Mon Jai Quotes

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Devant cette nuit chargĂ©e de signes et d’étoiles, je m’ouvrais pour la premiĂšre fois Ă  la tendre indiffĂ©rence du monde. De l’éprouver si pareil Ă  moi, si fraternel enfin, j’ai senti que j’avais Ă©tĂ© heureux, et que je l’étais encore. Pour que tout soit consommĂ©, pour que je me sente moins seul, il me restait Ă  souhaiter qu’il y ait beaucoup de spectateurs le jour de mon exĂ©cution et qu’ils m’accueillent avec des cris de haine
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Albert Camus (The Stranger)
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Quant Ă  moi, maintenant, j'ai fermĂ© mon Ăąme. Je ne dis plus Ă  personne ce que je crois, ce que je pense et ce que j'aime. Me sachant condamnĂ© Ă  l'horrible solitude, je regarde les choses, sans jamais Ă©mettre mon avis. Que m'importent les opinions, les querelles, les plaisirs, les croyances ! Ne pouvant rien partager avec personne, je me suis dĂ©sintĂ©ressĂ© de tout. Ma pensĂ©e, invisible, demeure inexplorĂ©e. J'ai des phrases banales pour rĂ©pondre aux interrogations de chaque jour, et un sourire qui dit "oui", quand je ne veux mĂȘme pas prendre la peine de parler.
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Guy de Maupassant (Le Horla et autres nouvelles fantastiques)
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Longtemps, mon seul but dans la vie Ă©tait de m'autodĂ©truire. Puis, une fois, j'ai eu envie de bonheur. C'est terrible, j'ai honte, pardonnez-moi : un jour, j'ai eu cette vulgaire tentation d'ĂȘtre heureux. Ce que j'ai appris depuis, c'est que c'Ă©tait la meilleure maniĂšre de me dĂ©truire.
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Frédéric Beigbeder (L'amour dure trois ans (Marc Marronnier, #3))
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Quand j'arrive Ă  la gare de l'Est, j'espĂšre toujours secrĂštement qu'il y aura quelqu'un pour m'attendre. C'est con. J'ai beau savoir que ma mĂšre est encore au boulot Ă  cette heure-lĂ  et que Marc est pas du genre Ă  traverser la banlieue pour porter mon sac, j'ai toujours cet espoir dĂ©bile. [...] Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part... C'est quand mĂȘme pas compliquĂ©.
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Anna Gavalda (I Wish Someone Were Waiting for Me Somewhere)
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TrĂšs vite dans ma vie il a Ă©tĂ© trop tard. A dix-huit ans il Ă©tait dĂ©jĂ  trop tard. Entre dix-huit ans et vingt-cinq ans mon visage est parti dans une direction imprĂ©vue. A dix-huit ans j’ai vieilli.
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Marguerite Duras (The Lover)
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J'ai perdu ma force et ma vie, Et mes amis et ma gaieté; J'ai perdu jusqu'à la fierté Qui faisait croire à mon génie. Quand j'ai connu la Vérité, J'ai cru que c'était une amie ; Quand je l'ai comprise et sentie, J'en étais déjà dégoûté. Et pourtant elle est éternelle, Et ceux qui se sont passés d'elle Ici-bas ont tout ignoré. Dieu parle, il faut qu'on lui réponde. Le seul bien qui me reste au monde Est d'avoir quelquefois pleuré.
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Alfred de Musset
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Car j'ai vécu de vous attendre, Et mon coeur n'était que vos pas.
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Paul Valéry
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Je suis moi et j'ai l'intention de poursuivre mon chemin, oĂč qu'il me mĂšne.
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Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
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J'ai souvent pensĂ© alors que si l'on m'avait fait vivre dans un tronc d'arbre sec, sans autre occupaion que de regarder la fleur du ciel au-dessus de ma tĂȘte, je m'y serais peu Ă  peu habituĂ©. J'aurais attendu des passages d'oiseaux ou de rencontres de nuages comme j'attendais ici les curieuses cravates de mon avocat et comme, dans un autre monde, je patientais jusqu'au samedi pour Ă©treindre le corps de Marie.
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Albert Camus (The Stranger)
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J'ai connu et je connais encore, dans ma vie, des bonheurs inouĂŻs. Depuis mon enfance, par exemple, j'ai toujours aimĂ© les concombres salĂ©s, pas les cornichons, mais les concombres, les vrais, les seuls et uniques, ceux qu'on appelle concombres Ă  la russe. J'en ai toujours trouvĂ© partout. Souvent, je m'en achĂšte une livre, je m'installe quelque part au soleil, au bord de la mer, ou n'importe oĂč, sur un trottoir ou sur un banc, je mords dans mon concombre et me voilĂ  complĂštement heureux. Je reste lĂ , au soleil, le cƓur apaisĂ©, en regardant les choses et les hommes d'un Ɠil amical et je sais que la vie vaut vraiment la peine d'ĂȘtre vĂ©cue, que le bonheur est accessible, qu'il suffit simplement de trouver sa vocation profonde, et de se donner Ă  ce qu'on aime avec un abandon total de soi.
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Romain Gary (Promise at Dawn)
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Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lĂąches, mĂ©prisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dĂ©pravĂ©es ; le monde n'est qu'un Ă©gout sans fond oĂč les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de deux de ces ĂȘtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompĂ© en amour, souvent blessĂ© et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arriĂšre ; et on se dit : " J'ai souffert souvent, je me suis trompĂ© quelquefois, mais j'ai aimĂ©. C'est moi qui ai vĂ©cu, et non pas un ĂȘtre factice crĂ©Ă© par mon orgueil et mon ennui.
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Alfred de Musset (On ne badine pas avec l'amour)
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Adieu, dit-il
 - Adieu, dit le renard. Voici mon secret. Il est trĂšs simple : on ne voit bien qu’avec le coeur. L’essentiel est invisible pour les yeux. - L’essentiel est invisible pour les yeux, rĂ©pĂ©ta le petit prince, afin de se souvenir. - C’est le temps que tu a perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante. - C’est le temps que j’ai perdu pour ma rose
 fit le petit prince, afin de se souvenir. - Les hommes ont oubliĂ© cette vĂ©ritĂ©, dit le renard. Mais tu ne dois pas l’oublier. Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisĂ©. Tu es responsable de ta rose
 - Je suis responsable de ma rose
 rĂ©pĂ©ta le petit prince, afin de se souvenir.
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Antoine de Saint-Exupéry (The Little Prince)
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Ù‡Ű°Ű§ Ű­Ù‚ÙŠÙ‚ÙŠ , كل Ù…Ű§ ŰŁÙ‚Ű§ŰȘل من Ű§ŰŹÙ„Ù‡ لم يŰčŰŻ Ù…ÙˆŰŹÙˆŰŻŰ§Ù‹Ù‹ ŰŁŰ”Ù„Ű§
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JĂ©rĂŽme Ferrari (OĂč j'ai laissĂ© mon Ăąme)
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On s'ennuie de tout, mon ange, c'est une loi de la nature; ce n'est pas ma faute. Si donc, je m'ennuie aujourd'hui d'une aventure qui m'a occupĂ© entiĂšrement depuis quatre mortels mois, ce n'est pas ma faute. Si, par exemple, j'ai eu juste autant d'amour que toi de vertu, et c'est surement beaucoup dire, il n'est pas Ă©tonnant que l'un ait fini en mĂȘme temps que l'autre. Ce n'est pas ma faute. Il suit de lĂ , que depuis quelque temps je t'ai trompĂ©e: mais aussi ton impitoyable tendresse m'y forçait en quelque sorte! Ce n'est pas ma faute. Aujourd'hui, une femme que j'aime Ă©perdument exige que je te sacrifie. Ce n'est pas ma faute. Je sens bien que voilĂ  une belle occasion de crier au parjure: mais si la Nature n'a accordĂ© aux hommes que la constance, tandis qu'elle donnait aux femmes l'obstination, ce n'est pas ma faute. Crois-moi, choisis un autre amant, comme j'ai fait une maĂźtresse. Ce conseil est bon, trĂšs bon; si tu le trouve mauvais, ce n'est pas ma faute. Adieu, mon ange, je t'ai prise avec plaisir, je te quitte sans regrets: je te reviendrai peut-ĂȘtre. Ainsi va le monde. Ce n'est pas ma faute.
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Pierre Choderlos de Laclos (Les liaisons dangereuses)
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Le problĂšme c'est que ma tĂȘte n'est jamais reposĂ©e. Mon cerveau est une maison de campagne pour dĂ©mons. Ils y viennent souvent et de plus en plus nombreux. Ils se font des apĂ©ros Ă  la liqueur de mes angoisses. Ils se servent de mon stress car ils savent que j'en ai besoin pour avancer. Tout est question de dosage. Trop de stress et mon corps explose. Pas assez, je me paralyse. Mais le dĂ©mon le plus violent, c'est bien moi. Surtout depuis que j'ai perdu la guerre mondiale de l'amour
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Mathias Malzieu (Le plus petit baiser jamais recensé)
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Vous ĂȘtes tout les deux les personnes que j'ai le plus aimĂ©es au monde et j'ai fait de mon mieux possible, croyez-le. Serrez bien contre vous vos beaux enfants. Lucile PS : [...] Je sais bien que ça va vous faire de la peine mais c'est inĂ©luctable Ă  plus ou moins de temps et je prĂ©fĂšre mourir vivante.
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Delphine de Vigan (Rien ne s'oppose Ă  la nuit)
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Et moi aussi, je me suis senti prĂȘt Ă  tout revivre. Comme si cette grande colĂšre m'avait purgĂ© du mal, vidĂ© d'espoir, devant cette nuit chargĂ©e de signes et d'Ă©toiles, je m'ouvrais pour la premiĂšre fois Ă  la tendre indiffĂ©rence du monde. De l'Ă©prouver si pareil Ă  moi, si fraternel enfin, j'ai senti que j'avais Ă©tĂ© heureux, et que je l'Ă©tais encore. Pour que tout soit consommĂ©, pour que je me sente moins seul, il me restait Ă  souhaiter qu'il y ait beaucoup de spectateurs le jour de mon exĂ©cution et qu'ils m'accueillent avec des cris de haine.
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Albert Camus (The Stranger)
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J'ai tout donné au soleil. Tout sauf mon ombre
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Guillaume Apollinaire (Alcools)
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J'ai consultĂ© mon tĂ©lĂ©phone: je n'avais aucun message. C'est Ă  cela que servent les tĂ©lĂ©phones portables, Ă  se rendre compte que personne ne pense Ă  vous. Avant, on pouvait toujours rĂȘver que quelqu'un cherchait Ă  vous joindre, Ă  vous parler, Ă  vous aimer. Nous vivons maintenant avec cet objet qui matĂ©rialise notre solitude.
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David Foenkinos (La tĂȘte de l'emploi)
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En quelque sorte, on avait l’air de traiter cette affaire en dehors de moi. Tout se dĂ©roulait sans mon intervention. Mon sort se rĂ©glait sans qu’on prenne mon avis. De temps en temps, j’avais envie d’interrompre tout le monde et de dire : «Mais tout de mĂȘme, qui est l’accusĂ© ? C’est important d’ĂȘtre l’accusĂ©. Et j’ai quelque chose Ă  dire.» Mais rĂ©flexion faite, je n’avais rien Ă  dire.
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Albert Camus (L'Ă©tranger)
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-Mon cher jeune homme, dit AglaĂ© en souriant, j'ai Ă©tĂ© professeur de chimie et je vous ferai remarquer qu'il peut y avoir des rĂ©actions en chaĂźne, qui partent trĂšs doucement et, s'alimentant elles-mĂȘmes, peuvent se terminer de façon violente.
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Boris Vian (L'Herbe rouge)
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Mon cas n'est pas unique : j'ai peur de mourir et je suis navrĂ©e d'ĂȘtre au monde. Je n'ai pas travaillĂ©, je n'ai pas Ă©tudiĂ©. J'ai pleurĂ©, j'ai criĂ©. Les larmes et les cris m'ont pris beaucoup de temps.
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Violette Leduc
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Dire que j'ai gĂąchĂ© des annĂ©es de ma vie, que j'ai voulu mourir, que j'ai eu mon plus grand amour, pour une femme qui ne me plaisait pas, qui n’était pas mon genre!
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Marcel Proust (Un amour de Swann (À la recherche du temps perdu, #1.2))
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J’ai rĂ©flĂ©chi, je ne me fais pas d’illusions, je t’aime mais je n’ai pas confiance en toi. Puisque ce que nous vivons n’est pas rĂ©el, alors c’est un jeu. Je n’ai plus l’ñge de jouer Ă  chat. Ne cherche pas Ă  m’appeler, ni Ă  savoir oĂč je suis, ni comment je vis, je crois que ce n’est plus le problĂšme. J’ai rĂ©flĂ©chi, je pense que c’est la meilleure solution, faire comme toi, vivre de mon cĂŽtĂ© en t’aimant bien mais de loin. Je ne veux pas attendre tes coups de tĂ©lĂ©phone, je ne veux pas m’empĂȘcher de tomber amoureuse. J’ai rĂ©flĂ©chi, je veux bien essayer. C’est Ă  prendre ou Ă  laisser

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Anna Gavalda (Someone I Loved (Je l'aimais))
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Tant que mes jambes me permettent de fuir, tant que mes bras me permettent de combattre, tant que l'expĂ©rience que j'ai du monde me permet de savoir ce que je peux craindre ou dĂ©sirer, nulle crainte : je puis agir. Mais lorsque le monde des hommes me contraint Ă  observer ses lois, lorsque mon dĂ©sir brise son front contre le monde des interdits, lorsque mes mains et mes jambes se trouvent emprisonnĂ©es dans les fers implacables des prĂ©jugĂ©s et des cultures, alors je frissonne, je gĂ©mis et je pleure. Espace, je t'ai perdu et je rentre en moi-mĂȘme. Je m'enferme au faite de mon clocher oĂč, la tĂȘte dans les nuages, je fabrique l'art, la science et la folie.
