jamais Ă©crit sur autre chose. Comme si je ne m'Ă©tais jamais remis de ça  : l'autre devenu inaccessible. Comme si ça occupait tout l'espace mental.
La mort de beaucoup de mes amis, dans le plus jeune Ăąge, aggravera ce travers, cette douleur. Leur disparition prĂ©maturĂ©e me plongera dans des abĂźmes de chagrin et de perplexitĂ©. Je devrai apprendre Ă leur survivre. Et l'Ă©criture peut ĂȘtre un bon moyen pour survivre. Et pour ne pas oublier les disparus. Pour continuer le dialogue avec eux. Mais le manque prend probablement sa source dans cette premiĂšre dĂ©fection, dans une imbĂ©cile brĂ»lure amoureuse.
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Philippe Besson (" ArrĂȘte avec tes mensonges ")
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« Aujourdâhui, vers trois heures, les Ă©preuves sont arrivĂ©es de chez lâimprimeur. Lâexercice consiste en la moitiĂ© dâun chapitre de Thucydide. Je dois le relire avec attention car le texte doit ĂȘtre rigoureusement correct. Ă quatre heures trente, ma tĂąche nâĂ©tait pas achevĂ©e. Jâavais, cependant, promis Ă un ami de prendre le thĂ© avec lui, jâai donc laissĂ© les Ă©preuves sur mon bureau. Je me suis absentĂ© Ă peine plus dâune heure. « Vous savez, Mr. Holmes,
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Arthur Conan Doyle (Les Trois Ătudiants (French Edition))
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Je suis heureuse et fiĂšre de moi, mĂȘme quand je fais les courses. Je sors si jâen ai envie, sinon je reste Ă la maison pour lire, regarder un film ou bien cuisiner pour moi ou mes amis. Parfois, je mange Ă table. Dâautres fois, je mâassieds par terre, adossĂ©e au canapĂ©. Jâouvre une bouteille de vin mĂȘme quand je suis seule. Je nâai pas besoin de nĂ©gocier. Je suis indĂ©pendante. Je suis prĂȘte Ă me battre de toutes mes forces pour prĂ©server cette situation. Pour toujours. Pourtant, moi aussi, jâaurais quelquefois besoin quâon mâenlace. Besoin de baisser la garde et de me perdre dans les bras dâun homme. De me sentir protĂ©gĂ©e. MĂȘme si je me dĂ©brouille trĂšs bien toute seule, parfois, jâaimerais feindre le contraire juste pour le plaisir que quelquâun sâoccupe de moi. Seulement, je ne veux pas rester avec un homme pour ça. Je ne veux pas devoir accepter des compromis et je nâarrive pas Ă renoncer Ă tout ce que jâai.
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Fabio Volo (One More Day)
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« Ăcoute, Egor PĂ©trovitch, lui dit-il. Quâest ce que tu fais de toi ? Tu te perds seulement avec ton dĂ©sespoir. Tu nâas ni patience ni courage. Maintenant, dans un accĂšs de tristesse, tu dis que
tu nâas pas de talent. Ce nâest pas vrai. Tu as du talent ; je tâassure que tu en as. Je le vois rien quâĂ la façon dont tu sens et comprends lâart. Je te le prouverai par toute ta vie. Tu mâas racontĂ© ta vie dâautrefois. Ă cette Ă©poque aussi le dĂ©sespoirte visitait sans que tu tâen rendisses compte. Ă cette Ă©poque aussi, ton premier maĂźtre, cet homme Ă©trange, dont tu mâas tant parlĂ©, a Ă©veillĂ© en toi, pour la premiĂšre fois, lâamour de lâart et a devinĂ© ton talent. Tu lâas senti alors aussi fortement que maintenant. Mais tu ne savais pas ce qui se passait en toi. Tu ne pouvais pas vivre dans la maison du propriĂ©taire, et tu ne savais toi-mĂȘme ce que tu dĂ©sirais. Ton maĂźtre est mort trop tĂŽt. Il tâa laissĂ© seulement avec des aspirations vagues et, surtout, il ne tâa pas expliquĂ© toimĂȘme. Tu sentais le besoin dâune autre route plus large, tu pressentais que dâautres buts tâĂ©taient destinĂ©s, mais tu ne comprenais pas comment tout cela se ferait et, dans ton angoisse, tu as haĂŻ tout ce qui tâentourait alors. Tes six annĂ©es de misĂšre ne sont pas perdues. Tu as travaillĂ©, pensĂ©, tu as reconnu et toi-mĂȘme et tes forces ; tu comprends maintenant lâart et ta destination. Mon ami, il faut avoir de la patience et du courage. Un sort plus enviĂ© que le mien tâest rĂ©servĂ©. Tu es cent fois plus artiste que moi, mais que Dieu te donne mĂȘme la dixiĂšme partie de ma patience. Travaille, ne bois pas, comme te le disait ton bonpropriĂ©taire, et, principalement, commence par lâa, b, c.
« Quâest-ce qui te tourmente ? La pauvretĂ©, la misĂšre ? Mais la pauvretĂ© et la misĂšre forment lâartiste. Elles sont insĂ©parables des dĂ©buts. Maintenant personne nâa encore besoin de toi ; personne ne veut te connaĂźtre. Ainsi va le monde. Attends, ce sera autre chose quand on saura que tu as du talent. Lâenvie, la malignitĂ©, et surtout la bĂȘtise tâopprimeront plus fortement que la misĂšre. Le talent a besoin de sympathie ; il faut quâon le comprenne. Et toi, tu verras quelles gens tâentoureront quand tu approcheras du but. Ils tĂącheront de regarder avec mĂ©pris ce qui sâest Ă©laborĂ© en toi au prix dâun pĂ©nible travail, des privations, des nuits sans sommeil. Tes futurs camarades ne tâencourageront pas, ne te consoleront pas. Ils ne tâindiqueront pas ce qui en toi est bon et vrai. Avec une joie maligne ils relĂšveront chacune de tes fautes. Ils te montreront prĂ©cisĂ©ment ce quâil y a de mauvais en toi, ce en quoi tu te trompes, et dâun air calme et mĂ©prisant ils fĂȘteront joyeusement chacune de tes erreurs. Toi, tu esorgueilleux et souvent Ă tort. Il tâarrivera dâoffenser une nullitĂ© qui a de lâamour-propre, et alors malheur Ă toi : tu seras seul et ils seront plusieurs. Ils te tueront Ă coups dâĂ©pingles. Moi mĂȘme, je commence Ă Ă©prouver tout cela. Prends donc des forces dĂšs maintenant. Tu nâes pas encore si pauvre. Tu peux encore vivre ; ne nĂ©glige pas les besognes grossiĂšres, fends du bois, comme je lâai fait un soir chez de pauvres gens. Mais tu es impatient ; lâimpatience est ta maladie. Tu nâas pas assez de simplicitĂ© ; tu ruses trop, tu rĂ©flĂ©chis trop, tu fais trop travailler ta tĂȘte. Tu es audacieux en paroles et lĂąche quand il faut prendra lâarchet en main. Tu as beaucoup dâamour-propre et peu de hardiesse. Sois plus hardi, attends, apprends, et si tu ne comptes pas sur tes forces, alors va au hasard ; tu as de la chaleur, du sentiment, peut-ĂȘtre arriveras-tu au but. Sinon, va quand mĂȘme au hasard. En tout cas tu ne perdras rien, si le gain est trop grand. Vois-tu, aussi, le hasard pour nous est une grande chose. »
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Fyodor Dostoevsky (Netochka Nezvanova)
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Rire souvent et sans restriction ; s'attirer le respect des gens intelligents et l'affection des enfants ; tirer profit des critiques de bonne foi et supporter les trahisons des amis supposĂ©s ; apprĂ©cier la beautĂ© ; voir chez les autres ce qu'ils ont de meilleur ; laisser derriĂšre soi quelque chose de bon, un enfant en bonne santĂ©, un coin de jardin ou une sociĂ©tĂ© en progrĂšs ; savoir qu'un ĂȘtre au moins respire mieux parce que vous ĂȘtes passĂ© en ce monde ; voilĂ ce que j'appelle rĂ©ussir sa vie.
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Ralph Waldo Emerson
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Mary Lou et moi, on est amies depuis quâon est toutes petites. JâĂ©tais le boute-en-train de service, et elle, le cancre de la classe. « Cancre » nâest peut-ĂȘtre pas le mot juste. Disons que ses objectifs nâĂ©taient pas trĂšs hauts. Elle voulait se marier et fonder une famille. Et si elle pouvait Ă©pouser le capitaine dâune Ă©quipe de foot, câĂ©tait encore mieux. [...]
Moi, Ă la mĂȘme Ă©poque, je rĂȘvais dâĂ©pouser Aladin pour quâil mâemmĂšne sur son tapis volant. Donc, vous voyez : on nâavait pas les mĂȘmes valeurs.
