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And then, Monsieur votre fils, he was well too? Well, they had to know. He turned away from her blindly. âMadame,â he said, âmon fils est mort. Il est tombĂ© de son avion, au-dessus de Heligoland Bight.
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Nevil Shute (Pied Piper)
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Nous sommes deux, mon fils et moi, mais nous sommes plus forts que toutes les armĂ©es du monde. Je nâai dâailleurs pas plus de temps Ă vous consacrer, je dois rejoindre Melvil qui se rĂ©veille de sa sieste. Il a dix-sept mois Ă peine, il va manger son goĂ»ter comme tous les jours, puis nous allons jouer comme tous les jours, et toute sa vie ce petit garçon vous fera lâaffront dâĂȘtre heureux et libre. Car non, vous nâaurez pas sa haine non plus.
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Antoine Leiris (Vous n'aurez pas ma haine)
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- Pourquoi me dis-tu ça ?
- Parce que tu es mon fils et que je te connais comme si je t'avais fait.
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Marc Levy (Le Voleur d'ombres)
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VoilĂ , mon fils, mon fils que je n'ai jamais eu, voilĂ l'histoire du pĂšre que tu aurais dĂ» avoir.
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Mohed Altrad
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la vie est charmante, mon cher, c'est selon le verre par lequel on la regarde. Tenez,
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Alexandre Dumas fils (La dame aux camélias)
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Va, mon enfant, dit le vieux DantÚs, et que Dieu te bénisse dans ta femme comme il m'a béni dans mon fils.
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Alexandre Dumas (Le Comte de Monte-Cristo)
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« Un homme trĂšs croyant priait chaque jour son Dieu, puis un jour il perdit beaucoup dâargent et se mit Ă prier Dieu pour gagner au loto⊠Au bout de nombreuses annĂ©es, lâhomme mourut et comme il Ă©tait un croyant rempli de ferveur, il rencontra Dieu. Il lui dit alors : âDieu, pourquoi ne mâas-tu pas aidĂ© pour gagner au loto au moment oĂč jâen avais le plus besoin alors que je tâai toujours servi avec ferveur ?â Et Dieu lui rĂ©pondit : âMon fils je nâaurais pas demandĂ© mieux que de tâaider mais encore eut-il fallu que tu achĂštes un billet du loto.â »
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Anne Meurois-Givaudan (Petit manuel pour un grand passage)
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Quelques semaines plus tard, mon fils me rappelait Ă lâordre : un chat sâappelait un chat. Grand-mĂšre sâĂ©tait suicidĂ©e, oui, foutue en lâair, elle avait baissĂ© le rideau, dĂ©clarĂ© forfait, lĂąchĂ© lâaffaire, elle avait dit stop, basta, terminado, et elle avait de bonnes raisons dâen arriver lĂ .
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Delphine de Vigan (Rien ne s'oppose Ă la nuit)
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Je confiai mes peines Ă un vieil Arabe qui me dit: Mon fils, ne dĂ©sespĂ©rez pas; il y avait autrefois un grain de sable qui se lamentait d'ĂȘtre un atome ignorĂ© dans les dĂ©serts; au bout de quelques annĂ©es il devint diamant, et il est Ă prĂ©sent le plus bel ornement de la couronne du roi des Indes.
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Voltaire (Zadig ou La Destinée: Voltaire (French Edition))
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Mon pÚre était et est encore receveur général à G... Il
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Alexandre Dumas fils (La dame aux camélias)
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Lorsque jâai commencĂ© Ă voyager en Gwendalavir aux cĂŽtĂ©s d'EwĂŹlan et de Salim, je savais que, au fil de mon Ă©criture, ma route croiserait celle d'une multitude de personnages. Personnages attachants ou irritants, discrets ou hauts en couleurs, pertinents ou impertinents, sympathiques ou malĂ©fiques... Je savais cela et je m'en rĂ©jouissais.
Rien, en revanche, ne m'avait préparé à une rencontre qui allait bouleverser ma vie.
Rien ne m'avait préparé à Ellana.
Elle est arrivĂ©e dans la QuĂȘte Ă sa maniĂšre, tout en finesse tonitruante, en dĂ©licatesse remarquable, en discrĂ©tion Ă©tincelante. Elle est arrivĂ©e Ă un moment clef, elle qui se moque des serrures, Ă un moment charniĂšre, elle qui se rit des portes, au sein dâun groupe constituĂ©, elle pourtant pĂ©trie dâindĂ©pendance, son caractĂšre forgĂ© au feu de la solitude.
Elle est arrivĂ©e, s'est glissĂ©e dans la confiance d'Ewilan avec l'aisance d'un songe, a captĂ© le regard dâEdwin et son respect, a sĂ©duit Salim, conquis maĂźtre Duom... Je lâai regardĂ©e agir, admiratif ; sans me douter un instant de la toile que sa prĂ©sence, son charisme, sa beautĂ© tissaient autour de moi.
Aucun calcul de sa part. Ellana vit, elle ne calcule pas. Elle s'est contentĂ©e d'ĂȘtre et, ce faisant, elle a tranquillement troquĂ© son statut de personnage secondaire pour celui de figure emblĂ©matique d'une double trilogie qui ne portait pourtant pas son nom. Convaincue du pouvoir de l'ombre, elle n'a pas cherchĂ© la lumiĂšre, a Ă©paulĂ© Ewilan dans sa quĂȘte d'identitĂ© puis dans sa recherche d'une parade au danger qui menaçait l'Empire.
Sans elle, Ewilan n'aurait pas retrouvĂ© ses parents, sans elle, l'Empire aurait succombĂ© Ă la soif de pouvoir des Valinguites, mais elle nâen a tirĂ© aucune gloire, trop Ă©quilibrĂ©e pour ignorer que la victoire s'appuyait sur les Ă©paules d'un groupe de compagnons soudĂ©s par une indĂ©fectible amitiĂ©.
Lorsque j'ai posé le dernier mot du dernier tome de la saga d'Ewilan, je pensais que chacun de ses compagnons avait mérité le repos. Que chacun d'eux allait suivre son chemin, chercher son bonheur, vivre sa vie de personnage libéré par l'auteur aprÚs une éprouvante aventure littéraire.
Chacun ?
Pas Ellana.
Impossible de la quitter. Elle hante mes rĂȘves, se promĂšne dans mon quotidien, fluide et insaisissable, transforme ma vision des choses et ma perception des autres, crochĂšte mes pensĂ©es intimes, escalade mes dĂ©sirs secrets...
Un auteur peut-il tomber amoureux de l'un de ses personnages ?
Est-ce moi qui ai crĂ©Ă© Ellana ou n'ai-je vraiment commencĂ© Ă exister que le jour oĂč elle est apparue ? Nos routes sont-elles liĂ©es Ă jamais ?
â Il y a deux rĂ©ponses Ă ces questions, souffle le vent Ă mon oreille. Comme Ă toutes les questions. Celle du savant et celle du poĂšte.
â Celle du savant ? Celle du poĂšte ? Qu'est-ce que...
â Chut... Ăcris.
â
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Pierre Bottero (Ellana (Le Pacte des MarchOmbres, #1))
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Ils firent lire Ă leurs Ă©lĂšves des historiettes tendant Ă inspirer lâamour de la vertu. Elles assommĂšrent Victor. Pour frapper son imagination, PĂ©cuchet suspendit aux murs de sa chambre des images, exposant la vie du Bon Sujet, et celle du Mauvais Sujet. Le premier, Adolphe, embrassait sa mĂšre, Ă©tudiait lâallemand, secourait un aveugle, et Ă©tait reçu Ă lâEcole Polytechnique. Le mauvais, EugĂšne, commençait par dĂ©sobĂ©ir Ă son pĂšre, avait une querelle dans un cafĂ©, battait son Ă©pouse, tombait ivre mort, fracturait une armoire â et un dernier tableau le reprĂ©sentait au bagne, oĂč un monsieur accompagnĂ© dâun jeune garçon disait, en le montrant : Tu vois, mon fils, les dangers de lâinconduite.
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Gustave Flaubert (Bouvard et PĂ©cuchet)
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Pire encore  : j'ignore qu'un jour, je ferai des livres. C'est une hypothĂšse qui n'est mĂȘme pas concevable, qui n'entre aucunement dans le champ des possibles, qui dĂ©passe ma simple imagination. Et si, par extraordinaire, elle devait traverser mon esprit, je l'en chasserais aussitĂŽt. Le fils du directeur d'Ă©cole, un saltimbanque  ? Jamais. Faire des livres, ce ne serait pas une occupation convenable, et surtout ça n'est pas un mĂ©tier, ça ne rapporte pas d'argent, ça ne procure pas la sĂ©curitĂ©, un statut. Il y a aussi que ce n'est pas dans la vraie vie, l'Ă©criture, c'est en dehors ou Ă cĂŽtĂ©. Or la vraie vie, il faut s'y frotter, il faut l'empoigner. Non, jamais, mon fils, n'y pense mĂȘme pas  ! Je l'entends de lĂ , mon pĂšre.
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Philippe Besson (« ArrĂȘte avec tes mensonges »)
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Je me demande quel aspect prendront les choses, si je ne vous vois jamais plus, si votre forme se dĂ©robe pour toujours Ă mes yeux ? Vous traversez la cour, et le fil qui nous relie se faite de plus en plus mince. Mais vous continuez d'exister, vous restez mon juge. Je veux dire que si je fais au fond de moi-mĂȘme une dĂ©couverte nouvelle, je vous la soumettrai en secret. Votre verdict dĂ©cidera, vous restez l'arbitre. Mais pour combien de temps ? Les choses deviendront trop difficiles Ă expliquer ; il y aura des faits nouveaux...
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Virginia Woolf (The Waves)
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Et cependant, mon ami, ces enfants qui sont nos pareils, que nous devrions prendre pour nos modĂšles, nous les traitons comme des sujets. Il ne faut pas quâils aient aucune volontĂ©âŠ. Mais nâen avons-nous aucune ? OĂč donc est notre privilĂ©ge ?âŠ. Câest que nous sommes plus ĂągĂ©s et plus habiles ?⊠Bon Dieu, de ton ciel, tu vois de vieux enfants et dĂ©jeunes enfants, et rien de plus ! Et ceux auxquels tu prends plus de plaisir, ton fils nous lâa dĂšs longtemps annoncĂ©. Mais ils croient en lui et ne lâĂ©coutent pasâŠ. Câest lĂ encore un vieil usageâŠ. Et ils façonnent leurs enfants Ă leur ressemblance, etâŠ. Adieu, Wilhelm ; je ne veux pas radoter lĂ -dessus davantage.
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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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Cette nuit-lĂ , j'Ă©cris qu'il faut croire aux fauves, Ă leurs silences, Ă leur retenue ; croire au qui-vive, aux murs blancs et nus, aux draps jaunes de cette chambre d'hĂŽpital ; croire au retrait qui travaille le corps et l'Ăąme dans un non-lieu qui a pour lui sa neutralitĂ© et son indiffĂ©rence, sa transversalitĂ©. L'informe se prĂ©cise, se dessine, se redĂ©finit tranquillement, brutalement. DĂ©sinnerver rĂ©innerver mĂ©langer fusionner greffer. Mon corps aprĂšs l'ours aprĂšs ses griffes, mon corps dans le sang e sans mort, mon corps plein de vie, de fils et de mains, mon corps en forme de monde ouvert oĂč se rencontrent des ĂȘtre multiples, mon corps qui se rĂ©pare avec eux, sans eux, mon corps est une rĂ©volution.
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Nastassja Martin (In the Eye of the Wild)
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J'ai encore un vif souvenir de Freud me disant : "Mon cher Jung, promettez-moi de ne jamais abandonner la thĂ©orie sexuelle. C'est le plus essentiel ! Voyez-vous, nous devons en faire un dogme, un bastion inĂ©branlable." Il me disait cela plein de passion et sur le ton d'un pĂšre disant : "Promets-moi une chose, mon cher fils : va tous les dimanches Ă l'Ă©glise !" Quelque peu Ă©tonnĂ©, je lui demandai : "Un bastion -- contre quoi ?" Il me rĂ©pondit : "Contre le flot de vase noire deâŠ" Ici il hĂ©sita un moment pour ajouter : "⊠de l'occultisme !" Ce qui m'alarma d'abord, c'Ă©tait le "bastion" et le "dogme" ; un dogme c'est-Ă -dire une profession de foi indiscutable, on ne l'impose que lĂ oĂč l'on veut une fois pour toutes Ă©craser un doute. Cela n'a plus rien d'un jugement scientifique, mais relĂšve uniquement d'une volontĂ© personnelle de puissance.
Ce choc frappa au cĆur notre amitiĂ©. Je savais que je ne pourrais jamais faire mienne cette position. Freud semblait entendre par "occultisme" Ă peu prĂšs tout ce que la philosophie et la religion -- ainsi que la parapsychologie qui naissait vers cette Ă©poque -- pouvaient dire de l'Ăąme. Pour moi, la thĂ©orie sexuelle Ă©tait tout aussi "occulte" -- c'est-Ă -dire non dĂ©montrĂ©e, simple hypothĂšse possible, comme bien d'autres conceptions spĂ©culatives. Une vĂ©ritĂ© scientifique Ă©tait pour moi une hypothĂšse momentanĂ©ment satisfaisante, mais non un article de foi Ă©ternellement valable. (p. 244)
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C.G. Jung (Memories, Dreams, Reflections)
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Le Roi des Aulnes
Quel est ce chevalier qui file si tard dans la nuit et le vent ?
C'est le pĂšre avec son enfant ;
Il serre le petit garçon dans son bras,
Il le serre bien, il lui tient chaud.
« Mon fils, pourquoi caches-tu avec tant d'effroi ton visage ?
â PĂšre, ne vois-tu pas le Roi des Aulnes ?
Le Roi des Aulnes avec sa traĂźne et sa couronne ?
â Mon fils, c'est un banc de brouillard.
â Cher enfant, viens, pars avec moi !
Je jouerai Ă de trĂšs beaux jeux avec toi,
Il y a de nombreuses fleurs de toutes les couleurs sur le rivage,
Et ma mĂšre possĂšde de nombreux habits d'or.
â Mon pĂšre, mon pĂšre, et n'entends-tu pas,
Ce que le Roi des Aulnes me promet Ă voix basse ?
â Sois calme, reste calme, mon enfant !
C'est le vent qui murmure dans les feuilles mortes.
â Veux-tu, gentil garçon, venir avec moi ?
Mes filles s'occuperont bien de toi
Mes filles mĂšneront la ronde toute la nuit,
Elles te berceront de leurs chants et de leurs danses.
â Mon pĂšre, mon pĂšre, et ne vois-tu pas lĂ -bas
Les filles du Roi des Aulnes dans ce lieu sombre ?
â Mon fils, mon fils, je vois bien :
Ce sont les vieux saules qui paraissent si gris.
â Je t'aime, ton joli visage me charme,
Et si tu ne veux pas, j'utiliserai la force.
â Mon pĂšre, mon pĂšre, maintenant il m'empoigne !
Le Roi des Aulnes m'a fait mal ! »
Le pĂšre frissonne d'horreur, il galope Ă vive allure,
Il tient dans ses bras l'enfant gémissant,
Il arrive Ă grand-peine Ă son port ;
Dans ses bras l'enfant Ă©tait mort.
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Charles Nodier
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Citoyen suisse nĂ© Ă ... Kaboul (un roman en soi), jâai lâoutrecuidance dâĂ©crire dans cette langue qui depuis ma vie de lycĂ©en jusque lâĂąge certain de la retraite a constituĂ© une de mes vĂ©ritables passions. Ma matrice intellectuelle Ă©tait forgĂ©e par des Français.
Mon premier livre "Au-delĂ des mers salĂ©es... Un dĂ©sir de libertĂ©" est une autobiographie romancĂ©e. Mes propres pĂ©rĂ©grinations servant de fil conducteur Ă lâodyssĂ©e dâun jeune Afghan sorti de la «caverne de Platon» de Kaboul pour affronter les rĂ©alitĂ©s occidentales (un peu «Lettres persanes» Ă lâenvers. Avec, en toile de fond, la face jamais dĂ©voilĂ©e de lâAfghanistan «dâavant». Lâhistoire de lâobsolĂšte royaume ne commençant pas, dans mon optique, avec lâinvasion du pays par les armĂ©es soviĂ©tiques.