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Henri Laborit (Éloge de la fuite)
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La rose complĂšte J’ai une telle conscience de ton ĂȘtre, rose complĂšte, que mon consentement te confond avec mon cƓur en fĂȘte. Je te respire comme si tu Ă©tais, rose, toute la vie, et je me sens l’ami parfait d’une telle amie.
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Rainer Maria Rilke (The Complete French Poems of Rainer Maria Rilke)
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Rien n'est jamais acquis à l'homme Ni sa force Ni sa faiblesse ni son coeur Et quand il croit Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix Et quand il croit serrer son bonheur il le broie Sa vie est un étrange et douloureux divorce Il n'y a pas d'amour heureux Sa vie Elle ressemble à ces soldats sans armes Qu'on avait habillés pour un autre destin A quoi peut leur servir de se lever matin Eux qu'on retrouve au soir désoeuvrés incertains Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes Il n'y a pas d'amour heureux Mon bel amour mon cher amour ma déchirure Je te porte dans moi comme un oiseau blessé Et ceux-là sans savoir nous regardent passer Répétant aprÚs moi les mots que j'ai tressés Et qui pour tes grands yeux tout aussitÎt moururent Il n'y a pas d'amour heureux Le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard Que pleurent dans la nuit nos coeurs à l'unisson Ce qu'il faut de malheur pour la moindre chanson Ce qu'il faut de regrets pour payer un frisson Ce qu'il faut de sanglots pour un air de guitare Il n'y a pas d'amour heureux Il n'y a pas d'amour qui ne soit à douleur Il n'y a pas d'amour dont on ne soit meurtri Il n'y a pas d'amour dont on ne soit flétri Et pas plus que de toi l'amour de la patrie Il n'y a pas d'amour qui ne vive de pleurs Il n'y a pas d'amour heureux Mais c'est notre amour à tous les deux
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Louis Aragon (La Diane française: En Étrange Pays dans mon pays lui-mĂȘme)
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MĂ©content de tous et mĂ©content de moi, je voudrais bien me racheter et m’enorguiellir un peu dans le silence et la solitude de la nuit. Âmes de ceux que j’ai aimĂ©s, Ăąmes de ceux que j’ai chantĂ©s, fortifiez-moi, Ă©loignez de moi le mensonge et les vapeurs corruptices du monde; et vous, Seigneur mon Dieu! accordez-moi la grĂące de produire quelques beaux vers qui me prouvent Ă  moi mĂȘme que je ne suis pas le dernier des hommes, que je ne suis pas infĂ©rieur Ă  ceux que je mĂ©prise.
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Rainer Maria Rilke (The Notebooks of Malte Laurids Brigge)
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Tout m’avale. Quand j’ai les yeux fermĂ©s, c’est par mon ventre que je suis avalĂ©e, c’est dans mon ventre que j’étouffe. Quand j’ai les yeux ouverts, c’est parce que je vois que je suis avalĂ©e, c’est dans le ventre de ce que je vois que je suffoque. Je suis avalĂ©e par le fleuve trop grand, par le ciel trop haut, par les fleurs trop fragiles, par les papillons trop craintifs, par le visage trop beau de ma mĂšre.
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Réjean Ducharme (L'avalée des avalés)
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Je me tromperai enfin sur certains dĂ©tails plus importants. Mais ça, il faudra me le pardonner. Mon ami ne donnait jamais d'explications. Il me croyait peut-ĂȘtre semblable Ă  lui. Mais moi, malheureusement, je ne sais pas voir les moutons Ă  travers les caisses. Je suis peut-ĂȘtre un peu comme les grandes personnes. J'ai dĂ» vieillir.
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Antoine de Saint-Exupéry (The Little Prince)
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A qui Ă©cris-tu? -A toi. En fait, je ne t'Ă©cris pas vraiment, j'Ă©cris ce que j'ai envie de faire avec toi... Il y avait des feuilles partout. Autour d'elle, Ă  ses pieds, sur le lit. J'en ai pris une au hasard: "...Pique-niquer, faire la sieste au bord d'une riviĂšre, manger des pĂȘches, des crevettes, des croissants, du riz gluant, nager, danser, m'acheter des chaussures, de la lingerie, du parfum, lire le journal, lĂ©cher les vitrines, prendre le mĂ©tro, surveiller l'heure, te pousser quand tu prends toute la place, Ă©tendre le linge, aller Ă  l'OpĂ©ra, faire des barbecues, rĂąler parce que tu as oubliĂ© le charbon, me laver les dents en mĂȘme temps que toi, t'acheter des caleçons, tondre la pelouse, lire le journal par-dessus ton Ă©paule, t'empĂȘcher de manger trop de cacahuĂštes, visiter les caves de la Loire, et celles de la Hunter Valley, faire l'idiote, jacasser, cueillir des mĂ»res, cuisiner, jardiner, te rĂ©veiller encore parce que tu ronfles, aller au zoo, aux puces, Ă  Paris, Ă  Londres, te chanter des chansons, arrĂȘter de fumer, te demander de me couper les ongles, acheter de la vaisselle, des bĂȘtises, des choses qui ne servent Ă  rien, manger des glaces, regarder les gens, te battre aux Ă©checs, Ă©couter du jazz, du reggae, danser le mambo et le cha-cha-cha, m'ennuyer, faire des caprices, bouder, rire, t'entortiller autour de mon petit doigt, chercher une maison avec vue sur les vaches, remplir d'indĂ©cents Caddie, repeindre un plafond, coudre des rideaux, rester des heures Ă  table Ă  discuter avec des gens intĂ©ressants, te tenir par la barbichette, te couper les cheveux, enlever les mauvaises herbes, laver la voiture, voir la mer, t'appeler encore, te dire des mots crus, apprendre Ă  tricoter, te tricoter une Ă©charpe, dĂ©faire cette horreur, recueillir des chats, des chiens, des perroquets, des Ă©lĂ©phants, louer des bicyclettes, ne pas s'en servir, rester dans un hamac, boire des margaritas Ă  l'ombre, tricher, apprendre Ă  me servir d'un fer Ă  repasser, jeter le fer Ă  repasser par la fenĂȘtre, chanter sous la pluie, fuire les touristes, m'enivrer, te dire toute la vĂ©ritĂ©, me souvenir que toute vĂ©ritĂ© n'est pas bonne Ă  dire, t'Ă©couter, te donner la main, rĂ©cupĂ©rer mon fer Ă  repasser, Ă©couter les paroles des chansons, mettre le rĂ©veil, oublier nos valises, m'arrĂȘter de courir, descendre les poubelles, te demander si tu m'aimes toujours, discuter avec la voisine, te raconter mon enfance, faire des mouillettes, des Ă©tiquettes pour les pots de confiture..." Et ça continuais comme ça pendant des pages et des pages...
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Anna Gavalda (Someone I Loved (Je l'aimais))
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La Courbe de tes yeux La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur, Un rond de danse et de douceur, Auréole du temps, berceau nocturne et sûr, Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu. Feuilles de jour et mousse de rosée, Roseaux du vent, sourires parfumés, Ailes couvrant le monde de lumiÚre, Bateaux chargés du ciel et de la mer, Chasseurs des bruits et sources des couleurs, Parfums éclos d'une couvée d'aurores Qui gßt toujours sur la paille des astres, Comme le jour dépend de l'innocence Le monde entier dépend de tes yeux purs Et tout mon sang coule dans leurs regards.
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Paul Éluard (Capital of Pain)
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j'ai rĂȘvĂ© , l'autre nuit, que mon corps Ă©tait des mots.
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Abdelkebir Khatibi (La Mémoire Tatouée)
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J’ai claquĂ© la porte en laissant sur mon bureau la lettre de dĂ©mission la plus courte de l’histoire. « Mes dossiers, tu peux te les fourrer dans le cul. Joyeuses FĂȘtes ! »
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Catherine Bourgault (On est pris avec le pÚre Noël ! (S.O.S. t. 2) (French Edition))
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C'est là que j'ai passé des soirées assise sur mon lit à regarder mes manques droit dans les yeux, à les affronter un par un...
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Marie-Sissi LabrĂšche
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J'ai rĂȘvĂ© que je dormais de mon dernier sommeil Ă  cĂŽtĂ© d'elle, mon cƓur immobile contre le sien, ma joue glacĂ©e contre la sienne
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Emily Brontë (Les Hauts de Hurlevent, d'Emily Brontë. Volume 1)
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Je pensais ĂȘtre exilĂ© de mon pays. En revenant sur les traces de mon passĂ©, j'ai compris que je l'Ă©tais de mon enfance? Ce qui me paraĂźt bien plus cruel.
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Gaël Faye (Petit pays)
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  Depuis que je suis en Europe, mon cher RhĂ©di, j'ai vu bien des gouvernements : ce n'est pas comme en Asie, oĂč les rĂšgles de la politique se trouvent partout les mĂȘmes.
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Montesquieu (Lettres persanes)
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«  mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de deux de ces ĂȘtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompĂ© en amour, souvent blessĂ© et souvent malheureux; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arriĂšre et on se dit : j'ai souffert souvent, je me suis trompĂ© quelquefois, mais j'ai aimĂ©. C'est moi qui ai vĂ©cu, et non pas un ĂȘtre factice crĂ©Ă© par mon orgueil et mon ennui.»
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Alfred de Musset
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Il y a donc de "bons" et de "mauvais" romans. Le plus souvent, ce sont les seconds que nous trouvons d'abord sur notre route. Et ma foi, quand ce fut mon tour d'y passer, j'ai le souvenir d'avoir trouvé ça "vachement bien". J'ai eu beaucoup de chance : on ne s'est pas moqué de moi, on n'a pas levé les yeux au ciel, on ne m'a pas traité de crétin. On a juste laissé traßner sur mon passage quelques "bons" romans en se gardant bien de m'interdire les autres. C'était la sagesse. (p. 182)
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Daniel Pennac (Comme un roman)
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O grande ville! c' est dans ton sein palpitant que j'ai trouve ce que je cherchais; mineur patient, j'ai remue tes entrailles pour en faire sortir le mal; maintenant, mon oeuvre est accomplie, ma mission est terminee; maintenant tu ne peux plus m'ofrir ni joies ni douleurs. Adieu, Paris,! adieu!
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Alexandre Dumas (Le Comte de Monte-Cristo: Tome 1)
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J'ai enfin compris pourquoi j'avais honte de m'asseoir dans la Cadillac de mon pĂšre! La raison de ma honte et de la rĂ©volution est la mĂȘme: la diffĂ©rence de classe sociale. Mais j'y pense...on a une bonne Ă  la maison!!
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Marjane Satrapi (Persepolis, Volume 1)
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- LE VICOMTE, suffoquĂ© : Ces grands airs arrogants ! Un hobereau qui... qui... n'a mĂȘme pas de gants ! Et qui sort sans rubans, sans bouffettes, sans ganses ! - CYRANO : Moi, c'est moralement que j'ai mes Ă©lĂ©gances. Je ne m'attife pas ainsi qu'un freluquet, Mais je suis plus soignĂ© si je suis moins coquet ; Je ne sortirais pas avec, par nĂ©gligence, Un affront pas trĂšs bien lavĂ©, la conscience Jaune encore de sommeil dans le coin de son oeil, Un honneur chiffonnĂ©, des scrupules en deuil. Mais je marche sans rien sur moi qui ne reluise, EmpanachĂ© d'indĂ©pendance, et de franchise ; Ce n'est pas une taille avantageuse, c'est Mon Ăąme que je cambre ainsi qu'en un corset, Et tout couvert d'exploits qu'en rubans je m'attache, Retroussant mon esprit ainsi qu'une moustache, Je fais, en traversant les groupes et les ronds, Sonner les vĂ©ritĂ©s comme des Ă©perons." (Acte I, scĂšne IV)
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Edmond Rostand (Cyrano de Bergerac)
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Sonnet VIII Je vis, je meurs : je me brĂ»le et me noie, J’ai chaud extrĂȘme en endurant froidure ; La vie m’est et trop molle et trop dure, J’ai grands ennuis entremĂȘlĂ©s de joie. Tout en un coup je ris et je larmoie, Et en plaisir maint grief tourment j’endure, Mon bien s’en va, et Ă  jamais il dure, Tout en un coup je sĂšche et je verdoie. Ainsi Amour inconstamment me mĂšne Et, quand je pense avoir plus de douleur, Sans y penser je me trouve hors de peine. Puis, quand je crois ma joie ĂȘtre certaine, Et ĂȘtre en haut de mon dĂ©sirĂ© heur, Il me remet en mon premier malheur.
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Louise LabĂ© (ƒuvres complĂštes: Sonnets, Elegies, DĂ©bat de folie et d'amour)
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En ce temps que j'ai dit devant, Sur le NoĂ«l, morte saison, Que les loups se vivent de vent Et qu'on se tient en sa maison, Pour le frimas, prĂšs du tison, Me vint un vouloir de briser La trĂšs amoureuse prison Qui faisoit mon cƓur dĂ©briser.