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Janet Evanovich (Four to Score (Stephanie Plum, #4))
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Un jour il voyait des gens du pays trĂšs occupĂ©s Ă arracher des orties ; il regarda ce tas de plantes dĂ©racinĂ©es Ăšt dĂ©jĂ dessĂ©chĂ©es, et dit : â Câest mort. Cela serait pourtant bon si lâon savait sâen servir. Quant lâortie est jeune, la feuille est un lĂ©gume excellent ; quand elle vieillit, elle a des filaments et des fibres comme le chanvre et le lin. La toile dâortie vaut la toile de chanvre. HachĂ©e, lâortie est bonne pour la volaille ; broyĂ©e, elle est bonne pour lĂšs bĂȘtes Ă cornes, La graine de lâortie mĂȘlĂ©e au fourrage donne du luisant au poil des animaux ; la racine mĂȘlĂ©e au sel produit une belle couleur jaune. Câest du reste un excellent foin quâon peut faucher deux fois. Et que faut-il Ă lâortie ? Peu de terre, nul soin, nulle culture. Seulement la graine tombe Ă mesure quâelle mĂ»rit, et est difficile Ă rĂ©colter. Avec quelque peine quâon prendrait, lâortie serait utile ; on la nĂ©glige, elle devient nuisible. Alors on la tue. Que dâhommes ressemblent Ă lâortie ! â Il ajouta aprĂšs un silence : Mes amis, retenez ceci, il nây a ni mauvaises herbes ni mauvais hommes. Il nây a que de mauvais cultivateurs.
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Victor Hugo (Les Misérables, tome I/3)
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Mais oui, maĂźtresse... Tenez ! juste au-dessus de nous, voilĂ le Chemin de saint Jacques (la Voie lactĂ©e). Il va de France droit sur lâEspagne. Câest saint Jacques de Galice qui lâa tracĂ© pour montrer sa route au brave Charlemagne lorsquâil faisait la guerre aux Sarrasins. Plus loin, vous avez le Char des Ames (la Grande Ourse) avec ses quatre essieux resplendissants. Les trois Ă©toiles qui vont devant sont les Trois BĂȘtes, et cette toute petite contre la troisiĂšme câest le Charretier. Voyez-vous tout autour cette pluie dâĂ©toiles qui tombent ? Ce sont les Ăąmes dont le bon Dieu ne veut pas chez lui... Un peu plus bas, voici le RĂąteau ou les Trois Rois (Orion). Câest ce qui nous sert dâhorloge, Ă nous autres. Rien quâen les regardant, je sais maintenant quâil est minuit passĂ©. Un peu plus bas, toujours vers le midi, brille Jean de Milan, le flambeau des astres (Sirius). Sur cette Ă©toile-lĂ , voici ce que les bergers racontent. Il paraĂźt quâune nuit Jean de Milan, avec les Trois Rois et la PoussiniĂšre (la PlĂ©iade), furent invitĂ©s Ă la noce dâune Ă©toile de leurs amies. PoussiniĂšre, plus pressĂ©e, partit, dit-on, la premiĂšre, et prit le chemin haut. Regardez-la, lĂ -haut, tout au fond du ciel. Les Trois Rois coupĂšrent plus bas et la rattrapĂšrent ; mais ce paresseux de Jean de Milan, qui avait dormi trop tard, resta tout Ă fait derriĂšre, et furieux, pour les arrĂȘter, leur jeta son bĂąton. Câest pourquoi les Trois Rois sâappellent aussi le BĂąton de Jean de Milan... Mais la plus belle de toutes les Ă©toiles, maĂźtresse, câest la nĂŽtre, câest lâEtoile du Berger, qui nous Ă©claire Ă lâaube quand nous sortons le troupeau, et aussi le soir quand nous le rentrons. Nous la nommons encore Maguelonne, la belle Maguelonne qui court aprĂšs Pierre de Provence (Saturne) et se marie avec lui tous les sept ans
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Alphonse Daudet (Lettres de mon moulin)
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Camille se tenait prĂšs de Salim.
Elle apprĂ©ciait Ă leur juste valeur les compliments de l'Empereur. En revanche, l'attitude de son ami l'inquiĂ©tait. Elle savait qu'arrivĂ© Ă ce point du discours, il devait avoir beaucoup de mal Ă se taire. Elle lui jeta un rapide coup dâĆil et se mordit les lĂšvres. Une petite flamme familiĂšre dansait dans ses yeux, annonciatrice d'une prise de parole intempestive, et certainement outrageante. Il fallait le contraindre au silence.
Alors que Sil'Afian dressait un tableau héroïque de leurs exploits, elle aplatit sauvagement les orteils de Salim, tout en lui faisant les gros yeux.
HĂ©las, Ellana, qui le surveillait aussi, Ă©tait arrivĂ©e Ă une conclusion similaire et, au mĂȘme instant, lui Ă©crasa l'autre pied. Le garçon aurait rĂ©ussi Ă faire bonne figure si, derriĂšre lui, Bjorn et Maniel, sans se concerter, n'avaient pincĂ© son cou tandis que maĂźtre Duom se retournait Ă moitiĂ© pour lui planter un index agressif dans l'estomac.
- ...succÚs est dû à l'entente parfaite qui à soudé tous les membres de votre groupe dans...
Salim poussa soudain un effroyable cri de douleur et bondit au plafond, en essayant simultanément d'attraper ses deux pieds, de se masser le cou et de se protéger le ventre.
- ...une merveilleuse amitié ! conclut l'Empereur.
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Pierre Bottero (L'Ăźle du destin (La QuĂȘte d'Ewilan, #3))
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Cette sociĂ©tĂ©, que j'ai remarquĂ©e la premiĂšre dans ma vie, est aussi la premiĂšre qui ait disparu Ă mes yeux. J'ai vu la mort entrer sous ce toit de paix et de bĂ©nĂ©diction, le rendre peu Ă peu solitaire, fermer une chambre et puis une autre qui ne se rouvrait plus. J'ai vu ma grand'mĂšre forcĂ©e de renoncer Ă son quadrille, faute des partners accoutumĂ©s; j'ai vu diminuer le nombre de ces constantes amies, jusqu'au jour oĂč mon aĂŻeule tomba la derniĂšre. Elle et sa sĆur s'Ă©taient promis de s'entre-appeler aussitĂŽt que l'une aurait devancĂ© l'autre; elles se tinrent parole, et madame de BedĂ©e ne survĂ©cut que peu de mois Ă mademoiselle de Boisteilleul. Je suis peut-ĂȘtre le seul homme au monde qui sache que ces personnes ont existĂ©. Vingt fois, depuis cette Ă©poque, j'ai fait la mĂȘme observation; vingt fois des sociĂ©tĂ©s se sont formĂ©es et dissoutes autour de moi. Cette impossibilitĂ© de durĂ©e et de longueur dans les liaisons humaines, cet oubli profond qui nous suit, cet invincible silence qui s'empare de notre tombe et s'Ă©tend de lĂ sur notre maison, me ramĂšnent sans cesse Ă la nĂ©cessitĂ© de l'isolement. Toute main est bonne pour nous donner le verre d'eau dont nous pouvons avoir besoin dans la fiĂšvre de la mort. Ah! qu'elle ne nous soit pas trop chĂšre! car comment abandonner sans dĂ©sespoir la main que l'on a couverte de baisers et que l'on voudrait tenir Ă©ternellement sur son cĆur?Â
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François-René de Chateaubriand (Memoires D'Outre Tombe Lu Par Daniel Mesguich)
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Prenez garde, mon enfant, Ă ce qui se passe dans votre cĆur, dit le curĂ© fronçant le sourcil : je vous fĂ©licite de votre vocation, si c'est Ă elle seule que vous devez le mĂ©pris d'une fortune plus que suffisante. Il y a cinquante-six ans sonnĂ©s que je suis curĂ© de VerriĂšres, et cependant, suivant toute apparence, je vais ĂȘtre destituĂ©. Ceci m'afflige, et toutefois j'ai huit cents livres de rente. Je vous fais part de ce dĂ©tail afin que vous ne vous fassiez pas d'illusions sur ce qui vous attend dans l'Ă©tat de prĂȘtre. Si vous songez Ă faire la cour aux hommes qui ont la puissance, votre perte Ă©ternelle est assurĂ©e. Vous pourrez faire fortune, mais il faudra nuire aux misĂ©rables, flatter le sous-prĂ©fet, le maire, l'homme considĂ©rĂ©, et servir ses passions : cette conduite, qui dans le monde s'appelle savoir-vivre, peut, pour un laĂŻque, n'ĂȘtre pas absolument incompatible avec le salut ; mais, dans notre Ă©tat, il faut opter ; il s'agit de faire fortune dans ce monde ou dans l'autre, il n'y a pas de milieu. Allez, mon cher ami, rĂ©flĂ©chissez, et revenez dans trois jours me rendre une rĂ©ponse dĂ©finitive. J'entrevois avec peine, au fond de votre caractĂšre, une ardeur sombre qui ne m'annonce pas la modĂ©ration et la parfaite abnĂ©gation des avantages terrestres nĂ©cessaires Ă un prĂȘtre ; j'augure bien de votre esprit ; mais, permettez-moi de vous le dire, ajouta le bon curĂ©, les larmes aux yeux, dans l'Ă©tat de prĂȘtre, je tremble pour votre salut.