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Fateh Emam (Au-delà des mers salées... Un désir de liberté)
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je n'ai jamais contemplĂ© l'inceste sous cette terrible lueur de caveau et de damnation Ă©ternelle qu'une fausse morale s'est dĂ©libĂ©rĂ©ment appliquĂ©e Ă jeter sur une forme d'exubĂ©rance sexuelle qui, pour moi, n'occupe qu'une place extrĂȘmement modeste dans l'Ă©chelle monumentale de nos dĂ©gradations. Toutes les frĂ©nĂ©sies de l'inceste me paraissent infiniment plus acceptables que celles d'Hiroshima, de Buchenwald, des pelotons d'exĂ©cution, de la terreur et de la torture policiĂšres, mille fois plus aimables que les leucĂ©mies et autres belles consĂ©quences gĂ©nĂ©tiques probables des efforts de nos savants. Personne ne me fera jamais voir dans le comportement sexuel des ĂȘtres le critĂšre du bien et du mal. La funeste physionomie d'un certain physicien illustre recommandant au monde civilisĂ© de poursuivre les explosions nuclĂ©aires m'est incomparablement plus odieuse que l'idĂ©e d'un fils couchant avec sa mĂšre. A cĂŽtĂ© des aberrations intellectuelles, scientifiques, idĂ©ologiques de notre siĂšcle, toutes celles de la sexualitĂ© Ă©veillent dans mon coeur les plus tendres pardons. Une fille qui se fait payer pour ouvrir ses cuisses au peuple me paraĂźt une soeur de charitĂ© et une honnĂȘte dispensatrice de bon pain lorsqu'on compare sa modeste vĂ©nalitĂ© Ă la prostitution des savants prĂȘtant leurs cerveaux Ă l'Ă©laboration de l'empoisonnement gĂ©nĂ©tique et de la terreur atomique. A cĂŽtĂ© de la perversion de l'Ăąme, de l'esprit et de l'idĂ©al Ă laquelle se livrent ces traĂźtres Ă l'espĂšce, nos Ă©lucubrations sexuelles, vĂ©nales ou non, incestueuses ou non, prennent, sur les trois humbles sphincters dont dispose notre anatomie, toute l'innocence angĂ©lique d'un sourire d'enfant. (La promesse de l'aube, ch. X)
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Romain Gary (Promise at Dawn)
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Un jour, avec des yeux vitreux, ma mĂšre me dit: « Lorsque tu seras dans ton lit, que tu entendras les aboiements des chiens dans la campagne, cache-toi dans ta couverture, ne tourne pas en dĂ©rision ce qu'ils font: ils ont soif insatiable de l'infini, comme toi, comme moi, comme le reste des humains, Ă la figure pĂąle et longue. MĂȘme, je te permets de te mettre devant la fenĂȘtre pour contempler ce spectacle, qui est assez sublime » Depuis ce temps, je respecte le voeu de la morte. Moi, comme les chiens, j'Ă©prouve le besoin de l'infini... Je ne puis, je ne puis contenter ce besoin! Je suis fils de l'homme et de la femme, d'aprĂšs ce qu'on m'a dit. Ăa m'Ă©tonne... je croyais ĂȘtre davantage! Au reste, que m'importe d'oĂč je viens? Moi, si cela avait pu dĂ©pendre de ma volontĂ©, j'aurais voulu ĂȘtre plutĂŽt le fils de la femelle du requin, dont la faim est amie des tempĂȘtes, et du tigre, Ă la cruautĂ© reconnue: je ne serais pas si mĂ©chant. Vous, qui me regardez, Ă©loignez-vous de moi, car mon haleine exhale un souffle empoisonnĂ©. Nul n'a encore vu les rides vertes de mon front; ni les os en saillie de ma figure maigre, pareils aux arĂȘtes de quelque grand poisson, ou aux rochers couvrant les rivages de la mer, ou aux abruptes montagnes alpestres, que je parcourus souvent, quand j'avais sur ma tĂȘte des cheveux d'une autre couleur. Et, quand je rĂŽde autour des habitations des hommes, pendant les nuits orageuses, les yeux ardents, les cheveux flagellĂ©s par le vent des tempĂȘtes, isolĂ© comme une pierre au milieu du chemin, je couvre ma face flĂ©trie, avec un morceau de velours, noir comme la suie qui remplit l'intĂ©rieur des cheminĂ©es : il ne faut pas que les yeux soient tĂ©moins de la laideur que l'Etre suprĂȘme, avec un sourire de haine puissante, a mise sur moi.
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Comte de Lautréamont (Les Chants de Maldoror)
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L'AUTRE Viens, mon George. Ah ! les fils de nos fils nous enchantent, Ce sont de jeunes voix matinales qui chantent. Ils sont dans nos logis lugubres le retour Des roses, du printemps, de la vie et du jour ! Leur rire nous attire une larme aux paupiĂšres Et de notre vieux seuil fait tressaillir les pierres; De la tombe entr'ouverte et des ans lourds et froids Leur regard radieux dissipe les effrois; Ils ramĂšnent notre Ăąme aux premiĂšres annĂ©es; Ils font rouvrir en nous toutes nos fleurs fanĂ©es; Nous nous retrouvons doux, naĂŻfs, heureux de rien; Le coeur serein s'emplit d'un vague aĂ©rien; En les voyant on croit se voir soi-mĂȘme Ă©clore; Oui, devenir aĂŻeul, c'est rentrer dans l'aurore. Le vieillard gai se mĂȘle aux marmots triomphants. Nous nous rapetissons dans les petits enfants. Et, calmĂ©s, nous voyons s'envoler dans les branches Notre Ăąme sombre avec toutes ces Ăąmes blanches.
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Victor Hugo (L'Art d'ĂȘtre grand-pĂšre)
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Seigneur, voyez lâĂ©tat oĂč vous me rĂ©duisez.
Jâai vu mon pĂšre mort, et nos murs embrasĂ©s;
Jâai vu trancher les jours de ma famille entiĂšre,
Et mon époux sanglant traßné sur la poussiÚre,
Son fils seul avec moi, réservé pour les fers.
Mais que ne peut un fils! Je respire, je sers.
Jâai fait plus; je me suis quelquefois consolĂ©e
Quâici, plutĂŽt quâailleurs, le sort mâeĂ»t exilĂ©e;
Quâheureux dans son malheur, le fils de tant de rois,
Puisquâil devait servir, fĂ»t tombĂ© sous vos lois;
Jâai cru que sa prison deviendrait son asile.
Jadis Priam soumis fut respectĂ© dâAchille:
Jâattendais de son fils encor plus de bontĂ©.
Pardonne, cher Hector, à ma crédulité!
Je nâai pu soupçonner ton ennemi dâun crime :
MalgrĂ© lui-mĂȘme enfin je lâai cru magnanime.
Ah! sâil lâĂ©tait assez pour nous laisser du moins
Au tombeau quâĂ ta cendre ont Ă©levĂ© mes soins,
Et que, finissant lĂ sa haine et nos misĂšres,
Il ne séparùt point des dépouilles si chÚres!
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Jean Racine (Andromaque)
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AU LECTEUR
La sottise, lÂerreur, le pĂ©chĂ©, la lĂ©sine,
Occupent nos esprits et travaillent nos corps,
Et nous alimentons nos aimables remords,
Comme les mendiants nourrissent leur vermine.
Nos pĂ©chĂ©s sont tĂȘtus, nos repentirs sont lĂąches ;
Nous nous faisons payer grassement nos aveux,
Et nous rentrons gaiement dans le chemin bourbeux,
Croyant par de vils pleurs laver toutes nos taches.
Sur lÂoreiller du mal cÂest Satan TrismĂ©giste
Qui berce longuement notre esprit enchanté,
Et le riche métal de notre volonté
Est tout vaporisé par ce savant chimiste.
CÂest le Diable qui tient les fils qui nous remuent !
Aux objets répugnants nous trouvons des appas ;
Chaque jour vers lÂEnfer nous descendons dÂun pas,
Sans horreur, à travers des ténÚbres qui puent.
Ainsi quÂun dĂ©bauchĂ© pauvre qui baise et mange
Le sein martyrisĂ© dÂune antique catin,
Nous volons au passage un plaisir clandestin
Que nous pressons bien fort comme une vieille orange.
SerrĂ©, fourmillant, comme un million dÂhelminthes,
Dans nos cerveaux ribote un peuple de DĂ©mons,
Et, quand nous respirons, la Mort dans nos poumons
Descend, fleuve invisible, avec de sourdes plaintes.
Si le viol, le poison, le poignard, lÂincendie,
NÂont pas encor brodĂ© de leurs plaisants dessins
Le canevas banal de nos piteux destins,
CÂest que notre Ăąme, hĂ©las ! nÂest pas assez hardie.
Mais parmi les chacals, les panthĂšres, les lices,
Les singes, les scorpions, les vautours, les serpents,
Les monstres glapissants, hurlants, grognants, rampants,
Dans la ménagerie infùme de nos vices,
II en est un plus laid, plus méchant, plus immonde !
QuoiquÂil ne pousse ni grands gestes ni grands cris,
Il ferait volontiers de la terre un débris
Et dans un bĂąillement avalerait le monde ;
CÂest lÂEnnui ! LÂÂil chargĂ© dÂun pleur involontaire,
II rĂȘve dÂĂ©chafauds en fumant son houka.
Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat,
- Hypocrite lecteur, - mon semblable, - mon frĂšre !
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Charles Baudelaire (Les fleurs du mal)
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Quand elle Ă©tait petite, elle voulait mâĂ©pouser. JâĂ©tais son prince charmant. AnnĂ©e aprĂšs annĂ©e, jâavais bien vu dans son regard que le mythe sâĂ©tait Ă©parpillĂ© dans les affres de la rĂ©alitĂ©. JâĂ©tais tombĂ© de mon piĂ©destal et, si je ne cherchais pas Ă mentir sur qui jâĂ©tais, jâavais toujours eu envie quâelle me voie au meilleur de ma forme. Au fond, je pouvais dire que nous nâavions jamais rĂ©ellement eu une relation saine. La preuve : cette incapacitĂ© physique dâaller voir son appartement, ce lieu oĂč elle vivait en femme. Il faudrait des siĂšcles pour admettre que nos enfants sont devenus adultes. On dit souvent quâil est difficile de vieillir ; moi, je pourrais vieillir indĂ©finiment du moment que mes enfants, eux, ne grandiraient pas. Je ne sais pas pourquoi jâĂ©prouvais tant de difficultĂ©s Ă vivre cette transition que tout parent connaĂźt. Je nâavais pas lâimpression quâautour de moi les gens avaient les mĂȘmes. Pire, jâentendais des parents soulagĂ©s du dĂ©part de leurs enfants. Enfin, ils allaient retrouver la libertĂ©, disaient-ils. Il y avait ce film oĂč le garçon, Tanguy, sâĂ©ternisait chez ses parents, prolongeant sans cesse ses Ă©tudes. Le mien Ă©tait parti Ă lâautre bout du monde dĂšs ses dix-huit ans. Câest toujours comme ça : ceux qui veulent se dĂ©barrasser de leurs enfants hĂ©ritent de boulets, tandis que ceux qui veulent couver Ă loisir leur progĂ©niture se retrouvent avec des prĂ©coces de lâautonomie. Mon fils me manquait atrocement. Et je ne supportais plus dâĂ©changer avec lui des messages par Skype, ou par e-mails. Dâailleurs, ces messages et ces moments virtuels Ă©taient de plus en plus courts. Nous nâavions rien Ă nous dire. Lâamour entre un parent et un enfant nâest pas dans les mots, pas dans la discussion. Ce que jâaimais, câĂ©tait simplement que mon fils soit lĂ , Ă la maison. On pouvait ne pas se parler de la journĂ©e, ce nâĂ©tait pas grave, je sentais sa prĂ©sence, ça me suffisait. Ătais-je si tordu ? Je ne sais pas. Je ne peux quâessayer de mettre des mots sur mes sentiments. Et je peux affirmer maintenant ce que je sais depuis le dĂ©but : je vis mal la sĂ©paration avec mes enfants. Elle me paraĂźt normale, justifiĂ©e, humaine, biologique, tout ce que vous voulez, pourtant elle me fait mal.
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David Foenkinos (Je vais mieux)
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Oui, cher Wilhelm, il nâest rien sur la terre que jâaime comme les enfants. Quand je les observe, et que je vois dans ces petits ĂȘtres les germes de toutes les vertus, de toutes les facultĂ©s, dont lâusage leur sera quelque jour si nĂ©cessaire ; quand je dĂ©couvre, dans lâobstination, la constance et la fermetĂ© future ; dans lâespiĂšglerie, la bonne humeur et la facilitĂ© avec lesquelles ils glisseront sur les dangers de la vieâŠ. tout cela si pur, si completâŠ. alors je redis toujours, toujours, les admirables paroles de lâInstituteur des hommes : 5 Si vous ne devenez comme un de ceux-ci ! » Et cependant, mon ami, ces enfants qui sont nos pareils, que nous devrions prendre pour nos modĂšles, nous les traitons comme des sujets. Il ne faut pas quâils aient aucune volontĂ©âŠ. Mais nâen avons-nous aucune ? OĂč donc est notre privilĂ©ge ?âŠ. Câest que nous sommes plus ĂągĂ©s et plus habiles ?⊠Bon Dieu, de ton ciel, tu vois de vieux enfants et de jeunes enfants, et rien de plus ! Et ceux auxquels tu prends plus de plaisir, ton fils nous lâa dĂšs longtemps annoncĂ©. Mais ils croient en lui et ne lâĂ©coutent pasâŠ. Câest lĂ encore un vieil usageâŠ. Et ils façonnent leurs enfants Ă leur ressemblance, etâŠ. Adieu, Wilhelm ; je ne veux pas radoter lĂ -dessus davantage.
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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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JULIETTE. â A quelle heure enverrai-je vers toi, demain ?
ROMĂO. â Ă neuf heures.
JULIETTE. â Je nây manquerai pas. Dâici Ă ce moment, il va sâĂ©couler vingt ans. Jâai oubliĂ© pourquoi je tâavais rappelĂ©.
ROMĂO.â Permets-moi de rester ici jusquâĂ ce que tu te le rappelles.
JULIETTE. â Jâoublierai encore, afin de te faire rester, et ne me souviendrai que de lâamour que jâai pour ta compagnie.
ROMĂO. â Et moi je resterai, pour te faire oublier encore, oublieux moi-mĂȘme que jâai un autre logis que ce jardin
JULIETTE. â Il est presque matin ; je voudrais que tu fusses parti, et cependant pas plus loin que lâoiseau dâune jeune folle qui le laisse sâĂ©loigner un peu de sa main, pareil Ă un pauvre prisonnier dans ses entraves, et qui le ramĂšne avec un fil de soie, tant elle est amoureusement jalouse de sa libertĂ©.
ROMĂO. â Je voudrais ĂȘtre ton oiseau.
JULIETTE. â ChĂ©ri, je le voudrais aussi : cependant, je te tuerais par trop de caresses. Ronne nuit ! bonne nuit ! la sĂ©paration est une si dĂ©licieuse douleur que je dirais bonne nuit jusquâĂ demain. (Elle, se retire de la fenĂȘtre.)
ROMĂO. â Que le sommeil descende sur tes yeux et la paix dans ton sein ! Que ne suis-je le sommeil et la paix pour goĂ»ter un si doux repos ! Je vais dâici me rentre Ă la cellule de mon pieux confesseur, pour implorer son aide, et lui dire mon heureuse fortune. (Il sort.)
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William Shakespeare (Romeo & Juliet)
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La misĂšre est ici une matiĂšre, me dit GĂ©rard. Je suis Ă©tonnĂ© de l'accepter comme tout le monde. Avant de m'y intĂ©grer complĂštement, le ressentiment contre les spoliateurs m'Ă©touffait. Je ne rĂȘvais plus que d'explosifs et de sabotages au risque d'en pĂ©rir, avec mĂȘme l'espoir d'en pĂ©rir. Mais lorsque je rejoignais les miens, tout cela se dissipait. Je ne suis pas dupe de moi-mĂȘme : fils d'officier supĂ©rieur, bien pouvur en diplĂŽmes, mon choix est un artifice, un luxe inverse. Quelqu'un m'a dit que les nantis peuvent en plus s'offrir de la bonne conscience comme on s'offre un vĂȘtement de soie ou une pierre prĂ©cieuse. Il n'a pas tout Ă fait tort. Je ne sais qu'une chose avec clartĂ© : je n'accepte pas le monde tel qu'il est. J'ai en moi, de ce fait, une insurrection permanente avec laquelle je dois composer. Dans mon labyrinthe, trois issues : la premiĂšre, faire ce pour quoi j'ai Ă©tĂ© programmĂ© : bon salaire, petite famille, l'ordre !?... DeuxiĂšme issue : la rĂ©volte ouverte dont je sens les prĂ©mices en sourde germination. J'apparaĂźtrai alors comme porteur d'idĂ©es rouges et il n'y a pas de pire rĂ©pression que celle qui vous catalogue, elle vous enferme dans votre casier et c'est de nouveau l'ordre. TroisiĂšme issue : la sublimation, on est secourable. Dans le naufrage gĂ©nĂ©ral, on prĂȘte un coin de son Ă©pave Ă d'autres pour une idĂ©e censĂ©e transcender, cela est aussi une cohĂ©rence, j'y trouve mon compte, faute de mieux. Je viens aux hommes dont je m'occupe pour ĂȘtre aidĂ©. C'est du troc, voilĂ tout.