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François Villon (Le Lais (French Edition))
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J'ai commencé ma vie comme je la finirai sans doute : au milieu des livres. Dans le bureau de mon grand-pÚre, il y en avait partout ; défense était de les faire épousseter sauf une fois l'an, avant la rentrée d'octobre. Je ne savais pas encore lire que, déjà, je les révérais, ces pierres levées : droites ou penchées, serrées comme des briques sur les rayons de la bibliothÚque ou noblement espacées en allées de menhirs, je sentais que la prospérité de notre famille en dépendait...
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Jean-Paul Sartre
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Mais surtout, surtout Jonathan, un matin oĂč passait le facteur, un petit matin gros et froid, un matin oĂč il ouvrait sa grande sacoche jaune et pleine; soufflant de la buĂ©e en cherchant le courrier, j'ai ressenti un frisson qui a couru tout mon corps et m'a effarĂ©e. Un frisson qui m'a gelĂ©e sur place, un frisson qui s'est transformĂ© en Ă©clair et m'a foudroyĂ© la nuque : j'ai compris que j'attendais vos lettres, j'attendais vos mots, j'attendais vos descriptions d'auberges, de routes, de famille française, de soupe au chou... J'Ă©tais en train de vous attendre. J'allais donc souffrir de vous. Et je ne veux plus souffrir Jonathan. En ce mois de dĂ©cembre, j'ai couru Ă  Paris, j'ai couru dans FĂ©camps, j'ai couru dans ma maison, j'ai couru dans la librairie pour me sauver de vous, vous abandonner sur vos petites routes aux arbres secs et noirs. J'avais peur
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Katherine Pancol (Un homme Ă  distance)
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Chacun se présentait : nom, ùge, diagnostic et humeur du jour. Je m'appelle Hazel, avais-je dit quand mon tour était arrivé. J'ai seize ans. Cancer de la thyroïde à l'origine, mais mes poumons sont truffés de métastases depuis longtemps. Sinon ça va.
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John Green (The Fault in Our Stars)
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Ah! comme la neige a neigĂ©! Ma vitre est un jardin de givre. Ah! comme la neige a neigĂ©! Qu'est-ce que le spasme de vivre À la douleur que j'ai, que j'ai! Tous les Ă©tangs gisent gelĂ©s, Mon Ăąme est noire: OĂč vis-je? OĂč vais-je? Tous ses espoirs gisent gelĂ©s: Je suis la nouvelle NorvĂšge D'oĂč les blonds ciels s'en sont allĂ©s. Pleurez, oiseaux de fĂ©vrier, Au sinistre frisson des choses, Pleurez, oiseaux de fĂ©vrier, Pleurez mes pleurs, pleurez mes roses, Aux branches du genĂ©vrier. Ah! comme la neige a neigĂ©! Ma vitre est un jardin de givre. Ah! comme la neige a neigĂ©! Qu'est-ce que le spasme de vivre À tout l'ennui que j'ai, que j'ai!...
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Émile Nelligan Soir d'hiver
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Je dois dire qu'en dehors des cas oĂč elle m'exposa au ridicule, cette timiditĂ© insurmontable n'a jamais tournĂ© Ă  mon dĂ©savantage. Bien au contraire, j'ai mis ce handicap Ă  profit en apprenant Ă  devenir concis. Jadis je cherchais mes mots. Aujourd'hui je prends plaisir Ă  en rĂ©duire le nombre.
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Mahatma Gandhi (Non-Violent Resistance (Satyagraha))
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J'ai Ă©tĂ© nourri aux lettres dĂšs mon enfance, et pour ce qu'on me persuadait que par leur moyen on pouvait acquĂ©rir une connaissance claire et assurĂ©e de tout ce qui est utile Ă  la vie, j'avais un extrĂȘme dĂ©sir de les apprendre. Mais sitĂŽt que j'eus achevĂ© tout ce cours d'Ă©tudes au bout duquel on a coutume d'ĂȘtre reçu au rang des doctes, je changeai entiĂšrement d'opinion. Car je me trouvais embarassĂ© de tant de doutes et d'erreurs qu'il me semblait n'avoir fait autre profit en tachant de m'instruire, sinon que j'avais dĂ©couvert de plus en plus mon ignorance. (1ere partie, para 6)
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René Descartes (Discours de la méthode: suivi des Méditations métaphysiques)
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De guiche. "Portez-les-lui." Cyrano, tentĂ© et un peu charmĂ©. "Vraiment
" De guiche. "Il est des plus experts. Il vous corrigera seulement quelques vers
" Cyrano, dont le visage s’est immĂ©diatement rembruni. "Impossible, Monsieur ; mon sang se coagule En pensant qu’on y peut changer une virgule." De guiche. "Mais quand un vers lui plaĂźt, en revanche, mon cher, Il le paye trĂšs cher." Cyrano. "Il le paye moins cher Que moi, lorsque j’ai fait un vers, et que je l’aime, Je me le paye, en me le chantant Ă  moi-mĂȘme !" De guiche. "Vous ĂȘtes fier." Cyrano. "Vraiment, vous l’avez remarquĂ© ?
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Edmond Rostand (Cyrano de Bergerac)
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Ma Solitude Pour avoir si souvent dormi Avec ma solitude Je m'en suis fait presqu'une amie Une douce habitude Ell' ne me quitte pas d'un pas FidĂšle comme une ombre Elle m'a suivi çà et lĂ  Aux quatre coins du monde Non, je ne suis jamais seul Avec ma solitude Quand elle est au creux de mon lit Elle prend toute la place Et nous passons de longues nuits Tous les deux face Ă  face Je ne sais pas vraiment jusqu'oĂč Ira cette complice Faudra-t-il que j'y prenne goĂ»t Ou que je rĂ©agisse? Non, je ne suis jamais seul Avec ma solitude Par elle, j'ai autant appris Que j'ai versĂ© de larmes Si parfois je la rĂ©pudie Jamais elle ne dĂ©sarme Et si je prĂ©fĂšre l'amour D'une autre courtisane Elle sera Ă  mon dernier jour Ma derniĂšre compagne Non, je ne suis jamais seul Avec ma solitude
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Georges Moustaki
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_ (Omar ibn el Khattab) lorsque j'ai entendu le ProphĂšte, que la grĂące de Dieu lui soit assurĂ©e, nous dire: "Aujourd'hui j'ai parachevĂ© mon bienfait Ă  votre Ă©gard", certe oui, j'ai pleurĂ©. Ce mĂȘme jour d'Arafat, le ProphĂšte m'a demandĂ© la raison de mes pleurs, j'ai rĂ©pondu: " Ce qui me fait pleurer, c'est que, jusqu'Ă  prĂ©sent, nous Ă©tions dans un accroissement constant dans notre religion, mais si, Ă  prĂ©sent, elle est achevĂ©e, il faut dire qu'il n' y a pas de choses qui atteignent leur plĂ©nitude sans que, par la suite, elles ne s'amoindrissent!" Et le ProphĂšte m'ayant Ă©coutĂ© a rĂ©pondu aprĂšs un long moment: "Certes, Omar, tu as dis vrai!
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Assia Djebar (Loin de MĂ©dine)
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J’ai toujours imaginĂ© que la franchise et un certain amour de la vĂ©ritĂ© faisaient partie du fondement mĂȘme de mon caractĂšre. Or me voici impliquĂ© dans une relation qui fait du mensonge, de la ruse et de la dissimulation des nĂ©cessitĂ©s presque quotidiennes et Ă  ma grande surprise, je dĂ©couvre que je ne suis pas si mauvais que ça
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Hjalmar Söderberg (Den allvarsamma leken)
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S'identifier Ă  l'univers mĂȘme. Tout ce qui est moindre que l'univers est soumis Ă  la souffrance. J'ai beau mourir, l'univers continu. Cela ne me console pas si je suis autre que l'univers. Mais si l'univers est Ă  mon Ăąme comme un autre corps, ma mort cesse d'avoir pour moi plus d'importance que celle d'un inconnu. De mĂȘme les souffrances.
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Simone Weil (La pesanteur et la grace (annoté-illustré): Des citations fulgurantes (French Edition))
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De mĂȘme, ces obsĂ©dĂ©s des points de suspension semblent vous dire : ah, si on me laissait faire, vous verriez cette superbe description que je vous brosserais lĂ , et ce dialogue percutant, et cette analyse brillante. J'ai tout ça au bout des doigts, mais bon je me retiens. pour cette fois ! On a envie de leur suggĂ©rer Ă  l'oreille : laissez-vous donc tenter, mon vieux, ne muselez plus ainsi ce gĂ©nie qu'on devine en vous et qui ne demande qu'Ă  nous exploser Ă  la gueule. LĂąchez-vous et le monde de la littĂ©rature en sera sous le choc, je vous le garantis.
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Anne-Laure Bondoux (Et je danse, aussi)
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Je sais pas de quoi j'ai envie. Je sais jamais ce que je pense, ce que je ressens, ce que je dois dĂ©cider ou choisir. Ça m'angoisse Ă  mort de trancher. J'ai beau rĂ©flĂ©chir, je sais pas qui je suis ni qui j'aimerais ĂȘtre. J'ai beau chercher j'ai pas de but, pas de projets. J'arrive pas a imaginer mon avenir comme si... comme si d'y penser ça pouvait le faire disparaitre.
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Claire-Lise Marguier (Le faire ou mourir)
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Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai, J’ai compris qu'en toutes circonstances, J’étais Ă  la bonne place, au bon moment. Et alors, j'ai pu me relaxer. Aujourd'hui je sais que cela s'appelle... l'Estime de soi. Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai, J’ai pu percevoir que mon anxiĂ©tĂ© et ma souffrance Ă©motionnelle N’étaient rien d'autre qu'un signal Lorsque je vais Ă  l'encontre de mes convictions. Aujourd'hui je sais que cela s'appelle... l'AuthenticitĂ©. Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai, J'ai cessĂ© de vouloir une vie diffĂ©rente Et j'ai commencĂ© Ă  voir que tout ce qui m'arrive Contribue Ă  ma croissance personnelle. Aujourd'hui, je sais que cela s'appelle... la MaturitĂ©. Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai, J’ai commencĂ© Ă  percevoir l'abus Dans le fait de forcer une situation ou une personne, Dans le seul but d'obtenir ce que je veux, Sachant trĂšs bien que ni la personne ni moi-mĂȘme Ne sommes prĂȘts et que ce n'est pas le moment... Aujourd'hui, je sais que cela s'appelle... le Respect. Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai, J’ai commencĂ© Ă  me libĂ©rer de tout ce qui n'Ă©tait pas salutaire, personnes, situations, tout ce qui baissait mon Ă©nergie. Au dĂ©but, ma raison appelait cela de l'Ă©goĂŻsme. Aujourd'hui, je sais que cela s'appelle... l'Amour propre. Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai, J’ai cessĂ© d'avoir peur du temps libre Et j'ai arrĂȘtĂ© de faire de grands plans, J’ai abandonnĂ© les mĂ©ga-projets du futur. Aujourd'hui, je fais ce qui est correct, ce que j'aime Quand cela me plait et Ă  mon rythme. Aujourd'hui, je sais que cela s'appelle... la SimplicitĂ©. Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai, J’ai cessĂ© de chercher Ă  avoir toujours raison, Et je me suis rendu compte de toutes les fois oĂč je me suis trompĂ©. Aujourd'hui, j'ai dĂ©couvert ... l'HumilitĂ©. Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai, J’ai cessĂ© de revivre le passĂ© Et de me prĂ©occuper de l'avenir. Aujourd'hui, je vis au prĂ©sent, LĂ  oĂč toute la vie se passe. Aujourd'hui, je vis une seule journĂ©e Ă  la fois. Et cela s'appelle... la PlĂ©nitude. Le jour oĂč je me suis aimĂ© pour de vrai, J’ai compris que ma tĂȘte pouvait me tromper et me dĂ©cevoir. Mais si je la mets au service de mon coeur, Elle devient une alliĂ©e trĂšs prĂ©cieuse ! Tout ceci, c'est... le Savoir vivre. Nous ne devons pas avoir peur de nous confronter. Du chaos naissent les Ă©toiles.
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Charlie Chaplin
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Mais comment font ces autres Ă  qui tout rĂ©ussit? Qu’on me dise mes fautes, mes chimĂšres aussi. Moi j’offrirais mon Ăąme, mon coeur et tout mon temps, mais j’ai beau tout donner, tout n’est pas suffisant. ... S’il suffisait qu’on s’aime, s’il suffisait d’aimer, si l’on changeait les choses un peu, rien qu’en aimant donner. S’il suffisait qu’on s’aime, s’il suffisait d’aimer, je ferais de ce monde un rĂȘve, une Ă©ternitĂ©.
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CĂ©line Dion
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Dans tes yeux mon enfant j'ai lu l'exil. Toi? qui es nĂ© Loin du pays, Tes cheveux ont la couleur de l'olive A laquelle nous n'avons plus Le droit de toucher. Dans l'Ă©clat de tes dents serrĂ©es, Mon enfant, Je regarde Des milliers d'Ă©toiles calcinĂ©es, Nos terres volĂ©es, Nos maisons bombardĂ©es, Des bouquets de poings Tombants sous les orangers. Dans le mercure de tes larmes, Mon enfant, J'ai lu l’exil, L'exil d'un peuple.
