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L'amour est un oiseau rebelle que nul ne peut apprivoiser
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Bethan Roberts (My Policeman)
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Le bonheur est un oiseau qui se pose sur la paume de la main pour le garder il ne faut pas essayer de le saisir.
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Noureddine Khedim
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Une vie rĂ©ussie est une vie que l'on a menĂ©e conformĂ©ment Ă ses souhaits, en agissant toujours en accord avec ses valeurs, en donnant le meilleur de soi mĂȘme dans ce que l'on fait, en restant en harmonie avec qui l'on est, et, si possible, une vie qui nous a donnĂ© l'occasion de nous dĂ©passer, de nous consacrer Ă autre chose qu'Ă nous mĂȘmes et apporter quelque chose Ă l'humanitĂ©, mĂȘme trĂšs humblement, mĂȘme si c'est infime. Une petite plume d'oiseau confiĂ©e au vent. Un sourire pour
les autres.
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Laurent Gounelle (L'homme qui voulait ĂȘtre heureux)
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Rien n'est jamais acquis Ă l'homme Ni sa force
Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix
Et quand il croit serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un Ă©trange et douloureux divorce
Il n'y a pas d'amour heureux
Sa vie Elle ressemble Ă ces soldats sans armes
Qu'on avait habillés pour un autre destin
A quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu'on retrouve au soir désoeuvrés incertains
Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes
Il n'y a pas d'amour heureux
Mon bel amour mon cher amour ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
Et ceux-lĂ sans savoir nous regardent passer
Répétant aprÚs moi les mots que j'ai tressés
Et qui pour tes grands yeux tout aussitĂŽt moururent
Il n'y a pas d'amour heureux
Le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard
Que pleurent dans la nuit nos coeurs Ă l'unisson
Ce qu'il faut de malheur pour la moindre chanson
Ce qu'il faut de regrets pour payer un frisson
Ce qu'il faut de sanglots pour un air de guitare
Il n'y a pas d'amour heureux
Il n'y a pas d'amour qui ne soit Ă douleur
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit meurtri
Il n'y a pas d'amour dont on ne soit flétri
Et pas plus que de toi l'amour de la patrie
Il n'y a pas d'amour qui ne vive de pleurs
Il n'y a pas d'amour heureux
Mais c'est notre amour Ă tous les deux
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Louis Aragon (La Diane française: En Ătrange Pays dans mon pays lui-mĂȘme)
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« Le cĆur de lâhomme est comme un oiseau enfermĂ© dans la cage du corps.» Quand tu danses, le cĆur, il chante comme un oiseau qui aspire Ă se fondre en Dieu.
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Ăric-Emmanuel Schmitt (Ăric-Emmanuel Schmitt, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran)
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ENIVREZ-VOUS
Il faut ĂȘtre toujours ivre, tout est lĂ ; c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du temps qui brise vos Ă©paules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trĂȘve.
Mais de quoi? De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous!
Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossĂ©, vous vous rĂ©veillez, l'ivresse dĂ©jĂ diminuĂ©e ou disparue, demandez au vent, Ă la vague, Ă l'Ă©toile, Ă l'oiseau, Ă l'horloge; Ă tout ce qui fuit, Ă tout ce qui gĂ©mit, Ă tout ce qui roule, Ă tout ce qui chante, Ă tout ce qui parle, demandez quelle heure il est. Et le vent, la vague, l'Ă©toile, l'oiseau, l'horloge, vous rĂ©pondront, il est l'heure de s'enivrer ; pour ne pas ĂȘtre les esclaves martyrisĂ©s du temps, enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poĂ©sie, de vertu, Ă votre guise.
(in Le Spleen de Paris)
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Charles Baudelaire (Paris Spleen)
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Une grosse vieille dame à cÎté de moi se retenait à la courroie et sa robe sans manches laissait voir un incroyable nid d'oiseau sous son bras. C'est la chose la plus nauséabonde que j'aie jamais vue. J'espÚre que Tim ne l'a pas vue, il en serait devenu pédéraste.
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Beatrice Sparks (Go Ask Alice)
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Nous ne pouvons savoir ! - Nous sommes accablés
D'un manteau d'ignorance et d'Ă©troites chimĂšres !
Singes d'hommes tombés de la vulve des mÚres,
Notre pĂąle raison nous cache l'infini !
Nous voulons regarder : - le Doute nous punit !
Le doute, morne oiseau, nous frappe de son aile...
- Et l'horizon s'enfuit d'une fuite Ă©ternelle !...
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Arthur Rimbaud
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Si j'ordonnais, disait-il couramment ( le monarque ) , si j'ordonnais à un général de se changer en oiseau de mer, et si le général n'obéissait pas, ce ne serait pas la faute du général. Ce serait ma faute.
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Antoine de Saint-Exupéry (Le Petit Prince)
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L'intelligence aime ce qui est fixe, ce qui a forme; elle veut pouvoir se fier à ses signes, elle aime ce qui est, non ce qui est en devenir; le réel, non le possible. Elle ne tolÚre pas qu'un oméga devienne un serpent ou un oiseau. L'intelligence ne peut pas vivre dans la nature, mais seulement en face d'elle, comme son contraire. (p. 74)
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Hermann Hesse (Narcissus and Goldmund)
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Mais l'Amour vaut mieux que la Vie, et qu'est-ce que le cĆur d'un oiseau Ă cĂŽtĂ© d'un cĆur d'homme?
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Oscar Wilde (The Happy Prince and Other Tales)
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Je ne serais plus un oiseau en cage, trop bornĂ© pour s'envoler alors mĂȘme que les portes sont ouvertes.
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Madeline Miller (Circe)
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- Une ville est un océan, Salim. Crois-tu que les crabes des rochers savent ce que font les poissons des profondeurs ?
- Je vois... et toi, tu es un crabe ou un poisson ?
- Moi, je suis un oiseau !
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Pierre Bottero (La ForĂȘt des captifs (Les Mondes d'Ewilan, #1))
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Ah ! quâune prison est quelque chose dâinfĂąme ! il y a un venin qui y salit tout. Tout sây flĂ©trit, mĂȘme la chanson dâune fille de quinze ans !
Vous y trouvez un oiseau, il a de la boue sur son aile ; vous y cueillez une jolie fleur, vous la respirez ; elle pue.
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Victor Hugo (Le Dernier Jour D'un Condamné ; Claude Gueux)
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l'appartement en noir et blanc maintenant
les plus belles actrices debout derriĂšre les insectes
quelque chose tombe c'est quelque chose d'autre
la riviĂšre : elle passe ici dans tes mains
le drame : avoir dormi deux heures dans le coffre du char
le mystĂšre : il n'y a pas de char
ce qui est vrai : un oiseau qui ronfle entre deux siĂšcles.
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Frédéric Dumont (VoliÚre)
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Mais en rĂ©alitĂ©, c'est seulement aujourd'hui qu'il le comprend, au moment oĂč il en parle, Ă savoir que, dans un pays oĂč tout n'est que symbole, on n'a besoin que d'un exemplaire de chaque : un chĂąteau, un roi, un amoureux, un rival, un enfant, un animal, un poisson, un oiseau, une dent, un Ćil, une coupe, un lit. Tous ne sont que ce qu'ils reprĂ©sentent, et c'est ce qu'ils reprĂ©sentent qui change.
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John Crowley (Ka: Dar Oakley in the Ruin of Ymr)
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La mort n'est d'aucune consolation, et si tant est qu'on puisse en trouver une, c'est au cours de la vie. Et pourtant, rien n'est aussi mĂ©sestimĂ© que l'existence. Vous maudissez les lundis, la tempĂȘte, vos voisins, vous maudissez les mardis, le travail, l'hiver et cela s'Ă©vanouira en une fraction de seconde. Tout ce foisonnement sera rĂ©duit Ă nĂ©ant et remplacĂ© par l'indigence de la mort. Que ce soit dans la veille ou dans le sommeil, vous pensez Ă des choses insignifiantes, et qui sont Ă mille lieues de l'essence. Combien de temps vit un ĂȘtre humain en fin de compte, combien connaĂźt-il d'heures limpides, combien de fois existe-t-il avec la mĂȘme intensitĂ© que le courant Ă©lectrique au point d'illuminer le monde ? L'oiseau chante, le ver se tourne au creux de la terre afin que la vie n'Ă©touffe pas mais, vous, vous maudissez les lundis, vous maudissez les mardis, le nombre des opportunitĂ©s qui s'offrent Ă vous diminue et cela rejaillit sur le scintillement argentĂ© qui vous habite. (p. 156-157)
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JĂłn Kalman StefĂĄnsson (Harmur englanna)
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Mais quand il les eut mises en branle, quand il sentit cette grappe de cloches remuer sous sa main, quand il vit, car il ne l'entendait pas, l'octave palpitante monter et descendre sur cette échelle sonore comme un oiseau qui saute de branche en branche, quand le diable musique, ce démon qui secoue un trousseau étincelant de strettes, de trilles et d'arpÚges, se fut emparé du pauvre sourd, alors il redevint heureux, il oublia tout, et son coeur qui se dilatait fit épanouir son visage.
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Victor Hugo (Notre Dame de Paris)
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Un palais aux murs
De vent
Un palais dont les tours
Sont de flamme au grand jour
Un palais d'opale
Au cĆur du zĂ©nith
L'oiseau fait d'air pĂąle
Y vole vite
Laisse une traßnée blanche
Dans l'espace noir
Son vol dessine un signe
Qui signifie absence
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Roger Gilbert-Lecomte (La Vie l'Amour la Mort le Vide et le Vent)
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Lorsque, bien plus tard, au lycée, M. Laplane nous enseigna que la chouette était l'oiseau de Minerve, et qu'elle représentait la sagesse, je fis un si grand éclat de rire qu'il me fallut copier, jusqu'au gérondif, quatre verbes qui, de plus, étaient déponents.