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Stendhal (The Red and the Black)
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Pourquoi ce chemin plutĂŽt que cet autre ? OĂč mĂšne-t-il pour nous solliciter si fort ? Quels arbres et quels amis sont vivants derriĂšre lâhorizon de ses pierres, dans le lointain miracle de la chaleur ? Nous sommes venus jusquâici car lĂ oĂč nous Ă©tions ce nâĂ©tait plus possible. On nous tourmentait et on allait nous asservir. Le monde, de nos jours, est hostile aux Transparents. Une fois de plus il a fallu partir⊠Et ce chemin, qui ressemblait Ă un long squelette, nous a conduits Ă un pays qui nâavait que son souffle pour escalader lâavenir. Comment montrer, sans les trahir, les choses simples dessinĂ©es entre le crĂ©puscule et le ciel ? Par la vertu de la vie obstinĂ©e, dans la boucle du Temps artiste, entre la mort et la beautĂ©.
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René Char (La Postérité du soleil)
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DĂšs le moment oĂč jâai commencĂ© Ă dĂ©fendre lâamazighitĂ© en 1978. Au gouvernement de lâĂ©poque, Mahjoubi Aherdane et Mâhamed Douiri ne cessaient de se chamailler au sujet de lâamazighitĂ©. Mohamed Benhima, alors ministre de lâIntĂ©rieur, mâa demandĂ©, en tant quâintellectuel, de donner mon avis lĂ -dessus en rĂ©digeant un rapport. On mâa laissĂ© le choix de le faire en arabe ou en français. Je lâai finalement Ă©crit en arabe, pour quâon nâaille pas croire que la dĂ©fense des BerbĂšres est une affaire de francophones. Mais le contenu de ce que jâai dit nâa pas plu Ă tout le monde. Dâautant que jâai rĂ©itĂ©rĂ© dans mon explication une conviction profonde trĂšs peu partagĂ©e. Jâai rappelĂ© que ce qui faisait croire aux BerbĂšres que la langue arabe Ă©tait supĂ©rieure Ă la langue berbĂšre nâest rien dâautre que la prĂ©dominance du sentiment religieux. Or, ce sentiment sâamenuisant, il nâĂ©tait plus possible de sâappuyer dessus pour Ă©vacuer la culture berbĂšre. Le fait que nous ayons crĂ©Ă©, des amis et moi, en 1980, une association de dĂ©fense des droits amazighs nâa pas forcĂšment plu. Tout cela sâest malheureusement terminĂ© par lâarrestation de membres fondateurs de lâassociation et par la condamnation Ă deux ans de prison de lâun dâentre eux. En ce qui me concerne, personnellement, ces Ă©vĂ©nements ont prĂ©cipitĂ© mon dĂ©part du CollĂšge royal dont jâavais Ă©tĂ© directeur de 1976 Ă 1982. Jâai tenu Ă partir dans la dignitĂ© et Hassan II, que Dieu ait son Ăąme, mâa facilitĂ© la tĂąche.
[Interview Economia, Octobre 2010]
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Mohammed Chafik
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Sans doute, lâamitiĂ©, lâamitiĂ© qui a Ă©gard aux individus, est une chose frivole, et la lecture est une amitiĂ©. Mais du moins câest une amitiĂ© sincĂšre, et le fait quâelle sâadresse Ă un mort, Ă un absent, lui donne quelque chose de dĂ©sintĂ©ressĂ©, de presque touchant. Câest de plus une amitiĂ© dĂ©barrassĂ©e de tout ce qui fait la laideur des autres.
Comme nous ne sommes tous, nous les vivants, que des morts qui ne sont pas encore entrĂ©s en fonctions, toutes ces politesses, toutes ces salutations dans le vestibule que nous appelons dĂ©fĂ©rence, gratitude, dĂ©vouement et oĂč nous mĂȘlons tant de mensonges, sont stĂ©riles et fatigantes. De plus, â dĂšs les premiĂšres relations de sympathie, dâadmiration, de reconnaissance, â les premiĂšres paroles que nous prononçons, les premiĂšres lettres que nous Ă©crivons, tissent autour de nous les premiers fils dâune toile dâhabitudes, dâune vĂ©ritable maniĂšre dâĂȘtre, dont nous ne pouvons plus nous dĂ©barrasser dans les amitiĂ©s suivantes ; sans compter que pendant ce temps-lĂ les paroles excessives que nous avons prononcĂ©es restent comme des lettres de change que nous devons payer, ou que nous paierons plus cher encore toute notre vie des remords de les avoir laissĂ© protester.
Dans la lecture, lâamitiĂ© est soudain ramenĂ©e Ă sa puretĂ© premiĂšre. Avec les livres, pas dâamabilitĂ©. Ces amis-lĂ , si nous passons la soirĂ©e avec eux, câest vraiment que nous en avons envie. Eux, du moins, nous ne les quittons souvent quâĂ regret. Et quand nous les avons quittĂ©s, aucune de ces pensĂ©es qui gĂątent lâamitiĂ© : Quâont-ils pensĂ© de nous ? â Nâavons-nous pas manquĂ© de tact ? â Avons-nous plu ? â et la peur dâĂȘtre oubliĂ© pour tel autre.
Toutes ces agitations de lâamitiĂ© expirent au seuil de cette amitiĂ© pure et calme quâest la lecture. Pas de dĂ©fĂ©rence non plus ; nous ne rions de ce que dit MoliĂšre que dans la mesure exacte oĂč nous le trouvons drĂŽle ; quand il nous ennuie nous nâavons pas peur dâavoir lâair ennuyĂ©, et quand nous avons dĂ©cidĂ©ment assez dâĂȘtre avec lui, nous le remettons Ă sa place aussi brusquement que sâil nâavait ni gĂ©nie ni cĂ©lĂ©britĂ©.
LâatmosphĂšre de cette pure amitiĂ© est le silence, plus pur que la parole. Car nous parlons pour les autres, mais nous nous taisons pour nous-mĂȘmes. Aussi le silence ne porte pas, comme la parole, la trace de nos dĂ©fauts, de nos grimaces. Il est pur, il est vraiment une atmosphĂšre. Entre la pensĂ©e de lâauteur et la nĂŽtre il nâinterpose pas ces Ă©lĂ©ments irrĂ©ductibles, rĂ©fractaires Ă la pensĂ©e, de nos Ă©goĂŻsmes diffĂ©rents.
Le langage mĂȘme du livre est pur (si le livre mĂ©rite ce nom), rendu transparent par la pensĂ©e de lâauteur qui en a retirĂ© tout ce qui nâĂ©tait pas elle-mĂȘme jusquâĂ le rendre son image fidĂšle, chaque phrase, au fond, ressemblant aux autres, car toutes sont dites par lâinflexion unique dâune personnalitĂ© ; de lĂ une sorte de continuitĂ©, que les rapports de la vie et ce quâils mĂȘlent Ă la pensĂ©e dâĂ©lĂ©ments qui lui sont Ă©trangers excluent et qui permet trĂšs vite de suivre la ligne mĂȘme de la pensĂ©e de lâauteur, les traits de sa physionomie qui se reflĂštent dans ce calme miroir. Nous savons nous plaire tour Ă tour aux traits de chacun sans avoir besoin quâils soient admirables, car câest un grand plaisir pour lâesprit de distinguer ces peintures profondes et dâaimer dâune amitiĂ© sans Ă©goĂŻsme, sans phrases, comme en soi-mĂȘme.
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Marcel Proust (Days of Reading (Penguin Great Ideas))
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Ecoutez, que vous importe Ă vous que je meure assassinĂ©Â Â ? ĂȘtes-vous mon ami  ? ĂȘtes-vous un homme  ? avez-vous un coeur ?... Non, vous ĂȘtes mĂ©decin  !... Eh bien, je vous dis : « Non, ma fille ne sera pas traĂźnĂ©e par moi aux mains du bourreau  !... » Ah  ! voilĂ une idĂ©e qui me dĂ©vore, qui me pousse comme un insensĂ© Ă creuser ma poitrine avec mes ongles  !... Et si vous vous trompiez, docteur  ! si c'Ă©tait un autre que ma fille  ! Si, un jour, je venais, pĂąle comme un spectre, vous dire : Assassin  ! tu as tuĂ© ma fille... Tenez, si cela arrivait, je suis chrĂ©tien , monsieur d'Avrigny, et cependant je me tuerais  ! â C'est bien, dit le docteur aprĂšs un instant de silence, j 'attendrai. » Villefort le regarda comme s'il doutait encore de ses paroles.« Seulement, continua M. d'Avrigny d'une voix lente et solennelle, si quelque personne
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Alexandre Dumas (Le Comte de Monte-Cristo)
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« Les grandes personnes aiment les chiffres. Quand vous leur parlez d'un nouvel ami, elles ne vous questionnent jamais sur l'essentiel. Elles ne vous disent jamais : "Quel est le son de sa voix ? Quels sont les jeux qu'il prĂ©fĂšre ? Est-ce qu'il collectionne les papillons ?" Elles vous demandent : "Quel age a-t-il ? Combien a-t-il de frĂšres ? Combien pĂšse-t-il ? Combien gagne son pĂšre ? " Alors seulement elles croient le connaitre. Si vous dites aux grandes personnes : "J'ai vu une belle maison en briques roses, avec des gĂ©raniums aux fenĂȘtres et des colombes sur le toit..." elles ne parviennent pas Ă s'imaginer cette maison. Il faut leur dire : "J'ai vu une maison de cent mille francs." Alors elles s'Ă©crient : "Comme c'est joli!"