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Mokhtar El Amraoui
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- LE VICOMTE, suffoquĂ© : Ces grands airs arrogants ! Un hobereau qui... qui... n'a mĂȘme pas de gants ! Et qui sort sans rubans, sans bouffettes, sans ganses ! - CYRANO : Moi, c'est moralement que j'ai mes Ă©lĂ©gances. Je ne m'attife pas ainsi qu'un freluquet, Mais je suis plus soignĂ© si je suis moins coquet ; Je ne sortirais pas avec, par nĂ©gligence, Un affront pas trĂšs bien lavĂ©, la conscience Jaune encore de sommeil dans le coin de son oeil, Un honneur chiffonnĂ©, des scrupules en deuil. Mais je marche sans rien sur moi qui ne reluise, EmpanachĂ© d'indĂ©pendance et de franchise ; Ce n'est pas une taille avantageuse, c'est Mon Ăąme que je cambre ainsi qu'en un corset, Et tout couvert d'exploits qu'en rubans je m'attache, Retroussant mon esprit ainsi qu'une moustache, Je fais, en traversant les groupes et les ronds, Sonner les vĂ©ritĂ©s comme des Ă©perons.
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Edmond Rostand (Cyrano de Bergerac)
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C'est dans ma neuviĂšme annĂ©e que j'ai appris le hollandais. A cette Ă©poque-lĂ , j'avais un papa, un chic type dans mon genre, qui voulait que ses enfants rĂ©ussissent dans la vie. Lui n'avait pas beaucoup travaillĂ© Ă  l'Ă©cole ; ce qui ne l'empĂȘchait pas, tous les Ă©tĂ©s, de nous acheter Ă  ma sƓur Christine et Ă  moi des "cahiers de vacances". Le lundi soir, elle avait dĂ©jĂ  fait son cahier jusqu'au jeudi. Moi, je n'ai jamais pu terminer le mien.
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Marie-Aude Murail (Le hollandais sans peine)
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J’ai toujours pensĂ© que l’homme naĂźt avec des goĂ»ts absolus et avec tous les germes de son caractĂšre futur ; son but est prĂ©cisĂ©ment de rĂ©aliser son caractĂšre. Tout le mal vient de ce que les circonstances mettent parfois des obstacles Ă  cette rĂ©alisation. Je passais en revue toutes mes mauvaises actions, tous les actes qui autrefois troublaient ma conscience, et je pus constater que tous provenaient du dĂ©saccord entre mon caractĂšre et la vie que j’ai menĂ©e.
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Aleksey Apukhtin (Entre la mort et la vie : suivi de Les Archives de la comtesse D*** & Le Journal de Pavlik Dolsky)
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Lorsque j’ai commencĂ© Ă  voyager en Gwendalavir aux cĂŽtĂ©s d'EwĂŹlan et de Salim, je savais que, au fil de mon Ă©criture, ma route croiserait celle d'une multitude de personnages. Personnages attachants ou irritants, discrets ou hauts en couleurs, pertinents ou impertinents, sympathiques ou malĂ©fiques... Je savais cela et je m'en rĂ©jouissais. Rien, en revanche, ne m'avait prĂ©parĂ© Ă  une rencontre qui allait bouleverser ma vie. Rien ne m'avait prĂ©parĂ© Ă  Ellana. Elle est arrivĂ©e dans la QuĂȘte Ă  sa maniĂšre, tout en finesse tonitruante, en dĂ©licatesse remarquable, en discrĂ©tion Ă©tincelante. Elle est arrivĂ©e Ă  un moment clef, elle qui se moque des serrures, Ă  un moment charniĂšre, elle qui se rit des portes, au sein d’un groupe constituĂ©, elle pourtant pĂ©trie d’indĂ©pendance, son caractĂšre forgĂ© au feu de la solitude. Elle est arrivĂ©e, s'est glissĂ©e dans la confiance d'Ewilan avec l'aisance d'un songe, a captĂ© le regard d’Edwin et son respect, a sĂ©duit Salim, conquis maĂźtre Duom... Je l’ai regardĂ©e agir, admiratif ; sans me douter un instant de la toile que sa prĂ©sence, son charisme, sa beautĂ© tissaient autour de moi. Aucun calcul de sa part. Ellana vit, elle ne calcule pas. Elle s'est contentĂ©e d'ĂȘtre et, ce faisant, elle a tranquillement troquĂ© son statut de personnage secondaire pour celui de figure emblĂ©matique d'une double trilogie qui ne portait pourtant pas son nom. Convaincue du pouvoir de l'ombre, elle n'a pas cherchĂ© la lumiĂšre, a Ă©paulĂ© Ewilan dans sa quĂȘte d'identitĂ© puis dans sa recherche d'une parade au danger qui menaçait l'Empire. Sans elle, Ewilan n'aurait pas retrouvĂ© ses parents, sans elle, l'Empire aurait succombĂ© Ă  la soif de pouvoir des Valinguites, mais elle n’en a tirĂ© aucune gloire, trop Ă©quilibrĂ©e pour ignorer que la victoire s'appuyait sur les Ă©paules d'un groupe de compagnons soudĂ©s par une indĂ©fectible amitiĂ©. Lorsque j'ai posĂ© le dernier mot du dernier tome de la saga d'Ewilan, je pensais que chacun de ses compagnons avait mĂ©ritĂ© le repos. Que chacun d'eux allait suivre son chemin, chercher son bonheur, vivre sa vie de personnage libĂ©rĂ© par l'auteur aprĂšs une Ă©prouvante aventure littĂ©raire. Chacun ? Pas Ellana. Impossible de la quitter. Elle hante mes rĂȘves, se promĂšne dans mon quotidien, fluide et insaisissable, transforme ma vision des choses et ma perception des autres, crochĂšte mes pensĂ©es intimes, escalade mes dĂ©sirs secrets... Un auteur peut-il tomber amoureux de l'un de ses personnages ? Est-ce moi qui ai crĂ©Ă© Ellana ou n'ai-je vraiment commencĂ© Ă  exister que le jour oĂč elle est apparue ? Nos routes sont-elles liĂ©es Ă  jamais ? — Il y a deux rĂ©ponses Ă  ces questions, souffle le vent Ă  mon oreille. Comme Ă  toutes les questions. Celle du savant et celle du poĂšte. — Celle du savant ? Celle du poĂšte ? Qu'est-ce que... — Chut... Écris.
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Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
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Toute ma vie, j'ai été habitué à ce que les autres se trompent sur mon compte. C'est le lot de tout homme public. Il lui faut une solide cuirasse; car s'il fallait donner des explications pour se justifier quand on se méprend sur vos intentions, la vie deviendrait insupportable. Je me suis fait une rÚgle de ne jamais intervenir pour rectifier ce genre d'erreur, à moins que ne l'exige la cause que je défends. Ce principe m'a épargné bien du temps et bien des tracas.
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Mahatma Gandhi (Non-Violent Resistance (Satyagraha))
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Je le vis, je rougis, je pĂąlis Ă  sa vue ; Un trouble s’éleva dans mon Ăąme Ă©perdue ; Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler; Je sentis tout mon corps et transir et brĂ»ler : Je reconnus VĂ©nus et ses feux redoutables, D’un sang qu’elle poursuit tourments inĂ©vitables ! Par des vƓux assidus je crus les dĂ©tourner : Je lui bĂątis un temple, et pris soin de l’orner ; De victimes moi-mĂȘme Ă  toute heure entourĂ©e, Je cherchais dans leurs flancs ma raison Ă©garĂ©e : D’un incurable amour remĂšdes impuissants ! En vain sur les autels ma main brĂ»lait l’encens ! Quand ma bouche implorait le nom de la dĂ©esse, J’adorais Hippolyte ; et, le voyant sans cesse, MĂȘme au pied des autels que je faisais fumer, J’offrais tout Ă  ce dieu que je n’osais nommer. Je l’évitais partout. Ô comble de misĂšre ! Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son pĂšre. Contre moi-mĂȘme enfin j’osai me rĂ©volter : J’excitai mon courage Ă  le persĂ©cuter. Pour bannir l’ennemi dont j’étais idolĂątre, J’affectai les chagrins d’une injuste marĂątre ; Je pressai son exil ; et mes cris Ă©ternels L’arrachĂšrent du sein et des bras paternels. Je respirais, ƒNONE ; et, depuis son absence, Mes jours moins agitĂ©s coulaient dans l’innocence : Soumise Ă  mon Ă©poux, et cachant mes ennuis, De son fatal hymen je cultivais les fruits. Vaines prĂ©cautions ! Cruelle destinĂ©e ! Par mon Ă©poux lui-mĂȘme Ă  TrĂ©zĂšne amenĂ©e, J’ai revu l’ennemi que j’avais Ă©loignĂ© : Ma blessure trop vive aussitĂŽt a saignĂ©. Ce n’est plus une ardeur dans mes veines cachĂ©e : C’est VĂ©nus tout entiĂšre Ă  sa proie attachĂ©e. J’ai conçu pour mon crime une juste terreur ; J’ai pris la vie en haine, et ma flamme en horreur ; Je voulais en mourant prendre soin de ma gloire, Et dĂ©rober au jour une flamme si noire : Je n’ai pu soutenir tes larmes, tes combats : Je t’ai tout avouĂ© ; je ne m’en repens pas. Pourvu que, de ma mort respectant les approches, Tu ne m’affliges plus par d’injustes reproches, Et que tes vains secours cessent de rappeler Un reste de chaleur tout prĂȘt Ă  s’exhaler.
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Jean Racine (PhĂšdre)
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Toute ma vie fut la promesse De cette rencontre avec toi. C’est Dieu qui t’envoie, je le sais Pour me garder jusqu’à la mort
 Tu apparaissais dans mes rĂȘves ; Sans te voir je te chĂ©rissais Ton regard me faisait languir, Ta voix rĂ©sonnait dans mon Ăąme Depuis toujours
 En vĂ©ritĂ© Je t’ai reconnu tout de suite. Ce fut pour moi un froid, un feu, Et dans mon cƓur, j’ai dit : c’est lui ! Je t’entendais dans le silence, Quand j’allais secourir les pauvres Ou quand la priĂšre apaisait L’angoisse de mon Ăąme en peine.
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Alexander Pushkin (Eugene Onegin)
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Quelle bouillie, quelle bouillie ! Il faut mettre de l'ordre dans ma tĂȘte. Depuis qu'ils m'ont coupĂ© la langue, une autre langue, je ne sais pas, marche sans arrĂȘt dans mon crĂąne, quelque chose parle, ou quel-qu'un, qui se tait soudain et puis tout recommence ĂŽ j'entends trop de choses que je ne dis pourtant pas, quelle bouillie, et si j'ouvre la bou-che, c'est comme un bruit de cailloux remuĂ©s. De l'ordre, un ordre, dit la langue, et elle parle d'autre chose en mĂȘme temps, oui j'ai toujours dĂ©sirĂ© l'ordre !!
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Albert Camus (Exile and the Kingdom)
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Pour la premiÚre fois de ma vie, mon passé me surprend. J'ai envie de parler en silence. De me parler. J'ai envie que ce jeune type qui ne sait pas ce qui l'attend mais qui porte son sourire comme un laissez-passer s'avance vers moi. J'aimerais le voir arriver vers moi avec mes vingt ans de moins, s'asseoir à mes cÎtés, me sourire timidement, mettre ses mains dans ses poches et garder le silence. J'aimerais que ce jeune type avec mes vingt de moins ne me juge pas. J'aimerais qu'il me pardonne de l'avoir trahi.
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David Thomas (La Patience des buffles sous la pluie)
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Chers Amis, Ce que vous avez pris pour mes oeuvres n’était que les dĂ©chets de moi-mĂȘme, ces raclures de l’ñme que l’homme normal n’accueille pas. Que mon mal depuis lors ait reculĂ© ou avancĂ©, la question pour moi n’est pas lĂ , elle est dans la douleur et la sidĂ©ration persistante de mon esprit. Me voici de retour Ă  M..., oĂč j’ai retrouvĂ© la sensation d’engourdissement et de vertige, ce besoin brusque et fou de sommeil, cette perte soudaine de mes forces avec un sentiment de vaste douleur, d’abrutissement instantanĂ©.
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Antonin Artaud (L'Ombilic des Limbes: suivi de Le PĂšse-nerfs et autres textes)
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Gamberge Tu gamberges. Tu regardes ta vie. Ça ne colle pas. Alors tu dĂ©primes. Combien de vies ratĂ©es pour une vie rĂ©ussie ? C'est quoi, les proportions ? Qu'est-ce que j'ai mal fait pour en arriver lĂ  ? C'est quand, que j'ai merdĂ© ? J'ai encore le temps de me rattraper ? Combien de chances il me reste pour m'en sortir pas trop mal ? Elle peut encore changer, ma vie ? Je ne suis pas fait pour cette vie-lĂ  ? Ça se change, une vie ? Je veux dire, ça se change vraiment ? C'est quoi, le problĂšme ? C'est ma nĂ©vrose ? Comment on fait pour tordre une nĂ©vrose ? J'ai mangĂ© mon pain blanc, alors ? JE l'ai mangĂ© sans m'en rendre compte, c'est ça ? Je vais encore ramer longtemps comme ça ? C'est encore loin, l'AmĂ©rique ? Est-ce qu'un jour moi aussi je mĂąchouillerai un brin d'herbe sous un saule en me disant que la vie est belle ? Qu'elle est sacrement belle ? Faut que j'arrĂȘte de gamberger, c'est pas bon.