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Marcel Pagnol (Le chĂąteau de ma mĂšre (Souvenirs d'enfance, #2))
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Ensuite, la peur se tourne vers votre corps, qui sent dĂ©jĂ que quelque chose de terrible et de mauvais est entrain de survenir. DĂ©jĂ , votre souffle s'est envolĂ© comme un oiseau et votre cran a fui en rampant comme un serpent. Maintenant, vous avez la langue qui s'affale comme un opossum, tandis que votre mĂąchoire commence Ă galoper sur place. Vos oreilles n'entendent plus. Vos muscles se mettent Ă trembler comme si vous aviez la malaria et vos genoux Ă frĂ©mir comme si vous dansiez. Votre coeur pompe follement, tandis que votre sphincter se relĂąche. Il en va ainsi de tout le reste de votre corps. Chaque partie de vous, Ă sa maniĂšre, perd ses moyens. Il n'y a que vos yeux Ă bien fonctionner. Ils prĂȘtent toujours pleine attention Ă la peur.
Vous prenez rapidement des dĂ©cisions irrĂ©flĂ©chies. Vous abandonnez vos derniers alliĂ©s: l'espoir et la confiance. VoilĂ que vous vous ĂȘtes dĂ©fait vous-mĂȘme. La peur, qui n'est qu'une impression, a triomphĂ© de vous.
Cette expĂ©rience est difficile Ă exprimer. Car la peur, la vĂ©ritable peur, celle qui vous Ă©branle jusqu'au plus profond de vous, celle que vous ressentez au moment oĂč vous ĂȘtes face Ă votre destin final, se blottit insidieusement dans votre mĂ©moire, comme une gangrĂšne: elle cherche Ă tout pourrir, mĂȘme les mots pour parler d'elle. Vous devez donc vous battre trĂšs fort pour l'appeler par son nom. Il faut que vous luttiez durement pour braquer la lumiĂšre des mots sur elle. Car si vous ne le faites pas, si la peur devient une noirceur indicible que vous Ă©vitez, que vous parvenez peut-ĂȘtre mĂȘme Ă oublier, vous vous exposez Ă d'autres attaques de peur parce que vous n'aurez jamais vraiment bataillĂ© contre l'ennemi qui vous a dĂ©fait.
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Yann Martel (Life of Pi)
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Elle ferme les yeux, Ă©coute la nuit, elle sent battre le coeur de la Terre, sous elle, celui des hommes, des arbres, des animaux, ce coeur nocturne qui bat depuis le commencement, qui battra aprĂšs elle.
Elle appartient Ă ce monde immense. Et son bras, peut-ĂȘtre, alors, est dĂ©risoire."
- Un si petit oiseau
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Marie Pavlenko
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- D'abord, Scout, un petit truc pour que tout se passe mieux entre les autres, quels qu'ils soient, et toi : tu ne comprendras jamais aucune personne tant que tu n'envisageras pas la situation de son point de vue...
- Pardon ?
- ... tant que tu ne te glisseras pas dans sa peau et que tu n'essaieras pas de te mettre Ă sa place.
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Harper Lee (Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur)
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Les yeux Ă©chappent Ă tout contrĂŽle. Nous devons rĂ©flĂ©chir oĂč et quand nous les posons. L'ensemble de notre vie s'Ă©coule Ă travers eux et ils peuvent aussi bien ĂȘtre des fusils que des notes de musique, un chant d'oiseau qu'un cri de guerre. Ils ont le pouvoir de nous dĂ©voiler, de te sauver, te perdre. J'ai aperçu tes yeux et ma vie a changĂ©. Ses yeux Ă elle m'effraient. Ses yeux Ă lui m'aspirent. Regarde-moi un peu, alors tout ira mieux et peut-ĂȘtre pourrai-je dormir. (p. 234)
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JĂłn Kalman StefĂĄnsson (HimnarĂki og helvĂti)
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â Je crois que je comprends pourquoi vous aimez voler dans cette rĂ©gion, ajouta-t-elle. On se sent comme un oiseau.
Il lui jeta un regard surpris.
â C'est vrai ; vous avez raison, c'est pour cela que j'aime voler. Mais je suis encore plus proche de l'oiseau quand je fais de la chute libre.
â Vous voulez dire du parachute ?
â Pas tout Ă fait. Vous ne vous contentez pas de sauter d'un avion et de tirer sur un cordon. Les premiĂšres centaines de mĂštres se font sans le parachute. Pendant que vous tombez, vous vous mouvez en tous sens. On dirait un ballet dans le ciel. C'est une sensation indescriptible. On se sent libre.
â Ce doit ĂȘtre trĂšs dangereux, remarqua-t-elle.
â Oui, trĂšs... On joue avec la mort. On peut mĂȘme ĂȘtre fascinĂ© par ce sentiment intense de libertĂ© au point d'oublier de tirer sur le cordon et d'ouvrir le parachute.
â Cela vous est-il arrivĂ©Â ?
â Plusieurs fois. J'ai attendu jusqu'au dernier instant, pour voir ce qu'il se passerait si je ne faisais rien ; mais Ă chaque fois j'ai reculĂ© devant la mort.
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Flora Kidd (Marriage in Mexico)
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On est laid Ă Nanterre, C'est la faute Ă Voltaire, Et bĂȘte Ă Palaiseau, C'est la faute Ă Rousseau. Puis il ramassa son panier, y remit, sans en perdre une seule, les cartouches qui en Ă©taient tombĂ©es, et, avançant vers la fusillade, alla dĂ©pouiller une autre giberne. LĂ une quatriĂšme balle le manqua encore. Gavroche chanta: Je ne suis pas notaire, C'est la faute Ă Voltaire, Je suis petit oiseau, C'est la faute Ă Rousseau. Une cinquiĂšme balle ne rĂ©ussit qu'Ă tirer de lui un troisiĂšme couplet: Joie est mon caractĂšre, C'est la faute Ă Voltaire, MisĂšre est mon trousseau, C'est la faute Ă Rousseau.
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Victor Hugo (Les misérables Tome V Jean Valjean (French Edition))
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LĂ -bas, sous les racines, parmi les fleurs corrompues, des bouffĂ©es d'odeurs mortes s'exhalaient; des gouttes se formaient sur le flanc gonflĂ© et pustuleux des choses. La peau des fruits pourris crevait, et du pus trop Ă©pais pour couler suintait de la fissure. Les limaces laissaient derriĂšre elles des sĂ©crĂ©tions jaunes, et parfois, ça et lĂ , un corps informe rampait avec une tĂȘte Ă chaque bout. Les oiseaux aux yeux d'or s'Ă©lançaient sous les feuilles et contemplaient ironiquement cette purulence, cette moiteur. De temps en temps, ils plongeaient sauvagement la pointe de leur bec dans ce gluant mĂ©lange.
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Virginia Woolf (The Waves)
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LE FEU DES DIEUX
à vous-autres voyez comment les années tombent
toutes avec fracas et forment un nuage,
et l'oiseau sur sa branche se moque des rĂȘves
de l'homme, tandis que tout expire comme des Ă©cailles.
Ce feu, que le propre Prométhée ne rédime pas,
douleur mise sur le front pour qu'elle soit Ă©ternelle,
ĂŽ voyez-le croĂźtre sur les ruines,
les cendres qui restent de son brasier muet.
Nous parcourons les heures sans regarder leur visage,
ces lĂšvres qui parfois nous appellent de si loin.
Ă si nous pouvions penser Ă l'autre songe
et si la flamme s'Ă©levait enfin vers le repos
oscillant pour toujours au milieu de la Beauté !
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Juan Rodolfo Wilcock
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Peindre d'abord une cage
Avec une porte ouverte
peindre ensuite
quelque chose de joli
quelque chose de simple
quelque chose de beau
quelque chose d'utile
pour l'oiseau
placer ensuite la toile contre un arbre
dans un jardin
dans un bois
ou dans une forĂȘt
se cacher derriĂšre l'arbre
sans rien dire
sans bouger...
Parfois l'oiseau arrive vite
mais il peut aussi bien mettre de longues années
avant de se décider
Ne pas se décourager
attendre
attendre sâil Ie faut pendant des annĂ©es
la vitesse ou la lenteur de l'arrivée de l'oiseau
nâayant aucun rapport
avec la réussite du tableau
Quand l'oiseau arrive
s'il arrive
observer le plus profond silence
attendre que l'oiseau entre dans la cage
et quand il est entré
fermer doucement la porte avec le pinceau
puis
effacer un Ă un tous les barreaux
en ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l'oiseau
Faire ensuite le portrait de l'arbre
en choisissant la plus belle de ses branches
pour l'oiseau
peindre aussi le vert feuillage et la fraĂźcheur du vent
la poussiĂšre du soleil
et le bruit des bĂȘtes de l'herbe dans la chaleur de l'Ă©tĂ©
et puis attendre que l'oiseau se décide à chanter
Si l'oiseau ne chante pas
c'est mauvais signe
signe que le tableau est mauvais
mais s'il chante c'est bon signe
signe que vous pouvez signer
Alors vous arrachez tout doucement
une des plumes de l'oiseau
et vous Ă©crivez votre nom dans un coin du tableau.
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Jacques Prévert (Paroles)
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On a dit quâune citĂ© dont les membres auront une Ă©gale rĂ©partition de bien et d'Ă©ducation prĂ©sentera aux regards de la DivinitĂ© un spectacle au-dessus du spectacle de la citĂ© de nos pĂšres.
La folie du moment est d'arriver Ă l'unitĂ© des peuples et de ne faire quâun seul homme de l'espĂšce entiĂšre, soit ; mais en acquĂ©rant des facultĂ©s gĂ©nĂ©rales, toute une sĂ©rie de sentiments privĂ©s ne pĂ©rira-t-elle pas ? Adieu les douceurs du foyer ; adieu les charmes de la famille ; parmi tous ces ĂȘtres blancs, jaunes, noirs, rĂ©putĂ©s vos compatriotes, vous ne pourriez vous jeter au cou dâun frĂšre. Nây avait-il rien dans la vie dâautrefois, rien dans cet espace bornĂ© que vous aperceviez de votre fenĂȘtre encadrĂ©e de lierre ? Au-delĂ de votre horizon vous soupçonniez des pays inconnus dont vous parlait Ă peine lâoiseau du passage, seul voyageur que vous aviez vu Ă lâautomne.