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Pierre Rabhi (Du Sahara aux Cévennes : Itinéraire d'un homme au service de la Terre-MÚre)
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Je n'en sais rien, Tarrou, je vous jure que je n'en sais rien. Quand je suis entrĂ© dans ce mĂ©tier, je l'ai fait abstraitement, en quelque sorte, parce que j'en avais besoin, parce que c'Ă©tait une situation comme les autres, une de celles que les jeunes gens se proposent. Peut-ĂȘtre aussi parce que c'Ă©tait particuliĂšrement difficile pour un fils d'ouvrier comme moi. Et puis il a fallu voir mourir. Savez-vous qu'il y a des gens qui refusent de mourir ? Avez-vous jamais entendu une femme crier : « jamais ! » au moment de mourir ? Moi, oui. Et je me suis aperçu alors que je ne pouvais pas m'y habituer. J'Ă©tais jeune alors et mon dĂ©goĂ»t croyait s'adresser Ă l'ordre mĂȘme du monde. Depuis, je suis devenu plus modeste. Simplement, je ne suis toujours pas habituĂ© Ă voir mourir. je ne sais rien de plus. Mais aprĂšs tout...
Rieux se tut et se rassit. Il se sentait la bouche sĂšche.
- AprĂšs tout ? dit doucement Tarrou.
- AprĂšs tout, reprit le docteur, et il hĂ©sita encore, regardant Tarrou avec attention, c'est une chose qu'un homme comme vous peut comprendre, n'est-ce pas, mais puisque l'ordre du monde est rĂ©glĂ© par la mort, peut-ĂȘtre vaut-il mieux pour Dieu qu'on ne croie pas en lui et qu'on lutte de toutes ses forces contre la mort, sans lever les yeux vers ce ciel oĂč il se tait.
- Oui, approuva Tarrou, je peux comprendre. Mais vos victoires seront toujours provisoires, voilĂ tout.
Rieux parut s'assombrir.
- Toujours, je le sais. Ce n'est pas une raison pour cesser de lutter.
- Non, ce n'est pas une raison. Mais j'imagine alors ce que doit ĂȘtre cette peste pour vous.
- Oui, dit Rieux. Une interminable défaite.
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Albert Camus (The Plague)
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Cependant, au milieu de ces circonstances, la rĂ©solution de quitter la vie avait pris toujours plus de force dans lâurne de Werther. Depuis son retour auprĂšs de Charlotte, cette rĂ©solution avait toujours Ă©tĂ© sa perspective et son espĂ©rance suprĂȘme ; mais il sâĂ©tait dit que ce ne devait pas ĂȘtre une action soudaine, prĂ©cipitĂ©e ; quâil voulait faire ce pas avec la plus sĂ©rieuse conviction, avec la rĂ©solution la plus calme.
Ses doutes, ses combats intĂ©rieurs se rĂ©vĂšlent dans un petit billet, qui paraĂźt ĂȘtre le commencement dâune lettre Ă Wilhelm, et qui sâest trouvĂ©, sans date, parmi ses papiers.
« Sa prĂ©sence, sa destinĂ©e, lâintĂ©rĂȘt quâelle prend Ă la mienne, expriment la derniĂšre larme de mon cerveau calcinĂ©.
« Lever le rideau et passer derriĂšreâŠ. voilĂ tout ! Et pourquoi craindre et balancer ? Parce quâon ne sait pas ce quâil y a derriĂšre ? parce quâon nâen revient pas ? et que câest le propre de notre esprit dâimaginer que tout est confusion et tĂ©nĂšbres, aux lieux dont nous ne savons rien de certain ? »
Enfin il sâaccoutuma et se familiarisa toujours plus avec cette triste pensĂ©e, et lâon trouve un tĂ©moignage de sa rĂ©solution ferme et irrĂ©vocable dans cette lettre ambiguĂ«, quâil Ă©crivait Ă son ami :
20 décembre.
« Je rends grice Ă ton amitiĂ©, Wilhelm, dâavoir entendu ce mot comme tu lâas fait. Oui, tu as raison : le meilleur pour moi serait de partir. La proposition que tu me fais de retourner auprĂšs de vous ne me plaĂźt pas tout Ă fait ; du moins je voudrais faire encore un dĂ©tour, dâautant plus que nous pouvons espĂ©rer une gelĂ©e soutenue et de bons chemins. Il mâest aussi trĂšsagrĂ©able que tu veuilles venir me chercher : seulement, laisse encore passer quinze jours, et attends encore une lettre de moi avec dâautres avis. Il ne faut rien cueillir avant quâil soit mĂ»r, et quinze jours de plus ou de moins font beaucoup. Tu diras Ă ma mĂšre de prier pour son fils, et de vouloir bien me pardonner tous les chagrins que je lui ai faits. CâĂ©tait ma destinĂ©e dâaffliger ceux que le devoir mâappelait Ă rendre heureux. Adieu, mon trĂšs-cher ami. Que le ciel rĂ©pande sur toi toutes ses bĂ©nĂ©dictions ! Adieu. »
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Johann Wolfgang von Goethe (The Sorrows of Young Werther)
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je lui tendis les trois pommes vertes que je venais de voler dans le verger. Elle les accepta et m'annonça, comme en passant :
â Janek a mangĂ© pour moi toute sa collection de timbres-poste.
C'est ainsi que mon martyre commença. Au cours des jours qui suivirent, je mangeai pour Valentine plusieurs poignées de vers de terre, un grand nombre de papillons, un kilo de cerises avec les noyaux, une souris, et, pour finir, je peux dire qu'à neuf ans, c'est-à -dire bien plus jeune que Casanova, je pris place parmi les plus grands amants de tous les temps, en accomplissant une prouesse amoureuse que personne, à ma connaissance, n'est jamais venu égaler. Je mangeai pour ma bien-aimée un soulier en caoutchouc.
Ici, je dois ouvrir une parenthĂšse.
Je sais bien que, lorsqu'il s'agit de leurs exploits amoureux, les hommes ne sont que trop portés à la vantardise. A les entendre, leurs prouesses viriles ne connaissent pas de limite, et ils ne vous font grùce d'aucun détail.
Je ne demande donc Ă personne de me croire lorsque j'affirme que, pour ma bien-aimĂ©e, je consommai encore un Ă©ventail japonais, dix mĂštres de fil de coton, un kilo de noyaux de cerises â Valentine me mĂąchait, pour ainsi dire, la besogne, en mangeant la chair et en me tendant les noyaux â et trois poissons rouges, que nous Ă©tions allĂ©s pĂȘcher dans l'aquarium de son professeur de musique.
Dieu sait ce que les femmes m'ont fait avaler dans ma vie, mais je n'ai jamais connu une nature aussi insatiable. C'était une Messaline doublée d'une Théodora de Byzance. AprÚs cette expérience, on peut dire que je connaissais tout de l'amour. Mon éducation était faite. Je n'ai fait, depuis, que continuer sur ma lancée.
Mon adorable Messaline n'avait que huit ans, mais son exigence physique dĂ©passait tout ce qu'il me fut donnĂ© de connaĂźtre au cours de mon existence. Elle courait devant moi, dans la cour, me dĂ©signait du doigt tantĂŽt un tas de feuilles, tantĂŽt du sable, ou un vieux bouchon, et je m'exĂ©cutais sans murmurer. Encore bougrement heureux d'avoir pu ĂȘtre utile. A un moment, elle s'Ă©tait mise Ă cueillir un bouquet de marguerites, que je voyais grandir dans sa main avec apprĂ©hension â mais je mangeai les marguerites aussi, sous son oeil attentif â elle savait dĂ©jĂ que les hommes essayent toujours de tricher, dans ces jeux-lĂ â oĂč je cherchais en vain une lueur d'admiration. Sans une marque d'estime ou de gratitude, elle repartit en sautillant, pour revenir, au bout d'un moment, avec quelques escargots qu'elle me tendit dans le creux de la main. Je mangeai humblement les escargots, coquille et tout.
A cette époque, on n'apprenait encore rien aux enfants sur le mystÚre des sexes et j'étais convaincu que c'était ainsi qu'on faisait l'amour. J'avais probablement raison. Le plus triste était que je n'arrivais pas à l'impressionner. J'avais à peine fini les escargots qu'elle m'annonçait négligemment :
â Josek a mangĂ© dix araignĂ©es pour moi et il s'est arrĂȘtĂ© seulement parce que maman nous a appelĂ©s pour le thĂ©.
Je frémis. Pendant que j'avais le dos tourné, elle me trompait avec mon meilleur ami. Mais j'avalai cela aussi. Je commençais à avoir l'habitude.
(La promesse de l'aube, ch.XI)
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Romain Gary (Promise at Dawn)
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ANDROMAQUE
[Mon fils] ne sera pas lĂąche. Mais je lui aurai coupĂ© lâindex de la main droite.
HECTOR
Si toutes les mĂšres coupent lâindex droit de leur fils, les armĂ©es de lâunivers se feront la guerre sans index... Et si elles lui coupent la jambe droite, les armĂ©es seront unijambistes... Et si elles lui crĂšvent les yeux, les armĂ©es seront aveugles, mais il y aura des armĂ©es, et dans la mĂȘlĂ©e elles se chercheront le dĂ©faut de lâaine, ou la gorge, Ă tĂątons...
ANDROMAQUE
Je le tuerai plutĂŽt.
HECTOR
VoilĂ la vraie solution maternelle des guerres.
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Jean Giraudoux (La guerre de Troie n'aura pas lieu)
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Moi, Hassan, fils de Mohamed le peseur, moi, Jean-Léon de Médicis, circoncis de la main d'un barbier et baptisé de la main d'un pape, on me nomme aujourd'hui l'Africain, mais d'Afrique ne suis, ni d'Europe, ni d'Arabie. On m'appelle aussi le Grenadin, le Fassi, le Zayyati, mais je ne viens d'aucun pays, d'aucune cité, d'aucune tribu. Je suis fils de la route, ma patrie est caravane, et ma vie la plus inattendue des traversées.
Mes poignets ont connu tour à tour les caresses de la soie et les injures de la laine, l'or des princes et les chaßnes des esclaves. Mes doigts ont écarté mille voiles, mes lÚvres ont fait rougir mille vierges, mes yeux ont vu agoniser des villes et mourir des empires.
De ma bouche, tu entendras l'arabe, le turc, le castillan, le berbÚre, l'hébreu, le latin et l'italien vulgaire, car toutes les langues, toutes les priÚres m'appartiennent. Mais je n'appartiens à aucune. Je ne suis qu'à Dieu et à la terre, et c'est à eux qu'un jour prochain je reviendrai.
Et tu resteras aprÚs moi, mon fils. Et tu porteras mon souvenir. Et tu liras mes livres. Et tu reverras alors cette scÚne : ton pÚre, habillé en Napolitain sur cette galée qui le ramÚne vers la cÎte africaine, en train de griffonner, comme un marchand qui dresse son bilan au bout d'un long périple.
Mais n'est-ce pas un peu ce que je fais : qu'ai-je gagnĂ©, qu'ai-je perdu, que dire au CrĂ©ancier suprĂȘme ? Il m'a prĂȘtĂ© quarante annĂ©es, que j'ai dispersĂ©es au grĂ© des voyages : ma sagesse a vĂ©cu Ă Rome, ma passion au Caire, mon angoisse Ă FĂšs, et Ă Grenade vit encore mon innocence.
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Amin Maalouf (Leo Africanus)
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Mais il y a une chose qui ne changera jamais : c'est l'amour des enfants pour leur mĂšre, et j'ai Ă©crit ce livre pour apprendre aux petite filles comment leurs fils les aimeront un jour...
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Marcel Pagnol (Souvenirs d'enfance: La gloire de mon pere / Le chateau de ma mere / Le temps des secrets)
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Elle lui répondit: Mon seigneur, tu as juré à ta servante par l'Eternel, ton Dieu, en disant: Salomon, ton fils, régnera aprÚs moi, et il s'assiéra sur mon trÎne.
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Anonymous (La Bible Louis Segond (French Bible) (French Edition))
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Je lisais comme certains boulimiques se gavent de nourriture, et quand mon petit frÚre est mort, j'ai lu davantage, à outrance, de façon névrotique, je me suis enfermé à l'intérieur des pages comme derriÚre des barreaux.
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Guy Boley (Fils du feu)
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Lâopinion du monde ne compte pas, mon fils. Seul compte que tu saches, au trĂ©fonds de ton cĆur, que tu nâas pas souillĂ© ton honneur. Lâhonneur est une chose sacrĂ©e et doit ĂȘtre traitĂ© comme tel. Un homme peut survivre au scandale, Ă la ruine, ou Ă pire encore, sâil sait que son honneur est sauf.
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Amanda Quick (Dangerous)
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rallumant une nouvelle clope. Tu ne mâas pas toujours respectĂ© pourtant⊠â Mais non⊠mais⊠pour⊠pourquoi⊠vous⊠tu⊠mais quâest-ce que je tâai fait, bon sangâ! Vouvoiement, tutoiement, sacrĂ© dilemme dans son crĂąne de piaf. Câest au moins la cinquiĂšme fois quâil me pose la question et il ne sait toujours pas comment sây prendre. Finalement, ça mâamuse de le voir jouer les Ă©quilibristes. Moi, je nâhĂ©site pas un seul instant. Tutoiement. Câest bon, ça fait un an que je lui balance du «âvousâ» Ă toutes les sauces, que je suis Ă ses petits soins, que dis-je, que je mâagenouille devant lui comme un serf devant son suzerain. Alors maintenant, on arrĂȘte la comĂ©die, câest fini. On joue dâĂ©gal Ă Ă©gal. Si nous avions Ă©tĂ© deux personnes raisonnables, nous nous serions attablĂ©s autour de son bureau, nous aurions discutĂ© de nos diffĂ©rends et peut-ĂȘtre, je dis bien peut-ĂȘtre, serions-nous arrivĂ©s Ă un accord. Mais lĂ , au vu des circonstances et de tout ce qui nous sĂ©pare, il nây a plus de discussion possible. Jâai choisi mon camp. Je serai le dominant et lui le dominĂ©. Les rĂŽles sont donc changĂ©s. â Quâest-ce que tu mâas faitâ? mâindignĂ©-je en recrachant la fumĂ©e de ma tige sur son visage. Non, mais tu te fous de moiâ? Ăa fait un an que tu me pourris la vieâ! Douze mois consĂ©cutifs, bordel de merdeâ! â Je⊠je ne vous ai pas⊠je ne tâai pas pourri la vieâ! Jamaisâ! Vous⊠tu⊠tu sais que tu vas au-devant de graves ennuisâ? Adam a tout entendu et lĂ , il est parti donner lâalerte. Les forces dâintervention vont arriver ici dâune minute Ă lâautreâ! Tu ne sais pas dans quel pĂ©trin tu tâes fourrĂ©, mon pauvre ami. Alors le mieux pour toi, câest que tu me dĂ©taches de ce fauteuil et que lâon oublie rapidement cette histoireâ! La sonnerie du tĂ©lĂ©phone stoppe subitement ses «âconseils avisĂ©sâ». JâhĂ©site un instant. Je n'ai pas forcĂ©ment envie de dĂ©crocher et Ă vrai dire, j'ai une vague idĂ©e de la personne qui se trouve derriĂšre le combinĂ©, mais comme je suis de nature curieuse, je dĂ©cide tout de mĂȘme d'en savoir un peu plus. Deux secondes aprĂšs avoir rĂ©pondu «âallĂŽâ», jâarrache violemment le fil qui relie le tĂ©lĂ©phone Ă la prise murale et envoie valdinguer lâappareil Ă lâautre bout de la piĂšce. Fin de la discussion. â Câest bien ce que je pensais⊠un nĂ©gociateur. â Tu aurais dĂ» Ă©couter ce quâil avait Ă te dire, reprend lâautre empaffĂ© en me gratifiant dâun sourire qui pue la haine. Maintenant, câest sĂ»r que tu vas devoir te coltiner le RAID. Et crois-moi, ça va te coĂ»ter cherâ! Ils sont sans pitiĂ© avec les preneurs dâotage⊠Non vraiment, Adam a fait du bon boulot. Je suis fier de⊠Un mollard gros comme une balle de 22 Long Rifle fuse alors sur son visage. Façon de lui signifier quâil peut dâores et dĂ©jĂ la mettre en sourdine. Adam, câest le veilleur de nuit de la tour. Je ne le connais pas bien. La seule chose que je peux dire sur lui, câest que je le croise plus souvent que ma femme et mon fils⊠à mon grand dĂ©sarroi. Je lui rĂ©torque quand bien mĂȘme : â Ces graves ennuis comme tu dis si bien, je ne les ai eus quâavec toiâ! Alors tu sais, les flics peuvent descendre en rappel par les fenĂȘtres ou balancer des lance-roquettes sur cette tour de merde, ce ne sera que de la roupie de sansonnet Ă cĂŽtĂ© de ce que jâai subiâ! Tiens, prends çaâ! Clacâ! Cette baffe est douloureuse. Je le vois Ă sa grimace. Câest vrai que je ne lâai pas ratĂ©. Ăa fait deux heures que je suis sur lui Ă viser sa joue rougie par le feu de mes allers-retours, alors forcĂ©ment, Ă un moment donnĂ© on attrape le coup de main. Je craque mes phalanges pour lui faire comprendre
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Thierry Vernhes (FrĂšres de sang - Nouvelle (French Edition))
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Ce soir, vĆux de F. Mitterrand : il est tout de mĂȘme de gauche dans son discours. Ă la fin, pour la premiĂšre fois, La Marseillaise est chantĂ©e. J'ai le petit frisson qui est pour moi le signe de l'Ă©motion absolue. La Marseillaise ! Mon pĂšre me la chantait, c'est la fin de la guerre, c'est le chant de la libertĂ©. 89 ! Cela « signifie » pour moi, je suis du cĂŽtĂ© rĂ©volutionnaire, je l'ai toujours Ă©tĂ©. « Entendez-vous dans nos (les ?) campagnes/Mugir ( !) ces fĂ©roces soldats ?/Ils viennent jusque dans nos bras/Ăgorger nos fils, nos compagnes/Aux armes, citoyens ! » Si pompeux, si Ă©norme, mais ces mots n'ont pas d'importance, mais la musique seule, et ce cri « Aux armes, citoyens
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â
Annie Ernaux (Se perdre (French Edition))
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Ă mon fils
Tu m'as écrit : « PÚre je viens » !