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David Thomas (La Patience des buffles sous la pluie)
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Un peu comme lorsque je rentre d'un voyage quelque part et que tout le monde me demande comment c'Ă©tait : peu Ă  peu mes diffĂ©rentes rĂ©ponses n'en font plus qu'une, mes impressions se resserrent sur elles-mĂȘmes, ouais, c'est cool, lĂ -bas, et tiens, une anecdote marrante... puis ce discours unique se substitue Ă  la rĂ©alitĂ© du souvenir. Du coup, j'ai franchement eu peur. J'ai ressenti cette crainte familiĂšre, soudainement intense et sincĂšre, qu'une fois toute sensation Ă©chappĂ©e de ma vie, il ne reste plus de celle-ci qu'un clichĂ©. Et le jour de ma mort, saint Pierre me demanderait : - C'Ă©tait comment ? - Vraiment super, en bas. J'aimais bien la bouffe. m'enfin, avec la tourista... Bon, les gens sont tous trĂšs sympas quand mĂȘme. Et ça serait tout. (...) Et j'ai dĂ©cidĂ© de raconter quelque chose de nouveau sur mon sĂ©jour Ă  chaque personne qui voudrait que je lui en parle, sans me rĂ©pĂ©ter une seule fois.
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Benjamin Kunkel (Indecision)
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Ma bohĂšme Je m'en allais, les poings dans mes poches crevĂ©es ; Mon paletot aussi devenait idĂ©al ; J'allais sous le ciel, Muse ! et j'Ă©tais ton fĂ©al ; Oh ! lĂ  ! lĂ  ! que d'amours splendides j'ai rĂȘvĂ©es ! Mon unique culotte avait un large trou. - Petit-Poucet rĂȘveur, j'Ă©grenais dans ma course Des rimes. Mon auberge Ă©tait Ă  la Grande-Ourse. - Mes Ă©toiles au ciel avaient un doux frou-frou Et je les Ă©coutais, assis au bord des routes, Ces bons soirs de septembre oĂč je sentais des gouttes De rosĂ©e Ă  mon front, comme un vin de vigueur ; OĂč, rimant au milieu des ombres fantastiques, Comme des lyres, je tirais les Ă©lastiques De mes souliers blessĂ©s, un pied prĂšs de mon coeur !
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Arthur Rimbaud (Poésies)
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L'Amour qui n'est pas un mot Mon Dieu jusqu'au dernier moment Avec ce coeur dĂ©bile et blĂȘme Quand on est l'ombre de soi-mĂȘme Comment se pourrait-il comment Comment se pourrait-il qu'on aime Ou comment nommer ce tourment Suffit-il donc que tu paraisses De l'air que te fait rattachant Tes cheveux ce geste touchant Que je renaisse et reconnaisse Un monde habitĂ© par le chant Elsa mon amour ma jeunesse O forte et douce comme un vin Pareille au soleil des fenĂȘtres Tu me rends la caresse d'ĂȘtre Tu me rends la soif et la faim De vivre encore et de connaĂźtre Notre histoire jusqu'Ă  la fin C'est miracle que d'ĂȘtre ensemble Que la lumiĂšre sur ta joue Qu'autour de toi le vent se joue Toujours si je te vois je tremble Comme Ă  son premier rendez-vous Un jeune homme qui me ressemble M'habituer m'habituer Si je ne le puis qu'on m'en blĂąme Peut-on s'habituer aux flammes Elles vous ont avant tuĂ© Ah crevez-moi les yeux de l'Ăąme S'ils s'habituaient aux nuĂ©es Pour la premiĂšre fois ta bouche Pour la premiĂšre fois ta voix D'une aile Ă  la cime des bois L'arbre frĂ©mit jusqu'Ă  la souche C'est toujours la premiĂšre fois Quand ta robe en passant me touche Prends ce fruit lourd et palpitant Jettes-en la moitiĂ© vĂ©reuse Tu peux mordre la part heureuse Trente ans perdus et puis trente ans Au moins que ta morsure creuse C'est ma vie et je te la tends Ma vie en vĂ©ritĂ© commence Le jour que je t'ai rencontrĂ©e Toi dont les bras ont su barrer Sa route atroce Ă  ma dĂ©mence Et qui m'as montrĂ© la contrĂ©e Que la bontĂ© seule ensemence Tu vins au coeur du dĂ©sarroi Pour chasser les mauvaises fiĂšvres Et j'ai flambĂ© comme un geniĂšvre A la NoĂ«l entre tes doigts Je suis nĂ© vraiment de ta lĂšvre Ma vie est Ă  partir de toi
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Louis Aragon
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Le camion n'est plus qu'un point. Je suis seul. Les montagnes m'apparaissent plus sĂ©vĂšres. Le paysage se rĂ©vĂšle, intense. Le pays me saute au visage. c'est fou ce que l'homme accapare l'attention de l'homme. La prĂ©sence des autres affadit le monde. La solitude est cette conquĂȘte qui rend jouissance des choses. Il fait -33°. Le camion s'est fondu Ă  la brume. Le silence descend du ciel sous la forme de petits copeaux blancs. Être seul, c'est entendre le silence. Une rafale. Le grĂ©sil brouille la vue. Je pousse un hurlement. J'Ă©carte les bras, tends mon visage au vide glacĂ© et rentre au chaud. J'ai atteint le dĂ©barcadĂšre de ma vie. Je vais enfin savoir si j'ai une vie intĂ©rieure.
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Sylvain Tesson (Dans les forĂȘts de SibĂ©rie)
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C’est alors que tout a vacillĂ©. La mer a charriĂ© un souffle Ă©pais et ardent. Il m’a semblĂ© que le ciel s’ouvrait sur toute son Ă©tendue pour laisser pleuvoir du feu. Tout mon ĂȘtre s’est tendu et j’ai crispĂ© ma main sur le revolver. La gĂąchette a cĂ©dĂ©, j’ai touchĂ© le ventre poli de la crosse et c’est lĂ , dans le bruit Ă  la fois sec et assourdissant, que tout a commencĂ©. J’ai secouĂ© la sueur et le soleil. J’ai compris que j’avais dĂ©truit l’équilibre du jour, le silence exceptionnel d’une plage oĂč j’avais Ă©tĂ© heureux. Alors, j’ai tirĂ© encore quatre fois sur un corps inerte oĂč les balles s’enfonçaient sans qu’il y parĂ»t. Et c’était comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur
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Albert Camus (The Stranger)
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Ma libertĂ© Longtemps je t'ai gardĂ©e Comme une perle rare Ma libertĂ© c'est toi qui m'as aidĂ© A larguer les amarres Pour aller n'importe oĂč Pour aller jusqu'au bout Des chemins de fortune Pour cueillir en rĂȘvant Une rose des vents Sur un rayon de lune Ma libertĂ© Devant tes volontĂ©s Mon Ăąme Ă©tait soumise Ma libertĂ© je t'avais tout donnĂ© Ma derniĂšre chemise Et combien j'ai souffert Pour pouvoir satisfaire Tes moindres exigences J'ai changĂ© de pays J'ai perdu mes amis Pour gagner ta confiance Ma libertĂ© Tu as su dĂ©sarmer Toutes mes habitudes Ma libertĂ© toi qui m'as fait aimer MĂȘme la solitude Toi qui m'as fait sourire Quand je voyais finir Une belle aventure Toi qui m'as protĂ©gĂ© Quand j'allais me cacher Pour soigner mes blessures Ma libertĂ© Pourtant je t'ai quittĂ©e Une nuit de dĂ©cembre J'ai dĂ©sertĂ© les chemins Ă©cartĂ©s Que nous suivions ensemble Lorsque sans me mĂ©fier Les pieds et poings liĂ©s Je me suis laissĂ© faire Et je t'ai trahie pour Une prison d'amour Et sa belle geĂŽliĂšre Et je t'ai trahie pour Une prison d'amour Et sa belle geĂŽliĂšre
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Georges Moustaki
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A un moment j’ai mĂȘme laissĂ© Ă©chapper un son qui s’est prolongĂ© malgrĂ© moi en prenant de plus en plus de force, un son qui avait attendu ce jour prĂ©cis pour partir du fond de mes annĂ©es de tĂ©nĂšbres Ă  mal aimer des hommes qui m’ont mal aimĂ©e en retour et recouvrir ta poitrine comme une brĂ»lure ; c’était d’abord un son rauque et traĂźnant, une plainte animale qui n’avait rien du sanglot et qui en un vĂ©ritable appel Ă  la mort. A ce moment tout s’est arrĂȘtĂ©, je me suis soudain rappelĂ© cette mĂȘme scĂšne vĂ©cu avec toi alors qu’on venait de se rencontrer ; ce hurlement avait dĂ©jĂ  eu lieu et sa rĂ©pĂ©tition implacable m’a fait taire une fois pour toute. A ce moment aussi tu t’es Ă©cartĂ© de moi, sans doute pour la mĂȘme raison, tu t’es levĂ© dans une brusquerie qui a dĂ©logĂ© OrĂ©o de la chaise de ton bureau. Ne voulant pas te regarder dans les yeux, j’ai regardĂ© tes pieds. Mon hurlement avait tracĂ© une ligne infranchissable entre nous, en hurlant je venais de sonner le glas de notre histoire. Tu as dit des paroles que tu avais dĂ©jĂ  prononcĂ©es en d’autres circonstances et je suis partie, je savais que plus jamais on ne se reparlerait.
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Nelly Arcan (Folle)
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J’ai arpentĂ© les galeries sans fin des grandes bibliothĂšque, les rues de cette ville qui fĂ»t la nĂŽtre, celle oĂč nous partagions presque tous nos souvenirs depuis l’enfance. Hier, j’ai marchĂ© le long des quais, sur les pavĂ©s du marchĂ© Ă  ciel ouvert que tu aimais tant. Je me suis arrĂȘtĂ© par-ci par-lĂ , il me semblait que tu m’accompagnais, et puis je suis revenu dans ce petit bar prĂšs du port, comme chaque vendredi. Te souviendras-tu ? Je ne sais pas oĂč tu es. Je ne sais pas si tout ce que nous avons vĂ©cu avait un sens, si la vĂ©ritĂ© existe, mais si tu trouves ce petit mot un jour, alors tu sauras que j’ai tenu ma promesse, celle que je t’ai faite. A mon tour de te demander quelque chose, tu me le dois bien. Oublie ce que je viens d’écrire, en amitiĂ© on ne doit rien. Mais voici nĂ©anmoins ma requĂȘte : Dis-lui, dis-lui que quelque part sur cette terre, loin de vous, de votre temps, j’ai arpentĂ© les mĂȘmes rues, ri avec toi autour des mĂȘmes tables, et puisque les pierres demeurent, dis-lui que chacune de celles oĂč nous avons posĂ© nos mais et nos regards contient Ă  jamais une part de notre histoire. Dis-lui, que j’étais ton ami, que tu Ă©tais mon frĂšre, peut-ĂȘtre mieux encore puisque nous nous Ă©tions choisis, dis-lui que rien n’a jamais pu nous sĂ©parer, mĂȘme votre dĂ©part si soudain.
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Marc Levy (La prochaine fois)
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- Alors ? - J'ai du plaisir Ă  sentir mon corps se remettre Ă  fonctionner, Salim. Je me dĂ©lecte de mes enjambĂ©es qui se fluidifient, du frottement de mes bras contre mon torse, de l'oxygĂšne qui entre dans mes poumons, j'apprĂ©cie mĂȘme la douleur dans mes muscles et mon souffle court... Comprends-tu ? - Je crois, oui, rĂ©pondit Salim soudain attentif. - Alors Ă©coute la suite. Je dĂ©sire marcher pour redevenir moi-mĂȘme mais, par-dessus tout, je dĂ©sire dĂ©couvrir un trajet que j'ai effectuĂ© dans tes bras et dont je ne garde pas le moindre souvenir. Si j'en Ă©tais capable, je l'accomplirais en te portant sur mon dos pour comprendre la force qui t'a soutenu, sans boire et sans manger, sans certitude pour motiver tes pas. Je veux marcher parce que je te suis redevable, Salim, c'est le seul moyen dont je dispose pour rembourser une infime partie de ma dette. Un pas sur le cĂŽtĂ© amoindrirait ton geste et je t'aime trop pour te diminuer.