CâĂ©tait bonheur de songer que les collines qui vous environnaient ne disparaĂźtraient pas Ă vos yeux ; quâelles renfermeraient vos amitiĂ©s et vos amours ; que le gĂ©missement de la nuit autour de votre asile serait le seul bruit auquel vous vous endormiriez ; que jamais la solitude de votre Ăąme ne serait troublĂ©e, que vous y rencontreriez toujours les pensĂ©es qui vous y attendent pour reprendre avec vous leur entretien familier. Vous saviez oĂč vous Ă©tiez nĂ©, vous saviez oĂč Ă©tait votre tombe ; en pĂ©nĂ©trant dans la forĂȘt vous pouviez dire :
Beaux arbres qui mâavez vu naĂźtre,
BientĂŽt vous me verrez mourir
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François-René de Chateaubriand (Mémoires d'Outre-Tombe)
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Les brumes sâĂ©paississent sur les cimes du Ć ar. Les versants se dressent face Ă Emina, implacables dans le jour dĂ©clinant. Les paroles de Feti ricochent en elle, par-dessus la musique quâil met plus fort dans la voiture. Elles traversent le scherzo du violon dont les volutes tournoient entre eux, alors quâils arrivent Ă Tetovo. Elles dissipent le sourd espoir qui lâa menĂ©e ici, au-delĂ du dĂ©sir de renouer avec le frĂšre dâYllka. Elle mesure lâampleur de son rĂȘve, de ce quâelle nâa dit Ă personne lĂ -bas en Allemagne. Ils auraient passĂ© leur bras autour de ses Ă©paules. Ils lâauraient entourĂ©e dâune affection mĂȘlĂ©e de pitiĂ©âŠ
Oui, dans lâoutremer des montagnes, elle croit apercevoir la trace dâYllka. Les empreintes fines dâun oiseau sur un sentier couvert de sable. Elles conduiraient Ă une maison de montagne qui sentirait le bois et le foin Ă la fin de lâĂ©tĂ©. Parce quâYllka se serait rĂ©fugiĂ©e quelque part ici. Elle y attendrait Emina, sa fille, Alija, son fils, depuis toutes ces annĂ©es. Elle-mĂȘme mue par la conviction que ses enfants finiront par la rejoindre. Car comment pourrait-elle savoir oĂč ils vivent aujourdâhui, si mĂȘme ils vivent encore ? Comment ? Et câest la raison de son silence. Il ne peut en ĂȘtre autrement. Preuve de vie ou de mort, Emina ne sâen ira pas dâici sans lâavoir obtenue.
« Je peux juste te parler dâelle. Celle quâelle fut ici. Ma sĆur, ta mĂšre⊠» Des mots qui lacĂšrent le ciel trĂšs loin au-dessus dâelle. Feti gare sa voiture le long de la rue bordĂ©e dâimmeubles. Sâil se trompait⊠Si Yllka nâavait pas pu le retrouver lui non plus ?
Les feuillages des arbres flamboient sur les trottoirs. Des traĂźnĂ©es couleur de fer assombrissent les nuages au-dessus des immeubles. Ils se creusent dâun vaste cratĂšre noirĂątre. Des choucas Ă©voluent par centaines sur la ville, alors que le soleil descend Ă lâhorizon. Ils sâinsinuent dans les invisibles couloirs ouverts par de secrĂštes turbulences. Leur vacarme secoue les airs, assourdit Emina. Elle est sur le point de flancher, rattrapĂ©e par le lieu et les cris des oiseaux.
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Cécile Oumhani (Le café d'Yllka)
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Le beau dialogue que Swann entendit entre le piano et le violon au commencement du dernier morceau! La suppression des mots humains, loin d'y laisser rĂ©gner la fantaisie, comme on aurait pu croire, l'en avait Ă©liminĂ©e ; jamais le langage parlĂ© ne fut si inflexiblement nĂ©cessitĂ©, ne connut Ă ce point la pertinence des questions, l'Ă©vidence des rĂ©ponses. D'abord le piano solitaire se plaignit, comme un oiseau abandonnĂ© de sa compagne ; le violon l'entendit, lui rĂ©pondit comme d'un arbre voisin. C'Ă©tait comme au commencement du monde, comme s'il n'y avait encore eu qu'eux deux sur la terre, ou plutĂŽt dans ce monde fermĂ© Ă tout le reste, construit par la logique d'un crĂ©ateur et oĂč ils ne seraient jamais que tous les deux : cette sonate. Est-ce un oiseau, est-ce l'Ăąme incomplĂšte encore de la petite phrase, est-ce une fĂ©e, invisible et gĂ©missant dont le piano ensuite redisait tendrement la plainte? Ses cris Ă©taient si soudains que le violoniste devait se prĂ©cipiter sur son archet pour les recueillir. Merveilleux oiseau! le violoniste semblait vouloir le charmer, l'apprivoiser, le capter. DĂ©jĂ il avait passĂ© dans son Ăąme, dĂ©jĂ la petite phrase Ă©voquĂ©e agitait comme celui d'un mĂ©dium le corps vraiment possĂ©dĂ© du violoniste. Swann savait qu'elle allait parler encore une fois. Et il s'Ă©tait si bien dĂ©doublĂ© que l'attente de l'instant imminent oĂč il allait se retrouver en face d'elle le secoua d'un de ces sanglots qu'un beau vers ou une triste nouvelle provoquent en nous, non pas quand nous sommes seuls, mais si nous les apprenons Ă des amis en qui nous nous apercevons comme un autre dont l'Ă©motion probable les attendrit. Elle reparut, mais cette fois pour se suspendre dans l'air et se jouer un instant seulement, comme immobile, et pour expirer aprĂšs. Aussi Swann ne perdait-il rien du temps si court oĂč elle se prorogeait. Elle Ă©tait encore lĂ comme une bulle irisĂ©e qui se soutient. Tel un arc-en-ciel, dont l'Ă©clat faiblit, s'abaisse, puis se relĂšve et avant de s'Ă©teindre, s'exalte un moment comme il n'avait pas encore fait : aux deux couleurs qu'elle avait jusque-lĂ laissĂ© paraĂźtre, elle ajouta d'autres cordes diaprĂ©es, toutes celles du prisme, et les fit chanter. Swann n'osait pas bouger et aurait voulu faire tenir tranquilles aussi les autres personnes, comme si le moindre mouvement avait pu compromettre le prestige surnaturel, dĂ©licieux et fragile qui Ă©tait si prĂšs de s'Ă©vanouir.
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Marcel Proust (Du cÎté de chez Swann (à la recherche du temps perdu, #1))
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JULIETTE. â A quelle heure enverrai-je vers toi, demain ?
ROMĂO. â Ă neuf heures.
JULIETTE. â Je nây manquerai pas. Dâici Ă ce moment, il va sâĂ©couler vingt ans. Jâai oubliĂ© pourquoi je tâavais rappelĂ©.
ROMĂO.â Permets-moi de rester ici jusquâĂ ce que tu te le rappelles.
JULIETTE. â Jâoublierai encore, afin de te faire rester, et ne me souviendrai que de lâamour que jâai pour ta compagnie.
ROMĂO. â Et moi je resterai, pour te faire oublier encore, oublieux moi-mĂȘme que jâai un autre logis que ce jardin
JULIETTE. â Il est presque matin ; je voudrais que tu fusses parti, et cependant pas plus loin que lâoiseau dâune jeune folle qui le laisse sâĂ©loigner un peu de sa main, pareil Ă un pauvre prisonnier dans ses entraves, et qui le ramĂšne avec un fil de soie, tant elle est amoureusement jalouse de sa libertĂ©.
ROMĂO. â Je voudrais ĂȘtre ton oiseau.
JULIETTE. â ChĂ©ri, je le voudrais aussi : cependant, je te tuerais par trop de caresses. Ronne nuit ! bonne nuit ! la sĂ©paration est une si dĂ©licieuse douleur que je dirais bonne nuit jusquâĂ demain. (Elle, se retire de la fenĂȘtre.)
ROMĂO. â Que le sommeil descende sur tes yeux et la paix dans ton sein ! Que ne suis-je le sommeil et la paix pour goĂ»ter un si doux repos ! Je vais dâici me rentre Ă la cellule de mon pieux confesseur, pour implorer son aide, et lui dire mon heureuse fortune. (Il sort.)
â
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William Shakespeare (Romeo & Juliet)
â
En florĂ©al, cet Ă©norme buisson, libre derriĂšre sa grille et dans ses quatre murs, entrait en rut dans le sourd travail de la germination universelle, tressaillait au soleil levant presque comme une bĂȘte qui aspire les effluves de lâamour cosmique et qui sent la sĂšve dâavril monter et bouillonner dans ses veines, et, secouant au vent sa prodigieuse chevelure verte, semait sur la terre humide, sur les statues frustes, sur le perron croulant du pavillon et jusque sur le pavĂ© de la rue dĂ©serte, les fleurs en Ă©toiles, la rosĂ©e en perles, la fĂ©conditĂ©, la beautĂ©, la vie, la joie, les parfums. Ă midi mille papillons blancs sây rĂ©fugiaient, et câĂ©tait un spectacle divin de voir lĂ tourbillonner en flocons dans lâombre cette neige vivante de lâĂ©tĂ©. LĂ , dans ces gaies tĂ©nĂšbres de la verdure, une foule de voix innocentes parlaient doucement Ă lâĂąme, et ce que les gazouillements avaient oubliĂ© de dire, les bourdonnements le complĂ©taient. Le soir une vapeur de rĂȘverie se dĂ©gageait du jardin et lâenveloppait ; un linceul de brume, une tristesse cĂ©leste et calme, le couvraient ; lâodeur si enivrante des chĂšvrefeuilles et des liserons en sortait de toute part comme un poison exquis et subtil ; on entendait les derniers appels des grimpereaux et des bergeronnettes sâassoupissant sous les branchages ; on y sentait cette intimitĂ© sacrĂ©e de lâoiseau et de lâarbre ; le jour les ailes rĂ©jouissent les feuilles, la nuit les feuilles protĂ©gent les ailes.
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Victor Hugo (Les Misérables)
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Lâamour est un oiseau rebelle Que nul ne peut apprivoiser  Aria,
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Anna Adams (Aria's Journey (The Aria Series, #1))
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Je regarde Ă travers mes pleurs.
Ici la mort a pour voisine
la croissance des palmiers nains :
Ton corbillard, ĂŽ ma Delphine !
n'est qu'un oiseau des boulingrins.
Quand je fus fatigué de larmes,
las des voyages et malheurs,
un coin de violettes de Parme
avança le pied du Seigneur.