Les bras ouverts je t'attends
Et nos cĆurs plus ardents,
En rĂȘve vont tout transformer.
Tel le vautour que tu sois mon enfant,
Que rien de difficile dans la vie ne t'effraie
Par le travail et la patience que tu t'Ă©lances
Vers les plus hautes cimes perdues au loin !
Brugg, Suisse,
juillet 1981
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â
Serge Almajeanu
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C'Ă©tait l'automne. C'Ă©tait l'automne et c'Ă©tait la saison de la guerre. Te souviens tu de la guerre? Moi, de moins en moins. Mais je me souviens de l'automne. Je vois encore les brouillards sur les prĂ©s Ă cĂŽtĂ© de la maison, e, au delĂ , les chĂȘne silencieux dans le crĂ©puscule. Les feuilles Ă©taient tombeĂ©s dupuis septembre. Elles brunissaient et m'Ă©vocaient alors l'esprit de ma jeunesse, et aussi l'esprit de temps.
Souvent j'allais au bois. Je traversais les prĂ©s et je me perdais pour longtemps au dessous des branches, dans les ombres, parmi les feuilles. Une fois, avant d'entrer dans le bois, je me souviens qu'il y avait un cheval noir qui me fixait de loin. Il Ă©tait au fond du petit champ. J'imaginais qu'il me regardait, alors que probablement il dormait. Pourquoi pense je maintenant Ă ce cheval? Je ne sais pas. Peut ĂȘtre pour la mĂȘme raison je pense Ă tous ces mots j'ai Ă©crit au mĂȘme temps.
J'ai gardĂ© la feuille oĂč j'avais notĂ© tout ce qui m'Ă©tait venu Ă l'esprit. A l'Ă©poque, je croyais qu'ils m'appartenaient, mais maintenant, je sais qui j'avais tort. A chaque fois que les relis, je vois que je copiais seulement ce que quelqu'un m'avait racontĂ©.
--N'aie pas peur. Je ne m'arrĂȘterai pas. Je dois dĂ©couvrir cette clairiĂšre. Et je ne m'arrĂȘterai pas tant que je ne l'aurais pas trouvĂ©e. Sais tu ce qui me pousse Ă la chercher? Eh bien... personne. Ma femme est morte. Ma femme, ma fille et mon fils sont tous morts. Te souviens tu comment ils sont morts? Moi, de moins en moins. Je ne me souviens que du temps. Mes blessures ne sont plus mortelles, mais j'ai peur. J'ai peur de ne pas trouver cette clairiĂšre.
Je suis resté quelque temps à regarder les ombres, les feuilles et les branches. Ensuite, quand j'ai quitté le bois, je ne voyais que le brouillard autour de moi. Je ne pouvais voir ni la maison, ne les prés, seulement le brouillard. Et bien sûr, le cheval noir avait disparu.
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Mark Z. Danielewski (House of Leaves)
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C'Ăštait l'automne. C'Ăštait l'automne et c'Ăštait la saison de la guerre. Te souviens-tu de la guerre? Moi, de moins en moins. Mais je me souviens de l'automne. Je vois encore les brouillards sur les prĂ©s Ă cĂŽtĂ© de la maison, et au-delĂ , les chĂȘnes silencieux dans le crĂ©puscule. Les feuilles Ă©taient tombĂ©es depuis septembre. Elles brunissaient et m'Ă©vocaient alors l'esprit de ma jeunesse, et aussi l'esprit du temps. Souvent j'allais au bois. Je traversais les prĂ©s et je me predais pour longtemps au-dessous des branches, dans les ombres, parmi les feuilles. Une fois, avant d'entrer dans le bois, je me souviens qu'il y avait un cheval noir qui me fixait de loin. Il Ă©tait au fond du petit champ. J'imaginais qu'il me regardait, alors que probablement il dormait. Pourquoi pense-je maintenent Ă ce cheval? Je ne sais pas. Peut-ĂȘtre pour la mĂȘme raison je pense Ă tous ces mots j'ai Ă©crit au mĂȘme temps. J'ai gardĂ© la feuille oĂč j'avais notĂ© tout ce qui m'etait venu Ă l'esprit. A l'Ă©poque, je croyais qu'ils m'appartenaient, mais maintenant je sais que j'avais tort. A chaque fois que je les relis, je vois que je copiais seulement ce que quelqu'un m'avait racontĂ©. -N'aie pas peur. Je ne m'arrĂȘterai pas. Je dois dĂ©couvrir cette clairiĂšre. Et je ne m'arrĂȘterai pas tant que je ne l'aurais pas trouvĂ©e. Sais-tu ce qui me pousse Ă la chercher? Eh bien... personne. Ma femme est morte. Ma femme, ma fille et mon fils sont tous morts. Te souviens-tu comment ils sont morts? Moi, de moins en moins. Je ne me souviens que du temps. Me blessures ne sont plus mortelles, mais j'ai peur. J'ai peur de ne pas trouver cette clairiĂšre. Je suis restĂ© quelque temps Ă regarder les ombres, les feuilles et les branches. Ensuite, quand j'ai quittĂ© le bois, je ne voyais que le brouillard autour de moi. Je ne pouvais voir ni la maison, ni les prĂ©s, seulement le brouillard. Et bien sĂ»r, le cheval noir avait disparu.
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Mark Z. Danielewski (House of Leaves)
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C'était la premiÚre fois depuis que mon fils avait entrepris son voyage vers la vie à travers mon corps que j'écartais les jambes pour quelqu'un d'autre. Cette premiÚre fois a semblé incroyablement jouissive pour Ted, alors que pour moi, elle s'est révélée éprouvante et incertaine. Ma vulve était distendue et j'ai dû prendre appui sur mes jambes pour contraindre l'endroit qui l'enveloppait à se contracter en un fourreau étroit et agréable. Mais c'était encore trop large, dilaté, sensible, et lui, débordé par un désir brutal qui ne correspondait pas au mien, s'est abandonné avec un cri sauvage, ses membres lourds se sont contractés et il s'est vidé en moi en bramant vers le plafond pendant que je regardais Nick tressaillir sans se réveiller pour autant. Il avait donc joui sans moi, sans m'attendre, sans que je fasse le moindre bruit, sans un échange de regards.
Il m'a embrassé sur la bouche, l'air désespéré.
- Ah putain, ce que tu est bonne, Sylvia. Ah, j'en avais besoin. C'est la meilleure chose qui soit arrivée depuis longtemps. Waouh, Pussy, tu es de retour.
J'ai fait un petit bruit, j'ai renfilé ma chemise de nuit. J'étais encore canon, juste un peu ramollie du ventre, ramollie du bas, mais ça allait se resserrer, je le savais, encore un petit moment et je serais complÚtement reconstituée.
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Elin Cullhed (Euforia. Um romance sobre Sylvia Plath)
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J'aurais pu mourir de froid. Je ne fus jamais si prÚs de lùcher mon ùme, de la laisser filer dans la nuit de novembre et de la livrer au fil glacé du fleuve.
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Jean-Baptiste Andrea (Veiller sur elle)
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La vie est une succession de choix que l'on referait diffĂ©remment s'il nous Ă©tait donnĂ© de tout recommencer, Mimo. Si tu es parvenu Ă faire les bons choix du premier coup, sans jamais te tromper, alors tu es un dieu. Et malgrĂ© tout l'amour que je te porte, malgrĂ© le fait que tu sois, mon fils, mĂȘme moi, je ne crois pas avoir donnĂ© naissance Ă un dieu.
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Jean-Baptiste Andrea (Veiller sur elle)
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Mon fils, n'oublie pas mes enseignements, Et que ton coeur garde mes préceptes;
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Anonymous (La Bible)
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Jâai fait un gros travail dâenquĂȘte sur le sujet de la brouille franco-marocaine, apparemment inexplicable. Je me suis inspirĂ© de lâactualitĂ©, elle est beaucoup plus riche que lâimagination, câest comme un travail de broderie, on part dâun fil, puis un autre et ainsi de suite. Il Ă©tait donc normal que lâactualitĂ© rejoigne ma propre fiction fondĂ©e sur des faits. Mais jâavoue que si jâai Ă©crit une sorte de scĂšne Ă la Eric Laurent-Catherine Graciet, en pensant Ă eux dâailleurs, malgrĂ© des pseudos, que jâai Ă©tĂ© trĂšs surpris que cela arrive quand mĂȘme ! Et dire quâau moment du scandale, mon livre Ă©tait dĂ©jĂ Ă©puisĂ© au Maroc !
(Interview illionweb.ma)
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Guillaume Jobin (Route des Zaërs)
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The priest set the flask down on the step and folded his hands. "For the sin of lust you have confessed, mon fils," he said in an easy tone, "you are contrite, n'est-ce-pas?"
Vitor closed his eyes and saw hers before him, sparkling like stars. "Yes."
"For your penance I give you a novena to our Blessed Mother and the task of seeing your brother well matched to a woman who will bring him to heel."
"Only that?" Vitor lifted a brow. "Father, you are too lenient."
The priest drew a cross in the air above his brow. "Ego te absolve a peccatis tuis in nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti."
"Amen."
-Denis & Vitor
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Katharine Ashe (I Adored a Lord (The Prince Catchers, #2))
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Les enfants, quant Ă eux, Ă©taient la transmission dâun Ă©tat, de rĂšgles et dâun patrimoine. CâĂ©tait bien entendu le cas dans les couches fĂ©odales, mais aussi chez les commerçants, les paysans, les artisans, dans toutes les classes de la sociĂ©tĂ© en fait. Aujourdâhui, tout cela nâexiste plus : je suis salariĂ©, je suis locataire, je nâai rien Ă transmettre Ă mon fils. Je nâai aucun mĂ©tier Ă lui apprendre, je ne sais mĂȘme pas ce quâil pourra faire plus tard ; les rĂšgles que jâai connues ne seront de toute façon plus valables pour lui, il vivra dans un autre univers. Accepter lâidĂ©ologie du changement continuel câest accepter que la vie dâun homme soit strictement rĂ©duite Ă son existence.
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Michel Houellebecq (The Elementary Particles)
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Se convertir dâune religion aÌ une autre, câest non seulement changer de concepts et de moyen, mais aussi remplacer une sentimentaliteÌ par une autre. Qui dit sentimentaliteÌ, dit limitation : la marge sentimentale qui enveloppe chacune des religions historiques prouve aÌ sa manieÌre la limite de tout exoteÌrisme et par conseÌquent la limite des revendications exoteÌriques. InteÌrieurement ou substantiellement, la revendication religieuse est absolue, mais exteÌrieurement ou formellement, donc sur le plan de la contingence humaine, elle est forceÌment relative ; si la meÌtaphysique ne suffisait pas pour le prouver, les faits eux-meÌmes le prouveraient.
Plaçons-nous maintenant, aÌ titre dâexemple, au point de vue de lâIslam exoteÌrique, donc totalitaire : aux deÌbuts de lâexpansion musulmane, les circonstances eÌtaient telles que la revendication doctrinale de lâIslam sâimposait dâune façon absolue ; mais plus tard, la relativiteÌ propre aÌ toute expression formelle devait apparaiÌtre neÌcessairement. Si la revendication exoteÌrique â non eÌsoteÌrique â de lâIslam eÌtait absolue et non relative, aucun homme de bonne volonteÌ ne pourrait reÌsister aÌ cette revendication ou aÌ cet « impeÌratif cateÌgorique » : tout homme qui lui reÌsisterait serait foncieÌrement mauvais, comme câeÌtait le cas aux deÌbuts de lâIslam, ouÌ on ne pouvait pas sans perversiteÌ preÌfeÌrer les idoles magiques au pur Dieu dâAbraham. Saint-Jean DamasceÌne avait une fonction eÌleveÌe aÌ la cour du calife de Damas (4) ; il ne sâest pas converti aÌ lâIslam, pas plus que ne le fit Saint-François dâAssise en Tunisie ni saint Louis en Egypte, ni saint GreÌgoire Palamas en Turquie (5). Or, il nây a que deux conclusions possibles : ou bien ces saints eÌtaient des hommes foncieÌrement mauvais, â supposition absurde puisque câeÌtaient des saints, â ou bien la revendication de lâIslam comporte, comme celle de toute religion, un aspect de relativiteÌ ; ce qui est meÌtaphysiquement eÌvident puisque toute forme a des limites et que toute religion est extrinseÌquement une forme, lâabsoluiteÌ ne lui appartenant que dans son essence intrinseÌque et supraformelle. La tradition rapporte que le soufi IbraÌhiÌm ben Adham eut pour maiÌtre occasionnel un ermite chreÌtien, sans que lâun des deux se convertiÌt aÌ la religion de lâautre ; de meÌme la tradition rapporte que Seyyid AliÌ HamadaÌniÌ, qui joua un roÌle deÌcisif dans la conversion du Cachemire aÌ lâIslam, connaissait LallaÌ YoÌgiÌshwari, la yoÌginiÌ nue de la valleÌe, et que les deux saints avaient un profond respect lâun pour lâautre, malgreÌ la diffeÌrence de religion et au point quâon a parleÌ dâinfluences reÌciproques (6). Tout ceci montre que lâabsoluiteÌ de toute religion est dans la dimension inteÌrieure, et que la relativiteÌ de la dimension exteÌrieure devient forceÌment apparente au contact avec dâautres grandes religions ou de leurs saints.
---- Notes en bas de page ----
(4) Câest laÌ que le saint eÌcrivit et publia, avec lâacquiescement du calife, son ceÌleÌbre traiteÌ aÌ la deÌfense des images, prohibeÌes par lâempereur iconoclaste LeÌon III.