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Pierre Bottero (La ForĂȘt des captifs (Les Mondes d'Ewilan, #1))
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[...] Un soir nous Ă©tions plusieurs ministres Ă  rompre le jeĂ»ne au Palais Royal de FĂšs, en prĂ©sence de Sa MajestĂ©, tout au dĂ©but de son rĂšgne. A ma gauche Si Mohamed El-Fassi, Ă  ma droite une autre personnalitĂ©. Ayant devant moi la soupiĂšre, El-Fassi me demanda de le servir. - "Non", lui rĂ©pondis-je. -"Et pourquoi", dit-il, Ă©tonnĂ© ? - "Parce que, simplement, tu avais proclamĂ© que la langue Tamazight n'est pas une langue et qu'il n'y avait pas lieu d'avancer son apport sur le plan de notre civilisation". Oui, j'ai dit cela. - "Mais d'abord mon bol , et je raconte!" Écoutons-le : - "A l'Ă©poque oĂč j'ai Ă©tĂ© prisonnier avec d'autres nationalistes, Ă  AĂŻn-Kardous, j'ai demandĂ© Ă  un fqih berbĂ©risant de m'initier Ă  la langue berbĂšre. Il m'a rĂ©pondu : "Pourquoi voudrais-tu perdre ton temps pour un jargon mĂ©prisĂ© par Dieu lui-mĂȘme ? Et, continuant : "Le CrĂ©ateur a donnĂ© Ă  chaque peuple une langue mais, Ă  la fin, il a dĂ» se rendre compte que l'un d'entre deux a Ă©tĂ© oubliĂ©. Il trouva la solution en ramassant les restes des langues Ă©parpillĂ©es sur le sol, et offrit cette mixture, ne pouvant faire autrement, Ă  ce bon peuple Amazigh". - "On dĂ©nonce mĂȘme Dieu", ai-je rĂ©torquĂ©, furieux. "Mais tu viens de donner la preuve de l'universalitĂ© de la langue berbĂšre." - "Universelle!" plaisanta mon autre voisin... "Elle n'est mĂȘme pas dans les archives". La discussion devient gĂ©nĂ©rale, les uns pour, les autres... Sa MajestĂ©, pour mettre fin Ă  toutes nos grandes phrases, posa cette question Ă  El-Fassi : - "Le berbĂšre est-il une langue, oui ou non ?" - "A la rĂ©flexion, oui, MajestĂ©; il a ses contes et ses lĂ©gendes, sa poĂ©sie, et ses structures ne peuvent ĂȘtre niĂ©es". - "Alors," conclut Sa MajestĂ©, "nous aborderons cette question dans une vingtaine d'annĂ©es. Contentons-nous, maintenant, de consolider notre unitĂ©. (Tifinagh N°1 - Repris de "Le Maroc des potentialitĂ©s, 1989, p276-280)
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Mahjoubi Aherdan (Le Maroc des potentialités)
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Quand j'ai cessĂ© de voir trouble, j'ai aperçu une belle brune qui m'observait. Alice m'avait vu dĂ©gouliner. Je ne sais pas si c'est l'Ă©motion, ou le contraste avec le lieu, mais j'ai ressenti une immense attirance pour cette mystĂ©rieuse apparition en pull moulant noir. Plus tard, Alice m'avoua qu'elle m'avait trouvĂ© trĂšs beau: mettons cette erreur d'apprĂ©ciation sur le compte de l'instinct maternel. L'essentiel, c'est que mon attirance Ă©tait rĂ©ciproque - elle avait envie de me consoler, cela se voyait. Cette rencontre m'a appris que la meilleure chose Ă  faire dans un enterrement, c'est de tomber amoureux. C'Ă©tait une amie d'une cousine. Elle me prĂ©senta son mari, Antoine, trĂšs sympa, trop, peut-ĂȘtre. Pendant qu'elle embrassait mes joues mouillĂ©es, elle comprit que j'avais compris qu'elle avait vu que j'avais vu qu'elle m'avait regardĂ© comme elle m'avait regardĂ©. Je me souviendrai toujours de la premiĂšre chose que je lui ai dite: — J'aime bien la structure osseuse de ton visage.
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Frédéric Beigbeder (L'amour dure trois ans (Marc Marronnier, #3))
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Je porte une histoire en moi, depuis des annĂ©es Jeanne, une bien belle histoire je crois. Mais j'ai du mal, si vous saviez, tant de mal Ă  la sortir de ma tĂȘte. Alors les accents viennent Ă  mon secours. Tout comme ils sont venus vous aider Jeanne. -Je ne comprends pas. -Une histoire qu'on arrive pas Ă  raconter ressemble Ă  un amour qu'on ose pas s'avouer... -Monsieur, les accents, au fond Ă  quoi servent-ils? -Ils nous rĂ©veillent Jeanne, ils vont chercher en nous ce que nous avons de plus fort. Ils accentuent nos vies comme leur nom l'indique, ils accentuent.
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Érik Orsenna (La RĂ©volte des accents (Plaisirs secrets de la grammaire #3))
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- Pourquoi refuses-tu de me tutoyer ? Ellana esquissa un sourire devant cette piĂštre tentative de changer de conversation. Elle rĂ©pondit nĂ©anmoins Ă  la question, sa voix pour une fois dĂ©pourvue de la moindre trace d'ironie. - Parce que vous ĂȘtes mon maĂźtre, et que j'ai pour vous plus de respect que vous ne pouvez sans doute l'imaginer. Jilano n'avait aucun moyen de savoir qu'il serait l'unique personne qu'Ellana vouvoierait dans sa vie. Toutes les autres, l'Empereur compris, auraient droit au tu familier. Il hocha la tĂȘte, Ă  la fois comblĂ© et surpris par la rĂ©ponse.
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Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
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L'Horloge Horloge! dieu sinistre, effrayant, impassible, Dont le doigt nous menace et nous dit: "Souviens-toi! Les vibrantes Douleurs dans ton coeur plein d'effroi Se planteront bientĂŽt comme dans une cible; Le plaisir vaporeux fuira vers l'horizon Ainsi qu'une sylphide au fond de la coulisse ; Chaque instant te dĂ©vore un morceau du dĂ©lice A chaque homme accordĂ© pour toute sa saison. Trois mille six cents fois par heure, la Seconde Chuchote: Souviens-toi! - Rapide, avec sa voix D'insecte, Maintenant dit: Je suis Autrefois, Et j'ai pompĂ© ta vie avec ma trompe immonde! Remember! Souviens-toi, prodigue! Esto memor! (Mon gosier de mĂ©tal parle toutes les langues.) Les minutes, mortel folĂątre, sont des gangues Qu'il ne faut pas lĂącher sans en extraire l'or! Souviens-toi que le Temps est un joueur avide Qui gagne sans tricher, Ă  tout coup! c'est la loi. Le jour dĂ©croĂźt; la nuit augmente; souviens-toi! Le gouffre a toujours soif; la clepsydre se vide. TantĂŽt sonnera l'heure oĂč le divin Hasard, OĂč l'auguste Vertu, ton Ă©pouse encor vierge, OĂč le repentir mĂȘme (oh! la derniĂšre auberge!), OĂč tout te dira: Meurs, vieux lĂąche! il est trop tard!
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Charles Baudelaire (Les Fleurs du Mal)
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finalement, Ă©perdu d'amour et au comble de la frĂ©nĂ©sie Ă©rotique, je m'assis dans l'herbe et j'enlevai un de mes souliers en caoutchouc. — Je vais le manger pour toi, si tu veux. Si elle le voulait I Ha! Mais bien sĂ»r qu'elle le voulait, voyons! C'Ă©tait une vraie petite femme. --- Elle posa son cerceau par terre et s'assit sur ses ta-lons. Je crus voir dans ses yeux une lueur d'estime. Je n'en demandais pas plus. Je pris mon canif et enta-mai le caoutchouc. Elle me regardait faire. — Tu vas le manger cru ? — Oui. J'avalai un morceau, puis un autre. Sous son regard enfin admiratif, je me sentais devenir vraiment un homme. Et j'avais raison. Je venais de faire mon apprentissage. J'entamai le caoutchouc encore plus profondĂ©ment, soufflant un peu, entre les bouchĂ©es, et je continuai ainsi un bon moment, jusqu'Ă  ce qu'une sueur froide me montĂąt au front. Je continuai mĂȘme un peu au-delĂ , serrant les dents, luttant contre la nausĂ©e, ramassant toutes mes forces pour demeurer sur le terrain, comme il me fallut le faire tant de fois, depuis, dans mon mĂ©tier d'homme. Je fus trĂšs malade, on me transporta Ă  l'hĂŽpital, ma mĂšre sanglotait, Aniela hurlait, les filles de l'atelier geignaient, pendant qu'on me mettait sur un brancard dans l'ambulance. J'Ă©tais trĂšs fier de moi. Mon amour d'enfant m'inspira vingt ans plus tard mon premier roman Éducation europĂ©enne, et aussi certains passages du Grand Vestiaire. Pendant longtemps, Ă  travers mes pĂ©rĂ©grinations, j'ai transportĂ© avec moi un soulier d'enfant en caoutchouc, entamĂ© au couteau. J'avais vingt-cinq ans, puis trente, puis quarante, mais le soulier Ă©tait toujours lĂ , Ă  portĂ©e de la main. J'Ă©tais toujours prĂȘt Ă  m'y attabler, Ă  donner, une fois de plus, le meilleur de moi-mĂȘme. Ça ne s'est pas trouvĂ©. Finalement, j'ai abandonnĂ© le soulier quelque part derriĂšre moi. On ne vit pas deux fois. (La promesse de l'aube, ch. XI)
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Romain Gary (Promise at Dawn)
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Seigneur je suis trĂšs fatiguĂ©. Je suis nĂ© fatiguĂ©. Et j'ai beaucoup marchĂ© depuis le chant du coq Et le morne est bien haut qui mĂšne Ă  leur Ă©cole. Seigneur, je ne veux plus aller Ă  leur Ă©cole, Faites, je vous en prie, que je n'y aille plus. Je veux suivre mon pĂšre dans les ravines fraĂźches Quand la nuit flotte encore dans le mystĂšre des bois OĂč glissent les esprits que l'aube vient chasser. Je veux aller pieds nus par les rouges sentiers Que cuisent les flammes de midi, Je veux dormir ma sieste au pied des lourds manguiers, Je veux me rĂ©veiller Lorsque lĂ -bas mugit la sirĂšne des blancs Et que l'Usine Sur l'ocĂ©an des cannes Comme un bateau ancrĂ© Vomit dans la campagne son Ă©quipage nĂšgre... Seigneur, je ne veux plus aller Ă  leur Ă©cole, Faites, je vous en prie, que je n'y aille plus. Ils racontent qu'il faut qu'un petit nĂšgre y aille Pour qu'il devienne pareil Aux messieurs de la ville Aux messieurs comme il faut Mais moi je ne veux pas Devenir, comme ils disent, Un monsieur de la ville, Un monsieur comme il faut. Je prĂ©fĂšre flĂąner le long des sucreries OĂč sont les sacs repus Que gonfle un sucre brun autant que ma peau brune. Je prĂ©fĂšre vers l'heure oĂč la lune amoureuse Parle bas Ă  l'oreille des cocotiers penchĂ©s Ecouter ce que dit dans la nuit La voix cassĂ©e d'un vieux qui raconte en fumant Les histoires de Zamba et de compĂšre Lapin Et bien d'autres choses encore Qui ne sont pas dans les livres. Les nĂšgres, vous le savez, n'ont que trop travaillĂ©. Pourquoi faut-il de plus apprendre dans les livres Qui nous parlent de choses qui ne sont point d'ici ? Et puis elle est vraiment trop triste leur Ă©cole, Triste comme Ces messieurs de la ville, Ces messieurs comme il faut Qui ne savent plus danser le soir au clair de lune Qui ne savent plus marcher sur la chair de leurs pieds Qui ne savent plus conter les contes aux veillĂ©es. Seigneur, je ne veux plus aller Ă  leur Ă©cole.
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Guy Tirolien (Balles d'or: PoÚmes (Poésie) (French Edition))
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En ce qui me concerne, je suis vĂ©gĂ©tarienne Ă  quatre-vingt-quinze pour cent. L'exception principale serait le poisson, que je mange peut-ĂȘtre deux fois par semaine pour varier un peu mon rĂ©gime et en n'ignorant pas, d'ailleurs, que dans la mer telle que nous l'avons faite le poisson est lui aussi contaminĂ©. Mais je n'oublie surtout pas l'agonie du poisson tirĂ© par la ligne ou tressautant sur le pont d'une barque. Tout comme ZĂ©non, il me dĂ©plaĂźt de "digĂ©rer des agonies". En tout cas, le moins de volaille possible, et presque uniquement les jours oĂč l'on offre un repas Ă  quelqu'un ; pas de veau, pas d'agneau, pas de porc, sauf en de rares occasions un sandwich au jambon mangĂ© au bord d'une route ; et naturellement pas de gibier, ni de bƓuf, bien entendu. - Pourquoi, bien entendu ? - Parce que j'ai un profond sentiment d'attachement et de respect pour l'animal dont la femelle nous donne le lait et reprĂ©sente la fertilitĂ© de la terre. Curieusement, dĂšs ma petite enfance, j'ai refusĂ© de manger de la viande et on a eu la grande sagesse de ne pas m'obliger Ă  le faire. Plus tard, vers la quinziĂšme annĂ©e, Ă  l'Ăąge oĂč l'on veut "ĂȘtre comme tout le monde", j'ai changĂ© d'avis ; puis, vers quarante ans, je suis revenue Ă  mon point de vue de la sixiĂšme annĂ©e.(p. 288)
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Marguerite Yourcenar (Les Yeux ouverts : Entretiens avec Matthieu Galey)
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Alors toi, le moins qu'on puisse dire, c'est que je t'aurais mĂ©ritĂ©e. Primo, ça faisait des annĂ©es que je t'attendais. Des annĂ©es que j'avais juste le droit de tremper mes lĂšvres dans le bonheur et puis pas plus. Deusio, quand je te rencontre il faut que tu sois maquĂ©e avec un poulpe qui te colle de partout. Et tertio, quand enfin mademoiselle est dispo, il faut que tu me fasses poireauter des semaines et des semaines, genre laisse-moi digĂ©rer mon histoire avec Dudulle et faire mon rot. Tu crois que ça peut ĂȘtre simple ? Comme Ă  la tĂ©lĂ© ou sur grand Ă©cran ? Ils se rencontrent, ils se plaisent, ils s'aiment, allez zou ! emballez, c'est pesĂ©. Eh ben, nan ! Il faut que ça soit compliquĂ©, il faut que mademoiselle prenne tout son temps, qu'elle s'Ă©broue un peu, qu'elle remette de l'ordre sans sa tĂȘte, qu'elle fasse une pose, alors que moi, je suis lĂ , tendu comme un arc, les pieds bien calĂ©s dans les starting-blocks, les doigts bien posĂ©s sur la ligne, concentrĂ©, parce qu'un dĂ©but d'histoire, faut surtout pas le rater, faut se donner Ă  fond, je le sais, c'est pas une premiĂšre pour moi, avec toutes les histoires foireuses que je viens d'enquiller, j'ai largement eu le temps de m'entraĂźner. Comme un sportif, je me suis entraĂźnĂ©. Je suis prĂȘt, moi. Y a plus qu'Ă  donner le dĂ©part. Quand mademoiselle sera disposĂ©e.