â
â
Max Jacob
â
Soyez comme l'oiseau, posé pour un instant
Sur des rameaux trop frĂȘles,
Qui sent ployer la branche et qui chante pourtant,
Sachant qu'il a des ailes
â
â
Victor Hugo
â
â Câest un pinson, lâĂ©claira Dany, qui avait entre temps fait des recherches sur Google. Souhaitez-vous des dĂ©tails ?
â Non. Cela me suffit de lâentendre chanter et je crois quâon sait tout sur lui.
â Câest une façon de voir les choses, marmonna Dany, qui en avait toujours aprĂšs sa mĂšre, qui, quoiquâil arrive, ne cessait jamais ses remontrances.
â Tu nâaimes pas cet oiseau ? interrogea Rodica avec intĂ©rĂȘt, en constatant que les yeux de sa progĂ©niture Ă©taient toujours rivĂ©s sur lâĂ©cran de son ordinateur portable.
â LĂ -dedans jâai tous les oiseaux de la forĂȘt, et non pas un seul.
(p. 36)
â
â
Violeta Lacatusu (Daria (French Edition))
â
- Je te le demande une derniÚre fois, fit l'inconnue en sortant de moitié un sabre de son fourreau. Qui es-tu ?
(...)
- Un grain de sable parmi tant d'autres
â
â
Yasmine Djebel (Sirem et l'oiseau maudit)
â
[...] eux ils entendaient leur jeunesse frapper Ă leurs portes comme un oiseau enfermĂ©.[...] C'Ă©tait l'hymne de l'avenir, des dĂ©parts, du terme de l'impatience. Ce qu'ils attendaient c'Ă©tait de rejoindre cet air nĂ© du vertige des villes pour lequel il Ă©tait fait, oĂč il se chantait, des villes croulantes, fabuleuses, pleines d'amour.
â
â
Marguerite Duras
â
Une flamme brûle en moi. Comme une veilleuse sacrée devant l'image de Dieu. Et d'étranges ailes immenses, s'étalent devant moi, comme les ailes d'un oiseau sauvage.
Une griffe lacĂšre mon coeur. Et de grosses gouttes silencieuses comme des larmes et comme du sang tombent l'une aprĂšs l'autre et trouent mon coeur.
Ne pleure pas et n'aie pas peur, Î TrÚs Aimée.
C'est le grand aigle de la Souffrance et c'est la flamme sacrĂ©e de l'Amour. Ne pleure pas. Moi je souris Ă ma Peine et Ă ses coups. Mon coeur est felĂ© et le sang coule en moi. La nuit vient et Tu passes trĂšs lĂ©gĂšrement Ta main sur mon front et les ailes s'en vont et le sang s'arrĂȘte. Toutes les blessures se guĂ©rissent et se ferment la nuit.
Dieu lĂ -haut est jaloux et se venge. Non, ne pleurons pas, n'acceptons pas. Je sens en moi quelque chose d'immortel qui brĂ»le et sourit. J'ai en moi la mĂȘme flamme que Lui et la mĂȘme essence que les Ă©toiles. L'immortalitĂ© se dĂ©chaĂźne en moi et le plaisir de la Toute puissance et le grand Baiser que les CrĂ©ateurs de l'univers portent dans leurs flancs. Des chaĂźnes infrangibles m'attachent Ă la terre mais je sens en moi Quelqu'un qui n'accepte pas de s'incliner devant Dieu.
~ P 50
â
â
Nikos Kazantzakis (Le lys et le serpent)
â
Le premier bonheur du jour
C'est un ruban de soleil
Qui s'enroule sur ta main
Et caresse mon Ă©paule
C'est le souffle de la mer
Et la plage qui attend
C'est l'oiseau qui a chanté
Sur la branche du figuier
Le premier chagrin du jour
C'est la porte qui se ferme
La voiture qui s'en va
Le silence qui s'installe
Mais bien vite tu reviens
Et ma vie reprend son cours
Le dernier bonheur du jour
C'est la lampe qui s'Ă©teint.
â
â
Jean Gaston Renard et Frank Gerald
â
Mais le deuxiĂšme objectif de la vie humaine me paraĂźt ĂȘtre le sens. Si l'on ne peut tout de mĂȘme pas ĂȘtre heureux, l'on aimerait au moins que la vie, mĂȘme la vie malheureuse, ait un sens. Cependant, d'aprĂšs moi, la notion de sens est prĂ©texte Ă toutes sortes de sottises. J'entends surtout par lĂ la tendance trĂšs en vogue Ă trouver Ă tout prix que tout a un sens. Coupable, au premier chef, de la perversion de la notion de "sens" est la religion chrĂ©tienne, sans aucun doute, qui nous enseigne qu'aucun moineau ne tombe du toit sans la volontĂ© du constructeur de cet oiseau. Le dogme chrĂ©tien enseigne : si le moineau reste sur le toit, c'est voulu par Dieu et cela a un sens ; si le moineau tombe, c'est aussi voulu par Dieu et cela a un sens, seulement ce sens, nous ne le comprenons pas. Donc si l'oiseau reste sur le toi, cela a un sens que nous pouvons comprendre ; mais si l'oiseau ne reste pas sur le toit, cela a un sens que nous ne pouvons pas comprendre. Ergo, tout a un sens. Il y a dans ce raisonnement une contradiction qui me dĂ©goĂ»te au point que je ne saurais la supporter sans rien faire. En un pareil moment, il faudrait carrĂ©ment inventer Dieu qui a crĂ©Ă© ce moineau (car, personnellement, je crois qu'il n'existe pas) rien que pour lui casser la gueule. (p. 243-244)
â
â
Fritz Zorn (Mars)
â
Une autre table Ă lâautre bout de la terrasse est occupĂ©e par une cage qui abrite un petit oiseau: le patron a prĂ©fĂ©rĂ© la poser lĂ plutĂŽt que de la suspendre Ă une poutrelle Ă cause du vent. Un jour, un autre oiseau, nettement plus grand, sâest posĂ© sur la mĂȘme table oĂč Ă©taient dispersĂ©es quelques miettes de nourriture. AprĂšs les avoir picorĂ©es, il sâest approchĂ© de la cage comme pour saluer son locataire. Les deux oiseaux se sont considĂ©rĂ©s un moment sans Ă©mettre toutefois le moindre gazouillis. âIls ne doivent pas parler la mĂȘme langeâ, ai-je pensĂ©
â
â
Vassilis Alexakis
â
Le fleuve et l'oiseau percent une brĂšche : un rĂȘve remue encore parmi les ruines.
â
â
HĂ©lĂšne Dorion (Ravir : les lieux)
â
Je regarde : pas une de ces collines autour de moi qui ne se peuple dâanciennes prĂ©sences oĂč je puisais chaque fois la mĂȘme angoisse et le mĂȘme apaisement. [âŠ] Un seul appel et les voici tous autour de moi, ces hommes quâau long des annĂ©es jâai rejoints dans leur solitude passagĂšre pour les mieux interroger sous la vivante lumiĂšre des saisons. « Qui es-tu ? » demandais-je au faucheur, au laboureur, au herseur, au moissonneur, Ă demi submergĂ© dâĂ©pis â ces taches au loin blanches, fauves, ou bleues perdues dans lâimmense paysage â et tous Ă ma question silencieuse ont donnĂ© la rĂ©ponse la plus simple, la plus belle qui se puisse : « Je suis ». Mais avec eux le pays tout entier rĂ©pondait aussi et sa rĂ©ponse Ă©tait la mĂȘme. Car je le sais enfin, un perpĂ©tuel et profond Ă©change le lie Ă chacun dâeux. Le ciel dâaoĂ»t se fanerait comme une fleur de lin sâil ne reprenait vie Ă leur regard, le vent retomberait comme un oiseau mort sâil ne devenait leur souffle.
(« Campagne perdue », in « Ăcrits », vol. 3, 1978, pp. 196 - 198)
â
â
Gustave Roud
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Un jour, un garçon de ferme trouve un oiseau blessĂ©. Pour le garder au chaud le temps qu'il guĂ©risse, il le place au centre d'un tas de fumier. Le renard, passant par-lĂ , lui demande, surpris, ce qu'il fait au centre de ce tas de fumier. L'oiseau lui explique que le garçon de ferme l'a placĂ© lĂ pour qu'il reste au chaud le temps qu'il guĂ©risse et que...CRAC! le renard lui arrache la tĂȘte, ne laissant pas le temps Ă l'oiseau de terminer son explication. La morale de cette histoire : ce n'est pas parce que quelqu'un te met dans la marde qu'il te veut du mal, et ce n'est pas parce que quelqu'un d'autre t'en sort qu'il te veut du bien.
â
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Marie-Chantal Perron (Les douze mois de Marie)
â
En haut, au cĆur de la montagne, la Couleuvre rampa et se blottit. LovĂ©e au sein dâune crevasse humide, elle regardait la mer.
Le soleil brillait haut dans le ciel. Dans le ciel les sommets exhalaient leur chaleur. A leurs pieds les vagues venaient se briser...
Au fond dâune gorge noyĂ©e dâobscuritĂ© et dâembruns, dans un tonnerre de pierres, un torrent se prĂ©cipitait vers la merâŠ
Tout en Ă©cume blanche, puissant et grisonnant, il fendait la roche et, hurlant de colĂšre, se jetait dans les flots.
Soudain du ciel, dans la crevasse oĂč la Couleuvre se blottissait, tomba le Faucon, la poitrine dĂ©chirĂ©e, les plumes ensanglantĂ©es...
Dans un cri bref, il sâĂ©tait Ă©crasĂ©, et, plein de colĂšre impuissante, frappait de sa poitrine lâĂąpretĂ© de la pierre...
D'abord, la Couleuvre effrayĂ©e recula, mais bientĂŽt elle comprit que lâoiseau blessĂ© nâavait plus longtemps Ă vivreâŠ
Elle rampa et, fixant le Faucon droit dans les yeux, lui siffla :
- Quoi, voilĂ donc que tu meurs ?
- Oui, je meurs ! lui rĂ©pondit lâoiseau dans un profond soupir. Je meurs mais jâai vĂ©cu dans la gloire !... J'ai connu la fĂ©licitĂ© !⊠Jâai combattu vaillamment !⊠J'ai vu le ciel comme jamais tu ne sauras tâen approcher !... Pauvre crĂ©ature !
- Le ciel !?⊠Qu'est-ce le ciel pour moi ? Un espace vide oĂč je ne puis ramper. Ici je me sens bien : il y fait si douillettement chaud et humide !