(5) Prisonnier des Turcs pendant un an, il eut des discussions amicales avec le fils de lâeÌmir, mais ne se convertit point, pas plus que le prince turc ne devint chreÌtien
(6) De nos jours encore, les musulmans du Cachemire veÌneÌrent LallaÌ, la ShivaiÌte dansante, aÌ lâeÌgal dâune sainte de lâIslam, aÌ coÌteÌ de Seyyid AliÌ ; les hindous partagent ce double culte. La doctrine de la sainte se trouve condenseÌe dans un de ses chants : « Mon gourou ne mâa donneÌ quâun seul preÌcepte. Il mâa dit : du dehors entre dans ta partie la plus inteÌrieure. Ceci est devenu pour moi une reÌgle ; et câest pour cela que, nue, je danse » (LallaÌ VaÌkyaÌni, 94)
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Frithjof Schuon (Form and Substance in the Religions (Library of Perennial Philosophy))
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HOQUET
Et j'ai beau avaler sept gorgées d'eau
trois Ă quatre fois par vingt-quatre heures
me revient mon enfance
dans un hoquet secouant
mon instinct
tel le flic le voyou
DĂ©sastre
parlez- moi du désastre
parlez-m'en
Ma mĂšre voulant un fils trĂšs bonnes maniĂšres Ă table
Les mains sur la table
le pain ne se coupe pas
le pain se rompt
le pain ne se gaspille pas
le pain de Dieu
le pain de la sueur du front de votre PĂšre
le pain du pain
Un os se mange avec mesure et discrétion
un estomac doit ĂȘtre sociable
et tout estomac sociable
se passe de rots
une fourchette n'est pas un cure-dent
défense de se moucher
au su et au vu de tout le monde
et puis tenez-vous droit
un nez bien élevé
ne balaye pas l'assiette
Et puis et puis
Et puis au nom du PĂšre
du fils
du Saint-Esprit
Ă la fin de chaque repas
Et puis et puis
et puis désastre
parlez-moi du désastre
parlez-m'en
Ma mĂšre voulant d'un fils memorandum
Si votre leçon d'histoire n'est pas sue
vous n'irez pas Ă la messe
dimanche
avec vos effets du dimanche
Cet enfant sera la honte de notre nom
cet enfant sera notre nom de Dieu
Taisez-vous
Vous ai-je dit ou non qu'il vous fallait parler français
le français de France
le français du français
le français français
DĂ©sastre
parlez-moi du désastre
parlez-m'en
Ma mĂšre voulant d'un fils fils de sa mĂšre
Vous n'avez pas salué la voisine
encore vos chaussures sales
et que je vous y reprenne dans la rue
sur l'herbe ou la Savane
Ă l'ombre du Monument aux Morts
Ă jouer
Ă vous Ă©battre avec Untel
avec Untel qui n'a pas reçu le baptĂȘme
Ma mĂšre voulant un fils trĂšs do
trÚs ré
trĂšs mi
trĂšs fa
trĂšs sol
trĂšs la
trĂšs si
trĂšs do
ré-mi-fa
sol-la-si
do
Il m'est revenu que vous n'Ă©tiez encore pas
à votre leçon de vi-o-lon
Un banjo
vous dites un banjo
comment dites-vous
un banjo
Non monsieur
Vous saurez qu'on ne souffre chez nous
ni ban
ni jo
ni gui
ni tare
les mulùtres ne font pas ça
laissez donc ça aux nÚgres
â
â
LĂ©on-Gontran Damas (PIGMENTS-NEVRALGIES)
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(Vingt ans aprÚs la mort de son fils, perdu en montagne.) C'est une expérience inhumaine. Ce sont vos enfants qui doivent vous fermer les yeux. De toutes les épreuves de ma vie, qui en a été fertile, c'est celle dont j'ai émergé avec le plus de peine, mùchant et remùchant ma culpabilité. On devient comme un grand brûlé qui ne supporte plus aucun contact avec autrui. Ceux qui vous marquent de la compassion? Odieux: ils ne savent pas de quoi ils parlent. Ceux qui feignent la bonne humeur pour vous remonter la moral? Indécent.
(...) La vie est la plus forte. La douleur qui demeure devient comme une bĂȘte apprivoisĂ©e aux griffes rognĂ©es mais, aujourd'hui encore, j'ai du mal Ă dire "mon fils" sans que ma gorge se noue.
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Laure Adler cite Françoise Giroud, dans Françoise, Grasset, 2011.
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Monsieur lâAgent : Papiersâil vous plait !
Moi : jâai oubliĂ© mon portefeuilles Ă la maison
- Et comment je vais noter la contravention ?
- Ne la notez pas sâil vous plait ! Mon fils mâa appelĂ©e sur Watsap, il me manque trop je nâai pas rĂ©sistĂ© Ă rĂ©pondre.
- Mais il me faut les papiers, sinon câest la fourriĂšre.
- Câest ma semaine de galĂšres, je nâai pas besoin de cela en plus.
- Donnez-moi au moins un numĂ©ro de permisâŠ
- Je ne le connais pas.
- Qu'est ce que je vais faire de vous? Je vous attends, vous reviendrez avec les papiers. Vous faites quoi dans la vie ?
- Vous pouvez considérer que je ne travaille pas.
- Kifach ?
- Un travail qui ne permet pas de gagner sa vie nâ'est pas un travail.
- Pourquoi, quâest ce que vous faites au juste ?
- Je suis Ă©crivain.
- Vous les Ă©crivains, vous ĂȘtes une devise rare dans ce pays oĂč personne ne lit. Siri Allah iawnek
- Amiiiiine!
(FB, 25/04/2017)
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Mouna Hachim
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J'ai poursuivi en vain deux quĂȘtes impossibles- celle de l'amour- jusqu'Ă la dĂ©raison; celle de l'amitiĂ©, jusqu'Ă la dĂ©sillusion. Tel un papillon fou, mon cĆur s'est brĂ»lĂ© cent fois aux flammes de ces sentiments Ă©ternels. Au fil de mes voyages, le long des plaines fertiles et des espaces dĂ©sertiques, j'ai appris l'oubli, j'ai oubliĂ© d'apprendre.
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Gilbert Sinoué (El Libro De La Sabiduria De Oriente/ The Book of the Oriental Wisdom (Spanish Edition))
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â Lou chĂ©rie, me gourmanda-t-elle, tu ne peux pas passer ta vie devant ton ordinateur Ă combattre dieu sait quel extra-terrestre.
Elle avait raison bien sûr et je le savais.
â Au pire, jâĂ©pouserai Camâ, bougonnai-je.
â Il ne sera pas dâaccord. Tu lui fais beaucoup trop peur. Camille est un gentil garçon.
Je grognai. Camille, MON Camille, le fils de Léo, un gentil garçon ? Un trouillard, oui, mais un gentil garçon ?
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â
Roxane Dambre (L'esprit de Lou (Animae, #1))
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Tu comprends, mon enfant, mon fils? Comprends-tu?
Jamie to Fergus
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Diana Gabaldon (A Breath of Snow and Ashes (Outlander, #6))
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Ă Yunnan Fu le ciel mĂȘme apporte des femmes Ă mon pĂšre. Au moins une. Un jour la colonie française apprend une nouvelle absolument stupĂ©fiante : une aviatrice va se poser avec son appareil sur l'aĂ©rodrome de la ville, c'est-Ă -dire en dehors des enceintes, une piste de terre rouge encore herbeuse. Pour l'amĂ©nager on a dĂ©moli quelques tombeaux avec leurs ossements si bien que la population chinoise considĂšre le terrain comme maudit. Il y a un petit hangar dans un coin contenant les deux zincs de l'armĂ©e de l'air yunnanaise. C'est tout. Pour
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Lucien Bodard (Monsieur le Consul - Le fils du Consul - Anne Marie (Littérature Française) (French Edition))
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Mais il y a une chose qui ne changera jamais : câest lâamour des enfants pour leur mĂšre, et jâai Ă©crit ce livre pour apprendre aux petites filles comment leurs fils les aimeront un jourâŠ
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Marcel Pagnol (La Gloire de mon pĂšre)
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Sang bleu rougeĂątre
Moi, en tant que fils de rois,
De princes et de nobles,
Tous de la haute noblesse,
Sanctifiée par Dieu, sang divin,
Ou, peut-ĂȘtre,
Ne suis-je pas Dieu lui-mĂȘme, ou,
Qui sait, suis-je au-dessus de lui?
La métadivinité bourgeoise,
Cette divinisation de la saleté la plus immonde,
Et ils regardent le peuple :
Oh Dieu ! Pourquoi as-tu fait
Cette populace insensée ?
Cette masse, souriante,
Qui se bénit de bonheur,
Trouve dans les Ă©gouts,
Si moi,
Ni tout l'or africain,
Ni toute la beauté des femmes de l'Orient
Ne me satisfont plus,
Ni la bonne odeur de l'encens, ni les palais,
Ah, comme je déteste la populace,
Alors que je verse mes larmes en regardant les tragédies,
Ils rient de la comédie la plus burlesque,
Que veux-tu ? Ă Souverain du Monde ?
Rappelle-moi que je viens de ces créatures,
Que ma blancheur vient du charbon,
Que ma lumiÚre de l'obscurité,
Que mon sang n'est que de l'eau,
Tu veux me rappeler que je ne suis que de la poussiĂšre vaniteuse,
Sages Ă©taient les Romains,
Qui, lors des festivités,
Transformaient les esclaves en patriciens,
Et les patriciens en esclaves,
Pour se rappeler l'ancienne rĂšgle,
Le vieux pacte lupin,
Car tous faits d'argile,
Et lavés dans le sang...
CĂ©sar, mon cher CĂ©sar,
N'oublie pas que,
Ainsi toujours les tyrans,
Et, ainsi, toujours les patriciens,
Tous tomberont,
Et dépériront,
Car Celui qui a vécu,
Dans sa mort,
N'est pas encore revenu.
â
â
Geverson Ampolini
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Mon fils est le gardien de ma douleur, il lui suffit de m'entendre renifler pour se matĂ©rialiser devant moi et me demander si je vais bien. J'essaie de l'Ă©pargner, de ne pas ajouter ma peine Ă la sienne, d'attendre d'ĂȘtre seule pour pleurer, mais c'est incontrĂŽlable. Les paupiĂšres sont de piĂštres barrages.
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Virginie Grimaldi (Plus grand que le ciel)
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Enfin mon territoire est constituĂ© des choses que jâaime. Il y a comme un fil invisible mais solide, entre les choses ou les gens que jâaime et moi. Quand nous lisons un livre bouleversant que nous souhaitons partager avec un ami qui le critique violemment, quelque chose grince en nous. Ce quelque chose est le signe que nous nous sentons rejetĂ© par le rejet dâun livre que nous aimons. Le livre est devenu en quelque sorte une extension de nous. Cela reste supportable dans cette situation mais câest ce qui rend difficile Ă entendre les critiques sur un vĂȘtement, un mĂ©tier, un conjoint, choisis avec soin. Câest aussi ce qui se produit quand un Ă©lĂšve affiche de maniĂšre ostentatoire son dĂ©goĂ»t pour la discipline quâon enseigne. Lâamour nâest pas transitif ! LĂ encore, il est possible quâavant dâĂȘtre « traitĂ© de », le conflit soit nĂ© de frictions sur les territoires des choses ou des gens aimĂ©s. (p. 69)
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Nathalie Francols (Profs et élÚves, apprendre ensemble - Situations quotidiennes à comprendre et à dénouer)
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[...] je ferraille avec les mots jusqu'Ă ce que tout me paraisse parfait. Mais la perfection n'est jamais atteinte. MĂȘme dans les livres que je lis, que je rĂ©vĂšre comme des crĂ©ations sans nulle autre pareille, il me semble qu'il y a toujours des faiblesses et ce sont justement ces faiblesses qui font la saveur du rĂ©cit. Quand on lit un auteur qu'on connaĂźt bien, qu'on relit sans cesse, on tombe immanquablement sur de tels passages. Mais il faut le lire avec attention, ne pas s'interrompre pour aller prendre un verre d'eau, rĂ©pondre au tĂ©lĂ©phone, ou manger une pomme, car alors on perd le fil, on ne voit pas le moment oĂč l'auteur a pris un coup dans l'aile. Je me demande souvent, quand je lis les Ă©crivains que j'admire, qui me sont nĂ©cessaires pour vivre, s'ils ont fait eux aussi la connaissance de l'oiseau de mauvais augure. Mon oiseau Ă moi s'est installĂ© Ă demeure, il ne me quitte pas. Il me rĂ©pĂšte constamment que je ne parviendrai pas Ă finir mon livre, que c'est au-dessus de mes forces. Il embrouille mes pensĂ©es, il cherche Ă m'Ă©garer. Je tiens bon. De nous deux, j'ai dĂ©cidĂ© que c'est moi le plus fort.
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Linda LĂȘ (Conte de l'amour bifrons)
â
jâai passĂ© des jours au lit minĂ©e par la perte
jâai tentĂ© de te faire revenir Ă force de larmes
mais lâeau sâest tarie
et tu nâes quand mĂȘme pas revenu
je me pince le ventre jusquâau sang
jâai perdu le fil des jours
le soleil se fait lune
et la lune se fait soleil
et je me fais fantĂŽme
une dizaine de pensées différentes
me traversent chaque seconde
tu reviens sûrement vers moi
mieux vaut peut-ĂȘtre que tu restes oĂč tu es
je vais bien
non
je suis en colĂšre
oui
je te déteste
peut-ĂȘtre
je ne peux pas passer Ă autre chose
je vais passer Ă autre chose
je te pardonne
jâai envie de mâarracher les cheveux
et de recommencer encore et encore et encore
jusquâĂ ce que mon esprit Ă©puisĂ© sombre dans le silence
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Rupi Kaur (The Sun and Her Flowers)
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Le « culturel » vient renforcer le « naturel » dans un cercle vertueux. Câest le fameux « Sois un homme, mon fils »
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Ăric Zemmour (Le suicide français)
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Mon fils, Avinoam Bezalel, est nĂ© Ă Bucarest en 1945. Il a le nom de mon pĂšreâet un grand nombre de ses qualitĂ©s. Le jour de sa naissance coĂŻncidait exactement avec Yom Kipour et, quand jâarrivai au Temple Coral, un messager mâattendait avec la bonne nouvelle. La tradition voulait que le grand rabbin sur le premier Ă ouvrir lâArche sainte le jour de Kippour. Et, tandis quâapparaissaient devant moi les rouleaux de la Torah, le hazzan entonna le texte liturgique qui se termine avec la supplication. « Je te prie, ĂŽ mon Dieu, de donner Ta grĂące au fils que Tu mâas donné⊠». Chaque annĂ©e, Ă Kippour, quand je lis ce verset, je remercie Dieu du don inestimable qu'il nous a fait, Ă ma femme et Ă moi, en la personne de notre fils. Ă lui aussi jâai enseignĂ© personnellement la Bible, le Talmud et la pensĂ©e juive. Il devait manifester trĂšs tĂŽt son attachement Ă MaĂŻmonide, qui fut Ă la fois rabbin et mĂ©decin et qui l'influença certainement dans le choix de ses Ă©tudes. Il rĂ©solut en effet de devenir mĂ©decin pour pouvoir soulager et aider ceux qui souffrent. Il Ă©tait encore Ă©tudiant quand il reçut un prix de lâuniversitĂ© de GenĂšve pour un mĂ©moire sur le thĂšme « MĂ©decine et judaĂŻsme », qui fut publiĂ© plus tard sous forme de livre Ă Tel-Aviv, en hĂ©breu et en anglais, et trĂšs bien accueilli en IsraĂ«l, en Europe et en AmĂ©rique. Aujourdâhui, Avinoam Bezalel enseigne la neurologie ophtalmologie Ă GenĂšve et est reconnu comme un des meilleurs spĂ©cialistes europĂ©ens en ce domaine. Autour dâun grand nombre de publications, il est souvent invitĂ© Ă faire des confĂ©rences dans des universitĂ©s dâEurope, des Ătats-Unis et dâAmĂ©rique du Sud. Il a Ă©pousĂ© Edith Abensur, qui est mĂ©decin et descend dâune trĂšs ancienne famille sĂ©pharade dont les origines remontent Ă lâEspagne dâavant lâInquisition. (p. 280â281)
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Alexandre Safran (Un tÄciune smuls flÄcÄrilor: Comunitatea evreiascÄ din RomĂąnia, 1939-1947 : memorii (Romanian Edition))
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Cendrillon
Ă mon intime amour, timide Cendrillon
Qui chante dans mon Ăąme au cri-cri du grillon,
Seule prÚs du foyer désert ! quand par le monde
Les passions, tes sĆurs, mĂšnent leur folle ronde,
J'entends fluer le bruit tournant de ton fuseau
Comme un gazouillement d'onde autour du roseau.
Dans l'ombre que ta robe en haillons illumine,
Ta quenouille s'appuie au creux de ta poitrine,
Tu prends la cendre et l'or Ă©pars dans tes cheveux
Pour les mĂȘler au fil de ton travail frileux ;
Le froid ne te fait rien ni l'obscure demeure,
Car, lorsque le clocher s'Ă©meut et te dit l'heure,
Ta marraine la fée apparaßt sur le seuil ;
Tu dĂ©pouilles alors tes vĂȘtements de deuil,
Et par ton doux désir tendrement poursuivie
Tu marches dans la fĂȘte et l'ardeur de la Vie.