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David Thomas (La Patience des buffles sous la pluie)
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Il y a quelqu'un que je n'ai encore jamais eu envie de tuer. C'est toi. Tu peux marcher dans les rues, tu peux boire et marcher dans les rues, je ne te tuerai pas. N'aie pas peur. La ville est sans danger. Le seul danger dans la ville, c'est moi. Je marche, je marche dans les rues, je tue. Mais toi, tu n'as rien Ă  craindre. Si je te suis, c'est parce que j'aime le rythme de tes pas. Tu titubes. C'est beau. On pourrait dire que tu boites. Et que tu es bossu. Tu ne l'es pas vraiment. De temps en temps tu te redresses, et tu marches droit. Mais moi, je t'aime dans les heures avancĂ©es de la nuit, quand tu es faible, quand tu trĂ©buches, quand tu te voĂ»tes. Je te suis, tu trembles. De froid ou de peur. Il fait chaud pourtant. Jamais, presque jamais, peut-ĂȘtre jamais il n'avait fait si chaud dans notre ville. Et de quoi pourrais-tu avoir peur? De moi? Je ne suis pas ton ennemi. Je t'aime. Et personne d'autre ne pourrait te faire du mal. N'aie pas peur. je suis lĂ . Je te protĂšge. Pourtant, je souffre aussi. Mes larmes - grosses gouttes de pluie - me coulent sur le visage. La nuit me voile. La lune m'Ă©claire. Les nuages me cachent. Le vent me dĂ©chire. J'ai une sorte de tendresse pour toi. Cela m'arrive parfois. Tres rarement. Pourquoi pour toi? Je n'en sais rien. Je veux te suivre trĂšs loin, partout, longtemps. Je veux te voir souffrir encore plus. Je veux que tu en aies assez de tout le reste. Je veux que tu viennes me supplier de te prendre. Je veux que tu me dĂ©sires. Que tu aies envie de moi, que tu m'aimes, que tu m'appelles. Alors, je te prendrai dans mes bras, je te serrerai sur mon coeur, tu seras mon enfant, mon amant, mon amour. Je t'emporterai. Tu avais peur de naĂźtre, et maintenant tu as peur de mourir. Tu as peur de tout. Il ne faut pas avoir peur. Il y a simplement une grande roue qui tourne. Elle s'appelle ÉternitĂ©. C'est moi qui fais tourner la grande roue. Tu ne dois pas avoir peur de moi. Ni de la grande roue. La seule chose qui puisse faire peur, qui puisse faire mal, c'est la vie, et tu la connais dĂ©jĂ .
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Ágota Kristóf
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Cette sociĂ©tĂ©, que j'ai remarquĂ©e la premiĂšre dans ma vie, est aussi la premiĂšre qui ait disparu Ă  mes yeux. J'ai vu la mort entrer sous ce toit de paix et de bĂ©nĂ©diction, le rendre peu Ă  peu solitaire, fermer une chambre et puis une autre qui ne se rouvrait plus. J'ai vu ma grand'mĂšre forcĂ©e de renoncer Ă  son quadrille, faute des partners accoutumĂ©s; j'ai vu diminuer le nombre de ces constantes amies, jusqu'au jour oĂč mon aĂŻeule tomba la derniĂšre. Elle et sa sƓur s'Ă©taient promis de s'entre-appeler aussitĂŽt que l'une aurait devancĂ© l'autre; elles se tinrent parole, et madame de BedĂ©e ne survĂ©cut que peu de mois Ă  mademoiselle de Boisteilleul. Je suis peut-ĂȘtre le seul homme au monde qui sache que ces personnes ont existĂ©. Vingt fois, depuis cette Ă©poque, j'ai fait la mĂȘme observation; vingt fois des sociĂ©tĂ©s se sont formĂ©es et dissoutes autour de moi. Cette impossibilitĂ© de durĂ©e et de longueur dans les liaisons humaines, cet oubli profond qui nous suit, cet invincible silence qui s'empare de notre tombe et s'Ă©tend de lĂ  sur notre maison, me ramĂšnent sans cesse Ă  la nĂ©cessitĂ© de l'isolement. Toute main est bonne pour nous donner le verre d'eau dont nous pouvons avoir besoin dans la fiĂšvre de la mort. Ah! qu'elle ne nous soit pas trop chĂšre! car comment abandonner sans dĂ©sespoir la main que l'on a couverte de baisers et que l'on voudrait tenir Ă©ternellement sur son cƓur?
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François-René de Chateaubriand (Mémoires d'Outre-Tombe)
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J'ai encore un vif souvenir de Freud me disant : "Mon cher Jung, promettez-moi de ne jamais abandonner la thĂ©orie sexuelle. C'est le plus essentiel ! Voyez-vous, nous devons en faire un dogme, un bastion inĂ©branlable." Il me disait cela plein de passion et sur le ton d'un pĂšre disant : "Promets-moi une chose, mon cher fils : va tous les dimanches Ă  l'Ă©glise !" Quelque peu Ă©tonnĂ©, je lui demandai : "Un bastion -- contre quoi ?" Il me rĂ©pondit : "Contre le flot de vase noire de
" Ici il hĂ©sita un moment pour ajouter : "
 de l'occultisme !" Ce qui m'alarma d'abord, c'Ă©tait le "bastion" et le "dogme" ; un dogme c'est-Ă -dire une profession de foi indiscutable, on ne l'impose que lĂ  oĂč l'on veut une fois pour toutes Ă©craser un doute. Cela n'a plus rien d'un jugement scientifique, mais relĂšve uniquement d'une volontĂ© personnelle de puissance. Ce choc frappa au cƓur notre amitiĂ©. Je savais que je ne pourrais jamais faire mienne cette position. Freud semblait entendre par "occultisme" Ă  peu prĂšs tout ce que la philosophie et la religion -- ainsi que la parapsychologie qui naissait vers cette Ă©poque -- pouvaient dire de l'Ăąme. Pour moi, la thĂ©orie sexuelle Ă©tait tout aussi "occulte" -- c'est-Ă -dire non dĂ©montrĂ©e, simple hypothĂšse possible, comme bien d'autres conceptions spĂ©culatives. Une vĂ©ritĂ© scientifique Ă©tait pour moi une hypothĂšse momentanĂ©ment satisfaisante, mais non un article de foi Ă©ternellement valable. (p. 244)
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C.G. Jung (Memories, Dreams, Reflections)
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L'isolement Souvent sur la montagne, Ă  l'ombre du vieux chĂȘne, Au coucher du soleil, tristement je m'assieds ; Je promĂšne au hasard mes regards sur la plaine, Dont le tableau changeant se dĂ©roule Ă  mes pieds. Ici gronde le fleuve aux vagues Ă©cumantes ; Il serpente, et s'enfonce en un lointain obscur ; LĂ  le lac immobile Ă©tend ses eaux dormantes OĂč l'Ă©toile du soir se lĂšve dans l'azur. Au sommet de ces monts couronnĂ©s de bois sombres, Le crĂ©puscule encor jette un dernier rayon ; Et le char vaporeux de la reine des ombres Monte, et blanchit dĂ©jĂ  les bords de l'horizon. Cependant, s'Ă©lançant de la flĂšche gothique, Un son religieux se rĂ©pand dans les airs : Le voyageur s'arrĂȘte, et la cloche rustique Aux derniers bruits du jour mĂȘle de saints concerts. Mais Ă  ces doux tableaux mon Ăąme indiffĂ©rente N'Ă©prouve devant eux ni charme ni transports ; Je contemple la terre ainsi qu'une ombre errante Le soleil des vivants n'Ă©chauffe plus les morts. De colline en colline en vain portant ma vue, Du sud Ă  l'aquilon, de l'aurore au couchant, Je parcours tous les points de l'immense Ă©tendue, Et je dis : " Nulle part le bonheur ne m'attend. " Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumiĂšres, Vains objets dont pour moi le charme est envolĂ© ? Fleuves, rochers, forĂȘts, solitudes si chĂšres, Un seul ĂȘtre vous manque, et tout est dĂ©peuplĂ© ! Que le tour du soleil ou commence ou s'achĂšve, D'un oeil indiffĂ©rent je le suis dans son cours ; En un ciel sombre ou pur qu'il se couche ou se lĂšve, Qu'importe le soleil ? je n'attends rien des jours. Quand je pourrais le suivre en sa vaste carriĂšre, Mes yeux verraient partout le vide et les dĂ©serts : Je ne dĂ©sire rien de tout ce qu'il Ă©claire; Je ne demande rien Ă  l'immense univers. Mais peut-ĂȘtre au-delĂ  des bornes de sa sphĂšre, Lieux oĂč le vrai soleil Ă©claire d'autres cieux, Si je pouvais laisser ma dĂ©pouille Ă  la terre, Ce que j'ai tant rĂȘvĂ© paraĂźtrait Ă  mes yeux ! LĂ , je m'enivrerais Ă  la source oĂč j'aspire ; LĂ , je retrouverais et l'espoir et l'amour, Et ce bien idĂ©al que toute Ăąme dĂ©sire, Et qui n'a pas de nom au terrestre sĂ©jour ! Que ne puĂźs-je, portĂ© sur le char de l'Aurore, Vague objet de mes voeux, m'Ă©lancer jusqu'Ă  toi ! Sur la terre d'exil pourquoi restĂ©-je encore ? Il n'est rien de commun entre la terre et moi. Quand lĂ  feuille des bois tombe dans la prairie, Le vent du soir s'Ă©lĂšve et l'arrache aux vallons ; Et moi, je suis semblable Ă  la feuille flĂ©trie : Emportez-moi comme elle, orageux aquilons !
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Alphonse de Lamartine (Antologija francuskog pjesniĆĄtva)
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Quand je vis avec mes semblables, ma pensĂ©e s'occupe d'eux si exclusivement, soit pour les aider Ă  vivre bien, soit pour comprendre pourquoi ils vivent mal, que j'oublie absolument de vivre pour mon compte. Quand je m'aperçois que j'ai fait pour eux mon possible et que je ne leur suis plus nĂ©cessaire, ou, ce qui arrive plus souvent, que je ne leur suis bon Ă  rien, j'Ă©prouve le besoin de vivre avec ce moi intĂ©rieur qui s'identifie Ă  la nature et au rĂȘve de la vie dans l'Ă©ternel et dans l'infini. La nature, je le sais, parle dans l'homme plus que dans les arbres et les rochers; mais elle y parle follement, elle y est plus souvent dĂ©lirante que sage, elle y est pleine d'illusions ou de mensonges. Les animaux sauvages eux-mĂȘmes sont tourmentĂ©s d'un besoin d'existence qui nous empĂȘche de savoir ce qu'ils pensent et si leurs obscures manifestations ne sont pas trompeuses. DĂšs qu'ils subissent des besoins et des passions, ils doivent les satisfaire Ă  tout prix, et toute logique de leur instinct de conservation doit cĂ©der Ă  cette sauvage logique de la faim et de l'amour. OĂč donc trouver, oĂč donc surprendre la voix du vrai absolu dans la nature? HĂ©las, dans le silence des choses inertes, dans le mutisme de ce qui ne ment pas! la face impassible du rocher qui boit le soleil, le front sans ombre du glacier qui regarde la lune, la morne altitude des lieux inaccessibles, exercent sur nous un rassĂ©rĂ©nement inexplicable. LĂ , nous nous sentons comme suspendus entre ciel et terre, dans une rĂ©gion d'idĂ©es oĂč il ne peut y avoir que Dieu ou rien, et, s'il n'y a rien, nous sentons que nous ne sommes rien nous-mĂȘmes et que nous n'existons pas; car rien ne peut se passer de sa raison d'ĂȘtre.