Ainsi rĂ©pondit la Couleuvre Ă l'oiseau Ă©pris de libertĂ©, gloussant au fond dâelle-mĂȘme de devoir Ă©couter de pareilles sornettes.
Ainsi pensait lâophidien : "Quâon vole ou bien quâon rampe, chacun connaĂźt ici la fin : tous nous reposerons sous terre et tout finira en poussiĂšre..."
Mais le Faucon tenta de se soulever, dressa la tĂȘte et porta son regard alentour.
Au fond de cette gorge, dans cette obscuritĂ©, l'eau suintait entre les pierres grises, lâair Ă©tait suffocant et puait la charogne.
Alors le Faucon rassemblant toutes ses forces laissa Ă©chapper un cri de douleur et de chagrin :
- Oh, que ne puis-je une derniĂšre fois mâenvoler et rejoindre le ciel ! LĂ , jâĂ©treindrais mon ennemi⊠contre ma poitrine et... il sâĂ©toufferait de mon sang ! Ă, Ivresse de la bataille !...
Lâentendant ainsi gĂ©mir la Couleuvre se dit : "Comme il doit ĂȘtre bon de vivre dans le ciel !"
Elle proposa Ă lâoiseau Ă©pris de libertĂ© : "Va, approche-toi du gouffre et prĂ©cipite-toi dans le vide. Et qui sait ? tes ailes te porteront. Ainsi te sera-t-il donnĂ© de vivre encore un instant dans ce monde qui est le tien."
Le Faucon frĂ©mit et fiĂšrement dans un cri s'approcha de lâabĂźme, sâagrippant de ses griffes, rampant sur la pierre glissante.
Arrivé au bord du précipice, il déploya ses ailes, prit une profonde inspiration ; ses yeux clignÚrent plusieurs fois et il se jeta dans le vide.
Il tomba plus vite quâune pierre et se brisa les ailes, dĂ©valant et roulant sur les roches, y laissant ses plumesâŠ
Le flot du ruisseau le saisit, le lava de son sang et lâinondant dâĂ©cume lâemporta vers la mer.
Dans un rugissement de douleur, les vagues amĂšres battaient contre les pierres... Le corps de lâoiseau Ă tout jamais disparut dans le vaste ocĂ©an⊠»
â
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Maxime Gorki (Le bourg d'Okourov)
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En haut, au cĆur de la montagne, la Couleuvre rampa et se blottit. LovĂ©e au sein dâune crevasse humide, elle regardait la mer.
Le soleil brillait haut dans le ciel. Dans le ciel les sommets exhalaient leur chaleur. A leurs pieds les vagues venaient se briser...
Au fond dâune gorge noyĂ©e dâobscuritĂ© et dâembruns, dans un tonnerre de pierres, un torrent se prĂ©cipitait vers la merâŠ
Tout en Ă©cume blanche, puissant et grisonnant, il fendait la roche et, hurlant de colĂšre, se jetait dans les flots.
Soudain du ciel, dans la crevasse oĂč la Couleuvre se blottissait, tomba le Faucon, la poitrine dĂ©chirĂ©e, les plumes ensanglantĂ©es...
Dans un cri bref, il sâĂ©tait Ă©crasĂ©, et, plein de colĂšre impuissante, frappait de sa poitrine lâĂąpretĂ© de la pierre...
D'abord, la Couleuvre effrayĂ©e recula, mais bientĂŽt elle comprit que lâoiseau blessĂ© nâavait plus longtemps Ă vivreâŠ
Elle rampa et, fixant le Faucon droit dans les yeux, lui siffla :
- Quoi, voilĂ donc que tu meurs ?
- Oui, je meurs ! lui rĂ©pondit lâoiseau dans un profond soupir. Je meurs mais jâai vĂ©cu dans la gloire !... J'ai connu la fĂ©licitĂ© !⊠Jâai combattu vaillamment !⊠J'ai vu le ciel comme jamais tu ne sauras tâen approcher !... Pauvre crĂ©ature !
- Le ciel !?⊠Qu'est-ce le ciel pour moi ? Un espace vide oĂč je ne puis ramper. Ici je me sens bien : il y fait si douillettement chaud et humide !
Ainsi rĂ©pondit la Couleuvre Ă l'oiseau Ă©pris de libertĂ©, gloussant au fond dâelle-mĂȘme de devoir Ă©couter de pareilles sornettes.
Ainsi pensait lâophidien : "Quâon vole ou bien quâon rampe, chacun connaĂźt ici la fin : tous nous reposerons sous terre et tout finira en poussiĂšre..."
Mais le Faucon tenta de se soulever, dressa la tĂȘte et porta son regard alentour.
Au fond de cette gorge, dans cette obscuritĂ©, l'eau suintait entre les pierres grises, lâair Ă©tait suffocant et puait la charogne.
Alors le Faucon rassemblant toutes ses forces laissa Ă©chapper un cri de douleur et de chagrin :
- Oh, que ne puis-je une derniĂšre fois mâenvoler et rejoindre le ciel ! LĂ , jâĂ©treindrais mon ennemi⊠contre ma poitrine et... il sâĂ©toufferait de mon sang ! Ă, Ivresse de la bataille !...
Lâentendant ainsi gĂ©mir la Couleuvre se dit : "Comme il doit ĂȘtre bon de vivre dans le ciel !"
Elle proposa Ă lâoiseau Ă©pris de libertĂ© : "Va, approche-toi du gouffre et prĂ©cipite-toi dans le vide. Et qui sait ? tes ailes te porteront. Ainsi te sera-t-il donnĂ© de vivre encore un instant dans ce monde qui est le tien."
Le Faucon frĂ©mit et fiĂšrement dans un cri s'approcha de lâabĂźme, sâagrippant de ses griffes, rampant sur la pierre glissante.
Arrivé au bord du précipice, il déploya ses ailes, prit une profonde inspiration ; ses yeux clignÚrent plusieurs fois et il se jeta dans le vide.
Il tomba plus vite quâune pierre et se brisa les ailes, dĂ©valant et roulant sur les roches, y laissant ses plumesâŠ
Le flot du ruisseau le saisit, le lava de son sang et lâinondant dâĂ©cume lâemporta vers la mer.
Dans un rugissement de douleur, les vagues amĂšres battaient contre les pierres... Le corps de lâoiseau Ă tout jamais disparut dans le vaste ocĂ©anâŠ
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Maxime Gorki
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Nostradamus avait prĂ©dit la fin du monde pour lâĂ©tĂ© 1999. Comme chacun peut le constater, la terre continue de tourner et le bug du millĂ©naire nâa pas causĂ© trop de ravages. Le 11-Septembre a tout changĂ© ; Saddam a Ă©tĂ© exĂ©cutĂ© par ses compatriotes. En 2006, Liu Xiang a rĂ©alisĂ© des miracles et en juillet 2011, Yao Ming a quittĂ© la NBA. LâannĂ©e du tremblement de terre du Sichuan, Zhang Yimou a conçu le spectacle de la cĂ©rĂ©monie dâouverture des jeux Olympiques au Nid dâOiseau ; les crises monĂ©taires internationales se sont succĂ©dĂ©. Le Printemps arabe a Ă©clatĂ©. La fin du monde en 2012 annoncĂ©e par les Mayas ne sâest pas produite. Le grand « tsar » Poutine a annexĂ© la CrimĂ©e ; lâĂtat islamique a dĂ©clenchĂ© lâafflux des rĂ©fugiĂ©s en Europe. Leonardo DiCaprio a obtenu un oscar ; le prix Nobel de littĂ©rature a Ă©tĂ© attribuĂ© Ă Bob Dylan ; les frĂšres Wachowski â que Ye Xiao adore â se sont dâabord transformĂ©s en frĂšre et sĆur, pour finalement devenir sĆurs.
Ce 14 aoĂ»t 2017, il sâest Ă©coulĂ© dix-huit ans depuis le jour oĂč, selon Nostradamus, la fin du monde devait arriver.
â
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Cai Jun (Comme Hier)
â
- Envole-toi d'ici, mais tu n'as nulle part oĂč aller, souffle-t-il en me fixant avec le mĂȘme regard manique de tout Ă l'heure. Dans la cage, un oiseau pourrait chanter, non pas de joie, mais de nostalgie. Il aspire au ciel qu'il voit mais qu'il ne peut pas toucher. chaque barreau de sa cage est un rappel cruel de ses ailes coupĂ©es.
â
â
Bianca Cole (Unhinged (Once Upon a Villain))
â
[...] je ferraille avec les mots jusqu'Ă ce que tout me paraisse parfait. Mais la perfection n'est jamais atteinte. MĂȘme dans les livres que je lis, que je rĂ©vĂšre comme des crĂ©ations sans nulle autre pareille, il me semble qu'il y a toujours des faiblesses et ce sont justement ces faiblesses qui font la saveur du rĂ©cit. Quand on lit un auteur qu'on connaĂźt bien, qu'on relit sans cesse, on tombe immanquablement sur de tels passages. Mais il faut le lire avec attention, ne pas s'interrompre pour aller prendre un verre d'eau, rĂ©pondre au tĂ©lĂ©phone, ou manger une pomme, car alors on perd le fil, on ne voit pas le moment oĂč l'auteur a pris un coup dans l'aile. Je me demande souvent, quand je lis les Ă©crivains que j'admire, qui me sont nĂ©cessaires pour vivre, s'ils ont fait eux aussi la connaissance de l'oiseau de mauvais augure. Mon oiseau Ă moi s'est installĂ© Ă demeure, il ne me quitte pas. Il me rĂ©pĂšte constamment que je ne parviendrai pas Ă finir mon livre, que c'est au-dessus de mes forces. Il embrouille mes pensĂ©es, il cherche Ă m'Ă©garer. Je tiens bon. De nous deux, j'ai dĂ©cidĂ© que c'est moi le plus fort.
â
â
Linda LĂȘ (Conte de l'amour bifrons)
â
Soudain, un gigantesque oiseau pique droit sur elle.