[âŠ] Elles sont comme ça. Il ne faut pas leur en vouloir. Les enfants doivent ĂȘtre trĂšs indulgents envers les grandes personnes. »
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Antoine de Saint-Exupéry (Le Petit Prince)
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Un jour, avec des yeux vitreux, ma mĂšre me dit: « Lorsque tu seras dans ton lit, que tu entendras les aboiements des chiens dans la campagne, cache-toi dans ta couverture, ne tourne pas en dĂ©rision ce qu'ils font: ils ont soif insatiable de l'infini, comme toi, comme moi, comme le reste des humains, Ă la figure pĂąle et longue. MĂȘme, je te permets de te mettre devant la fenĂȘtre pour contempler ce spectacle, qui est assez sublime » Depuis ce temps, je respecte le voeu de la morte. Moi, comme les chiens, j'Ă©prouve le besoin de l'infini... Je ne puis, je ne puis contenter ce besoin! Je suis fils de l'homme et de la femme, d'aprĂšs ce qu'on m'a dit. Ăa m'Ă©tonne... je croyais ĂȘtre davantage! Au reste, que m'importe d'oĂč je viens? Moi, si cela avait pu dĂ©pendre de ma volontĂ©, j'aurais voulu ĂȘtre plutĂŽt le fils de la femelle du requin, dont la faim est amie des tempĂȘtes, et du tigre, Ă la cruautĂ© reconnue: je ne serais pas si mĂ©chant. Vous, qui me regardez, Ă©loignez-vous de moi, car mon haleine exhale un souffle empoisonnĂ©. Nul n'a encore vu les rides vertes de mon front; ni les os en saillie de ma figure maigre, pareils aux arĂȘtes de quelque grand poisson, ou aux rochers couvrant les rivages de la mer, ou aux abruptes montagnes alpestres, que je parcourus souvent, quand j'avais sur ma tĂȘte des cheveux d'une autre couleur. Et, quand je rĂŽde autour des habitations des hommes, pendant les nuits orageuses, les yeux ardents, les cheveux flagellĂ©s par le vent des tempĂȘtes, isolĂ© comme une pierre au milieu du chemin, je couvre ma face flĂ©trie, avec un morceau de velours, noir comme la suie qui remplit l'intĂ©rieur des cheminĂ©es : il ne faut pas que les yeux soient tĂ©moins de la laideur que l'Etre suprĂȘme, avec un sourire de haine puissante, a mise sur moi.
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Comte de Lautréamont (Les Chants de Maldoror)
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Maintenant je le savais, maintenant j'allais le faire. Je suis remonté là -haut en courant, avec la bouteille d'eau bénite, un idiot muni d'eau bénite, je le savais, je savais que j'étais idiot, mais je m'en moquais.
Je devais les avertir de mon arrivée. Je devais au moins les prévenir, ils avaient droit à ça.
J'ai gueulé : "Eau bénite !"
"L'eau bénite arrive !"
"Voilà l'eau bénite !"
Quand je me suis rué dans l'entrée de la mine, ils étaient tous immobiles sur le sol, blancs et nus et paralysés, figés comme de blùmes cadavres.
"Attention à l'eau bénite ! Voici l'homme qui détient l'eau bénite ! Un truc super puissant !"
J'ai ai éclaboussé un peu partout, elle glougloutait hors de la bouteille en giclant sur leurs cadavres blancs. "C'est l'eau bénite, les amis ! Un truc super-puissant !" Sur leurs visages, leurs poitrines, leurs parties poilues, jeter l'eau bénite, chasser le diable, tuer le diable, sauver mon pÚre, libérer mon pÚre !
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John Fante (L'Orgie (suivi de 1933 fut une mauvaise année))
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Cette finesse-lĂ a Ă©tĂ© trouvĂ©e dĂšs le paradis terrestre. Mes amis, lâinvention est vieille, mais elle est toute neuve. Profitez-en. Soyez Daphnis et ChloĂ© en attendant que vous soyiez PhilĂ©mon et Baucis. Faites en sorte que, quand vous ĂȘtes lâun avec lâautre, rien ne vous manque, et que Cosette soit le soleil pour Marius, et que Marius soit lâunivers pour Cosette. Cosette, que le beau temps, ce soit le sourire de votre mari ; Marius, que la pluie, ce soit les larmes de ta femme. Et quâil ne pleuve jamais dans votre mĂ©nage. Vous avez chipĂ© Ă la loterie le bon numĂ©ro, lâamour dans le sacrement ; vous avez le gros lot, gardez-le bien, mettez-le sous clef, ne le gaspillez pas, adorez-vous, et fichez-vous du reste. Croyez ce que je dis lĂ . Câest du bon sens. Bon sens ne peut mentir. Soyez-vous lâun pour lâautre une religion. Chacun a sa façon dâadorer Dieu. Saperlotte ! la meilleure maniĂšre dâadorer Dieu, câest dâaimer sa femme. Je tâaime ! voilĂ mon catĂ©chisme. Quiconque aime est orthodoxe.
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Victor Hugo (Les Misérables)
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DĂšs que le brouhaha sâapaise, les premiĂšres mesures du morceau suivant sâĂ©lĂšvent, profondes et lentes. Les tintements du triangle et des grelots rĂ©sonnent, clairs Ă©chos du rythme grave des percussions. Alors, Anja se met Ă chanter.
Tes yeux secs cherchent de lâeau dans cette ville morte
Tes pieds en sang abreuvent la terre assoiffée
Tu tombes et ne peux plus te leverâŠ
Elle vibre, exaltĂ©e comme chaque fois par la foule et le chant, flot dâĂ©motions brutes, partagĂ©es, Ă©changĂ©es avec ses compagnons, avec le public.
Tressaillement soudain.
Sensation moite et glacée.
Un goĂ»t Ăącre envahit sa bouche, un goĂ»t de bile et de peur mĂȘlĂ©es. Quelquâun, au milieu de la foule, lâobserve. Un regard glisse lentement sur elle, insistant, insidieux, pareil Ă la langue dâune bĂȘte rĂ©pugnante sur sa peau. Celui qui la traque, lâĂ©pie depuis plusieurs semaines se trouve dans la foule ce soir, ombre sournoise et anonyme. La sirĂšne tente dâapercevoir un visage, de surprendre la fixitĂ© dâune expression, en vain. Dans la salle, les yeux des spectateurs sont pareilles Ă des billes de tĂ©nĂšbres opaques, angoissantes. « Qui est-ce ? » « Que veut-il ? » « Est-ce que je le connais ? » « Est-ce lui, le responsable des disparitions ? » « A-t-il un lien avec cette momie ? » « Suis-je sa prochaine cible ? » Ces questions angoissantes, obsĂ©dantes, tournent en boucle dans sa tĂȘte, brisant la magie du concert. Anja parvient Ă faire bonne figure, interprĂšte mĂȘme une mĂ©lodie rĂ©clamĂ©e par le public. Mais se sent terriblement soulagĂ©e quand le concert sâachĂšve.
Stein repousse ses percussions dans un coin, salue ses deux amies dâun rapide signe de main et quitte la scĂšne. Fast lâattend Ă lâautre bout de la salle bondĂ©e, accoudĂ© au bar. Celui-ci, une antiquitĂ© rescapĂ©e du Cataclysme, consolidĂ©e par des planches de bois peintes, des plaques de tĂŽles et dâĂ©pais morceaux de plastique, est la fiertĂ© de Senta, la propriĂ©taire des lieux. Il a rĂ©sistĂ© aux tempĂȘtes, aux pillards, aux siĂšcles et porte comme autant de cicatrices gravĂ©es dans sa surface, les traces de milliers de vies.