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George Sand (Le dernier amour)
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Moi qui ai eu la chance, malgrĂ© quelques grosses sĂ©quelles, de me relever et de retrouver une autonomie totale, je pense souvent Ă  cette incroyable pĂ©riode de ma vie et surtout Ă  tous mes compagnons d’infortune. À part Samia, peut-ĂȘtre, je sais pertinemment que les autres sont toujours dans leurfauteuil, qu’ils sont contraints Ă  une assistance permanente, qu’ils ont toujours droit aux sondages urinaires, aux transferts, aux fauteuils-douches, aux sĂ©ances de verticalisation
 Ils sont pour toujours confrontĂ©s Ă  ces mots qui ont Ă©tĂ© mon quotidien, cette annĂ©e-lĂ  J’ai fait trois autres centres de rĂ©Ă©ducation par la suite, mais jamais je n’ai autant ressenti la violence de cette immersion dans le monde du handicap que lors de ces quelques mois. Jamais je n’ai retrouvĂ© autant de malheur et autant d’envie de vivre rĂ©unis en un mĂȘme lieu, jamais je n’ai croisĂ© autant de souffrance et d’énergie, autant d’horreur et d’humour. Et jamais plus je n’ai ressenti autant d’intensitĂ© dans le rapport des ĂȘtres humains Ă  l’incertitude de leur avenir .. Je ne connaissais rien de ce monde-lĂ  avant mon accident. Je me demande mĂȘme si j’y avais dĂ©jĂ  vraiment pensĂ©. Bien sĂ»r, cette expĂ©rience aussi difficile pour moi que pour mon entourage proche m’a beaucoup appris sur moi-mĂȘme, sur la fragilitĂ© de l’existence (et celle des vertĂšbres cervicales). Personne d’autre ne sait mieux que moi aujourd’hui qu’une catastrophe n’arrive pas qu’aux autres, que la vie distribue ses drames sans regarder qui les mĂ©rite le plus . Mais, au-delĂ  de ces lourds enseignements et de ces grandes considĂ©rations, ce qui me reste surtout de cette pĂ©riode, ce sont les visages et les regards que j’ai croisĂ©s dans ce centre. Ce sont les souvenirs de ces ĂȘtres qui, Ă  l’heure oĂč j’écris ces lignes, continuent chaque jour de mener un combat qu’ils n’ont jamais l’impression de gagner.Si cette Ă©preuve m’a fait grandir et progresser, c’est surtout grĂące aux rencontres qu’elle m’aura offertes.
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Grand corps malade (Patients)
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Et puis, le manque est arrivĂ©, dans le moment oĂč je m’y attendais le moins, il est arrivĂ© alors que j’avais presque fini par croire Ă  mon amnĂ©sie. C’est terrible, la morsure du manque. Ça frappe sans prĂ©venir, l’attaque est sournoise tout d’abord, on ressent juste une vive douleur qui disparaĂźt presque dans la foulĂ©e, c’est bref, fugace, ça nous plie en deux mais on se redresse aussitĂŽt, on considĂšre que l’attaque est passĂ©e, on n’est mĂȘme pas capable de nommer cette effraction, et pourquoi on la nommerait, on n’a pas eu le temps de s’inquiĂ©ter, c’est parti si vite, on se sent dĂ©jĂ  beaucoup mieux, on se sent mĂȘme parfaitement bien, tout de mĂȘme on garde un souvenir dĂ©sagrĂ©able de cette fraction de seconde, on tente de chasser le souvenir, et on y rĂ©ussit, la vie continue, le monde nous appelle, l’urgence commande. Et puis, ça revient, le jour d’aprĂšs, l’attaque est plus longue ou plus violente, on ploie les genoux, on a un mĂ©chant rictus, on se dit : quelque chose est Ă  l'Ɠuvre Ă  l’intĂ©rieur, on pense Ă  ces transports au cerveau qui annoncent les tumeurs, qui sont le signal enfin visible de cancers gĂ©nĂ©ralisĂ©s jusque-lĂ  insoupçonnables, on Ă©prouve une sale frayeur, un mauvais pressentiment. Et puis, le mal devient lancinant, il s’installe comme un intrus qu’on n’est pas capable de chasser, il est moins mordant et plus profond, on comprend qu’on ne s’en dĂ©barrassera pas, qu’on est foutu. Oui, un jour, le manque est arrivĂ©. Le manque de lui. Au dĂ©but, j’ai fait comme si je ne m’en rendais pas compte, le traitant par l’indiffĂ©rence, par le mĂ©pris, je me savais plus fort que lui, j’étais en mesure de le dominer, de l’éliminer, c’était juste une question de volontĂ© ou de temps, je n’étais pas le genre Ă  me laisser abattre par quelque chose d’aussi tĂ©nu, d’aussi risible. Et puis, il m’a fallu me rendre Ă  l’évidence : ce match, je n’étais pas en train de le gagner, j’allais peut-ĂȘtre mĂȘme le perdre, et je ne possĂ©dais pas le moyen d’échapper Ă  cette dĂ©route et plus je luttais, plus je cĂ©dais du terrain ; plus je niais la rĂ©alitĂ©, plus elle me sautait au visage. Autant le reconnaĂźtre : j’étais dĂ©vorĂ© par ça, le manque de lui.
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Philippe Besson (Un homme accidentel)
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ScĂšnes coupĂ©es ScĂšne 2 Edwin et le Ts'lich : deuxiĂšme Le Ts'lich s'inclina imperceptiblement et les mots jaillirent de sa gueule aux mandibules acĂ©rĂ©es. - Rien ne saurait me forcer Ă  te combattre, Edwin Til' Illan. Les lĂ©gendes parlent de toi, l'unique humain qui, par quatre fois, a rĂ©ussi l'exploit de dĂ©faire un guerrier ts'lich. Pourtant, mĂȘme le champion des Alaviriens ne pourrait survivre Ă  un affrontement contre deux d'entre nous. L'air se troubla une fraction de seconde et un second Ts'lich apparut Ă  cĂŽtĂ© du premier. - Alors, Edwin Til' Illan, m'accordes-tu ce que je suis venu chercher ou tentes-tu de bouleverser les lĂ©gendes ? Le maĂźtre d'armes repoussa d'un geste vif la mĂšche de cheveux blond platine qui lui barrait le visage. - T'es ouf ou quoi ? Je vais t'exploser la chetron si tu te casses pas fissa ! Alors tu nous lĂąches les baskets et tu... - COUPEZ ! - Qu'est-ce qu'il y a encore ? - Ça ne va pas du tout, Edwin ! Ton langage ! - Il faut savoir ce que tu veux. C'est un bouquin jeunesse ou pas ? - Edwin, mon chou, tu me dĂ©soles. Notre rĂŽle est d'offrir aux adolescents un ouvrage dans lequel ils se retrouvent, mais sans sacrifier la place que... - C'est bon, j'ai compris. On recommence.
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Pierre Bottero (L'Ăźle du destin (La QuĂȘte d'Ewilan, #3))
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Cher Monsieur Waters, Je reçois votre courrier Ă©lectronique en date du 14 avril dernier et suis comme il se doit impressionnĂ© par la complexitĂ© shakespearienne de votre drame. Chaque personnage dans votre histoire a une harmatia en bĂ©ton. La sienne : ĂȘtre trop malade. La vĂŽtre : ĂȘtre trop bien portant. FĂ»t-ce le contraire, vos Ă©toiles n'auraient pas Ă©tĂ© aussi contrariĂ©es, mais c'est dans la natures des Ă©toiles d'ĂȘtre contrariĂ©es. A ce propos, Shakespeare ne s'est jamais autant trompĂ© qu'en mettant ces mots dans la bouche de Cassius : « La faute, cher Brutus, n'en est pas Ă  nos Ă©toiles ; elle en est Ă  nous-mĂȘmes. » Facile Ă  dire lorsqu'on est un noble romain (ou Shakespeare!), mais nos Ă©toiles ne sont jamais Ă  court de tort. Puisque nous en sommes au chapitre des dĂ©faillances de ce cher vieux William, ce que vous me dites de la jeune Hazel me rappelle le sonnet 55, qui commence, bien entendu ainsi : « Ni le marbre, ni les mausolĂ©es dorĂ©s des princes ne dureront plus longtemps que ma rime puissante. Vous conserverez plus d'Ă©clat dans ces mesures que sous la dalle non balayĂ©e que le temps barbouille de sa lie. (Hors sujet, mais : quel cochon, ce temps ! Il bousille tout le monde.) Un bien joli poĂšme, mais trompeur : nul doute que la rime puissante de Shakespeare nous reste en mĂ©moire, mais que nous rappelons-nous de l'homme qu'il cĂ©lĂšbre ? Rien. Nous sommes certains qu'il Ă©tait de sexe masculin, le reste n'est qu'une hypothĂšse. Shakespeare nous raconte des clopinettes sur l'homme qu'il a enseveli Ă  l'intĂ©rieur de son sarcophage linguistique. (Remarquez que, lorsque nous parlons littĂ©rature, nous utilisons le prĂ©sent. Quand nous parlons d'un mort, nous ne sommes pas aussi gentils.) On ne peut pas immortaliser ceux qui nous ont quittĂ©s en Ă©crivant sur eux. La langue enterre, mais ne ressuscite pas. (Avertissement : je ne suis pas le premier Ă  faire cette observation, cf le poĂšme d'Archibald MacLeish « Ni le marbre, ni les mausolĂ©es dorĂ©s » qui renferme ce vers hĂ©roĂŻque : « Vous mourrez et nul ne se souviendra de vous ») Je m'Ă©loigne du sujet, mais votre le problĂšme : les morts ne sont visibles que dans l’Ɠil dĂ©nuĂ© de paupiĂšre de la mĂ©moire. Dieu merci, les vivants conservent l'aptitude de surprendre et de dĂ©cevoir. Votre Hazel est vivante, Waters, et vous ne pouvez imposer votre volontĂ© contre la dĂ©cision de quelqu'un d'autre, qui plus est lorsque celle-ci est mĂ»rement rĂ©flĂ©chie. Elle souhaite vous Ă©pargner de la peine et vous devriez l'accepter. Il se peut que la logique de la jeune Hazel ne vous convainque pas, mais j'ai parcouru cette vallĂ©e de larmes plus longtemps que vous, et de mon point de vue, Hazel n'est pas la moins saine d'esprit. Bien Ă  vous Peter Van Houten
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John Green (The Fault in Our Stars)
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Mais les signes de ce qui m'attendait rĂ©ellement, je les ai tous nĂ©gligĂ©s. Je travaille mon diplĂŽme sur le surrĂ©alisme Ă  la bibliothĂšque de Rouen, je sors, je traverse le square Verdrel, il fait doux, les cygnes du bassin ont reparu, et d'un seul coup j'ai conscience que je suis en train de vivre peut-ĂȘtre mes derniĂšres semaines de fille seule, libre d'aller oĂč je veux, de ne pas manger ce midi, de travailler dans ma chambre sans ĂȘtre dĂ©rangĂ©e. Je vais perdre dĂ©finitivement la solitude. Peut-on s'isoler facilement dans un petit meublĂ©, Ă  deux. Et il voudra manger ses deux repas par jour. Toutes sortes d'images me traversent. Une vie pas drĂŽle finalement. Mais je refoule, j'ai honte, ce sont des idĂ©es de fille unique, Ă©gocentrique, soucieuse de sa petite personne, mal Ă©levĂ©e au fond. Un jour, il a du travail, il est fatiguĂ©, si on mangeait dans la chambre au lieu d'aller au restau. Six heures du soir cours Victor-Hugo, des femmes se prĂ©cipitent aux Docks, en face du Montaigne, prennent ci et ça sans hĂ©sitation, comme si elles avaient dans la tĂȘte toute la programmation du repas de ce soir, de demain peut-ĂȘtre, pour quatre personnes ou plus aux goĂ»ts diffĂ©rents. Comment font-elles ? [...] Je n'y arriverai jamais. Je n'en veux pas de cette vie rythmĂ©e par les achats, la cuisine. Pourquoi n'est-il pas venu avec moi au supermarchĂ©. J'ai fini par acheter des quiches lorraines, du fromage, des poires. Il Ă©tait en train d'Ă©couter de la musique. Il a tout dĂ©ballĂ© avec un plaisir de gamin. Les poires Ă©taient blettes au coeur, "tu t'es fait entuber". Je le hais. Je ne me marierai pas. Le lendemain, nous sommes retournĂ©s au restau universitaire, j'ai oubliĂ©. Toutes les craintes, les pressentiments, je les ai Ă©touffĂ©s. SublimĂ©s. D'accord, quand on vivra ensemble, je n'aurai plus autant de libertĂ©, de loisirs, il y aura des courses, de la cuisine, du mĂ©nage, un peu. Et alors, tu renĂącles petit cheval tu n'es pas courageuse, des tas de filles rĂ©ussissent Ă  tout "concilier", sourire aux lĂšvres, n'en font pas un drame comme toi. Au contraire, elles existent vraiment. Je me persuade qu'en me mariant je serai libĂ©rĂ©e de ce moi qui tourne en rond, se pose des questions, un moi inutile. Que j'atteindrai l'Ă©quilibre. L'homme, l'Ă©paule solide, anti-mĂ©taphysique, dissipateur d'idĂ©es tourmentantes, qu'elle se marie donc ça la calmera, tes boutons mĂȘme disparaĂźtront, je ris forcĂ©ment, obscurĂ©ment j'y crois. Mariage, "accomplissement", je marche. Quelquefois je songe qu'il est Ă©goĂŻste et qu'il ne s'intĂ©resse guĂšre Ă  ce que je fais, moi je lis ses livres de sociologie, jamais il n'ouvre les miens, Breton ou Aragon. Alors la sagesse des femmes vient Ă  mon secours : "Tous les hommes sont Ă©goĂŻstes." Mais aussi les principes moraux : "Accepter l'autre dans son altĂ©ritĂ©", tous les langages peuvent se rejoindre quand on veut.
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Annie Ernaux (A Frozen Woman)