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On avance, comme saoulĂ©, on marche en perdant de temps en temps le souffle, on est un intrus qui s'obstine, qui cherche follement Ă se sentir de nouveau chez lui, dans ce temps et cet espace neufs, saturĂ©s, et qui vous refoulent. Vous ĂȘtes l'Ă©tranger, le dĂ©serteur, celui qui a fuit, qui ne sait plus oĂč en sont les oiseaux de leurs amours, de leurs fouilles, de leurs nids, oĂč en sont les branches, les vers, les salamandres. Vous vous ĂȘtes absentĂ© et tout a tellement progressĂ©, mĂ»ri, tout s'est tellement dĂ©ployĂ©, que vous vagabondez en exilĂ© parmi les mille commencements qui vous ont pris de vitesse, et qui vous dĂ©passent grandement.
Vous tombez assis sur une chaise qui ne vous reconnaĂźt plus, qui est d'un accueil rĂȘche et frisquet, vous surprend les fesses avec des rugositĂ©s de bois rĂ©cemment tourmentĂ© par de la pluie et du vent que vous n'avez pas connus. Vous soufflez difficultueusement, comme un convalescent Ă qui on a pĂ©rilleusement permis cette sortie aventureuse dans l'univers en fusion oĂč vous risquez d'aggraver votre souffrance, ce mal dont vous ignorez tout encore, et qui a quelque chose Ă voir avec votre absence, votre Ă©ternelle distraction, votre effrayant et inguĂ©rissable dĂ©sir d'ĂȘtre une crĂ©ature sĂ©parĂ©e, grandiose, unique, gagnante. Vous vous laissez brasser, secouer, venter. Vous rattraper lentement le morceau de saison perdu, vaille que vaille, vous revenez, et de loin, vous le savez bien. Mais d'oĂč? OĂč Ă©tiez-vous?
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