Petite Soeur Quotes

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Puisque c'est ainsi. Puisque le temps sépare ceux qui s'aiment et que rien ne dure. Ce que nous vivions là, et nous en étions conscients tous les quatre, c'était un peu de rab. Un sursis, une parenthèse, un moment de grâce. Quelques heures volées aux autres... Pendant combien de temps aurions-nous l'énergie de nous arracher ainsi du quotidien pour faire le mur? Combien de permissions la vie nous accorderait-elle encore? Combien de pieds de nez? Combien de petites grattes? Quand allions-nous nous perdre et comment les liens se distendraient-ils? Encore combien d'années avant d'être vieux?
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Anna Gavalda (L'Échappée belle)
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C’était une femme originale et solitaire. Elle entretenait un commerce étroit avec les esprits, épousait leurs querelles et refusait de voir certaines personnes de sa famille mal considérées dans le monde où elle se réfugiait. Un petit héritage lui échut qui venait de sa soeur. Ces cinq mille francs, arrivés à la fin d’une vie, se révélèrent assez encombrants. Il fallait les placer. Si presque tous les hommes sont capables de se servir d’une grosse fortune, la difficulté commence quand la somme est petite. Cette femme resta fidèle à elle-même. Près de la mort, elle voulut abriter ses vieux os. Une véritable occasion s’offrait à elle. Au cimetière de sa ville, une concession venait d’expirer et, sur ce terrain, les propriétaires avaient érigé un somptueux caveau, sobre de lignes, en marbre noir, un vrai trésor à tout dire, qu’on lui laissait pourla somme de quatre mille francs. Elle acheta ce caveau. C’était là une valeur sûre, à l’abri des fluctuations boursières et des événements politiques. Elle fit aménager la fosse intérieure, la tint prête à recevoir son propre corps. Et, tout achevé, elle fit graver son nom en capitales d’or. Cette affaire la contenta si profondément qu’elle fut prise d’un véritable amour pour son tombeau. Elle venait voir au début les progrès des travaux Elle finit par se rendre visite tous les dimanches après-midi. Ce fut son unique sortie et sa seule distraction. Vers deux heures de l’après-midi, elle faisait le long trajet qui l’amenait aux portes de la ville où se trouvait le cimetière. Elle entrait dans le petit caveau, refermait soigneusement la porte, et s’agenouillait sur le prie-Dieu. C’est ainsi que, mise en présence d’elle-même, confrontant ce qu’elle était et ce qu’elle devait être, retrouvant l’anneau d’une chaîne toujours rompue, elle perça sans effort les desseins secrets de la Providence. Par un singulier symbole, elle comprit même un jour qu’elle était morte aux yeux du monde. À la Toussaint, arrivée plus tard que d’habitude, elle trouva le pas de la porte pieusement jonché de violettes. Par une délicate attention, des inconnus compatissants devant cette tombe laissée sans fleurs, avaient partagé les leurs et honoré la mémoire de ce mort abandonné à lui-même.
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Albert Camus (L'envers et l'endroit)
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LE SYLLABUS Tout en mangeant d'un air effaré vos oranges, Vous semblez aujourd'hui, mes tremblants petits anges, Me redouter un peu; Pourquoi ? c'est ma bonté qu'il faut toujours attendre, Jeanne, et c'est le devoir de l'aïeul d'être tendre Et du ciel d'être bleu. N'ayez pas peur. C'est vrai, j'ai l'air fâché, je gronde, Non contre vous. Hélas, enfants, dans ce vil monde, Le prêtre hait et ment; Et, voyez-vous, j'entends jusqu'en nos verts asiles Un sombre brouhaha de choses imbéciles Qui passe en ce moment. Les prêtres font de l'ombre. Ah ! je veux m'y soustraire. La plaine resplendit; viens, Jeanne, avec ton frère, Viens, George, avec ta soeur; Un rayon sort du lac, l'aube est dans la chaumière; Ce qui monte de tout vers Dieu, c'est la lumière; Et d'eux, c'est la noirceur. J'aime une petitesse et je déteste l'autre; Je hais leur bégaiement et j'adore le vôtre; Enfants, quand vous parlez, Je me penche, écoutant ce que dit l'âme pure, Et je crois entrevoir une vague ouverture Des grands cieux étoilés. Car vous étiez hier, ô doux parleurs étranges, Les interlocuteurs des astres et des anges; En vous rien n'est mauvais; Vous m'apportez, à moi sur qui gronde la nue, On ne sait quel rayon de l'aurore inconnue; Vous en venez, j'y vais. Ce que vous dites sort du firmament austère; Quelque chose de plus que l'homme et que la terre Est dans vos jeunes yeux; Et votre voix où rien n'insulte, où rien ne blâme, Où rien ne mord, s'ajoute au vaste épithalame Des bois mystérieux. Ce doux balbutiement me plaît, je le préfère; Car j'y sens l'idéal; j'ai l'air de ne rien faire Dans les fauves forêts. Et pourtant Dieu sait bien que tout le jour j'écoute L'eau tomber d'un plafond de rochers goutte à goutte Au fond des antres frais. Ce qu'on appelle mort et ce qu'on nomme vie Parle la même langue à l'âme inassouvie; En bas nous étouffons; Mais rêver, c'est planer dans les apothéoses, C'est comprendre; et les nids disent les mêmes choses Que les tombeaux profonds. Les prêtres vont criant: Anathème ! anathème ! Mais la nature dit de toutes parts: Je t'aime ! Venez, enfants; le jour Est partout, et partout on voit la joie éclore; Et l'infini n'a pas plus d'azur et d'aurore Que l'âme n'a d'amour. J'ai fait la grosse voix contre ces noirs pygmées; Mais ne me craignez pas; les fleurs sont embaumées, Les bois sont triomphants; Le printemps est la fête immense, et nous en sommes; Venez, j'ai quelquefois fait peur aux petits hommes, Non aux petits enfants.
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Victor Hugo (L'Art d'être grand-père)