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Charlotte Bousquet (Les ChimĂšres de l'aube (La Peau des rĂȘves, #3))
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« Aujourdâhui, vers trois heures, les Ă©preuves sont arrivĂ©es de chez lâimprimeur. Lâexercice consiste en la moitiĂ© dâun chapitre de Thucydide. Je dois le relire avec attention car le texte doit ĂȘtre rigoureusement correct. Ă quatre heures trente, ma tĂąche nâĂ©tait pas achevĂ©e. Jâavais, cependant, promis Ă un ami de prendre le thĂ© avec lui, jâai donc laissĂ© les Ă©preuves sur mon bureau. Je me suis absentĂ© Ă peine plus dâune heure. « Vous savez, Mr. Holmes, que les portes de notre universitĂ© sont doubles : une matelassĂ©e Ă lâintĂ©rieur et une lourde porte en chĂȘne Ă lâextĂ©rieur. De retour, en approchant de ma porte extĂ©rieure, je mâĂ©tonnai de voir une clef dans la serrure. Jâai pensĂ© une seconde que câĂ©tait la mienne que jâavais oubliĂ©e lĂ . Mais en tĂątant ma poche, je constatai que ça nâĂ©tait pas le cas. Le seul double existant, pour autant que je sache, est celui de mon domestique, Bannister â un homme qui sâoccupe de mon domicile depuis dix ans et dont lâhonnĂȘtetĂ© est absolument hors de soupçon. Je dĂ©couvris que la clef Ă©tait cependant la
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Arthur Conan Doyle (Les Trois Ătudiants (French Edition))
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Sâil est quelquefois logique de sâen rapporter Ă lâapparence des phĂ©nomĂšnes, ce premier chant finit ici. Ne soyez pas sĂ©vĂšre pour celui qui ne fait encore quâessayer sa lyre : elle rend un son si Ă©trange ! Cependant, si vous voulez ĂȘtre impartial, vous reconnaĂźtrez dĂ©jĂ une empreinte forte, au milieu des imperfections. Quant Ă moi, je vais me remettre au
travail, pour faire paraĂźtre un deuxiĂšme chant, dans un laps de temps qui ne soit pas trop retardĂ©. La fin du dix-neuviĂšme siĂšcle verra son poĂšte (cependant, au dĂ©but, il ne doit pas commencer par un chef dâĆuvre, mais suivre la loi de la nature) ; il est nĂ© sur les rives amĂ©ricaines, Ă lâembouchure de la Plata, lĂ oĂč deux peuples, jadis rivaux, sâefforcent actuellement de se surpasser par le progrĂšs matĂ©riel et moral. Buenos-Ayres, la reine du Sud, et Montevideo, la coquette, se tendent une main amie, Ă travers les eaux argentines du grand estuaire. Mais, la guerre Ă©ternelle a placĂ© son empire destructeur sur les campagnes, et moissonne avec joie des victimes nombreuses. Adieu, vieillard, et pense Ă moi, si tu mâas lu. Toi, jeune homme, ne dĂ©sespĂšre point ; car, tu as un ami dans le vampire, malgrĂ© ton opinion contraire. En comptant lâacarus sarcopte qui produit la gale, tu auras deux amis !
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Comte de Lautréamont (Les Chants de Maldoror)
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Quand le soir, aprĂšs avoir conduit ma grand'mĂšre et ĂȘtre restĂ© quelques heures chez son amie, j'eus repris seul le train, du moins je ne trouvai pas pĂ©nible la nuit qui vint ; c'est que je n'avais pas Ă la passer dans la prison d'une chambre dont l'ensommeillement me tiendrait Ă©veillĂ© ; j'Ă©tais entourĂ© par la calmante activitĂ© de tous ces mouvements du train qui me tenaient compagnie, s'offraient Ă causer avec moi si je ne trouvais pas le sommeil, me berçaient de leurs bruits que j'accouplais comme le son des cloches Ă Combray tantĂŽt sur un rythme, tantĂŽt sur un autre (entendant selon ma fantaisie d'abord quatre doubles croches Ă©gales, puis une double croche furieusement prĂ©cipitĂ©e contre une noire) ; ils neutralisaient la force centrifuge de mon insomnie en exerçant sur elle des pressions contraires qui me maintenaient en Ă©quilibre et sur lesquelles mon immobilitĂ© et bientĂŽt mon sommeil se sentirent portĂ©s avec la mĂȘme impression rafraĂźchissante que m'aurait donnĂ©e le repos dĂ» Ă la vigilance de forces puissantes au sein de la nature et de la vie, si j'avais pu pour un moment m'incarner en quelque poisson qui dort dans la mer, promenĂ© dans son assoupissement par les courants et la vague, ou en quelque aigle Ă©tendu sur le seul appui de la tempĂȘte.
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Marcel Proust (A l'ombre des jeunes filles en fleurs TroisiĂšme partie)
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(âŠ) En outre, il est permis de croire quâune disposition culturelle pour la psychanalyse existait parmi les Juifs de Vienne, du fait que le premier auditoire auquel Freud exposa ses idĂ©es sur la psychanalyse fut sa te SociĂ©tĂ© Juive » : Bânai Bârith, et que les premiers psychanalystes Ă©taient pratiquement tous Juifs. La principale personnalitĂ© non juive parmi eux Ă©tait Jung, qui sort dâune tradition nettement mystique dans le cadre du christianisme. Rappelons Ă ce sujet les Ă©vĂ©nements qui se dĂ©roulĂšrent au deuxiĂšme CongrĂšs International de Psychanalyse de Nuremberg en 1910. Freud avait proposĂ© que Jung fĂ»t nommĂ© prĂ©sident perpĂ©tuel. Une rĂ©union de protestation se tint dans une chambre dâhĂŽtel ; Freud sây rendit et dit :
"La plupart dâentre vous sont Juifs et par consĂ©quent incapables de gagner des amis Ă la nouvelle doctrine ; les Juifs doivent se contenter du modeste rĂŽle de dĂ©fricheurs du terrain. Il est absolument indispensable que je noue des liens avec le monde scientifique car je mâavance en Ăąge et je suis las des attaques perpĂ©tuelles dont je suis lâobjet. Nous sommes tous en danger. Saisissant les revers de son veston, il sâĂ©cria : â Ils ne me laisseront pas mĂȘme un habit sur le dos. Les Suisses [Jung Ă©tait suisse] nous sauveront, me sauveront et vous tous avec â .
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David Bakan (Sigmund Freud and the Jewish Mystical Tradition)
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« Norbert de Varenne parlait dâune voix claire, mais retenue, qui aurait sonnĂ© dans le silence de la nuit sâil lâavait laissĂ©e sâĂ©chapper. Il semblait surexcitĂ© et triste, dâune de ces tristesses qui tombent parfois sur les Ăąmes et les rendent vibrantes comme la terre sous la gelĂ©e. Il reprit : « Quâimporte, dâailleurs, un peu plus ou un peu moins de gĂ©nie, puisque tout doit finir ! » Et il se tut. Duroy, qui se sentait le cĆur gai, ce soir-lĂ , dit, en souriant : « Vous avez du noir, aujourdâhui, cher
maĂźtre. » Le poĂšte rĂ©pondit. « Jâen ai toujours, mon enfant, et vous en aurez autant que moi dans quelques annĂ©es. La vie est une cĂŽte. Tant quâon monte, on regarde le sommet, et on se sent heureux ; mais, lorsquâon arrive en haut, on aperçoit tout dâun coup la descente, et la fin qui est la mort. Ăa va lentement quand on monte, mais ça va vite quand on descend. Ă votre Ăąge, on est joyeux. On espĂšre tant de choses, qui nâarrivent jamais dâailleurs. Au mien, on nâattend plus rien... que la mort. » Duroy se mit Ă rire : « Bigre, vous me donnez froid dans le dos. » Norbert de Varenne reprit : « Non, vous ne me comprenez pas aujourdâhui, mais vous vous rappellerez plus tard ce que je vous dis en ce moment. » « Il arrive un jour, voyez- vous, et il arrive de bonne heure pour beaucoup, oĂč câest fini de rire, comme on dit, parce que derriĂšre tout ce quâon regarde, câest la mort quâon aperçoit. » « Oh ! vous ne comprenez mĂȘme pas ce mot-lĂ , vous, la mort. Ă votre Ăąge, ça ne signifie rien. Au mien, il est terrible. » « Oui, on le comprend tout dâun coup, on ne sait pas pourquoi ni Ă propos de quoi, et alors tout change dâaspect, dans la vie. Moi, depuis quinze ans, je la sens qui me travaille comme si je portais en moi une bĂȘte rongeuse. Je lâai sentie peu Ă peu, mois par mois, heure par heure, me dĂ©grader ainsi quâune maison qui sâĂ©croule. Elle mâa dĂ©figurĂ© si complĂštement que je ne me reconnais pas. Je nâai plus rien de moi, de moi lâhomme radieux, frais et fort que jâĂ©tais Ă trente ans. Je lâai vue teindre en blanc mes cheveux noirs, et avec quelle lenteur savante et mĂ©chante ! Elle mâa pris ma peau ferme, mes muscles, mes dents, tout mon corps de jadis, ne me laissant quâune Ăąme dĂ©sespĂ©rĂ©e quâelle enlĂšvera bientĂŽt aussi. » « Oui, elle mâa Ă©miettĂ©, la gueuse, elle a accompli doucement et terriblement la longue destruction de mon ĂȘtre, seconde par seconde. Et maintenant je me sens mourir en tout ce que je fais. Chaque pas mâapproche dâelle, chaque mouvement, chaque souffle hĂąte son odieuse besogne. Respirer, dormir, boire, manger, travailler, rĂȘver, tout ce que nous faisons, câest mourir. Vivre enfin, câest mourir ! » » (de « Bel-Ami » par Guy de Maupassant)
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Guy de Maupassant