Mignonne ! Il est minuit, de grĂące, hĂąte-toi !
Car il t'attend lĂ -bas, le pĂąle fils du roi,
Il s'accoude au balcon de son palais de songe
Pour voir venir vers lui le radieux mensonge,
Ton char aĂ©rien et tes frĂȘles coursiers,
Et, tel un rais de lune au front bleu des glaciers,
Le frisson de ta robe oĂč la neige se joue.
L'attente de l'aurore attriste un peu ta joue,
Et, comme un noble amour qui souffre d'ĂȘtre humain,
Ta grĂące sait cacher la crainte du destin.
Ă ma Cendrillon, cours vers la fĂȘte rapide,
Ris de voir scintiller ta parure Ă©vanide,
Et tourne sous les yeux des passions, tes sĆurs !
Toi qui flottes en moi par les soirs oppresseurs,
Belle création de mon ùme enfantine,
Symbole dont le sens Ă m'enivrer s'obstine,
Rien ne t'empĂȘchera d'ĂȘtre reine et d'aimer.
Quand les étoiles sont au céleste verger
Comme des fruits pendus Ă d'invisibles branches,
Tu passes dans l'air noir avec des robes blanches.
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Elena VÄcÄrescu (CĂźntec RomĂąnesc)
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La trace ontologique du couteau
Je ne suis quâun homme arpentant les Pierres du Nord
sous une Ă©toile stĂ©rile. Je respire le mĂȘme air que
les bĂȘtes sauvages, lâair quâexhalent le jabot des oiseaux,
la puanteur des marais, les restes de
charognes.
Toi seul nâes pas pourri, mon couteau,
sur lequel sâest posĂ©e la main de mon grand-pĂšre Dumitru
sculpteur de croix ; la main de mon pĂšre Georges,
puisatier.
Tu as lâĂ©clat de la louve qui vient de
mettre bas seule dans le hallier.
On peut te poser sur la gorge du tyran, sur
la gorge du vagabond, sur la gorge du frĂšre.
La louve sâagenouille
prend entre ses dents chacun de ses petits et lâemmĂšne au creux de
sa taniĂšre. Puis elle les lĂšche de sa langue rĂȘche.
Ah, tu passes de pĂšre en fils sur les lits de
mort, mon couteau !
Fou qui te reçoit en héritage,
fou qui ne te lĂšgue !
Tout comme moi â fou sur les Pierres
du Nord qui écrit dans la nuit stérile.
Chaque lettre gonflĂ©e dâeffroi laisse une
«âtrace ontologiqueâ» comme la traĂźnĂ©e humide de
lâescargot sur les pierres.
Délicatement je prends chaque lettre et la dépose
dans le mot suivant qui ne tremble pas,
qui ne bégaye pas de trouille,
comme la louve prend ses petits entre ses dents.
Le couteau des lettres ne laisse rien pourrir.
â
â
George Vulturescu
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â Tais-toi, mon chĂ©ri, mon bel enfant, disait lâempereur, car je te donnerai tel empire que tu voudras ; tais-toi, mon fils, car je te donnerai pour femme telle fille dâempereur Ă ton choix, et lui promettait mille choses encore. Ă la fin, Ă bout dâarguments, comme lâenfant ne cessait de crier, il finit par lui dire : tais-toi, mon fils, et je te donnerai « Jeunesse sans vieillesse et vie sans mort ».
â
â
Micaela SlÄvescu (Contes roumains)
â
SUR LA ROUTE UN ARBRE
Sur la route il est un arbre
Qui reste ployé
Et tous les oiseaux de l'arbre
Se sont égaillés.
Trois vers l'ouest et trois vers l'est
Et le reste au sud
Laissant l'arbre Ă la tempĂȘte
Ă la solitude.
Je dis Ă ma mĂšre : Ă©coute
Si tu n'y fais rien,
Ni une ni deux, ma mĂšre
Oiseaux je deviens !
Je veux m'asseoir sur cet arbre
Je le bercerai,
L'hiver de belles complaintes
Le consolerai.
MĂšre dit : nenni, mon fils !
Et ses pleurs ruissellent
Tu pourrais, hélas, sur l'arbre
Prendre froid mortel !
Je dis : MĂšre, c'est dommage
Pour tes yeux si beaux
Et avant qu'on s'en avise
Je suis un oiseau.
Geint la mĂšre : Itsik, mon Ăąme,
Au nom de Dieu, tiens,
Prends au moins ce petit chĂąle
Et couvre-t'en bien,
Emporte avec toi tes bottes
Rude, l'hiver vient,
Mets ton bonnet de fourrure
Quel malheur est mien !
Emporte aussi ton chandail
Et mets-le, vaurien,
Si tu ne veux ĂȘtre l'hĂŽte
De tous les défunts !
Qu'il est dur de lever mes ailes,
Trop de choses, trop
Tu mis sur le corps, ma mĂšre,
Du fragile oiseau.
Et tristement je regarde
En ses yeux si beaux,
Son amour mĂȘme m'empĂȘche
De devenir oiseau.
(p. 418-419 de L'Anthologie de la poésie yiddish de Charles Dobzynski)
â
â
Itzik Manger
â
Il y a des Ă©crivains qui ne rĂ©vĂšlent leur valeur « qu'Ă partir » d'un certain nombre de pages : une vingtaine, une trentaine, une centaine Ă peine leur suffisent pour convaincre qu'ils mĂ©ritent d'ĂȘtre lus jusqu'au bout. (Balzac, probablement, est l'un de ceux-ci et Liviu Rebreanu en est un avec certitude â Eugen Lovinescu avait largement dĂ©passĂ© la centaine de pages dans la lecture du roman Ion lorsqu'il se dĂ©cida Ă passer un coup de fil Ă l'auteur qui attendait sur des charbons ardents le verdict du critique, pour enfin le rassurer : « bravo, mon Rebreanu ! ça commence Ă m'intĂ©resser »âŠ)
(p. 239)
â
â
Lucian Raicu (O suta de scrisori din Paris)
â
FĂLICIA. â[...]Il vous a ramenĂ© quelque chose ?
LA MĂRE. â J'ai tout ce qu'il me faut.
FĂLICIA. â Un petit tĂ©lĂ©viseur ?
LA MĂRE. â J'ai dĂ©jĂ un tĂ©lĂ©viseur.
FĂLICIA. â Made in Germany par exemple.
LA MĂRE. â On voit trĂšs bien sur le mien.
FĂLICIA. â Un manteau en cuir ? Un porte-monnaie ? Un foulard ? (elle regarde autour d'elle. Renifle) EnfinâŠ
LA MĂRE. â Ma chĂšre madame FĂ©licia, mon fils est revenu sain et sauf. C'est le plus important. Il est en bonne santĂ©, il travaille et gagne sa vie, qu'est-ce que je peux demander de plus ? D'ailleurs, c'est lui qui s'est payĂ© son voyage en Europe.
(KROUM L'ECTOPLASME)
â
â
Hanokh Levin (Théùtre choisi Tome 1: Comédie)
â
LA MORT DE LA BICHE (MOARTEA CAPRIOAREI)
La disette a tué toute brise de vent.
Le soleil sâest fondu et coulĂ© de partout.
Le ciel est resté vide et brûlant
Les seaux ne tirent des fontaines que de boue.
Sur les bois fréquemment feux, toujours feux
Dansent sauvages, sataniques jeux.
Je poursuis papa en route vers les buttes,
Les chardons, les sapins mâĂ©corchent sĂ©chĂ©s.
Tous les deux commençons la poursuite des chÚvres,
La chasse dâla famine en montagnes de tout prĂšs.
La soif mâaccable. Bouillit sur la pierre
Le fil dâeau filtrĂ© des ruisseaux.
La tempe pĂšse lâĂ©paule, comme si jâerre
Une autre planĂšte, immense, Ă©trange, ennuyeux.
Nous restons dans lâendroit oĂč encore retentissent
Sur cordes de douces ondes, les ruisseaux.
Quand la lune sâĂ©lĂšve et le soleil se couche
Ici viendront Ă la fil sâabreuver
Une par une, les biches.
Je dis Ă papa que jâai soif. Il me fait signe de mâ taire.
Enivrante eau. Comme tu tâagites limpide !
Je suis liĂ© par soif de cette ĂȘtre qui meurt
Ă lâheure fixĂ© par loi et habitude.
La vallée raisonne en bruissements flétris.
Quel affreux crĂ©puscule flotte dans lâunivers !
Le sang Ă lâhorizon. Ma poitrine rouge comme si
Jâai essuyĂ© mes mains sur mon poitrail.
Comme sur autel fougÚres brûlent en flammes violùtres
Et les étoiles frappées parmi celles-ci miroitent.
HĂ©las ! comme je voudrais que tu ne viennes, ne viens pas
Superbe offrande de mon noble bois !
Elle se monta sautant et sâarrĂȘta
Scrutant les alentours avec de crainte
Ses minces narines faisaient frĂ©mir lâeau
Avec les cercles en cuivre errantes.
Dans ses yeux moites brillait un certain indécis
Je savais quâelle aura mal, quâelle va mourir.
Il me semblait revivre un récit
Avec la biche, jadis une trĂšs belle fille.
Dâen haut, la pĂąle lumiĂšre, lunaire,
Bruinait sur sa fourrure douces fleurs dâcerisier.
HĂ©las ! comme je voudrais que pour la premiĂšre fois
Le coup dâfusil dâpapa va Ă©chouer.
Mais les vallées résonnent. Elle tombe à genoux.
Elle lĂšve sa tĂȘte, la tourne vers les Ă©toiles
La dévala alors, en déclenchant sur eaux
Fuyards tourbillons de perles noires.
Un oiseau bleu bonda dans les rameaux
La vie dâla biche vers lâespace attardĂ©
Vola trĂšs lentement, en cris, comme en automne oiseaux
Quand laissent tranquilles leurs nids tout ravagés.
En chancelant je suis allé pour lui fermer
Ses yeux ombreux comme en engoisse veillés de cornes
Silencieux et blanc jâai tressailli quand lâpĂšre
Me dit de tout son cĆur: âVoilĂ de la viande !â
âJâai soifâ, je dis. Papa mâincite Ă mâabreuver.
Enivrante eau, enveloppé en brume !
Je suis lié par soif de cette biche gaspillée
A lâheure fixĂ©e par loi et par coutumeâŠ
Mais la loi nous est déserte, étrangÚre
Quand la vie en nous trĂšs difficile sâanime
Coutumes, compassions sont toutes désertes
Quand mĂȘme ma sĆur malade est une des victimes.
La carabine dâ papa nâ Ă©mane que de fumĂ©e
HĂ©las ! Sans vent sâempressent les feuillages en foule
Papa prépare un feu tout effrayé
HĂ©las ! comme la forĂȘt se dĂ©nature !
De lâherbe, sans adresse, je prends en mains
Une mince clochette dâun cliquetis argentin .
Papa tire de la broche avec sa main
Le cĆur de la chevreuil et ses chauds reins.
Câest quoi le cĆur ?⊠Jâai faim. Je veux vivre, jâ voudraisâŠ
Toi, pardonne-moi, vierge ! ma biche, ma bien-aimĂ©eâŠ
Jâai sommeil⊠Comme il est haut le feu ! Et la forĂȘt sauvage !
Je pleurs. Que pense papa ? Je mange. Je pleurs. Je mangeâŠ
1954
(cf. p. 15-18, traduction du roumain par Claudia PINTESCU)
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Nicolae LabiĆ (Poezii (Biblioteca Eminescu) (Romanian Edition))
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En retournant vers ma terre inondĂ©e, je pensais sauver quelques vestiges de mon passĂ© et de celui des miens. Sur ce chapitre, je nâattends plus grand-chose. Quand on cherche Ă retarder lâengloutissement, on court le risque de le hĂąter⊠Cela dit, je ne
regrette pas dâavoir entrepris ce voyage. Il est vrai que chaque soir je redĂ©couvre pour quelle raison je me suis Ă©loignĂ© de ma patrie natale; mais je redĂ©couvre aussi, chaque matin, pour quelle raison je ne mâen suis jamais dĂ©tachĂ©. Ma grande joie est dâavoir retrouvĂ©, au milieu des eaux, quelques Ăźlots de dĂ©licatesse levantine et de sereine tendresse. Ce qui me redonne, pour lâinstant du moins, un nouvel appĂ©tit de vivre, de nouvelles raisons de me battre, peut-ĂȘtre mĂȘme un frĂ©missement dâespoir.
Et Ă plus long terme?
A long terme, tous les fils dâAdam et dâEve sont des enfants perdus.
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Amin Maalouf (ۧÙŰȘۧۊÙÙÙ)
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Ă votre sujet, Ă©crit-elle, il me sembloit que mes os se dĂ©boitoient et quâils quittoient leur lieu, pour la peine que le sentiment naturel avoit de cet abandonnement : Mais Ă mon Ă©gard mon cĆur fondoit de joye dans la fidĂ©litĂ© que je voulois rendre Ă Dieu et Ă son Fils, luy donnant vie pour vie, amour pour amour, tout pour tout, puisque cette divine MajestĂ© mâen rendoit digne, et me mettoit dans lâoccasion, moy qui Ă©tois la lie du monde.
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Carl Bergeron (Grande Marie ou le luxe de sainteté (La) (French Edition))
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Mi-ja émit un sifflement entre ses dents serrées.
''Je suis une haenyeo, pas une épouse confucéenne. Mon mari et ses parents ignorent tout de nos traditions. Quand tu es une fille, obéis à ton pÚre ; quand tu es une femme, obéis à ton mari ; quand tu es une veuve, obéis à ton fils. Voilà ce a quoi ils croient
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Lisa See (The Island of Sea Women)
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Quand je serai seule, quand mon fils sera parti, quand ma fille sera partie et que je serai seule et si dĂ©couragĂ©e que plus rien ne m'importera, alors, peut-ĂȘtre qu'avant de mourir, j'aurai envie de voir vos trois cadavres se faire dĂ©vorer par les chiens errants de la plaine.
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Marguerite Duras (Un Barrage Contre Le Pacifique Folio French Language)
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- Je pense que Clarke mĂšne un combat Ă©ternel avec lui- mĂȘme. Il y a une lĂ©gende amĂ©rindienne : c'est un vieil homme qui raconte Ă son petit-fils une histoire qui lui a Ă©tĂ© transmise par les traditions. Il dit Ă ce garçon qu'Ă l'intĂ©rieur de chaque ĂȘtre humain existent deux loups entre lesquels se dĂ©roule un combat permanent. L'un est mĂ©chant. Il est tristesse, chagrin, arrogance, colĂšre, vengeance. L'autre est bon. Il vit de paix, d'amour, d'espĂ©rance, de compassion. Le petit-fils demande Ă son grand-pĂšre quel loup remporte le combat, et le vieux Cherokee lui rĂ©pond que c'est celui que l'on nourrit. J'ai bien peur que le bon loup de Clarke se soit enfoui profondĂ©ment en lui Ă l'assassinat de ses parents. Et Ă mon avis, sans aide, il ne parviendra pas Ă reprendre l'ascendant sur le mauvais.
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Chloé Wallerand (The Devil's Sons - Tome 2)
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Je tâaime, mon fils! Adieu!
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Eli Easton (Unwrapping Hank (Unwrapping Hank, #1))
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Claudie avait intercepté la lettre et décroché son
tĂ©lĂ©phone, en tremblant de fureur,â Tu es un vieux con, tonton, et tu crĂšveras sans
doute comme un vieux con mais, en attendant, ne
tâavise plus de tâadresser comme ça Ă mon fils,
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JĂ©rĂŽme Ferrari (Le Sermon sur la chute de Rome)
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Je prends le globe du Damien et regarde longuement lâimmense boucle tracĂ©e depuis le dĂ©part. Plymouth si prĂšs, dix mille milles Ă peine vers le nord⊠mais partir de Plymouth pour rentrer Ă Plymouth, câest devenu au fil du temps comme partir de nulle part pour aller nulle part. Câest formidable, ce petit globe que je tiens dans mes mains !
Et nous sommes seuls, mon bateau et moi. Seuls avec la mer immense pour nous tout seuls.
