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Lorsque je suis revenu de la cĂ´te est
l’automne dernier, j’aurais aimé que le monde entier
se conforme et se soumette pour toujours au mĂŞme
impératif moral; je voulais renoncer à ces aventures
turbulentes qui m’avaient donné un aperçu privilégié
sur les tréfonds de l’âme humaine. Seul Gatsby,
l’homme qui donne son nom à ce livre, faisait figure d’exception – Gatsby qui représentait pourtant tout
ce que je méprise profondément. Si la personnalité
de quelqu’un est essentiellement la somme de tout
ce qu’il a accompli, alors, oui, il y avait chez lui
quelque chose de grandiose, une sensibilité accrue
aux promesses de la vie, comme s’il Ă©tait reliĂ© Ă
l’une de ces machines complexes qui détectent les
tremblements de terre à quinze mille kilomètres de
distance. Cette réceptivité n’avait rien à voir avec la
sensiblerie mollassonne qu’on honore sous le nom
de « tempérament créatif ». C’était une aptitude
extraordinaire à l’espoir, une vocation romantique
que je n’ai jamais rencontrées chez personne d’autre
et ne rencontrerai probablement jamais plus. Non :
Gatsby, lui, a bien tourné finalement; en revanche,
c’est ce qui a perdu Gatsby, cette écume nauséabonde
qui flottait dans le sillage de ses rĂŞves, qui a
mis fin pour l’instant à mon intérêt pour les peines
avortées et les élans brisés des humains.
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F. Scott Fitzgerald (Gatsby le magnifique (French Edition))