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Jâai dâailleurs un ami qui, ces jours-ci, mâa affirmĂ© que nous ne savons mĂȘme pas ĂȘtre paresseux. Il prĂ©tend que nous paressons lourdement, sans plaisir, ni bĂ©atitude, que notre repos est fiĂ©vreux, inquiet, mĂ©content ; quâen mĂȘme temps que la paresse, nous gardons notre facultĂ© dâanalyse, notre opinion sceptique, une arriĂšre-pensĂ©e, et toujours sur les bras une affaire courante, Ă©ternelle, sans fin. Il dit encore que nous nous prĂ©parons Ă ĂȘtre paresseux et Ă nous reposer comme Ă une affaire dure et sĂ©rieuse et que, par exemple, si nous voulons jouir de la nature, nous avons lâair dâavoir marquĂ© sur notre calendrier, encore la semaine derniĂšre, que tel et tel jour, Ă telle et telle heure, nous jouirons de la nature. Cela me rappelle beaucoup cet Allemand ponctuel qui, en quittant Berlin, nota tranquillement sur son carnet. « En passant Ă Nuremberg ne pas oublier de me marier. » Il est certain que lâAllemand avait, avant tout, dans sa tĂȘte, un systĂšme, et il ne sentait pas lâhorreur du fait, par reconnaissance pour ce systĂšme. Mais il faut bien avouer que dans nos actes Ă nous, il nây a mĂȘme aucun systĂšme. Tout se fait ainsi comme par une fatalitĂ© orientale. Mon ami a raison en partie. Nous semblons traĂźner notre fardeau de la vie par force, par devoir, mais nous avons honte dâavouer quâil est au-dessus de nos forces, et que nous sommes fatiguĂ©s. Nous avons lâair, en effet, dâaller Ă la campagne pour nous reposer et jouir de la nature. Regardez avant tout les bagages rien laissĂ© de ce qui est usĂ©, de ce qui a servi lâhiver, au contraire, nous y avons ajoutĂ© des choses nouvelles. Nous vivons de souvenirs et lâancien potin et la vieille affaire passent pour neufs. Autrement câest ennuyeux ; autrement il faudra jouer au whist avec lâaccompagnement du rossignol et Ă ciel ouvert. Dâailleurs, câest ce qui se fait. En outre, nous ne sommes pas bĂątis pour jouir de la nature ; et, en plus, notre nature, comme si elle connaissait notre caractĂšre, a oubliĂ© de se parer au mieux. Pourquoi, par exemple, est-elle si dĂ©veloppĂ©e chez nous lâhabitude trĂšs dĂ©sagrĂ©able de toujours contrĂŽler, Ă©plucher nos impressions â souvent sans aucun besoin â et, parfois mĂȘme, dâĂ©valuer le plaisir futur, qui nâest pas encore rĂ©alisĂ©, de le soupeser, dâen ĂȘtre satisfait dâavance en rĂȘve, de se contenter de la fantaisie et, naturellement, aprĂšs, de nâĂȘtre bon Ă rien pour une affaire rĂ©elle ? Toujours nous froisserons et dĂ©chirerons la fleur pour sentir mieux son parfum, et ensuite nous nous rĂ©volterons quand, au lieu de parfum, il ne restera plus quâune fumĂ©e. Et cependant, il est difficile de dire ce que nous deviendrions si nous nâavions pas au moins ces quelques jours dans toute lâannĂ©e et si nous ne pouvions satisfaire par la diversitĂ© des phĂ©nomĂšnes de la nature notre soif Ă©ternelle, inextinguible de la vie naturelle, solitaire. Et enfin, comment ne pas tomber dans lâimpuissance en cherchant Ă©ternellement des impressions, comme la rime pour un mauvais vers, en se tourmentant de la soif dâactivitĂ© extĂ©rieure, en sâeffrayant enfin, jusquâĂ en ĂȘtre malade, de ses propres illusions, de ses propres chimĂšres, de sa propre rĂȘverie et de tous ces moyens auxiliaires par lesquels, en notre temps, on tĂąche, nâimporte comment, de remplir le vide de la vie courante incolore.
Et la soif dâactivitĂ© arrive chez nous jusquâĂ lâimpatience fĂ©brile. Tous dĂ©sirent des occupations sĂ©rieuses, beaucoup avec un ardent dĂ©sir de faire du bien, dâĂȘtre utiles, et, peu Ă peu, ils commencent dĂ©jĂ Ă comprendre que le bonheur nâest pas dans la possibilitĂ© sociale de ne rien faire, mais dans lâactivitĂ© infatigable, dans le dĂ©veloppement et lâexercice de toutes nos facultĂ©s.
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Fyodor Dostoevsky
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« Il dit rĂ©solument : « Je ne venais point vous voir parce que cela valait mieux. » Elle demanda, sans comprendre : « Comment ? Pourquoi ? â Pourquoi ? Vous ne devinez pas. â Non, pas du tout. â Parce que je suis amoureux de vous... oh ! un peu, rien quâun peu... et que je ne veux pas le devenir tout Ă fait... » Elle ne parut ni Ă©tonnĂ©e, ni choquĂ©e, ni flattĂ©e ; elle continuait Ă sourire du mĂȘme sourire indiffĂ©rent, et elle rĂ©pondit avec tranquillitĂ© : « Oh ! vous pouvez venir tout de mĂȘme. On nâest jamais amoureux de moi longtemps. » Il fut surpris du ton plus encore que des paroles, et il demanda : « Pourquoi ? â Parce que câest inutile et que je le fais comprendre tout de suite. Si vous mâaviez racontĂ© plus tĂŽt votre crainte, je vous aurais rassurĂ© et engagĂ© au contraire Ă venir le plus possible. » Il sâĂ©cria, dâun ton pathĂ©tique : « Avec ça quâon peut commander aux sentiments ! » Elle se tourna vers lui : « Mon cher ami, pour moi un homme amoureux est rayĂ© du nombre des vivants. Il devient idiot, pas seulement idiot, mais dangereux. Je cesse, avec les gens qui mâaiment dâamour, ou qui le prĂ©tendent, toute relation intime, parce quâils mâennuient dâabord, et puis parce quâils me sont suspects comme un chien enragĂ© qui peut avoir une crise. Je les mets donc en quarantaine morale jusquâĂ ce que leur maladie soit passĂ©e. Ne lâoubliez point. Je sais bien que chez vous lâamour nâest autre chose quâune espĂšce dâappĂ©tit, tandis que chez moi ce serait, au contraire, une espĂšce de... de... de communion des Ăąmes qui nâentre pas dans la religion des hommes. Vous en comprenez la lettre, et moi lâesprit. Mais... regardez-moi bien en face... » Elle ne souriait plus. Elle avait un visage calme et froid et elle dit en appuyant sur chaque mot : « Je ne serai jamais, jamais votre maĂźtresse, entendez-vous. Il est donc absolument inutile, il serait mĂȘme mauvais pour vous de persister dans ce dĂ©sir... Et maintenant que... lâopĂ©ration est faite... voulez-vous que nous soyons amis, bons amis, mais lĂ , de vrais amis, sans arriĂšre-pensĂ©e ? » Il avait compris que toute tentative resterait stĂ©rile devant cette sentence sans appel. Il en prit son parti tout de suite, franchement, et, ravi de pouvoir se faire cette alliĂ©e dans lâexistence, il lui tendit les deux mains : « Je suis Ă vous, madame, comme il vous plaira. » » (de « Bel-Ami » par Guy de Maupassant)
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Guy de Maupassant
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Maldoror, Ă©coute-moi. Remarque ma figure, calme comme un miroir, et je crois avoir une intelligence Ă©gale Ă la tienne. Un jour, tu mâappelas le soutien de ta vie. Depuis lors, je nâai pas dĂ©menti la confiance que tu mâavais vouĂ©e. Je ne suis quâun simple habitant des roseaux, câest vrai ; mais, grĂące Ă ton propre contact, ne prenant que ce quâil y avait de beau en toi, ma raison sâest agrandie, et je puis te parler. Je suis venu vers toi, afin de te retirer de lâabĂźme. Ceux qui sâintitulent tes amis te regardent, frappĂ©s de consternation, chaque fois quâils te rencontrent, pĂąle et voĂ»tĂ©, dans les thĂ©Ăątres, dans les places publiques, ou pressant, de deux cuisses nerveuses, ce cheval qui ne galope que pendant la nuit, tandis quâil porte son maĂźtre-fantĂŽme, enveloppĂ© dans un long manteau noir. Abandonne ces pensĂ©es, qui rendent ton cĆur vide comme un dĂ©sert ; elles sont plus brĂ»lantes que le feu. Ton esprit est tellement malade que tu ne tâen aperçois pas, et que tu crois ĂȘtre dans ton naturel, chaque fois quâil sort de ta bouche des paroles insensĂ©es, quoique pleines dâune infernale grandeur. Malheureux ! quâas-tu dit depuis le jour de ta naissance ? Ă triste reste dâune intelligence immortelle, que Dieu avait crĂ©Ă©e avec tant dâamour ! Tu nâas engendrĂ© que des malĂ©dictions, plus affreuses que la vue de panthĂšres affamĂ©es ! Moi, je prĂ©fĂ©rerais avoir les paupiĂšres collĂ©es, mon corps manquant des jambes et des bras, avoir assassinĂ© un homme, que ne pas ĂȘtre toi ! Parce que je te hais. Pourquoi avoir ce caractĂšre qui mâĂ©tonne ? De quel droit viens-tu sur cette terre, pour tourner en dĂ©rision ceux qui lâhabitent, Ă©pave pourrie, ballottĂ©e par le scepticisme ? Si tu ne tây plais pas, il faut retourner dans les sphĂšres dâoĂč tu viens. Un habitant des citĂ©s ne doit pas rĂ©sider dans les villages, pareil Ă un Ă©tranger. Nous savons que, dans les espaces, il existe des sphĂšres plus spacieuses que la nĂŽtre, et donc les esprits ont une intelligence que nous ne pouvons mĂȘme pas concevoir. Eh bien, va-tâen !⊠retire-toi de ce sol mobile !⊠montre enfin ton essence divine, que tu as cachĂ©e jusquâici ; et, le plus tĂŽt possible, dirige ton vol ascendant vers la sphĂšre, que nous nâenvions point, orgueilleux que tu es ! Car, je ne suis pas parvenu Ă reconnaĂźtre si tu es un homme ou plus quâun homme ! Adieu donc ; nâespĂšre plus retrouver le crapaud sur ton passage. Tu es la cause de ma mort. Moi, je pars pour lâĂ©ternitĂ©, afin dâimplorer ton pardon !