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Bernard Moitessier (The Long Way)
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Mes professeures, Patricia et Jeanne-Marie, m'ont beaucoup soutenue de leurs conseils. Elles m'ont énormément appris, elles m'ont fait réfléchir. "Vous dites que vous avez laissé un pays derriÚre vous pour "refaire" votre vie ici. Mon idée est qu'on ne refait jamais sa vie, on la poursuit autrement, on opÚre des changements, mais on ne passe pas l'éponge sur le passé. Je vous demanderais alors de réfléchir à ce qui pourrait vous permettre de retrouver le fil, et de poursuivre..." m'a écrit l'une d'elles
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Zhimei Zhang (Les Traces d'un papillon)
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De l'Ukraine je ne voulais pas garder l'effroi des derniÚres heures. Alors je l'ai enfanté d'une nouvelle mythologie. Je n'ai cessé de broder de nouvelles histoires en te les racontant soir aprÚs soir. Au fil des pages de mon livre imaginaire, l'Ukraine s'est effacée au profit de ces nouvelles couleurs que je t'avais transmises.
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Alexandra Koszelyk (Ă crier dans les ruines)
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Tes sources doivent-elles se répandre au dehors? Tes ruisseaux doivent ils couler sur les places publiques? pr.5.17 Qu'ils soient pour toi seul, Et non pour des étrangers avec toi. pr.5.18 Que ta source soit bénie, Et fais ta joie de la femme de ta jeunesse, pr.5.19 Biche des amours, gazelle pleine de grùce: Sois en tout temps enivré de ses charmes, Sans cesse épris de son amour. pr.5.20 Et pourquoi, mon fils, serais-tu épris d'une étrangÚre, Et embrasserais-tu le sein d'une inconnue?
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Anonymous (La Sainte Bible)
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â Pratique ! Je me demande, mon fils, si tu comprendras un jour qu'oublier de l'ĂȘtre est parfois beaucoup plus amusant.
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Leigh Michaels (No Place Like Home (McKenna Family, #1))
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Je t'attends depuis des siÚcles. J'ai pleuré des torrents de larmes pour la paix. Je te confie la tùche de guider mon fils vers sa destinée. Tu es la Briseuse d'illusions.
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Brenda Drake (Assassin of Truths (Library Jumpers, #3))
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Et dĂšs que ma mĂšre sâest aperçue quâil y poussait comme des petits boutons, elle mâa dit de cacher ça. Elle mâa dit de ne pas montrer cela aux hommes. MĂȘme pas Ă mon pĂšre. Elle mâa donnĂ© une vielle chemise dâun de mes frĂšres. Elle mâa montrĂ© comment je devais mâasseoir. Et surtout baisser les yeux quand on mâadressait la parole. « Il nây a que les filles sans pudeur et les Ă©voluĂ©es de Kigali qui regardent un homme en face », me rĂ©pĂ©tait-elle. Cela a dĂ» ĂȘtre la mĂȘme chose pour toi. Mais Ă prĂ©sent nous devrions nous rĂ©jouir de voir notre sang chaque mois. Cela veut dire aussi que nous sommes des femmes, de vraies femmes qui aurons des enfants. Tu sais bien que, pour devenir de vraies femmes, il faut avoir des enfants. Quand on te marie, câest ce quâon attend de toi. Tu nâes rien dans ta nouvelle famille et pour ton mari, si tu nâas pas dâenfants. Il faut que tu aies des enfants, des garçons, surtout des garçons. Câest quand tu as des fils que tu es une vraie femme, une mĂšre, celle que lâon respecte.
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Scholastique Mukasonga (Our Lady of the Nile)
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TrĂšs peu de Traders dĂ©jĂ pensĂ© Ă l'importance de ces deux questions. Ils sont indispensables pour la rĂ©ussite commerciale. Comme je l'ai prĂ©sentĂ© au dĂ©but je vous ai montrĂ© un trading pour compte propre dont les rĂ©sultats sont superbes. Cependant, dans les rĂ©sultats que j'ai intentionnellement montrĂ© les longues pĂ©riodes oĂč rien ne s'est passĂ©. Il n'y avait pas de profits pour quelques mois ... non mais en fait ans. Si je l'avais quittĂ©, ce qui est facile Ă faire, je n'aurais pas tombĂ© sur quelques-uns des grands gagnants. En rĂ©alitĂ©, lorsque vous nĂ©gociez vous allez passer de longues pĂ©riodes oĂč rien ne se passe. Vous devez avoir la patience d'endurer ce sinon vous ne rĂ©ussirez pas. Ce n'est pas facile. Trade rĂ©ussie est d'ĂȘtre cohĂ©rent et suivre votre plan de Trade Ă plusieurs reprises. J'ai appris au fil des annĂ©es que mes bĂ©nĂ©fices proviennent d'un ensemble de Trades. Il est devenu Ă©vident pour moi que je n'ai pas besoin de connaĂźtre l'avenir. J'ai simplement suivi mon plan de trading et me mettre dans la position d'ĂȘtre disponible pour les Trades potentiels. Il n'y avait rien d'avoir raison ou tort. J'ai pris l'aspect financier de la question. Il Ă©tait
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Trend Following mentor (Les fautes des jours de bourse (Trend Following Mentor) (French Edition))
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What sin have you committed for which you seek absolution, mon fils?" the priest said, then added, "This time." "Father..." "Did you act in anger?" the hermit asked this according to ancient tradition, urging a confession from the sinner through questioning. During the two years Vitor had lived in a hilltop monastery in the Serra dal Estrela, he'd read everything in the library of the Benedictine brothers, including confessor manuals. This hermit not did not fix upon the sin of anger at whim. He knew Vitor's special interest in it.
"No," he replied, his throat dry. "Not anger." Not this time.
"Greed?"
"No."
"Pride?"
"No."
"Envy?"
"No."
"It could not have been sloth." The hermit's voice gentled. "You've never slept a full night in your life, young vagabond."
"No." Get to the relevant sin.
"Did you lie?"
"No."
"Did you steal?"
A case could be made for it. "Not quite."
"Did you covet your neighbor's goods?"
Momentarily, though "goods" didn't quite express it, really. "No."
"Son-"
"Father..." Vitor pressed his brow into his knuckles.
The priest paused for a moment that stretched in the chill air. "Did you commit murder again?"
"No."
The Frenchman's breath of relief whispered across the chancel. He sat back on his heels and folded his arms within voluminous sleeves.
"Then what did you do that brings you from the gathering at the house where your half brother needs you now?"
"I kissed a girl."
Silence.
"Father?"
"Vitor, you are bound for the madhouse."
-Denis & Vitor
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Katharine Ashe (I Adored a Lord (The Prince Catchers, #2))
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Quand ils sont arrivĂ©s Ă la maison, ils Ă©taient tous les deux sales et fatiguĂ©s. La femme Ă tout faire Ă©tait partie et leur avait laissĂ© la marmite sur la gaziniĂšre. La soupe sâĂ©tait figĂ©e en refroidissant. Il nâa plus eu envie de manger, il sâest allongĂ© sur le lit et ses pensĂ©es tournaient dans sa tĂȘte exactement comme la roue de la voiture dans la fange. Il a revu la chambre dans laquelle il dormait et il apprenait durant son enfance et soudain elle lui sembla terriblement petite.
Son pĂšre entra brusquement par la porte.
â As-tu appris qui mâa balancĂ© ?
Il ne sâattendait pas Ă cette question. Il souleva le devant de son corps prenant appui sur ses coudes et le regarda clignant des yeux. La figure du pĂšre se constitua lentement devant lui.
â Il portait le nom de code lâOurs, lui a-t-il dit.
â Dâaccord, soit, mais as-tu appris quel est son vĂ©ritable nom ?
â Il y avait plusieurs noms lĂ -bas. Petroviceanu, je crois.
â Mouais, lui rĂ©pondit le pĂšre en se dirigeant vers la porte. Tu es sĂ»r de ne pas vouloir de la soupe ?
â Non. Ou bien Petroveanu. Quelque chose dans ce genre.
Son pĂšre sâarrĂȘta de marcher et se retourna le visage vers lui.
â Petroveanu Ă©tait un type qui travaillait aux serres et câĂ©tait mon patient tandis quâavec Petroviceanu jâai Ă©tĂ© camarade au lycĂ©e.
Il se rendit alors compte quâil ne savait plus et prĂ©cisĂ©ment ce dont il craignait ne lâavait pas Ă©pargnĂ©.
â Je ne sais plus, maintenant. Jâai lu des dizaines de pages hier et il y a nâa eu beaucoup qui ont donnĂ© des notes informatives sur toi et sur maman.
Son pÚre fronça les sourcils.
â De toute façon, tu disais que cela ne tâintĂ©resse guĂšre.
â Cela ne mâintĂ©resse guĂšre. Je tâai juste demandĂ© si tu as appris son nom. Jâai voulu vĂ©rifier si tu sais de qui tu dois te mĂ©fier.
Ils se sont tu, tous les deux, pendant un instant, décontenancés.
â Je vais me mĂ©fier de tous les deux, lui a rĂ©pondu le fils.
â TrĂšs bien, lui a rĂ©pondu le pĂšre. Moi je vais me rĂ©chauffer une portion. Cette femme cuisine Ă merveille.
Il lui a semblĂ© quâĂ ce moment-lĂ il Ă©tait devenu un peu plus joyeux.
â Tu en es oĂč avec le rhume ? lui a demandĂ© le fils.
â Toujours pareil, a rĂ©pondu le pĂšre balayant de sa main en signe de lassitude.
(fin de la nouvelle « Le Refroidissement », traduite du roumain par Gabrielle Danoux)
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Augustin CupĆa (Marile bucurii Èi marile tristeÈi)
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5Â mars 1941 (extrait)
Je sens sâaccroĂźtre mon goĂ»t pour la dĂ©chĂ©ance, et jây voisâje le comprends mieux aujourdâhuiâlâultime Ă©tape dâun certain niveau de la culture. Câest le livre de Matei Caragiale[Les Seigneurs du Vieux-Castel] qui a rallumĂ© en moi cette conviction que dâautres lectures dĂ©jĂ avaient Ă©veillĂ©e. AprĂšs « Les Enfants terribles » jâai fini, hier soir, « Le Grand Meulnes ». ArrivĂ© aux derniĂšres pages, je me demandais avec inquiĂ©tude oĂč je pourrais encore trouver de tels livres. En fait, ce goĂ»t aigre-doux pour la pĂ©riode frĂȘle et pourrie de lâadolescence doit me venir de plus loin, de ma propre adolescence, quand je suis tombĂ© malade, pour mâeffilocher entre quinze et vingt ans. Câest de cette Ă©poque-lĂ que date mon penchant pour la poĂ©sie et pour la solitude, pour les amours qui finissent mal, pour la musique simple, gauche et nostalgique des premiers tangos. Il y a cependant quelque chose de rĂ©confortant dans le livre dâAlain Fournier : son entĂȘtement paysan Ă poursuivre le mĂȘme fil, sans relĂąche.
(p. 70-71)
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Miron Radu Paraschivescu (Journal d'un heretique)
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Je m'appelle FicuÈaâdiminutif roumain de Sophieâou plutĂŽt, je m'appelais ainsi, car je suis morte. Disparue de ce monde depuis plus d'un demi-siĂšcle dĂ©jĂ , assassinĂ©e sans pitiĂ© par des Allemands en mer Noire.
Je dis bien : par des Allemands et non par des Nazis, car le carnage a Ă©tĂ© perpĂ©trĂ© par une unitĂ© de la marine germanique, froidement et en pleine connaissance de ce qu'elle anĂ©antissait ainsi plus de 300 vies d'enfants et d'adultesâpour l'unique raison de notre naissance dans des familles juivesâŠ
Les morts ne vivent plus, physiologiquement du moins. Mais moi, je suis privilĂ©giĂ©e â je ne suis certainement pas la seule dans ce cas. J'ai vĂ©cu intensĂ©ment depuis cette nuit terrible du 5 aoĂ»t 1944, Ă travers mes parents et mon frĂšre que j'ai torturĂ©s malgrĂ© moi par le souvenir, rappel constant des conditions atroces dans lesquelles j'ai quittĂ© la vie terrestre. Je ne suis mĂȘme pas sous terre, puisque je n'ai pas de tombe.
Mon corps n'avait vĂ©cu que 19 ans lorsqu'il fut dĂ©chiquetĂ© par des bombes allemandes, trouĂ© par des balles des mitrailleuses maniĂ©es par des marins germaniques, consumĂ© par les flammes de l'embrassement qu'avaient dĂ©clenchĂ© Ă bord du Mekfure les projectiles allemands, noyĂ©, englouti par les flots de la mer Noire, dĂ©vorĂ© par les poissonsâŠ
Je ne suis nulle part, mais j'ai habité ensuite à tel point mes parents et mon frÚre qu'il me semble avoir bénéficié d'un prolongement quasi-physiologique. Ce dernier dur encore aujourd'hui à travers mon frÚre aprÚs la disparition de nos parents qui ont quitté, eux aussi, ce monde, meurtris qu'ils étaient, atrocement affligés par mon assassinat, malheureux comme les mots ne peuvent le dire, jusqu'à leur propre fin.
Je m'appelle donc FicuÈa. Je suis venue au monde un soir de 1925, le 21 mars, jour du printemps, Ă Bucarest, strada JustiÈiei (rue de la Justice, nom que je nâappellerai pas « prĂ©destiné »).
Et voici le tĂ©moignage que je voudrais confier Ă tous ceux qui ont la chance de vivre en paix dans un monde meilleur que celui damnĂ© qui fut le mien, le nĂŽtre. N'oubliez pas que ce qu'est le passĂ© pour vous fut le prĂ©sent pour nous, ĂȘtres disparus dans la tourmente. Pour nous, l'indicible souffrance n'appartient pas Ă l'histoire. Nous l'avons vĂ©cue et en sommes morts.
Je donne maintenant mandat à mon frÚre pour dévider devant vous le fil de ma triste histoire, de mon existence et de ma mise à mort.
(Mandat posthume)
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Albert Finkelstein (Etre Ou Ne Pas Naitre: Chronique de L'Holocauste En Roumanie)
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les nouvelles du soir
la journée finit comme une longue convalescence
sur toutes les chaĂźnes il y a une seule nouvelle
ma mort prématurée aprÚs une longue souffrance
le cĆur lourd Ă©crasĂ© Ă cĂŽtĂ© de ma famille en deuil
mes amis en petit nombre ennuyés
c'est l'automne le prĂȘtre parle Ă contrecĆur
personne ne porte de noir parce qu'ils n'en ont pas
parce que ça ne les avantage pas « je lui avais donnĂ© deux CD. comment les rĂ©cupĂ©rer. » « cette annĂ©e elle n'est mĂȘme pas venue Ă mon anniversaire. pas de coup de fil non plus. » « ça fait trois mois qu'elle me promet cet article et quelle jolie dĂ©dicace je lui ai faite. » le mort ne se retourne pas
je me fais du café éteins la télé
le chien hurle
allez vous pouvez téléphoner
(traduit du roumain par LaetiÈia Ilea)
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LetiÈia Ilea
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RĂȘve de sang
Le temps est venu oĂč, la nuit, je baigne dans la sueur.
Le rĂȘve avertit, toujours, sans cesse, trĂšs colorĂ©
en rouge : les murs sont de sang.
Les murs pour lesquels mon pĂšre, noir et fou, est mort
brûlé.
à présent, là -bas, une race blonde, privée de douleur,
prépare, sans violence, son silence.
Je glisse les mains sous la porte qui, autrefois,
m'enfermait avec le fils dans le lieu enseveli
dans mes propres poumons, entre mes cuisses
malades et humbles qui cachaient la peur : par plaisir.
Mais le plaisir, à présent, est un vase noir dans lequel
j'Ă©goutte mes longues larmes hors de la grotte obscure
de la mort ; car la mort est une grotte dans laquelle
le temps est devenu l'esclave, enchaßné, qui se tait.
Au-delĂ , la forĂȘt de bouleaux, immuable.
(traduit du roumain par Alain Paruit)
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Angela Marinescu
â
Ces deux-lĂ
Tous les gens sont dignes d'amour.
Mais celui qui, descendant sur le bord de mer,
essaie de tresser une corde
avec des fils de sable pour â en la jetant
au cou de la lune qui vient d'Ă©merger
des vagues â s'Ă©lever dans les airs
et celui qui, penché sur une riviÚre d'or
passe sa vie Ă modeler
selon la forme du vent sans visage
pour donner Ă ce monde une nouvelle monnaie :
ces deux-là , en priorité, ont le droit
d'habiter Ă l'abri de mon ombre.
Quand je suis absent, sachez-le, ils sont chez moi.