â Au secours ! Au secours ! crie AmĂ©lie. Et elle s'enfuit en courant, le plus vite, le plus loin possible Ă travers la forĂȘt. CachĂ©e derriĂšre une tomate gĂ©ante, elle siffle de toutes ses forces. Ouf, l'oiseau est parti. Mais le train aussiâŠ
â
â
Etsuko Watanabe (La ForĂȘt des tomates)
â
Un jour un chasseur Ă©trange est venu Ă sa place
il hochait la tĂȘte regardait le nid
l'oiseau-mÚre m'a caché sous son aile
dans leurs Ćufs les tout petits se taisaient frissonnants.
(p. 57).
â
â
Gellu Naum (Partea cealaltÄ)
â
Je me sens, Ă la nuit tombante
comme un abricotier gaulé
dont la racine est tenaillée
par la poussiÚre de la résine.
Et parfois me sens comme branche
qui d'elle-mĂȘme penche et penche
qui d'elle-mĂȘme a long tourment
et d'elle-mĂȘme pleure et chante,
et d'elle-mĂȘme va ployant
par peur secrÚte de l'ondée
comme a peur l'oiseau sous la feuille.
(Traduit du roumain par LucâAndrĂ© Marcel)
â
â
Tudor Arghezi
â
Ils riaient aux Ă©clats. Et, une fois la messe dite, ou accomplie quelque autre fonction de son sacerdoce, il sautait sur le dos de sa mule, plein de saudade de ses champs et des Ăąmes fraternelles quâil gouvernait.
Parmi elles, une seule lui donnait des cheveux blancs : Firmo. Ce diable dâhomme Ă©tait un oiseau migrateur. Et pour quelquâun comme lui, dont les racines plongeaient dans le sol de Vilarinho, cette rĂ©alitĂ© Ă©tait une souffrance.
â
â
Miguel Torga
â
LE TAILLEUR NOTE MANGUER CHANTE.
Tourterelles dans l'or du soir,
Années de l'enfance envolées,
Je voudrais seller mon cheval louvet,
Au galop vers vous m'en aller.
Je voudrais vers vous revenir,
Attelant mon cheval louvet
Et dans la roulotte de mon grand-pĂšre
Chez moi je vous ramĂšnerais.
Sentier tortueux, petits saules,
Et floraisons dans tous les coins,
VoilĂ qui s'enlacent et s'aiment
Le plus proche et le plus lointain.
Ce qui fut voici bien longtemps
Aujourd'hui c'est renouvelé
En sandales d'argent s'en va
Le prodige à travers le blé.
Un tour suffit Ă l'anneau d'or
Pour que s'ouvre tout l'univers,
Que tout brille, bourdonne et vole
En rimes, en strophes, en vers.
Trilili, trille de l'oiseau,
Refleurissent tous les vergers,
Combien de joie, combien de peine.
Faut-il pour survoler l'été?
L'herbe et le grillon, tsi tsi tsi
Au soir dans la fraßche buée,
Que de joie faut-il que de peine
Pour qu'enfin l'été soit joué!
Tourterelles au feu du soir,
Années de l'enfance envolées,
Je voudrais seller mon cheval louvet
Au galop vers vous m'en aller,
Je voudrais vers vous revenir,
Attelant mon cheval louvet
Et dans la roulotte de mon grand-pĂšre
Vous ramĂšnerais.
(p. 427-428 de L'Anthologie de la poésie yiddish de Charles Dobzynski)
â
â
Itzik Manger
â
SUR LA ROUTE UN ARBRE
Sur la route il est un arbre
Qui reste ployé
Et tous les oiseaux de l'arbre
Se sont égaillés.
Trois vers l'ouest et trois vers l'est
Et le reste au sud
Laissant l'arbre Ă la tempĂȘte
Ă la solitude.
Je dis Ă ma mĂšre : Ă©coute
Si tu n'y fais rien,
Ni une ni deux, ma mĂšre
Oiseaux je deviens !
Je veux m'asseoir sur cet arbre
Je le bercerai,
L'hiver de belles complaintes
Le consolerai.
MĂšre dit : nenni, mon fils !
Et ses pleurs ruissellent
Tu pourrais, hélas, sur l'arbre
Prendre froid mortel !
Je dis : MĂšre, c'est dommage
Pour tes yeux si beaux
Et avant qu'on s'en avise
Je suis un oiseau.
Geint la mĂšre : Itsik, mon Ăąme,
Au nom de Dieu, tiens,
Prends au moins ce petit chĂąle
Et couvre-t'en bien,
Emporte avec toi tes bottes
Rude, l'hiver vient,
Mets ton bonnet de fourrure
Quel malheur est mien !
Emporte aussi ton chandail
Et mets-le, vaurien,
Si tu ne veux ĂȘtre l'hĂŽte
De tous les défunts !
Qu'il est dur de lever mes ailes,
Trop de choses, trop
Tu mis sur le corps, ma mĂšre,
Du fragile oiseau.
Et tristement je regarde
En ses yeux si beaux,
Son amour mĂȘme m'empĂȘche
De devenir oiseau.
(p. 418-419 de L'Anthologie de la poésie yiddish de Charles Dobzynski)
â
â
Itzik Manger
â
Jâattends lâan premier
Jâattends lâan premier dâune autre Ăšre,
lâan de la paix sur la terre.
On aura démoli les grands abattoirs
de lâHistoire.
Mon cĆur murmure dĂ©jĂ : « FrĂšre,
pardonne-moi cet héritage de haine,
et au nom de la souffrance humaine,
prends ma main, frĂšre.
Moi aussi j'ai mordu la poussiĂšre
et j'ai pleuré.
Tous les miens morts, Ă©teint le feu du foyer,
dans mon incendiĂ©e patrieâŠ
Aurore Ă©trange, le sang avait lui,
Les uns aprĂšs les autres,
les horizons tombĂšrent
devant moi et derriĂšre.
Je franchissais les confins,
des riviĂšres et des monts.
Et personne nâĂ©tait plus grand que les grands
soldats sans noms.
Nous nous frayions une voie
Ă travers les foules grises
qui se retiraient, effrayĂ©es, comme lâeau.
Les obus tuaient et creusaient
du mĂȘme coup le tombeau de la mĂšre et de lâenfant.
Et la mort, comme un revenant,
traversait les champs désertés.
Et cependant, le yacht aux ponts dorés
par le soleil du Midi,
comme un oiseau sans tache, flottait.
Le milliardaire fumait sa havane:
« à monde merveilleusement réglé ! »
(Un ver qui grossit dans la plaie quâil profane,
de lâhumanitĂ© toujours dans le sangâŠ)
FrĂšre, nâayons plus de ressentiments
ni de rĂȘves chauvins.
Comme moi, tu travailles de tes mains.
Tu laboures la terre. Peut-ĂȘtre, tu Ă©cris.
Il y a des foyers pauvres en dâautres lieux aussi.
Sur ton visage, je comprends sans mots
que tu te réveilles chaque jour trÚs tÎt,
et couches tard chaque soir.
Donne-moi ta main, sors de ton cercueil,
démolissons les historiques abattoirs,
regarde : le soleil sur le seuilâŠ
(traduit du roumain par Elisabeta Isanos)
â
â
Magda Isanos (Cantarea muntilor)
â
Dehors Ă la lumiĂšre des branches
Ăclatant sous leur propre sagesse, les cosses s'ouvraient.
La feuille tombait, grisée, fatiguant l'air.
Un oiseau se débattit au-dessus du mûrier.
Comme un saint Georges au cirque, en automne,
revenu du futur de mon corps,
je dessinai l'au-delĂ .
Les jours martelaient le silence comme un oreiller.
Forgeron et gardien du feu,
je regarde la montagne, cathédrale
aux blanches torchÚres de mélÚze,
sous laquelle, en pleurs, s'est assise Eurydice.
AprĂšs minuit, quand les clowns philosophent,
je scrute la montagne.
(p. 32)
â
â
Ion Caraion (La neige qui jamais ne neige et autres poĂšmes)
â
Que nous sommes coupables, oui ! Si mon pĂšre dĂ©couvre toutes ces⊠hum⊠toutes ces choses, il va en parler et il fera vite le lien avec nous, comme ta tante, Anatole⊠On va croire quâon a volĂ© tout cela. Quâon a tuĂ© lâoiseau. Et alors, ce sera la catastrophe. Il faut sâen dĂ©barrasser, conclut-il dâun ton pĂ©remptoire. â Câest sans doute une blague, de mauvais goĂ»t, certes,
â
â
Florence Jenner Metz (L'été des défis: Un roman pour les enfants de 8 ans et plus (Anatole t. 3) (French Edition))
â
Un oiseau mâa prĂȘtĂ© une de ses plumes et mâa sifflotĂ© quâil Ă©tait temps dâĂ©crire Ă nouveau.
â
â
Yves Montmartin (Brindille)
â
La flûte
Je n'Ă©tais qu'une plante inutile, un roseau.
Aussi je vĂ©gĂ©tais, si frĂȘle, qu'un oiseau
En se posant sur moi pouvait briser ma vie.
Maintenant je suis flûte et l'on me porte envie.
Car un vieux vagabond, voyant que je pleurais,
Un matin en passant m'arracha du marais,
De mon coeur, qu'il vida, fit un tuyau sonore,
Le mit sécher un an, puis, le perçant encore,
Il y fixa la gamme avec huit trous Ă©gaux ;
Et depuis, quand sa lĂšvre aux souffles musicaux
Ăveille les chansons au creux de mon silence,
Je tressaille, je vibre, et la note s'Ă©lance ;
Le chapelet des sons va s'Ă©grenant dans l'air ;
On dirait le babil d'une source au flot clair ;
Et dans ce flot chantant qu'un vague écho répÚte
Je sais noyer le cĆur de l'homme et de la bĂȘte.
â
â
Jean Richepin (La Chanson Des Gueux (French Edition))
â
LA MORT DE LA BICHE (MOARTEA CAPRIOAREI)
La disette a tué toute brise de vent.
Le soleil sâest fondu et coulĂ© de partout.
Le ciel est resté vide et brûlant
Les seaux ne tirent des fontaines que de boue.
Sur les bois fréquemment feux, toujours feux
Dansent sauvages, sataniques jeux.
Je poursuis papa en route vers les buttes,
Les chardons, les sapins mâĂ©corchent sĂ©chĂ©s.
Tous les deux commençons la poursuite des chÚvres,
La chasse dâla famine en montagnes de tout prĂšs.
La soif mâaccable. Bouillit sur la pierre
Le fil dâeau filtrĂ© des ruisseaux.