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Comte de Lautréamont
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moi je suis fĂąchĂ© contre notre cercle patriarcal parce quâil y vient toujours un homme du type le plus insupportable. Vous tous, messieurs, le connaissez trĂšs bien. Son nom est LĂ©gion. Câest un homme qui a bon coeur, et nâa rien quâun bon coeur. Comme si câĂ©tait une chose rare Ă notre Ă©poque dâavoir bon coeur ; comme si, enfin, on avait besoin dâavoir bon coeur ; cet Ă©ternel bon coeur ! Lâhomme douĂ© dâune si belle qualitĂ© a lâair, dans la vie, tout Ă fait sĂ»r que son bon coeur lui suffira pour ĂȘtre toujours content et heureux. Il est si sĂ»r du succĂšs quâil nĂ©glige tout autre moyen en venant au monde. Par exemple, il ne connaĂźt ni mesure ni retenue. Tout, chez lui, est dĂ©bordant, Ă coeur ouvert. Cet homme est enclin Ă vous aimer soudain, Ă se lier dâamitiĂ©, et il est convaincu quâaussitĂŽt, rĂ©ciproquement, tous lâaimeront, par ce seul fait quâil sâest mis Ă aimer tout le monde. Son bon coeur nâa mĂȘme jamais pensĂ© que câest peu dâaimer chaudement, quâil faut possĂ©der lâart de se faire aimer, sans quoi tout est perdu, sans quoi la vie nâest pas la vie, ni pour son coeur aimant ni pour le malheureux que, naĂŻvement, il a choisi comme objet de son attachement profond. Si cet homme se procure un ami, aussitĂŽt celui-ci se transforme pour lui en un meuble dâusage, quelque chose comme un crachoir. Tout ce quâil a dans le coeur, nâimporte quelle saletĂ©, comme dit Gogol, tout sâenvole de la langue et tombe dans le coeur de lâami. Lâami est obligĂ© de tout Ă©couter et de compatir Ă tout. Si ce monsieur est trompĂ© par sa maĂźtresse, ou sâil perd aux cartes, aussitĂŽt, comme un ours, il fond, sans y ĂȘtre invitĂ©, sur lâĂąme de lâami et y dĂ©verse tous ses soucis. Souvent il ne remarque mĂȘme pas que lâami lui-mĂȘme a des chagrins par-dessus la tĂȘte : ou ses enfants sont morts, ou un malheur est arrivĂ© Ă sa femme, ou il est excĂ©dĂ© par ce monsieur au coeur aimant. Enfin on lui fait dĂ©licatement sentir que le temps est splendide et quâil faut en profiter pour une promenade solitaire. Si cet homme aime une femme, il lâoffensera mille fois par son caractĂšre avant que son coeur aimant le remarque, avant de remarquer (si toutefois il en est capable) que cette femme sâĂ©tiole de son amour, quâelle est dĂ©goĂ»tĂ©e dâĂȘtre avec lui, quâil empoisonne toute son existence. Oui, câest seulement dans lâisolement, dans un coin, et surtout dans un groupe que se forme cette belle oeuvre de la nature, ce « spĂ©cimen de notre matiĂšre brute », comme disent les AmĂ©ricains, en qui il nây a pas une goutte dâart, en qui tout est naturel. Un homme pareil oublie â il ne soupçonne mĂȘme pas â, dans son inconscience totale, que la vie est un art, que vivre câest faire oeuvre dâart par soi-mĂȘme ; que ce nâest que dans le lien des intĂ©rĂȘts, dans la sympathie pour toute la sociĂ©tĂ© et ses exigences directes, et non dans lâindiffĂ©rence destructrice de la sociĂ©tĂ©, non dans lâisolement, que son capital, son trĂ©sor, son bon coeur, peut se transformer en un vrai diamant taillĂ©.
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Fyodor Dostoevsky
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je lui tendis les trois pommes vertes que je venais de voler dans le verger. Elle les accepta et m'annonça, comme en passant :
â Janek a mangĂ© pour moi toute sa collection de timbres-poste.
C'est ainsi que mon martyre commença. Au cours des jours qui suivirent, je mangeai pour Valentine plusieurs poignées de vers de terre, un grand nombre de papillons, un kilo de cerises avec les noyaux, une souris, et, pour finir, je peux dire qu'à neuf ans, c'est-à -dire bien plus jeune que Casanova, je pris place parmi les plus grands amants de tous les temps, en accomplissant une prouesse amoureuse que personne, à ma connaissance, n'est jamais venu égaler. Je mangeai pour ma bien-aimée un soulier en caoutchouc.
Ici, je dois ouvrir une parenthĂšse.
Je sais bien que, lorsqu'il s'agit de leurs exploits amoureux, les hommes ne sont que trop portés à la vantardise. A les entendre, leurs prouesses viriles ne connaissent pas de limite, et ils ne vous font grùce d'aucun détail.
Je ne demande donc Ă personne de me croire lorsque j'affirme que, pour ma bien-aimĂ©e, je consommai encore un Ă©ventail japonais, dix mĂštres de fil de coton, un kilo de noyaux de cerises â Valentine me mĂąchait, pour ainsi dire, la besogne, en mangeant la chair et en me tendant les noyaux â et trois poissons rouges, que nous Ă©tions allĂ©s pĂȘcher dans l'aquarium de son professeur de musique.
Dieu sait ce que les femmes m'ont fait avaler dans ma vie, mais je n'ai jamais connu une nature aussi insatiable. C'était une Messaline doublée d'une Théodora de Byzance. AprÚs cette expérience, on peut dire que je connaissais tout de l'amour. Mon éducation était faite. Je n'ai fait, depuis, que continuer sur ma lancée.
Mon adorable Messaline n'avait que huit ans, mais son exigence physique dĂ©passait tout ce qu'il me fut donnĂ© de connaĂźtre au cours de mon existence. Elle courait devant moi, dans la cour, me dĂ©signait du doigt tantĂŽt un tas de feuilles, tantĂŽt du sable, ou un vieux bouchon, et je m'exĂ©cutais sans murmurer. Encore bougrement heureux d'avoir pu ĂȘtre utile. A un moment, elle s'Ă©tait mise Ă cueillir un bouquet de marguerites, que je voyais grandir dans sa main avec apprĂ©hension â mais je mangeai les marguerites aussi, sous son oeil attentif â elle savait dĂ©jĂ que les hommes essayent toujours de tricher, dans ces jeux-lĂ â oĂč je cherchais en vain une lueur d'admiration. Sans une marque d'estime ou de gratitude, elle repartit en sautillant, pour revenir, au bout d'un moment, avec quelques escargots qu'elle me tendit dans le creux de la main. Je mangeai humblement les escargots, coquille et tout.
A cette époque, on n'apprenait encore rien aux enfants sur le mystÚre des sexes et j'étais convaincu que c'était ainsi qu'on faisait l'amour. J'avais probablement raison. Le plus triste était que je n'arrivais pas à l'impressionner. J'avais à peine fini les escargots qu'elle m'annonçait négligemment :
â Josek a mangĂ© dix araignĂ©es pour moi et il s'est arrĂȘtĂ© seulement parce que maman nous a appelĂ©s pour le thĂ©.
Je frémis. Pendant que j'avais le dos tourné, elle me trompait avec mon meilleur ami. Mais j'avalai cela aussi. Je commençais à avoir l'habitude.