(traduit du roumain par CĂ©cile Folschweiller)
â
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Ètefan Augustin DoinaÈ
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Parti de IaÈi un 23 mai, j'y retournai un mois plus tardân'ayant, dans l'intervalle, pas mĂ©nagĂ© ma peine. Entre la poursuite des lectures que je jugeais indispensables, les appels aux amis et maintes tentatives d'Ă©tablir de nouveaux contacts, les semaines eurent tĂŽt fait de filer. Ă Bucarest, Dieu merci, on s'Ă©tait mis en quatre pour m'assister. Suite Ă l'intercession de Dan Berindei, vice-prĂ©sident de l'AcadĂ©mie roumaine,⊠trois professeurs d'histoire de l'universitĂ© Alexandru Ioan Cuza, de IaÈi, se dirent prĂȘts Ă faire ma connaissance. Quant Ă Ana Blandiana, poĂ©tesse, prĂ©sidente de la Fondation de l'acadĂ©mie civique et inlassable animatrice du mĂ©morial de Sighet, elle m'offrit d'approcher un confrĂšre Ă©crivain qui, sous peu, m'ouvrirait d'Ă©clairantes perspectives sur le climat intellectuel rĂ©gnant en ville dans le troisiĂšme quart du XIXe siĂšcle.
Folles journĂ©es qui me virent zigzaguer d'un coin Ă l'autre de la vie, entre la commĂ©moration des soixante-dix ans du pogrom, les assises d'un colloque international consacrĂ© aux journĂ©es meurtriĂšres des 28 et 30 juin 1941 et les rencontres desquelles risquait fort de dĂ©pendre la suite de mon entreprise ! Comment en rendre compte ? Pas facileâquand bien mĂȘme, c'est vrai, relativement au colloque, Ă dĂ©faut de comprendre le roumain, mes stations au Centre d'histoire des Juifs et d'Ă©tudes hĂ©braĂŻques me laissent davantage d'impressions que de souvenirs prĂ©cis. Hormis, bien sĂ»r, le vif plaisir d'y avoir retrouvĂ© Felicia Waldman, celui d'avoir pu faire la connaissance du professeur Carol Iancu, auteur du magistral essai intitulĂ© "Les Juifs en Roumanie (1866â1919)", et l'intense Ă©motion que nous valut l'exposĂ© d'Avinoam Safran, le fils d'Alexandre Safran, c'est Ă©rudit issu d'une illustre lignĂ©e rabbinique, que le sort dĂ©signa pour devenirâle 4 fĂ©vrier 1940, Ă seulement vingt-neuf ansâgrand rabbin de Roumanie, et dont l'inouĂŻe dĂ©termination face au "ConducÄtor" Antonescu arracha Ă une mort programmĂ©e un nombre considĂ©rable de coreligionnaires.
(p. 58â59)
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Jil Silberstein (Dor de IaÈi: imagini din IaÈul vechi/ images du vieux IaĆi/ Images of Old IaĆi)
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[N.B : « Mihne et la sorciĂšre » est une lĂ©gende historique dont la traduction a Ă©tĂ© effectuĂ©e par l'auteur lui-mĂȘme (cf. « Brises d'Orient » Ă©ditions Dentru, Paris 1866) et qui ne respecte donc pas rigoureusement la version originale en roumain. MĂ©tamorphosĂ©e en sorciĂšre, la mĂšre d'un jeune soldat tuĂ© Ă la guerre jette un mauvais sort Ă son souverain, Mihne, tyran sanguinaire des Carpates. Ne pouvant transgresser les derniĂšres volontĂ©s de son fils, qui refuse la vengeance, elle tente de se servir des dĂ©mons de l'enfer afin d'attraper Mihne. Au terme d'une terrible cavalcade, ces dĂ©mons sont sur le point d'y parvenir quand l'aube se lĂšve les rĂ©duisant Ă l'impuissance. Les vĆux du soldat sont ainsi exaucĂ©s.]
La vieille
â « J'ai promis de te dire, ĂŽ seigneur, l'avenir ;
C'Ă©tait pour te contraindre, ĂŽ mon maĂźtre, Ă venir.
Ăcoute si tu peux : j'avais dans ton armĂ©e
Un fils dont la bravoure eut de la renommée,
Pur comme un ciel serein et beau comme la fleur ;
Pour lui seul je restais en ces lieux de douleur.
Il Ă©tait mon seul Dieu ! Pour lui, dont j'Ă©tais fiĂšre,
Je me suis transformée en horrible sorciÚre.
Il est mort, il est mort ! Tu fus son assassin !
Veux-tu mon sang encore ? Tiens, frappe donc ce sein !
Des à présent ma vie est affreuse et flétrie.
Oh ! Que ne puis-je boire et ton sang et ta vie !
à son dernier soupir : « MÚre » a dit mon enfant,
« Pardonne. » Contre moi son pardon le défend.
« Mais, as-tu toujours soif ? dit la sorciÚre à Mihne ;
Prends ce vase Ă©cumant dans ta main assassine ;
Meurtrier, bois le sang vivant de mon fils mort !
Qu'il verse dans ton sang le poison du remords ! »
[...]
La cime du rocher par degrés se colore,
Et déjà le jour luit !
La cohorte vaincue, aux rayons de l'aurore,
Retombe dans sa nuit.
â
â
Dimitrie Bolintineanu
â
En quatre bonds jâeus dĂ©gringolĂ© les marches de lâescalier de pierre. Jâavais besoin de me purifier les poumons au grand air de la nuit : je volai dâune course, Ă travers les landiers, jusquâaux roches de lâextrĂȘme Pointe, et lĂ , couchĂ© sur le dos parmi le romarin, les bras en croix sous ma tĂȘte, avec, au-dessus de moi, le ruissellement infini de la Voie lactĂ©e, jâachevai de me prĂ©ciser Ă moi-mĂȘme, mĂ©thodiquement, mathĂ©matiquement en quelque sorte, tout le dĂ©tail du plan de vengeance conçu Ă KĂ©rudavel et dont jâavais, dans ma conversation avec ma femme, posĂ© les premiers jalons. Jamais je ne mâĂ©tais senti la pensĂ©e aussi Ă©nergiquement lucide. Il semblait que la vie de mon cĆur broyĂ© se fĂ»t rĂ©fugiĂ©e dans mon cerveau et quâelle en dĂ©cuplĂąt les puissances. JâĂ©tais presque confondu de voir avec quelle aisance, quelle soliditĂ©, tous les fils de ma combinaison se tramaient et se nouaient comme de soi.
Il mâen vint une espĂšce dâexaltation hĂ©roĂŻque, lâorgueil de lâhomme qui non seulement nâest plus le jouet des Ă©vĂ©nements, mais, au contraire, les tient Ă sa merci.
En me relevant, jâaperçus par-delĂ les courants du Raz, tout pailletĂ©s dâun scintillement dâastres, lâĆil vert de GorlĂ©bella qui me regardait.
ââSalut Ă toi, mâĂ©criai-je dans un accĂšs dâenthousiasme farouche, salut Ă toi, nocturne Ă©meraude des mers du ponant, gardienne incorruptible du feu, image vivante de VestaâŻ! Tu sais si je tâai consciencieusement servie. Parmi les hommes attachĂ©s Ă ton culte, il nâen est pas un qui tâait donnĂ© des gages plus forts de constance et de fidĂ©litĂ©. Je ne crois pas que tu aies Ă me reprocher une seule dĂ©faillance. Deux annĂ©es durant, et bien quâen proie aux pires obsessions de lâamour, jâai montĂ© autour de toi une faction sacrĂ©e. Tu mâes tĂ©moin que jamais le sommeil ne mâa surpris Ă mon poste. Tout mon honneur, je le mettais Ă ce que ta flamme brĂ»lĂąt haut et clair et quâelle resplendĂźt au loin, dans lâespace, multipliĂ©e par le rayonnement des prismes, comme la veilleuse des eaux immenses, comme la lampe de lâinfini⊠Si jâai bien mĂ©ritĂ© de toi, le moment est proche oĂč tu vas pouvoir mâen rĂ©compenser. Te lâai-je assez murmurĂ©, le nom de cette AdĂšle Ă qui tu mâarrachais huit mois sur douzeâŻ! Te lâai-je assez murmurĂ©, dis-moi, le jour, en astiquant tes dĂ©licats rouages, la nuit, pieusement assis Ă mon banc de quart, ainsi quâun cĂ©nobite dans sa stalle de chĂȘne, devant le maĂźtre-autelâŻ! Confidente de mes souvenirs passionnĂ©s et de mes larmes, tu as vu de quel cĆur je lâidolĂątrais. Tandis que jâentretenais ta pure lumiĂšre sur les eaux, câĂ©tait comme si jâeusse attisĂ© en moi-mĂȘme lâardeur dĂ©vorante dont cette femme mâavait embrasĂ©. Elle, cependant⊠Mais que tâimporteâŻ! Apprends seulement ceci : comme tu fus associĂ©e Ă mon amour, tu vas lâĂȘtre Ă ma haine. LâĆuvre de justice et de chĂątiment, câest Ă toi que je la rĂ©serve. La TrĂ©gorroise au front romanesque a souvent exprimĂ© le vĆu de dormir, bercĂ©e par les grandes voix du Raz, Ă lâabri de tes murs inĂ©branlables : elle y dormiraâŻ!⊠Elle y dormira, cĂŽte Ă cĂŽte avec son complice, dâun sommeil plus profond que les abĂźmes qui tâenvironnent, et tu flamboieras au-dessus de leur couche, tel quâun cierge dâhymen, le plus beau qui se puisse rĂȘver Ă des noces humaines, fĂ»t-ce Ă des noces dâĂ©ternitĂ©âŻ!âŠ
LâĆil vert clignota, comme en signe dâacquiescement, puis se voila dâune paupiĂšre dâombre, enfin sâĂ©teignit. Je nâattendis pas que lâĆil rouge commençùt de poindre, et, agitant une derniĂšre fois mon bonnet de peau dans la direction du phare :
ââA bientĂŽt, vieille GorlĂ©bellaâŻ!⊠Mes compliments au Louarn, jusquâĂ ce que je lui serve le festin promisâŻ!
p157-p158
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Anatole Le Braz (Le Gardien du feu)
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En quatre bonds jâeus dĂ©gringolĂ© les marches de lâescalier de pierre. Jâavais besoin de me purifier les poumons au grand air de la nuit : je volai dâune course, Ă travers les landiers, jusquâaux roches de lâextrĂȘme Pointe, et lĂ , couchĂ© sur le dos parmi le romarin, les bras en croix sous ma tĂȘte, avec, au-dessus de moi, le ruissellement infini de la Voie lactĂ©e, jâachevai de me prĂ©ciser Ă moi-mĂȘme, mĂ©thodiquement, mathĂ©matiquement en quelque sorte, tout le dĂ©tail du plan de vengeance conçu Ă KĂ©rudavel et dont jâavais, dans ma conversation avec ma femme, posĂ© les premiers jalons. Jamais je ne mâĂ©tais senti la pensĂ©e aussi Ă©nergiquement lucide. Il semblait que la vie de mon cĆur broyĂ© se fĂ»t rĂ©fugiĂ©e dans mon cerveau et quâelle en dĂ©cuplĂąt les puissances. JâĂ©tais presque confondu de voir avec quelle aisance, quelle soliditĂ©, tous les fils de ma combinaison se tramaient et se nouaient comme de soi.
Il mâen vint une espĂšce dâexaltation hĂ©roĂŻque, lâorgueil de lâhomme qui non seulement nâest plus le jouet des Ă©vĂ©nements, mais, au contraire, les tient Ă sa merci.
En me relevant, jâaperçus par-delĂ les courants du Raz, tout pailletĂ©s dâun scintillement dâastres, lâĆil vert de GorlĂ©bella qui me regardait.
ââSalut Ă toi, mâĂ©criai-je dans un accĂšs dâenthousiasme farouche, salut Ă toi, nocturne Ă©meraude des mers du ponant, gardienne incorruptible du feu, image vivante de VestaâŻ! Tu sais si je tâai consciencieusement servie. Parmi les hommes attachĂ©s Ă ton culte, il nâen est pas un qui tâait donnĂ© des gages plus forts de constance et de fidĂ©litĂ©. Je ne crois pas que tu aies Ă me reprocher une seule dĂ©faillance. Deux annĂ©es durant, et bien quâen proie aux pires obsessions de lâamour, jâai montĂ© autour de toi une faction sacrĂ©e. Tu mâes tĂ©moin que jamais le sommeil ne mâa surpris Ă mon poste. Tout mon honneur, je le mettais Ă ce que ta flamme brĂ»lĂąt haut et clair et quâelle resplendĂźt au loin, dans lâespace, multipliĂ©e par le rayonnement des prismes, comme la veilleuse des eaux immenses, comme la lampe de lâinfini⊠Si jâai bien mĂ©ritĂ© de toi, le moment est proche oĂč tu vas pouvoir mâen rĂ©compenser. Te lâai-je assez murmurĂ©, le nom de cette AdĂšle Ă qui tu mâarrachais huit mois sur douzeâŻ! Te lâai-je assez murmurĂ©, dis-moi, le jour, en astiquant tes dĂ©licats rouages, la nuit, pieusement assis Ă mon banc de quart, ainsi quâun cĂ©nobite dans sa stalle de chĂȘne, devant le maĂźtre-autelâŻ! Confidente de mes souvenirs passionnĂ©s et de mes larmes, tu as vu de quel cĆur je lâidolĂątrais. Tandis que jâentretenais ta pure lumiĂšre sur les eaux, câĂ©tait comme si jâeusse attisĂ© en moi-mĂȘme lâardeur dĂ©vorante dont cette femme mâavait embrasĂ©. Elle, cependant⊠Mais que tâimporteâŻ! Apprends seulement ceci : comme tu fus associĂ©e Ă mon amour, tu vas lâĂȘtre Ă ma haine. LâĆuvre de justice et de chĂątiment, câest Ă toi que je la rĂ©serve. La TrĂ©gorroise au front romanesque a souvent exprimĂ© le vĆu de dormir, bercĂ©e par les grandes voix du Raz, Ă lâabri de tes murs inĂ©branlables : elle y dormiraâŻ!⊠Elle y dormira, cĂŽte Ă cĂŽte avec son complice, dâun sommeil plus profond que les abĂźmes qui tâenvironnent, et tu flamboieras au-dessus de leur couche, tel quâun cierge dâhymen, le plus beau qui se puisse rĂȘver Ă des noces humaines, fĂ»t-ce Ă des noces dâĂ©ternitĂ©âŻ!âŠ
LâĆil vert clignota, comme en signe dâacquiescement, puis se voila dâune paupiĂšre dâombre, enfin sâĂ©teignit. Je nâattendis pas que lâĆil rouge commençùt de poindre, et, agitant une derniĂšre fois mon bonnet de peau dans la direction du phare :
ââA bientĂŽt, vieille GorlĂ©bellaâŻ!⊠Mes compliments au Louarn, jusquâĂ ce que je lui serve le festin promisâŻ!
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Anatole Le Braz (Le Gardien du feu)
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Un fusil de chasse est appuyĂ© contre le Chevrolet Suburban, dont les warnings clignotent. Alex dit quâil est allĂ© chercher une arme pour se protĂ©ger, au cas oĂč. Sa voix est hystĂ©rique. Il marche, croise les bras, se penche en avant, met les mains sur les cuisses, ne tient pas en place. Qui le pourrait ? Il a pris le pouls des victimes, dit-il. Cela sâannonce mal.
« Câest une longue histoire, ajoute-t-il ensuite, sans quâon lui pose la moindre question. Mon fils a Ă©tĂ© impliquĂ© dans un accident de bateau, il y a quelques mois ; il a reçu des menaces. »
Quelques secondes passent, puis il demande si câest officiel, si sa femme et son fils sont morts. « Ils en ont lâair », rĂ©pond le sergent dâun ton impersonnel, presque surpris dâavoir Ă prĂ©ciser ce qui semble relever de lâĂ©vidence. Alex Murdaugh grimace, commence Ă sâeffondrer, se redresse. Il souffle, renifle, se racle la gorge plusieurs fois, sâessuie le visage avec son T-shirt. « DĂ©solĂ©, dit-il, comme sâil essayait de se ressaisir. Vraiment dĂ©solĂ©. » Un second policier passe dans son champ de vision et, comme un rĂ©flexe aimable, Alex Murdaugh pose la question la plus normale qui soit : « Comment ça va ? »
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Arthur Cerf (Les meurtres du Lowcountry (French Edition))
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Pendant l'enfance, il m'appelle wlidi, "mon petit fils".
Pourtant, il doit m'appeler benti, ma fille.
Il dit souvent: "Tu n'es pas ma fille."
Pour me rassurer, je comprends que je suis son fils.
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Fatima Daas (La Petite DerniĂšre)