La tempe pĂšse lâĂ©paule, comme si jâerre
Une autre planĂšte, immense, Ă©trange, ennuyeux.
Nous restons dans lâendroit oĂč encore retentissent
Sur cordes de douces ondes, les ruisseaux.
Quand la lune sâĂ©lĂšve et le soleil se couche
Ici viendront Ă la fil sâabreuver
Une par une, les biches.
Je dis Ă papa que jâai soif. Il me fait signe de mâ taire.
Enivrante eau. Comme tu tâagites limpide !
Je suis liĂ© par soif de cette ĂȘtre qui meurt
Ă lâheure fixĂ© par loi et habitude.
La vallée raisonne en bruissements flétris.
Quel affreux crĂ©puscule flotte dans lâunivers !
Le sang Ă lâhorizon. Ma poitrine rouge comme si
Jâai essuyĂ© mes mains sur mon poitrail.
Comme sur autel fougÚres brûlent en flammes violùtres
Et les étoiles frappées parmi celles-ci miroitent.
HĂ©las ! comme je voudrais que tu ne viennes, ne viens pas
Superbe offrande de mon noble bois !
Elle se monta sautant et sâarrĂȘta
Scrutant les alentours avec de crainte
Ses minces narines faisaient frĂ©mir lâeau
Avec les cercles en cuivre errantes.
Dans ses yeux moites brillait un certain indécis
Je savais quâelle aura mal, quâelle va mourir.
Il me semblait revivre un récit
Avec la biche, jadis une trĂšs belle fille.
Dâen haut, la pĂąle lumiĂšre, lunaire,
Bruinait sur sa fourrure douces fleurs dâcerisier.
HĂ©las ! comme je voudrais que pour la premiĂšre fois
Le coup dâfusil dâpapa va Ă©chouer.
Mais les vallées résonnent. Elle tombe à genoux.
Elle lĂšve sa tĂȘte, la tourne vers les Ă©toiles
La dévala alors, en déclenchant sur eaux
Fuyards tourbillons de perles noires.
Un oiseau bleu bonda dans les rameaux
La vie dâla biche vers lâespace attardĂ©
Vola trĂšs lentement, en cris, comme en automne oiseaux
Quand laissent tranquilles leurs nids tout ravagés.
En chancelant je suis allé pour lui fermer
Ses yeux ombreux comme en engoisse veillés de cornes
Silencieux et blanc jâai tressailli quand lâpĂšre
Me dit de tout son cĆur: âVoilĂ de la viande !â
âJâai soifâ, je dis. Papa mâincite Ă mâabreuver.
Enivrante eau, enveloppé en brume !
Je suis lié par soif de cette biche gaspillée
A lâheure fixĂ©e par loi et par coutumeâŠ
Mais la loi nous est déserte, étrangÚre
Quand la vie en nous trĂšs difficile sâanime
Coutumes, compassions sont toutes désertes
Quand mĂȘme ma sĆur malade est une des victimes.
La carabine dâ papa nâ Ă©mane que de fumĂ©e
HĂ©las ! Sans vent sâempressent les feuillages en foule
Papa prépare un feu tout effrayé
HĂ©las ! comme la forĂȘt se dĂ©nature !
De lâherbe, sans adresse, je prends en mains
Une mince clochette dâun cliquetis argentin .
Papa tire de la broche avec sa main
Le cĆur de la chevreuil et ses chauds reins.
Câest quoi le cĆur ?⊠Jâai faim. Je veux vivre, jâ voudraisâŠ
Toi, pardonne-moi, vierge ! ma biche, ma bien-aimĂ©eâŠ
Jâai sommeil⊠Comme il est haut le feu ! Et la forĂȘt sauvage !
Je pleurs. Que pense papa ? Je mange. Je pleurs. Je mangeâŠ
1954
(cf. p. 15-18, traduction du roumain par Claudia PINTESCU)
â
â
Nicolae LabiĆ (Poezii (Biblioteca Eminescu) (Romanian Edition))
â
Lorsquâon en est rendu Ă dĂ©tester le chant dâun oiseau parce quâil nous rappelle tout ce quâon hait dans sa vie, câest quâon a littĂ©ralement fait le tour des gens quâon peut blĂąmer pour ses malheurs.
â
â
Maxim Martin (Excessif (French Edition))
â
La leçon de survie
(Ă ma mĂšre, Tudora-Dorina)
Un oiseau-nuage
Ă la traĂźne des autres.
De soie grise est le ciel tout entier,
comme le seau dâeau
est en aluminium pur.
Matin dâavril
juste à son début.
Un enfant sort dâun rĂȘve
et tĂąte les murs dâeau.
Tape légÚrement de son talon rose
dans le jeune ventre.
Les gardes-colombes sont prĂšs de lui.
La leçon de survie
nâa quâun seul thĂšme -
la faim est trompée
par une gorgĂ©e dâeau.
â
â
Clelia Ifrim
â
Lâamour est un oiseau qui a besoin de chanter chaque matin et de sâenvoler. Enfermez-le et
il mourra petit Ă petit, en cherchant irrĂ©mĂ©diablement Ă sâĂ©chapper de sa
prison.
â
â
Alexandre Contart (L'Emprise: Romance érotique inspirée de faits réels (French Edition))
â
Dans mon sillage les paroles
jâavais quittĂ© mon moi-mĂȘme
dans une saison de lâaube
et dans mon sillage les paroles
sanctifiaient un bonhomme de neige dans le désert
avec toutes les plaies de lâinstant enveloppĂ©es
dans lâaluminium invisible de la vie
et avec un sourire triste dans
le coin orienté au nord
dâun espoir cachĂ©
je mâĂ©loignais du prĂ©sent
dans un passé bien moins défini
que celui que jâavais rĂ©ellement vĂ©cu
et je rangeais attentivement dans la mémoire
chaque méandre qui me testait
depuis que jâĂ©tais parti comme
je me souvenais
de moi-mĂȘme
sans bruit et sans
déranger
il me semblait que le monde est un oiseau
de paroles sorti dâun sablier
délivré par le temps
moi je suivrais lâombre de la signification
de chaque pas dâun comptage prĂ©cis
jusquâau cercle du destin
désorienté par la direction
â
â
George Schinteie (DeÈertul de cuarÈ/ Le DĂ©sert de quartz)
â
Manuel de cohabitation
Ă lâombre de la clĂŽture en rotin
un oiseau avait été capturé.
Les métiers mécaniques,
amenés par la nouvelle génération au village,
nâavaient pas de guide dâutilisation
pour ces choses-lĂ .
Poussait entre les roseaux de la clĂŽture
la fleur appelĂ©e en roumain la robe de lâhirondelle, le liseron des champs.
Les villageois la prélevaient
pour en faire des couronnes,
quâils portaient tout lâĂ©tĂ©.
Ils ont ainsi prélevé, peu à peu
tous les matins,
jusquâĂ lâombre de lâoiseau,
pris dans la clĂŽture.
Câest ainsi que lâoiseau piĂ©gĂ© sâest envolĂ©.
(traduit du roumain par Gabrielle Danoux)
â
â
Clelia Ifrim
â
ce nâest quâavec le temps quâon peut rĂ©ussir Ă caresser les ailes brisĂ©es dâun oiseau sauvage.
â
â
NadÚge Roy (Le Prix de Ma Liberté)
â
CâĂ©tait comme si tout Ă coup une vanne sâĂ©tait ouverte en toi pour libĂ©rer les eaux noires de la dĂ©mence. Ce matin-lĂ , tu avais failli pour de bon perdre pied et tes yeux Ă©taient ceux dâun oiseau aveugle et sourd qui se cogne avec rage contre les barreaux de sa cage
â
â
Abdelkader DjemaĂŻ (Un moment d'oubli (CADRE ROUGE) (French Edition))
â
Il était présomptueux d'appeler ça une idée, mais elle était sûre de détenir la clef de cette histoire. Une clef qui n'allait nulle part, mais une clef qui portait un nom. Celui de l'espoir.
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Yasmine Djebel (Sirem et l'oiseau maudit)
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Nous sommes nous aussi des animaux, et mĂȘme si nous faisons tout pour l'oublier, nous sommes dans la continuitĂ© d'une lignĂ©e qui n'a pas gagnĂ© grand-chose depuis que l'Arche de NoĂ© a permis de recommencer le monde.
Le hibou et la baleine : le couple est cocasse, mais il correspond en rĂ©alitĂ© Ă la façon dont l'Ă©crivain organise l'univers en axes qui se rĂ©pondent nĂ©cessairement : l'est et l'ouest, le dehors et le dedans, les paysages tirĂ©s vers le haut et les paysages tirĂ©s vers le bas, la diastole et la systole du cĆur humain.
Parce qu'il n'affronte pas la lumiĂšre du jour, le hibou est symbole de tristesse, d'obscuritĂ©, de retraite solitaire et mĂ©lancolique. [...] Mais l'image du loubok, reprĂ©sentant un immense hibou perchĂ© sur la branche d'un arbre oĂč pour les plumes, les yeux et le bec, les verts tendres se mĂȘlent aux oranges vifs et aux jaunes, transforme l'oiseau nocturne en diurne, en oiseau du paradis, rappelant que l'obscuritĂ© ne va jamais sans la lumiĂšre.
Le hibou, lui-mĂȘme double, forme avec la baleine un couple complĂ©mentaire. Elle, le fĂ©minin, le solaire, le tendre et gros cĂ©tacĂ©, la Moby Dick bien-aimĂ©e, la protectrice de Jonas, celle qui nous avale mais nous protĂšge, le "poisson" sauveur de toutes les religions, vivant dans l'obscuritĂ© comme le hibou mais dans les profondeurs salutaires, comme les mines de charbon oĂč les poĂštes vont chercher les mots qui sauvent.
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Nicolas Bouvier (Le hibou et la baleine)
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Ce qui porte l'oiseau c'est la branche et non les lois de l'Ă©lasticitĂ©. Si nous rĂ©duisons la branche aux lois de l'Ă©lasticitĂ©, nous ne devons pas non plus parler d'oiseau, mais de solutions colloĂŻdales. Ă un tel niveau d'abstraction analytique, il n'est plus question de milieu pour le vivant, ni de santĂ©, ni de maladie. De mĂȘme, ce que mange le renard c'est un Ćuf de poule et non la chimie des albuminoĂŻdes ou les lois de l'embryologie. Parce que le vivant qualifiĂ© vit parmi un monde d'objets qualifiĂ©s, il vit parmi un monde d'accidents possibles. Rien n'est par hasard, mais tout arrive sous forme d'Ă©vĂ©nements. VoilĂ en quoi le milieu est infidĂšle. Son infidĂ©litĂ© c'est proprement son devenir, son histoire.