(La promesse de l'aube, ch.XI)
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Romain Gary (Promise at Dawn)
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Jâai remarquĂ© souvent que quand deux amis pĂ©tersbourgeois se rencontrent quelque part, aprĂšs sâĂȘtre saluĂ©s, ils demandent en mĂȘme temps : Quoi de neuf ? il y a une tristesse particuliĂšre dans leurs voix, quelle quâait Ă©tĂ© lâintonation initiale de leur conversation. En effet, une dĂ©sespĂ©rance totale est liĂ©e Ă cette question Ă PĂ©tersbourg. Mais le plus agaçant câest que, trĂšs souvent, lâhomme qui la pose est tout Ă fait indiffĂ©rent, un PĂ©tersbourgeois de naissance, qui connaĂźt trĂšs bien la coutume, sait dâavance quâon ne lui rĂ©pondra rien, quâil nây a rien de nouveau, quâil a posĂ© cette question peut-ĂȘtre mille fois sans aucun succĂšs ; cependant, il la pose, et il a lâair de sây intĂ©resser, comme si les convenances lâobligeaient de participer lui aussi Ă la vie publique, dâavoir des intĂ©rĂȘts publics. Mais les intĂ©rĂȘts publics... Câest-Ă -dire nous ne nions pas que nous ayons des intĂ©rĂȘts publics ; nous tous aimons ardemment la patrie, nous aimons notre cher PĂ©tersbourg, nous aimons jouer si lâoccasion se prĂ©sente. En un mot il y a beaucoup dâintĂ©rĂȘts publics. Mais ce quâil y a surtout chez nous, ce sont les groupes. On sait que PĂ©tersbourg nâest que la rĂ©union dâun nombre considĂ©rable de petits groupes dont chacun a ses statuts, ses conventions, ses lois, sa logique et son oracle. Câest en quelque sorte le produit de notre caractĂšre national qui a encore peur de la vie publique et tient plutĂŽt au foyer. En outre, la vie publique exige un certain art ; il faut sây prĂ©parer ; il faut beaucoup de conditions. Aussi, lâon prĂ©fĂšre la maison. LĂ , tout est plus simple ; il ne faut aucun art ; on est plus tranquille. Dans le groupe, on vous rĂ©pondra bravement Ă la question : Quoi de neuf ? La question reçoit tout de suite un sens particulier, et lâon vous rĂ©pond ou par un potin, ou par un bĂąillement, ou par quelque chose qui vous force vous-mĂȘme Ă bĂąiller cyniquement, magistralement. Dans le groupe, on peut traĂźner de la façon la meilleure et la plus douce une vie utile entre le bĂąillement et le ragot, jusquâau moment oĂč la grippe, ou bien la fiĂšvre chaude, visite votre demeure ; et vous quittez alors la vie stoĂŻquement, avec indiffĂ©rence, sans savoir comment et pourquoi tout cela Ă©tait avec vous jusquâalors. Aujourdâhui, dans lâobscuritĂ©, au crĂ©puscule, aprĂšs une triste journĂ©e, plein dâĂ©tonnement que tout se soit arrangĂ© ainsi, il semble quâon ait vĂ©cu, quâon ait atteint quelque chose, et tout Ă coup, on ne sait pas pourquoi, il faut quitter ce monde agrĂ©able et sans soucis pour Ă©migrer dans un monde meilleur. Dans certains groupes, dâailleurs, on parle fortement de la cause. Quelques personnes instruites et bien intentionnĂ©es se rĂ©unissent. On bannit sĂ©vĂšrement tous les plaisirs innocents, comme les potins et la prĂ©fĂ©rence, et, avec un entrain incomprĂ©hensible, on parle de diffĂ©rents sujets trĂšs importants. Enfin, aprĂšs avoir bavardĂ©, parlĂ©, rĂ©solu quelques questions dâutilitĂ© gĂ©nĂ©rale, et aprĂšs avoir rĂ©ussi Ă imposer aux uns et aux autres une opinion sur toutes choses, le groupe est saisi dâune irritation quelconque et commence Ă sâaffaiblir considĂ©rablement. Finalement, tous se fĂąchent les uns contre les autres. On se dit quelques dures vĂ©ritĂ©s. Quelques caractĂšres tranchants se font jour et tout se termine par la dislocation totale. Ensuite on se calme ; on fait provision de bon sens et, peu Ă peu, lâon se rĂ©unit de nouveau dans le groupe dĂ©crit ci-dessus. Sans doute il est agrĂ©able de vivre ainsi. Mais Ă la longue cela devient irritant ; cela irrite fortement.
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Fyodor Dostoevsky
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Rhinocéros , EugÚne Ionesco
Le Vieux Monsieur et le Logicien vont sâasseoir Ă lâune des tables de la terrasse, un peu Ă droite et derriĂšre Jean et BĂ©renger.
BĂ©renger, Ă Jean : Vous avez de la force.
Jean : Oui, jâai de la force, jâai de la force pour plusieurs raisons. Dâabord, jâai de la force parce que jâai de la force, ensuite jâai de la force parce que jâai de la force morale. Jâai aussi de la force parce que je ne suis pas alcoolisĂ©. Je ne veux pas vous vexer, mon cher ami, mais je dois vous dire que câest lâalcool qui pĂšse en rĂ©alitĂ©.
Le Logicien, au Vieux Monsieur : Voici donc un syllogisme exemplaire. Le chat a quatre pattes. Isidore et Fricot ont chacun quatre pattes. Donc Isidore et Fricot sont chats.
Le Vieux Monsieur, au Logicien : Mon chien aussi a quatre pattes.
Le Logicien, au Vieux Monsieur : Alors câest un chat.
BĂ©renger, Ă Jean : Moi, jâai Ă peine la force de vivre. Je nâen ai plus envie peut-ĂȘtre.
Le Vieux Monsieur, au Logicien aprÚs avoir longuement réfléchi : Donc logiquement mon chien serait un chat.
Le Logicien, au Vieux Monsieur : Logiquement, oui. Mais le contraire est aussi vrai.
Bérenger, à Jean : La solitude me pÚse. La société aussi.
Jean, Ă BĂ©renger : Vous vous contredisez. Est-ce la solitude qui pĂšse, ou est-ce la multitude ? Vous vous prenez pour un penseur et vous nâavez aucune logique.
Le Vieux Monsieur, au Logicien : Câest trĂšs beau la logique.
Le Logicien, au Vieux Monsieur : A condition de ne pas en abuser.
BĂ©renger, Ă Jean : Câest une chose anormale de vivre.
Jean : Au contraire. Rien de plus naturel. La preuve : tout le monde vit.
BĂ©renger : Les morts sont plus nombreux que les vivants. Leur nombre augmente. Les vivants sont rares.
Jean : Les morts, ca nâexiste pas, câest le cas de le dire !⊠Ah ! ah !⊠(Gros rire) Ceux-lĂ aussi vous pĂšsent ? Comment peuvent peser des choses qui nâexistent pas ?
BĂ©renger: Je me demande moi-mĂȘme si jâexiste !
Jean, Ă BĂ©renger : Vous nâexistez pas, mon cher, parce que vous ne pensez pas ! Pensez, et vous serez.
Le Logicien, au Vieux Monsieur : Autre syllogisme : tous les chats sont mortels. Socrate est mortel. Donc Socrate est un chat.
Le Vieux Monsieur : Et il a quatre pattes. Câest vrai, jâai un chat qui sâappelle Socrate.
Le Logicien : Vous voyezâŠ
Jean, Ă BĂ©renger : Vous ĂȘtes un farceur, dans le fond. Un menteur. Vous dites que la vie ne vous intĂ©resse pas. Quelquâun, cependant, vous intĂ©resse !
BĂ©renger : Qui ?
Jean : Votre petite camarade de bureau, qui vient de passer. Vous en ĂȘtes amoureux !
Le Vieux Monsieur, au Logicien : Socrate Ă©tait donc un chat !
Le Logicien : La logique vient de nous le révéler.
Jean : Vous ne vouliez pas quâelle vous voie dans le triste Ă©tat oĂč vous vous trouviez. Cela prouve que tout ne vous est pas indiffĂ©rent. Mais comment voulez-vous que Daisy soit sĂ©duite par un ivrogne ?
Le Logicien : Revenons Ă nos chats.
Le Vieux Monsieur, au Logicien : Je vous Ă©coute.
BĂ©renger, Ă Jean : De toute façon, je crois quâelle a dĂ©jĂ quelquâun en vue.
Jean, Ă BĂ©renger : Qui donc ?
BĂ©renger, Ă Jean : Dudard. Un collĂšgue du bureau : licenciĂ© en droit, juriste, grand avenir dans la maison, de lâavenir dans le cĆur de Daisy, je ne peux pas rivaliser avec lui.
Le Logicien, au Vieux Monsieur : Le chat Isidore a quatre pattes.
Le Vieux Monsieur : Comment le savez-vous ?
Le Logicien : Câest donnĂ© par hypothĂšse.
BĂ©renger, Ă Jean : Il est bien vu par le chef. Moi, je nâai pas dâavenir, pas fait dâĂ©tudes, je nâai aucune chance.
Le Vieux Monsieur, au Logicien : Ah ! par hypothĂšse !
Jean, Ă BĂ©renger : Et vous renoncez, comme celaâŠ
BĂ©renger, Ă Jean : Que pourrais-je faire ?
Le Logicien, au Vieux Monsieur : Fricot aussi a quatre pattes. Combien de pattes auront Fricot et Isidore ?
Le Vieux Monsieur, au Logicien : Ensemble ou séparément ?
Jean, Ă BĂ©renger : La vie est une lutte, câest lĂąche de ne pas combattre !
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EugÚne Ionesco (Rhinocéros)