â
â
Georges Canguilhem (The Normal and the Pathological)
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Je sais que le fruit tombe au vent qui le secoue,
Que l'oiseau perd sa plume et la fleur son parfum ;
Que la création est une grande roue
Qui ne peut se mouvoir sans Ă©craser quelqu'un ;
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â
Victor Hugo
â
MĂ» par un besoin obscur, je me mis Ă peindre tout de suite avec des couleurs trĂšs vives. Sur ma feuille, la tĂȘte de lâoiseau Ă©tait jaune dâor. En me laissant guider par ma fantaisie, je continuai mon travail et, en peu de jours, jâeus terminĂ©.
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â
Hermann Hesse
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Si vous touchez trop un pinson, il deviendra un oiseau dĂ©primĂ©. Les pinsons ont Ă©tĂ© utilisĂ©s dans la "thĂ©orie de l'Ă©volution" de Darwin.â Le bec des pinsons a une forme conique et est trĂšs robuste.
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â
Michelle Hawkins (Finch: Des faits amusants sur les oiseaux pour les enfants #14 (French Edition))
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Truth is like a flying bird: It brakes suddenly, it falls to the ground. (Vérité est comme un oiseau qui vole: Il freine d'un coup, il tombe au sol)
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Charles de Leusse (Le Sablier)
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Le Phénix allait réintégrer sa place dans l'histoire à présent : la menace était écartée, nous étions réunis et l'un complétait l'autre. Quelle nouvelle mission nous attendait ? Quel destin allions-nous changer ? Je ne le savais pas encore, mais la vie continuait. Celle-ci, la prochaine. Les prochaines. Encore et encore. Eidan à mes cÎtés. Pour toujours il en serait ainsi. Car il était l'oiseau et j'étais le feu. Des amis pouvaient mourir, des civilisations s'écrouler, le monde s'effondrer, nous continuerions, jusqu'à la fin des temps.
â
â
Carina Rozenfeld (Le Brasier des souvenirs (PhĂŠnix, #2))
â
L'économie est devenue le succube de l'homme. Toute notre vie est déterminée par l'économie. Je pense que la grande bataille de notre avenir sera la bataille contre l'économie qui domine nos vies, la bataille pour le retour à une forme de spiritualité - qu'on peut appeler religiosité, si l'on veut - à laquelle on puisse s'adresser. Car c'est une constante dans l'histoire de l'humanité, ce désir de savoir ce qu'on est venu faire sur Terre.
Il nous faut de nouveaux modĂšles de dĂ©veloppement. Pas seulement la croissance, mais Ă©galement la parcimonie. Tu vois, Folco, je dis, moi, qu'il faut se libĂ©rer des dĂ©sirs. Mais, prĂ©cisĂ©ment Ă cause du systĂšme pervers de notre sociĂ©tĂ© de consommation, notre vie est entiĂšrement axĂ©e autour des jeux, du sport, de la nourriture, des plaisirs. La question est de savoir comment sortir de ce cercle vicieux : petit Ă petit, l'oiseau fait son nid. Mais, putain, ce systĂšme nous impose des comportements qui sont complĂštement absurdes. On ne veut pas certaines choses, mais le systĂšme de la sociĂ©tĂ© de consommation nous sĂ©duit et nous convainc de dĂ©sirer ces choses-lĂ . Toute notre vie dĂ©pend de ce mĂ©canisme. Il suffit pourtant de dĂ©cider de ne pas participer Ă ce systĂšme en rĂ©sistant, en jeĂ»nant ; alors, c'est comme si on utilisait la non-violence contre la violence. Finalement, Ă quoi bon toute cette violence ? Ils ne vont tout de mĂȘme pas nous les enfourner dans la gueule, leurs trucs !
Ce qu'il faut, c'est un effort spirituel profond, une réflexion profonde, un réveil profond. Ce qui, du reste, a quelque chose à voir avec la vérité, dont plus personne ne se soucie. Et là , une fois de plus, Gandhi était extraordinaire. Il cherchait la vérité, ce qui est derriÚre tout. "Avant, je croyais que Dieu était la vérité. Maintenant, je dirais que la vérité est Dieu." (p. 459-460)
â
â
Tiziano Terzani (La fine Ăš il mio inizio)
â
C'est mon sort de promener un agressif contour
errant la nuit, le jour,
et qui blesse le rétine des gens alentour
quand sur les murs je projette mon ĂȘtre incongru.
[Mi-e dat sÄ plimb un agresiv contur
rÄtÄcitor, din noapte pĂźna-n ziuÄ,
rÄnind retina celor dimprejur
cĂźnd proiectez pe ziduri fiinÈa-mi incongruÄ.]
(Autoportrait)
(Ă©pigraphe du roman d'Alain Absire, « Vasile EvÄnescu l'homme Ă tĂȘte d'oiseau »)
â
â
Nina Cassian
â
Il passa un disque de flûte de pan et de chants populaires roumains, il s'obligea à relire quelques poÚmes de George Bacovia.
Ă, soleil que je vois luire,
Marque de ton feu ardent
Tout ce corps qui me déchire
Foulé aux pieds par le temps.
â
â
Alain Absire (Vasile EvÄnescu, l'homme Ă tĂȘte d'oiseau)
â
On y projetait un film polonais doublé en roumain : « la Terre de la grande promesse », elle tenait absolument à le voir.
[...]
« Il faut considĂ©rer cette projection comme un Ă©vĂ©nement, ajouta-t-elle, les films de Wajda passent rarement les frontiĂšres roumaines. Je crois qu'on ne l'aime pas trop ici. On ne tolĂšre ses Ćuvres que lorsqu'elles s'en prennent ouvertement au capitalisme. »
Elle marqua un petit temps.
« Allez-vous parfois au cinĂ©ma ? J'ai vu plusieurs films roumains. Je les trouve vraiment trĂšs⊠conformistes, plutĂŽt ennuyeux : « la ForĂȘt des pendus », « la colonne Trajan », « les Daces », que des films historiques, on ne fait rien d'autre. J'ai vu « les Flots du Danube » aussi, de Liviu Ciulei. Celui-lĂ n'est pas trop mal fait. Mais tout de mĂȘme, les histoires d'espions clandestins avec des odieux fascistes et les militants communistes sans peur et sans reproche, on en a vite assez. Croyez-moi, Wajda, c'est quand mĂȘme autre chose ! Venez, vous ne le regretterez pas. »
â
â
Alain Absire (Vasile EvÄnescu, l'homme Ă tĂȘte d'oiseau)
â
Il y eut d'autres dĂ©couvertes, les jours suivants : « L'Alibi » de Maria BanuÈ, poĂšme de la course, la fuite Ă©perdue ; « Ardeur », de Miron Radu Paraschivescu, hymne de l'amour ardent, du dĂ©sir, de la passion charnelle ; « J'attends », d'Eugen Jebeleanu, deux strophes brĂšves sur l'impatience et la soif de mourir, sur la peur de la hache qui fend la tempe, en plein sommeil.
Tant de nouveautés le comblaient de joie. Chacune révélait une sensibilité, une écriture, un univers particulier qu'il s'efforçait de comprendre, de pénétrer, de partager. Des mondes peuplés d'images inconnues s'offraient à lui, le temps d'une lecture, d'une copie, d'une répétition, de mémoire et à voix haute.
â
â
Alain Absire (Vasile EvÄnescu, l'homme Ă tĂȘte d'oiseau)
â
Il aimait ainsi, passionnément, les vers de George Bacovia qui parlait si simplement de pluie et de banlieue. à qui il suffisait d'éléments simples : métaux sombres tels que le plomb,ciel noirci par la fumée, ou de couleurs répétées de façon obsédante, pour recréer un monde d'hiver bien connu, saturé de tristesse, de brouillard, de bruine poisseuse et de pluie.
â
â
Alain Absire (Vasile EvÄnescu, l'homme Ă tĂȘte d'oiseau)
â
c'est le temps
de te préparer pour l'hiver
de t'installer enfin dans ta vie
comme dans un fauteuil confortable
toi qui ne sais que t'asseoir au bord de la chaise
comme un invité indésirable
Ă une fĂȘte pour laquelle
tu n'as pas les vĂȘtements qu'il faut
c'est le temps de te préparer pour l'hiver
d'accrocher au mur les photos chĂšres
avec des visages qui ne sont plus ici
mais qui te parlent si clairement
que tu te demandes sans cesse
ce que tu fiches de ce cÎté-ci
marchant difficilement dans les guerres
qui ne t'ont jamais appartenu
en quel combat as-tu perdu le rire
et la petite lueur des yeux
c'est le temps de te préparer pour l'hiver
d'ouvrir largement les yeux
et de te dire « rien »
à haute voix « personne »
d'accueillir la tempĂȘte de neige
comme un oiseau qui ne trouve plus le chemin
vers les pays chauds
tout Ă coup il fait froid
en souvenir aussi
(traduit du roumain par LaetiÈia Ilea)
â
â
LetiÈia Ilea
â
Week-end
Et, pourtant, ce n'est qu'un imprévu mélange
de sensations immédiates, d'impulsions de l'instant,
d'échos et de souvenirs filtrés. Des hirondelles et des merles,
le sautillement gai de l'oiseau de la charrue ; le fumet
sur le dos de l'Ă©talon en nage et la tension
du jockey rouge. Le tout â devant les yeux ;
le tout, dans le souvenir, serpentant comme la fumée
qui quitte l'étroite artÚre de la cheminée.
Enchantement ; en chantant s'échappe la croûte
mince de l'instant, le bref grognement de la feuille,
le filet d'écume argentée de l'escargot.
Tel une chimĂšre passe le dieu des forĂȘts,
celui Ă trois tĂȘtes, regardant de trois cĂŽtĂ©s Ă la fois.
Jamais en arriĂšre, oĂč je me tiens,
tout en faisant des yeux le tour complet,
dans les jardins déserts du ciel.
(p. 21)
â
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Vasile Igna (Provincia cÄrturarului)